Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
Exposition aux ondes radioélectriques à Carmaux
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Artificialisation des terres agricoles
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
Quel avenir pour le Grand Paris ?
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
Finances de Saint-Laurent du Maroni et de Roura
Publication des comptes des entreprises
Délocalisation des travailleurs du bâtiment
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement
Sécheresse et réhydratation des sols argileux.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement
Vie chère en Nouvelle-Calédonie
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer
Taxe sur les salaires de la MDPH de la Manche
Administration de médicaments par les assistants maternels
Délocalisation de l'Intermarché de Lectoure
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
Route centre Europe-Atlantique
Débat sur l'application de la loi « Handicap »
Débat sur l'économie sociale et solidaire
M. Marc Daunis, président et corapporteur du groupe de travail sur l'économie sociale et solidaire
Mme Marie-Noëlle Lienemann, corapporteure du groupe de travail sur l'économie sociale et solidaire
Débat sur la communication audiovisuelle et le nouveau service public de la télévision
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication
SÉANCE
du mardi 2 octobre 2012
2e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Alain Dufaut.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à vingt questions orales.
Hydroélectricité
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - J'ai attiré l'attention du ministre du redressement productif sur la situation des producteurs autonomes d'hydroélectricité si les contrats dits « H07 » censés remplacer les contrats « H87 », arrivant à échéance en octobre 2012, ne sont pas mis en place rapidement.
L'arrêté attendu a été publié le 10 août 2012. Cela étant, la continuité temporelle entre les anciens et les nouveaux contrats est essentielle afin que les producteurs puissent continuer à écouler leur production sans l'interrompre.
Il serait anormal de faire peser les conséquences du retard avec lequel le décret a été pris sur les producteurs qui souhaitent rester sous obligation d'achat.
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - L'hydroélectricité est importante pour la vitalité des territoires ruraux et le développement des énergies renouvelable. Il y a là des sources d'emplois non délocalisables, liées à l'histoire économique de nos montagnes et nos vallées. Les 1 700 micro-installations représentent 61 % des ouvrages hydroélectriques installés sur les rivières françaises. J'ai été sensibilisée par les élus à l'urgence de ce renouvellement des contrats, les « H97 » arrivant à l'échéance de quinze ans au mois d'octobre de cette année.
L'article 3 de la loi « Nome », à l'initiative du Sénat d'ailleurs, fait exception au principe selon lequel une installation ne peut bénéficier qu'une seule fois d'une obligation d'achat. Il a fallu trouver un bon équilibre afin que les conditions économiques restent raisonnables. L'arrêté que j'ai signé le 10 août est paru au Journal officiel le 5 septembre.
Afin de ne pas pénaliser les centrales ayant investi dans la période récente, l'arrêté a prévu des aménagements spécifiques. Ainsi, la situation de chaque installation est prise en compte.
Le préfet pourra réaliser des contrôles permettant aux services de l'État de constituer un base de données fiable sur la situation de ces 1 080 centrales. Un premier projet de contrat type a été élaboré par EDF. Une réunion de concertation entre les fédérations et la direction de l'énergie s'est tenue le 20 septembre. La possibilité de mettre en oeuvre les contrats avant leur signature est en cours d'analyse afin de garantir les intérêts des petits producteurs, tout en s'assurant du respect de leurs obligations d'investissement. Je donnerai des instructions aux DREAL pour une application homogène sur l'ensemble du territoire. Voilà qui devrait vous rassurer.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Merci pour ces propos effectivement rassurants.
Exposition aux ondes radioélectriques à Carmaux
M. Jean-Marc Pastor . - Les antennes relais d'opérateurs de téléphonie mobile installées dans mon département suscitent les inquiétudes de la population. Il est demandé aux opérateurs de baisser la puissance de leurs antennes. Des études sont en cours sur les risques pathologiques induits par ces ondes radioélectriques. Or la ville de Carmaux a été assignée au tribunal administratif par un opérateur !
Les riverains s'inquiètent de la multiplication des antennes et souhaitent limiter la puissance d'exposition aux ondes à un niveau raisonnable.
Je vous demande si vous envisagez d'actualiser la réglementation en France et d'abaisser les seuils d'exposition.
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - C'est une question sensible, pour les élus comme pour les citoyens, qui donne lieu à de nombreux contentieux. Lors de la conférence environnementale, les enjeux de santé ont été érigés au rang de priorité du Gouvernement. Le principe de précaution fait l'objet de jurisprudences contradictoires. Pour être crédibles, la concertation avec les élus doit être assurée en amont.
En matière de recherche, des travaux d'expertise sont encore nécessaires. Le Premier ministre s'est engagé à assurer l'indépendance des travaux scientifiques. Mission a été confiée à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de faire la synthèse régulière de tous les travaux scientifiques publiés en ce domaine. Dans un rapport de 2009, elle a indiqué qu'il fallait appliquer le principe de précaution pour les enfants et que la baisse du niveau d'émission pouvait avoir pour effet de relever le niveau d'exposition de la tête pour les utilisateurs de téléphones. J'attends un nouveau rapport qui sera rendu début 2013. L'Anses dispose de 2 millions d'euros par an pour mener des recherches sur les ondes électromagnétique, un budget reconduit dans le projet de loi de finances pour 2013.
Les expérimentations ont mesuré que 99,5 % des niveaux d'exposition sont inférieurs à 5 voltmètres et très inférieurs aux valeurs limites réglementaires. Il n'en faut pas moins identifier les lieux géographiques atypiques où l'exposition, bien qu'inférieure à ces valeurs limites, doit être réduite.
Le fonds public pour les mesures du champ électromagnétique, créé par la loi Grenelle I, sera enfin abondé par l'article 26 du projet de loi de finances pour 2013 qui prévoit d'affecter les contributions additionnelles de l'Ifer à l'Agence des fréquences. L'ensemble des dispositions réglementaires nécessaires devrait être publié avant la fin de l'année.
Le Gouvernement tirera en juin 2013 les conséquences de l'ensemble des études disponibles et pourra proposer de nouvelles dispositions, adaptées notamment aux points atypiques où les expositions sont les plus élevées.
M. Jean-Marc Pastor. - Le souci d'une couverture totale et parfaite et l'interrogation très forte, qui posent un problème d'acceptation sociétale, coexistent. Nous sommes soumis au principe de précaution. Nous serons attentifs aux travaux menés par l'Anses et à vos propositions. Rendez-vous en juin 2013.
Crise du vignoble bordelais
M. Philippe Madrelle . - Le vignoble bordelais n'échappe pas à la crise mondiale. Seuls les premiers grands crus classés, comme tous les produits de luxe, se portent bien. Ces grands crus ne représentent que quelques millions de bouteilles sur les 728 millions produites. La montée en puissance de l'achat asiatique est loin de concerner l'ensemble des producteurs.
Le conseil général de la Gironde a mis en place deux plans triennaux de soutien à la filière viticole. Certains viticulteurs sont au RSA. Nombre d'entre eux sont en grande précarité. Des exploitations sont étranglées faute de financements adaptés. Si les viticulteurs ne rechignent pas à payer des cotisations volontaires obligatoires, ils sont sensibles aux grandes inégalités existant au sein du même secteur. Pour établir un barème plus équitable, il faudrait que toutes les interprofessions enregistrent les transactions non seulement en vrac mais aussi en bouteilles. Nous comprenons le souhait des viticulteurs qui veulent plus de transparence.
Le projet de libéralisation des droits de plantation arrêté en 2008 serait catastrophique s'il était appliqué. Je sais pouvoir compter sur votre détermination pour revenir sur cette néfaste mesure, alors que le climat actuel n'est pas serein vu qu'on s'attend à une petite récolte, en Gironde et ailleurs.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - Oui, la viticulture souffre de la crise. Vous l'avez indiqué, la récolte sera historiquement basse. Ce sera pareil partout dans le monde, donc nous ne devrions pas perdre de parts de marché. Les interprofessions ont la liberté de fixer leurs règles. L'État n'intervient que pour assurer le caractère obligatoire de la contribution volontaire ; il peut néanmoins inciter les parties à engager le dialogue pour en assurer une répartition plus équitable.
Même à Bordeaux, grande région viticole, si riche d'histoire, il y a encore des progrès à faire en termes de valorisation commerciale. Il faudra avoir une discussion globale avec l'ensemble des acteurs de la viticulture.
Il y a un sujet européen majeur, celui des droits de plantation. Nous menons la bataille avec d'autres pays. Le vin n'est pas un produit comme les autres ; il faut organiser sa production. Nous avons obtenu la signature d'une plate-forme commune par une dizaine de pays. Il y a une autre bataille à mener, à propos de l'appellation château : j'ai dit tout le mal que j'en pensais.
La viticulture est un atout majeur : donnons lui les moyens de rester le fleuron de notre pays.
M. Philippe Madrelle. - Merci, monsieur le ministre. Nous comptons sur votre détermination.
Artificialisation des terres agricoles
M. Antoine Lefèvre . - J'attire votre attention sur l'artificialisation des espaces agricoles, qui ne cesse d'augmenter. La France perd 26 mètres carrés de terres agricoles par seconde, soit l'équivalent de la surface d'un département tous les cinq ans, alors que la demande alimentaire mondiale ne cesse d'augmenter.
Avec la périurbanisation, certains acquéreurs n'hésitent pas à spéculer sur le changement d'usage des terres. C'est pourquoi nombre d'agriculteurs et de maires ruraux avaient soutenu la loi majorant les droits à construire. La terre est devenue une valeur refuge, avec un prix moyen à l'hectare de 5 430 euros, en hausse de 40 % depuis 1997.
Les 14 et 15 septembre derniers, lors de la conférence environnementale, la FNSEA s'est montrée volontariste sur la préservation des terres agricoles. La prochaine loi sur l'urbanisme abordera-t-elle ce problème ?
L'Assemblée permanente des chambres d'agriculture a lancé un cri d'alarme. Il faudra produire plus pour répondre à une demande alimentaire mondiale en croissance et donc avoir une gestion durable des sols, sans oublier la production d'agrocarburants. L'augmentation de la taxe sur le changement de destination des espaces agricoles de 10 à 15 % serait dissuasive ; les commissions départementales de classement des terres ne devraient pas donner un simple avis consultatif.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - C'est un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Nous ne pouvons plus accepter cette disparition programmée de notre capacité à produire des biens alimentaires. Que de terres gaspillées ! On a cru que notre espace pouvait être consommé sans limite. Il est temps de dire stop.
C'était l'objet de la conférence environnementale, nous travaillons sur les pistes que vous avez mentionnées. Dès l'an prochain, le Parlement se saisira de cette question majeure.
Dans les zones commerciales, les parkings s'étendent de manière insensée pour faire face à quelques heures de pointe par semaine, en induisant des problèmes de pollution. Ma détermination à aboutir est totale.
M. Antoine Lefèvre. - Merci, monsieur le ministre, Je serai à vos côtés et à ceux de vos services pour vous accompagner dans cette lutte contre l'artificialisation des terres.
Logement social
M. Yannick Botrel . - Des projets d'urbanisme et de construction de logements sociaux et adaptés sont remis en cause dans les Côtes d'Armor en raison des ponctions opérées sur les budgets des opérateurs locaux et du manque de crédits d'État, ce qui entraîne des tensions sur le marché de l'habitat.
En Côte d'Armor, seuls les secteurs côtiers sont considérés comme tendus. Ce zonage, sur critères purement techniques, ne garantit pas l'équilibre des territoires. Il écarte, à terme, la possibilité de construire des logements sociaux et adaptés dans les territoires ruraux où la demande est pourtant forte.
Quelles mesures mettez-vous en oeuvre pour enrayer ce phénomène ?
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - Cette question sera à l'ordre du jour du projet de loi de finances pour 2013, où les crédits du logement social feront l'objet d'une mobilisation sans précédent. Nous allons identifier les secteurs les plus tendus, en incluant ceux où la demande sociale est très forte. Un effort sera fourni en faveur des publics spécifiques nécessitant des logements adaptés : 10 000 seront répartis sur l'ensemble du territoire en 2013. Le préfet de la région Bretagne effectuera un zonage plus précis pour répondre aux besoins afin de sortir d'une vision purement administrée. A cette question cruciale, il faut apporter une réponse nuancée et différenciée selon les territoires. J'y veille au sein du Gouvernement.
M. Yannick Botrel. - Merci pour votre réponse. Personne ne peut contester que des territoires sont touchés par une plus forte demande que d'autres. Les zones rurales comptent de nombreuses personnes âgées isolées ; dans des communes situées entre deux bassins d'emploi, des personnes à faibles revenus doivent pouvoir se loger.
Quel avenir pour le Grand Paris ?
M. Philippe Dominati . - Paris et la région capitale ont connu Hausmann, la création des départements du temps du général de Gaulle, l'élection d'un maire grâce à Valéry Giscard d'Estaing et le projet de Nicolas Sarkozy du Grand Paris. Celui-ci repose sur trois piliers : une gouvernance, un périmètre, un budget.
Pour l'instant, ce projet demeure essentiellement bureaucratique : une société d'État, un système de transports, des opérations liées à la recherche. Il appartient au président de la République de poursuivre l'impulsion de son prédécesseur et de résoudre les problèmes institutionnels et financiers.
Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Votre sensibilité politique à tous les pouvoirs : l'État, la région, la ville. Il y a urgence financière : les Parisiens paient plus que les autres, en particulier à cause de la taxe spéciale d'équipement que vous avez combattue comme moi. L'État veut régenter la vie des Parisiens en décidant à leur place. Quid de l'évolution du réseau de transport ? A trois sociétés d'État, on en a rajouté une quatrième, la société du Grand Paris, sans un sou ! Nous avons lancé la réforme consistant à donner les pouvoirs du Stif à la région. Il faut sortir du silence sur ce projet !
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - En réalité, vous posez deux questions : celle de la gouvernance et celle du réseau de transport. Quel est le rôle de l'État ? Nous rompons avec les pratiques passées. Nous venons de remettre en ordre les liens entre les CDT et le Sdrif afin que l'État ne prenne pas la main sur les collectivités locales, avec la loi qui vient d'être votée au Sénat.
Le sous-investissement chronique dramatique de ces dernières années dans les transports en commun doit être réparé.
Le réseau de transport du Grand Paris express sera porté par les collectivités et l'État. Il fait l'objet d'une mission d'évaluation de son séquençage et de son financement. Son budget avait été sous-évalué. Il s'agit de desservir les populations qui en ont le plus besoin. Le financement de ce projet sera garanti par l'État et l'ensemble des acteurs. Vous pouvez être rassuré.
M. Philippe Dominati. - Pas vraiment. Vous n'avez pas encore les réponses. Et j'aurais aimé voir le ministre du budget, assis à vos côtés, confirmer que le financement sera là. Malheureusement, la société du Grand Paris n'a ni le capital ni le financement adéquats pour développer ce système de transport. Pourquoi quatre sociétés d'État ? Il faut de la performance. Nous avons connu la bagarre entre SNCF et RATP avec les projets Météor et Éole ; aucun n'a été réalisé sauf un tronçon, avec vingt ans de retard ! Va-t-on recommencer ?
Les Parisiens paient des impôts pour les autres, sans obtenir de réponses aux problèmes de Paris intra-muros. L'État n'investit plus dans Paris.
Finances de Saint-Laurent du Maroni et de Roura
M. Georges Patient . - Les communes de Saint-Laurent du Maroni et de Roura connaissent un fort déficit structurel depuis des années. Malheureusement, elles sont exclues du dispositif de restructuration mis en place par l'État au profit des communes en difficulté en Guyane. Elles ont connu une augmentation exponentielle de leur population, une incapacité des services fiscaux à actualiser les bases fiscales communales et une perte des recettes liées à l'octroi de mer, spécifique à la Guyane.
L'article L. 2335-2 du code général des collectivités territoriales prévoit des subventions exceptionnelles aux communes. Le directeur général de l'Agence financière de développement a souligné que Saint-Laurent du Maroni y serait éligible.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - Les plans de restructuration mis en oeuvre par M. Lurel n'interviennent que lorsque les collectivités ne sont pas surendettées. Cet outil a été institué pour faire face à des difficultés conjoncturelles, et non structurelles.
Saint-Laurent du Maroni est affectée par une démographie dynamique et une faiblesse de ses recettes de fonctionnement. Le recensement des bases fiscales a permis de les accroître de plus de 31 % : je salue l'implication des élus locaux. Les négociations ont été menées par les services de l'État pour définir un échéancier de paiement des dettes.
La commune est bénéficiaire, en 2012, d'une nouvelle recette, en provenance du fonds de péréquation des ressources des communes, qui devrait monter en charges afin de réduire le déficit structurel de la commune. Cette solution est bien préférable.
M. Georges Patient. - Permettez-moi d'insister sur les causes du déficit structurel de la commune de Saint-Laurent du Maroni, relevant du processus entrant dans le champ de compétences régaliennes de l'État. La révision des bases fiscales a été rendue possible grâce à la mise à disposition de personnel communal. La revendication des communes de Guyane quant à la restitution de la part de l'octroi de mer qui leur est prélevée chaque année est légitime. Elles subissent de ce fait une perte de 27 millions d'euros. Il est temps de le leur rendre.
