Journée nationale de la Résistance
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à l'instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance.
Discussion générale
M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements à gauche) Le 27 mai 2013, il y aura soixante dix ans qu'a eu lieu la première réunion constitutive du Conseil national de la Résistance (CNR), présidé par Jean Moulin.
Depuis le 11 novembre 1942, la zone libre n'existe plus ; l'Allemagne nazie et le régime complice de Pétain accentuent la répression à l'encontre de la Résistance, que son absence de coordination, en dépit de l'appel du 18 juin, fragilisait. C'est pourquoi le général de Gaulle et l'ensemble des dirigeants de la France libre ont compris la nécessité d'unifier les différents mouvements de Résistance. Son délégué général Jean-Moulin, parachuté en France en janvier 1942, a su gagner leur confiance et les inciter à travailler ensemble.
La création du CNR est l'aboutissement de ces efforts. Sa première réunion, au premier étage du 48, rue du Four, chez René Corbin, réunissait 19 personnes, toutes recherchées, dans la plus grande clandestinité : huit grands mouvements de résistances, la CGT, la CFTC et les six grands partis de la IIIe République qui se reconnaissaient dans les idéaux républicains. Ce fut un acte fondateur qui a rassemblé des personnalités d'horizons différents autour des valeurs de la République.
Le CNR s'est assigné deux missions : mettre en oeuvre un plan de lutte immédiat et efficace de lutte contre l'occupant et le régime de Vichy, élaborer les mesures à appliquer après la Libération : ce fut le programme du CNR, qui visait à restaurer la démocratie sous toutes ses formes et à mettre en place des réformes économiques et sociales qui façonnent encore notre société.
L'arrestation, le 21 juin 1943, de Jean Moulin à Caluire et sa disparition auraient pu mettre le CNR en péril. Tel ne fut pas le cas, et le CNR représentera jusqu'au bout le refus de la capitulation, à l'instar du général de Gaulle qui s'imposa comme l'incarnation de ce refus.
Telle fut l'épopée du CNR. Certains ont payé au prix fort le refus de se soumettre à un ordre totalitaire et leur volonté de reconquérir pour le bien de tous les droits fondamentaux. Le personnage le plus emblématique du Conseil, Jean Moulin, a payé de sa vie l'attachement à son idéal et repose depuis 1964 au Panthéon, ce n'est que justice. Mais l'hommage de la patrie va à tous les résistants qui font partie « des martyrs, des vaillants, des forts » chantés par Victor Hugo.
Voilà qui justifie cette proposition de loi, qui instaure une journée nationale pour assurer la transmission de la mémoire et rendre hommage aux acteurs de la Résistance, dont certains sont encore vivants.
Certains esprits chagrins craignent que l'on encombre le calendrier mémoriel. Mais aucune journée commémorative n'est dédiée spécifiquement à la Résistance. Il y a ceux qui écrivent l'Histoire et ceux qui la font : ce sont ces derniers que je privilégie. Un récent sondage révèle que près des deux tiers des jeunes de 15 à 24 ans ignorent ce que fut la rafle du Vel d'Hiv. C'est dire que la route est longue. Et 85 % de nos concitoyens estiment important de transmettre cette mémoire aux jeunes, alors que le négationnisme et le révisionnisme ressurgissent. A nous d'aider notre jeunesse à appréhender son propre avenir en tirant les leçons de l'Histoire. « Celui qui ignore son passé » disait Churchill, « se condamne à le revivre»...
Dans de nombreux départements et établissements scolaires, le Concours de la Résistance et de la Déportation participe de cette oeuvre pédagogique, mais il n'est pas partout suivi.
Les anciens résistants demandent depuis longtemps la mise en place d'une telle journée. Bien des collectivités territoriales ont relayé cette demande des associations.
Le 27 mai ne sera ni férié, ni chômé. L'article 3 a fait l'objet d'une concertation avec le rapporteur, M. Kerdraon : il concerne les actions pédagogiques à mener auprès des élèves de collèges et lycées. Alors que notre pays, écrasé sous la botte nazie et le régime de Vichy, était près de sombrer dans la résignation, des femmes et des hommes se sont levés, dans un formidable élan de volontarisme et de lucidité, allant jusqu'à imaginer la société de demain, démarche concrétisée dans le programme du CNR qui évoque « les jours heureux » : c'était rompre avec le fatalisme pour influer sur le cours des choses. C'est là l'acte fondateur. Alors que le fossé se creuse entre l'opinion et le monde politique, c'est nous inviter à la réconcilier avec la chose publique que d'aller chercher dans l'Histoire des raisons d'espérer en une République plus juste et plus fraternelle. Cette proposition de loi entend apporter une modeste contribution à cette belle entreprise. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Ronan Kerdraon, rapporteur de la commission des affaires sociales . - Je salue l'excellente initiative de M. Mirassou, qui s'est exprimé avec son talent habituel. Le 27 mai 1943 eut lieu la première réunion du CNR qui réalisait l'union politique des mouvements de résistance, partis et syndicats derrière le général de Gaulle. Il est urgent de renouer avec les valeurs qu'il a promues. Cette proposition de loi s'inscrit dans la suite de celle sur le 19 mars, marquant la fin de la guerre d'Algérie, que nous devons à Alain Néri.
