Débat sur la réforme de la politique de la ville
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la réforme de la politique de la ville.
M. Claude Dilain, pour le groupe socialiste . - Je veux parler du présent et de l'avenir de la ville, non sans la mettre en perspective avec les 30 ans passés : il faut examiner ce que l'on peut faire et ce que l'on ne peut plus faire. La politique de la ville est née au début des années 80, quand les architectes et les urbanistes ont senti que des quartiers dérivaient vers la paupérisation et l'exclusion. Deux axes fondateurs ont marqué la politique de la ville. Le rapport Bonnemaison, maire d'Épinay-sur-Seine -déjà !- et Dubedout, maire de Grenoble -déjà !- a marqué ; de même que Banlieues 89, avec Roland Castro et Michel Cantal-Dupart. L'alerte fut alors donnée. Une délégation ministérielle à la ville fut créée, magistralement pilotée par Yve Dauge, puis un ministère de la ville, confié à notre collègue Michel Delebarre.
Le programme « Habitat et vie sociale » -j'insiste sur le « et »- créé à l'initiative de Jacques Barrot, a été suivi par le « développement social des quartiers » avant la création de la première zone d'éducation prioritaire, en 1981 par Alain Savary.
La politique de la ville était donc intergouvernementale et centrée sur les quartiers. Pas d'opposition, alors, entre l'urbain et l'humain : on considérait que l'un et l'autre devaient aller de conserve.
Que se passa-t-il ensuite ? Les émeutes de Vaulx-en-Velin, Mantes-la-Jolie, Villiers-le-Bel et Grenoble ont marqué. Chaque fois, il y eut une réaction, mais tout se passait comme s'il fallait attendre l'émeute pour agir. On a créé de multiples outils, au risque de l'empilement d'une forêt de sigles : ZUS, GTP, GRU, etc.
Cela dit, chaque outil était novateur en ce qu'il introduisait du contractuel dans les politiques publiques. La politique de la ville a été beaucoup évaluée.
M. Jean-Pierre Plancade. - Eh oui !
M. Claude Dilain. - On sait ce que sont devenus les milliards. Le rapport Sueur de 1998 intitulé Demain la ville fut, de ce point de vue, marquant. Mais dix-neuf ministres se sont succédé en 22 ans, ce qui traduit une certaine discontinuité de l'action publique et une oscillation entre l'urbain et l'humain, chaque ministre prônant alternativement l'un ou l'autre, alors qu'un enfant de CM2 dirait justement qu'il faut faire les deux.
La création de la dotation de solidarité urbaine (DSU) fut un point fort. La DSU, due à l'initiative du gouvernement Rocard, puis modifiée par Claude Bartolone et Jean-Louis Borloo, vient compenser la pauvreté structurelle de certaines villes. La dotation de développement urbain (DDU), créée un peu plus tard, permet à des villes en rénovation urbaine de se financer.
Quel bilan ? On ne peut dire ce que seraient les quartiers sans la politique de la ville. Comme ancien maire, je puis dire que sans la DSU, des villes seraient réellement en faillite. Cela étant, le bilan n'est pas totalement satisfaisant, comme le soulignait le rapport récent de la Cour des comptes ou celui de l'Onzus.
Les inégalités se maintiennent dans tous les domaines : santé, chômage, insécurité, etc. Il est vrai que certains habitants ont pu quitter ces quartiers qui relèvent de la politique de la ville, ce qui doit signifier qu'ils vont mieux, mais on ne peut se satisfaire que certains territoires se spécialisent dans l'accueil de la pauvreté.
Le saupoudrage, l'enchevêtrement des plans ont nui à la lisibilité de l'action, et l'ont diluée, alors qu'il faudrait la concentrer.
La contractualisation, quant à elle, ne vaut que si l'un des partenaires ne se retire pas.... Or, tel ne fut pas toujours le cas : cette discontinuité de l'action publique n'est pas bonne. Si les dispositifs sont souvent pertinents, ils ne le sont pas sur tous les territoires, car les situations sont très disparates, et les handicaps ne sont pas les mêmes partout.
La politique de la ville a souvent confondu causes et conséquences, traitant souvent celles-ci sans s'attaquer à celles-là. Il ne suffit pas de repeindre les cages d'escalier, comme l'on a souvent dit. Et peu à peu, la politique de la ville s'est substituée aux politiques de droit commun, alors qu'elle devait leur servir de levier -voir le rapport Dubedout-Bonnemaison.
Un exemple : certaines villes souffrent d'un échec scolaire massif. Or, c'est le ministère de l'éducation nationale qui doit, au premier chef, être interpellé, pas celui de la ville.
Il faut s'attaquer aux causes. Le livre limpide d'Éric Maurin sur le ghetto français montre qu'il faut des ghettos de riches pour que se constituent des ghettos de pauvres.
Mme Esther Benbassa. - Eh oui !
M. Claude Dilain, pour le groupe socialiste. - Si l'on n'y remédie pas, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Deux mots sur le budget de la ville, que je n'ai pu présenter ici. Entre 2007 et 2012, les crédits du programme 147 ont baissé de plus de moitié (55 %). Cette année, la situation se stabilise, en dépit d'un contexte budgétaire difficile. La baisse de 20 millions est compensée par le versement de la même somme en provenance du Fonds de prévention de la délinquance, ce que je trouve satisfaisant au plan des principes parce que la prévention de la délinquance relève à mes yeux de la politique de la ville et non du ministère de l'intérieur.
