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Table des matières
Organisme extraparlementaire (Candidatures)
Débat sur la transition énergétique
M. Jean-Pierre Chevènement, pour le groupe RDSE
Organisme extraparlementaire (Nominations)
Débat sur la transition énergétique (Suite)
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
Que sont les promesses de campagne devenues ?
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur
Déficit et croissance en Europe
Taxation des allocations familiales
Sort des femmes dans l'espace francophone
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
Mise au point au sujet d'un vote
Débat sur les relations Nord-Sud
Mme Kalliopi Ango Ela, pour le groupe écologiste
SÉANCE
du jeudi 21 février 2013
64e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Didier Guillaume,vice-président
Secrétaires : M. Jean Boyer, M. François Fortassin.
La séance est ouverte à 10 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Conférence des présidents
M. le président. - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents, qui s'est réunie hier soir.
Semaine sénatoriale de contrôle
JEUDI 21 FÉVRIER 2013
À 10 heures :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Débat d'étape sur les travaux du Conseil national du débat sur la transition énergétique (demande du groupe RDSE)
À 15 heures :
2°) Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 heures 15 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Débat sur le développement dans les relations Nord-Sud (demande du groupe écologiste)
Semaine sénatoriale d'initiative
MARDI 26 FÉVRIER 2013
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Désignation des vingt et un membres de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage
2°) Proposition de loi tendant à modifier l'article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues (texte de la commission)
MERCREDI 27 FÉVRIER 2013
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe CRC :
1°) Proposition de loi portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives, présentée par Mmes Annie David et Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues
2°) Proposition de loi permettant l'instauration effective d'un pass navigo unique au tarif des zones 1-2, présentée par Mme Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues.
JEUDI 28 FÉVRIER 2013
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution (texte de la commission) et projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution (texte de la commission)
2°) Suite de la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable
De 15 heures à 15 heures 45 :
3°) Questions cribles thématiques sur la compétitivité
De 16 heures à 20 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UDI-UC :
4°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à reconnaître le vote blanc aux élections (texte de la commission)
5°) Proposition de loi autorisant l'expérimentation des maisons de naissance présentée par Mme Muguette Dini (texte de la commission)
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 4 au dimanche 10 mars 2013
________
Semaines réservées par priorité au Gouvernement
MARDI 12 MARS 2013
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
À 14 heures 30 :
2°) Éloge funèbre de M. René Vestri
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Projet de loi autorisant l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris
4°) Projet de loi autorisant la ratification d'un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Turkménistan, d'autre part.
5°) Projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République argentine
6°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République libanaise relatif à la mobilité des jeunes et des professionnels
7°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes
8°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes
9°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels
10°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération administrative entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l'emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services
11°) Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 mars 2013 (demande de la commission des affaires européennes)
À 21 heures 30 :
12°) Projet de loi ratifiant l'ordonnance du 28 juin 2012 relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (période 2013-2020)
MERCREDI 13 MARS 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Désignation des vingt-sept membres des deux missions communes d'information sur :
- l'action extérieure de la France en matière de recherche et de développement
- la filière viande en France et en Europe : élevage, abattage et distribution
2°) Sous réserve de leur transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral et du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux
JEUDI 14 MARS 2013, à 9 heures 30, à 16 heures 15 et le soir,
VENDREDI 15 MARS 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir,
ÉVENTUELLEMENT, SAMEDI 16 MARS 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral et du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux
En outre, JEUDI 14 MARS 2013
À 15 heures :
- Questions d'actualité au Gouvernement
LUNDI 18 MARS 2013, à 16 heures et le soir,
MARDI 19 MARS 2013, à 14 heures 30 et le soir
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (Procédure accélérée) et projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France (Procédure accélérée)
MERCREDI 20 MARS 2013, à 14 heures 30 et le soir,
JEUDI 21 MARS 2013, à 9 heures 30, à 16 heures et le soir,
ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 22 MARS 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires
En outre, JEUDI 21 MARS 2013
De 15 heures à 15 heures 45 :
- Questions cribles thématiques sur l'Europe de la Défense
Semaine sénatoriale de contrôle
MARDI 26 MARS 2013
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
2°) Suite du débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale
À 17 heures :
3°) Débat sur le rayonnement culturel de la France à l'étranger (demande du groupe UMP)
À 21 heures 30 :
4°) Débat sur les enjeux et les perspectives de la politique spatiale européenne (demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques)
MERCREDI 27 MARS 2013
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Suite éventuelle du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution (texte de la commission) et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution (texte de la commission)
2°) Suite éventuelle de la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable
3°) Proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge, présentée par M. Christophe Béchu, Mme Catherine Deroche et plusieurs de leurs collègues
À 21 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
4°) Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle (demande du groupe CRC)
JEUDI 28 MARS 2013
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Suite éventuelle de la proposition de loi tendant à modifier l'article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale (texte de la commission)
2°) Proposition de loi relative à l'instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance, présentée par M. Jean-Jacques Mirassou et plusieurs de ses collègues
À 15 heures :
3°) Questions d'actualité au Gouvernement
De 16 heures 15 à 20 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe écologiste :
4°) Proposition de loi visant à l'abrogation du délit de racolage public, présentée par Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues
5°) Proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins des plus démunis, présentée par Mme Aline Archimbaud et plusieurs de ses collègues
Semaine sénatoriale d'initiative
MARDI 2 AVRIL 2013
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
- Débat sur l'action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire (demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois)
MERCREDI 3 AVRIL 2013
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe écologiste :
1°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte
2°) Suite éventuelle de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins des plus démunis
JEUDI 4 AVRIL 2013
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Suite éventuelle du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution (texte de la commission) et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution (texte de la commission)
2°) Suite éventuelle de la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable
3°) Suite éventuelle de la proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge
4°) Proposition de loi visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité et l'usage des armes à feu, présentée par MM. Louis Nègre, Pierre Charon et plusieurs de leurs collègues
De 15 heures à 15 heures 45 :
5°) Questions cribles thématiques sur l'industrie pharmaceutique
De 16 heures à 20 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
6°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
À 22 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
7°) Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
VENDREDI 5 AVRIL 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Semaine réservée par priorité au Gouvernement
LUNDI 8 AVRIL 2013, à 14 heures 30 et le soir,
MARDI 9 AVRIL 2013, à 14 heures 30 et le soir,
MERCREDI 10 AVRIL 2013, à 14 heures 30 et le soir,
JEUDI 11 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 16 heures 15 et le soir,
VENDREDI 12 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
ÉVENTUELLEMENT, SAMEDI 13 AVRIL 2013, à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
En outre,
MARDI 9 AVRIL 2013
À 9 heures 30 :
- Questions orales
JEUDI 11 AVRIL 2013
À 15 heures :
- Questions d'actualité au Gouvernement
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Avis sur une nomination
M. le président. - Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et en application de l'article 5 du décret du 10 novembre 1983 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, la commission de la culture, lors de sa réunion du mercredi 20 février 2013, a émis, à l'unanimité des votants, un avis favorable (20 voix pour) sur le projet de nomination de M. André Syrota aux fonctions de président de l'Inserm.
Organisme extraparlementaire (Candidatures)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de désigner le sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers. La commission des affaires économiques propose les candidatures de Mme Bernadette Bourzai et de M. Philippe Leroy pour siéger en qualité de membres titulaires au sein de cet organisme extraparlementaire.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Renvoi pour avis
M. le président. - Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires, dont la commission des finances est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires économiques et à la commission des lois.
Débat sur la transition énergétique
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat d'étape sur les travaux du Conseil national du débat sur la transition énergétique.
M. Jean-Pierre Chevènement, pour le groupe RDSE . - Le groupe RDSE a souhaité que le Sénat se saisisse du débat sur la transition énergétique. Il existe certes un Conseil national du débat, composé de sept collèges, qui se réunit tous les mois depuis novembre. Ce prétendu parlement discute d'une charte et fixe les orientations du débat et émet des recommandations qui serviront de base à la future loi de programmation prévue pour 2013. Holà ! le Parlement, c'est ici !
M. Gérard Longuet. - Bien vu.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Je souhaite que les sénateurs et députés ne se retrouvent pas tout ficelés par le débat entre techniciens en amont. J'ai évidemment beaucoup de respect pour les personnalités qui composent le comité d'experts, utiles pour éclairer la décision politique qui doit être prise par le Parlement, le vrai.
M. Yvon Collin. - Très bien.
M. Jean-Pierre Chevènement. - J'ai deux questions. La première, chère au maréchal Foch : de quoi s'agit-il ? Et la seconde : combien ça coûte ?
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Un détail...
M. Jean-Pierre Chevènement. - Je lis dans Les Echos que la facture d'électricité pourrait bondir de 30 % d'ici 2017. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) confirme que le coût des énergies renouvelables explique plus du tiers de la hausse, de l'ordre de 6 % par an pour les ménages. La hausse pour les entreprises ne serait que de 16 ou 23 % selon la puissance installée. C'est beaucoup au regard des enjeux de compétitivité de nos entreprises, rappelés par le rapport Gallois.
Pourquoi ? Il y a le prix de l'énergie, les lourds investissements dans les réseaux. Curieux effet de la concurrence voulue par la Commission européenne, loin de faire baisser les prix, la séparation entre production et distribution les a vu augmenter. Comprenne qui pourra. Vous allez nous expliquer, madame la Ministre. La contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui finance le développement des énergies renouvelables, explique plus du tiers de l'augmentation.
M. Gérard Longuet. - Exact.
M. Jean-Pierre Chevènement. - On devrait passer de 13,5 à 21,10 euros en 2017, à cause du tarif de rachat par EDF de l'énergie solaire, qui représente 70 % des charges occasionnées par les énergies renouvelables.
M. Gérard Longuet. - Pour quel pourcentage de production ?
M. Jean-Pierre Chevènement. - La hausse de la CSPE étant réglementairement limitée, elle ne suffirait pas à absorber l'augmentation des charges. L'État réglera la dette. À combien s'élève-t-elle ?
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. - À 5 milliards d'euros, laissés par le précédent gouvernement.
M. Roland Courteau. - C'est l'héritage.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Une transition, nous dit le président du jury des experts, M. Grandjean, c'est le passage d'un modèle à un autre...
M. Roland Courteau. - Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. - ... celui de l'énergie abondante et bon marché, pour un autre, qui reste à inventer... Selon quels critères ? On nous propose une sorte de calvaire moral qui demandera du temps, de la patience et des investissements. Et de citer le recours au nucléaire « et/ou » aux énergies renouvelables. Intéressant, ce « et/ou »... Chacun sait que les ressources pétrolières ne sont pas infinies. Il en va différemment avec l'uranium, grâce à la surgénération. Pourquoi fermer Fessenheim, qui produit de l'énergie de très bon marché ?
M. Yvon Collin, M. Jean-Claude Lenoir et M. Gérard Longuet. - Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Ou bien c'est trop tôt parce que la durée de vie de cette centrale rentabilisée pourrait être prolongée d'une vingtaine d'années. Ou bien le nucléaire est vraiment dangereux et c'est toutes les centrales qu'il faudrait démanteler.
M. Ronan Dantec. - C'est logique.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Au nom de quoi priver notre industrie de cet élément de compétitivité unique, contrairement aux préconisations du rapport Gallois ? (« Très bien ! » au centre et à droite)
Comment ne pas s'étonner de l'augmentation de nos importations d'électricité en provenance d'Allemagne ? (Mme Laurence Rossignol s'exclame) On en est à 1 570 gigawatts heure en janvier ! Et nous avons déjà un déficit de 30 milliards face à l'Allemagne. L'essor important des énergies solaires et éoliennes en Allemagne y crée une surabondance qui fait baisser le prix de l'électricité. On marche sur la tête !
Peut-on faire l'économie d'une réflexion globale sur notre compétitivité, alors que notre facture énergétique atteint d'an dernier 69 milliards d'euros, soit l'équivalent du déficit de notre balance commerciale ?
M. Gérard Longuet. - Exactement.
M. Roland Courteau. - Raison de plus pour économiser l'énergie !
M. Alain Richard. - Ceux qui font des excédents ont aussi une facture énergétique...
M. Jean-Pierre Chevènement. - Ne peut-on réfléchir à nos prix de revient ? Si l'objectif de la France est de parvenir à un accord global sur le climat, il ne faut pas se priver de l'atout du nucléaire. L'objectif d'une baisse des émissions de 40 % ne peut-elle se retourner contre les plus vertueux et donc contre nous ? (« Très bien ! » à droite)
Le coût de production de l'électricité retentit bien évidemment sur la facture de l'électricité, via la CSPE notamment. La question du coût de l'électricité est très peu traitée dans les documents officiels or elle ne saurait être éludée.
M. Alain Richard. - Absolument.
M. Gérard Longuet. - Bien sûr.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le rapport Poniatowski-Desessard ne remet pas en cause la compétitivité de l'énergie nucléaire...
M. Ronan Dantec. - Relisez-le !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Seule l'électricité issue de la houille, qui a vu son prix baisser de 130 à 80 dollars la tonne à la suite de l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, pourrait être plus compétitive encore. L'Allemagne s'apprête à mettre en service une dizaine de centrales thermiques neuves fonctionnant au charbon.
M. Jean-Claude Lenoir. - Au charbon ? Bravo !
M. Ronan Dantec. - Ce sont des centrales neuves !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Parlons des énergies renouvelables. Le prix de revient de l'éolien terrestre est de 90 euros mais plus de 200 en mer.
M. Gérard Longuet. - Une folie !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Quant au photovoltaïque, il coûte de 400 à 500 euros le MWh. Quand sera-t-il rentable ? Dans dix ans, quinze ans. La production de ces énergies cesse quand le soleil se couche ou quand le vent tombe. Elle suppose des investissements considérables dans les réseaux de transport, qu'il faut inclure dans le calcul des coûts.
Le coût de l'énergie a un impact considérable sur la compétitivité, donc sur la croissance. On ne peut faire l'impasse sur cette vérité, si l'on veut éviter la fracture sociale.
Une forte incertitude pèse sur l'économie des formes d'énergies renouvelables. On observe une baisse du prix de la houille. Le gaz naturel se désindexe du pétrole. Un certain flou existe sur l'horizon à moyen terme. Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre ? Un vrai conflit se dessine entre l'Europe et les pays émergents, les États-Unis restant ambivalents. Est-il raisonnable de limiter le nucléaire en France, de choisir la récession plutôt que de nourrir une croissance de qualité, moins énergivore ? Ce n'est malheureusement pas la voie choisie par l'Europe à 27, malgré les efforts louables du président de la République.