L'instauration d'une telle journée est un devoir de mémoire et d'histoire. Parmi les hommes et les femmes de la Résistance, 20 000 tués au combat, 30 000 fusillés, plus de 60 000 déportés. Il faut faire connaître ce dévouement à la jeunesse. Les valeurs de la Résistance doivent nous être une référence à transmettre. Les valeurs de paix et de démocratie sont essentielles à l'heure où tant de conflits frappent le monde.
Le temps passe mais la reconnaissance de la nation doit demeurer toujours aussi vive. Il faut éclairer l'Histoire par les lois et les lois par l'Histoire, écrivait Montesquieu ; c'est dans cette logique que nous nous plaçons.
Quel courage, quelle abnégation chez les combattants qui ont lutté contre l'occupant ! Jean-Pierre Azéma, lors de son audition, a souligné que c'est bien l'unification politique de la Résistance qui a préservé la France des luttes pour le pouvoir qui ont suivi la libération dans d'autres pays européens, comme en Grèce et en Yougoslavie.
L'histoire de la Résistance figure dans les programmes de troisième et de première. Le Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) joue un rôle majeur de mémoire. Il faut donner aux établissements et enseignants volontaires, avec cette journée, la possibilité d'approfondir, en leur laissant une grande souplesse -pour ne pas répéter l'erreur de la lettre de Guy Moquet.
Le programme du CNR préfigurait les grandes réformes sociales de l'après-guerre, pour une France plus juste et plus solidaire. Que d'avancées ne devons-nous pas à la Résistance, depuis le droit de vote des femmes jusqu'au Préambule de la Constitution de 1946, en passant par la sécurité sociale et les nationalisations. En instituant cette journée, voulue par de nombreuses associations et de nombreux parlementaires, dont beaucoup furent précurseurs -comme André Vallet, Gisèle Printz ou Guy Fischer-, nous aurons fait oeuvre utile. Il ne s'agit pas ici d'alourdir le calendrier mémoriel ni de prescrire une vision officielle de l'Histoire mais de saluer l'action de la France libre, dont Jean Moulin fut l'une des grandes figures. En juin 1940, dans une lettre adressée à sa mère, il écrit : « Je ne savais pas qu'il était si simple de faire son devoir quand on est en danger ». Malraux, dans son discours d'hommage au Panthéon, voyait en lui un Carnot qui avait su donner corps à cette armée de l'ombre.
L'actualité des valeurs pour lesquelles se sont battus les résistants, dont les derniers représentants disparaissent au fil des ans, comme Stéphane Hessel ou Robert Galley, mérite d'être rappelée. André Malraux, encore, disait : « Dans un univers passablement absurde, il y a quelque chose qui n'est pas absurde, c'est ce que l'on peut faire pour les autres ». Cette phrase résume à merveille le dévouement et le courage des soldats de l'ombre. Le choix de la date du 27 mai s'imposait.
Au-delà des cérémonies officielles, il s'agira, et c'est l'objet de l'article 3 du texte, de rappeler le rôle des jeunes dans la Résistance. Élu des Côtes d'Armor, je veux rendre un hommage particulier au lycée Anatole Le Braz de Saint-Brieuc et à ses lycéens martyrs. Le 10 décembre 1943, la Gestapo fait irruption dans l'établissement et en ressort avec 21 élèves accusés de résistance, dont Pierre Le Cornec, Yves Salaün et Georges Geffroy. Quelques semaines plus tôt, à Plérin, la commune dont je suis maire, ils ont tué un SS. Ils seront fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Ils avaient 18 ans. « Mon cas était plus grave que je ne le pensais », écrit Georges Geffroy dans une dernière lettre aux siens. « J'ai joué, j'ai perdu, ce que d'autres gagneront, j'ai combattu pour un grand idéal : la liberté » écrit Yves Salaün. « Ma vie a été courte, mais j'ai le sentiment qu'elle a été belle, car j'avais un idéal », écrit Pierre Le Cornec. Ces témoignages méritent d'être transmis aux jeunes générations. Certains, comme Louis Le Faucheur, décédé la semaine dernière, connaîtront le cauchemar de la déportation. Au total, 81 élèves et un professeur du lycée Le Braz sont morts pour la France. L'établissement a reçu la Croix de guerre avec étoile d'argent.
Les jeunes sont porteurs des valeurs des mouvements de jeunesse de l'entre-deux-guerres. Unis par un même désir de liberté, de la guerre d'Espagne à la Résistance, ils ont exprimé leur foi dans les valeurs de la République.
Marc Bloch, dans L'étrange défaite, évoquait un nouveau printemps. Je pense aussi à René Char pour qui résistance rimait avec espérance. Rendons hommage à cette croyance indéfectible dans les valeurs républicaines en adoptant cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Merci au président Bel de présider cette séance : sa présence m'honore et je sais l'importance qu'il accorde à cette journée au regard de son histoire. (Applaudissements)
Je salue MM. Mirassou et Kerdraon, respectivement auteur et rapporteur de cette proposition de loi.