J'approuve les emplois francs. Le bilan des zones franches est satisfaisant, sauf pour l'emploi. Les expérimentations de Marseille, Grenoble et Clichy-sous-Bois devraient relancer les choses.
La DSU augmente, à 120 millions d'euros, et la DDU, à 165 millions d'euros. C'est positif.
Vous dites vouloir réformer en profondeur la politique de la ville, monsieur le ministre : ce débat vous donnera l'occasion de nous en dire plus. (Applaudissements à gauche)
M. Christian Favier . - Si la politique de la ville comprend l'ensemble des actions de l'État visant à lutter contre l'exclusion, n'oublions pas que la dégradation des conditions de vie est le fait d'une politique qui a accru le chômage, réduit le pouvoir d'achat et qui est allée jusqu'à dresser les populations les unes contre les autres.
C'est cette politique qu'il faut changer pour agir réellement contre l'exclusion. Les actions ciblées ne seront efficaces qu'associées à des politiques de droit commun, faute de quoi, on ne fera que s'acharner à vider la mer à la petite cuillère.
Depuis 35 ans, les actions prioritaires se succèdent, s'arrêtant souvent au stade de l'expérimentation. Mais elles se sont toujours heurtées au mur de l'exclusion sociale, ferment d'émeutes, dont le risque ne peut être écarté aujourd'hui. Rénovation, sécurité, prévention, emploi forment les quatre axes de ces politiques restées hélas souvent instables. Nous soutenons donc la volonté du Gouvernement de mettre les choses à plat.
Il faut préciser les critères pour modifier la géographie : outre le logement, les transports, équipements publics, indicateurs de fragilité, de précarité et de niveau de formation doivent être pris en compte. Le niveau communal semble l'échelon le plus pertinent, au plus près des besoins. Dans le Val-de-Marne, il y a seize contrats urbains de cohésion sociale (Cucs) dont quatre intercommunaux, concernant 79 quartiers représentant 80 % de la population et un quart du territoire du département. C'est dire combien les périmètres s'entrecroisent. Pour certaines communes, 80 % de la population est concernée. Une piste : regrouper les actions en une même démarche contractuelle. L'action sociale et l'éducation devront être prises en compte prioritairement. Voyez le problème de la suppression de la carte scolaire, qui pénalise considérablement nos quartiers. En matière de rénovation, je veux dire les espoirs des élus, qui souhaitent tous que les projets menés avec l'Anru aillent à leur terme. On a besoin de continuité. Dans mon département, onze quartiers sont concernés. Il faudrait soutenir les maires bâtisseurs, qui s'engagent au-delà du « un logement construit pour un logement démoli » parce qu'il faut construire davantage. Il faut aussi développer les équipements structurants, rétablir les services publics trop souvent fermés. Car, par-delà l'urbain, c'est l'humain qui doit compter. Or il y faudrait des moyens supplémentaires. Ce n'est pas la voie qui semble retenue, qui consiste à prendre dans certaines zones pour mettre davantage dans d'autres. Mais sachez que certaines communes, promises au régime sec, ne pourront faire face au désengagement de l'État. Les élus sont prêts à faire des propositions sérieuses et à s'investir à vos côtés en s'appuyant résolument sur les populations, qui doivent être associées. Les attentes sont fortes, ne les décevez pas. (Applaudissements à gauche)
Mme Valérie Létard . - Je ne ferai pas la liste des interventions de la politique de la ville, dont certaines furent résolument structurantes. Hélas, les résultats ne sont pas à la hauteur escomptée, comme le rappellent tant la Cour des comptes que l'Onzus. Les inégalités persistent, en dépit de l'action de l'Anru lancée par Jean-Louis Borloo. Sans doute faudrait-il se poser la question de l'espace d'intégration que représentent ces territoires.
La politique de la ville est transversale, complexe à mettre en oeuvre : elle mériterait d'être simplifiée. Vous vous y êtes attelé. Ce débat doit être un point d'étape. Géographie prioritaire, contractualisation et gouvernance constituent les trois axes de la réflexion.
Sur la géographie prioritaire, on va dans le bon sens. La vigilance préventive est essentielle, pour éviter la dégradation prévisible de certains quartiers. Une modulation de l'aide de l'État en fonction de la capacité contributive des communes est nécessaire...
M. Claude Dilain. - D'accord.
Mme Valérie Létard. - ...mais il faut être prudent, car il est toujours des cas particuliers. Cela pose la vaste question de la péréquation horizontale. Tant que l'on n'aura pas la carte des territoires cibles, il sera difficile de se prononcer sur les choix. Les indices devront être adaptés au contexte local, en sortant de la logique normative et cartésienne. Ainsi, dans le Nord-Pas-de-Calais, le critère sanitaire doit être pris en compte, faute de quoi, on passerait à côté des vrais enjeux. Les dix dernières agglomérations, au regard de ce critère, sur les 200 se trouvent dans notre région. Les critères ne sauraient être les mêmes dans le nord et en région Paca. Les indicateurs de mortalité ne doivent pas être oubliés. Attention aussi à la spécificité de l'habitat, horizontal ici, vertical là, qui doit compter dans la définition du périmètre. Il faut éviter les découpages trop larges.
