Compétitivité (Questions cribles thématiques)
M. le président. - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur la compétitivité.
M. Dominique Watrin . - La compétitivité de nos entreprises est une question récurrente. Elle est souvent instrumentalisée, par le Medef au premier chef, pour obtenir une baisse des charges et un transfert des dépenses sociales aux salariés via une hausse de la TVA par exemple. L'accord interprofessionnel minoritaire que vous vous apprêtez à transposer se situe dans cette ligne. Ma question est simple : le Gouvernement prendra-t-il des mesures courageuses en réduisant les charges financières des entreprises qui pèsent deux fois plus lourd sur leur budget que le coût du travail ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique . - Le Gouvernement a la volonté de s'attaquer à tous les éléments de la compétitivité hors prix en ce temps de crise ; le pacte pour la compétitivité et la croissance, avec ses trente-quatre mesures, en témoigne. L'accord interprofessionnel majoritaire du 11 janvier est historique ; il offre d'abord un levier pour sécuriser l'emploi, lutter contre la précarité et l'améliorer en généralisant les CDI. Les PME et les très petites entreprises, gisements d'emplois, seront les premières à bénéficier de ces mesures. Enfin, les salariés verront leurs droits individuels et collectifs renforcés.
M. Dominique Watrin. - Merci pour cette réponse. La crise ne frappe pas tout le monde de la même manière : depuis cinq ans, les dividendes des entreprises du CAC 40 sont restés stables, entre 35 et 40 milliards d'euros. Ce sont toujours les mêmes qui paient et doivent se sacrifier : les salariés ! L'accord est minoritaire : ceux qui l'ont signé ne représentent que 38 % des syndiqués aux élections prud'homales, 28 % aux récentes élections dans les très petites entreprises.
M. Jean-Vincent Placé . - Si la crise est là, faut-il rogner sur les acquis sociaux et la protection de l'environnement ? Non, pour relancer l'économie, il est une autre voie : l'économie circulaire, un concept qui englobe l'éco-conception, le réemploi et la collecte. Notre modèle de productivité est à bout de souffle ; en dépit des discours de certains matamores, le temps est venu de l'économie verte qui réduira l'usage des matières premières et créera des emplois non délocalisables. La Chine, l'Allemagne, le Japon, tant vantés pour leur croissance et leur compétitivité, s'engagent résolument dans cette voie. Allez-vous les suivre ? Le député écologiste François-Michel Lambert a lancé la création d'un observatoire de l'économie circulaire. Le Gouvernement compte-t-il entrer dans cette logique ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - La feuille de route pour la transition écologique traduit la volonté du Gouvernement de promouvoir des modèles d'économie plus vertueux et durables. Nous encourageons la capacité à valoriser les sous-produits, comme les déchets d'ameublement. En 2013, 250 millions d'euros sont affectés au plan d'investissement d'avenir pour l'économie circulaire. Nous nous attachons également à sécuriser les débouchés des éco-industries avec M. Montebourg.
M. le président. - Rapidement, monsieur Placé, car vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Pour tourner en rond. (Sourires)
M. Jean-Vincent Placé. - Merci de cette réponse, madame la ministre, car les enjeux sont majeurs, il faut vraiment encourager ces efforts vers l'économie verte, c'est l'avenir. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. François Fortassin . - L'agro-alimentaire représente 13 % de nos exportations en 2012 et 415 000 salariés, dont 17 000 dans ma région où prédominent les industries des produits laitiers et de la viande. Midi-Pyrénées est la première région française pour la salaisonnerie sèche, dont la Rolls Royce du jambon sec, le noir de Bigorre. (Sourires)
Malheureusement, cette industrie fait face à la hausse des coûts de production et à une concurrence étrangère souvent déloyale. Notre savoir-faire est pillé. Nous devons défendre notre industrie agro-alimentaire, comme s'y sont engagés les ministres de l'agriculture et du redressement productif dans un communiqué conjoint du 27 novembre dernier. Quelles mesures concrètes et quel calendrier ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Le rapport Gallois a souligné le décrochage de notre compétitivité et la nécessité de briser le cercle vicieux né d'un défaut de spécialisation. Ce n'est pas en agissant sur les coûts que nous nous en sortirons par le haut : 60 % des salariés dans les abattoirs allemands sont des étrangers. Outre la mise en place du CICE, nous élaborons une stratégie de montée en gamme des produits et une marque France pour être plus visibles auprès des consommateurs.
M. François Fortassin. - Je me réjouis du lancement de la marque France le 30 janvier. J'insiste sur la traçabilité de la viande, dont l'origine et les dates d'abattage devraient être connues. C'est la vérité que nous devons aux consommateurs. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Raffarin . - Je suis heureux, madame Pellerin, de vous voir sur le banc des ministres pour transmettre au Gouvernement l'avis de tempête annoncé pour notre industrie en 2013, afin qu'il prenne conscience de la gravité de la situation. Le nombre de faillites vient d'augmenter de 42 % !