Il y a quelques mois, j'étais à El Alamein pour l'anniversaire de cette bataille qui marqua un tournant de la deuxième guerre mondiale. J'étais accompagné d'un ancien combattant de la France libre. Ce héros de la guerre eut le discours le plus élogieux que j'ai pu entendre sur les résistants, animés, à ses yeux, par un sens du devoir hors du commun.
Les combattants de l'ombre, disait-il, ont mis leur vie en danger à toute heure du jour et de la nuit, ainsi que celle de leurs proches, ce qui n'a pas été le cas du soldat que j'étais.
Robert Chambeiron, président d'honneur de l'Office des anciens combattants, Daniel Cordier, qui faisait le guet, le 27 mai, rue du Four, qui frappe par la modestie de son héroïsme, méritent, avec tous ceux de la Résistance, un juste et nécessaire hommage. Leur lutte contre le nazisme et la barbarie fut exemplaire. En cette année anniversaire, instituer cette journée a toute sa justification, pour perpétuer la mémoire de chair de ces temps avant qu'elle ne devienne mémoire de pierre. Denise Vernay, Françoise Seligmann, Alain Plantey ou Stéphane Hessel, sans oublier Pierre Brossolette, ont déjà rejoint la longue cohorte des héros disparus.
La flamme de la Résistance ne doit pas s'éteindre, disait le général de Gaulle. C'est à cet appel que répond ce texte. La coordination qu'opéra le CNR a non seulement contribué à libérer la France mais inspiré l'essentiel des lois votées après-guerre, et permis la reconstruction du pays.
Les valeurs de solidarité, de justice, de fraternité, de courage et de combat seront, le 27 mai, mises à l'honneur et le sacrifice de ces hommes et de ces femmes sera rappelé, comme celui de Manouchian et des fusillés au Mont Valérien parce qu'étrangers et résistants. Il faut rappeler les valeurs qu'ils ont défendues en le payant de leur vie, les transmettre à notre jeunesse. Je salue les enseignants qui déjà s'y attèlent ; avec ce texte, ils garderont toute leur liberté pédagogique.
Ce texte reçoit le plein soutien du Gouvernement. Je suis pour une mémoire non pas éteinte mais vive, vivante, qui honore et aide à avancer vers plus de tolérance, plus de respect, plus de liberté. De ces femmes et de ces hommes, j'ai retenu qu'ils étaient modestes et tolérants ; ils sont l'honneur de la République, de ce que doivent être une République apaisée et une mémoire elle-même apaisée. (Applaudissements)
M. le président. - Merci, monsieur le ministre, pour vos propos.
M. Bernard Fournier . - Cette proposition de loi a le soutien de nombreuses associations d'anciens combattants et amis de la Résistance. Elle rencontre mon approbation : elle rend hommage à des hommes et des femmes qui sont allés jusqu'au sacrifice suprême pour défendre des valeurs intemporelles et universelles. Peu nombreux, souvent jeunes, ils étaient la France et ont fait la France. Faisant fi de leurs différences, ils se sont réunis autour de Jean Moulin, sous l'autorité du général de Gaulle, pour faire triompher leur idéal. Ils luttaient contre l'esprit de collaboration, pour un ordre social plus juste.
Le programme économique et social du CNR a encore une influence considérable dans notre société. Il est un bel exemple de ce que des femmes et des hommes déterminés peuvent faire de mieux pour une cause qui les transcende. Il a permis à notre pays de se relever et d'espérer. Il a créé les fondements de notre République sociale, créé la sécurité sociale et consacré les droits inscrits au préambule de 1946.
Il est de notre devoir, alors que seuls 23 des 1 038 Compagnons de la Libération sont encore en vie, de rendre hommage à l'armée des ombres et de transmettre à notre jeunesse les valeurs d'indépendance et de liberté qu'elle a portées.
Le 27 mai ne sera ni férié ni chômé : je m'en réjouis car les journées commémoratives instaurées ces dernières années ont abondé le calendrier, depuis l'abolition de l'esclavage du 10 mai jusqu'au 5 décembre pour les morts de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, en passant par l'hommage aux harkis du 25 septembre ou aux combattants de la guerre d'Indochine le 8 juin...
M. Alain Néri. - Et le 19 mars ?
M. Bernard Fournier. - Je ne l'oublie pas, nous l'avons célébré tout récemment.
La commission des affaires sociales a amélioré la proposition initiale : seuls les établissements du second degré seront concernés par les actions pédagogiques, pour lesquelles les enseignants garderont leur liberté pédagogique. Je salue la suppression du terme « déportation », trop large et peu qualifiant car elle ne fut pas l'apanage du seul régime nazi.
Le groupe UMP votera de façon quasi-unanime cette proposition de loi et je veux conclure en rendant ici un vibrant hommage à la Résistance française. (Applaudissements)
Mme Isabelle Pasquet . - Le groupe CRC formule une telle proposition depuis des années. Elle répond à une demande récurrente des associations d'anciens combattants et de résistance. Certes, il y a déjà le 18 juin ou le 8 mai mais célébrer le 27 mai, c'est reconnaître l'apport inestimable de la Résistance à la reconstruction du pays et rendre hommage à l'armée de l'ombre.
