Loi de finances pour 2013 (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l'Assemblée nationale. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 9.
Discussion des articles de la première partie (Suite)
Article 9
M. Éric Bocquet . - Mon intervention vaudra présentation de nos deux amendements. Nous revenons à un ISF plus conforme aux nécessités de l'heure. Il est juste que les contribuables dont le patrimoine est compris entre 800 000 et 1,3 million d'euros soient à nouveau concernés -rappelons-nous que le patrimoine médian des français est de 120 000 euros. Le relèvement du seuil visait à épargner les cadres supérieurs parisiens en fin de carrière qui disposaient d'un peu de bien. Nous ne croyons pas à cet argument, pas plus qu'à celui du pauvre paysan de l'île de Ré. L'impôt doit être justement réparti et l'intérêt particulier du contribuable s'effacer devant l'intérêt général de la collectivité. La contribution à l'ISF peut paraître lourde à certains, mais nous avons des services publics, des infrastructures, financés par l'impôt. Le contribuable de l'ISF devrait être fier de participer plus que les autres en fonction de ses capacités. Le taux de prélèvement reste limité. Au pire, le redevable devra se séparer de quelques éléments de son patrimoine pour payer l'impôt.
Cet article 9 renoue avec un ISF doté de ses qualités d'origine. Nos amendements visent à l'améliorer encore.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances . - L'article 9 réforme une nouvelle fois l'ISF. Après la potion amère du collectif budgétaire de l'été et sa contribution dite exceptionnelle, on pourrait estimer que les retouches ici apportées sont légères. Il est certes proposé de rétablir un régime progressif un peu plus léger qu'en 2011 mais les apparences sont trompeuses. Cet article aura des effets profondément nuisibles.
Depuis 2011, la fiscalité des revenus de l'épargne a été sensiblement alourdie. Le barème ici proposé, de surcroît, s'appliquerait à une assiette élargie par des dispositions aussi discrètes que dangereuses. Surtout, le plafonnement que le Gouvernement propose de réinstaurer, en réalité sous l'injonction du Conseil constitutionnel, est un leurre : des revenus non perçus par le contribuable, voire qu'il n'a pas la faculté de décider de percevoir, y seront inclus. Il est douteux qu'un tel mécanisme corresponde aux critères réaffirmés le 9 août par le Conseil constitutionnel. (M. Albéric de Montgolfier renchérit)
Nous sommes là dans une logique punitive, déconnectée des réalités économiques. Cet ISF vient s'ajouter aux 45 % de l'impôt sur le revenu, majorés de 15 % de contribution sociale, le tout sans véritable plafonnement. A mon sens, ces dispositions ne sont pas Gallois-compatibles.
Cet article est dangereux. Il risque de faire fuir les contribuables excédés par une pression fiscale aveugle. (Exclamations à gauche) Ne l'adoptons pas, sinon en lui apportant de nombreux correctifs : d'où les amendements que nous allons examiner.
M. le président. - Amendement n°I-204, présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Albéric de Montgolfier. - La réforme de 2011 visait à rendre le taux de l'ISF économiquement supportable et à simplifier l'impôt. Cela relevait du bon sens économique. On va ici au rebours. C'est une aberration. D'abord, le taux retenu est confiscatoire, surtout si on le compare à ce qui a cours chez nos voisins. On risque l'exil fiscal, en Belgique ou ailleurs... C'est d'ailleurs pourquoi le Gouvernement a réintroduit un mécanisme de plafonnement -sous la pression, il faut le dire, du Conseil constitutionnel. Le taux marginal, de surcroît, est parfaitement déconnecté du rendement des placements financiers, aujourd'hui quasi nul, parfois négatif. Pour acquitter l'impôt, les contribuables devront non seulement prendre sur le rendement mais souvent liquider une partie de leur patrimoine. L'UMP ne peut y souscrire.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Deux logiques s'affrontent ici. (M. Albéric de Montgolfier le confirme) Celle de la majorité, qui considère que le déficit public de la France est une catastrophe et que la situation doit être corrigée. C'est pourquoi, l'an passé, nous avions proposé, à l'initiative de Mme Bricq, une amélioration du solde budgétaire de 10 milliards. Les propositions de l'UMP vont à rebours de cet objectif, puisqu'elles dégraderaient le solde d'au moins 10 milliards. Celle qu'elle fait sur l'ISF fait partie du lot et compte pour 1 milliard. Nous ne pouvons les suivre. L'ISF doit contribuer à l'effort de redressement. Défavorable à l'amendement.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. - Même avis. L'argument constitutionnel que l'on nous oppose n'est pas recevable. La loi de finances rectificative n'a pas été censurée.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - On n'est pas passé loin !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Vous aviez réformé l'ISF pour en diminuer la recette, amputée de 2 milliards d'euros -tout en en acceptant le principe après l'avoir condamné des années durant. Alors qu'elle savait inévitable de demander un effort supplémentaire à nos concitoyens, la majorité de l'époque en exemptait les plus fortunés !
Notre proposition se veut plus cohérente : nous assumons le principe de l'ISF et en espérons un produit conséquent, à la hauteur des besoins du pays. Nous prenons acte des observations du Conseil constitutionnel. C'est bien à partir du plafonnement du plafonnement qu'on a constaté des expatriations ; nous avons choisi une formule différente.