L'Allemagne pourra-t-elle soutenir son effort de quelque 5 milliards par an en faveur des énergies renouvelables ? Une politique énergétique rationnelle et pragmatique, non pas idéologique, s'impose. Ne gaspillons pas d'argent à subventionner la production d'énergies renouvelables. Mieux vaut subventionner la recherche. Le nucléaire est un atout pour la France, cette filière doit être valorisée. Il y a des alliances internationales à nouer et la volonté politique est essentielle. Poussons les feux de la recherche sur le réacteur de quatrième génération, sur la sécurité nucléaire ; prenons une décision claire sur le laboratoire d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure, dans la Meuse. Oui, la France doit montrer qu'elle a confiance en sa recherche, en sa technologie, en elle-même ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE, CRC, UMP ; M. Alain Richard applaudit également
M. Ladislas Poniatowski. - Excellent !
M. François Fortassin . - Le groupe RDSE est très attentif aux questions énergétiques. L'indépendance en la matière est un objectif incontournable. M. Chevènement a admirablement parlé du nucléaire. Je concentrerai mon propos sur les énergies renouvelables, la filière qui peut être créatrice d'emplois. Encore faut-il nous donner les moyens d'une véritable révolution énergétique. Le secteur est en attente d'un soutien fort de l'Etat. Nous avons fait fausse route en ouvrant grand nos portes aux producteurs étrangers d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques. Vous avez annoncé, madame la ministre, des mesures de relance de la filière. Il y a urgence. Se pose souvent le problème du raccordement au réseau.
La géothermie est une source d'énergie à caractère permanent.
Que prévoit le Gouvernement dans ce domaine ?
La transition énergétique suppose des changements de comportement très importants. Les normes sont un outil. La rénovation thermique des bâtiments est une source prometteuse d'économies et d'emplois.
M. Roland Courteau. - Oh oui !
M. François Fortassin. - Notre législation doit préconiser de nouveaux comportements pour être efficace. La fiscalité ne doit pas entraîner d'effets pervers. Notre politique en la matière est trop erratique.
La transition énergétique suppose une production plus importante d'énergies renouvelables. Réfléchissons au rôle des collectivités locales, qui sont en première ligne pour réussir ce chantier très crucial. Tous les acteurs concernés doivent y participer. Je rêve que, comme nous avons su le faire pour la politique internationale, nous arrivions à un consensus politique sur l'énergie.
Madame la ministre, vous seriez bien avisée de procéder au renouvellement des concessions hydroélectriques. Actuellement, nous perdons de l'argent...
M. Ladislas Poniatowski. - Mais non !
Mme Delphine Batho, ministre. - Ce n'est pas vrai !
M. François Fortassin. - Des travaux sont indispensables sur ces équipements ; n'attendez pas que ceux dont les concessions sont achevées depuis deux ou trois ans s'y engagent ! Pourquoi ne pas renouveler les concessions ? Je ne comprends pas cette atonie intellectuelle. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs UMP)
M. Ronan Dantec . - Les écologistes ont toujours appelé à une réflexion globale et lucide, nourrie de chiffres et non d'idéologie. Nous nous réjouissons qu'un véritable débat soit ouvert (marques d'ironie à droite et au centre) et non escamoté comme ce fut le cas au début des années 1980.
Je suis un coordonnateur du Conseil national du débat, monsieur Chevènement. (Exclamations à droite)
M. Gérard Longuet. - Ce n'est guère rassurant !
M. Ronan Dantec. - On ne peut donc pas dire que les parlementaires ne seraient pas associés. L'enjeu de la réduction des gaz à effet de serre est majeur, quoi que prétendent les climatosceptiques. La proposition de loi Brottes a permis certaines avancées.
M. Jean-Claude Lenoir. - Le Sénat ne l'a pas votée.
M. Ronan Dantec. - L'enjeu de l'emploi est au coeur de la transition économique. Observez nos voisins européens ! Le Danemark, où j'accompagnais hier Nicole Bricq, s'est fixé un objectif de 100 % d'énergies renouvelables d'ici 2050.
Un cadre réglementaire stable est indispensable, en rupture avec le stop and go absurde du précédent gouvernement. Le respect de nos engagements européens est en jeu. Si rien ne change, la France n'atteindra pas l'objectif de 23 % du mix énergétique fixé par le projet énergie-climat.
Les émissions allemandes diminuent malgré la fermeture de dix-sept réacteurs nucléaires.
M. Ladislas Poniatowski. - Sept seulement sont arrêtées.
M. Ronan Dantec. - Les chiffres vous gênent ! L'exemple allemand montre qu'il est possible pour un pays de sortir du nucléaire tout en remplissant ses objectifs climatiques.
M. Jean-Claude Lenoir. - On en attend la démonstration.
M. Ronan Dantec. - Il serait dommage que la France rate le train. La décentralisation doit faire des collectivités territoriales les autorités organisatrices de la transition énergétique, comme elles le sont pour le transport. Seule une approche globale nous permettra d'atteindre les objectifs qui sont devant nous. Renforçons l'égalité et la solidarité territoriales.
À service constant, en intégrant le chauffage électrique - dont la généralisation fut une folie française - un consommateur français dépense plus que les autres Européens pour son électricité, alors même que le kilowattheure est vendu en dessous de son prix réel. C'est un appauvrissement français. Tournons la page !
M. Daniel Raoul. - Restons-en là !
M. Ronan Dantec. - Que d'entêtement idéologique dans la défense de l'EPR, qui produit le kilowattheure le plus cher du monde. M. Proglio lui-même le reconnaît.
M. Jean-Claude Lenoir. - Pour l'instant, l'EPR ne produit pas.
M. Ronan Dantec. - Je conclurai en faisant du Chevènement dans le texte : oui, engager la transition énergétique, c'est croire en l'avenir de la France, en tournant le dos au tout nucléaire qui fut un emblème du déclin français. (M. Jean Desessard et Mme Laurence Rossignol applaudissent)
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
M. Jean-François Husson . - La France s'est donné un objectif ambitieux dans le cadre du Grenelle, puis avec la conférence environnementale. Mais le contexte anxiogène actuel est peu propice aux investissements structurants qui seront les moteurs de la nouvelle économie de l'énergie ; nous ne pouvons basculer brutalement de l'ancienne à la nouvelle économie, il faudra du temps.
Le consommateur-contribuable, particulier ou professionnel, où qu'il se trouve sur le territoire, doit être pris en considération. La France, puissance forestière, doit stimuler la filière bois. Il faut faire la transparence sur tous les coûts, réels, lisibles mais aussi cachés, de l'énergie.
La première économie vient de l'énergie qu'on ne dépense pas. C'est l'efficacité énergétique. Il y a là 10 % d'économies à la portée de chacun de nous, par des changements de notre rapport au travail et dans les opérations de conception et de gestion intelligentes, d'où l'effort audacieux à fournir en matière de recherche publique et privée. Ne répétons pas l'erreur de l'éolien, où nous avons importé des technologies étrangères.
On nous propose une loi avant même de participer au débat. C'est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette. Tous les territoires doivent se doter d'un plan d'efficacité énergétique. J'attends beaucoup de la troisième phase des certificats d'économies d'énergie.
L'entrée de la France dans cette nouvelle économie de l'énergie est indispensable pour notre environnement et notre économie. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Ladislas Poniatowski . - La transition énergétique est au carrefour de nombreuses politiques publiques : environnementales, industrielles, d'aménagement du territoire, voire diplomatiques. Soyons dépassionnés et pragmatiques pour relever cet immense défi...
M. Ronan Dantec. - D'accord.
M. Ladislas Poniatowski. - Les incertitudes, sur les énergies fossiles comme sur les énergies renouvelables, exigent que l'on évalue le niveau de la consommation énergétique primaire à l'horizon 2050 et que l'on repense la composition de notre mix énergétique en répondant au problème des pics de consommation. Toutes les études montrent que d'ici 2050, la demande mondiale d'énergie primaire augmentera de 50 à 60 % : elle sera alimentée par des énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz. On imagine les conséquences en termes d'émission de gaz à effet de serre.
La France n'y échappera pas : la consommation d'énergies primaires ne cesse d'augmenter, malgré la crise. Soit nous acceptons cette hausse, au mépris de nos engagements, soit nous utilisons tous les leviers pour réduire la part des combustibles fossiles dans notre consommation ; elle est actuellement de 65 à 70 %. Commençons par mieux isoler les logements, par favoriser le transport collectif. Mais le vieillissement de la population, la multiplication des cellules familiales monoparentales, les voitures plus lourdes - pour être plus sûres et moins sonores - s'y opposent. Il faut développer les moteurs hybrides, les batteries au lithium, améliorer le rendement des moteurs thermiques pour réduire notre dépendance à l'égard du fossile. Idem pour le chauffage : les solutions alternatives sont multiples, les marges de manoeuvre existent, mais elles auront un coût fiscal. L'État devra accompagner ce saut qualitatif.
Il faut limiter notre consommation de combustibles fossiles avant de revoir notre production énergétique. Certains pensent que la demande en électricité baissera ; c'est impossible si l'on réduit la part du fossile. Certains experts l'évaluent à 900 TWh... Rien ne permet d'espérer une baisse de notre consommation d'électricité, même si des économies sont possibles à court et moyen termes, principalement grâce à l'isolation puisque le chauffage représente 50 % de la consommation. Mais impossible de quantifier, à 100 TWh près, notre consommation à l'horizon 2050 : nous avançons en plein brouillard. Parce que l'avenir énergétique de la France et du monde est plus qu'incertain, nous ne pouvons cautionner la volonté du président de la République de faire passer la part du nucléaire dans le mix énergétique de 75 % à 50 % d'ici 2025.
M. Jean-Claude Lenoir. - C'est idéologique.
M. Gérard Longuet. - Cela suffit.
M. Ladislas Poniatowski. - Comment peut-on décider de nous priver du quart de notre électricité ?
M. Gérard Longuet. - Ce serait absurde.
M. Ladislas Poniatowski. - Cela représente 125 TWh, qui s'ajouteront à plusieurs dizaines, voire centaines de TWh d'ici là !
Si le Gouvernement souhaite réduire la part du nucléaire, il ne reste que le solaire, l'éolien et les centrales thermiques à énergie renouvelable. Je me réjouis que le Gouvernement ne suive pas l'exemple allemand, qui rouvre des centrales thermiques fonctionnant au charbon, cher monsieur Dantec !
M. Ronan Dantec. - Les émissions de CO2 baissent : voyez les chiffres ! (Exclamations à droite)
M. Ladislas Poniatowski. - La production hydroélectrique, grâce aux barrages, ne représente qu'un gisement de 10,6 TWh. C'est peu et je doute que les populations concernées voient d'un bon oeil d'éventuels barrages.
La biomasse émet des polluants ; elle est renouvelable avec beaucoup de soin mais pas infinie. Les centrales thermiques à combustion renouvelable émettent autant de CO2 que les autres : elles ne pourront représenter une part importante du mix énergétique. L'éolien et le solaire ne pourront à eux seuls compenser la baisse de la part du nucléaire, a fortiori sans explosion des prix : la CRE table sur une hausse de 28,2 % de la facture des ménages d'ici à 2017.
M. Ronan Dantec. - La hausse des coûts est due au nucléaire.
M. Ladislas Poniatowski. - Les centrales de troisième génération doivent se développer ; ne nous limitons pas à l'EPR ? Ne fermons pas la porte au gaz de schiste avant même de savoir en quelle quantité il existe dans notre sous-sol.
M. Gérard Longuet. - Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. - Épargner le nucléaire de l'exigence candide de certains lobbies, renforcer les énergies renouvelables, voilà comment on favorisera une électricité non émettrice de CO2, à un prix abordable. (Applaudissements à droite et au centre)
Organisme extraparlementaire (Nominations)
Mme la présidente. - La commission des affaires économiques a proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire. La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Bernadette Bourzai et M. Philippe Leroy membres titulaires du Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers.
La séance, suspendue à 11 h 15, reprend à 11 h 20.
Débat sur la transition énergétique (Suite)
M. Didier Guillaume . - Ce grand débat national était un engagement du président de la République lors de la campagne. Merci à M. Chevènement, au groupe RDSE, d'avoir permis de l'évoquer au Sénat : il est juste que le Parlement s'exprime.
M. Ladislas Poniatowski. - En effet !
M. Didier Guillaume. - Les citoyens auront leur mot à dire, c'est une grande avancée. Il faut préserver l'indépendance de la France tout en diversifiant nos sources d'énergie. Il en va de l'avenir de la planète et de nos enfants. D'ailleurs, les positions sont assez consensuelles...
Oui, l'énergie a un coût. Non, nous ne sommes pas condamnés à voir la facture énergétique exploser, nos entreprises pénalisées. Ne séparons pas efficacité énergétique et efficacité économique. Nous ne sommes pas condamnés à émettre toujours plus de CO2.
Comment consommer moins, produire mieux ? La meilleure énergie, c'est celle qu'on ne consomme pas...
M. Roland Courteau. - Évidemment.
M. Didier Guillaume. - ... Encourageons la sobriété, dans le logement et dans les transports. Nous avons pris beaucoup de retard. Le Grenelle a créé un grand mouvement dans la Nation.
Mme Chantal Jouanno. - Merci !
M. Didier Guillaume. - Il faut désormais le mettre en oeuvre. Il faut investir et innover, développer les énergies renouvelables.
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. Didier Guillaume. - La France a de grands atouts : du vent, du soleil. Développons l'hydroélectricité, en renouvelant ou en prolongeant les concessions.
M. Jean-Louis Carrère. - Pas d'accord !
M. Didier Guillaume. - Construisons des filières industrielles dans les énergies renouvelables, ce sont des gisements d'emplois, une opportunité pour notre balance commerciale.
M. Ronan Dantec. - Bravo !
M. Didier Guillaume. - J'en viens au nucléaire.
M. Ronan Dantec. - Ah !
M. Didier Guillaume. - Pas de faux débat. La réduction de la part du nucléaire n'est pas la sortie du nucléaire. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Claude Lenoir.et M. Ladislas Poniatowski. - Très bien !
M. Didier Guillaume. - Il faut une grande équipe du nucléaire, une vraie stratégie qui a manqué sous le gouvernement précédent. C'est ainsi que nous avons perdu le contrat d'Abou Dhabi. Il faudra réduire la part du nucléaire...
M. Ladislas Poniatowski. - Non !
M. Didier Guillaume. - ...mais il reste une énergie indispensable. Le démantèlement est créateur d'emplois, développons cette filière. Renouvelons la confiance de nos concitoyens, en faisant évoluer notre mix énergétique, dans le respect de nos atouts. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE, ainsi que sur les bancs UMP ; Mme Chantal Jouanno applaudit aussi)
M. Gérard Le Cam . - Pour relever le défi de la transition énergétique, il faut fixer de grandes orientations. Le groupe CRC préconise de longue date un grand débat sur le sujet, et remercie le Gouvernement de l'avoir organisé. La décentralisation des discussions est indispensable : nos concitoyens doivent être associés au débat, ce qui suppose de les informer. Nous regrettons toutefois que certains sujets en soient exclus, comme le développement des éoliennes ou le bonus-malus qui figurent dans la proposition de loi Brottes. Celle-ci a été l'occasion de parler des compteurs intelligents, et de l'effacement : il faudrait un véritable service public de l'effacement, au profit des usagers...