Cette date, qui marque le début du processus politique de libération, fait l'unanimité : elle symbolise l'unification de la résistance et marque la participation du peuple français à l'entreprise de libération.
N'oublions jamais ceux qui ont fait ce choix de l'engagement au péril de leur vie pour offrir un avenir à tous leurs concitoyens. Cette période nous enseigne aussi qu'aucune destinée personnelle ne peut s'extraire d'une volonté collective partagée. L'action collective de la Résistance a rendu à la France, à la Libération, ses lettres de noblesse et fait échec à la volonté britannique et américaine de mettre notre pays libéré sous la tutelle de leur administration.
Retenir la date du 27 mai, c'est aussi célébrer le programme et l'héritage du CNR, que certains s'acharnent, aujourd'hui, à tenter de démanteler -on se souvient des déclarations de Denis Kessler. Nombreux furent ceux, parmi lesquels Stéphane Hessel, qui s'élevèrent, dans un appel, contre ces attaques répétées. Au nom de quel dogme doit-on sacrifier les principes qui ont guidé l'élaboration du programme des « jours heureux » ? La haine prospère sur le terrain de l'exclusion, du renoncement et du sentiment de l'impuissance. Quand sombre le collectif, c'est alors que s'ouvre la boîte de Pandore.
Ce programme appelait à l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale : droit au travail et au repos, au retour à la nation des richesses du pays, à une retraite digne pour les vieux travailleurs. Toute politique publique doit être évaluée à cette aune.
En adoptant cette proposition de loi, nous rendrions un bel hommage à Stéphane Hessel, qui a consacré sa vie à faire vivre la flamme de la Résistance. (Applaudissements)
M. Jean Boyer . - Dans deux mois, la France inscrira dans sa mémoire une date marquée par un homme exceptionnel : Jean Moulin. De tels hommes sont rares.
Chaque jour, les dernières paupières se ferment, les derniers résistants succombent au combat de la vie. Aujourd'hui, notre pays est en paix. Qu'il n'oublie pas le 8 mais 1945.
En juillet dernier, je représentais le Sénat à Vichy pour célébrer les 80 parlementaires qui avaient dit non à la résignation, à la défaite. Il est plus facile aujourd'hui de penser que nous aurions tous été résistants ; à l'époque, c'était autrement difficile. Jean Moulin a été un résistant de la première heure.
Cher Jean-Jacques Mirassou, vous n'étiez pas encore né, dans ce beau département de la Haute-Garonne. Vos parents ne savaient pas si vous seriez un brillant élève, un chirurgien-dentiste qui rendrait cet hommage aux résistants. (Applaudissements à gauche) Le 15 août 1944, j'avais 7 ans, je gardais les vaches avec ma mère. Je me souviens encore du tract tombé du ciel où je lus que la victoire était certaine. Je ne le relis pas, je le connais par coeur !
Les semailles de l'espérance avaient été plantées dès le 18 juin 1940, par le plus grand des Français du XXe siècle. En France, un patriote français refusait la résignation. Il allait finir trahi, décédant dans le train qui le menait à la déportation, des suites des tortures subies. Nous devons parler, au nom de la France, de l'idéal, de la solidarité, de la fraternité. Jean Moulin a enduré des souffrances morales et physiques exceptionnelles. Nous lui devons hommage.
En 1943, la France avait peur. Aujourd'hui, elle s'engage, au Mali et dans les actions humanitaires. Nous vivons un moment fort autour de cette journée nationale de la Résistance. Le groupe UDI-UC votera des deux mains cette proposition de loi. (Applaudissements)
M. Robert Tropeano . - Cette proposition de loi ponctuera le calendrier commémoratif national d'un nouvel hommage attendu aux combattants de l'ombre qui sont l'honneur de la France. Le groupe du RDSE a toujours soutenu les initiatives exprimant la reconnaissance de la Nation aux victimes et militaires.
La Résistance a dévié le destin de notre pays. Répondant à l'appel du 18 Juin, des hommes et des femmes se sont résolument engagés. Plus de 80 000 personnes ont été déportées pour fait de résistance ; 35 000 sont mortes. Près de ma commune, 18 résistants ont été fusillés...
L'instauration d'une journée nationale de la Résistance est une demande ancienne et consensuelle. L'article premier devrait donc être approuvé à l'unanimité. Je m'en réjouis. Le choix du 27 mai s'impose. Derrière le CNR, il y a une grande figure de l'engagement et du patriotisme : Jean Moulin. Le courage, la grandeur, le dévouement, l'abnégation : les mots manquent pour qualifier l'action de l'homme au chapeau.
Rendre hommage à ces hommes, c'est donner aux jeunes un exemple de fraternité, leur transmettre les valeurs de la République. J'approuve la rédaction retenue par la commission des affaires sociales : les élèves sont très réceptifs aux actions des enseignants, dont la liberté pédagogique mérite d'être respectée. Stéphane Hessel nous a quittés le 27 février dernier, après Raymond et Lucie Aubrac, qui allaient à la rencontre des lycéens pour leur communiquer l'histoire de la Résistance.