Certains veulent qu'on aille plus loin ; ce ne serait pas raisonnable. D'autres soutiennent qu'il ne faut rien faire ; ce sont les mêmes qui s'apprêtaient à faire payer tout le monde en augmentant le taux normal de la TVA. L'ISF est un bon impôt. Son taux marginal reste raisonnable puisque le loyer de l'argent n'est pas le même qu'en 1988. Nous estimons que le plafonnement du plafonnement n'est pas une bonne chose. Et nous considérons que chacun doit contribuer à l'effort de solidarité à mesure de ses capacités. (Applaudissements à gauche)
M. Albéric de Montgolfier. - Personne ne peut s'arroger le monopole de la vertu budgétaire : vous verrez peut-être ce que sont nos propositions sur les dépenses, elles sont très précises.
Le taux serait raisonnable au regard du rendement du loyer de l'argent ? Je le conteste. Notre réforme de 2011 était non seulement de simplification mais surtout de réalisme économique. Vous y revenez. Nous ne pouvons vous suivre.
M. Gérard Longuet. - L'ISF est une absurdité. Je vous rejoins sur un point : nous aurions dû le supprimer. S'il est juste que toutes les formes d'enrichissement soient frappées, il ne faut pas perdre de vue que le capital n'est que du travail accumulé. On veut sanctionner sa détention : autrement dit, celui qui épargne doit payer deux fois. C'est immoral.
Je ne reviens pas sur ce qu'a dit M. de Montgolfier : le rendement du capital n'a rien à voir aujourd'hui avec ce qu'il était quand Marx a écrit Le Capital. Si on frappe la rente, il faut tenir compte de l'inflation. Votre dispositif organise la spoliation à répétition de l'épargnant : nous ne pouvons l'admettre.
M. Vincent Delahaye. - C'est sur la façon de faire que nous nous distinguons. Dans la dépense publique, il est des dépenses inefficaces, auxquelles il faut s'attaquer, j'en ai la profonde conviction. C'est ce que nous entendons faire, comme on le verra en deuxième partie ; nous proposerons des économies indispensables.
Mme Marie-France Beaufils. - Nous ne voterons évidemment pas les amendements de l'UMP. On pleure sur le faible rendement des placements ? La situation de l'emploi est autrement inquiétante. Elle justifie un effort de tous. Quant à la dépense publique, chacun reconnaît le rôle d'amortisseur de la crise qu'elle a joué en 2008.
M. Longuet parle de « rentiers ». Soyons précis : on ne parle pas ici de tous les épargnants. Les petits rentiers qui ont un livret de caisse d'épargne ne sont pas concernés. Ne mélangeons pas tout.
La rémunération du capital a explosé alors que la rémunération du travail et l'investissement sont à l'arrêt : là est le vrai problème pour notre économie.
M. Richard Yung. - Nous ne sommes pas comme M. Longuet, animés par une croyance aveugle. L'épargne, dans notre pays, ne va pas vers l'investissement. Quand au rendement des placements, on a vu ce qu'il en était avec le Libor, manipulé à Londres par une bande de banksters.
Eh non, vous n'avez pas supprimé l'ISF. Ni les 35 heures, d'ailleurs. Bientôt vous regretterez de n'avoir pas supprimé les congés payés...
Les déficits ? En dix ans, vous avez fait sauter la banque ! Notre politique vise à diminuer les déficits tout en évitant la récession : protéger la croissance pour protéger le modèle français de protection.
Mme Nathalie Goulet. - Je rappelle que Jean Arthuis proposait depuis des années la suppression de l'ISF dans le cadre de son fameux triptyque...
L'amendement n°I-204 n'est pas adopté.
L'amendement n°I-190 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°I-153, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
M. Éric Bocquet. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°I-336, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2
Remplacer le montant :
1 300 000 €
par le montant :
800 000 €
M. Jean-Vincent Placé. - Je suis toujours très surpris des interventions de l'UMP et des centristes sur ce sujet. On a vu, dix ans durant, ce qu'a donné le tout libéral ; que n'ont-ils agi comme ils le préconisent aujourd'hui ! Le Gouvernement ne revient pas à la situation qui prévalait avant 2011 mais augmente un peu les contributions des plus aisés à l'effort de solidarité nationale. Pour nous, il faut rompre davantage avec une politique véritablement indécente. Il serait juste de revenir à la situation d'avant 2011 et de fixer le seuil de déclenchement et de taxation à 800 000 euros.
M. le président. - Amendement n°I-217, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste.
I. - Alinéa 2
Remplacer le montant :
1 300 000
par le montant :
886 236
II. - Alinéa 10, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
en %
Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine |
Tarif applicable |
N'excédant pas 886 326€ |
0 |
Supérieure à 886 326 € et inférieure ou égale à 1 440 751€ |
0,5 |
Comprise entre 7 640 000 F et 15 160 000 F1 440 751 à 2 858 873€ |
0,7 |
Supérieure à 2 858 873 € et inférieure ou égale à 4 439 173 € |
0,9 |
Supérieure à 4 439 173 € et inférieure ou égale à 8 595 476 € |
1,2 |
Supérieure à 8 595 476€ |
1,5 |
M. Jean-Vincent Placé. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°I-218, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste.
I. - Alinéa 2
Remplacer le montant :
1 300 000
par le montant :
1 064 250
II. - Alinéa 10, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
En %
Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine |
Tarif applicable |
N'excédant pas 1 064 250€ |
0 |
Supérieure à 1 064 250 et inférieure ou égale à 1 773 750€ |
0,5 |
Supérieure à 1 773 750 et inférieure à 3 547 500€ |
1 |
Au-dessus de 3 547 500€ |
1,5 |
M. Jean-Vincent Placé. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°I-154, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.
