SÉANCE
du jeudi 22 novembre 2012
25e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires : Mme Michelle Demessine, Mme Marie-Noëlle Lienemann.
La séance est ouverte à 11 h 5.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Loi de finances pour 2013
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2013.
Discussion générale
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances . - Nous avons l'honneur de vous présenter le projet de loi de finances pour 2013. Nous voulons une croissance plus forte, plus équilibrée, plus solidaire. Il existe une voie pour réduire la dette et les inégalités et relancer la croissance. Elle est étroite, c'est celle que le président de la République a définie et que les Français ont choisie. La marche à franchir en 2013 est haute car la France paie le prix de déséquilibres persistants : 10 % de chômeurs, creusement des inégalités, déficit commercial de 70 milliards, désindustrialisation, dérive financière du pays -1 700 milliards de dette, 91 % du PIB, 600 milliards de dette publique supplémentaire en cinq ans. Tout cela alors que produisons moins qu'en 2007. Tel est le constat objectif.
Pour y répondre, gardons-nous des fausses solutions. L'austérité et la fin du modèle français ? Ce serait irresponsable, inacceptable. Refuser pour autant le retour aux 3 % en 2013 ? Le désendettement est une nécessité : la dette favorise la rente au détriment de l'investissement productif, elle creuse les inégalités, elle entrave le financement des services publics. Nous prenons nos responsabilités : on peut allier sérieux budgétaire et croissance, justice sociale et efficacité économique. Notre stratégie actionne plusieurs leviers avec un but : renouer avec la croissance. Sur le plan international, nous refusons l'austérité et oeuvrons au redémarrage de la croissance mondiale et européenne. Sous l'impulsion de la France, la politique européenne a été réorientée.
Hier, l'Eurogroupe n'a pas tout à fait trouvé de solution pour la Grèce mais nous devons et pouvons le faire, nous le ferons très vite. Le Conseil européen des 18 et 19 juin a consacré cette réorientation : recapitalisation de la Banque européenne d'investissement, project bonds, coopération renforcée pour créer une taxe sur les transactions financières. (M. Yvon Collin approuve)
La supervision bancaire progresse. Un nouvel instrument d'intervention sera créé. Notre pays est moteur, il est écouté.
En France, nous répondons à l'urgence économique et sociale tout en oeuvrant au retour de la croissance. Les mesures de l'été visaient à renforcer la consommation des ménages. Il fallait dans le même temps lancer des réformes structurelles, à commencer par une réforme du financement de l'économie. Le projet de loi portant création de la Banque publique d'investissement est devant l'Assemblée nationale. Cette banque sera opérationnelle en 2013, au service des petites et moyennes entreprises. Nous réformerons l'épargne réglementée et le système bancaire pour mettre l'épargne abondante des Français au service de l'économie réelle. Enfin, nous avons ouvert le chantier de compétitivité, avec le plan annoncé par le Premier ministre à la suite du rapport Gallois.
Le crédit d'impôt proposé sera simple et efficace ; il pourrait créer 300 000 emplois et représenter 0,5 point de PIB. L'impact de ces milliards sera visible dès 2013 ; le coût pour les finances publiques sera différé à 2014. En même temps, nous demandons aux entreprises des engagements, notamment sur la sécurisation de l'emploi et la gouvernance. La négociation qui vient de s'ouvrir est essentielle.
Notre politique budgétaire s'inscrit dans cet agenda de croissance. Nous avons désormais un pilotage intelligent des finances publiques, avec la notion de solde structurel et un mécanisme de correction respectueux du Parlement. Notre action sera conduite en deux temps. D'abord le redressement, dès ce projet de loi de finances, puis le retour à l'équilibre structurel dès 2016. Nous rendrons ainsi des marges de manoeuvre à l'action publique. Le sérieux budgétaire n'est pas un boulet, il n'est pas incompatible avec nos engagements, avec le changement annoncé. Au contraire, il en est la condition car nous devons pouvoir continuer à emprunter à taux faible. Quand les conditions de financement de l'État se dégradent, les entreprises en souffrent car elles ne parviennent jamais à emprunter à un taux plus faible que l'État.