Cette proposition de loi maintiendra le lien mémoriel entre les générations. C'est un hommage à ceux qui « sont morts dans les caves sans avoir parlé », auxquels André Malraux a su rendre un si vibrant hommage. Apportons une nouvelle pierre au bel édifice de la mémoire collective. (Applaudissements)
M. André Gattolin . - Il y a un an, nous adoptions une proposition de loi créant le conseil des communes « Compagnons de la Résistance ». Ce texte va dans le même sens : refuser que s'éteigne la mémoire de ceux qui ont lutté contre l'occupant. Je rendais alors hommage à Stéphane Hessel, homme exceptionnel qui nous a quitté depuis, après Lucie et Raymond Aubrac, Louise London, Maurice Voutey, Germaine Tillon et tant d'autres. Ces femmes et ces hommes consacraient leur dernière énergie à témoigner. Leur message, c'était l'esprit de la Résistance. Leur disparition laisse un vide qui ne pourra être comblé. Plus le temps passe, plus la flamme sera difficile à porter dans un pays qui n'aura jamais connu une aussi longue période de paix.
Le mouvement politique auquel j'appartiens a toujours été réticent à l'égard des lois mémorielles. Mais ce texte-ci ne peut être taxé d'électoralisme ou de nationalisme cocardier puisque la République a aussi connu un passé collaborationniste et que la Résistance eut aussi une dimension internationale, y compris en Allemagne même.
En outre, on ne nous propose pas un nouveau jour chômé ou férié mais un travail de mémoire. Le choix du 27 mai 1943 est une référence judicieuse. On aurait pu penser au 15 mars 1944, jour où fut adopté le programme du Conseil national de la Résistance mais à cette date, Jean Moulin n'était plus vivant. Il était bon aussi que la date retenue ne tombe pas pendant les vacances scolaires. Le débat sur la Résistance doit-il toutefois se cantonner au cadre scolaire ? Le 27 mai doit être un jour pour tous. Les thèmes de la Résistance ne doivent pas être cantonnés aux cours d'histoire. Ils peuvent être l'occasion de découvrir les écrits de Jacques Decour, les peintures d'André Girard, fondateur du réseau Carte, les poèmes de René Char ou encore le Chant des marais composé par le musicien allemand Rudi Goguel.
Ce texte est un passage de témoin, qui appelle les simples citoyens, les exploités, les humiliés à ne pas se laisser impressionner par les dérives actuelles qui menacent la paix et la démocratie. Le groupe écologiste le votera (Applaudissements sur tous les bancs)
Mme Gisèle Printz . - Nous célébrons chaque année, le 8 mai, la victoire sur la barbarie nazie, victoire des valeurs démocratiques et humanistes sur une conception raciste et barbare de la société. La France a dû surmonter la période d'abandon et d'indignité commencée le 10 juillet 1940, quand une majorité de parlementaires ont voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. La République avait été ainsi souillée par l'esprit collaborationniste qui a conduit à la rafle du Vel d'Hiv et aux exactions de la milice. La Résistance était toutefois en marche ; elle a commencé avec le refus de 80 parlementaires de voter les pleins pouvoirs. Diverse, dispersée, mal organisée, elle était le fait d'hommes et de femmes dotés d'un formidable courage et d'une foi inébranlable dans les valeurs de la République. Citons les époux Aubrac, Germaine Tillon, Stéphane Hessel, Françoise Seligmann, Pierre Mendès-France, Geneviève de Gaulle, Simone Weil.
La Résistance de l'intérieur complétait celle organisée par le général de Gaulle depuis Londres. C'est à sa demande que le Conseil national de la Résistance a vu le jour le 27 mai 1943, sous la présidence de Jean Moulin. Son programme appelle à un véritable redressement. Il promet une République nouvelle, démocratique et sociale.
Le préambule de 1946 consacre ces valeurs ; la IVe République mettra en oeuvre les propositions politiques du CNR. Les résistants ont permis à la nation toute entière de s'engager dans l'oeuvre de redressement national. Nous avons besoin de cet esprit aujourd'hui.
André Malraux, lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, souligna le rôle de ce jeune préfet dans la création de « l'armée des ombres ». Le 8 juillet 1943, il devait mourir en route pour la déportation.
La journée instaurée par cette proposition de loi permettra de faire mieux connaître aux lycéens et collégiens une page glorieuse de notre histoire, de transmettre les valeurs et les idéaux de la République. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Didier Guillaume . - Merci, cher Jean-Jacques Mirassou, de nous permettre de mettre ce matin l'histoire sur le devant de la scène, pour que le passé ne se répète pas. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Le 27 mai 1943, à quelques rues d'ici, se réunissaient des hommes et des femmes unis par un même amour de la patrie et un même idéal de la liberté. Le Conseil national de la Résistance a un nom : Jean Moulin. C'est grâce à lui que nous sommes ce que nous sommes. L'appel du 18 Juin résonne encore. Comment ne pas se rappeler Jean Moulin, Lucie et Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, Elsa Triolet et Louis Aragon, toutes ces femmes et tous ces hommes célèbres ? Mais la Résistance, ce sont aussi les anonymes, parfois nos pères ou grands-pères.