I. - Alinéa 10, tableau, septième ligne
Remplacer cette ligne par deux lignes ainsi rédigées :
Supérieure à 10 000 000 € et inférieure ou égale à 15 000 000 € |
1,50 |
Supérieure à 15 000 000 € |
1,80 |
II. - Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
Mme Marie-France Beaufils. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°I-57, présenté par M. Marini.
Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
M. Philippe Marini. - Cet amendement vise à supprimer un élargissement aussi discret que nuisible de l'assiette de l'ISF.
Dans le droit actuel, pour le calcul de l'impôt, seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité de la société est considérée comme un bien professionnel, et donc exonérée d'ISF. Ce qui est somme toute logique. Or cet article prévoit que désormais, les biens non nécessaires à l'activité seront compris, pour leur valeur au 1er janvier de l'année d'imposition, dans le patrimoine du ou des propriétaires des parts ou actions, à concurrence de leur pourcentage de détention.
Cela revient, dans la plupart des cas, à tripler ou quadrupler la valeur des biens concernés dans l'assiette de l'ISF, puisqu'il ne sera plus tenu compte de la structure du passif de la société -en particulier de son endettement. Paradoxalement, plus une entreprise sera endettée, plus l'effet du changement de calcul proposé affectera ses actionnaires.
Il est plus sage d'en rester à la situation actuelle, les règles en matière d'abus de droit donnant déjà à l'administration fiscale les moyens d'agir lorsque cela est nécessaire. Je tiens à disposition des exemples concrets : un actionnaire pourra être imposé sur une propriété virtuelle.
M. le président. - Amendement n°I-291 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés.
I. - Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... - L'article 885-0 V bis est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase du premier alinéa du 1. du I, le montant : « 45 000 € » est remplacé par le montant : « 22 500 € » ;
2° Le 2. du III est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le montant : « 18 000 € » est remplacé par le montant : « 22 500 € » ;
b) A la seconde phrase, le montant : « 45 000 € » est remplacé par le montant : « 22 500 € ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Richard Yung. - Il s'agit d'encourager l'investissement dans les PME innovantes. L'activité de capital risque est en perte de vitesse : 822 millions seulement investis dans les start-up en 2011, soit 20 % de moins qu'en 2010.
L'Assemblée nationale a prorogé jusqu'en 2016 la réduction d'impôt accordée au titre de la souscription en numéraire dans les FCPI et FIP. Or, les investisseurs ne savent pas quelles sont les PME innovantes : ils ont besoin des FCPI, qui sont un outil précieux. (M. Gérard Longuet approuve)
Cet amendement vise à aligner le plafond d'exonération d'ISF pour les FCPI et FIP sur celui applicable aux investissements directs ou intermédiés, afin d'accroître l'attractivité des FCPI. Nous avons fixé ce plafond commun à 22 500 euros.
L'amendement n°I-247 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°I-385, présenté par M. Delahaye et Mme Létard.
Alinéas 19 à 21
Supprimer ces alinéas.
M. Vincent Delahaye. - Les actionnaires familiaux qui ont opté pour l'impôt sur les sociétés vont être pénalisés. Notre amendement exclut du dispositif l'actif pris en compte pour le plafonnement des sommes détenues par une holding, alors même que les sommes correspondantes n'ont pas été distribuées, ainsi que les plus-values latentes qui restent virtuelles en l'absence de transaction. Ces outils juridiques favorisent le réinvestissement des liquidités et la transmission du patrimoine familial.
M. le président. - Amendement n°I-58, présenté par M. Marini.
I. - Alinéas 19 et 20
Supprimer ces alinéas.
II. - En conséquence, alinéa 23
Supprimer cet alinéa.
M. Philippe Marini. - Cet amendement vise à supprimer la prise en compte d'une catégorie de soi-disant revenus que cet article propose d'intégrer dans le calcul du plafonnement de l'ISF.
Il est déjà anormal de prendre en compte des revenus virtuels, comme les revenus capitalisés des contrats d'assurance-vie ; il est profondément choquant d'intégrer au calcul des « revenus » que le contribuable n'aura pas la liberté de décider de percevoir ou de ne pas percevoir. Tel est le cas du bénéfice distribuable des sociétés holdings. Les critères proposés pour se voir appliquer cette disposition ne sont pas des critères de contrôle et concerneront de nombreux actionnaires minoritaires, qui ne maîtrisent pas la décision de percevoir ou non ledit bénéfice.
La rue de Montpensier pourrait s'interroger. Dans sa décision du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel, évoquant l'ancien plafonnement dit « Rocard », a souligné que ce mécanisme « permettait de s'assurer que l'acquittement de l'ISF, ajouté à celui de l'impôt sur le revenu ainsi que des prélèvements sociaux, n'excédait pas une fraction du revenu disponible du contribuable ». Or, dans les cas que j'évoque, le revenu distribuable des sociétés visées ne sera pas disponible ; le nouveau plafonnement n'offrira pas les mêmes garanties que l'ancien.
De plus, cette mesure est mauvaise sur le plan économique : elle incitera fortement à se faire verser la quasi-totalité du revenu distribuable afin de pouvoir acquitter l'impôt. Les holdings de tête d'un groupe familial risquent ainsi, au détriment de l'activité, de ne plus pouvoir financer les sociétés les moins rentables grâce aux bénéfices des sociétés les plus performantes. Il serait donc plus sage de supprimer le dispositif proposé.
Les amendements nosI-34 rectifié, I-118, I-35 rectifié et I-119 ne sont pas défendus.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - L'ISF doit rapporter 4 milliards en 2013. Deux types d'amendements ont été défendus : les uns pour demander qu'il rapporte plus, les autres pour qu'il rapporte moins. Les amendements du groupe CRC et du groupe écologique sont dans le premier cas, ceux de l'UMP et du groupe centriste, dans l'autre.