Publication des comptes des entreprises
M. Christophe Béchu . - La transparence a des vertus. Elle aurait évité des scandales passés, comme ceux d'Enron. Nous comprenons l'obligation légale de publier les comptes des entreprises. Mais, dans la situation de compétitivité de nos entreprises, nous devrions instaurer une réciprocité au sein de l'Europe. Certains concurrents ont accès à des données sans que les mêmes informations soient disponibles pour nos entreprises.
Les textes européens sont très disparates dans leurs modalités : disparité dans les délais, dans les mécanismes de relance lorsque les comptes ne sont pas publiés, dans les seules d'entreprises concernées et, enfin, dans les sanctions.
Ma question est simple : y a-t-il là un sujet ? Si oui, il faut avancer dans l'harmonisation pour restaurer des marges de compétitivité.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget . - Si la question n'est pas nouvelle, elle est effectivement cruciale. Le précédent gouvernement s'en était saisi sans lui apporter de réponse. Notre gouvernement est déterminé.
La publication des comptes est un outil indispensable à la vie économique, élevé au rang de principe dès 1968 par l'Union européenne. Il y a débat sur l'application de ce principe à toutes les entreprises en France où l'on est allé au-delà des exigences européennes.
Ce débat a été relancé par une directive de mars 2012 exonérant les micro-sociétés de cette obligation.
Le chemin de crête est étroit : les entreprises françaises gagneraient-elles réellement à la fin de la publication des comptes ?
Ce problème devrait être traité dans le cadre de la mission sur la compétitivité de nos entreprises confiée par le Premier ministre à deux parlementaires, qui débouchera sans doute sur une saisine du Parlement en 2013. La France doit-elle être exemplaire si personne ne le lui demande ?
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Christophe Béchu. - Merci. Je laisse donc au ministre le soin d'avancer sans plus attendre et de remplir la mission que nous attendons de lui.
Délocalisation des travailleurs du bâtiment
M. Francis Grignon . - Les règles communautaires sur le détachement des travailleurs sont détournées dans le secteur du BTP par les entreprises allemandes. Celles-ci recourent à de la main-d'oeuvre provenant de Pologne, de Hongrie, de Roumanie et de Bulgarie, en jouant sur la confusion entre intérimaires et travailleurs détachés pour payer leurs travailleurs moins cher. Notre région, l'Alsace, en souffre. Et le BTP n'est pas le seul secteur concerné : les maraîchers alsaciens sont en butte aux mêmes difficultés. Que compte faire le Gouvernement ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Vous évoquez des problèmes de dumping social dans des régions transfrontalières. Le code du travail encadre strictement les conditions d'intervention d'une entreprise étrangère en France en application de la directive du 16 décembre 1996. En matière de rémunérations, les entreprises établies hors de France doivent appliquer en France le salaire minimal sans déduire les frais de transport et de logement. J'y insiste car de nombreux contrôles ont mis en évidence des pratiques frauduleuses.
Le Gouvernement n'est pas inactif : le plan de coordination de lutte contre la fraude, de 2012, vise le BTP parmi cinq secteurs d'activité prioritaires. En 2010, la dernière année connue, les contrôles avaient augmenté, concernant 4 500 entreprises du BTP, dont 15 % étaient en infraction. En outre, les actions préventives sont mises en place avec la profession depuis 2005.
Je sais le président de séance sensible aux questions transfrontalières. Le Gouvernement compte sur vous tous pour l'accompagner dans la lutte renforcée contre la fraude, au niveau national comme européen. La commission nationale de lutte contre le travail illégal se réunira dès cet automne pour dresser un bilan et déterminer les priorités du plan national d'action pour l'année qui vient.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Francis Grignon. - Merci de vous être déplacé pour me répondre. J'ai pu apprécier la qualité de vos interventions à la commission de l'économie où vous siégiez il y a quelques mois.
Il y a quelques années, j'ai commis un rapport sur le phénomène du plombier polonais et de la fameuse directive Bolkestein.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
M. Francis Grignon. - Ne laissons pas faire n'importe quoi ! Merci.
M. le président. - Vous connaissez bien, monsieur le ministre, les questions transfrontalières.
Violences faites aux femmes
M. Roland Courteau . - Trop longtemps taboues, les violences faites aux femmes sont désormais durement sanctionnées par la loi du 9 juillet 2010. Soit dit en passant, contrairement à ce que soutenait la précédente majorité, la création d'un observatoire ne serait pas inutile.
Pour faire reculer ce fléau, la prévention est essentielle. La journée du 25 novembre, créée par un amendement sénatorial à la loi de 2010, doit être organisée de manière à sensibiliser les Français à ces violences particulières. De même, les séances d'informations régulières, voulues par le législateur, sont à programmer à l'école. Que comptez-vous faire en ce sens ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement . - Je connais votre engagement dans ce combat. Dès mon arrivée au ministère, je me suis saisie du sujet lors de la discussion sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel.
Un observatoire ? Il est indispensable car les 17 000 faits répertoriés ne représentent qu'une partie de ces violences de genre. En outre, la lutte contre ces violences ne doit pas dépendre du bon vouloir existant dans les territoires.
L'observatoire sera mis en place dans le courant de l'automne. Nous avons demandé à l'Institut national des études démographiques une réactualisation des chiffres.
Récemment, j'étais en Languedoc-Roussillon pour discuter de l'application de la loi de 2010 : les ordonnances de protection sont trop peu utilisées, les places en hébergement d'urgence manquent, le suivi des auteurs de violence laisse à désirer. Oui, la loi -et vous êtes bien placé pour le savoir- est perfectible.
Mise en réseau, orientation des victimes et prévention sont les trois pistes à suivre. Avec M. Peillon, nous ferons en sorte que l'égalité entre filles et garçons soit mise au coeur du pacte républicain à l'école. Car elle s'apprend. Des modules pour l'égalité seront inclus dans la nouvelle formation initiale et continue des enseignants et du personnel de direction et d'orientation.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. - Une expérimentation sera lancée prochainement dans cinq académies pour les 6-10 ans à partir d'activités ludiques. L'obligation d'éducation au respect entre les sexes, posée par la loi de 2010, sera enfin respectée.
La journée nationale du 25 novembre doit être mise à profit pour une formation des professionnels. Dans huit cas sur dix, le silence sur ces violences n'est pas celui des victimes mais celui de la société. Les victimes parlent et nous ne savons pas les écouter, les entendre. Il faut combler cette lacune collective d'écoute.
M. Roland Courteau. - Je salue la richesse de votre réponse et des pistes proposées. Enfin, le législateur est écouté ! Les violences faites aux femmes sont un fléau. Le combattre est un des préalables à l'égalité entre les sexes.
Sécurité civile dans le Var
M. Pierre-Yves Collombat . - Merci, madame le porte-parole du Gouvernement, de venir me répondre en ce matin pluvieux. La dernière fois, c'était le ministre de l'outre-mer qui m'avait donné la réplique. Je finirai bien par avoir le ministre de l'intérieur !
Depuis des années, j'obtiens des réponses dilatoires sur le maintien d'un hélicoptère de la sécurité civile sur la base du Cannet-des-Maures, permettant de secourir les victimes dans un vaste territoire aux reliefs difficiles. Le 26 juillet, j'ai interrogé le nouveau gouvernement. La réponse m'est venue le 18 août par la bouche du ministre : l'hélicoptère sera maintenu. Pour les zones rurales, le changement, c'est bien maintenant ! (Sourires) Je m'en réjouis.
Toutefois, pourrons-nous espérer ne plus devoir nous contenter d'un hélicoptère de type Écureuil ? Il nous faudrait un EC145 ou tout autre type d'appareil permettant un véritable Smur aérien ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement . - J'ai d'autant plus de plaisir à suppléer le ministre de l'intérieur que c'est pour vous apporter une bonne nouvelle. Le 18 août, mon collègue Manuel Valls a confirmé le maintien d'un hélicoptère sur la base du Cannet-des-Maures. Les retours d'expériences sont intéressants, en ce domaine comme dans les autres. L'appareil a servi, en 2011, au transport sanitaire de 600 personnes.
Vieillissants, les quatre hélicoptères Écureuil de la sécurité civile seront mis en vente au cours des années 2012 et 2013 ; l'appareil du Luc sera donc remplacé par un EC-145.
Il s'agit toutefois d'un redéploiement : les moyens aériens de la sécurité civile répondront toujours au principe d'adaptabilité du service public. Si les risques évoluent, l'implantation doit également évoluer. Le principe d'équité territorial doit primer.
M. Pierre-Yves Collombat. - In cauda venenum. En l'occurrence, la cauda est un peu longue et gâche mon plaisir. Le besoin existe, pourquoi tergiverser ?
Sécheresse et réhydratation des sols argileux.
Mme Sophie Primas . - Quand se succèdent des périodes de sécheresse et de réhydratation, les sols argileux subissent des mouvements de terrain qui affectent gravement les infrastructures et les habitations. Le cas se présente dans de nombreuses communes des Yvelines. Les travaux préconisés pour réparer les dommages causés au patrimoine immobilier sont très onéreux.
Ne faut-il pas revoir les méthodes d'analyse scientifique ? M. Guéant avait sollicité Météo-France et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) afin d'aboutir à une meilleure prise en compte de ces phénomènes liés dans la procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle. Il faudrait également s'intéresser à la succession des épisodes de sécheresse et de réhydratation, propice aux mouvements de terrain. Où en est la réflexion du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement . - M. le ministre de l'intérieur et moi-même saisissons cette occasion pour rendre hommage aux victimes.
Des outils perfectionnés sont utilisés pour la procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle, dont le modèle SIM : Safran Isba Modcou, du nom des trois modèles qui en forment la base. Si les premiers résultats sont bons, ils peuvent être améliorés, en particulier pour les sols argileux. M. Valls a obtenu l'accord de Mme la ministre de l'écologie, dont dépend le BRGM, pour la création d'un groupe de travail sur la méthodologie à utiliser pour évaluer les conséquences de la sécheresse.
Enfin, les conclusions du programme de recherches qui étudie le lien entre sécheresse et sol sont attendues pour la fin 2013. Notre détermination, vous le voyez, est totale.
Mme Sophie Primas. - La détresse des personnes sinistrées est réelle. De nombreux sinistrés sont en grande difficulté, les assurances n'ayant pas joué en raison de l'absence de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Ne faudrait-il pas se pencher sur la responsabilité des assureurs, ainsi que sur celle des constructeurs au-delà de l'obligation décennale ?
Roms autour de Genève
M. Pierre Hérisson . - Le Comité d'experts sur les questions Roms au Conseil de l'Europe (Cahrom), où je représente la France depuis 2011, traite la question de minorités Roms sur leur territoire. Trop souvent, on fait la confusion entre Roms et gens du voyage, qui sont pour la plupart de nationalité française. La France est une République qui ne connaît pas la notion de « minorité ethnique ».
Un certain nombre de Roms passent la nuit dans les villes françaises de la périphérie de Genève, où ils vont mendier pendant la journée. La population de Haute-Savoie augmente beaucoup plus que ce que disent les statistiques officielles, si bien que se creuse un déséquilibre dans les effectifs des forces de l'ordre qui nous sont affectées. Dans ces conditions, les Roms jouent à cache-cache avec les forces de l'ordre, qui ne parviennent pas à lutter efficacement contre l'insécurité et les cambriolages. Ne faut-il pas envisager une réorganisation des forces de l'ordre afin de faire face à ce fléau ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement . - Permettez-moi de renverser votre présentation : il ne faut pas lutter contre la délinquance parce qu'elle proviendrait d'un type de population ; il faut lutter contre la délinquance en soi ! De plus, les personnes dont vous parlez sont issues de pays de l'Union et bénéficient donc de la liberté de circulation.
La Haute-Savoie dispose de 946 gendarmes, appuyés par 200 réservistes ainsi que de 74 fonctionnaires de la police aux frontières, de 374 à la direction départementale de sécurité publique et de 255 à l'antenne de police judiciaire. Des actions sont menées régulièrement en coopération avec la Suisse : contrôles thématiques liés à des événements, patrouilles mixtes aux frontières entre les gardes-frontières helvétiques et les effectifs de la police aux frontières. Vous voyez que tous les moyens sont engagés.
M. Pierre Hérisson. - Colonel dans la réserve citoyenne de la gendarmerie, je connais ces chiffres. Hélas, même si les moyens sont importants et s'ils ont été renforcés ces cinq dernières années, les résultats ne sont pas au rendez-vous. La population en a assez !
Il suffit de se rendre tôt le matin à la porte de France, au terminus du tramway qui mène au centre de Genève, pour mesurer le phénomène : des réseaux exploitent la misère. Des femmes jeunes, portant des enfants en bas âge emmaillotés, reçoivent des cartes précises de Genève leur indiquant où elles devront mendier.
Les opérations coup de poing ne sont pas en cause mais l'accent doit porter sur le démantèlement des réseaux. De fait, nous avons affaire non à un problème de misère mais à de la criminalité. Les têtes de réseau déposent les fonds récoltés chaque jour à la banque au vu et au su de tous pour les envoyer en Roumanie. Le sujet n'est pas politique, je vous l'assure.
Vie chère en Nouvelle-Calédonie
M. Hilarion Vendegou . - La situation en Nouvelle-Calédonie est inquiétante. La vie chère ne peut plus durer. Quelles mesures envisagez-vous pour y mettre fin ?
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer . - Cette question a été longuement débattue ici même la semaine dernière avec le projet de loi de régulation économique outre-mer. A cette occasion, nous avons aussi évoqué le cas des collectivités territoriales relevant de l'article 74 de la Constitution, dont la Nouvelle-Calédonie.
Un rapport de l'Autorité de la concurrence vient d'être rendu ; il comporte des préconisations à l'adresse des autorités de Nouvelle-Calédonie, afin d'y développer la concurrence, notamment la suppression des droits de douane à l'importation de produits issus de pays situés hors de l'Union européenne.
La Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de lutte contre la vie chère. L'État l'est pour la tarification bancaire. Il nous a été suggéré d'interdire les frais de tenue bancaires, abolis dans l'Hexagone mais non outre-mer. Nous devrions régler cette question à l'Assemblée, la semaine prochaine, quand y sera discuté le projet de loi de régulation économique outre-mer. Ce qui se fait dans les collectivités territoriales de l'article 74 a inspiré le Gouvernement pour ce projet de loi, en particulier pour instaurer un bouclier qualité-prix qui, selon l'engagement du président de la République, ferait l'objet d'une négociation annuelle.
Voilà ce qui se fait. Ce qui se fera dépendra des compétences du gouvernement Néo-calédonien, qui pourra transposer des mesures de ce projet de loi pour améliorer la concurrence.
M. Hilarion Vendegou. - Je suis très attentif à votre suivi de ces mesures économiques.
Taxe sur les salaires de la MDPH de la Manche
M. Philippe Bas . - La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Manche est redevable de la taxe sur les salaires pour son personnel, selon les services fiscaux, au titre de 2008 à 2011 pour un montant de 216 000 euros.
Or il s'agit d'un GIP créé à l'initiative du législateur, dont les agents n'ont d'autre mission que celle de service public qui leur incombe. Le principe même de cet assujettissement est surprenant. Dans l'hypothèse où le Gouvernement ne réexaminerait pas cette position, il me paraît indispensable que l'État contribue, par une subvention supplémentaire, au versement de cet impôt, au titre de sa participation au fonctionnement de cette maison.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - Le préfet de la Manche a récemment attiré mon attention sur la situation que vous évoquez, à laquelle mes services ont déjà apporté des réponses. Les MDPH sont soumises à la taxe sur les salaires en application du premier alinéa de l'article 231 du code général des impôts. Elles n'y sont pas soumises pour le personnel mis à disposition par l'État ou les conseils généraux. Les exonérer exposerait à de nombreuses demandes reconventionnelles de la part de l'ensemble des GIP. La sécurité sociale a besoin de ressources.
Dès 2006, et vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur Bas, l'État s'est engagé à apporter aux MDPH les moyens antérieurement attribués aux Cotorep. Il a versé globalement 651 millions d'euros entre 2006 et 2011, ce qui représente un effort significatif. Les dettes relatives aux exercices 2006 à 2010 ont été honorées ; l'État ne saurait engager de frais supplémentaires liés aux recrutements opérés par les MDPH.
M. Philippe Bas. - Votre réponse ne tient pas compte des particularités de la MDPH de la Manche. Je laisse de côté la gestion de l'interprétation extensive par Bercy de la loi en vigueur.
Cette maison est située à Saint-Lô ; les fonctionnaires de l'État partent à la première occasion pour Cherbourg. Le département a bien dû remplacer ces fonctionnaires partis ; il ne s'agit pas de recrutements supplémentaires. La situation n'est aucunement liée à une décision de la MDPH. J'insiste pour que l'État réexamine sa position. La réponse que vous me faites n'est pas plus satisfaisante que celle du préfet.
Administration de médicaments par les assistants maternels
M. Bernard Cazeau . - L'aide à la prise des médicaments assurée par les assistants maternels pour les enfants dont ils ont la garde pose un problème d'interprétation juridique. Un avis du Conseil d'État du 9 mars 1989 puis une circulaire du 4 juin 1999 en admettent la licéité, confirmée par une décision du tribunal de grande instance de Nancy, en 2006.