Qui, parmi nous, peut dire ce qu'il aurait fait le 20 juillet 1940 ? Saluons les 80 parlementaires qui ont dit : la France restera debout.
La Drôme a connu le maquis du Vercors, c'était la maison de ceux qui refusaient le STO, la barbarie nazie. Sous la houlette du colonel Triboulet, le Vercors a tenu. Une pensée pour les 16 fusillés de la Chapelle-en-Vercors, une pensée pour Vassieux-en-Vercors anéantie par 72 planeurs allemands. Une pensée pour la grotte de la Luire, l'hôpital du Vercors, où les blessés ont été achevés, les soignants déportés.
Nous ne voulons pas revisiter l'histoire mais préparer l'avenir. Si nous oublions, rien ne sera demain comme aujourd'hui. Encore un grand merci à Jean-Jacques Mirassou. Nous sommes unis par une seule cause : la défense de la France, de la liberté, de la République. Faisons oeuvre utile pour la Nation ! (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Alain Néri . - Nous vivons un moment d'une importance capitale. Nous allons rendre hommage à ceux qui se sont mobilisés dans les maquis, avec les Forces françaises libres (FFL), mais qui ont aussi préparé l'avenir, les avancées sociales dont nous jouissons aujourd'hui.
Le programme du CNR est trop oublié : rappelons-le aux jeunes et aux moins jeunes. La Résistance a commencé même avant l'appel du 18 Juin. Certains avaient compris qu'il y a un moment où un pays doit se lever pour vivre ou se coucher pour mourir. Ils ont affronté les dangers, peut-être avec l'inconscience de leur jeunesse pour lutter. Je pense aussi aux 80 parlementaires qui ont refusé les pleins pouvoirs à Pétain. Qu'aurions-nous fait en 1940 ? Personne ne peut le dire. J'espère que je ne me serais pas trompé... Les résistants des maquis étaient les héritiers des sans-culottes de Valmy.
Souvenons-nous du chant du partisan : « Ami, entends-tu le bruit sourd du pays qu'on enchaîne ». Mal armés, mal préparés, ceux qui se sont levés ne voulaient pas d'un pays qu'on enchaîne.
Je veux ici adresser une pensée aux maquis d'Auvergne. « On est d'Auvergne et on ne lâche pas ! » dit notre proverbe. Cela supposait de s'organiser. C'est pourquoi l'oeuvre de Jean Moulin fut fondamentale. Il sut réunir « celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas ». Il sut rassembler, autour d'une même vision de la France.
Le programme du CNR, c'est la sécurité sociale, le droit de vote aux femmes, les retraites, les conditions de travail. Ils avaient l'audace de penser l'avenir, cette République de progrès social, cette République de liberté, d'égalité, de fraternité.
Jean-Jacques Mirassou nous permet de faire oeuvre d'éducation civique et politique, à l'heure où il nous faut lutter contre le révisionnisme, le retour des théories les plus réactionnaires, qui nous rappellent des périodes sombres. Je me félicite de l'instauration de cette journée mais surtout de son enseignement dans toutes les écoles de France, qu'il faudrait généraliser à toutes ces journées commémoratives.
« Souviens-toi, jeunesse de France ! » exhortait André Malraux au Panthéon. Nous devons faire en sorte que la jeunesse de France se souvienne, que tous les républicains se réunissent pour défendre la liberté et la démocratie ! (Applaudissements)
La discussion générale est close.
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
Discussion des articles
Article premier
M. Roland Courteau . - Ce texte rend hommage à ceux qui n'ont pas parlé sous la torture, qui ont choisi de lutter, de ne pas se soumettre. Nous ne devons pas, nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas oublier que d'autres ont frayé un chemin, au prix du sang et des larmes, et que nous leur devons notre liberté. La mémoire, c'est la première justice rendue aux victimes, le premier rempart contre la guerre. Un peuple sans mémoire est un peuple sans identité, sans avenir. Ceux qui oublient leur passé sont condamnés à le revivre. « Le plus grand défaut de l'homme, c'est sa mémoire courte » me disait un élève de sixième.
Que toujours et sans cesse souffle le vent de l'histoire pour rappeler le sacrifice de ceux qui perdirent la vie. Que toujours et sans cesse souffle le vent de l'histoire pour rappeler aux jeunes générations ce que nous sommes, d'où nous venons. Que toujours et sans cesse souffle le vent de l'histoire pour rappeler que d'un côté on se bat pour la paix tandis que de l'autre on opprime et on torture.
Merci à Jean-Jacques Mirassou de vouloir perpétuer le souvenir de Jean Moulin et de toutes ces femmes et tous ces hommes qui entrèrent en résistance. Victor Hugo écrit : « Les souvenirs sont une force, ils dissipent les ténèbres ; quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer de grandes dates, comme on allume des flambeaux ». Le 27 mai sera un tel flambeau, qui éclairera le passé et l'avenir. (Applaudissements)
Mme Frédérique Espagnac . - Les hommes qui se réunirent le 27 mai rue du Four n'étaient pas seuls : des millions d'hommes et de femmes étaient entrés, comme ceux, en résistance. Les Français résistants devenaient ce jour la Résistance française, véritable « armée des ombres ».