Mme Delphine Batho, ministre. - Très bien.
M. Gérard Le Cam. - Le service public de la performance énergétique est un bon début, mais donnons lui les moyens. Pourquoi avoir augmenté la TVA sur les travaux d'amélioration énergétique ? Nous préconisons un taux réduit.
Mme Chantal Jouanno. - Très bien.
M. Gérard Le Cam. - La maîtrise publique du secteur énergétique n'est pas une posture mais une garantie pour assurer la transition énergétique.
Le Gouvernement doit communiquer les études d'impact, les informations sur les énergies renouvelables. Où en sont les travaux de recherche sur le stockage de l'énergie ?
La production délocalisée peut alourdir le bilan carbone des énergies dites propres : réfléchissons-y !
Enfin, la question de l'emploi doit aussi être posée. Nos éoliennes sont produites au Danemark ou en Espagne, nos panneaux solaires, en Chine ou aux États-Unis. Renforçons en amont la recherche fondamentale, formons à ces nouveaux métiers. Or la déréglementation européenne fait peser des menaces sur la recherche intégrée à EDF et GDF-Suez.
Mme Delphine Batho, ministre. - C'est vrai !
M. Gérard Le Cam. - Il faut améliorer les réseaux de transport de l'énergie. La transition énergétique ne se fera pas par une production délocalisée de l'énergie.
M. Jean-Claude Lenoir. - Les campagnes en ont pourtant besoin !
M. Gérard Le Cam. - Les transports sont le premier consommateur d'énergie fossile. Il faut développer le rééquilibrage modal, déclarer le fret ferroviaire d'intérêt général. Le débat doit aussi porter sur le transport collectif. Sa force repose sur l'association des citoyens : la transition énergétique ne réussira qu'avec l'adhésion de tous. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Merceron . - L'annonce de ce grand débat est venue juste après le rejet de la proposition de loi Brottes, qui avait précisément pour objet la transition énergétique. Ce texte, injuste et inapplicable, sera toutefois voté sans attendre les conclusions du grand débat national... Curieuse méthode ! Débat d'étape ? Nous n'en sommes qu'au tout début et la mise en place est quelque peu laborieuse.
C'est du terrain que viendra la transition énergétique, j'y reviendrai. Il y a cinq ans, Jean-Louis Borloo lançait le Grenelle de l'environnement, qui a créé un véritable déclic dans l'opinion publique. Qu'attendez-vous de ce débat sur la transition énergétique, pour qu'il ne soit pas un sous-Grenelle ?
La question de la transition énergétique est primordiale pour l'avenir. Elle doit être abordée avec prudence, car il sera difficile de revenir sur les choix qui seront faits. Commençons par renforcer l'efficacité énergétique, accompagner les plus modestes et les classes moyennes, les aider à améliorer l'isolation de leur logement. Les compteurs intelligents favoriseront la sobriété. Le mix énergétique doit être revu à la lumière d'une probable augmentation de la consommation. La part des énergies renouvelables doit augmenter, mais ne jetons pas l'opprobre sur le nucléaire pour autant.
Je vous encourage, mes chers collègues, à participer aux débats locaux. C'est le niveau local qui permettra la transition énergétique. Elle nécessite une connaissance des acteurs, des problématiques locales. Les collectivités territoriales ont un rôle primordial à jouer. Je souhaite une transition énergétique décentralisée, car la France est diverse. Je crois à l'intelligence locale. L'État doit se concentrer sur les grands équilibres nationaux et internationaux et sur la lutte contre la précarité énergétique ; il doit assurer la sécurité du transport. Aux régions, la déclinaison des objectifs fixés par l'État. Les départements peuvent être ces lieux d'action, en cohérence avec le niveau régional. Simplifions les procédures qui freinent l'esprit d'initiative - merci au président Raoul d'avoir repris l'un de mes amendements à la proposition de loi Brottes sur ce sujet.
Faisons confiance aux collectivités locales. Les élus locaux savent apprécier les besoins et proposer des réponses. Laissons-leur un espace d'initiative ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Claude Lenoir . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous sommes tous attachés à envisager l'avenir. Le dossier de l'énergie a été peu évoqué au Parlement pendant des décennies, sauf en 1989 puis une deuxième fois en 1993 à l'initiative du ministre Longuet. La première loi date du 10 février 2000. Puis, tous les deux ans, tous les ans, parfois plus, le Parlement s'est saisi de cette question. Faut-il critiquer ceux qui ont installé des réacteurs nucléaires sans approbation du Parlement ? Je ne le crois pas. En 2005, dans la loi d'orientation, le Parlement a autorisé les EPR.
Que signifie « transition » ? C'est un état intermédiaire, dit le dictionnaire...
M. Gérard Longuet. - Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. - Cette définition nous convient, surtout qu'un tel état peut durer longtemps, comme l'on dit d'un gouvernement qu'il est de transition.
M. Jean-Pierre Chevènement. - C'est en général moins digne !
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous sommes là pour apporter des réponses à des générations qui n'ont pas encore vu le jour !
M. Roland Courteau. - Absolument !
M. Jean-Claude Lenoir. - Cette étape transitoire doit être organisée avant d'adopter des systèmes durables - en attendant les surgénérateurs ou la fusion nucléaire.
M. Gérard Longuet. - Oui !
M. Jean-Claude Lenoir. - Quelles seront les énergies de transition ? Nous sommes tous pour le mix énergétique. Jamais un dirigeant politique n'a prôné le tout nucléaire !
M. Ronan Dantec. - Voire...
Mme Laurence Rossignol. - Si, Sarkozy ! Personne, en revanche, n'a dit qu'il fallait arrêter le nucléaire...
M. Jean-Claude Lenoir. - La nécessité de préserver notre indépendance, de limiter l'impact environnemental, de favoriser la sobriété énergétique, d'assurer la cohésion sociale et territoriale nous réunissent. Le rapport Gallois - son auteur fut directeur de cabinet -
M. Gérard Longuet. - D'un grand ministre de l'industrie
M. Jean-Claude Lenoir. - ... apporte des éléments de réflexion précieux : regardons de près ses préconisations.
Que faire pendant cette période transitoire ? La part du nucléaire restera prépondérante. Le candidat François Hollande s'était engagé à ce qu'elle fût inférieure à 50 %.
M. Roland Courteau. - C'est la sagesse !
M. Jean-Claude Lenoir. - On l'a échappé belle : le programme socialiste proposait la fermeture de 24 centrales !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Vous n'êtes pas expert en programmes du parti socialiste !
M. Jean-Claude Lenoir. - Arrêter Fessenheim ? Si l'on veut démanteler les centrales, encore faut-il que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en décide. La consommation d'électricité continuera à augmenter. Pourquoi ? À cause des nouveaux usages des particuliers - écrans plats, ordinateurs - et à cause du développement du véhicule électrique, complément du renouvelable qui ne pourra se développer que grâce à l'accumulation et au stockage...
M. Ladislas Poniatowski. - Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. - L'EPR s'est imposé au plan international. Quel risque prendrait-on à ne plus croire à une technologie d'origine européenne, quand la Chine multiplie les réacteurs, de dix à vingt par an ? Saisissons la chance qui nous est donnée de développer une industrie où la France brille tout particulièrement !
Troisième sujet : les hydrocarbures non conventionnels. Ne fermons pas la porte à la réflexion et à l'étude sur le gaz de schiste. Je lisais ce matin un article quelque peu agressif...
Mme Laurence Rossignol. - Ironique !
M. Jean-Claude Lenoir. - ... à l'égard de ceux qui réfléchissent à des techniques d'exploitation alternatives à la fracturation hydraulique, accusés de vouloir aller « plus vite que la musique ». Faut-il refuser d'entamer la moindre réflexion ?
Nous ne voulons pas d'hydrocarbures, dites-vous. Mais il ne s'agit que de remplacer ceux que nous importons aujourd'hui ! Quelle est votre position sur l'exploitation du grisou ? Le gaz gardera une place importante : il représente 15 % de notre consommation aujourd'hui.
Oui, faisons confiance à la recherche, à la science et la France sera au rendez-vous comme toujours pour apporter les meilleures solutions. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)
présidence de M. Didier Guillaume,vice-président
M. Roland Courteau . - Je salue l'organisation du débat national, processus démocratique que vous avez mis en oeuvre, madame la ministre.
Il n'y a pas de meilleure réponse aux enjeux climatiques, économiques et sociaux que la transition énergétique.
M. Ronan Dantec. - Absolument.
M. Roland Courteau. - Pas de meilleure réponse à la facture énergétique de la France, au contexte mondial turbulent, plein d'incertitudes économiques, politiques, environnementales.
Deux impératifs s'imposent : consommer moins, produire mieux. Le secteur du transport représente 132 millions de tonnes de CO2, c'est le grand oublié des réglementations environnementales.
Appuyons-nous sur la recherche, pour parvenir dans les dix ans à des véhicules consommant 2 litres aux 100 km.
Pourquoi ne pas faire de la sobriété énergétique, comme le propose le Conseil économique, social et environnemental, une grande cause nationale ? L'amélioration énergétique des logements est créatrice d'emplois non délocalisables. C'est dire l'impact sur l'emploi que pourrait représenter la rénovation de 500 000 logements par an, si les professionnels arrivent à faire face à la demande.
Parmi les signaux contraires reçus ces dernières années, à cause du précédent gouvernement, le changement de réglementation, la hausse de la TVA...
Le soutien des pouvoirs publics est indispensable aux énergies renouvelables, qui n'en sont, à l'exception de l'hydraulique, qu'à leurs débuts opérationnels. Attention là aussi aux contre-signaux, je pense à l'instabilité des politiques publiques...
Veillons aux filières riches de potentiel, intensives en emplois non délocalisables.
Seul le stockage de l'électricité à grande échelle propulsera les énergies renouvelables à la première place du bouquet énergétique. D'importants efforts sont à réaliser en matière d'efficacité et de sobriété énergétiques. Rien ne se fera sans le soutien de la population. C'est un défi majeur que de changer notre mode de vie. Nous n'y arriverons qu'avec une volonté politique très forte, vous en faites preuve, madame la ministre. C'est l'ensemble de notre société qui doit porter un tel projet.
Je salue encore une fois votre initiative de lancer et promouvoir ce débat innovant et ambitieux. Nous avons le devoir de démontrer que l'efficacité énergétique est souhaitable, non seulement pour la planète, mais aussi pour chacun de nous. Les moyens financiers doivent être à la hauteur des besoins, la BPI jouer tout son rôle. L'ambition centrale de ce débat est bien de créer un cercle vertueux. C'est l'ardente obligation qui nous anime. (Applaudissements à gauche)
Mme Delphine Bataille . - Les travaux sur la transition énergétique doivent nous aider à atteindre nos objectifs en matière de CO2. La France reste le meilleur élève de la classe européenne...
M. Jean-François Husson. - Invoquez l'héritage !
Mme Delphine Bataille. - L'Allemagne produit de grosses cylindrées, exploite son sous-sol d'énergies fossiles, lignite et charbon, ce n'est pas un modèle en la matière...
Le bâtiment consomme près de la moitié de l'énergie de notre pays, 80 % des sources d'économies possibles gisent dans ce secteur. L'investissement dans l'efficacité énergétique est créateur d'emplois.
Le nucléaire a été évoqué hier ici-même par M. Montebourg, ministre du redressement productif, qui l'a qualifié de filière d'avenir. L'objectif de 50 % en 2025 semble hors d'atteinte, car les énergies renouvelables ne sont pas en mesure de remplacer le nucléaire. L'Allemagne en fait l'expérience. La décision de fermer Fessenheim est technique ; elle est du ressort de l'ASN, non du politique : nous n'avons pas à céder à la pression des manifestants allemands et suisses ou d'élus alsaciens. La tension hivernale sur notre approvisionnement est soulignée par RTE.
M. Gilbert Barbier. - Très bien !
Mme Delphine Bataille. - La réduction de la part du nucléaire doit s'envisager sur la durée, sans nuire à notre indépendance et en préservant nos capacités technologiques, donc en construisant de nouvelles centrales. La part du nucléaire devrait être ramenée à deux tiers en 2036...
M. Ronan Dantec. - Ce n'est pas la position du Gouvernement.
M. Gilbert Barbier. - Dommage !
Mme Delphine Bataille. - La facture du pétrole s'élève à 50 milliards d'euros, celle du gaz à 11 milliards d'euros. Ces hydrocarbures ne permettent pas d'assurer une indépendance énergétique nationale. Nous devons privilégier les énergies nationales, qui limitent les rejets de CO2 dans l'atmosphère. L'enjeu climatique ne doit pas nous conduire à négliger l'économie, l'emploi, la réduction des déficits publics, l'indépendance nationale dans un monde de plus de 7 milliards d'habitants. Convainquons les grands pays émergents d'assurer avec nous la transition énergétique, faute de quoi nos efforts seront de peu d'effets sur le changement climatique. (« Très bien ! » et applaudissements à droite et sur les bancs socialistes et du RDSE)
Mme Laurence Rossignol . - Le débat citoyen a commencé sur la transition énergétique. La participation des ONG, des experts et des acteurs économiques et sociaux en garantit le succès mais la transition énergétique n'est pas l'affaire des corps intermédiaires ni même du Parlement. Il faut impliquer les citoyens parce qu'elle engage quasiment une révolution anthropologique dans un pays où l'hyperproduction et le gaspillage énergétique passaient pour un acte citoyen. Le débat doit être ouvert. Il faut le mettre en scène, permettre aux médias de le prolonger. La transition énergétique mérite un débat organisé dans un grand amphithéâtre rempli de citoyens et retransmis à la télévision.
J'ai écouté le vibrant plaidoyer de nos collègues en faveur du nucléaire.
M. Jean-Claude Lenoir. - Comme M. Guillaume !
Mme Laurence Rossignol. - Je l'ai entendu à droite, comme à gauche.
M. Jean-Claude Lenoir. - Et au centre !
Mme Laurence Rossignol. - Et j'ai relevé des omissions : aucun de vous n'a reconnu le caractère conjoncturel et artificiel du coût estimé du nucléaire, minoré par la sous-assurance du risque nucléaire : le coût de l'assurance est 5 000 fois inférieur à ce que coûterait un accident nucléaire...
M. Ladislas Poniatowski. - Argument écologiste bien connu !
Mme Laurence Rossignol. - N'importe quel chirurgien se réjouirait d'avoir à contracter une assurance aussi favorable. Propagande aussi : pas un jour sans un article pour promouvoir l'exploitation du gaz de schiste, pas un jour sans que nous ne soyons invités par les lobbies dans les meilleurs restaurants parisiens... pour nous expliquer combien nous faisons fausse route en ne cédant pas à ces sirènes. Pour ma part, je n'y vais pas !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Moi non plus !