Comment mesurer le décrochage d'un territoire ? Il faut prendre en compte son environnement et faire des comparaisons croisées.
L'Etat ne doit pas tout imposer. Sur la contractualisation et le partenariat, il semble que la concertation aille dans le sens de la logique. C'est un projet de territoire qui définira les logiques de priorisation. L'idée d'un contrat unique engageant tous les acteurs a un préalable : l'entrée territoriale ne doit pas être la seule façon de prioriser. Il faut prendre en compte la population. Et prévenir le risque d'une éviction des politiques de droit commun.
Je propose l'idée d'un contrat partenarial identifiant, pour chaque action, le porteur, les territoires et les publics cibles. Ce qui pose la question, complexe, de la gouvernance. Mais dès lors qu'il y a contractualisation, il faudra travailler en mode projet. Pour assurer la coordination et la solidarité financière, l'intercommunalité est l'échelon pertinent. Elle l'est aussi pour les transports. Pour la mise en oeuvre, c'est la commune, cellule de base, qui doit être privilégiée. Il faut des équipes techniques qualifiées, avec un soutien fort de l'ingénierie.
L'UDI, avec ses valeurs humanistes et centristes, a toujours considéré que la politique de la ville est essentielle pour construire la ville de demain. Sa complexité est aussi sa richesse. Elle doit allier l'accompagnement humain, le développement urbanistique et les services publics.
Surtout, gardons un regard attentif sur les territoires qui sont encore fragiles : ne les laissons pas de côté au nom d'un recentrage. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Jean-Pierre Plancade . - Merci Monsieur Dilain de votre initiative et de votre rappel historique. Je me souviens de l'enthousiasme qui nous soulevait au commencement et je veux souligner à quel point, sans des élus locaux volontaires, la politique de la ville se serait étiolée. Je suis en plein accord avec vous lorsque vous rappelez que l'humain et l'urbain doivent aller de concert.
Les inégalités demeurent, et nous en portons tous la responsabilité. Les chiffres sont parlants : une personne sur trois sous le seuil de pauvreté et un taux de chômage des jeunes deux fois plus élevé que la moyenne nationale, le renoncement aux soins devenu monnaie courante, avec 15 % de personnes sans couverture maladie complémentaire : ces écarts entament la cohésion nationale. Il est temps de redéfinir les contours de l'action publique. Certes, il y a eu des réussites, mais l'empilement des dispositifs a conduit au saupoudrage, au détriment des populations les plus fragiles. Il faut une volonté interministérielle affirmée ; rendre leurs lettres de noblesse aux associations dans la politique de la ville ; prendre en compte les zones rurales -d'où notre proposition de loi à venir sur l'égalité des territoires.
Nous avons le devoir impérieux de nous mobiliser. Dès le mois d'août, le Gouvernement a présenté sa feuille de route. Les emplois francs ? Oui car j'ai pu constater au Mirail, à Toulouse, que les entreprises se sont délocalisées avec leurs salariés dans la zone franche pour bénéficier des aides, mais sans y embaucher. Il faudra réformer la géographie des quartiers : nous nous réjouissons de la concertation engagée, mais attention à ne pas exclure brutalement certains quartiers. Il faudra aussi tenir compte de la capacité financière des communes.
Intégrer les politiques de la ville nous donnera une vision plus globale, et évitera les ghettos. La Cour des comptes a dénoncé bien des insuffisances, en matière de services publics, d'éducation.
Vous avez engagé l'action avec les emplois d'avenir, les emplois francs, les zones de sécurité prioritaires. La Banque publique d'investissement (BPI) compte aussi, car il est des opportunités de création d'entreprises dans les quartiers.
Je veux insister sur la nécessité de la péréquation, dont l'insuffisance est avérée. Quelles sont, monsieur le ministre, vos orientations en ce sens ?
L'insertion ne réussit qu'avec une détermination locale forte : sans une véritable implication des élus, les moyens financiers ne remédient à rien. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
Mme Esther Benbassa . - Le rapport de la Cour des comptes et des chambres régionales constate qu'en dépit des efforts publics, le handicap des quartiers persistent. La Cour l'attribue à un dysfonctionnement de l'interministériel et de la relation entre l'État et les collectivités territoriales.
Dans les quartiers, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté explose. La pauvreté touche particulièrement les jeunes, durement frappés par le chômage, de même que les seniors et les femmes. Échec scolaire, déserts culturels, manque de transports... je n'y reviens pas. Sans parler de la discrimination liée à l'origine, à la nationalité, à la couleur de peau.
Nous avons organisé, au Sénat, avec l'association Pari(s) du vivre-ensemble, deux journées d'étude sur les quartiers. On y a perçu une note obsédante d'amertume et de colère. Les forums organisés dans les banlieues par Libération, vos questionnaires aideront à y voir plus clair. Mais il n'y a pas de solution miracle. Les parlementaires, les sénateurs en particulier doivent s'engager. La mission de la commission des lois que j'anime avec Jean-René Lecerf se penchera sur les discriminations et le bien-fondé de ces statistiques que l'on appelle à tort ethniques.
« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement » : je suggère de simplifier le langage, condition de l'efficacité. Il faut aussi tout mettre en oeuvre pour que des actions structurées émergent du terrain. Mais je ne suis pas sûre que ce soit au travers de simples questionnaires que « les mots pour le dire arrivent aisément ». Je propose un parlement itinérant, composé de députés, de sénateurs et d'élus pour répercuter les doléances des habitants aux ministères. Il convient de lutter contre les discriminations en impliquant les fonctionnaires, les forces de l'ordre, les médias, mais aussi les DRH. Cela passe aussi par l'éducation : l'intégration aux manuels scolaires de l'histoire des populations concernées, de leurs parcours et de leurs luttes pour l'égalité serait utile. Il faudrait multiplier les internats, les bourses, créer des classes de soutien, améliorer les transports pour « déghettoïser » les banlieues ; ainsi pour gagner Montreuil, il faut contourner le périphérique.
Beaucoup d'habitants ont la rage au coeur. Si nous n'agissons pas rapidement, nos quartiers deviendront vite de petites nations dans la Nation, à rebours de la République.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Très bien !
Mme Natacha Bouchart . - Je suis maire d'une des communes les plus pauvres de France. La politique de la ville entend lutter contre l'exclusion. Elle s'intéresse donc aux quartiers en crise. Elle est restée incertaine quant à ses objectifs, ses perspectives, son statut. Son histoire est faite d'oscillations, d'une politique d'exception à une politique pédagogique.
Pour nous, la politique de la ville doit d'abord être contractuelle, globale et interministérielle. Elle doit prendre en compte les territoires en difficulté au sein des villes par une politique publique adaptée. Ses principes ont été maintenus lorsque son périmètre a été étendu du quartier à la ville, parce que la desserte des quartiers ne peut se traiter que dans le cadre d'un plan global de transports.
C'est sous la présidence de Jacques Chirac en 2003 que la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine fut votée. L'urbain est son objectif, ainsi que l'économique et le social. Ce texte se donnait pour but de réduire les écarts entre les territoires. Un observatoire national des ZUS et le programme national de rénovation urbaine, dit « plan Borloo », ont été mis en place grâce à elle. À Calais, 657 logements ont été construits dont 308 sur le quartier du Beau-Marais et le solde hors site, 180 logements ont été réhabilités et 593 résidentialisés pour un coût de 7,8 millions pour le budget de la ville, sur un total de plus de 143 millions. Grâce à cette loi, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) a vu le jour. Nous avons soutenu en 2008 le plan Banlieues voulu par Nicolas Sarkozy, pour impulser une dynamique collective, entraînant l'État et les collectivités locales mais aussi le monde économique dans le cadre d'un partenariat ambitieux. Le retour de la croissance sera porté par les talents des habitants des quartiers. Nos quartiers ne sont pas malades. Il fallait rompre avec la précédente logique curative.
Cette nouvelle politique était évaluée et ciblée. Les rapports de l'Observatoire des ZUS sont éclairants. Nous avons modifié la gouvernance, avec le Conseil national des villes, consultatif, le Comité interministériel des villes et son secrétariat général, qui ont amélioré l'efficacité des politiques et les ont rendus plus lisibles. La politique de la ville agit aujourd'hui autant sur l'humain que sur l'urbain.
L'ensemble du programme de rénovation urbaine est salué par les élus mais aussi et surtout par les habitants. Il faut articuler rénovation urbaine et désenclavement. Les habitants des quartiers populaires sont trop souvent coupés des bassins de vie et d'emploi, durablement isolés. Une meilleure desserte par des transports urbains de qualité doit leur permettre d'accéder à la ville, aux activités et aux services.
La lutte contre le chômage doit être au centre des préoccupations : 22,7 % dans les ZUS contre 9,4 % dans les zones hors ZUS de la même ville ; le taux de chômage des moins de 24 ans dépasse 40 %, contre 21,6 %. À Calais, nous avons mené une politique d'éducation par le sport et lancé une action « lecture pour tous ». L'accès aux filières d'excellence s'est développé sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy. (Mmes Christiane Demontès et Dominique Gillot s'exclament)
L'emploi et l'éducation supposent l'ordre républicain, condition de l'émancipation sociale, économique et citoyenne. Nous devons tous nous battre pour faire reculer la violence dans les quartiers, aucune politique durable ne peut de développer dans un contexte perturbé. Le Gouvernement doit renforcer son action dans ce domaine. Ne laissons pas les habitants des quartiers au bord de la route.
La politique de la ville a besoin d'une réforme profonde. Je pense en particulier à la géographie prioritaire : monsieur le ministre, une politique trop générale dilue tout et ne résout rien. Ciblez certains quartiers sur le fondement de critères objectifs, là où les revenus sont les plus faibles, le taux d'emploi le plus bas, la part des jeunes la plus importante.
La solidarité accrue de l'État a été d'une grande aide, mais elle ne doit pas oublier en amont les communes pauvres. Les crédits de la politique de la ville ont servi à remettre au niveau des situations locales difficiles. À Calais, après 37 ans d'abandon, j'ai dû investir 2 millions d'euros par an pour remettre aux normes les écoles, 1,5 pour rénover routes et trottoirs. Et je ne parle pas de l'éclairage public, qui devrait absorber 19 millions d'euros pour une simple remise aux normes. Tout cela avec une dette de 100 millions d'euros. C'est dire si la DSU et le supplément de DDU apportent une -petite- bouffée d'oxygène...