Combien de jeunes aujourd'hui peuvent encore citer ces héros, entonner le Chant des partisans ? Le temps fait implacablement son oeuvre, l'enseignement de l'histoire est sans doute trop parcellaire...
Pourtant, nous ne pouvons tolérer que la bravoure de ces hommes et de ces femmes tombe dans l'oubli, sans avoir jamais reçu l'hommage de la Nation. Je conclurai en citant à mon tour André Malraux évoquant « ce terrible cortège, avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; les 8 000 Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à un résistant. Entre le peuple né de l'ombre et disparu avec elle, nos frères dans l'ordre de la Nuit ». (Applaudissements)
M. Jacques Berthou . - Le 27 mai 1943, alors que Paris vit sous la surveillance de l'oppresseur, que toute la France est occupée, le CNR se réunit pour la première fois autour de Jean Moulin, dans le 6e arrondissement, dernier pied de nez à l'envahisseur avant sa capture. Le souvenir de la Résistance est encore vif chez les plus âgés d'entre nous : nos parents, nos grands-parents, les témoignages rappellent cette période où la France n'était plus la France, cette période du STO, de la soumission au régime nazi du maréchal Pétain.
Cette proposition de loi s'adresse à tous ceux qui ont cru en des lendemains meilleurs, qui écoutaient clandestinement les messages de la France libre. Les réseaux de la Résistance ont écrit, le 27 mai, ce que serait la France de demain. Avant, il y avait des résistances ; après, la Résistance. Ce jour-là, le CNR accorde au général de Gaulle une légitimité incontestée, la France devient un pays allié à part entière.
Je veux évoquer le souvenir des maquisards de l'Ain. Le 11 novembre 1943, à Oyonnax, ils défilaient à la barbe de l'occupant, malgré l'interdiction, pour déposer une gerbe portant l'inscription « Des vainqueurs de demain à ceux de 14-18 ». Ce fut un acte de résistance, de combat, qui continue de nous émouvoir.
La proposition de loi de Jean-Jacques Mirassou est une ode à la Résistance mais aussi un message aux générations futures. La force de la Résistance dépasse nos différences, nos divergences. Nous avons tous un devoir de mémoire. Il y a toujours eu des Français pour s'opposer à la soumission, à la confiscation de leur liberté de penser ou d'agir. C'est là le sens de cette proposition de loi.
Le CNR a forgé la France de l'après-guerre. Le gouvernement provisoire de la République française en a appliqué les recommandations, avec la création de la sécurité sociale et le vote des femmes.
Alors que les derniers résistants s'éteignent, il fallait faciliter la transmission pour ceux qui n'ont pas connu les humiliations ; les blessures de la population française furent le creuset dont s'élevèrent les résistants. Stéphane Hessel disait que résister, c'est créer comme créer, c'est résister. A la mémoire des résistants, il est de notre devoir d'adopter cette proposition de loi.
L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. J. Boyer.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque année, il est institué dans chaque département un concours national de la Résistance et de la Déportation.
M. Jean Boyer. - Pour conserver le souvenir dans la jeunesse, le prix de la Résistance est organisé dans beaucoup de départements. Ceux qui ont porté le flambeau disparaissent l'un après l'autre. Pour que les élus et les anciens combattants, La Marseillaise et Le chant des partisans continuent de vivre ensemble, inscrivons dans la loi ce concours national. Camus disait que la meilleure générosité envers l'avenir, c'est de donner beaucoup au présent : un propos d'une brûlante actualité. (Applaudissements)
M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Je partage votre flamme, d'autant que j'ai eu l'occasion de participer, comme enseignant, au concours de la Résistance et de la Déportation. Mais je ne crois pas utile d'inscrire ce concours dans la loi. La volonté politique de pérenniser cette manifestation, à laquelle participent 40 000 élèves chaque année, est bien là.
M. Kader Arif, ministre délégué. - Ce concours est un vecteur essentiel de transmission aux jeunes générations de la mémoire de la Résistance. Je travaille activement avec Vincent Peillon pour le rendre plus visible encore. Vous pouvez compter sur moi : ce concours ne doit pas disparaître. C'est pourquoi il ne me semble pas utile de l'inscrire dans la loi.
M. Jean Boyer. - Je retire l'amendement car la volonté est là, cette proposition de loi en témoigne.
L'amendement n°1 est retiré.
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Jacques Mirassou . - Je félicite le rapporteur qui a beaucoup oeuvré pour élaborer la rédaction de l'article 3. Merci à notre assemblée, qui a été à la hauteur des enjeux. Ce texte aura le mérite d'éveiller les consciences. J'ai coutume, en Haute-Garonne, d'évoquer Jean Moulin, prototype le plus noble de ce que peut produire la République et qui avait déjà refusé, comme préfet, le parjure, mais aussi Marcel Langeais, juif polonais qui, ayant participé à la guerre d'Espagne, a animé la trente cinquième brigade FTP-MOI, avant de mourir, dans des conditions dramatiques, le 23 juillet 1943. L'un et l'autre n'étaient pas prédestinés à se rencontrer : la Résistance les a réunis. Marcel Langeais, guillotiné comme un détenu de droit commun à Toulouse, est mort en criant « Vive la République ».