Nous exigeons d'être jugés sur les résultats obtenus, non sur les moyens utilisés. L'effort fiscal doit être combiné avec une réforme des administrations, un examen minutieux des finances publiques, un souci pédagogique, une implication renforcée du Parlement dans les règles de gouvernance financières : nous ouvrons le chantier de la modernisation de l'action publique.
L'effort doit être partagé entre secteur privé et public. Nous cherchons les marges de manoeuvre là où elles existent, sans reproduire le systématisme aveugle et destructeur de la RGPP. L'effort de maîtrise des dépenses est lourd ; nous ne pouvons pas aller plus loin car la dépense publique est aussi un stimulateur de croissance : la réduire excessivement aurait un effet récessif.
Notre stratégie économique est cohérente. Ce projet de loi de finances en est la première pierre. C'est un budget d'assainissement juste. Si le redressement est un impératif, il existe un mauvais redressement, qui assèche les administrations, frappe les plus modestes, étrangle les entreprises. Le bon redressement, celui que nous vous proposons, ouvre la voie à une croissance durable, il préserve la demande et crée les conditions du rebond.
Il n'y a pas de hausse indifférenciée des impôts mais une réforme de structure qui rétablit la progressivité de l'impôt, en particulier de l'imposition des personnes.
C'est le sens des mesures que vous connaissez. Il n'est pas normal que l'on soit moins taxé quand on s'enrichit en dormant que quand on peine en travaillant. La réforme sera neutre pour 99,9 % des contribuables ; seuls les plus aisés sont visés.
Ce budget préserve nos capacités de croissance. Il n'y a pas d'effort acceptable sans perspectives meilleures. Le Gouvernement épargne les PME, il étend le crédit impôt-recherche (CIR). Le projet de loi de finances rectificative comportera des mesures contre la fraude fiscale. Ce budget sollicite l'État mais préserve les dépenses d'investissements. Nous refondons le paysage de nos finances publiques, avec six textes financiers en six mois. Le redressement du pays est une mission trop exigeante pour pouvoir être menée sans la contribution de tous, du pays, de la société civile, du Parlement. C'est un rendez-vous historique : nous sommes à la croisée des chemins. Réussissons ce redressement et nous conserverons notre place de cinquième économie mondiale. Si nous échouons, nous entrerons dans la spirale du déclassement, de la perte d'influence. Faisons le bon choix.
Nous n'avons pas le droit de nous défausser. Pas de fuite en avant, pas d'atermoiements. Le Gouvernement a conscience de ses responsabilités. Nous écoutons, nous travaillons, nous cherchons la voie la plus efficace et la plus juste. Je souhaite que le Sénat nous y aide. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - Ce projet de loi de finances est la suite de la loi de finances pluriannuelle, du PLFSS et de la loi de finances rectificative de l'été dernier. C'est un précédent aussi, avant la traditionnelle loi de finances rectificative de fin d'année. Cet ensemble est grave mais le Gouvernement le tient pour nécessaire. Il faut rompre avec l'équation budgétaire insoluble de ces dix dernières années : diminuer les ressources sans diminuer les dépenses à due concurrence.
Entre 2002 et 2007, le rendement de l'impôt sur le revenu a baissé de 30 % : c'était un engagement de M. Chirac et les ministres du budget successifs, dont Jean-François Copé, s'y sont employés. Les niches fiscales ont progressé : leur coût est passé de 50 milliards en 2002 à 75 milliards en 2007. Le paquet fiscal de l'été 2007 a coûté 12 milliards et a été financé par l'endettement. La réforme de la taxe professionnelle a coûté 7 à 8 milliards la première année, 5 milliards en vitesse de croisière ; l'abaissement de la TVA restauration, 2,3 milliards -le tout financé par l'emprunt. Des ressources de l'État délibérément réduites, des dépenses augmentées : le résultat, c'est l'endettement qui a tant affaibli la position de la France. Ce gouvernement est obligé de prendre des mesures difficiles ; il faut en rappeler les raisons ! (M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, approuve)
Entre 2002 et 2007, la dette s'est accrue de 300 milliards, sans la crise. Entre 2007 et 2012, elle s'est encore alourdie de 600 milliards d'euros. Avec la crise, sans doute, mais la Cour des comptes a considéré que le déficit de 2010 n'était dû que pour un tiers à la crise.