M. Ladislas Poniatowski. - Je n'ai pas été invité, moi !
Mme Laurence Rossignol. - Je vous transmettrai les invitations ; la presse reçoit les mêmes. Les promoteurs du gaz de schiste, passant sous silence la production de gaz à effet de serre, plaident chaque jour en sa faveur, sans preuve. Je crains qu'on ne réussisse pas la transition énergétique si l'on n'envisage l'avenir que du point de vue des énergies fossiles et des hydrocarbures. Je dénonce cette paresse d'esprit. Faut-il rappeler les chiffres alarmants de l'ONU sur le climat ? Non pas deux mais quatre degrés d'augmentation de la température et pas en 2100 mais en 2060 !
Dénonçons le leurre des compagnies pétrolières, qui défendent leur intérêt. Aux citoyens de défendre les leurs ! Je me réjouis, madame la ministre, que vous ayez déclaré ce matin qu'il n'y a pas d'argent public pour la recherche sur l'exploitation du gaz de schiste. (M. Ronan Dantec applaudit)
M. Jean-Claude Lenoir. - Fermez le ban !
Mme Laurence Rossignol. - Il faut innover, créer de nouveaux financements. Je regrette que la proposition de loi Courteau-Raoul n'ait pas été retenue.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Eh oui !
Mme Laurence Rossignol. - Je félicite nos collègues pour ce débat, mais je veux leur dire une chose : soyez décomplexés !
M. Jean-Claude Lenoir. - Pas de problème !
Mme Laurence Rossignol. - On n'est pas obligé d'être pour la transition énergétique ! Ce n'est pas une valeur républicaine à laquelle nous devrions tous nous soumettre. Il est contradictoire de prétendre soutenir la transition énergétique et d'être contre la réduction de la part du nucléaire et pour l'exploitation du gaz de schiste ! Assumez ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et quelques bancs socialistes ; protestations à droite)
M. Jean-Claude Lenoir. - Mme Rossignol provoque !
Mme Laurence Rossignol. - Pas vous ? (Sourires)
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - Merci au Sénat de se saisir de ce sujet, en donnant de la visibilité à un débat national qui engage la Nation pour les décennies à venir. Bien sûr le Parlement est souverain et aura le dernier mot, avec la loi de programmation pour la transition énergétique. J'ai souhaité éviter de couper ce débat participatif de la représentation démocratique.
De nombreux parlementaires participent au Conseil national du débat, qui ne s'appelle plus parlement. Un débat aura lieu en séance à l'Assemblée nationale et au Sénat avant le dépôt du projet de loi à l'automne.
Ce débat national n'est pas un débat d'experts. Il engage les corps intermédiaires et les citoyens. Nous avons besoin des experts, mais ce débat concerne les citoyens. Il y aura des temps forts, comme les journées de l'énergie des 30 et 31 mars, les portes ouvertes sur l'énergie du 29 mai au 1er juin, les débats territoriaux en partenariat avec les collectivités territoriales. Nous sommes dans une logique de confiance avec les régions. Le pacte électrique breton pourrait servir de modèle.
Vous avez raison, monsieur Chevènement, de commencer par cet article des Echos qui reprenait les prévisions de la CRE données, en pleine campagne présidentielle. C'est pourquoi nous avons besoin d'un débat national, face à la hausse structurelle des coûts, dont on ne sait où elle s'arrêtera. Et ce n'est pas un problème lointain ! Le déficit de 69 milliards est une réalité. Un des enjeux est de retrouver notre souveraineté en matière d'énergie. La France a bénéficié du grand service public de l'électricité et du gaz voulu par le Conseil national de la Résistance. Ce modèle de 1945 a été malmené par le processus de libéralisation. Je me félicite que la Cour des comptes ait décidé de tirer un bilan des ouvertures à la concurrence.
Mme Rossignol a raison, même si elle l'a dit de façon peut-être un peu provocatrice.
M. Jean-Claude Lenoir. - Vous voyez !
Mme Delphine Batho, ministre. - Il y a des choix démocratiques à faire, sans se les laisser imposer par les multinationales. (M. Jean-François Husson ironise)
Que la part du charbon augmente en France et en Europe, ce n'est pas le sens de l'Histoire.
M. Jean-Claude Lenoir. - C'est pourtant inévitable en Allemagne.
Mme Delphine Batho, ministre. - Changeons de logiciel pour faire de la maîtrise de l'énergie un grand enjeu national.
Il faut encourager l'efficacité énergétique. Le mot sobriété fait penser à une restriction. Ce n'est pas de cela qu'il doit s'agir. C'est aujourd'hui que les gens se restreignent, à cause de la hausse des factures énergétiques. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
MM. Daniel Raoul, Roland Courteau et Jean-Jacques Mirassou. - Bravo !
Mme Delphine Batho, ministre. - L'efficacité énergétique peut réduire la facture des ménages et aussi la facture énergétique de la France, de 3 à 5 milliards, tout en créant des emplois. Si nous avons souhaité que la proposition de loi Brottes avance, c'est pour ne pas faire attendre certaines décisions.
Oui, monsieur Merceron, il faut parler du programme « Habiter mieux ». J'en ai vu hier un exemple vertueux : avec Cécile Duflot, nous avons visité une maison construite en 1956 dans laquelle des travaux modestes ont eu pour effet une division par deux de la consommation d'énergie. Reste le problème du financement du reste à charge par les ménages ; le Gouvernement y travaille avec la Caisse des dépôts et consignations.
Sur le bouquet énergétique, je rejoins M. Poniatowski : l'un des objectifs principaux qui doit nous unir, c'est de réduire notre dépendance aux hydrocarbures. Je comprends mal qu'il ait conclu en préconisant l'exploitation du gaz de schiste.
Oui, la France continuera à avoir besoin du nucléaire, comme l'a dit le président Guillaume. Mais regardons les coûts en face, les investissements nécessaires pour la maintenance, la sécurité ; anticipons la fin de vie de nos centrales, sinon nous risquons de nous retrouver face à un mur infranchissable. Ma conviction personnelle, c'est la complémentarité des énergies décarbonées, nucléaire et renouvelables.
Nos ingénieurs ont fait de la France un champion du nucléaire. Qu'ils en fassent désormais un champion des énergies renouvelables ! La fermeture de Fessenheim n'a pas été décidée par l'ASN, c'est une décision politique de transition énergétique. Dès lors que 400 réacteurs vont être arrêtés dans le monde d'ici 2040, le démantèlement devient un enjeu pour la filière nucléaire.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Très bien !
Mme Delphine Batho, ministre. - Diversifions notre mix électrique, réduisons le nucléaire, sans en sortir complètement.
Le gaz de houille n'est pas une nouveauté, il est exploité en France depuis 1992. Le permis de recherche est en cours depuis douze ans.
M. Jean-Claude Lenoir. - De recherche, pas d'exploitation !
Mme Delphine Batho, ministre. - La démonstration n'a pas été apportée que cette ressource puisse être exploitée de façon rentable. Méfions-nous des formules magiques, des pierres philosophales.
Monsieur Chevènement, je voudrais vous convaincre que les énergies renouvelables sont l'avenir. Il y a une compétition mondiale économique en la matière.
Peut-on qualifier de folie l'éolien en mer ? Une folie, la création de 10 000 emplois avec cette filière industrielle ? Je ne le crois pas. Nous sommes dans une phase d'investissement. J'en discutais avec mon collègue allemand Peter Altmaier encore hier.
Oui, il y a une surcapacité allemande et espagnole sur l'éolien, d'où leur vente à perte. Nous cherchons à mettre en place un mécanisme qui évite à la fois la sous- et la surcapacité.
Nous mettons en avant la notion de patriotisme écologique, considérant que tout investissement dans les énergies renouvelables est bon pour le développement industriel et la création d'emplois. Avec Laurence Rossignol, nous avons inauguré une usine de fabrication de mâts d'éoliennes dans l'Oise, une autre a été inaugurée par Arnaud Montebourg en Saône-et-Loire. Des programmes de recherche sont financés dans le cadre du programme d'investissements d'avenir.
Mettons tous les éléments d'impact et de décision sur la table. Oui, monsieur Dantec, l'instabilité de ces dernières années, que vous avez dénoncée, a freiné la création d'emplois et l'investissement.
Bien évidemment, la question du financement est posée. Nous héritons d'un boulet de 5 milliards d'euros, je le rappelle !
M. Roland Courteau. - Eh oui ! C'est l'héritage.
Mme Delphine Batho, ministre. - Le Grenelle a fixé des objectifs mais sans prévoir de financements, c'est irresponsable !
M. Jean-Claude Lenoir. - On attend de voir comment vous allez faire.
Mme Delphine Batho, ministre. - J'ai réformé les tarifs du gaz. Je souhaite engager une réforme des tarifs de l'électricité. J'ai demandé à la CRE d'analyser les coûts d'EDF.
La transition énergétique est un investissement d'avenir, pour créer de l'emploi, pour réduire la facture d'énergie des ménages. Je salue l'ouverture de ce débat au Sénat, en remarquant les convergences qui se sont exprimées. Définissons ensemble l'intérêt général de la Nation. Je veux finir sur un message de confiance. La France a de grands leaders mondiaux. Nous avons des atouts. Ce débat doit donner les signes d'espoir dans un moment où notre pays en a besoin. (Applaudissements à gauche)
La séance est suspendue à 12 h 50.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Vous connaissez la règle : deux minutes trente par intervenant.
Que sont les promesses de campagne devenues ?
Mme Catherine Troendle . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ma question s'adresse au ministre du budget. Votre majorité a été élue sur le mensonge. (Vives protestations à gauche) Vous prétendiez réconcilier les Français, vous ne faites que les diviser, les monter les uns contre les autres par vos réformes de société. En supprimant le jour de carence dans la fonction publique...
M. Didier Guillaume. - C'est très bien !
Mme Catherine Troendle. - ... vous opposez les fonctionnaires aux salariés du privé. (Marques d'approbation à droite) Vous avez abrogé la hausse de la TVA antidélocalisation pour y revenir de façon mois efficace. Votre hausse « historique » des impôts, soi-disant pour ramener le déficit à 3 %, n'aura servi qu'à payer vos cadeaux électoraux. (Protestations sur les bancs socialistes) Une République impartiale ? Copinage, plutôt, inégalé depuis François Mitterrand, avec une nouvelle cohorte de préfets collaborateurs du parti socialiste et la nomination de Mme Royal à la BPI. (Exclamations à droite) En neuf mois, vous avez changé tous les modes de scrutin de la République pour tenter de contourner la sanction électorale qui vous attend.
François Hollande promettait de garantir le niveau actuel des dotations aux collectivités locales. Nouveau mensonge : le coup de rabot se poursuit. Même la majorité se sent trahie. Le président socialiste du Comité des finances locales, André Laignel, craint pour l'investissement des collectivités territoriales ; le président socialiste de l'Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, redoute des centaines de milliers d'emplois dans le BTP. Allez-vous cesser d'étrangler les collectivités, qui assurent 70 % de l'investissement public ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Je ne répondrai pas à une partie de votre question, sur les nominations en particulier... Je pourrais dresser la liste des nominations récentes, qui sont équilibrées... (Exclamations à droite) Attention à ce que nous disons, les uns et les autres.
Mme Catherine Troendle. - J'assume !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - La République a ses règles, elles sont respectées.
Pendant la campagne électorale, Mme Pécresse, comme elle l'a honnêtement reconnu, avait sérieusement envisagé 2 milliards de baisse par an des dotations aux collectivités locales. Avec le Premier ministre, nous avons voulu la première année stabiliser leurs ressources pour équilibrer cette crise violente - dont nous ne sommes aucunement responsables. Aujourd'hui, il faut faire des économies supplémentaires. (Exclamations à droite) Non pas 10 milliards, mais deux fois 1,5 milliard d'euros. Les départements de France peinent à servir les allocations de solidarité : il leur faut une ressource pérenne. Le travail sur ce sujet s'achèvera à l'été.
Il faut une fiscalité horizontale, il faut que nous réécrivions ensemble, courageusement, la dotation globale de base pour la rendre plus juste. Nous demandons 1,25 % d'effort, les collectivités locales sauront le faire. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations à droite)
Comment aider l'artisanat ?
M. Jean-Claude Merceron . - L'artisanat est le premier employeur de France, le premier aménageur du territoire car ses emplois sont non délocalisables. Il est frappé de plein fouet par la crise ; le bâtiment doit faire face aux contraintes administratives, à une concurrence déloyale, à une fiscalité décourageante et à des charges sociales pénalisantes. Pour 2014, le Gouvernement prévoit d'augmenter encore la TVA. Trop, c'est trop ! L'objectif de 500 000 logements construits sera hors de portée. Pour soutenir la rénovation des logements et leur isolation thermique, pour l'emploi, pour l'économie, je vous demande le retour à un taux réduit incitatif pour le bâtiment. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme . - Le bâtiment pèse lourd, vous avez raison de le rappeler. Dans le cadre du pacte de compétitivité du Gouvernement, les entreprises de l'artisanat bénéficieront du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), à hauteur de 2 milliards d'euros. La hausse de la TVA représente 1,8 milliard d'euros : le solde est positif pour ce secteur de 200 millions. Le contrat de génération lui sera accessible, avec un volet consacré à la reprise et à la transmission des entreprises. Un groupe de travail interministériel sur l'artisanat se réunira.
Dans le pacte pour l'artisanat, une attention particulière est accordée au bâtiment. La TVA n'est pas le seul sujet qui inquiète ces entreprises : toutes les questions seront mises sur la table, fiscalité, besoins de trésorerie, concurrence. La politique du Gouvernement est cohérente : pacte de compétitivité, pacte pour l'artisanat pour créer de l'emploi et concourir au redressement économique du pays. (Applaudissements à gauche)
Fraude à la viande
M. Jean-Jacques Mirassou . - Je veux évoquer le dossier de la fraude à la viande bovine. Je salue l'action du Gouvernement et des trois ministres concernés MM. Le Foll, Hamon et Garot, qui a été rapide, ferme et transparente. (Applaudissements sur les bancs socialistes) C'était indispensable pour rétablir la confiance dans l'agroalimentaire français. Les méandres européens sont complexes, il faut améliorer les procédures de contrôle : le consommateur doit savoir ce qu'il a dans son assiette ! Il fallait aussi impérativement rassurer les salariés de Spanghero, la population de Castelnaudary et les élus de l'Aude. La suspension de l'agrément n'a pas dépassé quatre jours, c'était justifié. Des enquêtes sont en cours, il faudra sanctionner les auteurs de cette fraude. Plus généralement, c'est la recherche frénétique du profit qui a provoqué cette fraude au « minerai » de viande, qui aurait généré en six mois un surprofit de 500 000 euros.