J'ai voulu nous mettre en capacité collective de faire vivre cette République. Le 27 mai sera une pierre blanche dans notre mémoire collective. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Jean-Claude Requier . - Je veux saluer la lucidité et le courage des résistants. J'ai moi aussi enseigné l'histoire de cette période et recueilli des témoignages de résistants, souvent réticents à évoquer une époque si difficile. L'oeuvre de la Résistance est indéniable, tant la France était à genoux : Henri Amouroux parle de « 40 millions de pétainistes ». Les patriotes, qui ont subi la torture, la déportation, méritent toute notre reconnaissance. Que soit ici honorée leur mémoire, tant bafouée à l'époque, quand la propagande de l'occupant les qualifiait de « terroristes ».
Je voterai ce texte des deux mains. (Applaudissements)
Mme Corinne Bouchoux . - « Le verbe résister se conjugue toujours au présent », disait Lucie Aubrac : nous voterons ce texte. (Applaudissements)
M. Didier Guillaume . - « L'essentiel n'est pas d'entretenir les cendres, c'est de raviver la flamme » disait Jean Jaurès. Merci à tous ceux qui étaient là ce matin, merci à Jean-Pierre Bel, président du Sénat, et à Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, d'avoir présidé cette séance et contribué à sa solennité. Je salue Jean-Jacques Mirassou, traversé par son histoire familiale, pour avoir eu l'initiative de ce texte. Nos parents, nos oncles et tantes, nos grands-parents nous parlent de cette période. Les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas cette chance. Quand auront disparu les derniers combattants du feu, les derniers résistants, il faudra entretenir la mémoire. Tel était le sens de l'amendement de Jean Boyer : retenir un moment pour que les jeunes s'approprient cette mémoire. Je le remercie de l'avoir retiré mais j'insiste, monsieur le ministre, pour que la flamme se transmette. Je pense à cet ancien résistant qui, malgré son grand âge, fait chaque année le tour des lycées de mon département, s'employant à transmettre cette mémoire. Le temps passe, les enfants d'aujourd'hui n'ont pas la même culture ni la même éducation que celle que nous avons reçue.
M. Roland Courteau. - Absolument.
M. Didier Guillaume. - Notre pays est souvent traversé par des vents violents, mais qui n'égaleront jamais la vigueur de la tempête de l'Occupation. N'oublions jamais que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise. Il est de notre devoir de nous rassembler autour des valeurs communes de la République et de tracer des perspectives, pour que l'histoire de nos grands-parents et de nos parents passe à nos enfants. (Applaudissements)
M. Bernard Fournier . - Le groupe UMP, à l'unanimité moins une voix, votera ce texte qui aidera à porter la flamme de la mémoire. (Applaudissements)
M. Jean Boyer . - Le groupe UDI-UC votera unanimement ce texte, Christian Namy nous a rejoints. Élu de Verdun, il connait bien les horreurs de la guerre. C'est pour qu'il n'y ait aucune ombre sur notre vote que j'ai retiré mon amendement. (Applaudissements)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales . - Notre assemblée est aujourd'hui unie autour de nos valeurs fortes. Merci, monsieur le ministre, pour la force et la sincérité de vos propos. Le maquis du Vercors, c'est aussi l'Isère, avec le Gisant de Malleval, village martyr de la Résistance.
Je pense aussi à notre collègue Guy Fischer, dépositaire d'une proposition de loi analogue, qui est avec nous dans la pensée. Je veux l'associer à notre vote, alors qu'il est engagé dans une autre sorte de résistance. (Applaudissements unanimes)
M. Kader Arif, ministre délégué . - Je veux saluer la présence de Jean-Pierre Raffarin, comme j'ai salué tout à l'heure celle de Jean-Pierre Bel au plateau : elle rehausse notre débat. Merci à tous de m'avoir donné l'occasion de vous écouter, merci pour la richesse de vos propos. Les mots de courage, de sacrifice, de liberté, de résistance, de devoir sont trop souvent, aujourd'hui, galvaudés. Merci d'avoir rappelé le courage de ces hommes et de ces femmes, leur diversité, qui est aussi géographique.
Partout où je serai invité dans ce cycle mémoriel, je viendrai car je m'y nourris dans ma personne aussi. Merci d'avoir rappelé les valeurs du CNR et la devise de la République, liberté, égalité et fraternité.
Merci enfin, par votre unanimité, de rendre hommage à ceux qui incarnent encore la Résistance, de réchauffer leur coeur en faisant connaître et partager l'honneur de la Résistance, qui est celui de notre pays.
A la demande du groupe socialiste, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 348 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 175 |
Pour l'adoption | 346 |
Contre | 2 |
Le Sénat a adopté.
(Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement)
Ce me fut un honneur tout particulier que de présider cette séance.