Le doute a été semé par la réponse du Gouvernement à une question orale posée par le député Philippe Vigier le 30 mars 2011. Elle sous-entend que les assistants maternels accueillant des enfants à leur domicile ne peuvent aider à la prise d'un quelconque traitement, hors situation de péril imminent et constant. Cette discordance appelle une mise au point.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - Vous avez raison. Cette réponse à la question orale du 30 mars 2011 a soulevé beaucoup d'interrogations. Elle a été interprétée comme interdisant implicitement aux assistants maternels d'administrer des médicaments, donc d'accueillir un enfant malade. Une circulaire récente de la DGS a précisé que l'administration de médicaments est considérée comme un acte de la vie courante lorsque le médecin l'a prescrit par une ordonnance. Le décret du 15 mars 2012 fixant les critères d'agrément prend en compte la capacité du candidat à connaître les règles relatives à l'administration des médicaments.
La réglementation est donc claire et protège la sécurité des enfants et des assistants maternels.
M. Bernard Cazeau. - Merci de cette réponse rassurante pour les formateurs comme pour les assistants maternels. L'ambiguïté est levée.
Délocalisation de l'Intermarché de Lectoure
M. Aymeri de Montesquiou . - Je suis très heureux de votre présence, monsieur le ministre. Intermarché a décidé, sans dialogue social, de délocaliser sa base, pourtant bénéficiaire, de Lectoure, dans le Gers, vers Monbartier, dans le Tarn-et-Garonne. Lectoure est le symbole de la ruralité. Les 315 salariés d'Intermarché forment le dixième de sa population : quel désastre que cette délocalisation pour le canton, sa population, ses salariés ! Pouvez-vous l'ignorer ? Non, ce serait inacceptable. Cette catastrophe sociale va à l'encontre de la justice sociale.
Le marché proposé aux salariés est le suivant : déménagez ou faites 150 kilomètres par jour, ce qui coûterait 10 000 euros par an à des smicards ! C'est contraire à l'article 122-12 du code du travail. La région a participé au financement de la zone industrielle qui accueille cette implantation. Intermarché engrange des bénéfices.
Monsieur le ministre, allez-vous laissez faire cette délocalisation contraire à la loi et à la morale sociale, de surcroît chez un ministre du Gouvernement ?
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif . - Merci de votre engagement en faveur du Gers et de la belle ville de Lectoure. Mon ministère a été informé par le maire, qui a été reçu à mon cabinet le 12 juin. Les dirigeants d'Intermarché ont été reçus le 9 juillet en présence du président du conseil général. Intermarché a été aidé par les collectivités locales en 1993 lors de son implantation. Le groupe a expliqué sa décision pour la recherche d'une implantation « optimale » pour assurer l'approvisionnement de ses magasins.
Le groupe dit avoir souhaité anticiper les conséquences de cette délocalisation qui ne se concrétiserait que dans trois ans. Le ministère du redressement productif a exprimé son désaccord et a rappelé l'entreprise à ses responsabilités à l'égard des salariés et des collectivités locales. Les textes prévoient le remboursement des aides publiques. Le ministère a demandé à Intermarché de reconsidérer son projet. Des mesures seront prises. Intermarché devra réparer le préjudice s'il persiste dans son projet. Nous en reparlerons.
M. Aymeri de Montesquiou. - J'ai été abasourdi, dans un premier temps, que vous repreniez l'argumentation d'Intermarché.
M. Arnaud Montebourg, ministre. - Je l'exposais. Je la désapprouve.
M. Aymeri de Montesquiou. - La ville vient de finir de rembourser les emprunts nécessités par cette implantation et on la priverait d'une base qui emploie le dixième de sa population ? Intermarché doit appliquer la loi. Son projet est contraire au code du travail. J'attends de vous beaucoup de pugnacité. Sans cela, ce sera un désastre économique et social, des écoles vont fermer ! Pesez de tout votre poids pour mettre vos déclarations, vos propos en conformité avec vos actes !
M. Arnaud Montebourg, ministre. - Il est hors de question de faire une exception pour Intermarché. La loi sera appliquée dans toute sa rigueur. Vous demandez de la pugnacité, vous l'aurez !
Fret ferroviaire
Mme Marie-France Beaufils . - Le fret ferroviaire SNCF est en chute constante. J'ai interpellé à plusieurs reprises les ministres des gouvernements successifs. Malgré les discours, les Grenelles, la part du ferroviaire dans le transport de marchandises en France continue de se réduire. Le prix du pétrole a triplé depuis 2000. Il va doubler d'ici à 2025. Le transport pèse lourd dans l'émission de gaz à effets de serre. Le manque de propositions viables alternatives explique souvent le choix de la route par les chargeurs.
La création des autoroutes ferroviaires ne résoudrait pas le problème. C'est une réponse économique et financière globale, laquelle suppose un fort engagement politique, qui doit être construite avec le secteur. Des solutions ont fait leur preuve chez nos voisins. Le CAS a émis récemment des préconisations, parmi lesquelles le développement des plate-formes multimodales. J'attirais l'attention, ici même en 2007, de M. Bussereau sur le rôle stratégique de Saint-Pierre-des-Corps. En 2010 vint une réponse encourageante, puis rien.
Mettons-nous autour de la table. Une politique volontariste est indispensable pour un nouveau rebond du fret. Quelles mesures comptez-vous prendre ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Oui, les déclarations furent nombreuses, dans le cadre du Grenelle. On s'engagea à porter la part du fret de 14 à 25 % à l'horizon 2022. Les annonces du précédent gouvernement n'ont pas été suivies d'effets. Le Gouvernement actuel est déterminé à donner une juste part au fret ferroviaire. Je ne ferai pas d'annonces merveilleuses mais je tiens à prendre à bras-le-corps ce dossier, de façon pragamatique, afin de lever les blocages, en fixant des objectifs réalistes, conformes à l'ambition du Gouvernement.
La demande locale doit être prise en compte. Les autoroutes ferroviaires peuvent être un axe de développement. Encore faut-il qu'il y ait des corridors aménagés. Nous y travaillons afin qu'ils soient connectés avec notre façade portuaire, qui doit jouer un rôle moteur.
L'opérateur ferroviaire historique se retire du transport du fret. De nouveaux opérateurs apparaissent sur le marché. Tant que nous n'aurons pas réglé le problème de l'écart de coût entre la route et le rail, la compétitivité du fret ferroviaire sera insuffisante. Il s'agit de canaliser l'ensemble des modes de transport et non pas de les opposer les uns aux autres. L'écotaxe « poids lourds » y contribuera.
Mme Marie-France Beaufils. - Oui, regardons comment nous pourrions améliorer les réponses régionales. Quelles réponses apporte-t-on aux utilisateurs du fret ? Sous couvert d'équilibre des comptes, on propose des prix trop élevés, jusqu'à deux ou trois fois supérieurs aux tarifs antérieurs. La taxe « poids lourds », c'est l'Arlésienne ! J'espère qu'elle sera efficace. Il faut du concret. Je prendrai contact avec votre cabinet à cette fin.
Route centre Europe-Atlantique
M. Jean-Patrick Courtois . - La mise à deux fois deux voies de toute la route centre Europe-Atlantique est attendue par tous les habitants et acteurs économique de l'Allier et de la Saône-et-Loire. Des élus, dont je fais partie, militent pour la mise en concession avec franchise de péage, ce qui permettrait d'assurer un financement pérenne. Aujourd'hui, le flou est complet. Nous avons appris par la presse le lancement d'un avis d'attribution de marché.
Quel mode de financement ? Quel calendrier pour les travaux ? Ce week-end, on déplorait encore deux morts sur cette route très accidentogène.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - L'actualité du week-end nous a émus. J'ai conscience des difficultés que vous rappelez sur cet itinéraire emblématique, où surviennent de trop nombreux accidents graves.
Les investissements nécessaires s'élèvent à 950 millions, voire 1 milliard d'euros. Le précédent gouvernement avait proposé de recourir à la mise en concession de l'axe. Cela pose question quant à l'évolution du coût pour les usagers mais aussi, vu l'absence d'alternative, de la légalité au regard de la liberté de circulation. Des propositions de financement ont été faites, dont la mise en place de l'écotaxe « poids lourds ». C'est l'intérêt de cette écotaxe que de moderniser nos infrastructures. D'autres solutions ont été envisagées.
La commission du débat public a fait état des nombreuses divergences de vues et tensions locales suscitées par ce dossier. Conformément à ses recommandations, je mènerai une analyse approfondie, expertisant les solutions alternatives. Je l'ai confié cet été au conseil général de l'environnement et du développement durable, qui rendra ses conclusions dans quelques semaines. Les légitimes attentes des élus doivent être prises en compte.
Aucune procédure de mise en concession n'a été lancée. L'avis auquel vous vous référez ne portait que sur l'ouverture au pilotage technique du projet.
Je suis particulièrement mobilisé, avec mes services, pour que les délais de l'expertise soient tenus. Je n'exclus aucune solution de financement. Et, puisque le nouveau gouvernement a hérité de la responsabilité de la mise en place de l'écotaxe « poids lourds », celle-ci financera des mesures concrètes immédiates.
M. Jean-Patrick Courtois. - Nous pouvons nous accorder sur le coût des travaux. Les deux départements sont d'accord sur la concession. J'insiste sur la nécessité de développer les modes de transport alternatifs. Nous avons fait des calculs financiers. La charge pour le département serait considérable. Les deux fois deux voies ont des coûts d'entretien très élevés.
J'ai été maire d'une commune où il n'y a pas de voie alternative, d'où notre proposition d'ouvrir des secteurs libres d'accès. Je suis prêt, avec René Beaumont, à travailler avec le conseil pour déterminer les solutions les moins mauvaises possibles.
Déviation de Livron-Loriol
M. Didier Guillaume . - Beaucoup de Français connaissent la Drôme, berceau de la Résistance dans le Vercors, avec le palais du facteur Cheval, le château de Grignan, l'olive de Nyons, la clairette de Die, le Crozes-Hermitage... et les bouchons sur la route nationale 7 chère à Charles Trénet. Dans certains secteurs comme celui de Livron et Loriol, le trafic est très dense et les accidents nombreux.
On a donc décidé, il y a douze ans, de construire une déviation. Les terrains sont acquis, le tracé est fixé. D'étude en étude, après la réalisation d'un rond-point qui ne débouche sur rien, ce projet est-il arrêté ? Il a déjà été inscrit au CPER 2000-2006. D'année en année, le temps passe. Ne réaliser qu'un tronçon central risque de le transformer en souricière. Seuls 18 millions d'euros seraient disponibles, en plus des 12 millions déjà dépensés. Qui paiera les 65 millions qui manquent ? Les habitants seront-ils sacrifiés sur l'autel des promesses non tenues de la précédente majorité ? Oui ou non la déviation de Loriol-Livron se fera-t-elle ? Avec quel financement ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Merci pour cette entrée en matière qui fait rêver et nous invite à venir dans votre beau territoire, à condition de n'y pas créer de bouchons supplémentaires sur la mythique route nationale 7. Il est vrai que cette route joue un rôle très important de desserte locale. Si le trafic reste constant ces dernières années, il atteint, en 2011, 15 000 véhicules par jour, ce qui est considérable.
L'opération a connu des débuts de réalisation. Un suivi est nécessaire. Il y va de la crédibilité de l'État mais je ne puis être engagé par des promesses démultipliées par d'autres. Réaliser le schéma national des infrastructures territoriales devrait coûter 245 milliards quand l'État ne peut financer que 2 milliards par an. Les promesses faites ont manqué de sérieux et de réalisme. Nous devons réexaminer ce schéma afin d'évaluer la faisabilité des projets qui y sont inscrits.
Nous héritons de finances publiques particulièrement contraintes, vous le savez. Pour autant, nous ne saurions sacrifier les habitants de Loriol. Des crédits de 300 millions sont inscrits par la région Rhône-Alpes pour la modernisation des routes. Cela étant, l'enveloppe de 18 millions est notoirement insuffisante. Aussi, dans une démarche réaliste et pragmatique, nous faudra-t-il, avec l'implication des collectivités territoriales, que je souhaite forte, renégocier les crédits du prochain PDMI.
M. Didier Guillaume. - Merci pour cette réponse qui ne me satisfait pas du tout. J'en reste sans voix. On nous a bien baladés ! Au nom de la Drôme, je vous demande un calendrier précis et des annonces concrètes.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - La situation sur votre territoire justifie votre ire. Ce que je retiens de ce dossier est l'importance de respecter la parole donnée. Je m'appliquerai à ne pas suivre l'exemple de mes prédécesseurs.
La séance est suspendue à midi trente sept.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire, chargée d'examiner les dispositions restant en vigueur du projet de loi sur les emplois d'avenir, est parvenue à un texte commun.
Débat sur l'application de la loi « Handicap »
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur l'application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Ce débat inaugure un genre nouveau. C'est le premier à être inscrit à la demande de la commission pour le contrôle de l'application des lois. Cette procédure est une nouvelle étape dans le contrôle parlementaire, qui doit s'adapter et se moderniser pour répondre aux attentes de nos concitoyens. La première condition de l'égalité républicaine est l'effectivité de la loi. A quoi bon légiférer si la loi n'est pas appliquée sur le terrain ? La posture est nouvelle : le contrôle de l'application des lois n'est pas une question technique mais une exigence politique. Il s'agit de restaurer la confiance dans la loi et dans ceux qui la font.
Le Bureau du Sénat a créé un organe nouveau, dans le droit fil de la révision constitutionnelle de juillet 2008. Cela participe de l'effort de réhabilitation de la loi et de l'action publique et peut faire taire ceux qui alimentent de façon démagogique un certain antiparlementarisme...
Cet organe nouveau, en six mois d'existence, a mis les bouchés doubles : deux débat inscrits à l'ordre du jour aujourd'hui, sept rapports d'information publiés. Je salue l'apport précieux des rapporteurs issus des autres commissions, ainsi que leurs présidents, qui ont joué le jeu. Le 7 février dernier, mon dernier mot avait été pour le Gouvernement. Entre-temps, l'Assemblée nationale a changé de majorité. Mais le Gouvernement d'aujourd'hui a la même responsabilité que celui d'hier pour assurer l'application des lois et la publication des décrets. Nous étions, sommes et serons vigilants.
Pourquoi créer une césure artificielle entre législation et contrôle ? Nos rapports comportent un état des lieux mais aussi des préconisations. Cette démarche correspond aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Claire-Lise Campion, rapporteure de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois . - Aboutissements de trois années de réflexion, la loi de février 2005 a profondément modifié la politique du handicap, trente ans après la loi fondatrice de 1975. Transversale, ce qui est sa force comme sa faiblesse, elle exige un important travail de mise en oeuvre et de pilotage. Si 99 % des textes d'application ont été publiés, l'engagement de le faire dans les six mois après promulgation n'a pu être tenu .Compte tenu du champ très vaste de la loi, nous nous sommes concentrées, avec Mme Debré, sur quatre thèmes, procédant à de nombreux déplacements et auditions.
Premier thème, la compensation du handicap. La prestation de compensation du handicap (PCH) est une grande innovation, mais la couverture en aides humaines reste trop restrictive, les barrières d'âge n'ont pas été levées. Et les dépenses de PCH pèsent lourdement dans les budgets des conseils généraux.
M. Jean-Michel Baylet. - C'est peu de le dire !
Mme Claire-Lise Campion, rapporteure. - Nous proposons deux mesures pour mieux répondre aux besoins sans méconnaître les contraintes financières : la suppression de la limité d'âge de 75 ans pour demander la PCH pour les personnes éligibles avant 60 ans et la pérennisation des fonds départementaux de compensation -je me réjouis de l'annonce du Gouvernement en la matière.
Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), innovation majeure, ont beaucoup simplifié les choses mais les délais de traitement restent trop longs, l'approche globale est mise à mal, les décisions ne sont pas suivies. Ce qui suscite un sentiment de déception.
Les MDPH fonctionnent différemment selon les départements ; les efforts de la CNSA n'ont pas permis de réduire les écarts ni d'harmoniser les pratiques. Des mesures de simplification sont indispensables. Nous préconisons par exemple le transfert de l'instruction et de la fabrication des cartes européennes de stationnement pour personnes handicapées aux directions départementales de la cohésion sociale, la simplification des démarches administratives lors des renouvellements et l'intensification des actions de la CNSA pour l'harmonisation des pratiques.
En cette période de raréfaction des ressources publiques, le principal sujet d'inquiétude des MDPH est d'ordre financier. Comment leur assurer des ressources pérennes ? Il faudra veiller à ce que les textes d'application de la loi Paul Blanc de 2011, qui doivent leur donner une meilleure visibilité financière, respectent les intentions du législateur...
Deuxième sujet, l'accessibilité. La loi de 2005 a étendu cette notion à tous les types de handicap et à tous les domaines de la société. La démarche s'adresse à toute personne atteinte de déficience mais aussi à toute personne confrontée un jour à une situation de handicap, temporaire ou durable. Avec le vieillissement de la population, cet enjeu est crucial. La loi pose un principe général d'accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie dans les dix ans de sa publication. Or les données manquent sur l'état d'avancement de la mise en accessibilité. Ce qui est certain, c'est que le retard pris est important. L'APF souligne que seuls 15 % des établissements recevant du public sont aujourd'hui accessibles. L'Igas, le CGEDD et le contrôleur général économique et financier dressent dans un rapport le même constat.
La date de 2015 peut sembler ambitieuse mais la fixation d'un délai à moyen terme était indispensable pour éveiller les consciences et engager une nouvelle dynamique.