Nous estimons qu'il faut s'en tenir à l'équilibre retenu par le Gouvernement. L'aggraver n'est pas opportun, l'alléger non plus : les plus hauts patrimoines doivent contribuer à l'effort de redressement collectif. Défavorable, donc, à tous ces amendements. Quant à l'amendement n°I-291 rectifié de M. Yung, la commission souhaite recueillir l'avis du Gouvernement.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Le Gouvernement est défavorable aux amendements, qui reviennent sur l'équilibre retenu par le Gouvernement : revenir au seuil de 800 000 ou modifier le taux marginal ne paraît pas opportun. Il est également défavorable à l'amendement n°I-57 de M. Marini : le dispositif du Gouvernement est de simplification ; ce serait le complexifier à l'excès. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, s'exclame)
Il est logique, monsieur Yung, que le risque supplémentaire bénéficie d'un avantage ; via les fonds, il est dilué. Retrait ou rejet.
Défavorables aux amendements nosI-385 et I-58 : nous entendons lutter contre les pratiques d'optimisation constatées ces dernières années. Seuls sont concernés les bénéfices des sociétés patrimoniales, et les plus-values latentes ont toujours été taxées à l'ISF. Défavorable.
M. Gérard Longuet. - C'est une des absurdités de l'ISF...
L'amendement n°I-153 n'est pas adopté.
Les amendements nosI-217 et I-218 sont retirés.
M. Gérard Longuet. - Je ne voterai pas l'amendement n°I-336 de M. Placé. Je partage ses convictions européennes mais aucun pays européen important n'a d'ISF !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Ils imposent le patrimoine... L'ISF existe au Danemark, en Hollande, en Espagne où il a été rétabli.
M. Gérard Longuet. - Nous n'avions fait qu'une partie du chemin, c'est vrai, mais vous revenez sur le peu que nous avions fait.
L'amendement n°I-336 n'est pas adopté.
L'amendement n°I-154 n'est pas adopté.
M. Philippe Marini. - Je reviens sur mon amendement n°I-57. Les enjeux sont économiques et concernent plus spécialement les PME. Vous durcissez le régime d'exonération du patrimoine professionnel et pénalisez plusieurs dizaines de milliers d'entrepreneurs, ceux qui laissent en réserve les bénéfices dont ils n'ont pas besoin pour vivre. Votre dispositif poussera à les distribuer -ce qui est contraire aux objectifs que vous affichez.
Sans compter qu'une grande latitude d'appréciation sera laissée à l'administration fiscale : les redressements vont se multiplier, la charge de la preuve revenant de surcroît au chef d'entreprise. Il faut s'attendre à beaucoup d'erreurs et de contestations. Les redressements porteront sur la trésorerie jugée excédentaire par l'administration ; mais, en période de crédit rare, accumuler de la trésorerie est nécessaire pour financer l'investissement. Quant aux biens immobiliers, ils servent à sécuriser aux yeux des banques les crédits longs de l'entreprise. Beaucoup d'entrepreneurs ont des droits à retraite modique et comptent sur la valeur de leur entreprise pour assurer leurs vieux jours. Enfin, la mesure est inique et démotivante : les dirigeants qui restent seront plus taxés, quand est allégée la fiscalité de ceux qui vendent leur entreprise -des « pigeons » qui s'envolent !
Le Gouvernement court un risque de retour de flamme sur ce dossier, dont la portée véritable apparaîtra lors des premiers redressements. J'aurai au moins essayé de lever le voile sur cette mesure discrète...
M. Francis Delattre. - M. le rapporteur général nous dit qu'il faut trouver 4 milliards, soit. Mais il a moins d'imagination que son homologue de l'Assemblée nationale, qui a proposé de taxer le business des oeuvres d'art. Quant on voit le résultat de ventes de M. Bergé ou la cascade des holdings Wittenstein, on se dit qu'il y avait là de la matière fiscale, et même morale ! Plutôt que de taxer du virtuel, pourquoi ne pas ouvrir le débat sur ces sujets ?
M. Gérard Longuet. - Je soutiens l'amendement n°I-57. Qu'est-ce qu'un bien non nécessaire ? Au chef d'entreprise de le dire. Un entrepreneur qui bloque des sommes en compte courant dans son entreprise, par exemple pendant deux ou trois ans, ne pourrait-il être exonéré d'ISF sur ces sommes, qui garantissent la solidité de l'entreprise ? Celle-ci doit pouvoir conserver des marges de manoeuvre. Accumuler des actifs non directement nécessaires permet de financer le développement. Un chef d'entreprise ne serait pas taxé à l'ISF s'il achète une oeuvre d'art mais le sera s'il laisse l'argent dans l'entreprise : c'est incroyable !
M. Albéric de Montgolfier. - L'article 9 fait peser un risque réel de rupture d'égalité devant les charges publiques. Il vise à élargir l'assiette de l'ISF à des revenus dits capitalisés. Mais l'essentiel de ces revenus est bien souvent impossible à appréhender juridiquement par le contribuable : ils ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus réalisés dans l'année. Le cas est patent pour les holdings familiales. Le Conseil constitutionnel se penchera sans doute sur la question... Je voterai bien sûr l'amendement n°I-57.
L'amendement n°I-57 n'est pas adopté.