Le vrai clivage, c'est la distorsion entre riches et pauvres ; pour réduire les inégalités territoriales, le courage politique ne suffira pas. C'est ensemble, au-delà des clivages, que nous y parviendrons. Sur ce chemin, nous sommes volontaires.
M. Jean-Pierre Plancade. - Très bien.
Mme Natacha Bouchart. - Il y va de la cohésion républicaine, socle de notre démocratie. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs à gauche)
M. Jean-Étienne Antoinette . - En 2006, j'ai suivi de près dans ma commune la préparation du Cucs. Le principe d'une géographie emboîtée y était esquissé. Les questions de gouvernance, du pilotage, de la cohérence de la politique contractuelle, des synergies entre volets social et urbain étaient déjà posées.
S'agit-il de réformer ou de réaffirmer des principes inopérants ou insuffisamment appliqués ? Je m'arrêterai sur ce qui est innovant dans ce qu'on nous annonce. J'aimerais savoir ce que le Gouvernement entend par « un cadre national souple, qui permette l'adaptabilité et l'expérimentation au niveau territorial ». Tout cela ne s'est-il pas essoufflé à force de zonage et de cadrage ? À quoi bon évoquer la territorialisation si les projets sont les mêmes partout et les crédits réservés à des projets définis par avance et modélisés au niveau national ? Au-delà des contraintes budgétaires, qui imposent des priorités, j'attire votre attention sur la reconnaissance au niveau national de l'intelligence locale.
Dans les DOM, la politique de la ville a été un véritable levier de développement local. Les outre-mer ont particulièrement besoin d'adaptabilité. Le projet de rénovation urbaine (PRU) permet la reconquête du centre-ville ancien et délabré de la ville dont je suis maire, Kourou. Mais quelles luttes nous a-t-il fallu mener ! Que d'énergies épuisées, que de temps perdu pour tenter de convaincre ! Quelle place monsieur le ministre, pour l'intelligence locale dans les nouveaux contrats ? (Applaudissements à gauche) À toutes les questions posées, il faudra apporter des réponses qui sachent concilier l'urbain et l'humain : les fondamentaux de la réflexion d'Oscar Niemeyer, qui nous a quittés hier. (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Demontès . - « Plus de 8 millions de nos concitoyens habitent les quartiers relevant de la politique de la ville et sont confrontés à des inégalités que les politiques conduites n'ont pas résorbées » : telle est, monsieur le ministre, le constat qui ouvre votre feuille de route gouvernementale. Je me félicite que les crédits de la politique de la ville aient été reconduits en 2013 -la Cour des comptes avait relevé leur baisse continue depuis 2007.
Le rapport 2012 de l'Anzus montre que dans les territoires concernés, tout s'aggrave plus vite qu'ailleurs ; près de 50 % de chômage pour les jeunes dans certains quartiers, un habitant sur trois sous le seuil de pauvreté, un sur quatre qui renonce à des soins pour des raisons financières, un taux de mortalité des 40-50 ans bien plus élevé que la moyenne départementale ou nationale. Vous avez envoyé un questionnaire aux maires, lancé une grande concertation et mis en place des groupes de travail -géographie prioritaire, contrats territoriaux, priorités thématiques- qui rendront compte dans les prochaines semaines.
Vous avez évoqué de nouvelles orientations : la solidarité financière -je me réjouis de l'augmentation de la DSU ; l'actualisation des critères et le recentrage des aides sur les quartiers les plus en difficulté ; la démocratie participative. La politique de la ville est plus efficace quand elle associe les habitants. Des expériences ont produit leurs fruits.
Vous avez insisté sur le retour du droit commun. Claude Dilain a rappelé la série de sigles des années 80. Beaucoup de dispositifs ont été créés, financés par des crédits spécifiques. Tout cela a eu des effets positifs. Mais dans le même temps, les crédits de droit commun se sont retirés des territoires. Dans certains d'entre eux, la scolarisation des moins de 3 ans a reculé, au prétexte que les parents ne travaillaient pas ! Un comble !
Monsieur le ministre, vous avez dit que la politique de la ville devait redevenir le levier pour mobiliser tous les ministères. Comment allez-vous procéder pour que soit assurée l'égalité républicaine, pour des habitants qui se sentent encore abandonnés ? (Applaudissements à gauche)
M. Jean Germain . - Quelle belle mission que la politique de la ville ! Mais on ne peut tout lui demander. Maire et président d'une communauté d'agglomération de plus de 300 000 habitants, je sais qu'il y a eu des résultats. Où en serait-on s'il n'y avait pas eu la politique de la ville ?
M. Jean-Pierre Plancade. - Eh oui !
M. Jean Germain. - On ne peut s'en tenir à une logique parisienne et comptable ! Nous évaluons régulièrement la politique de la ville et interrogeons les habitants. Très souvent, les habitants des autres quartiers sont davantage stigmatisés.