Il nous faut sortir de cette équation. La rupture est nécessaire. Pour une raison d'efficacité, d'abord : l'endettement, c'est autant en moins pour l'action publique, pour l'emploi ; c'est creuser le déficit du commerce extérieur. Dépendre à ce point des marchés et des agences de notation, c'est en outre dangereux car cela revient à abandonner notre souveraineté nationale à des gens qui n'ont aucun compte à rendre au peuple. Moralement, enfin, nous ne pouvons faire supporter aux générations futures cette dette qui ne crée aucune richesse pour elles.
Ce projet de loi de finances s'inscrit dans cet ensemble. L'effort demandé au pays est juste, nous voulons que nos concitoyens le perçoivent comme tel. La très grande majorité de l'effort -rude, je ne le conteste pas- portera sur les ménages et entreprises qui peuvent l'assumer.
Les mesures nouvelles mises en place par le Gouvernement ne sont pas financées par l'emprunt. La hausse de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire l'est par un prélèvement de 480 millions sur les 14 milliards du quotient familial, pour bénéficier à des familles qui ne bénéficient pas de ce quotient puisqu'elles ne sont pas imposables. Le retour à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont travaillé longtemps et durement est financé par un relèvement de 0,1 point des cotisations sociales, prélèvement au service de la justice.
Politique nouvelle aussi puisque nous restaurons le grand service public de l'Éducation nationale, que nous en finissons avec les suppressions aveugles de moyens humains là comme dans la police, la gendarmerie, la justice. Des postes seront créés, d'autres seront supprimés. Nous supprimons 614 équivalents temps plein travaillé au ministère de l'intérieur et 2 353 à Bercy ; nous créons près de 500 postes dans les services de sécurité et 10 011 à l'Éducation nationale. Au total, sur la mandature, les effectifs de l'État resteront stables, la règle « zéro valeur » sera respectée. En 2008, le gouvernement Fillon augmentait la dépense de l'État de 3,3 %, nous en sommes à 0,3 %. Relativisons les critiques... Je n'aurai de cesse de rappeler ces chiffres si nous sont opposés des contre-vérités sur notre laxisme supposé : nous faisons dix fois mieux que le gouvernement Fillon ! Oui, il y a bien une économie de 10 milliards d'euros sur l'évolution tendancielle de la dépense publique.
Il est vrai que les investissements publics prévus sont amputés, choix douloureux. Les dépenses de défense nationale sont maîtrisées et je salue le ministre de la défense pour ce budget de transition qui préserve les programmes, assure la sécurité nationale. L'économie sera de 2,2 milliards. Oui, il y a une économie de 2,8 milliards sur les dépenses de fonctionnement, de 2 milliards sur les investissements, de 2,4 milliards sur l'Ondam. Au total, l'économie sera l'an prochain de 12,5 milliards d'euros.
M. François Patriat. - C'est la première fois !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Le Gouvernement met en oeuvre sa volonté de rupture afin que la parole de la France retrouve toute sa force grâce au respect de nos engagements.
