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Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

M. Michel Teston

Cumul allocation de solidarité (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Catherine Deroche

M. René Teulade

M. Dominique Watrin

M. Hervé Marseille

M. Ronan Kerdraon

M. Jean Desessard

M. Jean-Pierre Plancade

Mme Isabelle Debré, auteur de la proposition de loi et rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Intervention sur l'ensemble

M. Jean Desessard

Fiscalité numérique

Discussion générale

M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi

M. Yvon Collin, rapporteur de la commission des finances

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Claude Domeizel, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Yves Rome, rapporteur pour avis de la commission du développement durable

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

M. Jean Arthuis

M. André Gattolin

M. Michel Le Scouarnec

M. Jean-Pierre Plancade

M. Francis Delattre

M. Yannick Botrel

Commerce extérieur (Questions cribles)

M. Aymeri de Montesquiou

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur

M. Claude Bérit-Débat

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Leila Aïchi

M. Yvon Collin

M. Alain Fouché

M. Jean-Yves Leconte

M. André Ferrand

Biologie médicale (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Jacky Le Menn, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

M. Gilbert Barbier

Mme Aline Archimbaud

M. Alain Milon

Mme Laurence Cohen

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Catherine Génisson

Mme Marisol Touraine, ministre

Discussion des articles

Article premier

Mme Laurence Cohen

M. René-Paul Savary

Article additionnel

Article 2

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Article 3

Article 4

Article 5

Mme Laurence Cohen

Articles additionnels

Article 6

M. Jacky Le Menn, rapporteur

Mme Laurence Cohen

Article additionnel




SÉANCE

du jeudi 31 janvier 2013

54e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires :

Mme Odette Herviaux, Mme Catherine Procaccia.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Michel Teston .  - M. Daunis, lors du scrutin sur l'amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Jouanno, supprimant l'article unique de la proposition de loi relative à la création de zones d'exclusion pour les loups, souhaitait ne pas prendre part au vote et non voter pour.

M. Jean Desessard.  - Il y avait un loup ! (Sourires)

M. le président.  - Dont acte.

Cumul allocation de solidarité (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la suite de la proposition de loi visant à autoriser le cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels. Dans la discussion générale, le Sénat a déjà entendu, le 12 décembre dernier, la rapporteure et le Gouvernement.

Discussion générale (Suite)

Mme Catherine Deroche .  - Le nombre d'allocataires de l'Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) pourrait s'accroître, estime la Cour des comptes dans son rapport sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Selon une enquête du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), il a augmenté de 20 % depuis le 31 décembre 2010, trois quart des allocataires isolés étant des femmes.

Le précédent gouvernement, prenant acte de l'écart entre le minimum vieillesse et le seuil de pauvreté, avait revalorisé l'Aspa des personnes isolées de 25 %. Le nombre de personnes éligibles à cette allocation pourrait d'ailleurs être plus élevé que celui des allocataires, les personnes âgées ne la demandant pas, faute d'information ou parce qu'elles n'y avaient pas droit au moment de leur départ à la retraite, alors que leur situation a changé. Les allocataires du minimum vieillesse sont dans une situation d'iniquité dans la mesure où d'autres retraités peuvent bénéficier du cumul emploi-retraite depuis 2003, un cumul complètement libéralisé depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Un demi-million de retraités profitent de cette possibilité. Selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), le droit à la retraite ne doit pas priver du droit fondamental au travail.

L'Inspection générale des affaires sociales (Igas), dans son rapport de juin dernier, proposait d'instaurer un mécanisme d'intéressement pour les titulaires de l'Aspa, qui aurait l'avantage de ne rien coûter aux caisses de l'État. La proposition de loi de Mme Debré applique cette recommandation dans la limite de 1,2 Smic pour une personne seule et de 1,8 Smic pour un couple  - un tel plafond est nécessaire puisqu'il s'agit d'une allocation relevant de la solidarité nationale. (M. Jean Desessard approuve)

Le groupe UMP remercie Mme Debré et votera ce texte, qui répare une injustice en donnant aux personnes âgées titulaires de l'Aspa qui le souhaitent et le peuvent la possibilité de compléter leurs ressources (Applaudissements à droite)

M. René Teulade .  - D'après Eurostat, 120 millions d'Européens souffrent de pauvreté. Une situation glaçante qui vient contredire la chaleureuse illusion qu'a fait naître notre modèle économique de prospérité partagée. Avec la crise, les inégalités se sont creusées. Incertitude du lendemain et peur du déclassement génèrent angoisse et perte d'espoir dans l'avenir, dans la solidité de notre protection sociale. Heureusement, le Gouvernement a pris des mesures.

Parmi ceux qui estiment vivre dans l'indigence, on compte au premier chef les personnes âgées. Le dispositif de solidarité a été remanié en 2007 avec la création de l'Aspa. Cette allocation est versée à 588 000 personnes de plus de 65 ans, soit 4 % de la population des 60 ans et plus. Son montant s'élève à 777 euros, encore inférieur aux 964 euros du seuil de pauvreté. Eu égard au renchérissement du coût de la vie, il permet, au mieux, de survivre.

M. Jean Desessard.  - C'est déjà bien !

M. René Teulade.  - Cette proposition de loi propose d'autoriser à cumuler l'Aspa avec un revenu d'activité. Cette solution unique est séduisante, d'autant que nombre de ces personnes cumulent de fait en travaillant au noir. Néanmoins, la majorité des titulaires de l'Aspa ont plus de 75 ans : un tiers seulement ont entre 60 et 75 ans, un tiers ayant plus de 80 ans. Quand la durée de vie moyenne est de 81 ans, n'est-il pas illusoire de penser que ces personnes vont se remettre au travail ? Les emplois concernés seront sans doute pénibles, à temps partiel. Ne nous voilons pas la face : la nécessité ne doit pas conduire à une activité forcée à un âge déraisonnable, préjudiciable à la santé, qui pourrait hâter un décès. Peut-on imaginer que ces personnes retrouveront un emploi quand le chômage progresse depuis vingt mois ? Le taux d'emploi est de 18,1 % parmi les personnes de 60 à 64 ans. Seules des réponses structurelles, tel le contrat de génération, peuvent enrayer la spirale de la pauvreté et des inégalités.

L'objectif de la proposition de loi est louable. Cela dit, le Gouvernement agit : il a rétabli l'allocation équivalent retraite (AER) par décret, et présenté un plan de lutte contre l'exclusion et la pauvreté qui mobilisera entre 2 et 2,5 milliards par an - dont une majoration de 10 % du RSA-socle, la création de contrats d'insertion et l'extension du bénéfice de la CMU à 750 000 personnes supplémentaires.

L'essentiel est peut-être le changement de regard sur les victimes de pauvreté. « Salauds de pauvres ! » criait Jean Gabin, expression lourde d'une insupportable violence. La négation de tout déterminisme social, la croyance aveugle en un système méritocratique, la montée de l'individualisme a accouché de harangues stigmatisant les titulaires d'allocations de solidarité, qui seraient des fainéants, des assistés, des profiteurs.

Le groupe socialiste ne s'opposera pas à l'ouverture d'un droit. Mais il estime que la seule solution viable est de revaloriser les minima sociaux. Il s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Dominique Watrin .  - Ce texte est l'exemple même d'une mauvaise réponse à une bonne question. Comment ne pas rappeler que la pension médiane est de 1 100 euros par mois ? Elle devrait se réduire à 850 euros par mois en 2017 pour les nouveaux retraités, conséquence des réformes menées depuis 1993. Oui, la paupérisation des seniors progresse. La Conférence nationale sur l'exclusion atteste des questions auxquelles le Gouvernement doit répondre de façon urgente. En particulier, la revalorisation des minima sociaux.

La proposition de loi part du postulat que la seule façon pour un titulaire de l'Aspa d'améliorer son pouvoir d'achat est de reprendre une activité. On voit mal comment un retraité déclaré inapte au travail souvent à cause de son activité antérieure, pourrait le faire... Cette proposition de loi est donc une réponse simple, voire simpliste. Il y aura d'un côté les travailleurs détruits par le travail qui devraient survivre avec l'Aspa et de l'autre ceux, en meilleure santé, qui pourront continuer à s'user au travail... La reprise d'une activité serait un moyen de survie plus qu'un choix. Ce texte est inspiré par une philosophie profondément libérale...

Mme Isabelle Debré, auteur de la proposition de loi et rapporteure de la commission des affaires sociales.  - Si vous voulez !

M. Dominique Watrin.  - ... qui ne met jamais en cause la responsabilité sociale des entreprises et s'appuie sur une analyse erronée du marché du travail. Les employeurs se défont de plus en plus des personnes âgées de plus de 55 ans, jugées peu productives et trop chères. De plus, 23 % des ruptures conventionnelles concernent des personnes de plus de 58 ans.

De quelle société voulons-nous, au juste ? Travailler âgé, qui plus est dans un sous-travail ou un mal-travail, n'est pas une liberté. Le Gouvernement doit répondre à l'urgence sociale que ce texte a le mérite de soulever. Serait-ce pour lui un défi trop ambitieux de revaloriser les minima sociaux, quand il a trouvé 20 millions pour accorder un crédit d'impôt aux entreprises ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean Desessard.  - Hé ! Hé !

M. Hervé Marseille .  - Il est des mesures dont on peut s'étonner qu'elles n'aient pas été prises plus tôt. Merci à Mme Debré de son travail, qui met fin à un archaïsme : les allocataires de l'Aspa sont les seuls à ne pas pouvoir bénéficier du cumul emploi-retraite. Le cumul avec des revenus d'activité est complètement libéralisé pour les autres pensionnés depuis 2009. Pourquoi les titulaires de l'Aspa, qui en ont le plus besoin...

Mme Isabelle Debré, rapporteure.  - Très bien !

M. Hervé Marseille.  - ... n'y auraient-ils pas droit ? Ce texte, corrigé par les amendements que la rapporteure propose, est juridiquement inattaquable. Nous en partageons la philosophie. Autoriser des personnes âgées à travailler n'est pas neutre. Pour beaucoup d'entre elles, travailler est vital car cela leur permet de maintenir un lien avec la société ; et pour la société, l'expérience de ces personnes est un apport - les défenseurs du contrat de génération ne peuvent qu'en convenir.

Ce texte, à ma grande surprise, est en butte aux critiques. On dit que certains titulaires de l'Aspa ne pourraient pas travailler. Est-ce le texte ou la vie elle-même qui est source de cette inégalité ? Il faudrait plutôt revaloriser les minima sociaux ? Cela n'exclut en rien le cumul. Au Gouvernement d'agir ! (Mme Isabelle Debré, rapporteur, applaudit)

M. Ronan Kerdraon .  - Lors de la Conférence sur la pauvreté, le Premier ministre a dressé un diagnostic réaliste de la situation. Le constat est alarmant : plus de 500 000 retraités travaillent, un chiffre qui a triplé entre 2005 et 2011. Cette situation est le fruit de la crise, mais surtout des politiques libérales des précédents gouvernements. Ainsi, après un parcours de vie souvent chaotique, des retraités se retrouvent à devoir travailler à un âge avancé de la vie. Plus de 10 % des retraités, pour beaucoup des femmes, perçoivent une pension très inférieure au seuil de pauvreté et le public des associations caritatives est formé de 15 % de retraités - maire et président de CCAS, je le constate dans mes permanences. Bricolage, jardinage, garde d'enfant, ménage et repassage, ces personnes cherchent à compléter leur retraite - les annonces se multiplient dans les quotidiens de Bretagne.

Alors, oui, dans cette situation, la question du cumul des revenus d'activité avec l'Aspa se pose. Est-ce la réponse pour lutter contre la paupérisation ? Est-ce le discours qu'il faut tenir aux titulaires de l'AER qui ont dû attendre janvier 2013 pour voir une iniquité inacceptable corrigée ? Sur ce dossier, je rends hommage à la persévérance de M. Martial Bourquin.

Un état des lieux va être établi, dont les résultats seront rendus publics ; le Gouvernement devra trouver les moyens de répondre durablement à l'urgence sociale dont nous héritons. À compter de 2014, les pensions seront soumises à un prélèvement de 0,15 % pour financer la perte d'autonomie. Pendant ce temps, les salaires des grands patrons du CAC 40 s'envolent !

Le sentiment de pauvreté touche un Français sur deux. Merci au Gouvernement d'agir, nous comptons sur lui ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard .  - Je me contenterai de prendre deux exemples. Celui d'un cadre de 60 à 70 ans qui a eu une carrière continue et a liquidé tous ses trimestres ; sa pension est de 1 955 euros. Ensuite, celui d'une femme de plus de 65 ans qui est arrivée à l'âge de la retraite sans tous ses trimestres parce qu'elle s'est arrêtée de travailler pour ses enfants et a eu des périodes à temps partiel ; elle touche l'Aspa, soit 777 euros par mois, Le premier a choisi de continuer à travailler, il a encore des contacts dans l'entreprise, il cumule ses revenus d'activité avec sa retraite. La seconde donne un coup de main à son fils dans l'exploitation agricole qu'il a reprise sans pouvoir profiter d'un surcroît de revenus alors que sa pension est beaucoup plus faible. Voilà la réalité !

On me dit qu'il faut attendre des lendemains meilleurs, je ne le crois pas même si, madame la ministre, la question est plus large. L'Igas elle-même recommande pareil mécanisme d'intéressement.

Les carrières ne sont plus de longs fleuves tranquilles : multiplication des stages, périodes de chômage, contrats précaires, etc. Le nombre de bénéficiaires de l'Aspa va donc mécaniquement augmenter, comme celui des personnes âgées en situation difficile.

En attendant un vrai débat et des solutions pérennes, je m'en tiens à la question posée ce matin et vous confirme le vote favorable des écologistes. (Mme Isabelle Debré, rapporteure, applaudit)

M. Jean-Pierre Plancade .  - Mme Debré entend arrondir les fins de mois des titulaires de l'Aspa et lutter contre le travail au noir. L'objectif est juste, comment ne pas y adhérer ? Aujourd'hui, seules deux catégories de retraités sont exclues du cumul : ce sont les plus précaires.

Regardons la réalité du terrain : les titulaires de l'Aspa sont soit des personnes déclarées inaptes au travail, soit des personnes n'ayant pas suffisamment cotisé. Selon la Drees, les personnes de 80 ans ou plus et les personnes isolées sont surreprésentées parmi les bénéficiaires ; les femmes représentent les trois quarts des allocataires isolés ; et les bénéficiaires sont proportionnellement plus nombreux dans les régions du sud de la France et les départements d'outre-mer. Dans ces conditions, la solution est-elle une reprise d'activité ? Nous ne le pensons pas, quand les salariés de plus de 50 ans sont aujourd'hui éjectés du monde du travail. Au total, ce texte ne toucherait qu'une toute petite frange du public visé.

En l'état actuel, le groupe RDSE prône une abstention positive. Au passage, madame la ministre, ce texte doit engager à une vraie réflexion. Que vont dire les jeunes qui paient les retraites de leurs aînés et voient les personnes âgées travailler alors qu'elles bénéficient d'une allocation ?

Mme Isabelle Debré, auteur de la proposition de loi et rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Ce texte vise à mettre fin à des situations de grande précarité. Aujourd'hui, plus de 600 000 personnes touchent le minimum vieillesse. Leur étendre le droit au cumul est une pure mesure d'équité puisque tous les autres retraités en profitent depuis 2009.

L'Igas en 2012 affirmait qu'« un mécanisme d'intéressement corrigerait une inégalité ». Idem pour le COR selon lequel la retraite « ne prive pas d'un droit fondamental, celui de travailler ». La Conférence nationale contre la pauvreté, après les travaux du groupe de travail présidé par M. Fragonard, a repris cette idée : c'est la recommandation n° 53. Le texte apporte une réponse humaine, pragmatique et de bon sens. Seul le Gouvernement peut prendre la décision de continuer à augmenter les minima sociaux, comme cela a été fait ces cinq dernières années.