Pouvez-vous faire le point, monsieur le ministre de l'agriculture ? Quelles sont les pistes que privilégie le Gouvernement pour que cette situation ne se reproduise pas ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - Ce qui s'est passé est une fraude généralisée sur les produits concernés. Nous avons saisi Europol pour démêler des circuits particulièrement complexes à l'échelle européenne. Il fallait une réponse rapide, nous avons diligenté immédiatement une enquête sanitaire sur l'entreprise Spanghero - que je distingue de la famille éponyme. Elle sera terminée demain ; l'activité a repris pour les secteurs qui n'avaient rien à voir avec le négoce.
Plus largement, il faut s'interroger sur l'ensemble de la filière. Tous les acteurs, que nous avons réunis ce matin, se sont mis d'accord sur trois objectifs : améliorer la règlementation européenne ; anticiper en France les évolutions et être exemplaire en matière de traçabilité ; mettre en place un groupe de travail pour un meilleur autocontrôle des acteurs et une saisine plus rapide de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). (Applaudissements à gauche)
Droit de vote des étrangers
Mme Esther Benbassa . - En décembre 2011, nous débattions, sur mon rapport, d'une proposition de loi visant à accorder aux étrangers non communautaires le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales. Le Sénat, qui venait de changer de majorité, l'avait voté, dans un rare moment de communion républicaine. Nous espérions qu'avec l'élection de François Hollande justice serait rendue à ces hommes et à ces femmes qui vivent dans les mêmes quartiers que nous, scolarisent leurs enfants dans les mêmes écoles, paient leurs impôts ... Ils ont gardé nos enfants, nettoyé nos domiciles, construit nos maisons et nos routes, (exclamations à droite) ils n'ont pas fait moins pour la France que les étrangers communautaires. Majoritairement issus de nos anciennes colonies, ils partagent avec nous une histoire commune.
Je sais la tâche complexe, mais plus d'un ténor de la droite prônait naguère de leur accorder le droit de vote. La bataille n'est pas entre la gauche et la droite, l'enjeu est de nature supérieure : il y va de la conception que nous avons de la démocratie, d'une France exemplaire et ouverte. Les promesses de François Hollande nous engagent. (« Ah ! », « Pas nous ! » à droite) S'il n'est pas possible de réunir une majorité des trois cinquièmes au Congrès, pourquoi ne pas envisager avec courage un référendum ? Voilà la question que se posent nombre de nos concitoyens. (« Chiche ! » à droite) (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - La majorité souhaite l'adoption du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales. C'est l'engagement du président de la République, le Gouvernement souhaite faire aboutir cette réforme. (Exclamations à droite) Les esprits peuvent évoluer, Maastricht avait déjà changé la donne. J'ai moi-même rapporté les propositions de loi socialistes sur le sujet ; j'ai moi-même vu mes parents espagnols voter pour la première fois en 2001.
Mais toute réforme constitutionnelle, vous le savez, nécessite de réunir les trois cinquièmes des voix au Congrès ; celles de la majorité n'y suffisent pas. Il faut donc écouter et convaincre. (Marques d'ironie à droite) Le Premier ministre a consulté les groupes parlementaires, il recherche les conditions pour parvenir aux trois cinquièmes, sur ce sujet comme sur d'autres. La question de droit de vote des étrangers non communautaires fait l'objet d'un fort clivage avec la droite, qui refuse cette avancée. La résistance est de ce côté-là, pas du nôtre. Naguère, Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo, Yves Jégo, Jean-Pierre Raffarin (exclamations à droite) avaient fait part de leur accord...
M. Jean-Claude Gaudin. - Ils peuvent changer d'avis !
M. Philippe Dallier. - Pas vous !
M. Manuel Valls, ministre. - Cela peut nous arriver...
Convoquer un référendum est de la compétence exclusive du président de la République. Il souhaite rassembler, apaiser...
MM. Gérard Longuet et Alain Gournac. - C'est mal parti !
M. Manuel Valls, ministre. - ... ne pas diviser davantage. Vous aurez une réponse du Gouvernement sur ce sujet à l'issue de la période de consultations ouverte par le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Déficit et croissance en Europe
M. Thierry Foucaud . - Les pays de l'OCDE connaissent une croissance de 1,5 %, la zone euro, une récession de 0,6 % - fruit amer des politiques d'austérité imposées aux peuples par l'Union européenne pour arriver coûte que coûte et quoi qu'il en coûte aux 3 % de déficit budgétaire.
La croissance est à Washington, à Pékin, pas à Paris ou Berlin, encore moins à Athènes. La loi de finances pour 2013 a été marquée par la hausse des impôts et le gel de la dépense publique ; le collectif a gagé le CICE, 20 milliards, par une augmentation du taux de TVA. Le concours d'idées est lancé pour réduire encore le déficit. Les uns proposent d'aller plus loin dans la flexibilité du marché du travail, comme si la solution était toujours plus de précarité ; les autres recommandent la fiscalisation des allocations ; d'autres encore suggèrent de geler les pensions de retraites et d'augmenter la CSG des retraités. Un patron américain se permet même d'insulter les travailleurs français. Et les dotations aux collectivités territoriales vont encore baisser.
M. Rémy Pointereau. - Voilà !
M. Thierry Foucaud. - Seule la croissance réduira les déficits, (Exclamations ironiques à droite) Même le FMI le dit. Mais une politique de croissance impose un appareil industriel soutenu par la puissance publique et un système bancaire mis en demeure de financer l'économie réelle et non la spéculation. L'austérité, c'est le déclin de l'Europe. La France doit porter une autre parole lors du Conseil européen des 14 et 15 mars prochains. Notre politique budgétaire doit rompre avec l'idéologie du traité de Lisbonne. Que compte faire le Gouvernement pour sortir la France de l'ornière des politiques libérales de la zone euro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - J'ai entendu l'hommage que vous avez rendu au FMI, aux dirigeants de Washington et de Pékin. Faut-il appliquer aux salariés français les politiques sociales pratiquées en République populaire de Chine ? J'en doute. (Rires et « Très bien ! » à droite)
Au-delà de l'appréciation que nous pouvons porter sur ces pays avec qui nous avons des liens d'amitié, le Gouvernement a décidé d'une politique qu'il poursuivra parce qu'elle est nécessaire. La réduction des déficits et le désendettement sont indispensables. Aucune institution, aucun pays ami ne peut imposer à la France une politique que nous n'aurions pas librement décidée. Il s'agit de restaurer la souveraineté nationale : cela suppose de nous désendetter. Nous ne pouvons plus dépendre de l'emprunt, des marchés, des agences de notation. Nous poursuivrons notre politique d'ajustement structurel Rajouter de l'emprunt à l'emprunt n'a jamais créé de la croissance. Le déficit structurel, qui avait augmenté de un point de PIB depuis cinq ans, le Gouvernement commence à le réduire. (Exclamations à droite) Il est particulièrement difficile de procéder à un ajustement budgétaire dans la conjoncture actuelle. Nous le faisons, sans rajouter de l'austérité à je ne sais quelle rigueur. Nous aurons l'occasion de débattre, lors de la loi de finances pour 2014, de la politique économique du pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Ladislas Poniatowski. - Il est autrement plus fort que Moscovici !
Fraude à la viande (II)
M. Gilbert Barbier . - L'Europe entière s'indigne de l'affaire du cheval estampillé « pur boeuf » qui a jeté la suspicion sur l'ensemble d'une filière. La plupart des produits laitiers ou des fromages industriels seraient fabriqués avec du lait étranger d'origine inconnue. Les AOC, IGP, labels rouges français témoignent pourtant de la qualité de nos productions agroalimentaires.
Des moyens de contrôle adaptés sont nécessaires. L'autocontrôle a des limites. C'est aux organismes publics d'exercer une surveillance efficace sans attendre que les scandales surviennent. Les consommateurs ont droit à la transparence totale. Face à la lenteur de Bruxelles, imaginez-vous, monsieur le ministre, de prendre les devants sur l'étiquetage des plats préparés ?
Nous attendons des engagements et des résultats. (Applaudissements sur plusieurs bancs du RDSE et à droite)
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation . - Quatre millions et demi de personnes ont acheté du cheval au prix du boeuf, enrichissant au passage les intermédiaires - 550 000 euros de bénéfices indus pour les seules entreprises françaises. Treize pays sont concernés, et dix-huit entreprises. Plusieurs milliers de contrôles sont en cours. L'enquête judiciaire se concentre sur la responsabilité de l'entreprise Spanghero, mais elle s'étend à l'ensemble de la filière. Si la viande de cheval dans les plats préparés n'est pas impropre à la consommation, la tromperie économique n'en demeure pas moins avérée.
La modification des règlements européens est nécessaire. Nous faisons en sorte que les professionnels français l'anticipent et nous avons constaté ce jour même leur bonne volonté.
Nous devons nous attaquer à la tromperie économique. Le vol d'une barquette de surgelé dans un magasin expose à 45 000 euros d'amende et trois ans de prison, la tromperie de quatre millions et demi de consommateurs à 37 000 euros et deux ans : est-ce dissuasif ? Les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont agi avec célérité et efficacité, bien que leurs effectifs aient baissé de 16 % ces cinq dernières années. Nous rompons avec cette politique. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE et des écologistes)
Taxation des allocations familiales
Mlle Sophie Joissains . - Ma question s'adresse à la ministre de la famille. Équilibrer les comptes publics n'est pas facile. Où sont les priorités de l'État ? La politique familiale a une portée symbolique et idéologique. Le président de la Cour des comptes préconise une mesure de taxation des allocations familiales qui repose sur l'idée que les familles riches n'ont pas besoin d'être aidées comme les familles pauvres : c'est une image d'Épinal...
M. Jean-Louis Carrère. - C'est votre vision depuis Aix-en-Provence ....
Mlle Sophie Joissains. - Ce sont les classes moyennes, encore, qui seront frappées. Les enfants sont notre avenir. Les allocations familiales ne sont pas une mesure de répartition ou de justice sociale, mais un investissement pour l'avenir. L'État préserve à travers elle un lien protecteur avec l'ensemble des familles françaises. Y toucher, c'est mettre en danger le contrat social.
Le Gouvernement envisage-t-il cette piste de rééquilibrage budgétaire ? Si oui, recourra-t-il à l'impôt, imposera-t-il une condition de ressources, ce qui battrait en brèche le principe même de notre politique familiale ? (Applaudissements à droite)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Comment refuser de s'interroger, alors que sous le précédent gouvernement la branche famille, pour la première fois, est devenue déficitaire de 2,6 milliards en 2011 ? (Protestations à droite ; exclamations sur les bancs socialistes) Vous avez désindexé les allocations familiales : il en a coûté 600 millions d'euros. La France est certes en tête des pays européens pour les dépenses familiales, mais pas de la lutte contre la pauvreté des enfants, comme l'a indiqué récemment l'Unicef...
Comment refuser de s'interroger, alors que les attentes des familles ont évolué ? Elles préfèrent en effet, dans leur majorité, des offres de prestations et de services plutôt que des aides financières. (Exclamations à droite)
MM. Jean-Pierre Raffarin et Alain Gournac. - Répondez ! (On reprend en choeur sur plusieurs bancs UMP ; protestations sur les bancs socialistes)
M. Jean-Claude Gaudin. - Faites payer les riches !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Il est légitime d'adapter les aides financières et le développement des services aux conditions actuelles. Ce n'est pas l'immobilisme mais la justice, l'équité, l'égalité qui sont le gage de l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Gournac. - Et Madame défend la famille !
Politique de la ville
M. Daniel Raoul . - Depuis la loi d'orientation sur la ville de 2003, les politiques des gouvernements successifs n'atteignent aucun des objectifs fixés. Il est vrai que les crédits ont baissé de 50 % depuis 2008 ! Faut-il s'étonner que les inégalités aient crû, que le chômage dans les quartiers atteigne le double de ce qu'il est ailleurs... Comme l'a regretté la Cour des comptes, les interventions sont diluées dans un trop grand nombre de quartiers.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé une large concertation, à laquelle M. Dilain a été étroitement associé, en présidant un groupe de travail qui a élaboré de nombreuses propositions, examinées lors du Comité interministériel de la ville qui s'est tenu la semaine dernière. Pouvez-vous nous en dire davantage monsieur le ministre, sur les propositions retenues, tant il y a urgence dans les quartiers populaires ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville . - La situation des quartiers populaires concerne tout le monde. Oui, les chiffres du chômage sont les plus frappants, ils illustrent les difficultés de ces quartiers trop souvent stigmatisés dans les discours publics. Le Premier ministre a retenu 27 décisions lors du Comité interministériel. C'est l'ensemble du Gouvernement qui s'est engagé. Je vais conventionner avec l'ensemble des ministres concernés, afin que nous agissions de concert dans ces quartiers. C'est la reconnaissance des fractures territoriales au sein des villes comme entre villes et campagnes. Les conventions alimenteront les futurs contrats de ville, qui lanceront une nouvelle génération d'opérations de rénovation urbaine.
Les crédits de la politique de la ville seront concentrés, sur la base des critères les plus objectifs possibles - dont le pourcentage d'écart au revenu médian national et local - Guéret ou Auch par exemple devraient être concernées. Ce n'est pas un plan d'urgence mais une action structurelle qui va s'engager. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Sort des femmes dans l'espace francophone
Mme Michèle André . - Madame la ministre de la francophonie, le 8 février vous vous êtes exprimée devant le bureau l'Assemblée parlementaire de la francophonie en rappelant que les valeurs des droits de l'homme et de la démocratie sont partagées dans l'espace francophone. Des priorités ont été définies par le président de la République dont la francophonie qui participe au rayonnement international de notre pays. Le président de la République s'est exprimé devant l'Assemblée nationale du Sénégal, où sont élus autant de femmes que d'hommes - cela fait rêver !
Au Mali, le président de la République a pris les décisions qui s'imposent pour rendre à ce pays son autonomie : les femmes y ont connu une situation infernale au nord jusqu'à cette intervention. La francophonie, ce sont des valeurs. Madame la ministre, vous accordez une importance particulière à la condition des femmes, comme vous l'avez montré à Goma, où nombre d'entre elles ont été victimes d'un viol utilisé comme arme de guerre. Le 20 mars sera célébré la journée de la francophonie : quelles initiatives allez-vous prendre à cette occasion ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie . - Je salue votre combat pour la cause des femmes. J'ai décidé d'organiser le 20 mars le premier forum mondial des femmes francophones. C'est dans l'espace francophone, en République démocratique du Congo, que les femmes sont les premières victimes des exactions, des viols, du génocide au féminin ; c'est dans l'espace francophone, en Tunisie et en Egypte, que les femmes voient leurs droits se réduire.
Le 20 mars, 400 femmes de 77 pays viendront faire entendre leur voix pour le respect de leur dignité, de leurs droits, de leur intégrité, partout où ils sont menacés. Je souhaite que la France et l'OIF impulsent un véritable plan d'action. (Applaudissements)
Financement du Grand Paris
M. Philippe Dominati . - Ma question s'adressait à monsieur le Premier ministre, car c'est lui qui va arbitrer pour le financement du Grand Paris. Je suis satisfait, madame la ministre, que vous ayez été désignée pour me répondre, car vous avez été - brièvement - élue de Paris. Depuis l'alternance, vous détenez tous les pouvoirs, communal, régional, national.