Pourquoi ce retard ? L'échelonnement de la publication de la quarantaine de textes réglementaires, un portage politique insuffisant -illustré par les nombreuses tentatives de dérogation- mais aussi une appropriation insuffisante sur le terrain de l'objectif d'accessibilité.
On ne peut toutefois reculer l'échéance de 2015 : ce serait contreproductif, démobilisateur, interprété comme une forme de renoncement. Face à l'enjeu sociétal, il faut impulser dès à présent une nouvelle dynamique : créer les conditions d'un meilleur pilotage national, mettre en place un système de remontée d'informations, dresser d'ici 2015 un bilan exhaustif.
M. le Premier ministre doit me confier, madame la ministre, une mission de concertation pour voir si les propositions de notre rapport rencontrent les attentes sur le terrain. J'en suis honorée. Il faut pérenniser l'approche transversale du handicap, grande avancée de la loi de 2005, en intégrant la problématique du handicap dans l'ensemble des politiques publiques -une circulaire du Premier ministre du 4 septembre dernier impose ainsi la prise en compte du handicap dans chaque projet de loi- et en organisant le pilotage national clair et cohérent qui a jusqu'à présent fait défaut. (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Debré, rapporteure de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois . - La loi du 11 février 2005 reconnaît à tout enfant handicapé le droit d'être scolarisé dans une école de son quartier : la scolarisation en milieu ordinaire est le droit commun. Les parcours de scolarisation reposent sur une approche globale et pluridisciplinaire mise en oeuvre par les MDPH. Le bilan est positif : le nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire a augmenté du tiers, soit 55 000 supplémentaires. Mais 20 000 enfants restent sur le bord du chemin... Rappelons toutefois qu'on ne dispose pas d'outils pour chiffrer le nombre d'enfants handicapés scolarisables.
L'avancée quantitative, réelle, ne s'est cependant pas accompagnée d'une avancée qualitative de même ampleur. Les situations vécues par les familles sont très hétérogènes selon les départements. Les ruptures dans les parcours de scolarisation sont fréquents, l'accès à l'enseignement supérieur très limité. Autre point noir : l'échec de l'accompagnement en milieu ordinaire. Le recours croissant à des AVSI précaires et mal formés ne répond pas aux besoins. L'annonce de l'embauche de 1 500 AVSI pour cette rentrée est une bonne nouvelle, mais insuffisante : il faut surtout leur offrir des conditions stabilisées d'intervention et un cadre d'emploi pérenne. Outre que la formation des enseignants est insuffisante, le manque de coopération entre le secteur médico-social et l'éducation nationale conduit à un cloisonnement des filières très préjudiciable à la qualité de la prise en charge.
Nous avons fait plusieurs propositions : l'élaboration d'un outil statistique national et d'un référentiel commun entre académies et MDPH, la réactivation du groupe de travail sur les AVSI, le renforcement de la problématique du handicap dans la formation de tous les enseignants, la promotion de la coopération entre sphères médico-sociale et éducative. Nous attendons les réponses du Gouvernement sur ces sujets.
L'autisme est grande cause nationale pour 2012. Nous nous sommes rendus en Belgique pour comprendre pourquoi de plus en plus d'enfants français autistes y sont scolarisés. La Belgique privilégie l'enseignement spécialisé dans des classes à petit effectif, encadrées par un enseignant spécialisé et un professionnel paramédical. Quelque 3 000 enfants français sont scolarisés dans de tels établissements. Pourquoi ? Cela tient à une prise en charge centrée sur les besoins spécifiques de chaque enfant, à des équipes éducatives particulièrement bien formées qui utilisent, avec pragmatisme, toutes les méthodes possibles, aussi à l'accompagnement des enfants et de leurs parents tout au long du parcours. Les progrès des enfants sont remarquables : des petits parviennent en quelques mois à communiquer, à ne plus être effrayés par la présence d'autrui, pour certains à tenir une conversation. Sans faire de la Belgique un modèle, nous pouvons y puiser des sources de réflexion.
La loi de 2005 a consacré un changement de paradigme concernant la formation et l'emploi des personnes handicapées. On ne part plus de leur incapacité mais de l'évaluation de leurs capacités. Leur intégration professionnelle est désormais un élément de leur citoyenneté.
L'objectif de 6 % dans les entreprises de plus de 20 salariés a été maintenu par le texte de 2005, qui a créé surtout le fonds pour l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique. Cette approche, à la fois incitative et coercitive, a porté ses fruits, même si l'emploi des personnes handicapées reste en deçà de l'objectif : 2,7 % dans le privé, 4,2 % dans le public. Le taux d'emploi des handicapés est de 35 % contre 65 % dans la population générale ; leur taux de chômage, de 20 % contre 10 %.
Le faible niveau de qualification des personnes handicapées est un obstacle -83 % d'entre elles ont une qualification inférieure au CAP-BEP. Il faut relever ce niveau en permettant aux jeunes d'accéder aux études supérieures, en les rapprochant du monde de l'entreprise, en leur donnant un réel accès à la formation professionnelle -nous devons rendre les lieux et les contenus de celle-ci accessibles, accompagner les personnes tout au long de leur parcours, encourager les entreprises à emprunter cette voie.
Jamais une loi n'aura à ce point structuré l'ensemble des politiques publiques. Une très belle loi donc, mais le bilan reste en deçà des espoirs soulevés. Il reste à la déployer. (Applaudissements)
Mme Valérie Létard . - La loi de 2005 est une belle loi dont nous pouvons être fiers, d'autant qu'elle est largement issue du Sénat. Je rends hommage à nos anciens collègues Paul Blanc et Nicolas About, ainsi qu'au député Jean-François Chossy, qui l'ont portée. L'avancée majeure, c'est le changement de regard sur le handicap. Les gouvernements précédents n'ont jamais faibli dans leur soutien à la démarche. Je peux en témoigner : revalorisation de 25 % de l'AAH, création de plus de 50 000 places en établissement, effort sans précédent pour la scolarisation des enfants handicapés, plans sectoriels, amélioration de la compensation du handicap. En 2005, le montant moyen l'ACTP était de 400 euros, celui de la PCH est aujourd'hui de 850 euros.
Mais point d'angélisme : tout n'est pas réglé, loin s'en faut. Le rapport de la commission souligne les lacunes les plus criantes.
Premier questionnement : l'équité territoriale. Les disparités dans les plans d'aide, les montants de PCH, les projets de scolarisation rompent l'égalité. Le socle de solidarité nationale doit être le même en tout point du territoire. L'État ne doit pas confier entièrement la gestion des MDPH aux départements. Voyez les différences entre Paris et le Nord : à budget voisin, le premier département gère 90 000 dossiers par an, le second 150 000. L'acte III de la décentralisation doit faire une place particulière au handicap pour corriger les écarts.
Deuxième questionnement : construire un parcours de vie qui favorise l'inclusion. Aujourd'hui, avec les ruptures et les discontinuités, c'est un parcours du combattant ; l'expression revient dans la bouche de toutes les familles. Il faut davantage de souplesse, moins de bureaucratie. Les discontinuités dans les parcours sont trop souvent synonymes de perte de chance et de régression.
Dernier questionnement : le vieillissement. La loi de 2005 prévoyait de lever la barrière d'âge, la contrainte financière l'a empêché. Une réflexion doit être menée sur la prise en charge du handicap chez la personne vieillissante. Un adulte autiste vieillissant a-t-il sa place dans un Ephad ? Il faudra creuser ces sujets en remettant en chantier la question du cinquième risque.
Sur l'accessibilité, comment le Gouvernement compte-t-il avancer et selon quelle méthode ? Que pensez-vous de l'idée d'un accord à conclure entre demandeurs et acteurs chargés d'appliquer la loi ? Quel est le calendrier du troisième plan « autisme » ? Quid de la création de places supplémentaires, notamment pour les adultes ?
Malgré de nombreuses avancées, il reste beaucoup à faire. Il faudra une mobilisation de tous en faveur des plus fragiles d'entre nous. (Applaudissements)
M. Jean-Michel Baylet . - Une grande ambition mais des réalisations insuffisantes... Voilà ce que révèle l'excellent rapport de Mmes Campion et Debré. C'est peu de dire que la loi du 11 février 2005 était ambitieuse : assurer l'égalité entre valides et personnes handicapées -rien de moins-, changer le regard de la société sur les personnes handicapées, les faire entrer pleinement dans la vie de la cité.
Mme Isabelle Debré, rapporteure. - Ça, c'est réussi ! Le regard a changé.
M. Jean-Michel Baylet. - M. Delfau, du groupe du RDSE, s'inquiétait à l'époque du financement de ces objectifs et craignait la frustration des associations. L'accessibilité ? La loi fixait une échéance à 2015. Chaque département s'est doté d'un comité de pilotage mais les moyens n'ont pas suivi. Des amendements à la proposition de loi Paul Blanc ont prévu des dérogations inadmissibles dans la construction de bâtiments neufs.
Président d'un exécutif local -c'est un avantage considérable sur les élus que l'on voudrait « hors-sol » ! (sourires ; M. Jacques Mézard applaudit)-, j'ai l'expérience du terrain. Les conseils généraux sont l'échelon de la solidarité, il leur incombait de piloter les dispositions de la loi de 2005. Les MDPH sont une belle idée visant à simplifier les démarches. Le Tarn-et-Garonne s'en est doté dès fin 2005. Il a fallu essuyer les plâtres, au propre comme au figuré ; nous nous sommes notamment heurtés à la multiplicité des statuts des personnels. La loi Paul Blanc a apporté des améliorations, c'est vrai, mais nous en attendons toujours les décrets d'application !
La PCH, autre innovation majeure, s'est substituée à l'ACTP ; elle vise à réparer le handicap, perçu comme un préjudice. Le nombre de bénéficiaires a explosé, preuve de l'efficacité du dispositif, mais suscite l'inquiétude des conseils généraux, dont les dépenses augmentent en parallèle : 1,4 milliard d'euros. Dans cette situation, faut-il élargir le périmètre de la PCH, comme le proposent Mmes Debré et Campion ? Cela supposerait de trouver d'autres ressources. Or, l'État a unilatéralement suspendu sa participation aux fonds de compensation pendant trois ans et confié à l'Agefiph la gestion de dispositifs relevant de sa compétence -sans compensation...
Madame la ministre, votre constat est juste : cette loi n'a pas été conduite, managée, suivie. Pour une part, c'est une loi d'affichage. Le président de la République a demandé un changement de méthode, il a raison. Désormais, chaque projet de loi devra comporter un volet handicap. C'était le cas de la loi sur les emplois d'avenir ; nous l'espérons aussi pour les contrats de génération et la prochaine loi de décentralisation ! (Applaudissements à gauche)
Mme Aline Archimbaud . - Merci pour ce rapport précis et riche. Ce débat permet de dresser un utile état des lieux de la politique du handicap. Sur l'accessibilité à la cité, j'estime, moi aussi, que reculer l'échéance de 2015 serait un très mauvais signal. Il faut résister aux pressions, même si les retards sont importants. Il faut maintenir le cap tout en déterminant des niveaux de priorité et en fixant un échéancier précis. L'accessibilité est indispensable à l'implication active dans la vie sociale. La loi comme la Convention internationale des droits des personnes handicapées doivent être pleinement appliquées. Il faut mettre à niveau l'AAH, renforcer les moyens des CAT, réformer leur statut, soutenir les structures. Une politique de désinstitutionalisation progressive doit être mise en oeuvre. Nous proposons de revaloriser les tarifs d'aide à domicile et de renforcer la formation des personnels.
S'agissant de la scolarisation des enfants handicapés, il faut augmenter significativement le nombre d'AVS -les annonces du Gouvernement vont à ce titre dans le bon sens- en les intégrant à l'éducation nationale et en leur offrant un statut qui les sorte de la précarité. Pour ceux qui ne peuvent être scolarisés en milieu ordinaire, il faut augmenter le maillage territorial en petites structures spécialisées, car les temps de transport sont un obstacle.
Nous proposons également d'augmenter le seuil d'accès à la CMU complémentaire. Enfin, les collectivités locales doivent renforcer leur implication dans l'agenda 22 pour soutenir l'aménagement des logements particuliers, accorder une aide financière aux logements adaptés, par exemple des lieux d'hébergement intermédiaires pour les personnes souffrant de handicap psychique.
Grâce à la loi de 2005, le regard sur le handicap a changé.
Ne nous arrêtons pas en chemin et continuons en gardant l'objectif. Madame la ministre, vous pouvez compter sur notre soutien ! (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Pasquet . - Lors du débat sur le projet de loi relatif aux emplois d'avenir, j'avais demandé, par un amendement, une formation obligatoire pour les personnes travaillant auprès de personnes handicapées, pour éviter toute forme de maltraitance involontaire. Je comprends d'autant moins le mauvais sort fait à cette proposition que le Gouvernement, par la voie de Mme Delaunay, évoquait l'importance d'une telle formation le lendemain.
La loi de 2005 avait soulevé d'immenses espoirs. Après sept ans, où en sommes-nous ? Certainement pas à la cité universelle. De fait, on prive les personnes handicapées de leur pleine citoyenneté. Ainsi, les tribunes de notre hémicycle ne sont pas accessibles, nous l'avions signalé au président Bel dès son élection. Ce qui est vrai au Sénat l'est également ailleurs. Il aurait fallu, dès la publication de la loi, se doter d'un outil pour mesurer le progrès de l'accessibilité. Pour tenir l'objectif de 2015, 20 milliards d'euros de travaux seraient nécessaires. Sans délai, cherchons à rattraper ce retard. Un récent communiqué de presse nous avait inquiété ; vos propos tout à l'heure ont confirmé le maintien de l'objectif. Pourquoi ne pas refuser de subventionner les projets qui ne prévoient rien en matière d'accessibilité ? Ces 20 milliards doivent être considérés comme une dépense obligatoire pour le vivre ensemble.
Autre sujet, la prestation de compensation du handicap et les difficultés des MDPH. Le rapport s'interroge sur leur statut actuel ; on devine la tentation d'en faire des services dépendant des conseils généraux, ce qui entraînerait une dissolution du rôle de l'État. Or celui-ci doit rester le garant de l'équité territoriale.
Enfin, la scolarisation des enfants handicapés et la gestion des AVS. Le recrutement de 1 500 AVSI est bienvenu mais ne résoudra pas toutes les difficultés : beaucoup d'enfants sont encore scolarisés à temps partiel ou ne le sont pas du tout.
L'AAH a été revalorisée de 25 % par le président de la République...
M. Philippe Bas. - ... Nicolas Sarkozy !
Mme Isabelle Pasquet. - Mais son gouvernement a fait paraître un décret introduisant la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi », en envisageant le handicap sous son seul aspect médical, sans tenir compte de l'environnement social et économique, ce qui a permis de réaliser 74 milliards d'économies sur leurs bénéficiaires. Avez-vous l'intention de supprimer ce décret ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Philippe Bas . - Avec beaucoup de sincérité, je veux saluer la qualité de ce rapport. Globalement, celui-ci rend justice à la loi de 2005 tout en soulignant les manques dans son application : le cas est fréquent.
Cette loi a instauré le droit à la compensation du handicap, une innovation radicale ! Chacun doit pouvoir aller au bout de ses capacités, cette noble ambition doit se concrétiser dans tous les domaines. Rendons hommage à M. Jacques Chirac de son engagement constant en faveur des personnes handicapées : il est à l'origine des lois de 1975, de 1987 et de 2005. (Mme Isabelle Debré le confirme)
Les résultats sont au rendez-vous. D'abord, dans la scolarisation en milieu éducatif ordinaire, où les progrès sont très sensibles. Ensuite, la PCH, victime de son succès... Enfin, la revalorisation sans précédent de l'AAH : les restrictions mises à son bénéfice ne contredisent pas cet immense progrès. Reste encore beaucoup de chemin à accomplir sur l'accessibilité des locaux recevant du public. Il est plus que temps de relancer la dynamique.
Je ne reviens pas sur les chiffres ; tout le monde les connaît. Plus d'un tiers d'enfants scolarisés supplémentaires, plus 230 % d'enfants accompagnés par des AVSI. Mais ces progrès ne doivent pas faire oublier ceux dont la situation reste difficile. En cette matière, nous avons un devoir de compassion.
Il faudrait, pêle-mêle, une meilleure formation des professeurs des écoles, sécuriser le statut des AVSI -les ministres de l'éducation nationale ont toujours préféré recruter des professeurs...
M. Ronan Kerdraon. - Ca a changé !
M. Philippe Bas. - ...et créer des places pour les enfants autistes. Notre volonté politique doit être très ferme.
La PCH -prestation formidable !- constitue une aide finement individualisée, grâce au dialogue avec les associations de personnes handicapées. Aujourd'hui, nous sommes toutefois au pied du mur : comment la financer ? Le nombre de ses bénéficiaires est passé de 37 000 à 160 000 entre 2007 et 2010 et la tendance se poursuit. Madame la ministre, je vous en conjure, ne restez pas à l'écart du débat sur la dépendance ; il ne regarde pas la seule ministre en charge des personnes âgées.
Les MDPH ? Tout n'est pas réglé ; un échange vif lors de la séance de questions orales ce matin en témoigne.
Enfin, si les ressources des personnes handicapées ont progressé, la vraie solution passe par la formation et l'emploi. En cette matière, les résultats se font attendre : l'emploi des personnes handicapées stagne. Les majorités changent, le problème du chômage des personnes handicapées persiste. Malgré les mesures coercitives que le législateur a voulues, leur taux de chômage est deux fois plus élevé que celui de la population générale...