Monsieur Watrin, j'ai un principe : je crois qu'on ne perd jamais à donner plus de liberté. En revanche, il faut que ces libertés soient encadrées et les abus sanctionnés. Mesure libérale, dites-vous ? Je l'assume.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - Après un tel débat, on ne pourra plus dire que les élus méconnaissent les réalités. Vous avez abordé ce débat sans idéologie, laissé transparaître vos doutes. M. Watrin a raison, l'âge moyen des allocataires du minimum vieillesse est de 75 ans. Nous devons nous préoccuper de leur santé, étant entendu que le meilleur gage de santé est un revenu décent. M. Kerdraon a évoqué les domaines dans lesquels les retraités exercent une activité ; il y a là une forme de solidarité intragénérationnelle. On peut trouver le meilleur et le moins bon dans les exemples exposés. N'oublions pas que ces personnes, le plus souvent des femmes, ont souvent vécu la guerre et les privations.

Élargir le débat ? C'est une évidence. Il faut réfléchir à la place des seniors dans notre société, ceux-ci représenteront bientôt 30 % de la population. Ce sera l'objet du projet de loi que je présenterai sous peu.

Ce texte pose donc une bonne question. En revanche, la réponse n'est peut-être pas aussi simple, comme en témoignent les inquiétudes et les interrogations qui se sont exprimées dans ce débat. Le Gouvernement répondra « sagesse ». (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Mme Isabelle Debré, rapporteure.  - Pourquoi un plafond ? Parce que cette allocation est financée par la solidarité nationale.

L'article premier est adopté, ainsi que l'article premier bis.

Article 2

M. le président.  - Madame la ministre, levez-vous le gage ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée.  - Oui.

L'article 2 est supprimé

Intervention sur l'ensemble

M. Jean Desessard .  - Mme Debré assume le terme de « libéral », moi pas. Je comprends et partage la logique de M. Watrin : si l'on autorise le cumul, pourquoi augmenter l'allocation ? Le travail ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval, surtout à cet âge. C'est vrai. Mais il s'agit de réagir à une situation inégalitaire : des cadres peuvent cumuler allocation et emploi alors que les allocataires de l'Aspa ne peuvent travailler qu'au noir. Je vous rejoins, monsieur Watrin, dans votre vision de la société à construire mais tant que les minimas sociaux n'auront pas augmenté, il faut bien répondre à l'urgence. C'est dans cet esprit que le groupe écologiste votera cette proposition de loi.

A la demande du groupe UMP, l'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 203
Majorité absolue des suffrages exprimés 102
Pour l'adoption 183
Contre 20

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs UMP)

La séance, suspendue à 10 h 10, reprend à 10 h 15.

Fiscalité numérique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable.

Discussion générale

M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi .  - Nous partons, les uns et les autres, de constats très largement partagés sur l'optimisation fiscale mise en oeuvre par les grandes multinationales de l'internet. Dès 2010, la question de l'évasion fiscale dans le domaine de l'économie numérique a été au coeur du rapport Zelnic, missionné par le président de la République d'alors. Cela s'était traduit, en droit positif, par un vote du Sénat en 2010. Le philosophe Bernard Stiegler disait : « L'industrie numérique menace la puissance publique de devenir incapable. N'ayant pas la capacité de percevoir l'impôt et de percevoir des taxes, elle est mise dans une situation d'incapacitation structurelle ».

Ces problématiques ne connaissent pas de frontières, notamment dans le domaine de la taxation du commerce électronique. Je travaille depuis trois ans sur l'absence de territorialité de l'économie numérique ; je me réjouis que ce soit devenu une question de société. Trois commissions se sont saisies pour avis ; je salue leur contribution au débat et leur soutien à la démarche d'ensemble. Le Sénat avait également abordé le sujet dans le cadre de la commission d'enquête sur l'évasion fiscale.

Je me suis déplacé en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne. Comme la France, ces pays ont entamé des procédures contre Google, Amazon ou Apple sur des affaires fiscales. Je n'ai pas d'informations de première main sur les enquêtes en cous mais il semble que la dilution de la matière fiscale représenterait des montants très importants. L'industrie numérique n'est d'ailleurs pas la seule concernée.

Les Allemands se sont focalisés sur la question de la captation par les moteurs de recherche de la publicité qui allait aux sites de presse. Ils proposent d'accorder aux éditeurs de presse un droit voisin de celui du droit d'auteur. Cette approche très intéressante est complémentaire du volet fiscal. De fait, le coeur de réacteur de la nouvelle économie numérique est la publicité, qui permet la fourniture de services apparemment gratuits. La voie que je défends dans cette proposition de loi se conjugue avec le contrôle fiscal, la notion d'abus de droit, la juste rétribution des auteurs. Elle ne prétend pas résoudre l'ensemble des problèmes. Je ne réclame aucun copyright, je n'ai aucun amour-propre d'auteur. (Sourires) Ce que je souhaite, c'est que les choses avancent.

La presse semble avoir pris conscience du problème : en témoigne un récent numéro de Challenges. Le défi de l'économie numérique, c'est d'oeuvrer pour une fiscalité du XXIe siècle adaptée à notre économie dématérialisée et sans frontières. À nouvelles assiettes, nouveaux impôts.

Les enjeux politiques s'appellent compétitivité, croissance des marchés, impact sur l'industrie européenne. Cela appelle un ensemble d'initiatives dont ma proposition de loi ne représente que le premier étage.

Il faut distinguer le court terme, qui correspond au niveau national ; le moyen terme, qui est le niveau communautaire, avec l'enjeu du délai de basculement de la TVA sur les services électroniques vers l'État de consommation ; enfin, le long terme, c'est-à-dire le niveau international, pour ce qui est de la répartition territoriale des bénéfices.

L'enjeu européen est de renégocier le calendrier d'application de la directive TVA du 12 février 2008 relative aux services électroniques. Cela se tranche à l'unanimité mais la position des grands États européens serait renforcée si ce dossier était sur la table de l'Écofin. Le coût s'élève à un milliard pour la France, à 1,5 milliard pour l'Allemagne, à 1,2 pour la Grande-Bretagne. Le compteur tourne, je ne rappelle pas la situation de nos finances publiques.

Nous bénéficions d'une conjonction favorable des astres. La réflexion au sein de l'OCDE a été relancée à l'initiative du Chancelier de l'Échiquier, rejoint par MM. Schäuble et Moscovici. Dans ce plan d'action BEPS (pour Base Erosion and Profit Shifting) se joue l'avenir de l'impôt sur les sociétés. Celui-ci est de plus en plus inégalitaire (M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, approuve) entre les entreprises à vocation multinationale et celles qui sont ancrées sur le territoire. Le G20 de Moscou devrait prochainement valider la démarche, qui devra déboucher sur un plan d'action opérationnel.

Quel peut être notre rôle ici ? Faire naître le débat, l'ouvrir, en appeler à l'opinion publique.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi.  - Nous avons été très attentifs au rapport de MM. Pierre Collin et Nicolas Colin, qui ont engagé une démarche très intelligente. On ne pouvait pas en attendre moins d'un inspecteur des finances et d'un conseiller d'État. (Sourires)

L'économie numérique n'est pas un secteur de l'économie, elle est un vecteur de transformation de tous les secteurs de l'économie, écrivent-ils. Le droit fiscal peine à s'adapter aux effets de la révolution numérique. Le point commun à toutes les grandes entreprises du numérique est la collecte des données des utilisateurs. Ce sont les internautes qui créent la valeur des fonds de commerce des réseaux par l'apport d'informations gratuites que ceux-ci font circuler sur la Toile. Sortir de cette aliénation économique est une démarche intelligente, mais quelle assiette fiscale ? Quels redevables ? J'espère que les experts de la direction de la législation fiscale pourront le dire rapidement.

Quelles traductions législatives concrètes ? Ma proposition de loi n'est pas parfaite. La déclaration du chiffre d'affaires serait difficile à faire appliquer et à contrôler, m'a-t-on objecté. Le portail électronique du « mini-guichet » européen pour les sites extracommunautaires n'a pas rapporté beaucoup à la France mais on ne remet pas en cause le système de la TVA pour autant ! Une taxe sur la publicité en ligne tuerait l'écosystème français ? La taxe locale sur la publicité extérieure a-t-elle tué la publicité sur la voie publique ? On m'oppose la nécessité d'un motif d'intérêt général pour instaurer une procédure dérogatoire de déclaration du chiffre d'affaires. Je défends l'idée que la sauvegarde du marché intérieur et la lutte contre les positions dominantes ressortissent à l'intérêt général. La libre concurrence est un point fondateur de l'Union européenne.

Le chef de cabinet de M. Almunia m'a indiqué que quatre griefs contre Google étaient retenus par la Commission européenne : manipulation des résultats de recherche et défaut d'objectivité des algorithmes ; utilisation d'informations de sites tiers en tant que « données Google », une sorte de vol ; clauses de contrats abusives ; restriction à la portabilité des campagnes de publicité vers les autres sites. (M. David Assouline s'impatiente) À la commission de se déterminer : contentieux ou transaction ? Le Gouvernement devra y être attentif. Une transaction, pour laquelle toute les forces du lobbying sont mises en oeuvre, apportera-t-elle vraiment de la transparence ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yvon Collin, rapporteur de la commission des finances .  - Le sujet est au coeur de l'actualité et du nouveau modèle de croissance. Les distorsions de concurrence, l'optimisation fiscale pour les grands acteurs de l'internet sont une préoccupation majeure. Sachons gré à M. Marini d'avoir été à l'initiative des travaux de notre commission sur ce sujet depuis 2009. Il a su mettre ces questions au coeur du débat public : c'est un succès pour le Sénat.

Le Gouvernement s'est aussi saisi de la question de l'optimisation fiscale, lançant une mission sur la fiscalité de l'économie numérique ; nous en avons auditionné les rapporteurs. Sur le plan international, le Gouvernement s'est associé à la saisine de l'OCDE et de la Commission européenne sur ces problèmes.

Ces questions techniques s'insèrent dans un environnement juridique très complexe et j'ai multiplié les auditions pour tenter d'acquérir un vernis de connaissances sur ce sujet.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.  - Quelle modestie !

M. Yvon Collin, rapporteur.  - La proposition de loi ne répond pas spécifiquement à une problématique de financement de tel ou tel secteur, sans pour autant fermer la réflexion sur l'affectation des recettes fiscales.

La taxation de la publicité s'applique aux divers supports. Pour M. Marini, rien ne justifie que la publicité en ligne y échappe, ni que les services en ligne échappent à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). Les entreprises françaises sont concurrencées par des sites basés à l'étranger, qui ne sont pas soumis au même taux de TVA, non plus qu'aux taxes destinées à financer l'audiovisuel public et le cinéma, les collectivités territoriales.

Cette proposition de loi institue, dans son volet procédural, une obligation de déclaration soit en désignant un représentant fiscal, sur le modèle de l'agrément accordé aux jeux en ligne, soit en utilisant le régime spécial de déclaration pour les services par voie électronique par une procédure dématérialisée. S'ajoute un volet fiscal, avec la taxe sur la publicité en ligne, la taxe sur les services de commerce électronique et la taxe sur les vidéogrammes à la demande. La taxe sur la publicité en ligne s'appliquerait aux régies publicitaires, et non plus aux annonceurs, comme en 2010, pour y assujettir les acteurs étrangers. Le taux serait de 0,5 % entre 20 et 250 millions d'euros, de 1 % au-delà. Le gain fiscal escompté serait de 20 millions d'euros environ. La taxe sur les services de commerce électronique serait due par les personnes vendant ou louant biens et services, par voie électronique, à tout particulier en France. Elle ne s'appliquerait qu'à partir d'un chiffre d'affaires annuel de 460 000 euros ; son taux serait de 0,25 % assis sur le montant hors taxes. La Tascom, quand elle est acquittée par le redevable, serait déductible à hauteur de 50 %. Le produit attendu serait de 150 millions en 2015 ; il serait affecté au bloc communal, qui a beaucoup souffert de l'érosion des bases fiscales ces dernières années. La proposition de loi étend aux acteurs du Net hors de France la taxe sur les vidéogrammes à la demande ; dans son principe, les professionnels y sont favorables. Enfin, cette proposition de loi prévoit un rapport au Parlement évaluant le coût de l'optimisation fiscale en la matière ; le rapport Collin et Colin satisfait en grande partie cette demande.

M. Marini veut jeter les bases de la fiscalité numérique au plan national pour préfigurer une taxation globale européenne. Quel dispositif adopter ? La mission Collin et Colin dresse un état des lieux. L'érosion des bases d'imposition est bien connue. La mission souligne que l'intensité de la collecte des données, rendue possible par le travail gratuit des utilisateurs, est la principale richesse des réseaux. Elle propose donc un prélèvement reposant sur cette collecte, en avançant l'objectif d'intérêt général de protection des données personnelles. C'est le principe du « prédateur-payeur ». (M. André Gattolin approuve) Cette taxe frapperait les entreprises françaises et celles non établies sur le territoire.

Cette proposition ne paraît toutefois pas immédiatement opérationnelle. Elle pose davantage de questions qu'elle n'apporte de réponses : quelles données ? Comment en fixer la valeur ? Quels redevables ? Quel volume de données ? Pour quelle utilisation ? Le motif d'intérêt général avancé sera-t-il suffisant pour justifier une dérogation au droit communautaire ? La mission n'avance aucun chiffrage... Sa proposition s'expose aux mêmes critiques que la taxe sur la publicité en ligne, les acteurs français seraient pénalisés. Les arguments en faveur de la taxation des données reprennent ceux de M. Marini : la taxe sur la publicité en ligne prévoit déjà un barème progressif d'imposition.

Il serait prématuré de porter un jugement définitif sur ces deux approches. Si l'objectif est commun, la proposition de loi se veut concrète et opérationnelle, tandis que le rapport de la mission est davantage académique et prospectif.

M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi.  - Il brille par son intelligence.

M. Yvon Collin, rapporteur.  - La date d'examen de la proposition de loi est trop précoce pour proposer une réponse opérationnelle. Même si le Gouvernement semble convaincu d'agir rapidement au niveau national, sa démarche s'inscrit dans un calendrier : les 30 nouveaux membres du Conseil national du numérique viennent d'être nommés ; le rapport Lescure sera remis en mars ; enfin, il faudra tenir compte des décisions du G20.

Je souhaite donc que le Gouvernement précise ses intentions et je vous proposerai d'adopter une motion de renvoi en commission. (Applaudissements)

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Je rends hommage à M. Marini pour sa ténacité et sa persévérance. Il mène ce combat avec M. Arthuis depuis plusieurs années pour la neutralité et l'équité de la fiscalité numérique.

L'économie numérique est, bien sûr, notre avenir mais déjà, notre présent. Elle représente 5 % de notre PIB, elle a créé 750 000 emplois ces dernières années. Environ un quart à un tiers de la productivité provient de ce secteur en Europe. Comment ne pas rappeler que la première capitalisation boursière est Apple ? Le rapport de MM. Collin et Colin indique que 80 % de l'économie française serait impactée par cette proposition de loi. Autre preuve de la transversalité de l'économie numérique, la présence de trois rapporteurs pour avis.

L'an dernier, Jeremy Rifkin, dans un livre passionnant, a souligné que tous les grands bouleversements sont nés de la conjonction entre nouveaux moyens de communication et nouvelles énergies depuis la Mésopotamie et les révolutions industrielles jusqu'aux énergies renouvelables aujourd'hui. Le numérique n'est pas une menace, c'est une chance. Évitons donc deux écueils : la tentation de punir un secteur particulier, ce qui n'aurait pas de sens, et l'attitude consistant à considérer que ces anciens étudiants philanthropes travaillent au bien de l'humanité et qu'il faut les laisser faire.