Un mot des collectivités locales. Les dotations sous plafond seront soumises à la norme « zéro valeur », mais le FCTVA sera sorti de ce champ car l'investissement est une bonne dette, il sert aux générations futures, qui peuvent participer à son remboursement. L'effort de 1,5 milliard d'euros en trois ans, soit 2 %, doit être supportable car l'État ne peut seul assumer le retour à l'équilibre. Les autres administrations publiques ne peuvent être exonérées de tout effort, même si l'État en prend la part du lion. Difficile pour la droite de le nier, sauf à se dédire...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous parlez d'expérience !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Ce budget s'inscrit donc, je le répète, dans un ensemble qui doit rétablir la santé de nos finances publiques. Oui, nous demandons des efforts aux ménages, avec une tranche à 45 %, tout en maintenant la contribution Carrez. Oui, il y aura une restauration de l'ISF, que la précédente majorité avait cru bon de réduire de 2 milliards d'euros au moment où elle augmentait la CSG... Elle n'avait pas été en arrière de la main quand il s'agissait d'augmenter les impôts !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous n'avez pas annulé ces augmentations.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Si vous aviez dû vous résoudre à relever les impôts en fin de législature, c'est bien que vous aviez trop sabré dans les ressources auparavant.
Nous assumons cet effort. La fiscalité des revenus du capital sera alignée sur celle des revenus du travail, avec quelques aménagements que nous assumons, au nom de la compétitivité. Le précédent président de la République en avait d'ailleurs jeté les bases, même s'il avait fait tout le contraire...
Effort également demandé aux entreprises, à celles qui le peuvent, celles qui continueront à investir malgré cet effort. Suppression donc de la niche Copé, même si le président de la commission a toujours dit qu'elle devrait s'appeler niche Marini. Reste que M. Copé est plus connu, peut-être pour de mauvaises raisons.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est très déplacé et de très mauvais goût !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Au-delà de votre indignation, je ne doute pas que vous trouverez des arguments auxquels je répondrai...
Ce budget est indispensable pour rompre avec l'endettement. L'effort demandé aux ménages et aux entreprises est juste. L'économiste Charles Bettelheim disait que quand on cesse de compter, c'est la peine des gens que l'on oublie. Alors oui, nous comptons car nous n'oublions pas la peine des gens et nous voulons que la France retrouve sa place dans le concert des nations. La puissance d'un pays ne se mesure pas seulement au nombre de ses sous-marins nucléaires et à sa place au Conseil de sécurité, elle se mesure aussi à la force de son économie et de son industrie.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est vrai.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Je le répète, cet effort est grave mais indispensable. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - Ce projet de loi de finances sera bientôt complété par le projet de loi de finances rectificative qui instaurera le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi de finances fantôme de 2009, caduc sitôt adopté, ni avec celui de l'an dernier, dont l'équilibre devait reposer largement sur une loi de finances rectificative.
L'annonce de ce crédit d'impôt apporte un éclairage utile à notre débat. Depuis l'été, le Gouvernement annonçait des mesures pour la compétitivité : on voit qu'il ne s'agissait pas d'une posture mais d'une vraie volonté politique.
J'aurais aimé que le Gouvernement trouve au Sénat une large majorité...
M. Albéric de Montgolfier. - Ça va être difficile !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - ...pour le soutenir dans la lourde tâche de réduction de 30 milliards du déficit des administrations publiques, pour sortir enfin de la procédure pour déficit excessif. Le Sénat a rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques ainsi que le PLFSS. Mais la commission des finances a approuvé la première partie de ce budget. Nous verrons mercredi soir si l'objectif de redressement est partagé par une majorité. Le Sénat sera-t-il à ce rendez-vous historique ? Je veux le croire.
Que le Gouvernement ne s'écarte pas de son cap. La crise de la zone euro n'est pas finie. Heureusement, les États européens ont montré leur union, sinon leur solidarité, grâce au mécanisme européen de stabilité (MES). La consolidation de la zone euro reste une priorité. Ce projet de loi de finances prévoit de doter le MES de 6,5 milliards d'euros : c'est la première dépense nouvelle. Nous ne lésinons pas avec la stabilité de la zone euro.
L'union bancaire doit vite voir le jour. Quand l'Europe n'avance pas, elle recule.