Enfin, le chantier de l'accessibilité. Nous manquons de données ; un effort important est à consentir si nous voulons tenir l'échéance de 2015. Certains en font déjà le deuil, alors qu'il faudrait être ferme sur l'objectif et dessiner un calendrier pour le futur.
C'est en travaillant à améliorer la vie des handicapés que la différence des uns cessera de se heurter à l'indifférence des autres! (Applaudissements à droite)
Mme Michelle Meunier . - A mon tour de saluer ce rapport. La loi était ambitieuse, son bilan est mitigé. Puisse ce débat tracer des pistes à explorer pour l'avenir.
Pour une famille, l'arrivée d'un enfant porteur de handicap bouleverse tout. Elle suppose de lui consacrer tout son temps ; souvent, l'un des parents quitte son emploi : les revenus baissent alors que les besoins augmentent. Elle peut entraîner des divorces, des tensions au sein de la fratrie. Cela dit, le tableau n'est pas toujours si noir : certaines familles se mobilisent. La loi de 2005 a représenté, pour elles, un formidable espoir.
Il reste un travail colossal à faire, en partant des familles et du projet individuel pour l'enfant. L'annonce du handicap provoque chez la famille incompréhension, culpabilité et colère. Il faut accompagner ce moment pour que la cellule familiale tienne bon autour de l'enfant. Car c'est dans la famille que se joue la prise en charge du handicap.
Ensuite, vient la rencontre avec le regard de la société lors de l'accueil extérieur de l'enfant. Aménager une transition grâce à l'accueil dans une maison d'assistante maternelle faciliterait souvent l'intégration des enfants à l'école. Mme Bertinotti va relancer le grand chantier de l'accueil de la petite enfance : elle ne devra pas oublier les enfants handicapés.
Si la scolarisation en milieu ordinaire a progressé, nous sommes encore loin du compte. Il faut trouver des solutions avec les familles ; ce sont elles qui connaissent le mieux les besoins de l'enfant. Certaines les étouffent, parlent à leur place ? Je ne le crois pas ; en tout cas, impliquons-les et travaillons à améliorer la situation en formant mieux les personnels de l'éducation nationale et les AVSI. L'exemple de la Belgique est éclairant : construisons des réponses locales adaptées.
Avec détermination, nous devons chercher une solution pour les 20 000 jeunes sans réponse. Inscrivons un nouveau rendez-vous dans trois ou cinq ans pour faire le point.
Intégrer une personne au mieux de ses possibilités dans la société est toujours un progrès pour la justice. Continuons !
Mme Catherine Troendle . - La loi du 11 février 2005, engagée par le gouvernement Raffarin, était ambitieuse et forte.
Pour autant, rapporteure du budget de la sécurité civile, je veux souligner un problème d'application précis : l'obligation d'emploi de 6 % de personnes handicapées dans les Sdis -dont la plupart des emplois sont soumis à des conditions d'aptitude physique particulières. Une circulaire du 26 octobre 2009 a certes autorisé des assouplissements (Mme Isabelle Debré, rapporteure, acquiesce) mais la contrainte financière demeure.
D'après l'enquête que j'ai menée l'an dernier, les Sdis versent une contribution pouvant aller jusqu'à 200 000 euros au fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Or des exceptions sont prévues pour les ambulanciers, les livreurs, les employés de l'aviation civile aux articles D. 5212-21 et D. 5212-24 du code du travail. Le problème de l'aptitude physique est pourtant le même dans les Sdis. Pourquoi cette distorsion ? Ne pourrait-on réserver l'obligation d'emploi de 6 % aux seuls personnels administratifs ? Puisse ce débat être l'occasion de réexaminer cette question. (Applaudissements à droite)
M. René Teulade . - Permettez-moi de vous faire part de mon expérience sur l'emploi des personnes handicapées. La situation n'est guère satisfaisante : leur taux d'activité est de 35 % contre 65 % dans la population générale, leur taux de chômage deux fois plus élevé. En 2011, le nombre de demandeurs d'emplois handicapés à crû de 14 %, contre 5,3 % pour la population active. Comme toujours, la crise frappe plus durement les plus fragiles d'entre nous.
La loi de 2005 a fixé un taux d'emploi des personnes handicapées de 6 %. Si ce taux a augmenté de 0,4 point dans le secteur privé entre 2006 et 2009, ce résultat découle d'un changement dans le décompte des bénéficiaires ; à périmètre constant, la progression est de 0,1 % seulement. Pour autant, la part d'entreprises à quota zéro est passée de 35 % en 2006 à 11 % en 2009, preuve que les mesures coercitives sont efficaces. D'où l'amendement que nous avions défendu lors de l'examen du projet de loi sur l'égalité salariale.
Après cette parenthèse, j'en reviens à l'emploi des personnes handicapées. Il a augmenté de 0,5 % dans le secteur public, pour s'établir à 4,2 %. Ce chiffre est toutefois à relativiser car le décompte inclut notamment les postes aménagés. En outre, certaines institutions bénéficient de dérogations : la présidence de la République, les institutions parlementaires. La fonction publique doit donner l'exemple ! Comme le suggérait la Cour des comptes, élargissons le plus possible le champ d'application de la loi.
L'accès à l'emploi est plus difficile pour les personnes handicapées, les chiffres en attestent. D'où la nécessité d'un accompagnement de ces personnes dès l'enfance. Je ne peux donc que souscrire à la proposition de nos collègues : sécuriser les contrats des AVSI et mieux les former. Pour améliorer la formation professionnelle des personnes handicapées, il faut revoir le maelström administratif entre l'Agefiph et les MDPH.
Enfin, l'obstacle le plus important, le plus insidieux reste le regard porté sur les handicapés.
La loi de 2005 a opéré un changement de paradigme. On ne part plus du postulat, faussement généreux, que la société doit prendre en charge la personne handicapée ; nous pensons que la personne handicapée a toute sa place et des potentialités à offrir à la société.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. René Teulade. - Quand l'indifférence prospère sur le terreau fertile de la crise, nous devons poursuivre implacablement nos efforts pour vivre ensemble cette belle aventure qui s'appelle la vie ! (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Deroche . - La loi du 11 février 2005 était très attendue. Elle rénove la notion d'accessibilité, étendue à tous les domaines de la société : on parle désormais d'accessibilité universelle, d'accessibilité à la cité. La loi prévoit que toutes les nouvelles constructions recevant du public soient accessibles -mais aussi les bâtiments existants, et ce d'ici 2015. Or nombre d'entre eux sont difficilement modifiables, d'autant que les normes sont très exigeantes. Les dérogations sont exceptionnelles.
Les collectivités locales sont les premières concernées car ce sont elles qui gèrent la majorité de ces établissements. Le coût de l'accessibilité est évalué à 20 milliards d'euros, dont 7 pour les collectivités locales. Seule une commune sur cinq est à jour. Les plans de mises aux normes de la voirie prennent du retard. L'échéance 2015 ne sera sans doute pas tenue : à cette date, des contentieux s'ouvriront. S'il ne faut pas repousser la date de 2015, il faut trouver des mesures de substitution. Un rapport commandé par Mme Bachelot à l'Igas fait des propositions en ce sens, tout comme l'excellent rapport Doligé qui recommande de substituer à la définition réglementaire de l'accessibilité une définition fonctionnelle. Une augmentation des demandes de dérogation est à prévoir.
Il ne nous reste que trois ans. Il faut établir des priorités, des échéanciers, pour garantir un avancement réel de l'accessibilité, tout en tenant compte des possibilités des collectivités locales. Cela ne peut se faire que dans la concertation.
Mme Dominique Gillot . - La loi de 2005 entend couvrir tous les aspects de la vie des personnes handicapées. C'est l'aboutissement d'un long chemin, sur lequel la loi de 1975 avait été une étape essentielle, introduisant l'obligation nationale de prise en charge par la société. Elle reposait sur l'exigence de citoyenneté des personnes handicapées. Le texte de 2005 introduit un nouveau droit imprescriptible : celui de la compensation du handicap. Cela requiert le déploiement de moyens financiers considérables. C'est un texte incitatif, mais aussi coercitif, et donc facteur de tensions.
A trois ans de l'échéance, en cette période de difficultés budgétaires, il faut analyser les raisons des retards et poursuivre l'effort pour faire évoluer les mentalités. Construisons un projet de vie ensemble, loin d'une vision de la société trop tournée vers l'individualisme et la sanction. C'est à la société humaine de s'adapter aux besoins des personnes : l'accessibilité doit aussi être sociale, culturelle, créative, affective.
La société inclusive est possible, avec un minimum d'effort de l'État. L'inclusion doit être vécue comme un investissement durable, un enrichissement pour tous. Les moyens existent, les contraintes et sanctions aussi. C'est le pragmatisme et le bon sens qui manquent. La prochaine étape doit être plus culturelle que réglementaire ; il faut voir l'individu au-delà du handicap. Recherchons une approche globale, considérons l'apport des personnes handicapées dans la construction d'une société plus égalitaire, un collectif plus progressiste.
Avec la circulaire du 4 septembre du Premier ministre, tous les textes législatifs tiendront dorénavant compte des personnes handicapées ; c'est la bonne démarche. Associons le coeur et l'intelligence, sans surenchère. (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - Cette commission pour le contrôle de l'application des lois est une bonne nouvelle pour la démocratie. Merci d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour de votre Haute assemblée. J'adresse tous mes remerciements aux deux rapporteurs pour leur travail remarquable, ainsi qu'à tous les intervenants.
La loi du 11 janvier 2005 est sans doute une très grande loi de la République mais sa mise en oeuvre a été défaillante.
Je veux saisir l'occasion de dresser un bilan de la prise en charge du handicap. Mon principe est d'apporter des réponses personnalisées aux personnes handicapées ; les besoins sont différents d'une personne à l'autre. Je me suis rendue à la Maison des Acacias, dans le Var ; j'ai entendu le soulagement des personnes handicapées d'être accueillies ailleurs qu'en hôpital psychiatrique. J'ai entendu le bonheur des anciens employés en Ésat de travailler dans des entreprises adaptées, voire dans des entreprises ordinaires.
Je refuse que la dépendance soit un prétexte pour exclure. Que le handicap soit vu comme une situation ordinaire est la garantie de notre capacité à vivre ensemble dans le respect de nos différences et la conscience de ce qui nous unit.
C'est dans cette optique que François Hollande avait promis que chaque politique publique, chaque texte comporte un volet Handicapés. La promesse a été tenue et une circulaire a été adressée à tous les ministres en ce sens. Je veux agir dans la concertation et dans la transparence. Nous allons consulter et associer les corps intermédiaires, les élus locaux, les associations, que d'autres tenaient dans le mépris. La transparence est la condition de la confiance. J'ai ainsi rendu public le rapport de trois inspections qui pointait les défaillances de l'application de la loi de 2005, pour sortir du non-dit. Nous devons la vérité aux personnes handicapées.
Je veux maintenir l'échéance de 2015. Prendre les transports, faire ses courses, aller chez le médecin, c'est un parcours du combattant pour les personnes handicapées ! L'accessibilité doit aussi concerner l'accessibilité aux moyens modernes de télécommunication pour les sourds et les malentendants. C'est aussi donner à tous les moyens de comprendre le discours de politique générale du Premier ministre. Le langage des signes sera systématiquement employé lors des discours du président de la République.
Le dossier le plus lourd, c'est celui de l'accessibilité au bâtiment et aux transports. Il faut dire la vérité : l'échéance de 2015 sera difficile à tenir. Le Premier ministre a donc confié à Mme Campion une mission parlementaire sur les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif, en fixant un échéancier crédible. A l'issue de ce rapport, début 2013, j'annoncerai des mesures précises.
La scolarisation des enfants en situation de handicap est un impératif. L'école de la République doit se donner les moyens d'accueillir tous les enfants. Une mission a été confiée à l'Igas et à l'Igen pour savoir exactement combien d'enfants sont concernés. Une partie des créations de postes dans l'éducation nationale sera consacrée à l'accompagnement, avec 1 500 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires. Ceux-ci devront être professionnalisés dans le cadre de la refondation de l'école. Un groupe de travail rendra bientôt ses conclusions : nous voulons créer une formation, un métier. N'ajoutons pas la précarité au handicap. Il faut avancer, en mutualisant car on ne pourra pas créer un poste d'AVSI pour chaque enfant handicapé.
Je souhaite éviter les ruptures : 80 % des élèves handicapés ne vont pas au-delà du CAP-BEP ; ils ne sont que 11 000 à atteindre l'enseignement supérieur. Oui, il faut mieux former les enseignants, souvent démunis face au handicap. Reconnaissons leur travail exceptionnel. Nous passerons une convention avec les associations pour renforcer l'accompagnement.
L'engorgement des unités localisées d'inclusion scolaire et l'absence de recrutement d'AVS ces dernières années ont conduit à assigner un certain nombre d'enfants à domicile, avec des conséquences sur la carrière professionnelle des parents, et notamment des mères. Il faut reprendre l'esprit de la loi de 2005 et la logique de parcours pour penser l'articulation entre les établissements ordinaires et spécialisés, entre ces établissements et la scolarisation à domicile.
J'en viens à l'emploi des personnes handicapées. Les pays européens les plus en difficulté ne sont-ils pas ceux où l'on fait le plus mauvais sort aux personnes handicapées ?
Il est urgent d'agir pour faire respecter l'obligation d'emplois de 6 % de personnes handicapées. Notre pays ne peut se priver d'aucun talent ! Le gouvernement précédent n'a pas été à la hauteur : il faut sanctionner davantage les entreprises ! Merci, madame Troendle, d'avoir posé la question des Sdis.
Une grande négociation, début 2013, traitera notamment de l'adaptation des postes. On demande aux jeunes d'avoir de l'expérience sans leur permettre de faire leurs preuves. Le contrat de génération vise l'emploi des jeunes mais aussi le maintien dans l'emploi des seniors, particulièrement sensible pour les personnes handicapées.
Il faut consolider le réseau des Ésat et faciliter la mobilité entre Ésat, entreprises adaptées et ordinaires. La création de places dans les Ésat s'est faite au détriment des dispositifs existants. Je souhaite inverser cette logique. Nous revaloriserons les salaires, nous améliorerons la situation des travailleurs handicapés. L'Agefiph doit jouer son rôle d'information. Enfin, il faut proposer aux personnes handicapées des soins adaptés dans le milieu qui leur convient le mieux, sans opposer milieu sanitaire, médico-social et ordinaire. Les personnes handicapées doivent avoir le choix.
Les professionnels des établissements médico-sociaux verront leur rémunération revalorisée. Le plan de création de 50 000 places sera assuré avec 3 000 en 2013 mais il faut aussi répondre à des besoins spécifiques. Nous sommes très en retard pour la prise en charge de l'autisme, du handicap psychique, des personnes handicapées vieillissantes. Les déséquilibres territoriaux sont trop marqués.
La PCH est un acquis majeur de la loi de 2005 : si l'environnement s'adapte, le handicap s'atténue. Pérenniser la PCH implique de mieux encadrer le marché des aides techniques pour éviter une dérive des dépenses à la charges des départements, à qui la PCH coûte 1,5 milliard d'euros -l'État compense 500 millions.
Les MDPH jouent un rôle central dans l'accueil et l'orientation des personnes handicapées, rassurées par l'interlocuteur unique. Leur gouvernance doit être clarifiée. L'État contribuera à hauteur de 62,8 millions à leur fonctionnement, sans compter la mise à disposition de personnel. Notre système de tarification doit être simplifié, dans le sens de plus d'équité. La mission de l'Igas rendra bientôt ses conclusions.
Je me félicite qu'en période de tension budgétaire, alors que le gouvernement de François Hollande met en oeuvre le redressement dans la justice, la solidarité avec les personnes handicapées voit ses moyens augmenter, de 6,3 % dans le projet de loi de finances et de 3,3 % dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les défis à relever sont de taille. Votre appui est indispensable. Nous n'avons d'autres alternatives que de réussir. Pour les personnes handicapées oubliées, exclues de l'école, de l'emploi et de la citoyenneté.
Une société atteinte de cécité, qui ne voit pas qu'en excluant, elle cesse d'être elle-même, cesse d'être la République ! Oui, nous sommes tous différents, c'est notre richesse ; mais nous sommes tous unis, c'est notre fierté, c'est la fierté de la République. (Applaudissements à gauche)
Débat sur l'économie sociale et solidaire
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur l'économie sociale et solidaire (ESS).
M. Marc Daunis, président et corapporteur du groupe de travail sur l'économie sociale et solidaire . - Le 22 février dernier, la commission de l'économie a créé un groupe de travail sur l'économie sociale et solidaire, j'en remercie tous les membres. Cette décision précédait la création, au sein du Gouvernement, d'un ministère consacré à cet important secteur qui contribue à la création de richesses et à la cohésion sociale du pays.