Les choses bougent. En 1999, Bill Clinton fait passer l'Internet Freedom Tax Act. Aujourd'hui, David Cameron, à Davos, fait de la lutte contre l'évasion fiscale une priorité du G8, dont la Grande-Bretagne s'apprête à prendre la présidence après l'affaire Starbucks révélée par l'agence Reuters. C'est que les Google, Apple, Facebook, Amazone dits « Gafa » sont en position dominante, que les États vivent une crise de la dette souveraine, qu'une fracture se crée entre l'économie physique et l'économie numérique. M. Marini rappelle que la Tascom ne s'applique pas au commerce en ligne, que l'économie numérique est taxée à 0,4 %, contre 6 % pour l'économie traditionnelle. Il y a donc distorsion de concurrence, y compris au sein même de l'économie numérique où les grands groupes profitent des données gratuitement. Il fallait donc faire quelque chose, mais comment ?

Les grands groupes de l'internet, de par leur nature, compliquent notre tâche. Ils sont jeunes, agiles fiscalement et aisément délocalisables.

Il faut tenir trois fronts à la fois, à commencer par le front national. Nous avons deux propositions, celle de M. Marini, concrète, opératoire, qui procède par analogie avec la fiscalité existante, et celle de MM. Colin-Collin, qui constitue un sommet intellectuel. À lire leur rapport, on éprouve un vrai plaisir à prendre de la hauteur car ils ont excellemment décrypté le fonctionnement de l'économie numérique. Leur objectif est double : rapatrier les bases fiscales, comme M. Marini, mais aussi créer des comportements vertueux. Il y a là quelque chose de paradoxal, d'autant que la proposition Collin et Colin aboutirait à une intensification de l'utilisation des données. En tout état de cause, la nouvelle notion d'établissement virtuel stable sera utile dans les discussions du G20.

Le front national sera inconsistant si l'on ne résout rien au niveau communautaire. L'enjeu est l'application de la directive TVA sur les services électroniques en 2015. Grâce au Luxembourg, ou à cause de lui - et personne n'a oublié comment le chef du gouvernement luxembourgeois nous prodiguait ses conseils pour gérer nos finances publiques ... - le rendez-vous a été reporté à 2019. Il faut avancer les délais à 2014 et 2018, c'est important pour nos entreprises.

Sur le front international, on observe, comme l'a dit M. Marini, une conjonction des planètes. On évoque souvent le sandwich hollandais à la sauce irlandaise. Avec 1 400 milliards de dollars bloqués dans les paradis fiscaux, les États-Unis veulent désormais agir et ils seront notre allié. Il en sera de même avec les pays émergents. Le rapport de l'OCDE est donc fondamental. Peut-être une convention multilatérale permettrait-elle d'être plus rapide.

Ayons une vision anticipatrice car on ne peut calquer les règles de la nouvelle économie sur celles de l'ancienne. Rendons à César ce qui est à César : merci encore à M. Marini. (Applaudissements à droite)

M. Claude Domeizel, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Les Gafa enregistrent des bénéfices démesurés mais sont ridiculement peu taxés. Les États sont démunis face aux géants d'internet. Ne renonçons pas, pour autant, à trouver la voie d'une fiscalité numérique juste et équitable.

La proposition de loi de M. Marini constitue une voie pour sortir de l'impasse avec deux taxes nouvelles : la Tascoé et l'extension de la taxe sur la VOD aux acteurs étrangers - cette dernière finançant le Centre national du cinéma  (CNC).

Notre commission a tenu plusieurs tables rondes sur le sujet en 2012 avec le groupe « culture et nouvelles technologies ». Toute modification de la législation sur le numérique impactera le secteur de la culture, qui bénéficie de taxes affectées dont les bases fiscales s'érodent. Ce texte est inopérant en matière d'affectation des taxes au financement de la culture. Seul l'article 2 crée un mécanisme au bénéfice du CNC ; l'article premier, coeur du dispositif, ne dit mot des industries culturelles, la Tascoé et la taxe sur la publicité étant affectées au budget de l'État et des collectivités territoriales. Pourtant, les acteurs de la culture ont des besoins de financement considérables, à commencer par le Centre national du livre  (CNL). Idem pour le secteur de la musique où le succès de Deezer met en péril les grands acteurs traditionnels tels que la Fnac. Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) doit devenir un acteur clé, à condition que son budget soit augmenté. Quoi qu'il en soit, la taxe sur la VOD ne rapporterait que 20 millions par an, à partager entre ces deux organismes.

La proposition de loi anticipe sur les travaux en cours : les propositions audacieuses et quelque peu iconoclastes de MM. Collin et Colin, qui prônent une fiscalité incitative assise sur la collecte et l'exploitation des données personnelles, la table ronde sur la fiscalité numérique organisée le 18 janvier par le Gouvernement, et la mission Lescure qui rendra ses conclusions en mars.

La réflexion progresse également en Europe où tous les États sont confrontés à la difficulté de recouvrer l'impôt à l'étranger et aux distorsions de concurrence.

Aussi, si le gouvernement français a vocation à lancer un signal fort sur la fiscalité numérique, il ne peut en dessiner seul les contours. Pour preuve, la déclaration conjointe de la France, de la Grande Bretagne et de l'Allemagne les 5 et 6 novembre 2012. Des propositions transversales verront bientôt le jour. Pouvez-vous, madame la ministre, en dévoiler les grandes lignes ? En tout état de cause, notre commission veillera au financement du secteur de la culture. Bref, en attendant des recommandations européennes ou internationales, il apparaît urgent d'attendre. La commission de la culture a donné un avis favorable à la motion de renvoi en commission.

La séance, suspendue à 11 h 35, reprend à 11 h 40.

M. Yves Rome, rapporteur pour avis de la commission du développement durable .  - À titre liminaire, je me félicite que le projet de monopole des lois financières n'ait pas vu le jour. Nous n'aurions pu débattre de la fiscalité numérique, sinon par bribes entre quelques articles, comme nous le fîmes récemment. Notre incapacité à bâtir une fiscalité numérique ne tient-elle pas à la précipitation à laquelle nous condamne la procédure budgétaire ?

La commission des finances nous fait la très sage proposition de prolonger le temps de notre réflexion. Nous nous y rallions, mais non par souci de lenteur. Au contraire, il y a urgence à adapter notre économie aux enjeux d'aujourd'hui et à mieux lutter contre l'évasion fiscale. Cette dernière ne peut pas être régulée, il faut restaurer la souveraineté fiscale mise à l'encan par les grands groupes de l'internet. Nous savons gré à M. Collin d'inscrire la réflexion dans un calendrier plus global.

Toutefois, l'adoption de la motion de renvoi ne doit pas diminuer notre ardeur à construire une fiscalité numérique neutre et équitable. L'économie numérique connaissant une croissance exponentielle, le Gouvernement tirera grand profit de notre mobilisation générale. La proposition de loi promet plus par son titre qu'elle ne tient, mais définit clairement les enjeux.

Oui, il faut instaurer la neutralité entre acteurs français et étrangers, entre économie traditionnelle et économie numérique. Cette dernière, avec des bénéfices massifs et une taxation ridicule, réduit singulièrement les dividendes fiscaux pour alimenter les paradis fiscaux - certains territoires de l'Union européenne servant de conduit à l'évasion fiscale internationale.

La remise en ordre de l'économie numérique répond donc à des enjeux considérables : il y va de la justice fiscale, de l'équité fiscale, et donc de la régularité de la concurrence (M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi, approuve), de la capacité de notre pays à redresser la trajectoire de nos finances publiques, de la croissance, et donc du financement de notre modèle social.

Face à cette situation, que dire de la solution présentée par M. Marini ? Son objectif limité ne répond pas aux attentes. La démarche globale engagée par le Gouvernement doit prévaloir. Il y aurait d'ailleurs inconvénient à procéder à une construction fiscale par une proposition de loi. Nous déplorons l'intégrisme des institutions européennes en matière de concurrence ; hélas, il faut en tenir compte. Nous avons trop l'habitude des censures qui coûtent si cher à notre budget. Madame la ministre, je vous demande de dénoncer haut et fort les ravages de la concurrence fiscale dans l'Union, qui font obstacle à l'objectif, tant annoncé, de faire de l'Europe l'économie la plus compétitive du monde.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Yves Rome, rapporteur pour avis.  - Ce texte, en tout cas, invite à la réflexion de même que le rapport de MM. Collin et Colin. Mobilisons notre diplomatie fiscale pour aboutir rapidement ! Le Sénat doit continuer à jouer tout son rôle dans ce travail collectif.

Pour finir, un dernier voeu, qui n'est pas le moindre. L'amélioration de l'économie numérique passe par une contribution juste à l'équipement du territoire en réseaux de troisième et quatrième générations. On recense trop de passagers clandestins, alors que les collectivités territoriales et l'État sont très sollicités. La France rurale doit-elle financer les dividendes d'un habitant de Los Angeles ou alimenter des comptes détenus dans des territoires timbre-poste ? Imagine-t-on que le contrôleur de la SNCF verse à d'autres que les entreprises du rail le produit du billet contrôlé ? Il faut des ressources dynamiques et pérennes pour les réseaux.

Le « Vendée Globe », n'est-ce pas monsieur Retailleau, a soufflé en direction de la proposition de loi de M. Marini, merci au président de la commission des finances ! (Applaudissements)

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique .  - Les débats techniques et riches en commission ont abouti à un consensus : il faut, pour l'économie numérique, une fiscalité neutre et équitable. M. Marini a été l'initiateur de cette réflexion mise à l'ordre du jour des réunions européennes et internationales. Le changement radical de notre économie exige, en effet, une adaptation de notre droit fiscal.

D'où la mission que j'ai confiée à MM. Collin et Colin dès juillet 2012. Ministre de l'économie numérique, je suis sans cesse saisie de cas de distorsions de concurrence.

Si les problématiques culturelles sont importantes, ne perdons pas de vue que le glissement de valeurs, provoqué par la dématérialisation, affecte l'ensemble de notre économie. Notre objectif doit donc être de mettre fin à une rupture d'équité fiscale entre tous les acteurs.

Les règles en matière de domiciliation fiscale des entreprises n'ont plus d'accroche. Il faut un plan de sauvetage de l'impôt sur les sociétés si l'on veut en rétablir la territorialité.

Première proposition de M. Marini : l'obligation de déclarer et payer des taxes, soit par désignation d'un représentant fiscal, soit par déclaration d'activité par voie électronique. La première option se heurte au droit communautaire, qui exige un motif d'ordre public - comme pour les jeux en ligne. Comme le relève le rapport Collin et Colin, la collecte des données personnelles est au coeur de la création de valeur pour les entreprises concernées ; l'impératif de protection de ces données pourrait à terme justifier de leur imposer une représentation en France. Il paraît difficile en l'état de mettre en place cette obligation déclarative.

La proposition de loi crée deux taxes. Celle sur la publicité en ligne, sur le modèle de celle créée par la loi de finances pour 2011, porte sur les régies, afin d'éviter les difficultés rencontrées avec la taxe Google. Le Gouvernement n'y est pas favorable, car elle sera répercutée sur les annonceurs et pénaliserait les acteurs français, déjà fragiles. Il existe en outre déjà de nombreuses taxes sur la publicité. Nous risquons de manquer la cible.

La Tascoé frapperait elle aussi les acteurs français sans que l'État ait les moyens de taxer les entreprises installées à l'étranger. La déductibilité de la Tascom pose un problème de compatibilité avec le droit communautaire. Les professionnels s'inquiètent légitimement de cette proposition que le Gouvernement ne soutient pas.

Quant à la taxe sur les vidéogrammes à la demande, elle ne pourra être opérante qu'à partir de 2015, quand les nouvelles règles de territorialité de la TVA et le guichet unique seront effectifs. Le Gouvernement préconise donc le renvoi en commission de ce texte.

Le Gouvernement propose un plan d'action, à la suite du rapport Collin et Colin. Il comporte un volet international et la France présentera des propositions à la Commission sur l'imposition des entreprises. À ceux qui trouveraient l'attente trop longue, je rappelle qu?il y a trois ans, la Commission avait tendu la main à la France mais que le précédent gouvernement ne l'avait pas saisie... Aujourd'hui, nos partenaires européens sont tous mobilisés, comme l'est l'OCDE, pour établir une définition de l'établissement stable. Les États-Unis sont également concernés.

En matière de TVA, la France exigera le respect du calendrier. Dans ce contexte, tout projet de taxe sectorielle pour financer tel ou tel secteur de l'économie serait mal reçu par nos partenaires. Enfin, nous expertisons toutes les formes de taxation : taxe au clic, rémunération des bandes passantes, etc. Il en va de la compétitivité de la France. Le Gouvernement soutient la motion de renvoi en commission. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du groupe écologiste)

M. Jean Arthuis .  - Je salue l'opiniâtreté de M. Marini, qui a permis l'inscription à l'ordre du jour de cette question particulièrement sensible. Je remercie également le rapporteur et les rapporteurs pour avis, ainsi que la ministre.

L'annonce de la fermeture du Virgin Mégastore des Champs-Élysées traduit brutalement un bouleversement qui n'est pas dû qu'à la crise économique. Avec la finance, le numérique est une des expressions les plus abouties de la globalisation. En vingt ans, toutes nos habitudes de consommation, en particulier d'accès aux biens culturels, ont radicalement changé par la dématérialisation. La mondialisation, je ne cesserai de le dire, remet en cause des pans entiers de notre législation.

L'activité des géants du net interroge la territorialité de l'impôt, sur quelque rive de l'Atlantique ou du Pacifique qu'on se trouve. Dans une économie globalisée, il est absurde, suicidaire même, de taxer la production ; c'est inciter aux délocalisations et à la désindustrialisation. La France en fait amèrement l'expérience. Taxons enfin ce qui est réellement imposable : les produits. Je suis très réservé sur de nouvelles taxes qui créeront de la complexité et ouvriront la voie à de nouvelles optimisations. Seule la TVA garantit aux États des ressources et une concurrence saine. La cacophonie européenne sur ce sujet est désolante, révélatrice de nos frilosités.

La tartufferie des dispositions actuelles profite au Luxembourg, qui a obtenu une dérogation pour les transactions immatérielles ; il peut ainsi pratiquer le dumping fiscal au détriment de ses partenaires. Le taux normal de TVA y est de 15 %, sans parler du livre numérique... L'Irlande impose les bénéfices des sociétés à 12,5 %, contre une moyenne européenne supérieure à 30 %. Et elle fait appel à l'Union européenne pour équilibrer son budget !

Il nous tarde de voir la directive TVA entrer en vigueur : l'impôt sera enfin perçu par l'État de résidence du consommateur. Une fraction du produit de TVA devra être allouée aux collectivités territoriales, le commerce en ligne étant un défi à la territorialisation de l'impôt.

Je veux dénoncer l'inconséquence de la Commission européenne et du Conseil européen sur ce dossier. Leur complaisance favorise les fraudeurs. Google est l'exemple des pires comportements du passager clandestin : domicilié aux Bermudes, elle efface 4,5 milliards de dollars de son bénéfice, qui sera imposé, en Irlande, à 12,5 %. Pour éviter les taxes sur le transfert, on passe par les Pays-Bas : c'est le fameux double sandwich, qui est bien indigeste. Est-ce pour son indulgence fiscale que l'on a nommé le ministre des Pays-Bas à la présidence de l'Eurogroupe ? Il est vrai que son prédécesseur était luxembourgeois...

L'absence de régulation européenne nous condamne à la gesticulation. Il faut convaincre certains États membres de cesser de faire cavalier seul, comme l'Autriche qui vient de signer une convention d'échange d'informations avec les États-Unis - mais le refuse à ses partenaires européens.