M. Richard Yung. - Le ministre souhaite maintenir la différence de plafond d'exonération. Je vais accéder à sa demande mais il faudra poursuivre le débat sur le financement de l'innovation. Je retire l'amendement.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Merci. Le risque mutualisé est moins important que celui d'une personne seule utilisant l'ISF-PME.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très juste.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Monsieur Yung, d'où un plafonnement différencié. D'accord pour en reparler avec vous.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Le ministre a raison. Pour une fois.
L'amendement n°I-291 rectifié est retiré.
M. Vincent Delahaye. - Je n'ai pas eu de réponse sur mon amendement n°I-385. On ne peut parler de « revenus » pour des plus-values latentes, donc virtuelles. Si ces plus-values ne sont pas réalisées, reviendra-t-on dessus l'année suivante ?
M. Gérard Longuet. - De fait, vous intégrez dans le déplafonnement des revenus qui ne seront peut-être jamais réalisés !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Le Gouvernement n'a pas répondu à nos amendements, les balayant de la main.
M. Christian Bourquin. - Ce n'est pas désamour à votre endroit.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce n'est pas une question d'amour mais de droit parlementaire !
Vos mesures élargissent considérablement l'assiette de l'ISF, qui pourra frapper tous les actifs de la société. Les contribuables sont imposés en fonction de revenus dont ils n'ont pas disposition. Ils devront payer des impôts supérieurs à leurs revenus et amputer leur patrimoine pour s'en acquitter. Ils seront, année après année, appauvris par l'impôt. Cet article 9, loin d'être anodin, est en totale contradiction avec le rapport qui inspire votre pacte de compétitivité. Certains contribuables seront taxés trois fois : à la CSG, sur un revenu non liquide, et à la sortie du dispositif d'épargne longue. On ne peut l'accepter, nous sommes dans un État de droit ! Sous l'apparence de taux nominaux acceptables, d'un plafonnement de principe avantageux, le Gouvernement taxera des revenus virtuels. Il faut dénoncer une démarche aussi insidieuse. Ayez au moins le courage de dire la vérité !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Je veux compléter ma réponse à M. Delahaye. Quand je parle de « revenus », je vise les bénéfices distribuables de la holding familiale. Mme Liliane Bettencourt n'a pas besoin de prendre tous ses dividendes pour ses menues dépenses courantes. Il est logique que les bénéfices laissés dans la holding soient soumis à l'ISF.
M. Gérard Longuet. - La holding Bettencourt, c'est l'arbre qui cache la forêt !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Le deuxième élément, ce sont les plus-values en report d'imposition, qui enrichissent incontestablement le patrimoine, même s'il y a réinvestissement. C'est bien un revenu implicite, qui doit être taxé.
M. Francis Delattre. - Moyennant quoi, Mme Bettencourt préférera acheter des oeuvres d'art...
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Pour que la haute instance qu'a invoquée M. Marini soit éclairée, je veux préciser ma réponse. Notre dispositif consolide l'exonération des biens professionnels tout en s'assurant que celle-ci n'est pas détournée de son objet.
Les biens professionnels réels n'ont pas à être intégrés à l'ISF. Mais les passifs afférents à des biens non taxés n'ont pas à venir en déduction des actifs taxés. Arguer d'une confusion entre biens éligibles et non éligibles n'est pas raisonnable. Je doute que le Conseil constitutionnel y trouvera à redire. Les biens non professionnels n'ont jamais été inclus dans l'évaluation de la valeur de la société. Simplement, leur valeur sera identifiée. Il n'y a pas de changement fondamental mais une mesure de simplification.
Les holdings patrimoniales ont permis de facto à des biens d'échapper à l'ISF. Une société opérationnelle qui réinvestit n'est pas concernée. Mais le revenu capitalisé sera pris en compte -une fois, au début. Cantonner les plus-values d'une société patrimoniale a abouti à des excès déloyaux. Ces contribuables ne seront pas spoliés mais il faut en finir avec certaines optimisations fiscales.
L'amendement n°I-385 n'est pas adopté.
M. Philippe Marini. - Un dernier mot sur cette affaire... Je remercie le ministre pour son explication précise, qui ne m'a pas convaincu : on peut toujours poursuivre sur la base de l'abus de droit. Mieux valait maintenir le statu quo.
Une société commerciale a acquis la société civile immobilière qui détenait son siège social. Elle achète un nouveau siège tout en conservant l'ancien, qu'elle loue à un tiers, ce loyer remboursant l'emprunt. On suppose que la société civile immobilière a une valeur de 1 000 000 d'euros et que le solde de l'emprunt contracté pour l'acquisition est de 550 000 euros. Si le chef d'entreprise avait réalisé l'opération dans son patrimoine personnel, il devrait déclarer à l'actif de son ISF 1 000 000 d'euros et au passif 550 000 euros, de sorte qu'il serait taxé sur 450 000 euros. Avec votre rédaction de cet article, il devra déclarer 1 000 000 d'euros sans tenir compte des 550 000 restant dus par la société. C'est un effet pervers auquel les services de Bercy n'ont pas songé.
Les contrats d'assurance-vie reposent sur des sous-jacents aléatoires. Il serait extravagant que ces actifs soient taxés car leur variation à la hausse ou à la baisse entraînerait une grande instabilité de l'impôt.
Bref, vos services vont ont mal inspiré, monsieur le ministre. Ils ont sorti de leurs tiroirs des suggestions qu'ils auraient pu soumettre à tout occupant du sixième étage de Bercy et vous allez vous attirer de sérieux mécomptes. La rue de Montpensier pourrait s'en offusquer, et surtout les épargnants et les patrons de PME. Je devais vous le dire ; la Haute assemblée va trancher.