La crise actuelle n'est pas que financière ; elle est aussi la conséquence de la montée de l'égoïsme, de la mise en cause du rôle de la puissance publique. D'où un regain d'intérêt pour l'économie sociale et solidaire, réparateur social. L'idée d'une économie sociale est une vieille utopie du XXIe siècle ; elle investit des champs non occupés par les acteurs traditionnels. Plus humaniste, elle crée des richesses sans nuire à l'environnement. Elle aide à reconstruire le lien social mis à mal par la crise, notamment en zone rurale. L'avenir des territoires dépend aussi de leur capacité à proposer une vie associative riche. L'économie sociale et solidaire foisonne de projets qui peuvent favoriser le dynamisme et l'attractivité de nos territoires ; néanmoins, ne la limitons pas à une fonction réparatrice. Elle est un secteur économique à part entière, qui représente 10 % de l'emploi en France, dans de multiples branches : le social, les assurances, le crédit, l'agro-alimentaire, et même l'économie. Elle peut aussi se développer dans l'industrie si elle est accompagnée. Fortement territorialisée, l'économie sociale et solidaire offre des emplois non délocalisables, elle contribue au maillage du territoire en petites entreprises. D'où ma proposition de small business act à la française.
M. Jean-Michel Baylet. - Très bien !
M. Marc Daunis, président et corapporteur. - Beaucoup voient dans l'économie sociale et solidaire une alternative à un modèle capitalistique qui a montré ses limites. De fait, elle réconcilie performance et solidarité, croissance et justice, prospérité et développement durable. Il n'est pas question de substituer au marché une planification centrale mais de soutenir les initiatives locales. Quand le marché dysfonctionne, les entreprises de l'économie sociale et solidaire, les mutuelles sont d'autant plus sollicitées. L'économie sociale et solidaire, sans être la matrice unique du développement, concourt à l'alternative.
La question se pose de la reprise par des entreprises de l'économie sociale et solidaire d'entreprises classiques ; les conditions en sont délicates et les règles doivent être adaptées. Des subventions publiques doivent leur être accordées pour faciliter cette reprise.
Le développement de l'économie sociale et solidaire doit être encouragé et favorisé par les pouvoirs publics. Il s'agit de remettre l'humain au centre. Attention : une présence forte au niveau européen est indispensable pour que l'économie sociale et solidaire, telle que nous la concevons en France, ne soit pas déstabilisée par la promotion européenne de l'entreprenariat social. Le glissement sémantique pourrait masquer un glissement de sens, l'économie sociale et solidaire se trouverait diluée dans un droit étroit de la concurrence.
L'économie sociale et solidaire a été marginalisée ces dix dernières années. La création d'un ministère, rattaché à Bercy, est un très beau signal, qui doit se prolonger par des mesures législatives et financières.
Avec Mme Lienemann, notre groupe de travail a voulu établir un diagnostic précis du secteur coopératif en France et proposer des pistes pour son développement. Il faut redéfinir les frontières de l'économie sociale et solidaire, à laquelle nombre d'entreprises revendiquent leur appartenance en raison de leurs valeurs humanistes, alors qu'elles adoptent la forme d'une entreprise classique. L'économie sociale et solidaire a-t-elle vocation à intégrer toutes les formes de production qui se développent en dehors de la logique capitalistique ? N'y a-t-il pas là un risque de dilution ? Il faut désigner précisément les bénéficiaires de l'action publique. Après la création d'un nouveau label, il faut réfléchir à une définition statutaire.
Autre question : le financement de l'économie sociale et solidaire. Même dans le secteur marchand, ces entreprises peinent à trouver des financements. Mobiliser l'épargne solidaire, mettre en place des garanties publiques et des cofinancements, renforcer les fonds propres, voilà un vaste chantier auquel, monsieur le ministre, vous devrez vous attaquer : le Sénat y est prêt.
L'ESS constitue en outre un gisement d'emplois à stimuler, y compris dans le secteur marchand.
Pour terminer, le Sénat doit contribuer au dialogue institutionnel entre l'État et l'ESS. La prochaine loi de programmation sera l'occasion de régler la délicate question de la gouvernance au sein de l'ESS.
Notre groupe de travail, au vu des enjeux, devra être pérennisé pour entreprendre une veille législative tous azimuts sur l'ESS. Chaque texte de portée économique et sociale devra tenir compte des attentes de l'ESS. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Marie-Noëlle Lienemann, corapporteure du groupe de travail sur l'économie sociale et solidaire . - Nous devrons donner un nouvel élan aux coopératives en France auxquelles l'ONU a consacré l'année 2012. D'abord, un bilan. Les coopératives datent de la deuxième révolution industrielle. Ce sont des sociétés de personnes, non de capital ; elles sont fondées sur le principe d'un homme, une voix et consacrent leurs bénéfices à l'amélioration de l'outil de travail et de l'emploi. Grâce à leur ancrage territorial, elles fournissent des emplois non délocalisables. On voit leur actualité aujourd'hui. Elles résistent mieux que les autres entreprises : leur taux de pérennité après trois ans, et davantage encore après cinquante ans, en témoigne.
Leur législation a évolué dans plusieurs directions ; elle doit être confortée. Des apports capitalistiques peuvent désormais s'adosser au projet coopératif ; cet apport est parfois indispensable dans l'industrie, dans des conditions évidemment très encadrées. Nous avons créé les Scic, au capital desquelles les collectivités territoriales peuvent participer dans la limite de 20 % -sans doute faudrait-il augmenter ce plafond ; elles se développent dans le domaine médical en particulier.
Les CAE me semblent également promises à un bel avenir -pourquoi ne se développent-elles pas davantage ?-, de même que les sociétés coopératives artisanales dont le nombre a augmenté de 35 % en sept ans. L'artisan y conserve son autonomie tout en mutualisant les achats ou la valorisation de ses produits.
Dans cette période, les Scop ont également fait la preuve de leur efficacité pour la reprise ou la transmission d'entreprises. Toute une série de verrous sont à lever si nous voulons qu'elles prospèrent. Idem pour les coopératives d'habitants, les coopératives agricoles, les banques coopératives...
Pour nous, la priorité est de développer les Scop. On pourrait imaginer de reprendre les solutions transitoires qui existent au Québec afin de passer d'une coopérative où les salariés sont actionnaires minoritaires à une coopérative définitive -leurs indemnités de licenciement ne suffisent généralement pas pour constituer le capital de départ.
Une parenthèse : on entend dire que les Scop seraient avantagés fiscalement. La Cour de justice des communautés a eu la sagesse -une fois n'est pas coutume- de montrer que l'avantage qui leur est fait était amplement justifié, contrepartie du fait que leur statut les empêche d'accéder librement au marché des capitaux.
Outre qu'il faudra veiller aux critères d'attribution des financements par la BPI, un fonds pour le soutien aux coopératives pourrait être créé sur le modèle italien. Nous souhaitons également lever les obstacles actuels à la perception des aides au reclassement et introduire un droit de priorité des salariés pour une reprise en coopérative.
Pour finir, un étonnement : on ne parle nulle part des coopératives dans les programmes de l'éducation nationale -pas plus dans ceux de l'enseignement agricole ! S'il fallait retenir une décision de nos débats, que ce soit celle-ci : parler des coopératives à l'école ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Michel Baylet . - La crise qui frappe l'économie mondiale depuis 2008 a au moins un mérite, celui de mettre en lumière un modèle sous-estimé : l'ESS. Si le secteur a bien résisté à la crise, il a pâti du désengagement de l'État avec le gel des dotations aux collectivités territoriales et la suppression de la délégation interministérielle dédiée à l'ESS.
Le Gouvernement a pris la mesure de l'importance du secteur : il lui a consacré un ministère. Le Sénat n'est pas en reste, avec la création d'un groupe de travail et la publication d'un premier rapport sur les coopératives.
Le projet de loi sur l'ESS, annoncé le 5 septembre en conseil des ministres, suscite des espoirs... et des inquiétudes. S'agira-t-il d'une loi d'orientation et de programmation, comme prévu initialement ? Quid du périmètre de l'ESS, qui doit être aussi large que possible ? Quid du financement, qui est crucial ? La tranche de 500 millions sur les 20 milliards de la BPI en appelle-t-elle d'autres ? Quid du projet de certificat mutualiste, que les grandes mutuelles semblent ne guère apprécier ? Plus généralement, les acteurs de l'ESS sont en quête de reconnaissance et de représentativité. Ils doivent être associés aux grands chantiers du quinquennat : la réforme territoriale, la petite enfance, la dépendance...
En fait, ce qui est en jeu, c'est l'aggiornamento de l'ESS, ni plus ni moins. Modernisons son cadre législatif, pérennisons ses ressources, écoutons ses représentants : elle contribuera au redressement économique, au redressement de la France ! (Applaudissements à gauche)
Mme Aline Archimbaud . - Les coopératives sont extrêmement diverses. Il y a les Scic, créées par la loi du 17 juillet 2001, qui autorisent l'investissement des collectivités territoriales au côté des financeurs de l'ESS et de simples particuliers dans des projets forts. Je le constate en Seine-Saint-Denis, cela doit se vérifier sur tout le territoire. Les CAE créent des emplois durables. Les coopératives d'habitat sont également à encourager.
Pour les soutenir, il faut alléger les procédures, créer un statut adapté, encourager la reprise d'entreprise sous forme de Scop, instaurer un droit de préférence en faveur des salariés lors d'un projet de cession. Les Scop sont un outil très utile pour la reprise ou la transmission d'entreprise, il faut les favoriser de manière systématique.
M. Jean Desessard. - Très bien !
Mme Aline Archimbaud. - L'ESS représente un gisement colossal d'emplois durables qui participeront à la relance industrielle du pays. A l'État de soutenir les entreprises, mais aussi les réseaux.
En ces temps de crise, l'ESS démontre qu'il est possible de faire autrement, de réussir en mettant l'humain au coeur de l'économie. Elle a vocation à devenir un troisième secteur, aux côtés des secteurs public et privé, parce qu'elle constitue un formidable réseau de compétences, d'action, de démocratie économique.
Je n'insisterai pas sur l'enracinement territorial de l'ESS, cela a été développé. Les collectivités locales, organisées en réseau national, peuvent être un interlocuteur précieux.
La création d'un ministère à l'ESS est, pour le groupe écologiste, un espoir. La suppression du secrétariat d'État à l'ESS, il y a dix ans, nous faisait craindre une marginalisation. Ce ministère sera un cadre pour accompagner un secteur porteur des fortes valeurs que nous partageons ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Magras . - L'ESS représente 200 000 entreprises en France, et plus de 2 millions d'emplois, mais reste moins développée que chez certains de nos voisins européens. Favorisons son essor par une politique ambitieuse, dans le droit fil de celle menée par le gouvernement précédent. Une enveloppe de 100 millions d'euros était prévue pour l'ESS à la Caisse des dépôts et consignations, qui devait aider, via un appel à projets, au développement de 20 000 entreprises et créer ou consolider plus de 60 000 emplois, un geste salué par l'ensemble des acteurs. Où en est-on, monsieur le ministre ?
Une des difficultés majeures est la grande diversité du secteur, qui exige autant de réponses adaptées. Les besoins d'aide et d'accompagnement sont réels pour ce secteur qui pourrait constituer une alternative.
Sans trancher le débat, je note l'évolution de la conception statutaire de l'ESS à l'entreprenariat social, tout en préservant des valeurs pertinentes en cette période de crise. Cette dimension est d'ailleurs portée par de nombreux élèves formés dans les écoles de commerce, qui veulent donner sens à leur métier.
L'ESS est compatible avec l'économie classique et ses succès sont réels : elle contribue à la création d'emplois nouveaux, au développement d'activités à forte utilité sociale qui mobilisent davantage de ressources humaines que de capital, à l'insertion sociale et professionnelle, à la revitalisation de territoires délaissés par les activités traditionnelles.
Puisse ce débat nous aider à réfléchir à la façon dont l'État doit soutenir ce secteur multiforme.
Mme Isabelle Pasquet . - Face à la crise économique et à la montée du chômage et de la précarité, l'ESS joue un rôle essentiel par sa dimension territoriale et les valeurs qu'elle porte de solidarité et de responsabilité. Ne laissons cependant pas croire à son omnipotence. La France a passé la barre des 3 millions de chômeurs, 5 millions de personnes sont en situation de sous-emploi. Selon la CGT, 75 000 emplois sont actuellement menacés. Il est urgent de décréter un moratoire sur tous les plans sociaux, il est urgent que l'Assemblée nationale adopte le texte sur l'interdiction des licenciements boursiers, il est urgent de donner des pouvoirs nouveaux aux salariés dans les entreprises pour réorienter les choix de gestion de celles-ci.
PSA Peugeot, Pétroplus, ArcelorMittal, oui, l'urgence est là. Le ministre du redressement productif a annoncé un projet de loi qui obligerait à céder une usine viable que l'on veut fermer ; hélas, le temps législatif s'accorde mal avec l'urgence sociale. L'État ne doit pas se contenter de rechercher des repreneurs, il doit venir au capital des entreprises stratégiques, reprendre ses responsabilités dans les activités industrielles.
Là où l'ESS peut jouer un rôle, c'est dans la reprise des entreprises en difficulté. Mais comment accompagner les salariés pour que leur projet aboutisse ? Je voudrais citer l'exemple des salariés de l'usine Fralib qui, depuis 2010, se battent pour continuer à travailler à Gémenos, sur un site rentable qu'Unilever veut fermer alors que la multinationale engrange 4 milliards de bénéfices ! Le passé traumatisant de la fermeture de l'usine Lipton du Havre, en 2007, le harcèlement judiciaire, les manoeuvres sournoises de la direction n'ont pas eu raison de la détermination des salariés. Malheureusement, le groupe a légalement la possibilité de refuser l'utilisation de sa marque Éléphant ; il est engagé dans une stratégie de réduction du nombre de ses marques, le thé étant dorénavant labellisé Lipton.
M. Montebourg avait envisagé la possibilité de réquisitionner les marques, qu'en est-il ? Les Fralib défendent un patrimoine industriel. Une réforme du droit de la propriété intellectuelle est nécessaire. (Applaudissements à gauche)
M. Henri Tandonnet . - L'ESS est globalement marquée par une grande diversité de statuts et l'absence d'une représentation unifiée. Je salue la création d'un groupe de travail sur ce secteur, si important pour l'agriculture notamment.
Monsieur le ministre, un projet de loi est annoncé pour le premier semestre 2013. Il facilitera notamment l'accès à la commande publique, je m'en réjouis. Il devra être l'occasion de favoriser les coopératives de production et de distribution, de moduler la fiscalité du secteur, de promouvoir les circuits courts. Je suis plus partagé sur l'idée de la création d'un label. Non seulement la perspective doit être européenne mais il faut aussi éviter de tomber dans la caricature en opposant l'ESS, qui serait vertueuse, à l'économie classique, qui serait spéculative.
La diversité du secteur est aussi sa richesse. Difficile de trouver des règles communes pour toutes ces structures ! Autre chantier, le contrôle des fonds publics. Le développement du secteur passe enfin, selon moi, par l'enseignement et la formation à l'ESS auprès des jeunes, un secteur qui remet l'humain au coeur de l'économie.
L'ESS peut constituer un renouveau de l'économie. Attention à ne pas créer de barrières en voulant trop bien faire !
M. Martial Bourquin . - L'ESS souffre de beaucoup d'idées reçues. L'absence de profits fait oublier que les acteurs de l'ESS sont producteurs de richesse, d'aménagement du territoire et de cohésion sociale. Merci au Gouvernement d'avoir créé un ministère dédié. Notre économie a besoin d'un secteur coopératif et associatif fort pour relever le défi de la croissance. Je salue la qualité du rapport. La croissance est affaire de moyens, de justice sociale, mais aussi de réseau. L'économie solidaire n'est pas l'économie solitaire ! (On apprécie)
J'ai, dans mon territoire, un réseau dont le bilan est très positif : 656 personnes accompagnées, 153 créations d'entreprises en dix ans. Ces initiatives marchent, elles créent de l'emploi non délocalisable, de la valeur. Mais il faut, à ce stade, des évolutions statutaires, financières, culturelles. Nous attendons beaucoup du projet de loi annoncé par le Gouvernement.
Nous devons faire évoluer le statut des coopératives, trop souvent dernier recours. Les tribunaux de commerce rechignent à les considérer comme des acteurs économiques à part entière. On connaît la grande fragilité de la transmission et de la reprise d'entreprises. Les coopératives doivent être davantage mobilisées.
Ne donnons pas toutefois dans l'angélisme : la coopérative ne doit pas être utilisée comme niche fiscale.
Deuxième point : le financement de l'ESS. Celle-ci devra pouvoir bénéficier de l'apport de capitaux de la future BPI.
Troisième levier : la mise en réseau. C'est la force de l'ESS, qu'il faut encourager. Je plaide pour une meilleure intégration de l'ESS dans les pôles de compétitivité. Ces entreprises ne doivent pas s'interdire l'innovation.
Je suis de Franche-Comté, le pays des fruitières, de Victor Hugo... et de Proudhon ! Nous savons que la coopérative, ça marche !