Le premier front, pour le Gouvernement, c'est la discipline budgétaire. Le deuxième, c'est la compétitivité et la croissance, pour rétablir l'équilibre de notre balance des paiements. Le troisième front, c'est la justice sociale : les efforts demandés ne seront acceptés par nos concitoyens que s'ils sont perçus comme justes. Le chômage, les inégalités croissantes menacent la cohésion de notre société.
Sur ces trois fronts, ce projet de loi de finances est au rendez-vous. Le déficit sera réduit de 83 à 61 milliards, pour revenir au niveau d'avant la crise, grâce au gel en valeur des dépenses. Tous les ministères seront mis à contribution. L'effort est conduit dans la durée.
On nous accuse de concentrer, en 2013, l'effort sur les recettes. C'est le meilleur choix : à court terme, les hausses d'impôts sont moins récessives que les baisses brutales de dépenses, de récentes études du FMI l'ont confirmé.
L'autre faiblesse alléguée de ce projet de loi de finances serait l'hypothèse de croissance retenue. Le débat est légitime mais encore faudrait-il s'armer d'arguments ! Le Gouvernement se fonde sur le consensus économique. D'ailleurs, dès le 1er mars 2013, la création du Haut conseil des finances publiques changera la donne.
La croissance, ensuite. L'agence Moody's a dégradé notre note : c'est dire la nécessité de mener des réformes structurelles.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - C'est ce que nous disons !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Avant même le pacte pour la compétitivité, le Gouvernement investit dans l'éducation, renforce le CIR pour l'innovation, les fonds d'investissements de proximité...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Pas suffisant, dit Moody's !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - La justice sociale, enfin : c'est le sens du retour à la progressivité de l'impôt sur le revenu, avec la nouvelle tranche à 45 %, de la contribution à 75 % pour les plus hauts revenus,...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Il n'y en aura bientôt plus !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - ....de la réduction ou suppression des niches...
M. Albéric de Montgolfier. - Et l'outre-mer ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - ...de l'alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, avec la fiscalisation des carried interests. Si même les États-Unis s'orientent dans ce sens, difficile pour nous de ne pas faire de même !
La progressivité de l'impôt suppose aussi la restauration d'un véritable impôt sur la capacité contributive que représente la détention du patrimoine : l'ISF.
La réforme du régime des plus-values immobilières mêlera incitations et sanctions pour remettre des biens sur le marché. Le dispositif « Duflot » sera mieux ciblé que le « Scellier ». En matière d'accession sociale à la propriété, l'État apportera sa garantie au Crédit immobilier de France. La commission des finances s'est mobilisée à ce sujet ; depuis la table ronde du 3 octobre, un groupe de travail a été mis en place ; je rendrai compte de ses travaux le 4 décembre. En attendant, la commission des finances a adopté un amendement à l'article 30 qui incite le Gouvernement à tirer toutes les conséquences des évolutions actuelles, très inquiétantes.
L'imposition des PME et des grandes entreprises doit être différenciée.
Le Sénat ne serait plus le Sénat s'il ne souhaitait que la justice s'étende aux collectivités territoriales. Certes, celles-ci doivent participer à l'effort collectif de redressement : elles représentent près de 20 % des dépenses, hors fiscalité transférée. Il convient de renforcer la péréquation tout en les associant à la définition des nouvelles règles comme au contrôle des normes.
Les dés ne doivent pas être pipés : la révision des valeurs locatives, sur lesquelles sont assis les impôts locaux, est indispensable. Le Gouvernement a accepté l'an dernier mon amendement sur la révision des valeurs locatives professionnelles, j'espère qu'il en sera de même pour les valeurs locatives d'habitation.
L'an dernier, la majorité sénatoriale avait présenté sa vision du retour à l'équilibre des finances publiques : 50 milliards d'économies sur les dépenses, 50 milliards des hausses d'impôt. C'est bien le choix du nouveau Gouvernement.