M. David Assouline. - Qu'avez-vous fait en dix ans ?
M. Jean-Pierre Raffarin. - Il n'y a rien de politique dans mon intervention, monsieur Assouline. Ce dont il s'agit n'est ni de droite ni de gauche. C'est une bataille qu'il faut mener ensemble, comme l'a dit le Premier ministre. Moi, je pense d'abord aux 700 salariés menacés d'Autolib à Poitiers ; je pense à ceux des Fonderies de Renault l'an passé ! (Applaudissements à droite)
Je sais que les ressources budgétaires sont très rares pour les entreprises en ce moment. Certaines réformes ne coûtent rien, il faut absolument lisser les effets de seuils ; celui de 50 salariés par exemple.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Le Gouvernement est tout entier conscient de la gravité de la situation.
M. Francis Delattre. - Pas tous ses membres.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Nous voulons lever les verrous qui bloquent le développement de nos entreprises, en particulier les PME. Nous réfléchissons à la simplification administrative afin qu'elles n'aient à transmettre les documents à l'administration qu'une fois et non plusieurs fois par an.
La réflexion porte aussi sur la question des seuils, dont il est difficile à l'heure actuelle de quantifier les effets macro-économiques. Sachez, en tout cas, que cette question est au coeur de nos préoccupations.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Merci de cette réponse... partielle. Élu depuis trente ans, je n'ai jamais connu une situation économique aussi dramatique.
M. Aymeri de Montesquiou . - Vous avez hérité d'une situation difficile que vous avez aggravée en supprimant la TVA sociale. Votre CICE ne favorisera que les entreprises en croissance et les grands groupes qui travaillent surtout à l'étranger ; pour les autres, rien. Votre crédit d'impôt se résume en fait à un crédit d'embauche dans les grosses sociétés. Votre politique de matraquage fiscal a découragé l'investissement. Que comptez-vous faire pour relancer enfin la croissance et l'innovation ? (Applaudissements à droite)
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Le CICE est destiné en premier lieu aux PME. Nous allons informer les préfets dans les régions des modalités de préfinancement. Les PME connaissent bien son fonctionnement puisqu'il est analogue à celui du crédit impôt recherche. Il représente l'équivalent d'un allégement de charges de 12 milliards d'euros en 2013, 20 milliards en 2014. Vous ne pouvez donc pas dire que nous ne faisons rien.
Oséo en tiendra compte dès cette semaine. D'une manière générale, nous avons pris des mesures pour soulager la trésorerie des PME les plus fragilisées, à hauteur de 300 millions d'euros. Grâce au crédit impôt recherche, les PME pourront également anticiper sur leurs créances. La BPI, qui fonctionne depuis la semaine dernière, soutiendra les PME et les entreprises de croissance. Les assises de l'entreprenariat sont un événement tout à fait inédit dans l'histoire de la Ve République.
M. Aymeri de Montesquiou. - Votre réponse ne me satisfait pas ; Jean-Pierre Raffarin l'a dit, la situation est dramatique : le nombre de faillites s'est accru de 42 % ! Le CICE s'adresse aux entreprises qui embauchent (On le conteste sur les bancs socialistes) Or ce n'est pas le cas des PME. Il faut redonner l'envie d'investir par une fiscalité incitative. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Mirassou . - L'industrie pharmaceutique participe à réduire notre déficit du commerce extérieur. Mais les lendemains pourraient ne pas être de ceux qui chantent car on sert davantage les actionnaires en réduisant la recherche développement. C'est mettre en danger le potentiel de recherche ; les chercheurs sont inquiets, ils doivent pouvoir se consacrer à leur coeur de métier qui est, faut-il le rappeler, soigner les gens. Quel est le sentiment du Gouvernement à ce sujet ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Je reviens sur le chiffre des faillites en 2012 : 59 000 défaillances d'entreprises, cela représente 2,5 % de plus qu'en 2011. Le CICE s'applique à toutes les entreprises.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Lisez L'Expansion : la hausse serait de 42 %.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Quelque 300 000 personnes travaillent dans l'industrie du médicament, qui est en pleine transformation. Beaucoup de PME y sont actives, aux côtés des grands groupes. La prochaine réunion du conseil stratégique des industries de santé aura lieu en juin 2013. La filière doit être mieux structurée au plan national. La feuille de route du conseil stratégique est orientée vers le soutien à la recherche et à l'emploi.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Dans cette filière plus que dans toute autre, le Gouvernement dispose d'un droit d'ingérence puisque le remboursement des médicaments comme le crédit impôt recherche sont financés par les citoyens.