M. Claude Dilain. - Tout à fait !
M. Jean Germain. - Je partage 90 % de ce qu'a dit Mme Létard. Quand il pleut, il faut en convenir et ne pas prétendre qu'il fait soleil.
Je souhaite qu'on n'oublie pas les agglomérations. À Tours, c'est l'agglomération de dix-neuf communes de sensibilités différentes qui gère la politique de la ville. En Île-de-France, la communauté de destin et de dessein est moins forte, l'esprit communautaire souffle moins fort -mais la situation y est plus grave.
Discutons avec l'État dans le cadre des agglomérations, la concertation que vous menez est nécessaire. François Mitterrand disait en 1982 que si la France avait eu besoin de la centralisation pour se faire, elle avait désormais besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire. Cela reste vrai aujourd'hui.
La mixité est essentielle. Les banlieues, notamment en région parisienne, sont des villes-quartiers. Certaines familles sont contentes de quitter un quartier pour marquer leur réussite. C'est pourquoi il ne faut pas s'en tenir au seul locatif social, mais y mêler de l'accession très sociale à la propriété. Revenons-y dans le débat sur les taux de TVA. Que le logement social échappe à une augmentation forte...
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, MM. Claude Dilain et Jean-Pierre Plancade. - Très bien !
M. Jean Germain. - Tout jeune des quartiers a droit à l'égalité des chances, qui n'est pas l'égalitarisme mais suppose des perspectives réelles de mixité à l'école, au collège. Il y a tant de pistes à suivre ! (« Très bien ! » et applaudissements à gauche)
M. René Vandierendonck . - L'historique de Claude Dilain me fait penser au Saint Sébastien du Pérugin que j'ai vu dans la Galerie du temps du Louvre Lens, aux côtés des mineurs, reconnaissants, qui s'exclamaient : « On ne pensait pas que c'était pour nous ! ».
Le président Hollande a rappelé les 6 milliards d'euros de l'État, les 30 millions d'euros de l'Europe, reste le fonctionnement pour la région la plus pauvre de France... Mobiliser le droit commun, monsieur le ministre ? Quelles sont vos marges vis-à-vis de vos collègues ? Imaginons que les visiteurs du palais du Louvre parisien aident, en payant un euro de plus, à offrir la culture à tous ces habitants du Nord-Pas-de-Calais ! La culture n'est pas un luxe, c'est elle qui redonne identité et citoyenneté. (« Très bien ! » et applaudissements)
Nous voulons tous de l'Anru, monsieur le ministre ! Trouvez-moi un maire ou un président d'agglo qui dise le contraire ! Mais il vous appartient de trouver les 6 milliards qui restent à trouver pour la rénovation urbaine. Il vous appartient aussi de travailler à la réconciliation de l'urbain et de l'humain, de cibler le maillon faible de toute la politique de la ville.
L'accès à l'emploi doit être au coeur de vos préoccupations. À Roubaix comme ailleurs, le premier employeur, c'est l'hôpital. Il y a des filles issues de l'immigration qui réussissent formidablement bien, 67 % des boursiers sont dans les écoles d'infirmières. Elles veulent naturellement accéder à l'emploi à l'hôpital. Attention à la révolution copernicienne en cours à Bercy ! On parle choc de compétitivité ; mais il serait paradoxal que les cliniques privées en périphérie encaissent le crédit d'impôt et que moi qui suis condamné à l'Ondam je ne puisse pas, avec les contrats d'avenir, réussir l'intégration de ces jeunes dans l'emploi ! (Applaudissements)
Il était là, Claude Dilain, déjà Saint Sébastien (sourires) quand on parlait péréquation et zones franches. Cinq mille emplois ont été créés dans ma ville, qui en avait perdu 9 000 dans le textile ! Quoi ? J'entends qu'on aurait pu contrôler plus ! Non, faisons confiance aux collectivités ! Comment faire ? Pour que ça marche, il faut que la communauté d'agglomération se charge de l'implantation, le conseil régional des entreprises et les villes de la contractualisation. C'est votre système de poupées russes. Sans intégration des échelles de ces politiques, pas de résultats ! Laissez vos interlocuteurs sur place travailler, monsieur le ministre, y compris sur les critères ! On le sait bien, la carte de l'immigration, c'est la carte de la politique de la ville et c'est la carte de l'abstention... Quand un jeune de milieu défavorisé est en réussite scolaire, ne me renvoyez pas à un décret en Conseil d'État ou à je ne sais quelle administration pour me dire si je peux l'embaucher !
Mme Dominique Gillot. - Bravo !
M. René Vandierendonck. - Il y avait, du temps de Claude Bartolone, un texte créant la société d'investissement régional. Dans le Nord-Pas-de-Calais, il y en a une. La question est simple : comment le marché revient dans un territoire qu'il a déserté ? Il faut une bonne contractualisation, des capitaux, mais aussi des conditions telles que l'entreprise -grande oubliée de la politique de la ville- puisse se dire : « Il y a un retour sur investissement, j'y vais ! ». Qu'elles reviennent dans la politique de la ville ! (Applaudissements)
M. le président. - Vous avez doublé votre temps de parole, mais cela valait la peine !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Salut l'artiste !
Mme Dominique Gillot . - Luttons contre les visions fermées, défensives, les zonages stigmatisants facteurs d'ignorance et de peur, qui bloquent toute dynamique partagée.