La simplification des normes administratives doit s'appliquer à l'ESS aussi. La France est malade de ses normes : simplifions, pour développer nos territoires et nos entreprises. (Applaudissements à gauche)
M. Christian Bourquin . - L'ESS fait partie intégrante de notre économie. C'est un recours, en période de crise, car elle incarne une autre vision des relations économiques. C'est un espoir, et une espérance, car elle permet l'innovation sociale. L'ESS est aujourd'hui à la croisée des chemins : elle a besoin d'évolution juridique, de réforme de ses modes de financement, faute de quoi elle vivotera, ou perdra son âme. C'est le cas des coopératives vinicoles, qui n'ont pas les moyens de relever les défis qu'elles rencontrent. A côté du secteur caritatif et du secteur commercial, l'ESS doit jouer tout son rôle. Les diverses structures qui la composent méritent un statut juridique approprié. La création d'une Scop est risquée, ce qui décourage les salariés de reprendre leur entreprise alors que celle-ci est viable ! Pourquoi ne pas créer un système inspiré de la SARL, garantissant la protection des apporteurs ? Cela prendra du temps. Or le financement est une question urgente. Voilà le défi à relever, monsieur le ministre : trouver des capitaux plus patients, moins gourmands. Imagions une autre rémunération que la seule rentabilité financière ! La faible innovation en matière d'ingénierie financière freine le développement de l'ESS, qui a besoin de matière grise ! Il lui faut des fonds dédiés à l'amorçage de projets qui n'arriveront que plus tard à maturité économique. Pourquoi pas des prêts spécifiques, associant les collectivités locales ?
J'attends beaucoup de la future BPI pour le financement de l'ESS. Elle doit jouer un rôle important dans cette dynamique, aux côtés des conseils régionaux, que je porte dans mon coeur -à commencer par le mien ! (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Demontès . - L'ESS est appelée à prendre toute sa part dans l'entreprise de redressement du pays que mène le Gouvernement. Je concentrerai mon propos sur l'habitat coopératif. Le Sénat s'est déjà penché sur la question -enfin, la gauche avait fait des propositions lors de l'examen de la loi portant mobilisation pour le logement, en 2009, le gouvernement Fillon ne les avait pas suivies.
Les coopératives d'habitants sont peu nombreuses en France, une cinquantaine. En Suisse, en Norvège, c'est un mode d'habitat très répandu !
Le coût du logement a crû de 107 %, quand les revenus augmentaient de 17 %. Le logement est devenu un objet de spéculation et de rente. Cette dynamique mercantile oblige le citoyen à s'effacer devant la chaîne d'intérêts privés ; son coût rend le logement de qualité inaccessible à la majorité. Dans ce contexte, la coopérative d'habitants propose une autre logique, entre propriété et location. Elle allie les logiques économiques, autour de principes communs : la propriété collective, fondée sur le principe démocratique de la part sociale, le respect de l'environnement, la solidarité. Les coopératives d'habitation ont été supprimées par les lois Chalandon de 1971 ; ne subsistent que les coopératives de construction. Je plaide pour ce système, qui permet d'habiter un territoire et non simplement de consommer du logement.
Il faut définir les coopératives d'habitants en actualisant la loi de 1947, qui ne les avait pas prévues. Les conditions de cession de parts doivent être encadrées pour éviter toute dérive spéculative. La coopérative doit pouvoir pratiquer des loyers inférieurs à ceux du marché. La question du régime fiscal doit également être revue afin que les coopératives puissent provisionner à long terme leurs travaux. La mauvaise coordination entre droit coopératif et droit du logement freine le partenariat avec les HLM : il faut simplifier. Les coopératives d'habitants sont une réponse à la marchandisation. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre !
M. Yves Chastan . - J'ai mené une étude sur ce secteur en Ardèche. Dans ce département très touché par la crise, l'ESS est en expansion : ses effectifs ont augmenté quatre fois plus que l'emploi normal. Elle y est plus développée que dans le reste du pays et présente dans de nombreux secteurs, de la banque à la fabrication de vêtements, avec la société Ardelaine qui emploie 45 salariés et valorise la laine de 300 éleveurs de moutons. J'ai identifié des obstacles. Comment améliorer la professionnalisation des acteurs de l'ESS, souvent associatifs ? Il faut faire évoluer les comportements : on peut réinvestir, créer de l'emploi sans objectif capitalistique. Il faudrait créer un statut pour les bénévoles.
Comment donner le goût d'entreprendre autrement ? Les politiques administratives ne sont pas adaptées, les élus peu sensibilisés. Les chambres consulaires n'encouragent pas à choisir ces formules. Il y a un besoin de formation : la territorialisation de la chambre régionale de l'ESS est demandée par de nombreux acteurs. Enfin, le cadre juridique doit être modernisé.
Les avantages de la Siic sont reconnus, mais l'adhésion à la structure est coûteuse. Concernant les Scop, un statut de salarié doit être instauré. J'espère que ces propositions alimenteront les réflexions du Sénat et du Gouvernement. L'ESS doit rester un secteur à part entière, parce qu'elle est l'économie à visage humain. (Applaudissements à gauche)
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation . - Au-delà du projet de loi qui sera examiné en 2013, nous préconisons une approche transversale de l'ESS avec la BPI ou encore les emplois d'avenir. Nous sommes arrivés à un moment où la puissance publique doit doter l'ESS des moyens nécessaires pour changer d'échelle, sans quoi ce secteur entrera dans une phase de déclin.
Pour la première fois, en effet, le secteur associatif a perdu des emplois en 2011 : 22 000. Il faut franchir un palier en inscrivant l'ESS au titre des éléments participant au redressement de la France. Le Gouvernement répond à ce défi en créant un ministère dédié à Bercy, autour de trois principes : reconnaissance, structuration et développement de l'ESS.
La reconnaissance de l'ESS passera par la loi. Mon approche est très inclusive : il n'y a pas de querelle des anciens et des modernes, entre statut et finalité, entre mutualité et entreprenariat social. Ces deux approches concourent à créer de l'emploi et de la richesse.
Pourquoi un label de l'entreprise sociale et solidaire ? Il vise à permettre aux acteurs du financement de l'ESS -comme la BPI- de reconnaître une entreprise sociale et solidaire. Nous devons pouvoir orienter la commande publique vers l'ESS, cela suppose que les donneurs d'ordre, tout comme le législateur, puissent reconnaître une entreprise sociale et solidaire par un label. Le but de la législation n'est pas d'exclure mais de fixer le périmètre légal de l'ESS, autour de principes : non-lucrativité ou lucrativité limitée, principe d'un homme pour une voix, gouvernance démocratique, partage du pouvoir et ancrage territorial.
La reconnaissance de l'ESS passe aussi par l'enseignement : l'existence de ces autres sociétés doit être présentée dans les cours et manuels d'économie.
Monsieur Baylet, lors de la dernière conférence sociale, Mme Parisot a ouvert le chantier de la rénovation de la représentation patronale. L'ESS pourra ainsi être représentée par ses employeurs dans le dialogue social interprofessionnel.
Oui à la contractualisation, à la structuration de l'ESS sur les territoires. Les citoyens ont recours à l'ESS sous ses diverses formes mais ne la reconnaissent pas comme telle. Les collectivités locales, et tout particulièrement les régions, connaissent les besoins des associations et des coopératives car elles ont des stratégies de filière. A Toulouse, j'ai visité une coopérative de 12 personnes, qui transforme les déchets de la ferme en biogaz, à côté d'une autre qui emploie 1 600 personnes, et enfin Ethiquable... Ce sont trois mondes différents au sein des coopératives. Il faut une stratégie de filière territorialisée : la contractualisation sera consacrée dans la loi.
Dernier point : le développement de l'ESS. Le programme des emplois d'avenir y est particulièrement adapté puisqu'il vise spécifiquement le milieu associatif, les jeunes peu qualifiés comme les jeunes qualifiés. Le monde associatif a en effet besoin de jeunes qualifiés, notamment pour encadrer des activités dans les zones urbaines sensibles.
La BPI consacrera 500 millions au financement de l'ESS. Nous avons tiré les conséquences de l'initiative utile qu'avait prise le gouvernement précédent avec le programme d'investissements d'avenir, je voulais le dire au sénateur Magras.
Les financements seront orientés en direction de l'innovation sociale, ainsi que vers les besoins de financement en haut de bilan et en bas de bilan. Il s'agit de pouvoir aider une petite association à découvert comme un établissement de grande taille. Avec le doublement des plafonds du livret A et du livret de développement durable, le secteur bancaire privé participera également au financement de l'ESS. Ces instruments innovants contribueront au changement de logiciel de l'ESS.
Le certificat mutualiste permettrait aux mutuelles de lever les fonds propres nécessaires pour respecter les exigences de solvabilité. Nous réfléchissons à cette proposition de Groupama, ma religion n'est pas encore faite mais c'est une piste.
Les propositions de votre rapport sont riches. Un mot sur les coopératives. Fourrier, Proudhon, Charles Gide : l'idée est ancienne. Aujourd'hui, ce sont 21 000 coopératives, 1 million de salariés, 23,7 millions de sociétaires, 280 milliards de chiffre d'affaires. On distingue les coopératives d'entrepreneurs, d'utilisateurs ou d'usagers, de production, comme la Scop que nous voulons favoriser comme vous, les coopératives multi-sociétariales, à l'instar de la Scic, et les banques coopératives. Quelles sont les limites de ce modèle ? Toutes ne sont pas passées à côté du mirage de l'économie-casino, notamment dans le secteur bancaire. Des filiales de BPCE ou du Crédit agricole ont été prises la main dans le pot de confiture et ne se sont pas montrées plus vertueuses que les banques classiques !
Dans le monde agricole, on a des coopératives de grande taille, qui ont peut-être oublié leurs beaux principes...
Nous voulons le renouveau des coopératives. Disons, d'abord, que la Scop n'est pas de la magie. Elle ne transformera pas du jour au lendemain une entreprise en difficulté en une entreprise performante ! Nous devons collectivement tordre le cou à cette idée. Parfois, la reprise en Scop permet un vrai redressement -l'entreprise Ceralep produisant des isolateurs céramiques, dans la Drôme, par exemple, florissante avant son rachat par un fonds de pension américain et reprise par ses salariés après le dépôt de bilan qui suivit rapidement- mais le modèle n'est pas toujours le plus adéquat. Nous étudions les conditions dans lesquelles les salariés de Fralib pourraient reprendre l'entreprise -mais le succès dépend de l'attitude d'Unilever et de la cession de la marque Éléphant... Ce n'est pas le seul passage en Scop qui débloquera la situation !
Il faut d'abord développer les structures existantes et élargir les principes de la coopérative à d'autres structures. Le président Hollande s'est engagé à créer un droit de préférence de reprise qui obligerait le cédant à faire une proposition de reprise aux salariés et à leur laisser le temps de construire un dossier ! La loi distinguera le cas de cession d'entreprises en bonne santé d'entreprises en difficulté. On estime que 50 000 à 200 000 emplois sont détruits à la suite de la disparition d'entreprises saines, faute de repreneur.
La dérogation temporaire concernant la possession majoritaire du capital par les salariés leur permettra de conserver 65 % des droits de vote sans être majoritaires au capital.
Ce sera une proposition importante du projet de loi. Nous avons commandé un audit à la Chancellerie sur les conditions de reprises en Scop pour en savoir davantage. Nous réfléchissions également à une fiscalité adaptée. Ainsi le forfait social reste à 8 % pour ce secteur, alors qu'il a été relevé à 20 % pour l'économie classique. Nous souhaitons également sécuriser les salariés des coopératives d'activité et d'emploi (CAE), soumis à un risque permanent de requalification des contrats. Il y a un travail important à mener sur leur environnement juridique.
Nous voulons également élargir les coopératives à d'autres secteurs, notamment le logement. Le Sénat a un temps d'avance sur les coopératives d'habitants, qui ont l'avantage de sortir le logement de la spéculation tout en favorisant le vivre-ensemble avec le développement d'espaces communs et la construction durable. Il leur faut effectivement un statut.
L'économie sociale et solidaire représente 2,3 milliards de salariés, 10 %du PIB. Le projet sera l'occasion d'établir une véritable définition pour ce secteur qui a plus que gagné ses lettres de noblesse dans la crise.
Je vous donne rendez-vous au printemps prochain en vous assurant que, d'ores et déjà, les travaux du Sénat alimentent la réflexion du Gouvernement (Vifs applaudissements à gauche)
Procédure simplifiée
M. le président. - Au cours de sa réunion de ce jour, la commission des affaires étrangères a demandé que le projet de loi autorisant la ratification de la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du travail soit examiné selon la procédure simplifiée, le mardi 9 octobre prochain. Le délai pour revenir, le cas échéant, à la procédure normale pourrait être fixé au vendredi 5 octobre à 17 heures.
La séance est suspendue à 19 h 35.
présidence de M. Charles Guené,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Débat sur la communication audiovisuelle et le nouveau service public de la télévision
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur l'application de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Plus de trois ans après le dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale du projet de loi sur le service public de l'audiovisuel, nous sommes appelés à contrôler son application. Il a fait couler une mer d'encre, avant, pendant et après son adoption. Se sont affrontés ceux qui pensaient que la suppression de la publicité allait libérer le groupe de l'aliénation commerciale et ceux pour qui celui-ci allait être fragilisé et mis en difficulté pour mener à bien ses missions de service public.
Tout ce qui s'est passé avait été prédit et annoncé ; il suffit de lire le compte rendu des débats pour s'en persuader. Je suis satisfait, en tant que président de la commission de contrôle de l'application des lois, qu'un débat soit organisé pour tirer les conclusions de son rapport. Je me félicite que deux rapporteurs, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition, aient pu rédiger un rapport commun et nuancé, fournir à l'opinion un outil de nature à l'éclairer.
Un peu d'histoire... Le 8 janvier 2008, Nicolas Sarkozy annonçait par surprise la suppression de la publicité sur France Télévisions, annonce qui ne résultait ni d'un engagement de campagne ni d'une réflexion approfondie. La réforme a été menée au pas de charge : trois mois plus tard, la commission Copé lançait la concertation ; trois mois après, la polémique s'engageait. La commission Copé butait sur les modalités de financement de la suppression de la publicité, érigée en dogme intangible ; le maintien en l'état de la redevance en était un autre. M. Copé affirmait : « Moi, vivant, la redevance n'augmentera pas ! » -M. Copé n'est pas mort et la redevance a augmenté. Certains membres de la commission, dont j'étais, ont démissionné. Autre surprise : le texte présenté en Conseil des ministres comportait la nomination des présidents de l'audiovisuel par le président de la République. Un an plus tard, la loi était appliquée mais sans avoir été encore votée.
Mais ce n'est pas en raison des conditions improbables de son adoption que cette loi est néfaste. Le bilan que nous avons dressé est précis et factuel. Nous avons mené un travail d'archéologie et jugé les effets de la loi non à l'aune de nos avis de l'époque mais au regard des intentions affichées.
Si je me suis abstenu d'émettre une quelconque opinion au moment de rendre le rapport sur les modifications à apporter à la loi, il n'en ira pas de même ce soir.
Le bilan de la mise en oeuvre de la loi est très mitigé. Certaines mesures comme la modernisation des règles applicables à l'ensemble des médias audiovisuels ont été satisfaisantes.
Mais au total, la réforme a peiné, c'est un euphémisme, à être mise en oeuvre et a fragilisé le groupe France Télévisions. La mesure emblématique de la loi, la suppression de la publicité, est elle-même emblématique de son échec. En soirée, la suppression a été tellement rapide qu'elle est intervenue, illégalement selon le Conseil d'État, avant la promulgation de la loi ; la suppression en journée n'a pas eu lieu fin 2011 pour des raisons de financement, ce sera au gouvernement actuel de régler la question.
A-t-on assisté à la fin de la dictature de l'audience ? Le groupe a-t-il changé de modèle culturel ? La vérité est que les programmes n'ont pas changé de nature : parce que le cahier des charges est resté peu contraignant, parce que les yeux des dirigeants sont restés rivés sur la courbe d'audience, parce qu'il est difficile d'allier programme exigeant et audience forte -la suppression de la série Maupassant nous a surpris, c'était précisément un programme qui les conciliait.
M. Jacques Legendre. - En effet !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Dans le domaine de l'information politique, saluons le renforcement de l'offre de programmes par France Télévisions. Je ne souhaite pas me constituer en énième programmateur mais je considère, au vu de l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens que, globalement, France Télévisions n'a pas changé de couleur... Quelle est d'ailleurs la capacité, la légitimité du législateur à influer sur la programmation culturelle ? France Télévisions n'a pas respecté l'horaire de 20 h 35, cité comme la justification de la réforme. Le groupe a considéré que ce n'était pas pertinent pour le téléspectateur et contre-productif pour l'audience. Faut-il imposer ce type de règles par la loi ? Le rôle du législateur n'est-il pas plutôt de fixer les grands principes ?
La suppression de la publicité a eu des conséquences dommageables. Elle a changé le modèle économique de France Télévisions en passant d'un diptyque redevance-publicité à un triptyque dotation budgétaire-publicité-redevance, beaucoup plus fragile. Le contrat d'objectifs et de moyens n'a jamais joué son rôle de bouclier, la dotation promise pour 2012 a été rabotée. Ce n'est bon ni pour l'indépendance du groupe, ni pour son équilibre économique. Quand l'État aura moins des moyens, France Télévisions sera fragilisé. Diminuera-t-on encore son périmètre ? Nous en débattrons à propos du budget.
Le financement de la réforme par la mise en place de nouvelles taxes a été un échec -on en attendait 450 millions, il n'y en a que 270. En quatre ans, la réforme a coûté à l'État 628 millions d'euros, qui auraient pu être mieux utilisés dans des programmes culturels. Pire, la taxe télécom, la plus rentable pour l'État avec 350 millions, est contestée à Bruxelles. Si elle est déclarée incompatible avec les règles européennes, nous aurons besoin de 350 millions chaque année, plus 1 milliard pour rembourser les opérateurs s'ils le demandent. Si tel était le cas, le bilan de la loi passerait de mitigé à catastrophique.