L'amendement n°I-58 n'est pas adopté.
Mme Sophie Primas. - L'article 9 revient sur l'allégement de l'ISF voulu par le précédent gouvernement. Il complexifie considérablement les choses. Le groupe UMP note avec satisfaction que vous ne revenez pas sur la suppression de la première tranche ni sur l'abattement de 30 % sur la résidence principale.
Néanmoins, ce durcissement envoie un très mauvais signal aux investisseurs et aux créateurs de richesse. Bercy s'est d'ailleurs évertué à vider en partie cette mesure, que François Hollande avait sortie de son chapeau sans concertation avec son propre camp. Vous découragez le travail et le mérite. Les recettes attendues ne seront pas au rendez-vous, au rythme où vont les exils fiscaux...
Le groupe UMP votera contre cet article. Vous nous reprochez de supprimer des recettes ? Nous sommes contre le matraquage fiscal et préconisons des économies sur les dépenses. A l'article 45, nous proposons 10 milliards d'économies supplémentaires.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Sur quelles dépenses ?
Mme Sophie Primas. - Vous omettez de dire que l'allégement de l'ISF était compensé par la suppression du bouclier fiscal, entre autres.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - La belle affaire !
Mme Sophie Primas. - Oui, nous avons des conceptions opposées aux vôtres.
L'article 9 est adopté.
L'amendement n°I-359 n'est pas défendu.
L'article 9 bis est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°I-156, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC.
Après l'article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 278-0 bis est complété par un G, un H et un I ainsi rédigés :
« G. - Les opérations suivantes réalisées dans le cadre de la politique sociale :
« 1. Les livraisons de terrains à bâtir consenties aux organismes d'habitations à loyer modéré visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ou aux personnes bénéficiaires, au moment de la livraison, d'un prêt mentionné à l'article R. 331-1 du même code pour la construction de logements visés aux 3° et 5° de l'article L. 351-2 dudit code ;
« 2. Les livraisons de logements sociaux neufs à usage locatif mentionnés aux 3° et 5° de l'article L. 351-2 du même code et qui bénéficient de la décision favorable prise dans les conditions prévues aux articles R. 331-3 et R. 331-6 du même code à compter du 1er octobre 1996, et dont l'ouverture de chantier est intervenue à compter de cette date, lorsque l'acquéreur bénéficie pour cette acquisition d'un prêt prévu à l'article R. 331-1 du même code ou d'une subvention de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine et a conclu avec l'État une convention en application des 3° ou 5° de l'article L. 351-2 du même code ;
« 3. Le premier apport de logements sociaux à usage locatif dont la construction a fait l'objet d'une livraison à soi-même mentionnée au II, réalisé dans les cinq ans de l'achèvement de la construction au profit d'un organisme d'habitations à loyer modéré visé à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, à la condition que l'acte d'apport prévoie le transfert de la société cédante à la société bénéficiaire de l'apport, du prêt prévu à l'article R. 331-1 du même code et de la convention mentionnée aux 3° ou 5° de l'article L. 351-2 du même code ;
« 4. Les livraisons de logements destinés à être occupés par des titulaires de contrats de location-accession conclus dans les conditions prévues par la loi n°84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière, qui font l'objet, dans des conditions fixées par décret, d'une convention et d'une décision d'agrément prise par le représentant de l'État dans le département ;
« 5. Les livraisons de logements aux structures d'hébergement temporaire ou d'urgence faisant l'objet d'une convention entre le propriétaire ou le gestionnaire des locaux et le représentant de l'État dans le département et destinées aux personnes visées au II de l'article L. 301-1 du code de la construction et de l'habitation ;
« 6. Les livraisons de logements sociaux à usage locatif à l'association mentionnée à l'article L. 313-34 du même code, lorsqu'elle a conclu avec l'État une convention en application du 4° de l'article L. 351-2 dudit code ;
« 7. Les livraisons de logements à usage locatif à l'association mentionnée à l'article L. 313-34 du même code ou à des sociétés civiles immobilières dont cette association détient la majorité des parts, situés dans des quartiers faisant l'objet d'une convention prévue à l'article 10 de la loi n°2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et destinés à être occupés par des ménages dont le total des ressources n'excède pas le montant mentionné à l'article R. 391-8 du code de la construction et de l'habitation ;
« 8. Les livraisons de locaux aux établissements mentionnés aux 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée, de même pour la seule partie des locaux dédiée à l'hébergement s'agissant des établissements mentionnés au 2° du I du même article, lorsqu'ils hébergent à titre permanent ou temporaire des personnes handicapées, ou des personnes âgées remplissant les critères d'éligibilité au prêt prévu à l'article R. 331-1 du code de la construction et de l'habitation, et que ces locaux font l'objet d'une convention entre le propriétaire ou le gestionnaire des locaux et le représentant de l'État dans le département ;
« 9. Les cessions de droits immobiliers démembrés de logements sociaux neufs à usage locatif mentionnés aux 3° et 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, lorsque l'usufruitier bénéficie d'un prêt prévu à l'article R. 331-1 du même code et a conclu avec l'État une convention en application des 3° ou 5° de l'article L. 351-2 du même code ;
« 10. Les livraisons d'immeubles et les travaux réalisés en application d'un contrat unique de construction de logements dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété à usage de résidence principale, destinés à des personnes physiques dont les ressources à la date de signature de l'avant-contrat ou du contrat préliminaire ou, à défaut, à la date du contrat de vente ou du contrat ayant pour objet la construction du logement ne dépassent pas les plafonds prévus à la première phrase du huitième alinéa de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et situés dans des quartiers faisant l'objet d'une convention prévue à l'article 10 de la loi n°2003-710 du 1er août 2003 précitée ou entièrement situés à une distance de moins de 500 mètres de la limite de ces quartiers ;
« 11. Les apports des immeubles sociaux neufs aux sociétés civiles immobilières d'accession progressive à la propriété effectués dans les conditions prévues aux articles L. 443-6-2 et suivants du code de la construction et de l'habitation :
« H. - Les livraisons à soi-même d'immeubles dont l'acquisition aurait bénéficié du taux réduit en application du G.