L'économie numérique n'en est qu'à ses balbutiements et son fonctionnement est déjà vicié. Nous ne pouvons nous contenter de jeter un voile pudique sur cet enjeu majeur. De nombreux travaux sont en cours, le groupe de travail de l'OCDE doit encore rendre ses conclusions. Le rapport de MM. Colin et Collin est intéressant, mais il faut prendre la mesure de la porosité de nos bases fiscales dans un contexte mondialisé. Je salue les initiatives de notre commission de la culture et Mme Morin-Desailly. Seul le niveau communautaire est pertinent pour obliger Google, Facebook ou Amazon à s'asseoir à la table des négociations et à contribuer à juste proportion de leurs profits au financement des politiques publiques. À quand une fiscalité numérique effective ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. André Gattolin .  - Merci à M. Marini pour ses travaux sur la fiscalité numérique. Sa proposition de loi ouvre le débat sur nos capacités à financer, demain, nos politiques publiques, sur les défis que pose l'économie numérique.

La nouvelle taxe sur la publicité en ligne est une piste intéressante pour imposer des bénéfices réalisés sur notre territoire et rééquilibrer un peu la position des entreprises françaises face aux Gafa. Son affectation au budget général de l'État est également positive. Mais cette proposition oublie les entreprises qui collectent des données personnelles ou encore celles qui agrègent des données collectées par d'autres... La recette attendue devient marginale.

Le rapport Collin et Colin apporte de nouvelles pistes pour élargir l'assiette fiscale. Donnons-nous le temps d'en étudier les propositions. Le principe « prédateur-payeur » est très intéressant. Le groupe écologiste souscrira à la motion de renvoi, même s'il y a urgence à établir une vraie fiscalité numérique.

Notre économie se transforme profondément et rapidement, mais notre fiscalité reste inscrite dans le cadre national d'une production matérielle et territorialisée ; elle est fondée sur une logique de stock. Or l'économie est de plus en plus mondialisée, les biens sont de plus en plus virtuels, la frontière entre consommation et production est de plus en plus difficile à établir, la création de valeur, fondée sur une logique de flux, est de plus en plus dématérialisée.

C'est l'architecture globale de notre fiscalité que nous devons repenser. Pour les écologistes, elle doit répondre à trois défis : la mondialisation économique, la révolution numérique et la transition écologique. C'est dire que la fiscalité numérique devra s'articuler - le retard à combler est énorme - avec une véritable fiscalité écologique ...

M. Philippe Marini.  - Cela reste un peu flou !

M. André Gattolin.  - ... et avec la taxation des transactions financières. Voilà quinze ans que nous la demandons. Les choses avancent...

M. Philippe Marini.  - Londres s'en réjouit !

M. André Gattolin.  - ... mais les bases sont encore trop réduites.

Comment l'État pourra-t-il faire face aux défis de demain si ces nouvelles taxes ne représentent pas, d'ici dix ans, 10 % de ses recettes budgétaires ?

M. Michel Le Scouarnec .  - Les Gafa pratiquent une optimisation fiscale scandaleuse, avec des montages complexes pour échapper à l'impôt. L'évasion fiscale se monterait à 50 milliards d'euros en France. D'après le Conseil national du numérique, les revenus des Gafa oscillent entre 2,5 et 3 milliards par an et ils n'acquittent que 4 millions d'euros d'impôt sur les sociétés. Ils devraient en payer en France 125 fois plus !

Les services numériques échappent aussi à la TVA. La publicité est taxée sur les médias traditionnels, mais pas sur internet ; les surfaces commerciales sont soumises à la Tascom, mais pas les services électroniques. Le manque à gagner de TVA était estimé à 300 millions d'euros en 2008 ; ce serait sans doute 600 millions en 2014. Des réflexions sont engagées au niveau européen qui ne devraient cependant déboucher qu'en 2015 - encore une période transitoires est-elle prévue jusqu'en 2019.

La proposition de loi comporte des propositions intéressantes. L'obligation de déclaration d'activité vise à rétablir l'équité fiscale : c'est notre objectif commun. Le texte propose trois taxes : sur la publicité, sur les services électroniques et sur la VOD. Leur rendement est toutefois insuffisant à nos yeux : nous sommes loin des 500 millions évoqués par le CNN. Taux et assiette méritent débat au regard des besoins en haut débit et de développement des acticités culturelles. Le rapport Collin et Colin suggère de taxer l'utilisation des données personnelles. La réflexion doit être approfondie, toutes les solutions doivent être creusées avant de porter un jugement définitif.

Comme l'a dit Mme la ministre, il faut aborder le sujet dans sa globalité, fiscalité, contenus, « tuyaux », sans le segmenter. La loi doit aborder la question du financement de la culture sur internet, de l'utilisation des articles de presse, avec un droit voisin du droit d'auteur.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Michel Le Scouarnec.  - Elle doit réglementer les usages. Free a bloqué la publicité pour viser Google : la question de la neutralité du net se pose.

Dans un souci de justice et d'efficacité, nous soutenons le renvoi en commission. Luttons, tous ensemble, contre l'évasion fiscale pour construire de nouvelles solidarités. (M. François Marc approuve) L'Europe doit nous y aider. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Plancade .  - La fiscalité du numérique est aujourd'hui inexistante. C'est une problématique transversale, on l'a dit. M. Marini a été un précurseur sur ce sujet. Merci à Yvon Collin pour son excellent rapport : c'est Collin, non au carré, mais au cube ! (Sourires) Félicitations aussi à M. Retailleau pour son intervention pertinente. Yves Rome a raison d'évoquer la fracture territoriale. Je salue aussi M. Domeizel : les financiers de la commission des finances oublient parfois un peu la culture...

M. David Assouline.  - Et l'exception culturelle !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Le numérique est parfois vu comme menace : le rapport Collin et Colin qualifie l'économie numérique de « vorace ». Mais elle est aussi porteuse de croissance et d'emploi.

Les Gafa multiplient les stratégies d'optimisation pour échapper à l'impôt sur les sociétés et à la TVA. Cela nous choque, quand on voit le chiffre d'affaires de Google en hausse de 32 % pour dépasser 50 milliards de dollars - qui ne paie que 5 millions d'impôt sur les sociétés... Les enjeux sont démultipliés dans l'économie numérique avec la dématérialisation. D'où l'urgence de développer de nouveaux instruments. C'est tout l'enjeu de la proposition de loi Marini, qui risque toutefois de ne pas atteindre ses objectifs, voire d'être contreproductive. La Tascoé pourrait ainsi de peser sur les acteurs nationaux. Quant au régime de déclaration, il poserait des problèmes pratiques de mise en oeuvre.

Le plan d'action annoncé par madame la ministre va dans le bon sens. Il faut des solutions à l'échelle européenne et internationale, ce qui ne doit pas empêcher la France de prendre des mesures qui pourront servir d'exemple. En attendant, le groupe RDSE soutient l'analyse du rapporteur Yvon Collin. (Applaudissements)

M. Francis Delattre .  - M. Marini a entamé cette démarche depuis 2009, nous saluons sa persévérance. Les Gafa, installés en Irlande et au Luxembourg, échappent à toute taxation de leurs bénéfices en France. Google réalise 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 10 milliards de bénéfices, et ne paye que quelques millions d'impôt. Le changement de son algorithme a évincé des PME, notamment françaises : illustration de sa position dominante.

La taxe dite Google, adoptée par le Sénat, a été abrogée avant son entrée en vigueur à l'été 2011 car elle semblait mal calibrée et frappait les PME françaises. M. Marini a proposé la Tascoé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 puis retiré son amendement retiré en séance à la suite de l'engagement du gouvernement de l'époque de lancer une réflexion globale. Nous y sommes ! Le rapport de MM. Collin et Colin a été publié le 18 janvier. Il préconise une fiscalité neutre et équitable, via la taxation du comportement des acteurs du numérique au regard de la manière dont ils collectent et utilisent les données personnelles - l'externalité positive.

La nouvelle taxe sur la publicité en ligne, mieux calibrée, frappe désormais les régies. Elle pourrait s'appliquer à Google au titre du milliard de chiffre d'affaires engrangé sur le marché français. La Tascoé est moins symbolique, avec un produit estimé à 200 ou 300 millions à l'horizon 2015. La proposition de loi étend également aux acteurs étrangers la taxe sur la VOD.

La commission des finances a voté à l'unanimité une motion de renvoi en commission : le groupe UMP s'y rallie pour voir prospérer la proposition de loi de notre collègue. Mme la ministre s'est engagée à approfondir les travaux pour aboutir d'ici l'été à un texte. Je crois beaucoup au rapport de l'OCDE : nos interlocuteurs sont parfaitement conscients des questions qui nous préoccupent. L'échange d'informations fiscales est crucial. Nous comptons aussi sur le prochain G20.

Notre groupe soutient la démarche de la proposition de loi : dans le respect du principe de neutralité et d'équité fiscale, de nouvelles recettes seront bienvenues pour nos finances. Il faudra bien cibler les nouvelles taxes pour ne pas pénaliser les PME françaises.

Cette proposition de loi est une étape : nous voterons son renvoi en commission. (Applaudissements à droite)

M. Yannick Botrel .  - Le sujet est d'actualité, nous venons d'auditionner MM. Collin et Colin la semaine dernière. Le président Marini qui se penche depuis trois ans sur la fiscalité numérique a été précurseur. Le président de la République a bien pris la mesure des enjeux stratégiques du secteur en diligentant une mission d'expertise dès le mois de juillet dernier. Le Gouvernement n'a pas non plus été inactif, qui s'est associé à la saisine de l'OCDE sur la question de la territorialité. La Commission européenne a elle aussi été saisie pour définir une approche communautaire contre la fraude et l'optimisation. Il existe un consensus pour agir.

Les entreprises numériques échappent à l'impôt dans les pays où elles réalisent leurs bénéfices, alors que leurs profits sont considérables. Le Monde le rappelait encore hier... Or le droit fiscal peine à s'adapter à la révolution numérique. Il faut agir avec méthode pour ne pas prêter le flanc à la contestation. L'impôt sur les sociétés est l'outil le plus adapté, à condition de définir la notion d'établissement stable, dit le rapport Collin et Colin. La proposition de loi envisage, quant à elle, de nouvelles taxes. Les pistes sont donc nombreuses. Le G20 prendra des décisions sur la base du prochain rapport de l'OCDE. Mme la ministre a présenté les projets du Gouvernement et pris des engagements.

Je me rallie donc, au nom du groupe socialiste, à la position équilibrée de la commission des finances. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vais suspendre la séance. La suite du débat se déroulera le 28 février prochain.

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 15 heures.

Commerce extérieur (Questions cribles)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le commerce extérieur. L'auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d'une durée d'une minute au maximum peut être présentée par l'auteur de la question ou par un membre de son groupe politique.

M. Aymeri de Montesquiou .  - L'augmentation totalement anti-économique des impôts et des charges obère la situation dont vous héritez. Je crains que notre déficit commercial ne s'aggrave. Quels sont les appuis fiscaux d'aide au commerce extérieur ? Quelles sont les aides pratiquées par nos concurrents européens ?

Vous avez raison de cibler un nombre limité de pays, tous les produits français ne sont pas exportables partout. Votre méthode s'apparente au laser beaming du Japon, mais quelle est votre ligne directrice ? Comment négliger le Kazakhstan pour la famille « Mieux vivre en ville », alors qu'Astana a été choisie comme site de l'exposition universelle de 2017 et que son thème sera précisément celui-là ?

Quelle politique fiscale incitative comptez-vous mener ? Les soldats de l'An II se battaient contre l'Europe entière, ils avaient au moins pour eux l'enthousiasme. Dans la guerre économique mondiale, la France envoie des soldats démoralisés se battre contre le monde entier. (Exclamations à gauche)

M. Yannick Vaugrenard.  - Honteux !

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur .  - Le rapport que Mme Revel m'a remis ce matin - dont vous aurez la primeur - aborde justement le problème de stratégie et de benchmarking que vous soulevez. En Europe, il faut être présent dès le début des négociations sur les normes et ne pas se les laisser imposer.

Le Kazakhstan que vous connaissez bien, fait partie des 47 pays identifiés comme porteur de 80 % de la demande mondiale sur dix ans. En face, il faut aligner une offre commerciale performante pour atteindre l'objectif ambitieux, fixé par le président de la République, d'équilibre de la balance commerciale d'ici la fin du quinquennat. Nous aurons, le 7 mars, une commission mixte avec le Kazakhstan, où seront identifiés tous les sujets. Dans la famille « Mieux vivre en ville », nous avons une offre de qualité. Il faut anticiper sur nos concurrents. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Je me réjouis que le Kazakhstan n'ait pas échappé à votre sagacité. Encore faut-il prévoir des crédits pour l'Exposition universelle d'Astana en 2017.

M. Claude Bérit-Débat .  - Le déficit de notre balance commerciale n'est pas une fatalité. Vous avez l'objectif de mettre en place un guichet unique avec les régions pour faire prospérer nos PME-PMI à l'international. Il faut aussi, afin de réussir, une organisation institutionnelle. La convention d'export, passée par la Chambre de commerce et d'industrie (CCIR) de la région Aquitaine est encourageante. Comment articulerez-vous votre politique avec les expérimentations existantes ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Les régions, je l'ai dit dès mon arrivée au ministère du commerce extérieur, doivent être pilotes dans l'exportation. J'ai fait un déplacement dans votre belle région d'Aquitaine comme dans dix autres régions. L'idée est que chacune établisse un plan « innovation et exportations » car l'Île-de-France n'est pas la Bretagne ni le Nord. Chacun doit s'organiser selon ses caractéristiques régionales : tantôt c'est la complémentarité, tantôt la fusion avec la CCIR, le tout pour améliorer notre balance commerciale.

M. Claude Bérit-Débat.  - Merci pour votre détermination à réduire le déficit commercial. Il faut effectivement jouer la carte de la proximité au côté des régions pour booster nos entreprises à l'export. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Notre commerce extérieur est déficitaire et s'effectue à plus de 60 % avec nos partenaires européens. Une analyse plus fine fait apparaître que notre déficit tient pour beaucoup à l'inégalité de nos rapports avec l'Allemagne, avec qui notre déficit dépassait les 17 milliards d'euros en 2011. Nous n'avons pas attendu la loi de finances rectificative pour 2013, et le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour prendre conscience du problème.

Sanofi, première capitalisation boursière de la place de Paris, fait fabriquer à l'étranger 50 % de ses génériques vendus en France ; Peugeot réimporte la majorité des modèles vendus dans l'Hexagone ; Renault réalise à l'étranger 70 % de ses équipements et les deux tiers de ses voitures vendues en France. Ces choix guidés par la rentabilité financière sont mortifères pour l'emploi industriel. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Dans la nouvelle phase de mondialisation engagée depuis les années 1990, la France n'a pas trouvé sa place. Elle peut néanmoins le faire. Votre question pose celle de la stratégie : se contenter de vouloir vendre le meilleur produit ne suffit plus, les pays émergents exigent davantage d'échanges. L'implantation internationale de Sanofi profite au territoire national, je peux le démontrer chiffres à l'appui. À la France de demander des contreparties, notamment en matière de sous-traitance, aux aides qu'elle a accordées aux entreprises pour leur internationalisation.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Vous avez parlé de contreparties. L'État doit faire entendre sa voix quand il est encore actionnaire. J'en profite pour dire que nous devons accorder plus de droits dans ces secteurs stratégiques aux syndicats et aux travailleurs.

Mme Leila Aïchi .  - Le constat est sévère : notre pays, naguère exportateur, est devenu importateur net. Je salue l'ambitieux plan lancé par le Gouvernement pour redresser le déficit de notre balance commerciale, qui atteignait 52 milliards d'euros en 2010. La part de la France sur le marché mondial est passée de 6 % dans les années 80 à 4 %. Plutôt qu'un millefeuille administratif, où Oséo certes joue un rôle moteur, ne faudrait-il pas des structures ad hoc, proches du terrain ? Que faire pour les entreprises du secteur écotechnologique ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et du centre)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - La création de la BPI obligera les acteurs territoriaux à se positionner dans l'unité. Trop souvent, nous, Français, ne savons pas travailler ensemble.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Très juste !