Que se passe-t-il ? Paris a perdu quatre places au classement des capitales en 2012 pour l'attractivité. Un groupe étranger va mettre en vente la Bourse de Paris, Paris accueille de moins en moins d'entreprises étrangères, et l'on ne vous entend pas.
Certes, on entend le président Huchon critiquer le maire de Paris à propos de la taxation des bureaux, à laquelle je vous crois favorable, M. Valls s'interroger sur le coût de la fermeture des voies sur berge, les bisbilles entre les Verts et la majorité socialiste sur le Pass Navigo...Il reste 9 milliards à trouver. L'Etat ne paie pas, mais les habitants et les entreprises, ainsi que les contribuables par le biais d'une taxe d'équipement. On apprend que vous êtes à la recherche de nouvelles sources de financement et que le Premier ministre va trancher. Va-t-il demander une nouvelle augmentation des impôts aux Parisiens, aux entreprises ?
N'augmentez pas l'impôt des Franciliens ! L'État veut commander ? Qu'il paie ! (Applaudissements à droite)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - Votre façon de présenter le dossier du Grand Paris est originale... Il avait pourtant fait l'objet d'un grand consensus, sans doute à cause de sa sous-évaluation : il manquait pas moins de 10 milliards.
M. Philippe Dominati. - C'est l'administration de l'État qui en est responsable !
Mme Cécile Duflot, ministre. - Voilà pourquoi nous mobilisons tous les financements nécessaires pour répondre à la demande des élus de tous bords et aux besoins, notamment de déplacements, des Franciliens.
Vous faites référence aux taxes affectées à la société du Grand Paris, par le précédent gouvernement. L'Etat paiera, le Premier ministre s'y est engagé. Évidemment, l'équation est compliquée, d'autant plus que le précédent gouvernement chiffrait à 20 milliards un projet de 30 milliards. Notre Gouvernement y travaille avec toutes les collectivités et le 6 mars le Premier ministre fera des propositions pour répondre à une situation de plus en plus criante. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
La séance reprend à 16 h 15.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Christian Cambon . - Lors des scrutins n°s18, 19 et 20 sur la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir de la guerre en Algérie et des combats en Tunisie et au Maros, M. Bélot voulait voter pour et non contre.
Mme la présidente. - Acte vous en est donné.
Débat sur les relations Nord-Sud
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur le développement dans les relations Nord-Sud.
Mme Kalliopi Ango Ela, pour le groupe écologiste . - Le groupe écologiste a souhaité l'inscription de ce débat à notre ordre du jour, car il est d'actualité avec les assises du développement Nord-Sud, pilotées par M. le ministre. J'y participe et voulais associer à cette réflexion tous les parlementaires qui ne l'ont pas été, en dépit de leur expertise. Il est aussi d'actualité du fait de la reprise de l'aide pour le Sahel et de la question de la paix au Mali.
Au-delà de cette actualité, les écologistes sont très attachés au développement et aux relations Nord-Sud. Je porte un nom du sud Cameroun, où je réside depuis 1987 et où j'ai dirigé durant une quinzaine d'années le centre de recherches géopolitiques en Afrique centrale. Comme chercheuse, et comme sénatrice représentant les Français établis hors de France, ma vision n'est donc pas franco-centrée.
Le terme même d'aide au développement renvoie à la domination et à la dépendance. Changeons de vocabulaire, plutôt que de « population locale », parlons de « nationaux de tel État ». Pourquoi parler « d'aide » au développement quand il s'agit en réalité de prêts, avec un retour sur investissement attendu ? Je préfèrerais que votre ministère soit celui du « développement pour tous » ou du « développement mutuel ». Le plan bolivien du président Morales consiste à assurer à chacun le « bien vivre entre nous » ; c'est une autre manière d'organiser la société loin du libéralisme ou de notre vision occidentale de la « qualité de vie ». Il s'agit de vivre protégés par la société, en harmonie avec la nature, dans le bien-être. Parlons non d'aide mais d'entraide ou d'aide mutuelle.
Le rapport de MM. Peyronnet et Cambon sur la mission Aide publique au développement du budget 2013 soulignait que les intérêts du Nord et du Sud peuvent être communs, que la politique de coopération vise un développement plus harmonieux de la planète, plus durable et moins inégalitaire. Or ni le budget, ni le document cadre de coopération ne mentionnent les intérêts français. Notre aide doit être plus claire dans ses objectifs affichés, notamment reconnaître celui d'influence.
L'évaluation de la politique de développement entre 1998 et 2010 par Ernst and Young préconise davantage de lisibilité. Que la France assume qu'elle retire des bénéfices de l'aide bilatérale ! Mme Bricq identifie quatre familles dans l'offre commerciale de la France ; elles pourraient être abordées dans les relations avec le Sud. Le budget consacré au développement pourrait ainsi être recentré sur sa vocation première.
La relation doit être équitable et égalitaire. Je salue l'organisation des assises du développement et de la solidarité internationale. Je suis ravie d'y participer. Mais il faut y entendre les voix du Sud, de ses États, ses ONG, ses collectivités territoriales. Après le développement pour qui, posons la question du développement avec qui. Je regrette que les États et collectivités territoriales du Sud n'aient pas été davantage représentés. Cela aurait permis de dresser un état des lieux des coopérations entre collectivités territoriales du Nord et du Sud. Le dialogue doit être équilibré et équitable. Comme l'a écrit magistralement le grand historien burkinabé Joseph Ki-Zerbo : « L'Europe croit dialoguer avec l'Afrique ; en réalité elle ne reçoit que l'écho tropicalisé de sa propre voix ».
Il convient de faire valoir le droit à la mobilité, la reconnaissance du rôle des migrants comme acteurs du développement. La plate-forme Eunomad y insiste. Le président de la République a marqué sa volonté de reconnaître le rôle des migrants dans le développement. Ne pourrait-on engager un travail sur une migration réfléchie, loin du concept d'immigration choisie, intégrant les problématiques de mobilité ? Je connais votre attachement au droit à la mobilité, monsieur le ministre ; j'espère que le Gouvernement saura faire entendre sa voix au niveau international.
L'entraide complexe entre acteurs doit associer ONG, États, collectivités territoriales. Il faut coordonner les différents acteurs, sans banaliser la relation Nord-Sud, au risque que les États du Sud se désengagent.
Le temps des bailleurs n'est pas celui des ONG. Le temps politique se rétrécit. Il existe un « temps mondial » : un projet de développement se déroule sur trois ans, les résultats ne seront pas visibles avant cinq ou six ans. Il y a une incohérence entre urgence et développement. L'Institut de recherches pour le développement a mené une mission contre les moustiques vecteurs de maladie ; son action ne s'est toutefois pas poursuivie sur le terrain. Les chercheurs du Sud ont eu le sentiment que ceux du Nord n'étaient là que pour tester des produits, obtenir des brevets et repartir, plus que pour faire du développement.
Je salue votre travail dans le contexte de l'intervention française au Mali, monsieur le ministre. Pour assurer la paix à ce pays, il faudra modifier nos structures mentales, notre vocabulaire. Cela suppose une sortie de crise économique. Les Français du Mali sont solidaires avec leur pays d'accueil. La section Mali de « Français du monde-adfe » l'a rappelé dans une lettre adressée au président de la République le 25 janvier 2013, appelant à une réelle coopération Nord-Sud. « La diaspora française que nous sommes reste solidaire avec le Mali qui nous a accueillis et intégrés dans une communauté riche de lien social ». Les Français du Mali, comme les Maliens de France, sont des acteurs majeurs pour préparer la paix et l'après-paix. Comptez sur le soutien à votre action du groupe écologiste, monsieur le ministre. (Applaudissements)
Mme Corinne Bouchoux . - Merci à tous ceux qui sont présents dans l'hémicycle : le nombre de sénateurs présents est inversement proportionnel à l'importance du sujet. La faute sans doute au cumul des mandats... (Protestations à droite)
M. Henri de Raincourt. - Je cumule, je suis là !
M. Christian Cambon. - Moi aussi !
M. Aymeri de Montesquiou. - Idem !
Mme Corinne Bouchoux. - Les lycéens sont cinq fois plus nombreux dans les tribunes...
L'égal accès des femmes et des hommes au développement est une priorité : la place des femmes doit être prise en compte partout, dans toutes les formes d'aide au développement. Or l'approche en termes de genre est souvent mal comprise, ici comme là-bas.
Il faut analyser les relations hommes-femmes, la domination masculine. Les femmes doivent être co-actrices du développement ; ce doit être considéré comme une richesse, pas comme un gadget. Que sait-on au sein du ministère des affaires étrangères de ces questions de genre ? Qu'en sait l'Alliance française, qu'en savent les ONG, l'Agence pour l'aide publique au développement ? On a l'impression que les moyens ne sont pas au rendez-vous. Le suivi analytique du genre dans l'aide française est insuffisant. À la veille du 8 mars, pourrez-vous nous rappeler vos priorités, monsieur le ministre ? Comment mieux mesurer la part du genre ? Comment concilier la promotion de nos idéaux égalitaires quand nos histoires et nos normes sont très différentes ? Dans certains pays, les femmes ne peuvent se vêtir librement, il leur est interdit de porter des pantalons, pour ne prendre que cet exemple. Comment faire pour influer sans verser dans le paternalisme ? Comment intégrer la lutte contre l'homophobie et la lesbophobie dans l'aide au développement, sans avoir l'air de donner des leçons ? (Applaudissements à gauche)
Je remercie en tout cas les sénateurs présents.
M. Henri de Raincourt . - Et moi je remercie le groupe écologiste d'avoir demandé l'inscription de ce débat à l'ordre du jour. Le sujet est d'importance.
M. Robert del Picchia. - Et le débat de qualité !
M. Henri de Raincourt. - En pleine crise, parler du développement peut paraître décalé : pourquoi s'occuper des difficultés des autres quand nous en avons tellement nous-mêmes ? L'aide au développement doit d'abord prouver sa légitimité ; il faut démontrer son efficacité. C'est un travail de longue haleine, difficile, souvent ingrat. L'Aide publique au développement est l'une des rares politiques publiques à n'être pas soumise aux pressions de tel ou tel groupe. La tentation est forte d'en faire une variable d'ajustement budgétaire. Ces coups de rabot ne jetteraient pas les foules dans la rue.
M. Yvon Collin. - C'est sûr !
M. Henri de Raincourt. - L'Aide publique au développement serait-elle la seule voie pour sortir du sous-développement ? Des pays comme la Corée du sud, la Thaïlande ou la Malaisie ont changé de statut en quelques décennies, en accédant au rang des pays les plus créateurs de richesses. Ce, sans avoir bénéficié d'Aide publique au développement.
Le monde change. Face à une Europe vieillissante, l'Afrique comptera 2 milliards d'habitants d'ici 2050. L'enjeu est sécuritaire, économique, écologique ; cette nouvelle donne peut aussi être une chance.
M. Yvon Collin. - C'est vrai.
M. Henri de Raincourt. - L'Afrique peut relever ses défis, si les bailleurs internationaux l'accompagnent. Poumon vert de la planète, l'Afrique s'urbanise, une classe moyenne émerge, les entreprises privées créent des emplois. Nous ne sommes pas dans la compassion, nous nous inscrivons dans une démarche de réciprocité ; le développement n'est pas une voie à sens unique, mais une politique de partenariat.
Nous devons maintenir le niveau de l'aide publique mondiale à 120 millions d'euros. Par solidarité et parce que c'est notre intérêt mutuel bien compris. Le rendez-vous de 2015 sera l'occasion pour chaque pays de voir comment les engagements auront été tenus. Que les pays bénéficiaires de l'aide fassent leur part du chemin. Il ne s'agit pas d'imposer un modèle, mais de bâtir un avenir commun sur la base des objectifs du millénaire pour le développement. Le réchauffement climatique, les pandémies ne connaissent pas de frontières. Bonne gouvernance, lutte contre la corruption, égalité des sexes sont des exigences impératives. Que chacun prenne sa part de responsabilité. L'Aide publique au développement ne peut être envisagée sous le seul prisme de l'injection de capitaux du Nord vers le Sud.
Les pays émergents disposent de leviers de croissance considérables qui doivent servir une aide Sud-Sud.
MM. Yvon Collin et Aymeri de Montesquiou. - C'est vrai.
M. Henri de Raincourt. - L'Europe plaide en ce sens dans le cadre du G20.
Je suis sensible à la question des pandémies. La France, deuxième contributeur au Fonds mondial contre le sida, y consacre 360 millions d'euros par an. En quelques années, ce fléau a reculé. Ne relâchons pas nos efforts.
La lutte contre la corruption est une autre dimension majeure des évolutions que nous devons accompagner, tout comme l'exigence d'oeuvrer à l'égalité des sexes. Il y a, dans ces valeurs auxquelles nous adhérons, un puissant vecteur de développement et de modernité.
Ayant été votre prédécesseur, monsieur le ministre, je sais que les contraintes budgétaires pèsent lourdement sur l'action du Gouvernement et qu'il est difficile de sanctuariser le budget de l'aide publique au développement. La partie « dons » de notre aide reste concentrée sur les pays les moins avancés ; consacrons les moyens adéquats à notre aide bilatérale. Nos moyens financiers ne suffiront pas pour répondre à toutes les demandes : il faut trouver des ressources additionnelles.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Henri de Raincourt. - La taxation des transactions financières, actée il y a un an, est un progrès. Il est essentiel d'en consacrer 10 % au moins au développement.
M. Yvon Collin. - Il faut davantage.
M. Henri de Raincourt. - J'espère que cette taxe sera mise en place le plus tôt possible.
L'aide au développement concerne aussi la société civile. Des ONG, du Nord et du Sud, sont impliquées dans le microcrédit. La coopération décentralisée est une forme d'aide exemplaire. Merci, monsieur le ministre, d'en faire une priorité.
L'Union européenne est le premier bailleur du monde et une grande partie de notre aide transite par elle ; nous contribuons au Fonds européen pour le développement à hauteur de 800 millions d'euros par an. Dans le cadre des nouvelles perspectives qui viennent d'être négociées, notre contribution à cet instrument sera stabilisée. Ainsi, nous aurons un onzième Fonds à 26,9 milliards en prix constants dans le cadre financier 2014-2020. Le confirmez-vous ? La mesure de l'efficacité de l'aide est un instrument précieux, qu'il faut sans doute améliorer.
Je veux conclure...
Mme la présidente. - Je vous laisse le temps de le faire.
M. Yvon Collin. - Le sujet est d'importance !
M. Henri de Raincourt. - ... en évoquant l'intervention française au Mali : elle est salutaire et l'UMP l'a approuvée, mais le temps des armes n'est qu'une étape et je me félicite que la France et l'Union européenne aient repris leur aide au développement, envers le Mali et ses voisins.