« I. - Les livraisons à soi-même de travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement ou d'entretien, autres que l'entretien des espaces verts et les travaux de nettoyage, lorsqu'ils ne bénéficient pas du taux réduit de 7 % de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 279-0 bis et dans la mesure où ces travaux portent sur les locaux mentionnés aux 2 à 8 du G. » ;
2° L'article 278 sexies est abrogé.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Marie-France Beaufils. - Depuis la quatrième loi de finances rectificative pour 2011, le taux de TVA pour la construction de logements sociaux a été relevé de 5,5 % à 7 %, entraînant un surcoût de 250 millions pour les organismes HLM, et donc un renchérissement des loyers. Le président de la République a fixé un objectif de 150 000 nouveaux logements sociaux par an. Il faut revenir au rôle régalien de l'État en matière d'aide à la pierre, avec un prêt à taux zéro pour les offices, qu'il faut sortir de l'étau financier. La TVA va encore augmenter, à 10 % : c'est très inquiétant. Il faut une politique volontariste en faveur du logement social.
M. Christian Bourquin. - Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Très bien !
L'amendement n°I-271 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°I-328 rectifié, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Après l'article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa de l'article 278 sexies du code général des impôts, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 5,5 % ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Joël Labbé. - La production de logements sociaux est un service de première nécessité. Ramener le taux de TVA de 7 % à 5,5 % dégagera une capacité d'investissement supplémentaire de 270 millions d'euros, indispensable pour atteindre l'objectif de création de 150 000 nouveaux logements ainsi que de la lutte contre la précarité énergétique.
M. le président. - Amendement identique n°I-403 rectifié, présenté par Mme Lienemann et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La TVA de 5,5 % pour le secteur du logement social a été mis en place au moment où le mode de financement global du logement social changeait, sous l'impulsion de M. Périssol. On s'est aligné sur la pratique des pays européens. En passant à 7 %, le gouvernement précédent a fragilisé le logement social. La création de 500 000 logements suppose la mobilisation de tous. Or certaines collectivités locales ne peuvent pas suivre...
L'augmentation des prix de la construction a été bien plus forte que celle des loyers. La part que la Caisse des dépôts et consignations consacre aux organismes diminue, elle est passée de 82 % il y a quelques années à 74 % aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que les opérations n'étant plus équilibrées, elle ne peut prêter avec risque. Les fonds propres des organismes ont donc augmenté de 20 %, pour atteindre entre 30 et 45 % en Ile-de-France.
Le Premier ministre a fait un excellent discours mais on manque de moyens pour financer des logements à loyer abordable et non, comme aujourd'hui, au-dessus du plafond de l'APL.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Les recettes à compenser existent : j'ai déposé un amendement inspiré par la fondation Abbé-Pierre qui propose d'instaurer une taxe sur les transactions immobilières supérieures à 10 000 euros le mètre carré.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Le passage de 5,5 à 7 % du taux de TVA pose un vrai problème mais ces amendements ne peuvent être que d'appel. Je comprends que le taux de 10 %, vaguement évoqué à la suite du rapport Gallois, inquiète. Nous y reviendrons quand nous serons saisis des textes qui mettront en oeuvre le pacte de compétitivité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Quand ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Très prochainement ! Cela se compte en jours. Dans l'immédiat, je demande le retrait.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Même avis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le problème, c'est cette année. Pour sortir un logement HLM, il faut trois ans. Si les organismes HLM ne sont pas financés dès cette année, l'engagement de 500 000 logements ne pourra être tenu. Des recettes peuvent être trouvées ! Cette proposition est d'une actualité brûlante.
M. Joël Labbé. - Je maintiens moi aussi mon amendement. Les recettes sont prévues. Le logement est une grande cause nationale.
Mme Marie-France Beaufils. - Je partage cette position. Il faut agir dès maintenant pour que les projets sortent de terre.
M. Jacques Mézard. - Nous soutenons ces amendements. Le Sénat représente les collectivités territoriales. Élus locaux, nous sommes concernés par la construction de logements sociaux dans nos départements. Le Gouvernement a pris des engagements. Il ne peut y avoir de promesses à géométrie variable.
M. Christian Cambon. - Rien n'est moins sûr.
M. Jacques Mézard. - Nous connaissons les difficultés des organismes HLM. La loi Duflot était urgentissime, disiez-vous. Par cohérence, il faut voter ces amendements car il faut aller vite. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Je défends la position de la commission qui est hostile à ces amendements.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Bien sûr !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Nous avons besoin de savoir quand le Gouvernement agira sur les taux de TVA : dans le collectif de fin d'année ou pas ? Nous avons besoin d'une réponse. La commission des finances ne peut souscrire à une mesure ponctuelle dès lors qu'une réforme plus globale est imminente. Madame Lienemann, le gage de votre amendement n'est pas celui que vous avez annoncé : c'est le classique gage tabac.
Monsieur le ministre, nous sommes tous inquiets des perspectives du logement social. Les parcours résidentiels peuvent être mis à mal si le lancinant problème du CIF n'est pas réglé : c'est une branche du mouvement HLM.