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Hier, avec M. Montebourg, nous avons lancé la marque « France » que je qualifie de marque ombrelle.

Dans la famille « Mieux vivre en ville », je classe l'écohabitat, le transport durable, l'efficacité énergétique. La Chine et l'Inde en sont très demandeuses.

M. Yvon Collin .  - Le rapport Gallois fait de la reprise des exportations une priorité pour notre économie et contre le chômage. Je me réjouis donc de vos premières annonces, madame la ministre, et de la définition de quatre familles prioritaires. N'oublions pas pour autant les grands contrats, je pense notamment à l'aéronautique.

L'été dernier, les Chinois ont annoncé vouloir exporter des avions Airbus depuis la chaîne de Tianjin. C'est inquiétant ! (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Les grands contrats recouvrent les secteurs du luxe, du nucléaire et de l'aéronautique, dont les résultats sont meilleurs qu'en 2011. Il faut exporter plus, c'est mon challenge car, derrière les grands contrats, il y a des PME sous-traitantes. Idem pour le nucléaire, qui draine 85 PME-ETI.

Ne faisons pas de la Chine la cause de nos difficultés. J'ai eu avec les Chinois un dialogue franc ; nous avons abordé la question aéronautique. N'oubliez pas que, dans un avion, 7 % seulement sont de la valeur ajoutée chinoise ; tout le reste vient de chez nous. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - Merci de votre détermination à redresser notre balance commerciale et de votre soutien à l'aéronautique. J'ai parlé de la Chine mais les États-Unis nous ont également taillé des croupières avec des aides d'État déguisées sous forme d'avances remboursables.

M. Alain Fouché .  - La part de la France dans le commerce extérieur est passée de 8,1 à 4,7 % de 2000 à 2011, quand celle de l'Allemagne progressait de 11,5 à 13,6 %. Nous sommes trop peu présents dans les pays émergents : seulement 3 % en Chine, contre 7 % pour l'Allemagne et 8 % pour l'Italie. Les PME-ETI exportatrices sont quatre fois moins nombreuses en France qu'en Allemagne. Leur nombre est passé de 120 000 à 95 000 en dix ans. Il faut absolument travailler à l'export en escadrille, comme savent le faire les Allemands. Notre modèle social et fiscal pénalise notre compétitivité, notamment dans l'automobile. Qu'en pensez-vous ?

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Relativisons, même si cela ne nous exonère pas d'agir. Il s'agit de pourcentages : la part de la France dans le commerce extérieur s'est réduite du fait du rôle grandissant des pays émergents. Des marchés difficiles et lointains mais qui représenteront demain 80 % de la demande mondiale. Aussi, j'ai déterminé quatre grandes familles de produits : « Mieux vivre en ville », « Mieux se soigner », « Mieux se nourrir » et « Mieux communiquer », que nous destinons à 47 pays, auxquels il s'agit d'adapter notre offre. Outre le crédit d'impôt de 20 milliards, le Gouvernement a instauré cinq dispositifs pour aider les entreprises. Il a ainsi réaménagé le CIR et créé le CICE car un milliard de plus à l'export, ce sont 10 000 emplois créés en France.

M. Alain Fouché.  - L'industrie, c'est aussi du travail.

M. Jean-Yves Leconte .  - L'objectif de revenir à l'équilibre de la balance commerciale en 2017 est très ambitieux. Pour le remplir, vous avez établi un partenariat audacieux avec les régions, abandonné la politique du chiffre d'UbiFrance et créé la BPI.

Après le rapport très critique de la Cour des comptes en 2011, j'insiste sur la nécessaire complémentarité entre UbiFrance et les acteurs de terrain. Ne faut-il pas densifier notre réseau d'UbiFrance dans les pays qui le nécessitent plutôt que de créer de grands pôles ? Quel rôle pour les ambassadeurs nommés en Chine et ailleurs dans notre service public à l'export ?

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Monsieur Leconte, vous parcourez le monde comme moi. UbiFrance se consacre aux PMI pour les aider à exporter. En accord avec le Premier ministre, nous avons décidé, plutôt qu'une réforme structurelle dont nous n'avons pas le temps, de redéployer la manière de travailler d'UbiFrance afin qu'elle accompagne 1 000 PME-ETI durant trois ans. Une démarche qualitative, donc. Nous devons aussi augmenter le nombre de volontariat international en entreprise, et de le porter de 7 400 à 9 000. Tout le monde doit se mobiliser, grandes et petites entreprises, pour y réussir.

Oui, il faut être au Kenya et en Birmanie ; cela suppose un redéploiement car nous sommes, comme les autres, soumis à l'impératif de maîtrise de la dépense. Quant aux nominations par le ministre des affaires étrangères, j'y vois une aide au commerce extérieur.

M. Jean-Yves Leconte.  - Une civilisation qui ne produit plus est condamnée à disparaître car il n'y aura pas d'emplois sans production. C'est donc une révolution culturelle qu'il faut mener. Je sais que la ministre est sur le front !

M. André Ferrand .  - Je me réjouis de cette séance entièrement consacrée au commerce extérieur. Merci à Mme Bricq, notre ancienne collègue et rapporteure générale, de son volontarisme pour rassembler toutes les énergies autour de l'objectif de rééquilibrer notre balance commerciale. Hélas, tout le monde au Gouvernement ne suit pas cette voie : quand la maison brûle et que nos chefs d'entreprise fuient la France pour créer richesses et emplois ailleurs, faut-il se préoccuper autant d'occuper le champ médiatique par des débats moins urgents ?

Comment obtenir, enfin, un jeu collectif - je n'ose pas parler d'équipe de France ! J'espère que l'expérience du Comité Asie pourra servir de modèle.

À ma deuxième question, je n'ai pas de réponse. Il s'agit de l'articulation entre l'aval du processus, notre dispositif à l'étranger, et l'amont, c'est-à-dire, en France, les filières professionnelles et les régions.

Il est bon que nos ambassadeurs coordonnent l'action de nos acteurs à l'étranger afin d'en assurer la synergie. Que pensez-vous, alors, de l'idée d'une cosignature par vous-même de la partie économique des lettres de missions de nos ambassadeurs ?

Madame la ministre, je vous souhaite de réussir car il y va de l'intérêt supérieur de notre pays. (Applaudissements unanimes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Voilà une excellente question !

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Le chiffre du commerce extérieur est le juge de paix de nos faiblesses. Le tocsin de 2011 a sonné la mobilisation générale, je l'ai vu dans mes déplacements dans onze régions et dans le monde. Le jeu collectif ? La référence à l'équipe de France n'est pas forcément la bonne... Attendons le prochain match France-Allemagne de football ! (Sourires) Je me méfie de ce type de grandes formules, il faut du concret. Et le concret est de partir groupés à l'export pour déployer collectivement notre intelligence économique. Le commerce extérieur est une priorité de ce gouvernement. La stratégie que j'ai proposée dès août, le Premier ministre l'a faite sienne immédiatement.

Le pacte pour l'innovation et l'exportation ne se limite pas au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. La modernisation de l'action publique, à laquelle le président de la République tient beaucoup, est la véritable réforme de l'État ! (Applaudissements)

La séance, suspendue à 15 h 45, reprend à 16 h 5.

Biologie médicale (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale (procédure accélérée).

Discussion générale

M. Jacky Le Menn, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Voici le cinquième texte en quatre ans sur l'avenir de la biologie médicale. Cette proposition de loi prend la suite de la proposition de loi Boyer et Préel adoptée à l'Assemblée nationale en première lecture il y a un an. Le souhait de voir ratifiée l'ordonnance du 13 janvier 2010 qui s'applique depuis trois ans, est partagé par les professionnels. Ce texte transpartisan a été élaboré avec les députés, après une large concertation. Son objectif est limité mais ambitieux : garantir la sécurité des examens par l'accréditation et limiter la financiarisation du secteur. Le nombre d'actes de biologie médicale augmente régulièrement depuis 1998, il faut vérifier que ces actes sont bien adaptés aux pathologies.

Malgré le très petit nombre d'inspections, dix à quinze laboratoires sont fermés chaque année ; on peut craindre que les 4 000 laboratoires en France ne soient pas aux normes. Avec 10 500 biologistes, la France est bien dotée. Suite à un rapport sévère de l'Igas, le précédent gouvernement a confié à M. Ballereau le soin de préparer une réforme le secteur. Il y observe qu'il fallait lutter contre les situations monopolistiques et préconisait un choix entre biologie analytique et biologie médicale. La médicalisation de la biologie médicale découle d'une volonté : garantir la qualité des examens et limiter la prise de contrôle des laboratoires par des investisseurs ne se souciant que de retour sur investissement.

La Commission européenne n'est pas habilitée à se prononcer sur l'opportunité pour un État de limiter un domaine aux médecins, mais peut se prononcer sur la base du droit de la concurrence.

Si l'ordonnance du 13 janvier 2010 s'applique depuis sa publication, elle peut être attaquée devant le Conseil d'État tant qu'elle n'est pas ratifiée. Ce qu'a fait l'Ordre des médecins. De fait, une mesure réglementaire prise sur le fondement d'une ordonnance mais contraire au droit européen peut être annulée. De là, l'article premier qui ratifie l'ordonnance.

L'accréditation dont dépend la qualité des soins, doit être la règle : nous proposons qu'elle soit totale mais atteinte par paliers : 50 % en 2016, puis 80 % en 2018 et 100 % en 2020. L'innovation est prise en compte dans les procédures d'accréditation.

La biologie spécialisée, en constante évolution, est un cas particulier. Le Comité français d'accréditation est chargé d'une mission de service public. En pratique, ce sont les pairs, praticiens de terrain, qui contrôlent l'accréditation. L'accréditation ne se substituera pas au contrôle des laboratoires par les agences nationales de santé (ARS). De quels moyens informatiques disposeront-elles à cet effet ? Contrairement à ce que j'ai entendu, l'accréditation n'impose pas une concentration du secteur autour d'appareils volumineux et fortement coûteux. L'obligation de concentration imposée par le coût des appareils est contrebalancée par la pratique ancienne des industriels de prêter les appareils aux laboratoires contre l'achat de consommables. Et rien n'empêche les biologistes d'ouvrir de nouveaux laboratoires accrédités, utilisant des technologies plus compactes.

Le coût de l'accréditation fait débat : 1 % du chiffre d'affaires, voire le double selon l'Ordre des médecins. Nous attendons les précisions du Gouvernement.

Deuxième priorité de la proposition de loi : le refus de la financiarisation de la profession. L'indépendance des biologistes est garantie par la possibilité qui leur est ouverte d'acquérir une partie du laboratoire. Certains s'inquiètent de possibilités de contournement de la loi. Prenons garde toutefois à ne pas trop complexifier la réglementation de l'exercice libéral, au risque de s'exposer à une sanction de la Cour de justice de l'Union européenne.

Sur le recrutement des enseignants, la commission des affaires sociales a adopté une position de compromis équilibrée. Un accès dérogatoire à ces postes est nécessaire dans les CHU. Il faut ouvrir les équipes hospitalo-universitaires à des personnes ayant une double compétence dans certaines surspécialités, sans pour autant les ouvrir à tous les praticiens.

Enfin, la réforme de 2010 impose les mêmes obligations au public et au privé. Les laboratoires publics sont engagés dans le processus d'accréditation. On peut regretter que le dialogue entre public et privé reste difficile...

Après trois ans de débat, la procédure accélérée se justifie pleinement sur ce texte et je suis convaincu que la CMP aboutira à une rédaction qui pourra être largement adoptée. (Applaudissements à gauche)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Ce texte s'inscrit dans le prolongement de la proposition de loi Boyer-Préel, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Je salue le travail réalisé par M. Le Menn, avec l'Assemblée nationale. Ce texte a le plein soutien du Gouvernement : il faut tout mettre en oeuvre pour que la biologie médicale relève le double défi de la qualité et de l'efficience.

Un résultat fiable est indispensable au diagnostic et, donc, au traitement. Ce texte prend la mesure de l'importance de la biologie médicale française : celle-ci détermine plus de trois diagnostics sur cinq. Les biologistes jouent un rôle pivot, en relation avec des millions de Français et avec les professionnels de santé. Or le secteur est en mutation profonde, du fait notamment des progrès techniques. La biologie s'est automatisée, imposant une formation permanente et de lourds investissements financiers. Pourtant, malgré les évolutions techniques et sociétales, ce secteur n'a fait l'objet d'aucune réforme ambitieuse depuis 1975 ! Il faut y remédier si l'on veut garantir la qualité des soins.

En 2006, l'Igas indiquait que la moitié des laboratoires de biologie médicale n'étaient pas à même de remplir les conditions de qualité dues à chaque patient. Certains présenteraient même des facteurs de risque. D'où l'impératif de l'accréditation pour garantir la sécurité sanitaire. Cette procédure ne doit pas se substituer au contrôle exercé par les ARS : j'y veillerai.

La médicalisation de la biologie médicale va dans le même sens. L'ordonnance du 13 janvier 2010 réserve la pratique de la biologie médicale aux seuls médecins et pharmaciens ayant suivi une formation spécifique. Garantir la sécurité, c'est garantir aussi un accès rapide aux résultats, qui doivent être fiables et compréhensibles.

Deuxième défi : l'efficience du secteur de la biologie médicale. Ses modèles économique et juridique sont un frein au progrès. Il faut aider les laboratoires à diminuer leurs coûts et à investir dans des outils de haut niveau. D'où la nécessité d'une réorganisation du secteur, sans nécessairement dépenser plus.

Ce texte accompagne un mouvement qui a déjà été engagé. Les laboratoires gagneront en souplesse, ils pourront être multisites.

Nous devons enfin garantir le maintien d'une offre en biologie médicale dans tous nos territoires.

Ce texte vise à empêcher la constitution de monopoles. Le maillage par des établissements de proximité, chers à nos concitoyens, est un atout. À travers les schémas régionaux d'organisation des soins, les ARS y veillent. Oui, c'est à l'échelle des territoires que nous pouvons lutter contre l'inégalité dans l'offre de soins.

La volonté de ratifier l'ordonnance de 2010 dépasse les clivages partisans. Je souhaite que nous aboutissions à un texte partagé pour en finir avec l'insécurité juridique et garantir l'efficience de la biologie médicale française : il y va de la sécurité de nos concitoyens et de l'accès à l'offre de soins. Merci à tous ceux qui y ont travaillé, j'espère que nous ferons oeuvre utile. (Applaudissements)

M. Gilbert Barbier .  - Je remercie M. Le Menn pour cette proposition de loi, qui met fin à un fiasco législatif qui désole la profession, même si je regrette une certaine retenue sur certains points, en sorte que ce texte restera pour moi incomplet. Il faut remédicaliser une frange importante du parcours de soins, abandonnée à de puissants intérêts financiers. L'intérêt du patient doit primer.

La question est revenue pas moins de cinq fois devant le Parlement. Finissons-en avec cette accumulation. Trente-huit ans après la dernière réforme, la biologie médicale a connu une évolution considérable, qui a transformé sa pratique et nécessite de gros investissements.

Ce texte devrait réaffirmer l'indépendance des professionnels et préserver le maillage territorial face aux regroupements imposés par les intérêts financiers. La biologie médicale n'est pas seule concernée : les soucis de rentabilité finissent par l'emporter sur l'intérêt du patient... Les professionnels de santé qui ont choisi l'exercice libéral, avec ses contraintes et ses satisfactions, se voient aujourd'hui menacés. Les laboratoires indépendants et de proximité sont en voie de disparition. Je crains que ce texte n'y porte pas remède.