La politique de la ville, projet transversal de gouvernance locale, peut réinventer une utopie positive. Arriver en ville, c'était, jadis, synonyme de progrès. La ville a été au coeur des transformations sociales, disait Georges Duby, parce qu'elle a été « espace de mélange et de liberté ». Aujourd'hui, constate Pierre Rosanvallon, le « vivre-ensemble est dégradé ».
Il faut reformer un projet collectif. Les programmes de réussite éducative, les contrats locaux de santé publique, les plans locaux de sécurité (PLS), les projets éducatifs locaux -à faire évoluer dans le cadre de la refondation de l'école en projets éducatifs globaux- les plans locaux de l'habitat (PLH) élaborés dans la concertation, les plans de recrutement des emplois d'avenir et d'autres initiatives, comme celle de la Fédération des étudiants volontaires (FEV) créent de véritables dynamiques de développement partagé.
La politique de la ville pour une nouvelle urbanité, un savoir vivre-ensemble, colonne vertébrale de la politique des élus, pour un monde où la force motrice ne sera plus le ressentiment. La ville n'est pas seulement une architecture, elle est aussi le lieu de rencontre des identités, le lieu de l'hétérogénéité où il faut savoir embarquer les singularités pour construire du commun. La sortir de la géographie prioritaire ne doit pas être ressenti comme une menace : il reste des acquis, des compétences qui doivent permettre au maire d'actionner tous les leviers des politiques de droit commun pour construire un projet territorial. Une révision aura lieu tous les trois ans, nous dites-vous.
C'est ainsi que l'on réduira les inégalités territoriales, que l'on simplifiera les procédures et que l'on rendra confiance aux élus. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je vous remercie de la qualité de ce débat qui aidera, je le crois, à dégager des lignes de consensus. Vous avez su articuler votre expérience d'élus locaux à une réflexion théorique. La politique de la ville vise au rétablissement de l'égalité républicaine et à l'amélioration de la vie de 6 millions d'habitants. Une part de l'avenir du pays dépend de notre capacité à les intégrer, à les aider à valoriser leurs talents et à exploiter leur potentiel. Immense défi, quand on sait les retards dont souffrent les quartiers, que nous avons tous rappelés. Sans compter que la crise les frappe plus durement.
Je veux ici remercier tous ceux qui se battent pour mobiliser partout les énergies. Il y a beaucoup à apprendre, en ces temps de repli, des mécanismes de solidarité qui se développent dans ces quartiers.
Un grand débat national s'engage, monsieur Dilain, sur la fracture territoriale entre régions mais aussi à l'intérieur des villes. Oui, la situation dans ces quartiers est aussi difficile qu'il y a dix ans, et nous ne pouvons nous satisfaire de la seule existence de quartiers-sas, qui permettraient de s'en sortir. Ce choix d'organisation urbaine n'est pas plus le vôtre que celui du Gouvernement.
Le président de la République et le Premier ministre ont engagé une réforme globale de la politique de la ville, aux orientations de laquelle nous réfléchissons dans le cadre de la concertation lancée à Roubaix et qui aura sa traduction dans un comité interministériel au premier trimestre 2013 ; un projet de loi suivra dans le courant de l'année. La concertation rassemble plus de 150 participants. Les élus y sont pleinement associés, parmi lesquels quatre sénateurs, Mme Cohen et MM. Germain, Marseille et Dallier, qui enrichiront les débats de leur connaissance des grands enjeux. Claude Dilain copilote l'un des groupes de travail. Une consultation des habitants via des cahiers d'acteurs est engagée : on ne peut concevoir une politique de la ville sans participation de ceux qui vivent dans les quartiers.
À l'issue de la concertation, il faudra créer des structures pérennes de discussion et de négociation avec les représentants des habitants -reste à en déterminer l'échelon pertinent.
Quels objectifs à la réforme ? Il s'agit de mobiliser les politiques de droit commun, de territorialiser les politiques sectorielles. Je sais que je n'inaugure pas un champ vierge, puisque je suis le dix-neuvième ministre de la ville. Seul, ce ministère n'y suffira pas. Il y faut une action interministérielle. Je me réjouis néanmoins que le Gouvernement ait reconduit les crédits de la ville, portant un coup d'arrêt à une baisse continue -de 31 % depuis 2009. Le Premier ministre a signé une circulaire interministérielle le 30 novembre dernier, qui donnera lieu à la signature de conventions triennales entre mon ministère et les autres, avec des objectifs très concrets. Pour l'éducation nationale, par exemple, il faudra insister sur la scolarisation entre 2 et 3 ans ; je sais que Vincent Peillon y est sensible. Pour le ministère du travail et de l'emploi, il faudra insister sur la nécessaire présence physique de conseillers de Pôle emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
M. Claude Dilain. - Très bien !
M. François Lamy, ministre délégué. - Je me propose de conduire ce travail avec chaque ministère, pour parvenir à une concentration des moyens sans même attendre les futurs contrats. Des initiatives ont d'ailleurs déjà été prises, comme celle des zones de sécurité prioritaires, comme la création de postes dans les quartiers de l'éducation prioritaire dès la rentrée, comme les emplois d'avenir, qui seront territorialisés grâce aux travaux de votre assemblée. Je demanderai aux préfets de mobiliser de même chaque service de l'État, pour concentrer les moyens de droit commun dans les territoires défavorisés. Je souhaite aussi expérimenter les emplois francs, qui sont des outils anti-discrimination dans les quartiers en difficulté, dans quatre villes représentatives, Marseille, Clichy, Grenoble et Amiens, avant une éventuelle généralisation.