L'aide au développement doit demeurer une haute priorité de tout agenda politique, en dépit d'une société poussée à se replier sur elle-même. Sur ce terrain se joue une grande partie de la sécurité internationale. Inhérente à la vocation humaniste de la France, la solidarité doit rester une priorité de notre politique étrangère. Il y va de la paix et de la stabilité du monde. (Applaudissements sur les bancs UMP et écologistes)
M. Jean-Claude Peyronnet . - Sur ce sujet consensuel, je centrerai mon propos sur l'Afrique. À Bamako, le président de la République a eu ces mots : « Lorsque la France était menacée pour son unité territoriale, qui est venu alors ? C'est l'Afrique ! C'est le Mali. Nous payons aujourd'hui notre dette à votre égard ».
Voilà qui rompt avec 50 années d'errements postcoloniaux et jette les bases d'une nouvelle relation. Le Sud, que l'on appelait naguère le « tiers-monde » s'est diversifié : une classe moyenne dynamique est apparue. La croissance africaine, de 6 à 7 %, est dépassée par la croissance démographique. Elle doit attirer les investissements français. Certes, des groupes français assurent la présence française en Afrique, mais nos investissements sont surtout allés vers l'Asie, laissant la place à d'autres.
La France doit réinvestir le terrain économique africain. Ce n'est pas de l'aide publique au développement au sens humanitaire, c'est le meilleur moyen de favoriser l'émergence de l'Afrique, pourvu que l'on veille au respect des règles en matière de travail.
M. Yvon Collin. - Absolument.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Le développement économique s'accompagne de ruptures sociales et territoriales ; il faut corriger les effets dévastateurs d'une croissance à marche forcée, pour l'aide au développement. Les défis sont nombreux : écologiques, sanitaires, sécuritaires, avec le risque de constitution d'États terroristes. Les inégalités explosent, marginalisant une part importante de la population. Cette polarisation est source de conflits. La France doit être fer de lance de la lutte contre ce sous-développement entraîné par une libéralisation centrée sur le moins-disant social.
La colère des foules soulevées sur la rive sud de la Méditerranée fait écho à la révolte des Touaregs du Mali comme aux révoltes des indignés de Madrid ou d'Athènes. Confusément, chacun exprime son rejet de la soumission de la société aux intérêts financiers.
Le combat du Sud est le nôtre. On ne peut accepter que des foules de migrants se noient au large de Lampedusa. La coopération française doit promouvoir la convergence économique des pays les moins avancés, protéger les biens publics mondiaux que sont la santé, le climat, la biodiversité, participer à la gestion des crises, car le sous-développement est le terreau de l'extrémisme.
Nous partageons avec le Sud les mêmes défis, pas la même vision du monde ni les mêmes intérêts. La mondialisation est aussi une affaire de rapports de forces.
Le rayonnement d'une nation tient aux liens qu'elle tisse avec les autres, au respect qu'elle inspire, à sa capacité à mobiliser sa force mais aussi à défendre la solidarité et la justice. Nous partageons avec les pays du sud de la Méditerranée et du sud du Sahara une histoire commune. La population de l'Afrique doublera d'ici 2050 : le développement de l'emploi en Afrique sera un enjeu majeur pour l'avenir de l'Europe.
L'ambition de la France a faibli en dix ans. Dix milliards d'euros d'aide au développement ? Le chiffre est généreux, mais largement faussé ; nos moyens d'intervention ont baissé dans les zones dites prioritaires. Notre coopération s'est écartée de son coeur de métier qu'est l'Afrique subsaharienne, l'éducation, la santé, les services publics. Je me félicite des partenariats tissés avec d'autres pays, avec l'Afrique anglophone ; il était important de sortir du « champ » de nos ex-colonies.
Dans le contexte actuel, il serait nécessaire de redresser la barre budgétaire. Certes, un quart de notre aide passe par des instruments communautaires mais il est bien difficile de convaincre nos partenaires. Nous sommes très préoccupés par l'avenir dessiné pour le FED dans les perspectives financières 2014-2020 ; quelle la position de la France, monsieur le ministre ? Ne pourrait-elle s'appuyer sur la position critique du Parlement européen ?
L'engagement du président de la République de mettre en oeuvre la taxe sur les transactions financières a été tenu, même si nous souhaitions davantage. L'aide bilatérale est exsangue, nos contributions bilatérales méritent d'être réévaluées. L'évaluation de la performance des différents instruments est centrale, nous la demandons depuis longtemps. Le budget de la coopération doit être suffisamment souple pour être redéployé dans le temps sur la base d'une telle évaluation.
Le président de la République s'était engagé à tenir des assises de la solidarité internationale ; elles ont réuni l'ensemble des acteurs de la coopération. Un certain consensus s'est dégagé. Le président de la République s'est aussi engagé à doubler en cinq ans la part de l'aide bilatérale transitant par les ONG ; c'est fait.
Soutenons les acteurs innovants de la société civile dans les pays ou les secteurs où les bailleurs publics rencontrent des difficultés. Les collectivités territoriales sont actives sur ce terrain. Les errements récents de notre diplomatie au Maghreb avant les printemps arabes montrent que nous avions perdu le fil du dialogue avec les sociétés civiles et les collectivités de ces pays. Les ONG, les collectivités territoriales ont ici un rôle essentiel à jouer ; il faut les aider à poursuivre leur action - j'ai fait des propositions en ce sens qu'a reprises M. Laignel dans son rapport. Oui, monsieur le ministre, le temps de l'action est venu.
Notre politique de coopération doit aussi disposer d'un cadre juridique clair et d'instruments modernisés. Le président de la République a annoncé un projet de loi d'orientation et de programmation que nous attendons avec impatience et espoir, spécialement à la commission des affaires étrangères. Il faut que cette politique soit débattue au Parlement, qu'il y ait un travail d'explication, de transparence sur la stratégie et les moyens. La loi devra être accompagnée d'indicateurs. C'est une étape nécessaire dans la construction d'une politique de coopération adulte, émancipée, rénovée, condition essentielle d'une mondialisation maîtrisée. (Applaudissements)
Mme Michelle Demessine . - Ce débat ne peut s'abstraire de l'actualité. L'intervention au Mali nous conduit à réfléchir à son contexte, aux motivations qui l'ont inspirée, aux moyens à mettre en oeuvre pour aider ce pays et la région à se stabiliser - condition de son développement. Le débat de politique étrangère avant-hier a mis en évidence la pertinence d'une approche globale de ce type de crise, traitant les causes et non pas seulement les conséquences.
Monsieur le ministre, vous avez pris l'initiative d'une large consultation à travers les assises du développement et de la solidarité internationale. Le changement de cap promis à l'issue des élections présidentielles est encore peu perceptible ; il tarde à venir dans ce domaine aussi. Les orientations de rupture sont à peine au rendez-vous et votre premier budget a déçu. L'objectif fondamental de consacrer 0,7 % du RNB à l'APD est loin d'être atteint - nous n'en sommes qu'à 0,46 %. La baisse de l'APD stricto sensu est encore accentuée par la pratique du Gouvernement précédent d'y inclure les annulations massives de dettes... Nous souhaitons que pour votre prochain budget, vous ayez la volonté - dont nous ne doutons pas - et la possibilité - nous en doutons un peu - de ne pas recourir à ces artifices.
La part minime de la taxe sur les transactions financières affectée à la solidarité internationale ne tient pas compte des promesses de campagne, mais soyons optimistes et espérons que vos efforts au niveau européen aboutiront.
Saluons aussi votre volonté de refonder notre politique d'aide au développement. Le contexte et les enjeux ont changé en dix ans, l'aide au développement a changé de nature. La politique de votre prédécesseur manquait de clarté, de cohérence, de pilotage et de stratégie. Vous accordez la priorité à l'Afrique subsaharienne, c'est impératif. Les actes concrets doivent suivre, pour un nouveau partenariat débarrassé d'arrière-pensées de l'accès aux richesses pétrolières et minières de l'Afrique.
L'AFD, établissement public qui fonctionne comme une banque, entretient savamment le flou entre les prêts et les dons aux États. Il est grand temps qu'elle cesse d'échapper au Quai d'Orsay, que la question de l'autorité des ambassadeurs sur ses responsables locaux soit tranchée, qu'une vision globale des financements soit à l'oeuvre ; il est temps de se donner les moyens de différencier l'APD de l'intervention économique privée.
Nous apprécions l'annonce d'une renégociation des accords de partenariat économique imposés par l'Union européenne aux pays africains, comme la volonté du Gouvernement de ne plus pratiquer l'amalgame entre dispositifs de financement et flux migratoires. Il faut une volonté politique, pour se débarrasser de l'exigence économique de rentabilité à court terme. La France peut donner l'exemple, agir en ce sens au sein des instances internationales. Le Parlement européen nous montre la voie dans ce domaine.
Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup des conclusions des assises. Tout n'est pas affaire de crédit, mais nous craignons que vous ne disposiez pas des moyens suffisants pour refonder notre politique d'aide au développement. J'espère que vous nous rassurerez. (Applaudissements à gauche)
M. Aymeri de Montesquiou . - Monsieur le ministre, vous avez dit à Helsinki que pour financer le nouvel agenda du développement post-2015, nous devions être ambitieux et innovants. C'est vrai. L'aide directe a vécu, l'aide au développement prend de nouvelles formes plus adaptées à un monde en mutation. Les objectifs du millénaire pour le développement fixent la feuille de route pour éradiquer l'extrême pauvreté pour 2015. Le retard accumulé compromet leur réalisation mais un rattrapage est en cours.
La réorientation d'une partie de l'APD vers des microprojets de financement est possible. La création en 1776 en Écosse du premier établissement d'épargne pour les pauvres est un exemple éloquent. Il illustre l'affirmation de Muhammad Yunus pour qui une bonne théorie économique doit donner aux gens les moyens d'exprimer leurs talents. Il considère les plus démunis comme des entrepreneurs potentiels capables d'innover face à la nécessité. Mais tous les outils ne leur sont pas accessibles, la microfinance nécessite d'importants apports extérieurs. Moins de 16 % de la population accède aux services financiers dans les pays du sud, contre 95 % dans les pays développés.
Bien que le microcrédit se soit répandu dans 80 pays en 30 ans, son potentiel demeure considérable : 3 millions d'Éthiopiens seulement sur 80 millions y ont accès, 730 000 Malgaches sur 20 millions. Selon l'ONU, si les femmes avaient le même accès aux ressources productives que les hommes...
Mme Nathalie Goulet. - Le monde irait mieux !
M. Aymeri de Montesquiou. - ... la production des pays en développement augmenterait de 20 à 30 % et 100 à 150 millions de personnes pourraient être sauvées de la faim... Elles sont des entrepreneurs plus efficaces et plus responsables, qui remboursent presque toutes l'intégralité de leurs emprunts.
Mme Nathalie Goulet. - Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. - En tout cas lorsqu'elles ont accès à l'éducation et à la formation. La France et l'Union européenne ont un rôle très important à jouer dans la lutte contre les discriminations et en faveur de l'éducation. Le microcrédit peut combler l'absence de système bancaire stable dans de nombreux pays, mais il ne peut se substituer aux investissements massifs dans l'éducation et la parité.
M. Yvon Collin. - Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. - D'autres pistes, ce sont les financements innovants. La France, secrétaire permanent du groupe pilote, est une force motrice. Les taxes sur les billets d'avion et sur les transactions financières permettent de lever des fonds significatifs. Je pense au partenariat entre donateurs et entreprises pharmaceutiques qui permet de pallier les défaillances du marché des médicaments.
Monsieur le ministre, vous avez appelé à une mobilisation internationale, en lien avec la présidence finlandaise. La coopération sud-sud s'accentue, les investissements du sud au nord augmentent. L'AFD diversifie son action. Il est absurde d'octroyer des subventions à la Chine ou à l'Inde qui sont des concurrents, alors que les pays du nord se morfondent dans leur situation économique. La physionomie du monde change.
Comme le dit le président tunisien, les relations inégales seront de moins en moins acceptées par les jeunes générations. L'axe nord-sud reste-t-il le plus pertinent, alors que la population mondiale atteindra bientôt 8 milliards d'hommes et de femmes ? Qu'en 2025 l'Europe n'en représentera plus que 6 % ? Si notre population vieillit, elle est jeune dans les pays émergents. Développer suffisamment d'emplois au sud est un défi majeur ; s'il est relevé, des conflits nord-sud seront évités.
La France a un grand savoir-faire dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'eau. La prospérité économique est la seule arme efficace contre l'extrémisme qui se nourrit de la désespérance. Je suis convaincu que des assises sortiront des perspectives ambitieuses et innovantes. (Applaudissements sur les bancs écologistes et UMP)
M. Yvon Collin . - Je tiens à remercier le ministre pour l'organisation des assises du développement, auxquelles j'ai la chance de participer. Il s'agit de rendre plus efficace, plus transparente et plus cohérente la politique d'aide au développement. Ce débat est utile. Rapporteur spécial de la mission APD, je n'ai pu l'aborder ici lors de la loi de finances, vous savez pourquoi... Je n'y reviens pas. Parlons de l'avenir !
La France possède des instruments de financement, avec l'AFD - que les Anglais veulent copier - qu'elle combine avec des aides plus traditionnelles. Nous affectons seulement 0,46 % de notre Revenu national brut à l'APD. Les moyens stagnent, alors que la Conférence de Monterey, en 2002, préconisait 0,7 %, taux sur lequel la France s'est engagée ; il est loin de notre portée.
L'Espagne, la Grèce, le Japon ont baissé leurs contributions, parfois dans des proportions considérables. D'autres pays font l'inverse : la Grande-Bretagne consacre ainsi 0,58 % de son revenu à l'APD. C'est le troisième pays contributeur après les États-Unis et l'Allemagne. La France vient au quatrième rang -ce n'est déjà pas mal. À Londres, nous avons rencontré, le 5 février, nos homologues britanniques. La ministre déléguée au développement international a rappelé le fort consensus existant dans ce pays autour de l'APD, malgré la crise économique. Suivons cet exemple ! Rappelons-nous les propos de François Mitterrand à la conférence des Nations unies : aider le tiers-monde, c'est s'aider soi-même à sortir de la crise. L'enjeu du développement, c'est celui de la paix partagée. Nous devons renforcer notre soutien aux pays du sud, si possible au travers d'aides bilatérales - plus démonstratrices du rôle de la France dans le monde. (Applaudissements sur les bancs RDSE et écologistes)
M. Christian Cambon . - Le développement économique de la planète s'est accéléré au nord au xixe siècle, a basculé vers le sud au xxe siècle, puis nos modèles ont été remis en question au xxie siècle avec l'épuisement des ressources naturelles et le défi climatique.