La proposition de loi vise aussi le cas ultra-minoritaire des biologistes médicaux dans les sociétés d'exercice libéral.

Je suis favorable à l'accréditation, mais attention à ne pas l'imposer à marche forcée. Comment le Comité français d'accréditation (Cofrac) pourra-t-il, à une date donnée, accréditer 100 % des laboratoires ?

Ce secteur de la santé doit rester de la prérogative nationale par le jeu de la subsidiarité. Cette proposition de loi, utile mais perfectible, doit donner espoir aux jeunes biologistes.

Le groupe RDSE, sous réserve de voir ce texte enrichi par nos débats, le votera.

Mme Aline Archimbaud .  - Ce texte est le cinquième sur ce thème en quatre ans. La réforme de la biologie médicale suit un parcours législatif bien tortueux... Merci à M. Le Menn qui a privilégié la concertation et trouvé un bon compromis entre proximité, qualité, efficience et indépendance.

Sur l'accréditation, un quasi-consensus semble avoir émergé. Difficile de la critiquer sur le fond. Mais ne soyons pas naïfs : les grands laboratoires savent qu'ils l'obtiendront plus facilement que les autres... Il est vrai qu'elle impose des tâches onéreuses et chronophages ; le problème n'est pas l'accréditation mais le rythme et les modalités de sa mise en oeuvre.

J'approuve les paliers prévus à l'article 7. Je soutiendrai les amendements concernant le Cofrac, afin de garantir son indépendance et d'encadrer ses tarifs.

Deuxième enjeu de la réforme : la financiarisation. La proposition de loi limite la possibilité pour les investisseurs de contrôler les laboratoires. Il est choquant de spéculer sur la santé. Le principe d'une détention majoritaire par les biologistes exerçant dans le cadre de sociétés d'exercice libéral est positif. Il existe toutefois des risques de contournement. Le groupe écologiste a donc déposé deux amendements pour porter la part du capital obligatoirement détenue par les biologistes de 50 à 60 % et pour rendre publiques les conventions signées au sein de la société.

Le groupe écologiste votera cette proposition de loi dans l'espoir qu'elle apporte une solution durable et parce que la biologie médicale, élément central du parcours de soin, ne doit plus souffrir des turpitudes actuelles. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Un an après la proposition de loi Boyer, nous examinons celle de M. Le Menn. La biologie médicale est un enjeu majeur de la politique de santé, un élément central du parcours de soins. C'est pour réaffirmer le caractère médical de la profession de biologiste que le précédent gouvernement avait souhaité entreprendre une nouvelle réforme. Il s'agissait de garantir la qualité des actes, l'efficience des dépenses, l'adéquation entre exigences nationale et européenne.

La réflexion a débuté en 2006 avec le rapport de l'Igas et le rapport Bellereau, soulignant l'urgence à modifier la législation. L'article 69 de la loi HPST de 2009 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance en la matière. Dans la loi bioéthique, l'Assemblée nationale proposait d'abroger l'ordonnance de 2010. La loi Fourcade reprenait quelques articles - censurés par le Conseil constitutionnel comme cavaliers. Enfin, la proposition de loi Boyer n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Bref, il y a urgence à sortir de cette situation.

Nous partageons les objectifs du rapporteur. L'insécurité juridique est préjudiciable tant pour les professionnels de santé que pour les pouvoirs publics.

L'acte de biologie est bien un acte médical. La commission a modifié le texte initial de la proposition de loi dans le bon sens, notamment à l'article 4. Notre groupe y reviendra toutefois avec un amendement qui rétablit le terme de « prélèvement » à propos des actes réalisés hors laboratoires.

L'accréditation à 100 % au 1er novembre 2020 a été insérée par la commission : en tant que rapporteur de la loi Fourcade, j'y suis favorable.

D'autres dispositions ne nous satisfont pas. Nous parlons souvent du maillage territorial, mais certains départements ne disposent pas de laboratoires publics... Ne faudrait-il pas prévoir une dérogation ? Sur le fond, nous soutenons toutefois l'article 5 sur les ristournes, qui dévalorisent le métier.

L'article 6 organise une filière parallèle de recrutement de responsables hospitaliers auxquels on ne demanderait que d'avoir passé trois ans dans un laboratoire de biologie. Le Sénat a déjà rejeté en 2011 une disposition analogue, à laquelle s'oppose la profession.

L'article 7 ter ne nous paraît pas justifié parce que l'objectif doit être de tirer le meilleur parti de la compétence des biologistes médicaux. Les articles 8 et 9 sont au coeur de l'inquiétude des jeunes biologistes, qui craignent de ne pouvoir accéder à une profession financiarisée... Le rôle des ARS est consacré à l'article 9, qui va dans le sens du rapport Ballereau préconisant la régulation. Il s'agit de lutter contre la financiarisation en permettant aux laboratoires d'atteindre une taille critique.

Le groupe UMP est très attaché au renforcement d'une médecine de qualité. Tout en soutenant ce texte, nous défendrons plusieurs amendements, en espérant parvenir rapidement à un texte dont la biologie médicale a grand besoin. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Cette proposition de loi est très importante ; son ambition est de freiner la financiarisation de la biologie médicale et de renforcer la sécurité des examens pratiqués. La pluralité d'enjeux explique les multiples canaux par lesquels cette réforme a été adoptée : une ordonnance et pas moins de cinq textes législatifs. J'y vois une raison de notre opposition à l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance.

Nous serons vigilants au fait qu'un laboratoire puisse être constitué de plusieurs sites. Cela pourrait transformer des laboratoires en simples centres de prélèvement. L'éloignement entre prélèvement et analyse n'est pas sans risques ; notre rapporteur en a d'ailleurs conscience puisqu'il a proposé un amendement pour encadrer un dispositif que nous proposerons d'améliorer encore.

Second enjeu d'importance, la financiarisation. Disant cela, je pense à la décision de la Cour européenne qui, saisie par un grand groupe financier au motif que la France ne respecterait pas la directive « Services », a conforté notre droit interne, reconnaissant ainsi l'application du principe de subsidiarité dans le secteur de la santé. Nous déposerons des amendements à l'article 8 pour abaisser encore la part que peuvent détenir les groupes financiers dans les laboratoires existants ou à créer. Nous ne pouvons accepter que des holdings cannibalisent le monde de la santé.

Pour finir, nos inquiétudes sur l'accréditation. Nous aussi, nous voulons garantir la qualité des examens mais nous ne sommes pas dupes : malgré les propositions du rapporteur, les petits laboratoires de proximité ne pourront pas réaliser les mises aux normes nécessaires et devront soit fermer, soit se vendre à de grands groupes. Nous avons déposé des amendements pour éviter cet effet contreproductif du texte.

Notre vote final dépendra du sort qui sera fait à l'ensemble de nos propositions. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Depuis sa constitution après-guerre, la biologie médicale est devenue une spécialité stratégique. Comme l'industrie pharmaceutique, elle est au carrefour de la santé publique et du marché de la santé. L'ordonnance Ballereau de 2010 a globalement relevé le défi. Le rapporteur s'y rallie alors que le groupe socialiste l'avait combattue à l'époque - je le relève sans malice. Cette ordonnance n'est pas parfaite, notre collègue et ami Jean-Luc Préel le reconnaissait en présentant son texte à l'Assemblée nationale l'an dernier.

Quel rythme et quelle ampleur pour l'accréditation ? Sur cette question, nous apporterons notre soutien plein et entier au rapporteur, le calendrier retenu est un bon compromis. De plus, le texte rétablit l'objectif d'une accréditation à 100 %, même si celle-ci ne sera peut-être, pour des raisons techniques, qu'à 97 %.

Les articles 8 et 9 suffisent-ils à lutter contre la financiarisation ? Les biologistes craignent un contournement des règles. Cette crainte, on ne peut la balayer d'un revers de la main. D'où mes amendements sur les sociétés d'exercice libéral et la transparence des conventions extrastatutaires.

L'impératif économique peut se heurter à la nécessité de la proximité. Je proposerai un amendement pour que les établissements publics soient tenus de lancer des appels d'offre s'ils n'ont pas de laboratoires à proximité. Pourquoi en outre la phase pré-analytique devrait-elle échapper au contrôle des biologistes ? Cela n'est pas justifié, non plus que la dérogation pour l'exercice en CHU. En revanche, nous avons renoncé à un amendement sur la facturation.

En conclusion, nous sommes globalement favorables à ce texte qui nécessite toutefois quelques ajustements. Merci à M. Le Menn d'avoir si bien mené la discussion, lui qui connaît bien le secteur pour avoir été directeur d'hôpital. (Applaudissements au centre)

Mme Catherine Génisson .  - Merci à notre rapporteur pour son énergie à réécrire ce texte, au terme de nombreuses péripéties. Les biologistes médicaux participent au parcours des soins et, par leurs actes, à 60 % des diagnostics. Il faut leur apporter une sécurité juridique et assurer l'égalité de traitement entre public et privé dans le cadre de la réglementation européenne.

La France a choisi de médicaliser la biologie médicale, félicitons-nous-en car c'est le seul moyen de lutter contre la financiarisation de ce secteur. Si nos marges sont étroites - la Commission européenne est habilitée à faire respecter le droit de la concurrence - notre détermination doit demeurer intacte.

Défendre la qualité des examens passe par l'accréditation. Cette dernière doit être au service de la biologie médicale et non une entrave à l'installation de jeunes biologistes. Elle doit être généralisée mais non uniforme. Plaçons des garde-fous pour apaiser les craintes de voir imposer, par son intermédiaire, un mode d'exercice particulier de la biologie médicale.

Le Cofrac dispose d'un monopole public sur l'accréditation. Se pose la question du coût de ses prestations, évalué à 1 % du chiffre d'affaires - 2 % selon l'Ordre des médecins - ainsi que celles du choix des experts et de l'établissement des normes. Sans chercher des boucs émissaires, je salue la volonté du rapporteur de solliciter la Cour des comptes pour un rapport d'évaluation.

L'indépendance des laboratoires est un autre sujet. Quatre-vingt cinq pour cent d'entre eux sont déjà détenus par les professionnels, c'est une bonne chose. Nous devons faire obstacle à une financiarisation qui serait délétère pour les laboratoires de proximité.

Concernant la phase pré-analytique, l'essentiel est de déterminer à partir de quand commence la responsabilité des biologistes. Faut-il par ailleurs confier à l'Établissement français du sang (EFS) l'examen du sang des receveurs ? Ce n'est pas parce que l'établissement est en grand danger qu'il faut lui confier des examens excellemment pratiqués par d'autres centres privés et publics. Nous avions déposé un amendement relatif aux examens de biologie dans le cadre de la PMA, mais il est tombé sous le coup de l'article 40...

Le maillage territorial serait maintenu grâce aux ristournes ? Je ne le crois pas. Mme la ministre a indiqué une voie : passer par les ARS. Comment enfin accéder aux revendications légitimes des étudiants ? Nous aurons de beaux débats à l'article 6. La question de la facturation unique trouvera davantage sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale.

Je me réjouis de cette proposition de loi, qui vise à garantir la qualité des soins sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marisol Touraine, ministre .  - Merci pour vos interventions sur ce sujet trop longtemps laissé en jachère. Il est temps d'avancer.

La financiarisation, l'accréditation, la formation des professionnels, autant de sujets sur lesquels nous reviendrons dans la discussion des articles. M. Barbier a clairement posé la question de la financiarisation ; le Gouvernement partage les préoccupations qui se sont exprimées sur tous les bancs. Nous avons besoin de laboratoires de biologie médicale partout sur le territoire. Au reste, la logique de rentabilité financière concerne d'autres secteurs. Elle est inacceptable dans le secteur de la santé qui touche au bien-être et à la vie de l'être humain. Raison majeure pour laquelle le Gouvernement soutient cette proposition de loi.

L'accréditation est un élément socle de la sécurité sanitaire, je suis de l'avis de Mme Archimbaud, a fortiori au vu des débats actuels sur l'usage de certains médicaments. L'accréditation selon une procédure transparente est gage de confiance. Grâce au choix d'une démarche par palier, madame Cohen, nous n'assisterons pas à un effet boomerang qui mettrait en danger les petits laboratoires.

Beaucoup s'inquiètent de l'indépendance et des tarifs du Cofrac. Le rapporteur a dit comment il comptait assurer la transparence, je soutiens sa démarche. Nous avons besoin d'avoir pleine confiance dans les instruments chargés de garantir la qualité des procédures.

J'ai été particulièrement sensible au soutien de M. Milon à notre démarche. L'insécurité juridique et, donc, sanitaire actuelle ne saurait perdurer. La biologie médicale est partie intégrante de notre système de santé, depuis la phase préanalytique jusqu'aux soins. J'espère apaiser vos inquiétudes par la discussion.

L'enjeu, madame Cohen, est d'éviter un processus qui nous mènerait droit dans le mur de la financiarisation et de garantir dans le même temps la qualité des actes. À nous de conforter l'équilibre auquel est déjà parvenu le texte de la commission.

Merci à M. Vanlerenberghe de ses remarques sur la démarche d'accréditation par paliers. La formation et l'exercice en hôpital sont des sujets à lier à la permanence des soins sur le territoire. Le but n'est pas d'ouvrir sans contrôle l'exercice, mais de l'encadrer en posant des exigences.

Mme Génisson a rappelé les contraintes du droit européen. Nous ne pouvons nous en abstraire ; nous devons nous frayer un chemin entre ces contraintes et les exigences de la sécurité sanitaire telles que nous les concevons et auxquelles le Gouvernement n'entend pas renoncer. Ce texte, je l'espère, offrira un cadre satisfaisant pour les professionnels et rassurant pour les patients.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Mme Laurence Cohen .  - Cet article vise à ratifier l'ordonnance de 2010. S'il peut apporter de la sécurité juridique, nous contestons la méthode qui consiste à approuver une ordonnance à l'article premier pour la modifier dans les articles suivants. À l'époque, les groupes de gauche s'étaient opposés à l'habilitation à légiférer par ordonnance... D'autant que cette ordonnance a été prise sans concertation après le travail mené par M. Ballereau.

Si nous approuvons la médicalisation de la profession, nous regrettons qu'elle s'inscrive dans la même logique que la loi HPST : favoriser les fusions et les regroupements, sous couvert de sécurité sanitaire, pour assurer la maîtrise des dépenses. Les fusions, c'est exactement le but recherché par les grands groupes qui mettent même en avant des économies d'échelle profitables à la sécurité sociale !

Approuver cette ordonnance, même modifiée par notre rapporteur, revient à entériner la logique comptable qui a présidé à la rédaction de la loi HPST et contre laquelle nous nous sommes toujours battus. Le groupe CRC s'abstiendra sur l'article.

M. René-Paul Savary .  - Mme la ministre a déclaré sa flamme aux laboratoires de proximité, il faudra maintenant donner des gages pour faciliter l'installation des jeunes. Nous espérons un consensus transpartisan ! En attendant la suite, le groupe UMP votera l'article.

L'article premier est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°26, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 6222-6 du code de la santé publique est ainsi modifié :

« Art. L. 6222-6.  -  Sur chacun des sites, un biologiste du laboratoire doit être en mesure de répondre aux besoins du site et, le cas échéant, d'intervenir dans des délais compatibles avec les impératifs de sécurité des patients. Pour assurer le respect de cette obligation, le laboratoire doit comporter un nombre de biologistes au moins égal au nombre de sites qu'il a créés. Le biologiste assumant la responsabilité du site doit être identifiable à tout moment. »

Mme Laurence Cohen.  - Pour éviter la financiarisation, la loi doit imposer la présence d'au moins un biologiste médical sur chacun des sites constituant le laboratoire. C'est bien le moins pour assurer la sécurité sanitaire. Nous avions présenté cet amendement lors de l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi Fourcade.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - Je partage l'objectif. Toutefois, la rédaction proposée est en retrait par rapport à la rédaction actuelle de l'article L.6222-6, qui prévoit la présence d'un biologiste sur chacun des sites aux heures d'ouverture et précise qu'il doit être en mesure d'intervenir à tout moment en dehors d'elles. Votre amendement est plus que satisfait : retrait, sinon rejet.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - A priori, j'étais favorable à votre amendement. Cela dit, le rapporteur a sans doute raison : votre amendement, s'il n'est pas en retrait, est redondant par rapport à la législation actuelle. Sagesse.