M. Francis Delattre . - Par les lois de cet été, le Gouvernement a prélevé 13 milliards d'euros de taxes et impôts supplémentaires sur les entreprises. La TVA anti-délocalisation a été, dans le même temps, supprimée, ce qui est absurde. Vous avez tenté de réparer cette bévue en adoptant partiellement l'analyse du rapport Gallois.
Au-delà du verbiage des instructions fiscales, quelles modalités d'emploi du dispositif de 20 milliards d'euros annoncé par le pacte pour la compétitivité et l'emploi ? Quid des mesures préconisées par le rapport Gallois pour renforcer les fonds propres des entreprises ? De la réorientation vers les PME du PEA et, plus généralement, de la visibilité des placements d'épargne productive ? (Applaudissements à droite)
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Le CICE représente en effet un effort de 20 milliards d'euros. La TVA frappe les consommateurs. Il s'agit bien de créer, comme le préconisait Louis Gallois, un choc de compétitivité. Les PME pourront solliciter le préfinancement du CICE auprès d'Oséo. Le mécanisme est extrêmement simple. Pour les fonds propres des entreprises, la BPI sera dotée de 40 milliards d'euros. Le président de la République s'est engagé à mettre en oeuvre un PEA-PME.
M. Francis Delattre. - Bref, c'est la BPI qui financera les dépenses.
M. David Assouline. - Une avance !
M. Alain Gournac. - Il n'y a pas d'argent.
M. Francis Delattre. - Le problème, ce sont les fonds propres. L'actionnariat et l'épargne privée doivent être accompagnés car la BPI et les fonds publics ne suffiront pas.
M. Yannick Vaugrenard . - Relancer la compétitivité des entreprises, c'est aussi simplifier les procédures administratives. L'action des élus locaux est entravée par quelque 400 000 règlements et circulaires. Cela ne date pas d'hier. Il faut six ans et demi de procédure pour construire une ligne à haute tension en France contre trois ans en Autriche. Une action concrète s'impose. Le gouvernement actuel a montré son efficacité en confiant à M. Lambert et au maire du Mans des missions ciblées. Vous avez tenu, avec M. Moscovici et Mme Lebranchu, une réunion de concertation avec les entreprises. Qu'en est-il sorti ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - En effet, un groupe interministériel de coordination s'est réuni pour simplifier les démarches des entreprises. Les projets sur lesquels nous travaillons sont très concrets. Il s'agit de réguler puis de réduire les principales déclarations sociales : 250 000 entreprises rempliront une déclaration simplifiée et la dématérialisation se poursuit. Nous allons mettre en oeuvre un portail unique regroupant les milliers d'aides publiques aux entreprises et simplifier les formalités prises en charge par les CFE. Nous allons aussi lutter contre la surtransposition du droit communautaire.
M. Yannick Vaugrenard. - Le Gouvernement est très sensible aux préoccupations des entreprises. Il est à l'écoute et n'a pas la responsabilité de la phase difficile que nous traversons ; il est inconvenant que ceux qui ont été dix ans au pouvoir la lui imputent, qui plus est après avoir masqué les suppressions d'emplois avant les élections présidentielles. (Vives protestations à droite)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - On parle beaucoup du coût du travail, peu des coûts liés à l'immobilier et au logement. Ceux-ci grèvent toutefois autant les charges des entreprises que le pouvoir d'achat et la consommation des Français. D'après une étude de l'OCDE, une hausse de 10 % des prix de l'immobilier se traduit par une baisse de 1,3 % de nos exportations. En Allemagne, ces coûts sont bien moindres et, surtout, augmentent beaucoup moins, si bien que le pouvoir d'achat augmente, quand un smicard français consacre 40 % de son salaire à son logement.
Comment le Gouvernement entend-il réguler les prix de l'immobilier à la baisse ? Il faut produire massivement des logements sociaux à un prix abordable. Cela ne sera possible que si la TVA sur le logement social passe à 5 %.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Oui, l'inflation immobilière mine la compétitivité prix et hors prix de l'économie, elle pèse sur les entreprises comme sur les ménages. La hausse de l'immobilier se répercute sur le marché du travail, crée un effet d'éviction en orientant davantage l'épargne vers l'immobilier au détriment des entreprises.
Mme Duflot est mobilisée sur le chantier du logement social. Le relèvement du taux de TVA applicable à ce secteur est le fait du précédent gouvernement. En tout état de cause, les nouveaux taux ne seront applicables qu'en 2014, sachant que le Premier ministre a indiqué que la question du taux pour le logement social ferait l'objet d'un débat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Merci. Vous avez raison de dire que le passage de 5,5 % à 7 % de la TVA est un handicap. Pour construire, il faut acheter des terrains et financer ces achats. Si le Gouvernement annonçait que la TVA passe à 5 %, cela aurait des effets immédiats. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Vous avez raison.