M. Yannick Botrel. - Nous sommes en pleine cohérence.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Nous avions aussi remis en cause les mesures du précédent gouvernement, appelé à une meilleure progressivité de l'impôt, à un renforcement de l'ISF, entre autres. Le projet de loi de finances acte ces mesures !
Je m'y retrouve pleinement et je souhaite qu'il soit voté par le plus grand nombre d'entre nous. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
M. Philippe Marini, président de la commission des finances . - Le budget est le texte fondateur de la politique économique d'un pays, l'expression de la volonté d'une majorité. C'est ce que devrait être cette loi de finances. Or, quel décalage entre le texte rédigé cet été et la réalité économique, financière, sociale, internationale !
Les hypothèses de croissance que M. le ministre de l'économie a, comme ses prédécesseurs, qualifiées de volontaristes -0,8 %, 2 % pour les années suivantes- sont au-delà de la branche haute de la fourchette établie par les conjoncturistes !
M. Claude Haut. - Il ne faut pas les écouter...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Une révision douloureuse en cours d'année est prévisible.
Il faudra économiser bien plus que 10 milliards. Surtout, cette loi de finances initiale semble être le dernier acte de votre ancienne politique économique, avant le tournant ou, du moins, l'inflexion habilement préparée par le rapport Gallois.
Enfin, information trop banalisée, une deuxième agence de notation vient de dégrader notre note.
Je regrette que le discours de M. le ministre du budget ait été polémique, partisan.
M. Jean Germain. - Ho !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Honte à moi !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce qui est en cause, ce ne sont pas les mérites respectifs de M. Cahuzac et de Mme Pécresse, c'est le crédit de la France, la confiance que l'on peut avoir en elle. En 2013, nous serons le premier émetteur en euros : pas moins de 160 milliards d'euros devront être trouvés l'an prochain sur les marchés financiers, que l'on n'ose plus considérer comme des ennemis.
Comment parvenir à un déficit à 3 % ? Nous adhérons totalement à cet objectif ; sans nos voix, vous le savez, le Sénat n'aurait pas adopté la loi organique pour le TSCG. La voie a été tracée courageusement par le gouvernement de François Fillon. (Sourires sur divers bancs)
M. Claude Haut. - A moitié... Et Copé ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Je le dis solennellement, je crains que nous n'atteignions pas cet objectif. La prochaine loi de finances rectificative sera le premier acte de votre nouvelle politique. Ne serait-il pas plus responsable, pour restaurer notre crédit, de faire voter en même temps les dépenses et les recettes ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - On se moque de nous.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - A-t-on oublié la bonne nouvelle de 2012 : une économie de 2,4 milliards d'euros sur les intérêts de la dette -sans quoi les objectifs de la loi de finances initiale n'auraient pas été possible ?
Est-il responsable de présenter au Parlement cette politique de compétitivité en deux temps, de créer d'abord de nouveaux engagements pour l'État, le crédit d'impôt, puis de relever la TVA ? Les entreprises constateront bien une créance sur l'État ! Il faudra bien leur rendre une partie des prélèvements supplémentaires de cette loi de finances initiale...
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Vous vous faites peur tout seul !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Tout cela manque de sincérité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - La hausse de la TVA ne nous pose pas de problème. C'est à gauche qu'il faudra convaincre : vous avez entamé ce quinquennat en abrogeant la TVA anti-délocalisation, qui permettait de taxer les importations...
Vous avez annoncé des économies supplémentaires. Où ? Quand ? Avec quelles conséquences ? J'ai lu avec plaisir un commentaire où j'ai cru retrouver l'exposé des motifs de la défunte RGPP...
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - RIP !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Peut-être les auteurs en étaient-ils les mêmes hauts fonctionnaires...
Nos responsabilités sont grandes. Le seul enjeu, c'est la France, sa crédibilité et la confiance que nos concitoyens peuvent avoir en l'avenir. (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)
La séance est suspendue à midi quarante.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 15 heures.