Mme Laurence Cohen.  - Nous demandons une intervention des biologistes non seulement aux heures d'ouverture au public, mais aussi au moment des examens, c'est quelque peu différent...

L'amendement n°26 est adopté et devient un article additionnel.

Article 2

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Notre groupe éprouve une certaine défiance à l'égard des ordres professionnels, en particulier dans le domaine de la santé. S'il n'est plus question de les supprimer comme en 1981 - rappelons qu'ils ont été créés par Vichy pour supplanter les syndicats - ces ordres, appelés à sanctionner leurs pairs en cas de conflit avec les patients ou de manquement aux règles déontologiques, ne font guère usage de ce pouvoir en cas d'honoraires dépassant de très loin « le tact et la mesure ». La justice interne demeure corporatiste... Sans revenir sur leur opposition à la création de la sécurité sociale en 1945, comment ne pas rappeler que celui des médecins s'était opposé à l'affichage, prévu par la loi HPST, des sanctions dans les cabinets ayant refusé des soins aux bénéficiaires de la CMU et de l'AME ? J'ajoute qu'ils ne représentent pas les salariés ni les libéraux-salariés qui exercent dans les laboratoires et risquent d'être de plus en plus nombreux à mesure que la financiarisation progressera. Seuls les syndicats sont légitimes. D'où notre proposition de loi visant à rendre facultative l'adhésion aux ordres des kinésithérapeutes et des infirmiers. Nous nous abstiendrons sur cet article.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Alain Milon.  - Il s'agit de maintenir l'article L.6221-12 du code de la santé publique dans sa rédaction actuelle, qui dispose que toutes les structures qui réalisent des examens d'anatomie et de cytologie pathologiques sont soumises à l'obligation d'accréditation. L'accréditation doit être obligatoire pour tous les types de structures.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - La proposition de loi reprend la position constante du Sénat : la biologie médicale, l'anatomie et la cytologie pathologiques relèvent de spécialités différentes. Rejet. Rien n'empêche les structures spécialisées dans les secondes de s'engager dans une démarche volontaire d'accréditation. La place de ces spécialités devra être précisée par un texte spécifique.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Il s'agit bien de disciplines différentes. Un rapport a été établi à la demande du Conseil national des pathologistes en 2012, qui confirme que la discipline ne peut être considérée comme une partie de la biologie médicale et qu'il convient de lui réserver une organisation et des règles propres. Avec regret, avis défavorable.

Mme Catherine Génisson.  - Je ne peux que souscrire à l'argumentation du rapporteur et de la ministre. Pour autant, pourquoi imposer l'accréditation à une spécialité, et non à l'autre ?

M. René-Paul Savary.  - Je soutiens l'amendement n°10. Si les laboratoires d'anatomopathologie ne sont pas accrédités, comment accréditera-t-on un laboratoire de biologie de proximité qui passera une convention avec un laboratoire d'anatomopathologie ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je vous entends. Reste que l'on ne peut pas, dans ce texte qui traite de la biologie médicale, étendre des règles à une autre spécialité. Une démarche est engagée pour déterminer les règles de contrôle sur les actes d'anatomopathologie, je vous en donne l'assurance.

Mme Catherine Génisson.  - Merci de ces précisions. Dès lors que la démarche d'accréditation vaut pour l'anatomopathologie, nous suivrons l'avis du rapporteur et de la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je n'ai pas dit que la démarche d'accréditation valait pour l'anatomopathologie, mais qu'une démarche était engagée par l'administration pour trouver une solution pour ce qui la concerne.

M. Gilbert Barbier.  - Levons toute ambiguïté : il n'y a pas actuellement de démarche obligatoire d'accréditation pour les laboratoires d'anatomopathologie, mais une autorisation. Je ne voterai pas l'amendement n°10, car il ne concerne pas la biologie médicale.

M. Alain Milon.  - Vu les explications des uns et des autres, je retire l'amendement.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Merci.

L'amendement n°10 est retiré.

L'article 3 est adopté.

Article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

M. René-Paul Savary.  - Une réglementation spécifique aux établissements de transfusion sanguine est prévue aux articles L.1223-1 et suivants du code de la santé publique pour leur activité principale, la qualification du don et pour leurs activités d'immuno-hématologie. Il ne parait pas utile d'y introduire des éléments dérogatoires à l'exercice de la biologie médicale.

Le code prévoit déjà que les établissements de transfusion sanguine sont admis à exploiter, dans le cadre d'un laboratoire, une activité de biologie médicale, sous réserve que celle-ci demeure accessoire.

Les examens exécutés dans le cadre du laboratoire de l'établissement de transfusion sanguine respectent pleinement les dispositions qui s'imposent aux laboratoires de biologie médicale. Aucune considération de santé publique ni « spécificité » d'une telle activité ne justifie qu'un laboratoire de biologie médicale, même exploité par un établissement de transfusion sanguine, ne soit pas soumis aux dispositions de l'article L. 6222-5. Une telle dérogation irait contre l'objectif de « garantir une biologie médicale de proximité et de qualité ».

En outre, toute dérogation accordée aux établissements de transfusion sanguine représenterait une atteinte au principe communautaire de libre concurrence.

Mme la présidente.  - Amendement n°57, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

qualification biologique du don

par les mots :

biologie médicale

Mme Marisol Touraine, ministre.  - La règle de territorialité impose que les sites d'un laboratoire de biologie médicale soient localisés dans le périmètre maximal de trois territoires de santé limitrophes. L'Établissement français du sang, qui ne peut être considéré comme un laboratoire de biologie de droit commun, peine à la respecter par sa position d'acteur unique de la transfusion. Dans les régions les plus peuplées, une telle interdiction menacerait bien des sites. En Île-de-France, il y en a 27, répartis sur plus de trois territoires de santé limitrophes. D'où cet amendement.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - Ces amendements illustrent l'alternative devant laquelle nous sommes placés concernant l'Établissement français du sang. Le Gouvernement propose d'étendre les dérogations dont il bénéficie ; l'amendement n°11 les limite aux seules activités de qualification du don. Si je comprends que le Gouvernement veuille éviter de désorganiser l'Établissement, ces dérogations pourraient porter atteinte au principe de libre concurrence.

Après en avoir longuement discuté, la commission a émis un avis de sagesse sur les deux amendements.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Le Gouvernement préfère évidemment son propre amendement à celui de M. Milon. (Sourires)

L'activité de l'EFS ne se limite pas à la qualification biologique du don sanguin, loin s'en faut. Opérateur unique de la transfusion sanguine, il n'est pas sur le même pied que les autres laboratoires. La question n'est pas celle de la libre concurrence mais la garantie des activités de l'Établissement, en proie à des difficultés d'organisation. Certaines analyses de biologie médicale concernant le sang sont réalisées dans les établissements de santé, l'EFS n'en a pas le monopole.

En maintenant la dérogation territoriale, nous garantissons les actes réalisés sur les sites de l'EFS sans empêcher qu'ils le soient ailleurs. Nous sommes face à des enjeux de sécurité sanitaire majeurs. Ne fragilisons pas l'Établissement français du sang !

Mme Catherine Génisson.  - Ce qui doit primer, c'est la sécurité des examens pratiqués. Peu d'établissements de santé ne disposent pas d'un laboratoire d'hématologie. Ne créons pas de situation de concurrence. Ce n'est pas en accordant cette dérogation que l'on donnera une bouffée d'oxygène à l'Établissement français du sang. J'ai trop souvent vu des examens redondants, réalisés à la foi par lui et par l'hôpital. Où est l'intérêt supérieur du patient ?

M. René-Paul Savary.  - Mon amendement ne visait pas à déstabiliser l'Établissement français du sang. La redondance des examens est un problème, les praticiens le savent bien. Derrière, il y a l'économie de la santé. On exclut l'anatomopathologie de la proposition de loi et pas les centres de transfusion ? C'est faire deux poids, deux mesures.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Non, nous ne faisons pas deux poids, deux mesures. L'Établissement français du sang pratique bien une activité de biologie médicale. Certains de ses sites réalisent l'ensemble des actes sur le sang du donneur. C'est le cas à Pontoise.

M. Gilbert Barbier.  - Pas pour le receveur.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - L'établissement hospitalier, lui a, en quelque sorte, délégué cette activité. Sans dérogation à la règle territoriale, le site de Pontoise ne pourrait être maintenu. Il est vrai que le problème se pose surtout pour l'Île-de-France.

Nous avons lancé une mission sur l'ensemble de la filière sang ; ce sera l'occasion de nous interroger sur l'articulation entre les différentes structures.

M. Gilbert Barbier.  - Il faut voir la réalité des choses : dans la plupart des sites, l'EFS et les grands CHU sont en concurrence. Cette guéguerre ne date pas d'hier. La redondance d'examens a un coût. Dans ma région de Franche-Comté, l'EFS a une activité de biologie médicale du sang limitée à 15 %.

L'amendement n°11 répond à un problème qui se pose sur l'ensemble du territoire.

Mme Catherine Génisson.  - Selon l'alinéa 3 de l'article 4, chaque établissement de transfusion sanguine dispose de cette dérogation territoriale. Je suivrai le Gouvernement parce que le texte va évoluer. Il faudra revenir sur cette question.

Mme Catherine Procaccia.  - La CMP sert à cela.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'amendement n°57 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Pinton et Lorrain et Mmes Procaccia et Bouchart.

I. - Alinéa 5

1° Remplacer les mots :

la totalité ou une partie de la phase pré-analytique d'un examen de biologie médicale ne peut être réalisée

par les mots :

le prélèvement d'un échantillon biologique ne peut être réalisé

2° Remplacer le mot :

elle

par le mot :

il

II. - Alinéa 6

Remplacer les mots :

cette phase

par les mots :

ce prélèvement

M. Alain Milon.  - L'alinéa 1 de l'article L.6211-13 autorise la réalisation hors du laboratoire de toute la phase pré-analytique d'un examen. C'est contraire aux exigences de la santé publique, dont le seul objet est de contribuer à la qualité de l'examen de biologie médicale.

Puisque l'on veut médicaliser la biologie médicale, je propose de restreindre le champ de l'examen de biologie médicale réalisable en dehors du laboratoire au seul prélèvement des échantillons biologiques.

Mme la présidente.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par MM. Barbier, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 5

1° Remplacer les mots :

la totalité ou une partie de la phase préanalytique d'un examen de biologie médicale ne peut être réalisée

par les mots :

le prélèvement d'un échantillon biologique, sa conservation, son transport ne peuvent être réalisés

2° Remplacer les mots :

elle peut

par les mots :

ils peuvent

3° Après les mots :

un établissement de santé

insérer les mots :

dans une pharmacie d'officine,

M. Gilbert Barbier.  - Les pharmacies d'officine pouvaient recueillir les prélèvements, ce qui était précieux notamment en milieu rural. L'ordonnance de 2010 a supprimé cette possibilité. Mme Bachelot avait été alertée des difficultés que cette suppression créait mais le problème n'a pas été résolu. En pratique, certains pharmaciens ruraux continuent à recueillir, conserver et transmettre ou recevoir en dépôt des prélèvements ; cela les met dans une situation juridique incertaine et dangereuse. Est-il envisagé de revenir sur cette disposition dans le décret ?

Le deuxième point de mon amendement concerne la phase pré-analytique : il convient d'encadrer la conservation et l'éventuel transport des prélèvements. Le texte proposé place cette phase sous la responsabilité du professionnel de santé, l'ôtant au biologiste. Quel est le rôle de chacun des intervenants en cas de difficulté ?

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.

Alinéa 5

1° Remplacer les mots :

la totalité ou une partie de la phase pré-analytique d'un examen de biologie médicale ne peut être réalisée

par les mots :

le prélèvement d'un échantillon biologique ne peut être réalisé

2° Remplacer le mot :

elle

par le mot :

il

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Mêmes arguments. Quid de la responsabilité du laboratoire d'analyses médicales ? Si la phase pré-analytique n'est pas bien réalisée, qui sera responsable ?

Mme la présidente.  - Amendement identique n°27, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Mme Laurence Cohen.  - Même chose. Si nous ne sommes pas opposés à ce que d'autres professionnels de santé soient autorisés à réaliser des prélèvements sanguins - notamment les infirmiers - nous ne souhaitons pas que ces derniers soient habilités à réaliser l'intégralité de la phase pré-analytique. Il serait étrange que la responsabilité juridique et financière d'un biologiste soit engagée, sans que la réalisation de la phase pré-analytique ni le transport ne lui soient effectivement confiés.

Cette question a déjà été débattue à l'Assemblée nationale ; Mme Lemorton avait pris un exemple éclairant : lorsqu'un échantillon urinaire devra être transporté sur 60 km, qui sera responsable, si les choses ne se passent pas bien ? Les infirmiers ruraux sont inquiets et refuseront cette tâche, vu l'actuel barème kilométrique...

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - La rédaction de l'article 4 n'impose en rien que la phase pré-analytique se déroule hors du laboratoire de biologie médicale, elle en ouvre seulement la possibilité, par pragmatisme. Le biologiste pourra toujours se déplacer pour réaliser les actes. Difficile de dissocier les composantes de la phase pré-analytique : un biologiste qui ne se déplace pas pour le prélèvement ne se déplacera pas pour le recueillir !

Une telle dissociation des étapes vide l'article de son objet. Il est, en outre, dangereux de dissocier les responsabilités qui s'attachent aux différentes étapes.

Les procédures sont fixées par une convention entre les cabinets d'infirmiers et les laboratoires de biologie médicale. Le principe est que celui qui effectue un acte en assume la responsabilité. Il s'agit aussi de répondre à la demande des professionnels de santé qui ne souhaitent pas être placés sous la tutelle des biologistes. Donner à toutes les pharmacies d'officine la possibilité de pratiquer des prélèvements, comme le propose l'amendement n°37 rectifié, fragiliserait la sécurité sanitaire. En revanche, notre texte n'interdit pas au pouvoir réglementaire d'autoriser les pharmacies qui sont équipées pour réaliser la phase pré-analytique.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Même avis défavorable aux quatre amendements. Ne dissocions pas les différentes étapes de la phase pré-analytique. La garantie de sécurité doit valoir pour l'ensemble de la chaîne, du prélèvement à la phase post-analytique. Ne faisons pas peser la responsabilité sur un seul des acteurs. Des conventions existent entre les laboratoires et ceux qui prélèvent ou transportent ; elles pourront être dénoncées si toutes les garanties ne sont pas apportées. Le pharmacien d'officine pourra être au nombre des professionnels autorisés, monsieur Barbier ; les procédures seront alors réglées par une convention avec le laboratoire.

M. Gilbert Barbier.  - Je comprends mal le raisonnement de Mme la ministre. Le texte sort de la responsabilité du biologiste la totalité de la phase pré-analytique. Cela pose un véritable problème. Nous entendons, pour notre part, restreindre la part de cette phase qui échappe à sa responsabilité.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - On ne peut pas dissocier phase pré-analytique et phase analytique, dit Mme la ministre. Mais c'est ce que fait le texte !  Cela peut conduire à des erreurs très graves. Il faut une autre rédaction, sans rien enlever à la responsabilité de l'opérateur.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Il s'agit d'un acte qui peut emporter des conséquences graves, en effet. Comment admettre qu'un biologiste soit garant pour tout cet ensemble d'actes, dites-vous. Mais comment imaginer qu'il ne rompe pas une convention s'il estime que la sécurité du processus est en cause ? L'enjeu est de sécuriser les opérateurs qui interviennent, dans les maisons de retraite ou à domicile, en affirmant une responsabilité globale de la qualité des actes.