En 2013, les mécanismes de péréquation connaîtront une progression sans précédent, avec 120 millions de plus pour la DSU et 25 pour la DDU, cette dernière étant déplafonnée et rendue plus souple. J'ai confié au député de Sarcelles, François Pupponi, une mission sur les outils de la péréquation, horizontale et verticale : on peut beaucoup progresser en matière de solidarité. Il me rendra ses conclusions avant fin janvier.
Il faut réformer la géographie prioritaire pour la simplifier et concentrer les moyens dans les quartiers qui en ont le plus besoin. Je ne reviens pas sur l'empilement des dispositifs, que chacun a rappelé, qui conduit à un enchevêtrement illisible et au saupoudrage. Les opérations de rénovation urbaine ne se sont pas toujours accompagnées d'un volet cohésion sociale et les zonages ont pu parfois entraîner la stigmatisation et l'enclavement. La réforme du zonage a été continuellement repoussée, je souhaite que nos la menions à bien. Il est des villes dont la situation ne justifie plus qu'elles bénéficient de moyens spécifiques, preuve que la politique de la ville a fait son oeuvre. Charité bien ordonnée commence par soi-même : j'ai été onze ans maire de Palaiseau et estime que ma ville est dans ce cas...
M. Claude Dilain et Mme Dominique Gillot. - Très bien !
M. François Lamy, ministre délégué. - Les indicateurs devront être ramenés à un nombre restreint. Ils doivent traduire la concentration des difficultés, proportion des familles monoparentales, logements sociaux, APL, jeunes... Il faut simplifier pour ne plus enclaver. Des critères supplémentaires, quantitatifs mais aussi qualitatifs, pourront servir à définir une géographie emboîtée, centrée sur des territoires cibles où se déploieront territoires de projets et d'intervention ; le territoire de contractualisation doit à mes yeux être l'intercommunalité, le maire restant le pilote opérationnel de proximité. Une attention particulière sera portée à l'outre-mer : j'ai demandé à M. Lurel une table ronde spécifique pour janvier. Il faut aussi porter une attention particulière à la région francilienne. Les intercommunalités d'Île-de-France se sont souvent construites par affinités politiques. Il faudra travailler sur des périmètres plus larges.
Je veux mettre en place une troisième génération de contrats de ville, associant rénovation urbaine, action de cohésion sociale et mobilisation de droit commun, rassemblant les acteurs autour d'un projet de territoire à l'échelle intercommunale. Un contrat participatif, rassemblant tous les acteurs investis d'une responsabilité vis-à-vis des habitants, qui aura vocation à être conclu sur la durée du mandat municipal 2014-2020. Oui, monsieur Antoinette, il faut articuler cadre local et cadre national ; il faut des orientations nationales mais l'action, la stratégie, la méthode doivent être décidées localement. Les contrats de développement territoriaux en Île-de-France montrent le chemin. Je serai vigilant pour que l'on n'impose pas des politiques d'en haut.
Ces contrats intégreront les opérations de rénovation urbaine. Depuis mai 2013, je me suis efforcé d'assurer le financement du premier PNRU : 800 millions annuels venant d'Action logement, le complément étant fourni par l'État. Nous travaillons à la définition et au financement de la nouvelle génération d'opérations, avec un cadre plus précis mais aussi davantage de souplesse laissée aux acteurs locaux. L'objectif, c'est la mixité fonctionnelle, sociale, urbaine.
Il faudra aussi tenir compte des différentes formes d'habitat, j'en suis d'accord avec Mme Létard. J'ai confié une mission à l'Observatoire national des ZUS, chargé d'évaluer le premier PNRU.
Le Gouvernement a décidé d'examiner de près le dispositif des zones franches urbaines. Je suis preneur de toutes les réflexions, car je souhaite un vrai bilan. Quatre cent millions d'euros d'exonérations fiscales et sociales cette année, chiffre à comparer avec les 525 millions de crédits du ministère, pour des résultats contrastés. Là où les élus ont été fermes, là où ont été menées des opérations de désenclavement, là où on a donné aux entreprises le cadre nécessaire à leur développement, les exonérations ont eu un effet de levier. Là où on a attendu l'emploi, il y a eu beaucoup d'effets d'aubaine. Il faut analyser tous les effets pervers avant d'envisager un nouveau dispositif, complémentaire des autres actions à mener au plan économique. La BPI aura aussi un rôle à jouer dans les quartiers en difficulté, pour y déployer une stratégie industrielle.
La nouvelle politique de la ville doit faire des habitants des acteurs à part entière aux côtés de l'État et des collectivités. C'est un enjeu primordial. Des rencontres citoyennes auront lieu dès janvier.
C'est une belle ambition que de rétablir l'égalité républicaine dans ces territoires. (Applaudissements à gauche ; Mme Natacha Bouchart applaudit aussi)