En 2011, pour la première fois dans l'histoire, les pays du sud ont contribué plus que le nord à la croissance mondiale. La bonne nouvelle, c'est que la pauvreté recule ; la mauvaise, c'est que nous reculons aussi. À ce rythme, en 25 ans, la part de l'Europe dans l'économie mondiale diminuera de moitié - l'Asie en représentera 60 %. Voilà le monde nouveau qui nous attend, c'est la fin du monopole occidental sur l'histoire. C'est aussi la sortie de la pauvreté pour une grande part de la population mondiale. Le taux de mortalité des enfants de 5 ans a diminué de 80 %, la part de la population mondiale qui vit avec moins de un dollar par jour a baissé de moitié. Hélas, un milliard d'êtres humains vivent encore sous ce seuil avec moins de un dollar par jour et autant n'ont pas accès à l'eau.
L'écart se creuse entre les pays les plus pauvres - en majorité situés en Afrique - et le reste du monde. L'Afrique anglophone décolle mais côtoie un continent de misère et d'inégalités ; des territoires immenses, comme le Sahel, sont désertés par des administrations impuissantes. Le terrorisme prospère dans des pays sans développement, aux structures étatiques exsangues, où la jeunesse est livrée aux fanatismes et aux trafics. La lutte contre le sous-développement est un outil de prévention des conflits peu coûteux par rapport aux opérations militaires. L'exemple du Mali le prouve - 200 millions de subventions pour le développement de ce pays en dix ans, là où notre intervention en coûtera probablement 400.
La délocalisation des emplois du nord industriel vers le sud est inquiétante. La croissance démographique a doublé le nombre d'actifs dans le monde entre les années 1980 et les années 2000. D'où, dans un marché unifié, la mise en concurrence des systèmes sociaux, dont les industries occidentales sont les grandes perdantes. L'abondance de la main-d'oeuvre au Sud rendra le processus lent mais douloureux. C'est la survie de notre propre modèle qui est en jeu.
Les ressources naturelles s'épuisent. Le modèle économique dominant, fondé sur l'exploitation des hydrocarbures, n'est pas la solution mais le problème. L'urgence, la gravité des crises et des menaces nous obligent, au nord comme au sud, à trouver des modes de développement soutenables.
La question tient à la cohabitation de trois types de populations : les 4 milliards du sud émergent, qui aspirent à rattraper notre niveau de vie - comment faire sans épuiser les ressources naturelles ? Le milliard qui vit encore dans la misère - comment les aider à en sortir ? Le milliard enfin qui vit dans les pays développés et dont les économies, à l'image de la nôtre, sont en difficulté - comment enrayer la crise et préserver nos modèles sociaux ?
Voilà les défis d'une politique de coopération ambitieuse et rénovée. Il ne s'agit plus de construire des puits dans le désert mais de contribuer à une mondialisation maîtrisée. Les enjeux ne sont plus à la mesure d'un État, fût-il la France. Il nous faut coaliser les soutiens. Le président Nicolas Sarkozy, avec l'aide d'Henri de Raincourt, avait fait émerger ces thématiques à Cannes en haut de l'agenda international. Je n'ai pas l'impression que nous rencontrions aujourd'hui le même succès...
Il nous faut une politique européenne ambitieuse et volontariste ; mais les instruments communautaires sont-ils toujours bien utilisés ? Le Sahel sera un test.
M. Robert Hue. - Absolument !
M. Christian Cambon. - Nous regrettons de ne pas voir se lever une Europe du développement, de la coopération, une Europe tout court.
M. Yvon Collin. - Eh oui !
M. Christian Cambon. - Le bilan évaluatif de la Cour des comptes est sévère. Nous souffrons de l'éclatement des centres de décision entre le Quai d'Orsay, Bercy et l'AFD. Une réforme institutionnelle d'ampleur est nécessaire avec un ministère de plein exercice doté de moyens conséquents. Vous voyez, monsieur le ministre, on peut être dans l'opposition et vous vouloir du bien ! (« Bravo ! » sur les bancs écologistes)
L'évaluation est une nécessité absolue, nous le disons depuis longtemps avec M. Peyronnet. Que sont devenues nos contributions aux différents plans en faveur du Mali, les millions investis dans l'Office du fleuve Niger ? Il faudra un jour dresser un bilan, tirer les leçons des erreurs passées.
M. Yvon Collin. - Absolument.
M. Christian Cambon. - Une politique qui pèse plusieurs milliards d'euros de deniers publics, qui engage des fonds européens multilatéraux doit être débattue au Parlement. Nous attendons avec impatience une vraie loi d'orientation et de programmation ; elle autorisera un débat sur les orientations géographiques et sectorielles de notre politique - et leurs conséquences budgétaires. Les idées ne valent que par les moyens qu'on y consacre. Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas annoncer des moyens nouveaux, mais un changement de méthode, peut-être, un dialogue et un pilotage renforcés. Si vous relevez ces défis, nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Gilbert Roger . - Un autre monde est possible, et pourtant un quart de la population mondiale doit encore compter sur la solidarité internationale pour sortir de la pauvreté extrême.
La Cour des comptes a rappelé que la France se situait au quatrième rang mondial pour le montant de son aide. Notre contribution nette déclarée s'est élevée à 10 % du montant total. Elle est passée de 2001 à 2011, de 0,30 % à 0,46 % du RNB. Son efficacité pose toutefois problème.
L'aide au développement manque de cohérence et souffre d'absence de coordination, avec une multitude d'acteurs, un empilement institutionnel qui échappe à une véritable évaluation. Je ne cautionne pas les discours consistant à traiter les milliards de dollars dépensés depuis les années 1960 de gaspillage. Cela dit, la dispersion de l'aide est réelle et son efficacité pourrait être améliorée par une meilleure gouvernance. Il convient de développer la convergence des actions. Le modèle ancien fondé sur les États bailleurs a été rendu caduc par l'intervention dans tous les domaines d'une multinationale d'acteurs, ONG, collectivités territoriales, organisations de toutes natures.
Près de 3 800 collectivités territoriales en France déclarent être engagées dans une coopération décentralisée. Il faut y ajouter une myriade d'organisations privées, encouragées par de généreuses exonérations fiscales. Les bailleurs privés fournissent environ un tiers de l'aide internationale programmable. Les ONG sont devenues en vingt ans des acteurs centraux. Les fondations philanthropiques et les entreprises privées ont vu elles aussi leur importance croître. Tous ces éléments changent la donne de la coopération.
Cette masse d'acteurs, sans orientation globale, freine l'efficacité des politiques de développement. La tendance croissante à l'affectation des fonds offerts selon les priorités des bailleurs rend les flux financiers inadaptés aux besoins et empiète sur le financement des programmes nationaux, par exemple dans le domaine de la santé. Dans cet univers morcelé et décentralisé, la majeure partie de l'aide est dirigée vers les pays ou les causes « à la mode », au détriment d'autres régions qui restent orphelines de l'aide. D'où des chevauchements et un gaspillage de ressources précieuses.
Une évaluation indépendante fait cruellement défaut. Des ONG fantômes errent dans les pays du sud au nom du développement et de l'aide humanitaire, ajoutant à la charge de travail des autorités locales, pour de piètres résultats. Il faut un cadre plus clair pour une plus grande efficacité. Les acteurs publics ont un rôle essentiel à jouer, d'abord pour oeuvrer à la convergence des préférences, en communiquant plus activement sur les objectifs politiques, en donnant la parole aux bénéficiaires finaux, en bâtissant de vrais indicateurs. (Applaudissements à gauche)
M. Robert Hue . - Les Assises du développement vont rendre prochainement leurs conclusions. Le fruit de ce dialogue permettra à notre pays d'approfondir, voire de refonder sa stratégie d'aide au développement, à l'approche de l'échéance de 2015 date fixée pour la réalisation des objectifs du millénaire.
Ce débat est d'initiative bienvenue. Il n'y a pas un sud mais des sud qui connaissent des trajectoires bien différentes.
M. Yvon Collin. - C'est vrai !
M. Robert Hue. - Je concentrerai mon propos sur l'Afrique. Le lien entre nos deux continents est démontré par toutes les interventions précédentes. Ce continent est entré brutalement dans la mondialisation. Au sud du Sahara, se conjuguent les principales causes du sous-développement. Il faut que l'Afrique sub-saharienne retrouve une stabilité politique. Comme l'a rappelé le président de la République à Dakar, il n'y a pas de progrès économique ni social sans démocratie.
L'actualité tragique nous rappelle que c'est sur le terreau de l'extrême pauvreté, souvent alimenté par la corruption, que croît le terrorisme. Gardons-nous néanmoins de l'afro-pessimisme !
Trois mots doivent guider notre stratégie. Solidarité, d'abord, naturellement. Il faut maintenir et amplifier l'aide publique au développement, qui marque le pas, ce que je regrette, d'autant plus que l'aide bilatérale régresse au profit de l'aide multilatérale.
La transparence, ensuite, exige qu'on porte une attention particulière aux flux illicites de capitaux qui quittent les pays du sud : des multinationales implantent leur siège ailleurs pour échapper à l'impôt. Le pillage fiscal s'ajoute au pillage des ressources. N'oublions pas le pillage des terres : l'Afrique est devenue un continent à louer. La Chine et l'Inde accaparent des terres, mais l'Europe aussi, pour la production d'agro-carburants, au risque du déficit alimentaire.
Enfin, l'efficacité. Une majorité de bailleurs de fonds établissent un rapport aidé-aidant, alors qu'ils devraient encourager l'appropriation par les bénéficiaires. Le développement séparé ne peut plus exister au XXIe siècle dit Kofi Annan. Le Nord a autant besoin du Sud que le Sud a besoin du Nord. (Applaudissements)
M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement . - Merci à tous les groupes, et notamment au groupe écologiste. La politique de développement est l'une des plus belles que l'on puisse mener. Plus de 800 millions d'être humains mal nourris, 2 milliards qui vivent avec moins de 2 dollars par jour, voilà la réalité. Le premier enjeu que vous avez évoqué est financier. Ce n'est guère romantique, mais c'est le nerf de la guerre. L'effort budgétaire aurait baissé ? Non : le budget 2013 est stable par rapport à 2012, si l'on prend en compte l'affectation d'une partie de la taxe sur les transactions financières - qui est extrabudgétaire. La Grande-Bretagne fait mieux, beaucoup font moins bien. Ce gouvernement a fait le choix volontariste de maintenir son effort.
À côté de la taxe française, il y a le grand débat sur la taxe européenne. La France est en pointe sur ce sujet pour convaincre ses partenaires d'affecter une partie de cette future taxe au développement. La Commission européenne évoque 35 milliards d'euros pour une taxe à douze. Affecter 10 % de ce montant au développement permettrait de doubler le FED.
Le FED est stabilisé en volume : il augmente malgré l'inflation. La capacité de l'aide publique au développement de l'Union européenne est sanctuarisée pour les sept prochaines années.
Vous avez évoqué un certain nombre de grands sujets. D'abord, la nouvelle équation entre le développement et le développement soutenable. Le dernier rapport de la Banque mondiale sur le changement climatique parle de cataclysme pour les pays les plus pauvres qui sont aussi les plus vulnérables, pas moins ! Il faut une convergence entre les politiques de développement et les politiques de développement soutenable. La sécheresse, l'insécurité alimentaire et sanitaire liée au choc climatique pourraient annihiler tous les progrès réalisés jusqu'ici.
Le 1er mars, le président de la République clôturera les assises. Ce sera l'occasion pour lui de faire des annonces.
Vous avez évoqué la question de la légitimité de cette aide. Elle doit être plus transparente, en effet. Les Français estiment à 72 % qu'il faut maintenir ou augmenter l'APD - malgré la crise.
La question du genre est une de mes priorités. L'évaluation de la stratégie genre a été réalisée grâce à M. de Raincourt, que je salue, car il l'a demandée. J'ai rencontré des militants de la cause LGBT, j'ai renforcé le fonds LGBTI, car la France promeut la non-discrimination sous toutes ses formes.
M. Hue a évoqué le pillage fiscal, minier et des terres. Je reprends sa formule ! En effet, 10 % des flux financiers remontent du Sud vers le Nord - passant souvent par les paradis fiscaux. La France finance, avec la Norvège, une initiative provisoirement intitulée « Inspecteurs des impôts sans frontières » pour aider les pays du Sud à contrôler les montages fiscaux opaques visant à échapper à l'impôt.
Nous sommes conscients de l'importance de la lutte contre l'accaparement des terres. L'AFD n'accordera aucun prêt à des investissements agricoles qui ne respectent pas les principes de la FAO.
M. Yvon Collin. - C'est bien.
M. Pascal Canfin, ministre délégué. - Nous sommes le premier État au monde à avoir financé un fonds créé dans le cadre de la Banque mondiale pour l'Afrique qui offre aux États africains les moyens de négocier d'égal à égal avec les compagnies minières, en payant des journées de fiscalistes, d'avocats et de consultants, pour favoriser un gestion transparente des ressources. Ces neuf premiers mois d'action n'ont pas été inutiles !
J'en viens à la mobilité et aux migrations. Jusqu'ici, une partie du budget du développement avait été reliée aux politiques migratoires, au ministère de l'intérieur. Les budgets et les équipes sont revenus au quai d'Orsay, pour être consacrés aux politiques de développement et non plus aux politiques migratoires. La mobilité internationale est une valeur, une richesse, non une menace.
Je salue l'action des collectivités territoriales : la coopération décentralisée est un levier efficace. Le Gouvernement souhaite renforcer la coordination régionale dans les 22 régions pour améliorer la synergie des actions. Avec Laurent Fabius, nous avons pris l'engagement de travailler sur la politique de visas, avec un label « événement collectivités locales » pour simplifier les procédures. Cette proposition, comme d'autres, prendra corps dans le cadre de la future loi de décentralisation que présentera Marylise Lebranchu.
Le Mali, enfin. J'étais à Bamako lundi et mardi pour la reprise des activités de l'AFD. Le nouveau directeur est en place et son adjoint le sera prochainement. Quelles sont les urgences ? Rétablir l'eau et l'électricité à Tombouctou, permettre aux personnes déplacées de rentrer et de semer, afin de cultiver les champs, remettre l'infrastructure bancaire en place. Vingt millions d'euros sont déployables grâce aux facilités de paiement de l'Union européenne ; nous établirons la semaine prochaine à Bruxelles la liste des priorités à financer. Je suis très impliqué sur cette question.
La grande conférence internationale des donateurs aura lieu en mai à Bruxelles, les collectivités locales menant des actions de coopération avec le Mali se réuniront à Lyon le 19 mars et ce même mois nous rencontrerons la diaspora en Île-de-France. Les politiques de développement au Mali sont indispensables pour gagner la paix. C'est un objectif que nous partageons tous. (Applaudissements unanimes)
Prochaine séance mardi 26 février 2013, à 14 h 30.
La séance est levée à 18 h 45.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mardi 26 février 2013
Séance publique
DE 14 H 30 À 18 HEURES 30
1. Désignation des vingt et un membres de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage
2. Proposition de loi tendant à modifier l'article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale (n°753, 2011-2012)
Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 353, 2012-2013)
Texte de la commission (n° 354, 2012-2013)