M. Gilbert Barbier.  - La rédaction en vigueur de l'article L.6211-13 prévoit que la phase pré-analytique peut être réalisée par un professionnel de santé, « sous la responsabilité d'un biologiste médical ». Pourquoi ne pas être plus précis, et en rester à cette rédaction ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Il y a une vraie ambiguïté dans le texte de la proposition de loi. Attention !

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - Je résume : c'est celui qui réalise l'acte qui est responsable.

M. Gilbert Barbier.  - Mais non, pas dans le texte !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Non ! Or les conséquences d'une erreur peuvent être très graves.

Mme Laurence Cohen.  - Quelle que soit notre sensibilité politique, nous dénonçons tous l'ambiguïté de cette rédaction. Preuve qu'il faut revoir cette rédaction.

Mme la présidente.  - Le plus sage me paraît être de suspendre la séance.

La séance, suspendue à 18 h 50, reprend à 19 heures.

L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°37 rectifié et l'amendement n°3, identique à l'amendement n°27.

Mme la présidente.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

dans des lieux en permettant la réalisation

par les mots :

dans les lieux figurant sur une liste établie par le ministre chargé de la santé, selon des caractéristiques déterminées par lui

Mme Laurence Cohen.  - Avec cet amendement, nous continuons d'encadrer la phase pré-analytique : les conditions techniques et de confidentialité ne suffisent pas à garantir la sécurité sanitaire. Un décret est indispensable.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - Cet amendement n'apportera pas plus de garanties avec le décret en Conseil d'État, d'autant que l'alinéa suivant prévoit un arrêté du ministre de la santé. Retrait, sinon rejet.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Défavorable : l'amendement ne renforce pas la sécurité sanitaire.

Mme Laurence Cohen.  - Nous avions rectifié notre amendement à la suite du débat en commission pour supprimer l'intervention du Conseil d'État.

L'amendement n°28 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les conditions pour lesquelles la phase pré-analytique d'un examen de biologie médicale ne peut être réalisée dans un laboratoire de biologie médicale ou dans un établissement de santé sont définies par décret. »

Mme Laurence Cohen.  - En autorisant les laboratoires multisites, l'ordonnance du 13 janvier 2010, va entériner des concentrations. Les grands groupes l'ont bien compris. Cet amendement, déposé par le groupe socialiste sur la proposition de loi Fourcade, laisse à l'autorité réglementaire le soin de fixer les cas où la phase pré-analytique peut être réalisée en dehors d'un laboratoire.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - La proposition de loi offre un encadrement satisfaisant : rejet.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Cet amendement n'a pas de portée pratique ; l'enjeu est de garantir la sécurité des prélèvements, l'article 4 s'y attache. La multiplication des lieux de prélèvement profiterait aux grands laboratoires ? Cela paraît peu probable en raison des frais d'installation et de fonctionnement.

L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 5

Mme Laurence Cohen .  - La biologie médicale et les acteurs de santé participent pleinement à l'excellence de notre secteur de la santé. Le biologiste ne doit pas être considéré comme un expert technique, mais comme un conseiller médical - non pour influencer le traitement mais pour proposer, par exemple, des examens complémentaires.

Il ne faudrait pas, pour autant, avec la médicalisation, laisser libre cours aux ristournes. Nous approuvons donc l'article : la biologie médicale est un acte médical, non une prestation de service. Sinon, ce secteur devrait se voir appliquer les règles de la concurrence européenne.

La suppression des ristournes ne règle pas la question. Il fallait mettre fin à cette concurrence par le prix, qui ne bénéficie qu'aux laboratoires privés. Les biologistes devront accorder plus de temps à l'interprétation, sans rémunération supplémentaire. Nous resterons vigilants.

L'article 5 est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié sexies, présenté par MM. Mayet, Pinton, Chauveau, Cointat, Gournac, Leleux, Milon, Revet, du Luart et B. Fournier, Mmes Sittler et Cayeux, MM. Portelli, Magras et Pillet, Mme Giudicelli, M. Beaumont, Mlle Joissains et M. Vial.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 6211-21 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... -  À titre dérogatoire, l'article L. 6211-21 n'est pas applicable aux établissements de santé publics situés dans un département ne disposant pas d'un laboratoire public de biologie médicale.

« Cette dérogation est accordée sur proposition de l'agence régionale de santé. Cette dernière prend en compte des critères d'éloignement de l'établissement par rapport à d'autres établissements de santé publics équipés d'un laboratoire de biologie médicale, ainsi que la convention le liant à un laboratoire privé.

« Les critères d'éloignement visés à l'alinéa précédent combinent des données objectives de distance et de temps de parcours appréciées par l'agence régionale de santé. »

M. Alain Milon.  - Certains départements ne possèdent pas de laboratoires publics de biologie médicale et leurs établissements de santé publics sont trop éloignés d'autres établissements équipés d'un laboratoire. Les établissements publics de santé y traitent, conformément à la réglementation, avec des laboratoires privés, qui consentent alors des remises. Cet amendement maintient cette possibilité dans ce cas, afin de conjuguer l'efficacité médicale et la nécessité budgétaire.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°8, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - J'ajoute que, dans ce cas précis, les ristournes peuvent procéder d'un appel d'offre.

Mme la présidente.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par MM. Barbier, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 6211-21 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - À titre dérogatoire, les dispositions de l'article L. 6211-21 ne sont pas applicables à un établissement de santé public ne disposant pas d'un laboratoire public de biologie médicale dans un rayon de 50 km. »

M. Gilbert Barbier.  - Cet amendement a été inspiré par les élus ruraux. Les ristournes s'imposent dans certains départements. Je propose une distance raisonnable : un rayon de 50 kilomètres dans lequel les établissements publics de santé ne disposent pas de laboratoire public.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - Nous sommes, par principe, contre les ristournes, même encadrées comme le propose M. Barbier, pour éviter toute concurrence par les prix. Défavorable à tous les amendements.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - J'entends votre préoccupation pour les territoires isolés : vous ne voulez pas créer de déserts de biologie médicale, qui s'ajouteraient aux déserts médicaux. La réponse doit-elle être financière ? Je ne le crois pas : il faut passer par des conventions pour renforcer les laboratoires de proximité en lien avec les hôpitaux. L'ARS a un rôle à jouer dans la structuration de l'offre. N'acceptons pas le dumping, même pour ces territoires. Avis plutôt défavorable aux trois amendements.

Mme Catherine Génisson.  - L'intervention de Mme la ministre est très convaincante. Peut-être faudrait-il inscrire dans la loi, noir sur blanc, le rôle des ARS dans la structuration de l'offre.

M. René-Paul Savary.  - Dans mon département, nous avons créé des groupements hospitaliers interdépartementaux. Faute de taille critique pour avoir un laboratoire dans la Marne, nous avons passé une convention avec Troyes. Le coût de transport journalier sera difficile à supporter pour des hôpitaux déjà soumis à la T2A, d'autant que les cas d'urgence entraînent des frais supplémentaires. Une ristourne fonctionnelle s'impose donc. Ces établissements ne doivent pas faire l'objet d'une double peine !

M. Gilbert Barbier.  - La convention évoquée par Mme la ministre comportera-t-elle une clause financière ? Le transport a un coût, il pèsera sur les établissements de santé sans un tel volet financier.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Ne privons pas les hôpitaux publics d'une ressource, vu la répétition de l'acte.

M. Claude Dilain.  - Il est dangereux de faire intervenir l'enjeu financier en matière de santé. Un tel précédent aurait des conséquences extrêmement graves.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - L'amendement de M. Le Menn à l'article 7 bis, que nous avons adopté hier matin en commission, apporte une première réponse à votre préoccupation. N'introduisons pas de concurrence par les prix. L'Assemblée nationale pourra toujours compléter le dispositif pour les territoires isolés.

L'amendement n°2 rectifié sexies, identique à l'amendement n°8, n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°39 rectifié.

Article 6

M. Jacky Le Menn, rapporteur .  - Cet article est équilibré car il est le fruit d'une longue négociation entre les biologistes hospitaliers et les doyens des facultés de médecine. Il rend possible le recrutement des seuls médecins et des pharmaciens non titulaires du DES de biologie médicale dans une procédure très encadrée. Si les arguments avancés par certains chercheurs pour autoriser le recrutement de vétérinaires et de scientifiques sont à prendre en compte, nous avons voulu écarter tous ceux qui n'ont pas reçu une formation de base en médecine ou en pharmacie, pour affirmer la volonté de médicalisation de la profession de biologie médicale. L'enseignement des sur-spécialités doit être confié à des spécialistes.

Je souhaite que cet article 6 soit le moins altéré possible.

M. Gilbert Barbier.  - C'est l'amendement de la conférence des Doyens !

Mme Laurence Cohen .  - Je me réjouis de cet article 6 qui encadre plus strictement le recours à des non-spécialistes de biologie médicale dans les CHU. Nous prenons acte du consensus dont il fait l'objet, y compris de la part des syndicats. Cela dit, le groupe CRC est attaché au diplôme qui sanctionne un enseignement. Les jeunes biologistes s'interrogeront sur la valeur de leur diplôme s'il ne garantit pas leur recrutement prioritaire. Nous avons déposé un amendement de précision pour encadrer encore plus les choses, nous espérons qu'il sera retenu.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UDI-UC.

Supprimer cet article.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Nous supprimons cet article qui crée une dérogation nouvelle pour des professionnels médecins ou pharmaciens non qualifiés en biologie médicale d'exercer les fonctions de biologiste médical en CHU. Cette dérogation ne se justifie pas au vu de l'ordonnance de 2010 qui ouvre déjà une troisième voie pour les non-titulaires.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°14, présenté par MM. Milon, Gilles et Savary, Mmes Deroche et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, MM. Dériot et Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton et Mmes Procaccia et Bouchart.

M. Alain Milon.  - L'ordonnance du 13 janvier 2010 n'a pas réservé l'exercice de la biologie médicale aux seuls détenteurs du DES de biologie médicale. Elle prévoit une dérogation pour les médecins et pharmaciens non titulaires du DES de biologie médicale, après obtention de la qualification en biologie médicale par les ordres respectifs.

De plus, les personnels enseignants et hospitaliers des CHU peuvent continuer à réaliser des activités d'enseignement et de recherche fondamentale et appliquée de haut niveau après nomination par le Conseil national des universités sans induire une rupture d'égalité de la prise en charge des patients.

L'ordonnance ouvre également une troisième voie pour l'exercice de la biologie médicale dans un domaine de spécialisation pour les biologistes non titulaires du DES biologie médicale. Il n'y a donc aucune raison de créer une voie nouvelle.

Créer une nouvelle dérogation dévalorisera la formation de biologiste médical. Le Sénat a rejeté à de nombreuses reprises cette disposition.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°40 rectifié, présenté par MM. Barbier, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Gilbert Barbier.  - Le Sénat a effectivement rejeté à plusieurs reprises cette disposition. Dans le triptyque enseignement, recherche et soins, qui fonde les CHU, on oublie de plus en plus les soins...

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - Le texte est équilibré et la procédure bien encadrée, avis défavorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - La dérogation prévue à l'article 6 est strictement encadrée. Il ne s'agit nullement d'ouvrir les vannes pour l'exercice de la biologie médicale dans les CHU.

Recherche, soins et enseignement vont de pair, monsieur Barbier. Les garanties sont fortes : on pose une exigence d'exercice dans un laboratoire pendant trois ans, une commission donne son avis, il n'y a pas d'automaticité. Le texte n'a pas ouvert ces postes aux scientifiques qui ne sont ni médecin ni pharmacien, ce que certains demandaient. Enfin, je rappelle que ces spécialistes participeront à la permanence des soins dans nos territoires, et seront soumis à des astreintes. C'est un effet positif de cet article.

Mme Catherine Génisson.  - Je souscris à l'argument du rapporteur et à celui de Mme la ministre.

Il faudrait préciser, pour éviter toute concurrence déloyale avec les non-titulaires du DES, que les étudiants continueront d'être accueillis dans les laboratoires des CHU.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - Je demande une suspension de séance de quelques minutes.

La séance, suspendue à 19 h 45, repend à 19 h 50.

À la demande du groupe UMP, les amendements identiques n°s6, 14 et 40 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 186
Contre 156

Le Sénat a adopté.

L'article 6 est donc supprimé.

Les amendements n°s1 rectifié ter et 30 deviennent sans objet.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°50 rectifié, présenté par M. Patriat et Mmes Klès et Bourzai.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un vétérinaire peut suivre une formation en spécialisation de biologie médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, mais ne peut s'en prévaloir pour exercer les fonctions de biologiste médical.

Mme Virginie Klès.  - Cet amendement autorise les vétérinaires, non à exercer la biologie médicale, mais à suivre la formation en biologie médicale. Pourquoi ? Parce que virus, parasites, microbes et autres bestioles ne se soucient pas des corps auxquels ils s'attaquent. Médecine animale et humaine sont intrinsèquement liées. Médecins et vétérinaires doivent parler le même langage et continuer à collaborer, par exemple, dans la lutte contre le bioterrorisme.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - Cet amendement poserait des problèmes pratiques d'organisation. Remettons-nous-en à l'avis du Gouvernement. (Sourires)

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Le débat sur l'antibiothérapie vous donne raison : virus et microbes s'attaquent aussi bien aux hommes qu'aux animaux. Cela dit, ouvrir aux étudiants vétérinaires l'accès au statut d'internes, sans qu'ils aient suivi le deuxième cycle de médecine, introduirait une rupture dans l'égalité entre étudiants vétérinaires et médecins sans garantir que les premiers aient toutes les qualifications nécessaires. Se poseraient également des problèmes de financement, d'encadrement, d'accès aux stages... Ce serait un bouleversement !

Mme Virginie Klès.  - Je ne le crois pas : seule une dizaine d'étudiants sont concernés et les problèmes que vous soulevez peuvent être réglés par décret. L'Institut Pasteur, de renommée mondiale, offre déjà des formations ouvertes à la fois aux vétérinaires, aux pharmaciens et aux médecins.

L'amendement n°50 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Je vais lever la séance comme je l'ai fait hier à l'issue de la séance réservée au groupe RDSE. La Conférence des présidents a inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour pour une durée de quatre heures. Son examen se poursuivra comme prévu le mardi 5 février.

Prochaine séance mardi 5 février 2013, à 9 h 30.

La séance est levée à 20 heures.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 5 février 2013

Séance publique

À 9 HEURES 30

Questions orales

À 14 HEURES 30

2.Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et l'Institut international des ressources phytogénétiques (Ipgri) relatif à l'établissement d'un bureau de l'Ipgri en France et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (texte de la commission n° 301, 2012-2013)

3.Projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 187 de l'Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (texte de la commission n° 305, 2012-2013)

4.Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais et aux prestations associées (texte de la commission n° 309, 2012-2013)

5.Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X (texte de la commission n° 303, 2012-2013)

6.Projet de loi autorisant l'approbation de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe (texte de la commission n° 307, 2012-2013)

7.Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française, le gouvernement du Royaume de Belgique, le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg concernant la mise en place et l'exploitation d'un centre commun de coopération policière et douanière dans la zone frontalière commune (texte de la commission n° 312, 2012-2013)

8.Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières (texte de la commission n° 311, 2012-2013)

9.Suite éventuelle de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale

10.Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création du contrat de génération (n° 289, 2012-2013)

Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 317, 2012-2013)

Texte de la commission (n318, 2012-2013)

DE 18 HEURES 30 À 19 HEURES 30

11.Débat, sous forme de questions-réponses, préalable à la réunion du Conseil européen des 7 et 8 février 2013

À 21 HEURES 30

12.Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création du contrat de génération