On a besoin des prêts à l'accession sociale à la propriété. Le rapporteur général va auditionner et publier prochainement un rapport. Je souhaite encore une fois que le Gouvernement nous éclaire sur ses intentions.
M. Christian Bourquin. - Après l'ISF, le logement social : voilà les curieux enchaînements de la loi de finances... Sommes-nous vraiment la chambre du territoire ? Si nous manquons l'occasion de l'être, nous préfigurerions ce que peut devenir cette chambre avec la fin du cumul des mandats.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Une catastrophe !
M. Christian Bourquin. - Le logement social est un produit de première nécessité : votons ces amendements, qui sont un message fort de solidarité !
Mme Michèle André. - Nous sommes tous sensibles au problème du logement social, cumul ou non. Il faut entendre l'argument du rapporteur général. Le débat viendra bientôt à l'ordre du jour. N'est-il pas raisonnable d'attendre ?
Mme Sophie Primas. - Je parle en mon nom propre. J'ai bien compris l'argument du rapporteur général mais « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ». Le coup de pouce au logement social doit être immédiat, d'autant que la nouvelle loi Duflot va exiger un effort supplémentaire des collectivités territoriales. L'efficacité de la construction aura un effet vertueux sur l'économie. Je voterai les amendements.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Je conteste que certains soient plus légitimes que d'autres en cette matière. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame)
Ne préjugeons pas ce que sera l'équilibre global de la réforme des taux de TVA, au risque d'ouvrir la porte à toutes sortes de contestation. Le Parlement sera bientôt saisi. On ne peut pas dire que rien n'aurait été fait en faveur du logement social. Que faites-vous de la prolongation jusqu'en 2014 des exonérations de plus-values en matière de cession de logements sociaux ? De la suppression du PPF ? De l'exonération d'impôt sur les sociétés des bailleurs sociaux pour les certificats d'énergie ? Cela représente près de 1 milliard d'euros.
L'équilibre de cette loi de finances est déjà compromis par le rejet de l'article 6 par le vote conjoint de la droite et du groupe CRC. N'allons pas en rajouter ! D'autant que le Gouvernement, si ces amendements étaient votés contre son avis, ne lèverait pas le gage. Or, l'augmentation des taxes sur le tabac, proposée par Mme Lienemann, est totalement irréaliste, d'autant qu'elle viendrait s'ajouter à la récente augmentation du prix du tabac.
J'insiste pour que vous retiriez vos amendements, au bénéfice du projet de loi à venir sur les taux de TVA. Leur adoption compromettrait la bonne fin de cette première partie de la loi de finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - A l'article 10, la commission des finances sera favorable à l'amendement n°I-253 du groupe CRC, qui répond à l'urgence en réactivant un dispositif en faveur du logement social. Le sujet est donc pris en compte.
Mme Marie-France Beaufils. - Le ministre nous parle des certificats d'énergie ; il aurait pu mentionner le prélèvement sur le 1 % logement au bénéfice d'autres objectifs. Il faut donc faire la part des choses. Si nous n'avons pas voté l'article 6, hier soir, c'est qu'il est ressorti de l'Assemblée nationale avec une perte de 750 millions d'euros pour satisfaire les pigeons. Nous ne pouvions y souscrire.
Ramener à 5,5 % la TVA pour le logement social, c'est affirmer, en loi de finances, que l'on en fait une vraie priorité.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Cette demande est une constante à gauche, dans cette assemblée et dans le mouvement HLM. Elle ne date pas d'hier. On n'atteindra pas l'objectif de 150 000 logements en dépit de tous les efforts, réels, du Gouvernement, sans cela. Le gage, monsieur le ministre ? Mais tenons compte du moment du débat. J'ai indiqué que je déposais un amendement pour y pourvoir.
A faire le bilan de ce que l'État verse pour un logement social et ce que celui-ci touche, on est tout juste à l'équilibre. Cette affaire de TVA n'est pas conjoncturelle : la TVA sur le logement social doit être structurellement minorée.
M. Joël Labbé. - Nous ne doutons pas de la volonté du Gouvernement mais il faut parer à l'urgence. Nous maintenons l'amendement.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendement nosI-56, I-328 et I-405,mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
L'amendement n°I-269 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°I-292, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après l'article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du 1° du I de l'article 726 du code général des impôts, le taux : « 0,1 % » est remplacé par le taux : « 0,2 % ».
Mme Michèle André. - Cet amendement de cohérence vise à aligner les taux de la taxe sur les transactions financières et celui du droit d'enregistrement portant sur les cessions de droits sociaux.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Favorable à cet amendement de cohérence qui rapportera plusieurs dizaines de millions d'euros. J'avais soumis un amendement analogue à la commission.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Même avis sur cet amendement qui répare un oubli manifeste.
L'amendement n°I-292 est adopté et devient un article additionnel
La séance est suspendu à midi vingt.
11
Samedi 24 novembre 2012 |
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Sommaire
Loi de finances pour 2013 (Suite)1
Discussion des articles de la première partie (Suite)1
Article 91
M. Éric Bocquet1
M. Philippe Marini, président de la commission des finances1
Articles additionnels4
Article 104
Article additionnel4
Article 114
Articles additionnels4
Article 124
M. Philippe Marini4
Articles additionnels4
SÉANCE
du samedi 24 novembre 2012
27e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Didier Guillaume,vice-président
Secrétaires : M. Jean-François Humbert, M. Gérard Le Cam.
La séance est ouverte à 10 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.