La constitution de l'entreprise unique, autre grand objectif de la réforme, n'a pas encore eu d'effets positifs mais des effets secondaires rapides et nocifs, désorganisation et remise en cause des accords collectifs. Le même constat peut être fait pour AEF. Reconnaissons toutefois que les synergies, même si elles n'ont pas été réalisées complètement, porteront, selon la Cour des comptes, leurs fruits ces prochaines années.
Le média global a été lancé mais les moyens manquent. Le conseil d'administration unique a amélioré la gouvernance de l'entreprise. Nous avons déjà évoqué le mode de désignations des présidents de l'audiovisuel public ; quels que soient leur professionnalisme et leur indépendance, il y a eu soupçon. La mise sous surveillance politique par l'opinion publique a été le seul frein à l'interventionnisme. En tout cas, la crédibilité du groupe a été entamée.
Les mois et années à venir seront très difficiles pour France Télévisions à cause, en grande partie, de la fragilisation issue de la loi.
Il faudra rétablir la publicité en journée ; ce rétablissement sera forcément à l'ordre du jour si l'Europe nous condamne.
M. Jean-Pierre Leleux. - Très bien !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Reste que le marché publicitaire n'est pas le même qu'en 2009, même les groupes privés sont aujourd'hui en grande difficulté. Et l'arrivée de six nouvelles chaînes sur la TNT ne va rien arranger.
L'augmentation de la redevance à moyen terme ne suffira pas à compenser la suppression brutale de la publicité ; je propose d'en élargir l'assiette aux résidences secondaires (M. André Gattolin applaudit), soit immédiatement, soit de la programmer pour 2014. Une instance totalement indépendante doit nommer les dirigeants. Ce sera le chantier du printemps.
Le seul décret qui n'a pas été pris est celui... sur le comité de suivi de la loi. On comprend pourquoi ! Mais cela a été compensé par le travail de la commission de contrôle de l'application des lois. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Legendre, rapporteur de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois . - Cela ne vous surprendra guère : je vois, moi, le verre à moitié plein et considère que le bilan de la loi est positif. Il est incomplet, certes, parce que, dans l'enthousiasme des débats, nous mettons toujours beaucoup d'espoir dans les mesures qui rencontrent ensuite des résistances sur le terrain. Et on parle davantage des trains qui arrivent en retard que de ceux qui arrivent à l'heure. J'ajoute que M. Assouline comme moi-même, deux des principaux protagonistes de ce débat, manquons de recul afin de juger sereinement de l'application d'une loi que l'un a férocement contestée et que l'autre a pleinement soutenue. (Sourires) Puissent nos lectures contrastées de ce bilan servir à forger l'opinion de l'ensemble de nos collègues.
Douze décrets ont été pris sur les treize requis ; le Gouvernement a consenti un réel effort d'application des délais raisonnables. La conformité de la loi au droit européen était au prix de la non-publication du treizième. Il n'est pas trop tard pour le faire... La quasi-intégralité des rapports demandés ont été rendus. Le service après-loi a été rapide et efficace, c'est suffisamment rare pour être souligné.
Sur la suppression de la publicité, je serai plus modéré que mon collègue. Son impact sur le visage éditorial du groupe n'a pas été majeur, soit. La culture de l'audimat imprègne toujours fortement les esprits. Est-ce pour autant qu'il faille y renoncer ? La qualimat me paraît plus importante que l'audimat... Les programmes ne débutent pas à 20 h 35, certes, mais grâce à la loi, bien plus tôt que sur les chaînes privées. C'est un atout majeur. Les téléspectateurs en sont en grande majorité satisfaits, on peut dire que la réforme a suscité l'adhésion du public en dépit des dérives du parrainage. Regardez le Royaume-Uni, vous verrez que l'absence de publicité y est un facteur de différenciation très puissant.
France Télévisons contribue très largement à la promotion de la culture française. Les engagements du groupe en faveur de la création n'ont jamais été aussi importants. Donnons à France Télévisions le temps de la stabilité et de la confiance ; les résultats, j'en suis certain, seront au rendez-vous. Nous attendons de l'audace et de l'ambition, que la suppression de la publicité ne peut que favoriser. La télévision populaire de qualité est un objectif à la mesure du groupe, l'émission Secrets d'histoire diffusée cet été est un bon exemple. La grande force de cette loi est qu'elle a laissé une grande place à l'expérimentation. Elle est à l'ordre du jour. Retenons-en la leçon pour l'avenir. Je pense qu'il ne doit pas y avoir du tout de publicité sur France Télévisions en soirée ; la charte du parrainage devra être revue.
L'entreprise unique... Une telle fusion est très rare dans le paysage industriel français, 11 000 salariés à réunir sous une même bannière. Elle poursuit sa route dans de bonnes conditions. Elle n'a jamais été contestée, pas plus par l'opposition de l'époque que par la majorité d'aujourd'hui.
Les crédits attribués à France Télévisions ont augmenté régulièrement plus que l'inflation depuis 2009. Le budget pour 2013 ne sera peut-être pas à la hauteur des ambitions que nous avons pour l'audiovisuel public...
On ne peut passer sous silence la question de la nomination des présidents de l'audiovisuel public par le président de la République, qui a mis fin à une hypocrisie persistante. Qui critique les choix qui ont été faits ? Je mets au défi quiconque de trouver des émissions de France Télévisions particulièrement favorables à l'ancien président de la République et à l'ancienne majorité. Les personnes nommées ont été compétentes. La nomination de Mme Saragosse à l'AEF se fait selon une procédure similaire, je suis certain qu'elle ne sera pas contestée.
J'en viens aux sujets qui ne fâchent pas. Les dispositions de la loi relatives aux services à la demande ont fait entrer la télévision de rattrapage et la VOD dans le quotidien de nos concitoyens. La diffusion de programmes pour les personnes en situation de handicap a été renforcée. Dès l'an prochain, nous aurons un programme audio-écrit par soirée, amélioration remarquable de la situation des personnes en situation de handicap visuel.
La promotion de la diversité a progressé. Le CSA a jugé les résultats positifs. Le volontarisme législatif a des vertus, l'autorité s'est bien emparée de la loi.
Sous le bénéfice de ces observations, j'ai soutenu l'adoption du rapport. Bien des mesures ont été appliquées favorablement. Je crois que cette loi a bien préparé la télévision de l'avenir. Il y a bien sûr des améliorations à apporter. Je n'en attends pas moins de la présente majorité. (Applaudissements à droite)
M. André Gattolin . - Je salue la très grande qualité de ce rapport, qui éclaire avec pertinence la fragilité du financement actuel de l'audiovisuel public. La taxe sur les FAI est contestée à Bruxelles ; son invalidation probable coûterait à l'État près d'un milliard d'euros et supposerait que son produit fût compensé par lui. C'est dire combien se pose la question du financement de la réforme.
L'assiette fiscale de la redevance est menacée de déclin. Trop étroite, elle exclut les résidences secondaires, tandis que de plus en plus de personnes suivent les programmes télévisuels depuis un écran d'ordinateur. Les recettes de France Télévisions seront amputées de plus de 80 millions d'euros. La taxe sur la publicité des chaînes privées rapporte beaucoup moins que prévu : 27 millions en 2009 pour plus de 90 escomptés ! L'évolution de la manne publicitaire est incertaine. La crise a des incidences fortes sur les investissements télévisuels des annonceurs : d'après l'Irep, la récession de l'investissement publicitaire serait de 2 % en 2012...
Les télévisions généralistes souffrent de la concurrence croissante de la TNT et de la montée en puissance d'internet. Dans ces conditions, il était irresponsable d'autoriser coûte que coûte six nouvelles chaînes sur la TNT.
La réforme de 2009 a été mal menée, précipitée. Marie-Christine Blandin avait insisté sur la vigilance qui devait être de mise quant à la compensation financière de la suppression de la publicité.
La qualité n'a pas été au rendez-vous des programmes. En matière de gouvernance, France Télévisions avait adopté, il y a quelques années, un principe d'horizontalité, sur le modèle de la BBC. La direction actuelle y a introduit de la verticalité ; cette logique hybride conduit à multiplier les centres de décisions et à renchérir les coûts. De nombreuses émissions subissent des marges de producteurs extérieurs allant jusqu'à 40 % ! Dans le même temps, on envisage des coupes brutales dans les moyens des programmes régionaux de France 3 et une fusion des rédactions de France 2 et France 3...
Le groupe écologiste pose les questions de fond. Comment le groupe peut-il se distinguer du privé ? N'est-il pas temps de revenir sur l'externalisation massive de la production et de la création ? Pourquoi ne pas travailler uniquement avec des sociétés qui publient leurs comptes ?
Par absence de projet éditorial, France 2 et France 3 ont régressé auprès de deux cibles stratégiques pour les annonceurs : les actifs de moins de 59 ans et les femmes de moins de 50 ans.
La télévision publique ne souffre pas seulement d'un non-financement mais aussi d'une sous-gouvernance. Il est urgent que les pouvoirs publics s'y attellent dans les projets de loi qui verront le jour. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Laurent . - La grève massive des salariés de l'audiovisuel public aujourd'hui, le rassemblement cet après-midi devant notre assemblée, la présence de représentants syndicaux dans nos tribunes pointent les effets désastreux de cette loi. On annonce la suppression de 500 postes et une baisse brutale du budget de France Télévisions pour 2013. Les effets cumulés du bilan de la loi de 2009 et des annonces récentes peut être désastreux.
Une crise de confiance mine l'audiovisuel public du fait du mode de désignation de ses dirigeants par l'exécutif. Crise de financement et de vision stratégique aussi. Les finances de France Télévisions sont profondément affectées par la suppression de la publicité, la substitution pérenne des ressources publiques n'ayant pas été au rendez-vous. La suppression de la publicité n'a pas améliorée les contenus. Le placement de produits envahit les soirées. La tyrannie de l'audience continue à jouer à plein.
La loi de 2009 était censée compenser la suppression de la publicité. Tous les dispositifs qu'elle a mis en place sont remis en cause aujourd'hui. Le taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des recettes publicitaires des chaînes privées n'a cessé de baisser, tandis que la conjoncture en faisait chuter le rendement ; d'ici à la fin 2012, on estime que 160 millions de revenus publicitaires manqueront au budget de France Télévisions. La taxe sur les FAI est, de son côté menacée, par la Commission européenne, à cause de la logique de concurrence aveugle qu'elle met en avant et du lobbying forcené des opérateurs. Si la taxe est invalidée, l'État devra rembourser 1 milliard, peut-être davantage. Le Gouvernement aurait provisionné cette somme. Sur quel budget ?
La dotation budgétaire n'a jamais été à la hauteur. Il a manqué 86 millions de 2008 à 2011. Nous ne pouvons pas continuer à bricoler. C'est à la mise en chantier urgente d'une nouvelle loi qu'il faut s'atteler dès aujourd'hui. Il en va de la responsabilité de la gauche. Au lieu de cela, le Gouvernement vient d'annoncer une diminution brutale et historique de la dotation budgétaire de France Télévisions.
La seule augmentation de la redevance ne suffira pas. Quant aux emplois, le PDG a annoncé qu'il continuerait à en supprimer, après 650 départs cette année, sans compter les CDD... La fusion des rédactions de France 2 et France 3 pousse à remettre en cause les moyens de production en région. A Radio France, si la baisse des moyens n'est que de 3 millions, les emplois n'y sont pas non plus épargnés. Comment imaginer, dans ces conditions, que la gauche renonce à une réforme ambitieuse de l'audiovisuel public ?
Il faut poser la question des missions de service public, dégager des recettes pérennes et revoir le mode de désignation des présidents. Pour nous, le préalable est de renoncer aux coupes budgétaires ; sans cela, la confiance serait rompue avec les personnels, sans lesquels il n'y a pas de redressement possible.
Dans le contexte d'austérité actuel, toute mesure fiscale nouvelle devra comporter des éléments de progressivité et s'inscrire dans une réforme fiscale globale.
Certaines organisations syndicales proposent le retour de la publicité après 20 heures. Ce n'est pas cette piste que nous privilégions. Les rapports entre France Télévisions et les producteurs privés doivent être revus en profondeur, d'autant que France Télévisions a une obligation d'investissement de 450 millions d'euros par an dans la production audiovisuelle et cinématographique.
Le bilan de la loi 2009 ne laisse d'autre option qu'une révision profonde. Le calendrier est urgent. Il faut que la gauche agisse. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)
Mme Catherine Morin-Desailly . - Il y a peu, la Cour des comptes soulignait l'urgence de préserver les équipes dirigeantes des atermoiements et revirements de ces dernières années. Je le disais dès 2010 dans un rapport sur la loi que vous avez oublié de citer, monsieur Assouline, ce que je regrette.
Il faut avant tout garder le cap, adapter le service public aux enjeux de notre temps -arrivée de nouvelles chaînes et révolution technologique.
Le projet de loi de finances 2013 devrait clarifier la position du Gouvernement. C'est la première fois qu'on constaterait une baisse des dotations à l'audiovisuel public, pour le premier budget de la gauche depuis dix ans ! Je pense que vous ne l'aviez pas prévu, monsieur Assouline !
Le retour de la publicité après 20 heures est abandonné, tant mieux. Cela aurait perturbé encore plus un marché publicitaire déjà bousculé par l'arrivée de nouvelles chaînes privées -à laquelle le groupe centriste était opposé tant que le modèle imaginé en 2009 n'était pas stabilisé. France Télévisions enregistrera en 2012 des pertes publicitaires s'élevant à 50 milliards...
L'urgence est le financement du service public de l'audiovisuel. Nous avons demandé un comité de suivi, le décret n'est pas paru. Dommage, cela nous aurait aidés. Depuis 2002, le groupe UCR a toujours défendu le principe de la redevance réévaluée et indexée, que je proposais de baptiser contribution à l'audiovisuel public. La taxe sur les fournisseurs d'accès internet, la taxe télécom sont menacées ; nous plaidons pour un élargissement de la redevance couplée systématiquement à la taxe d'habitation. Cela représenterait 200 à 250 millions de crédits. Madame la ministre, lorsque vous siégiez à l'Assemblée nationale, vous étiez favorable à une taxation moitié moindre que celle des résidences principales. Idem pour le principe d'une taxe sur les ordinateurs lorsqu'ils servent de récepteurs -Bercy vous a contredite. N'oublions pas qu'une loi dégage des économies à terme, n'oublions pas non plus que la loi prévoit la compensation intégrale de la suppression de la publicité.
Quelques mots, pour finir, du contenu. Il est de bon ton de dire que rien n'a changé. Pourtant, le bouquet de France Télévisions a pris des couleurs, et sur tous les supports. Il reste beaucoup de chemin à parcourir, nous aurons d'autres rendez-vous. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Mercier. - Bravo !
M. Jean-Pierre Plancade . - Le budget pour 2013 prévoit une baisse de 3,4 % des ressources de France Télévisions. La mesure était annoncée depuis trois ans, M. Assouline a eu raison de le souligner...
J'ai lu avec intérêt le rapport de MM. Assouline et Legendre. Peut-être est-il un peu tôt pour établir un bilan, quatre ans ont pourtant passé. Mettre fin à la tyrannie de l'audimat ? Nous étions pour. Mais le financement n'est pas au rendez-vous et les programmes de France Télévisions se différencient peu de ceux des chaînes privées. Quand va-t-on, enfin, dans ce pays, se décider à créer un audiovisuel public de qualité, autonome et pérenne ? Toute la question est là. Des deux taxes crées par la loi de 2009, l'une n'a pas le rendement attendu, et de loin ; l'autre est sous la menace d'une condamnation par la Cour de justice des communautés, ce qui nous coûterait très cher...
France Télévisions se voit obligée de poursuivre son plan de départs volontaires, la baisse de sa subvention l'y oblige. Peut-être aurait-il fallu mieux maîtriser la dépense et que France Télévisions eût un droit de regard plus étendu sur les programmes qu'elle finance.
Que dire de la baisse d'audience de France 3 quand la chaîne dispose d'un budget de 850 millions d'euros ? Elle a fait des choix éditoriaux contestables...
M. Jacques Legendre. - Tout à fait !
M. Jean-Pierre Plancade. - C'est, madame la ministre, le groupe RDSE, unanime, dans sa pluralité, qui vous le dit.
La nomination des présidents de l'audiovisuel public par le président de la République jette un doute sur l'autonomie de ce service public. Il faut en venir à un conseil d'administration indépendant, représentatif et pluraliste. Le financement doit reposer sur une redevance rénovée, qui ne coûterait que 30 euros de plus par an aux téléspectateurs : moins de 3 euros par mois ! D'ailleurs, le contribuable paie deux fois pour l'audiovisuel public : la redevance et l'impôt. Clarifions cela !
M. Pierre Charon . - S'il est prématuré d'établir un bilan de la loi de 2009, dressons une liste des difficultés auxquelles la nouvelle majorité doit faire face.
La nomination des présidents de l'audiovisuel public ? Que n'a-t-on entendu ! L'opposition avait poussé des cris d'orfraie, crié à l'hyper présidence, dénoncé la dictature... M. François Hollande avait, la main sur le coeur, promis de mettre fin à ces pratiques « indignes d'une démocratie moderne ». Aujourd'hui, Mme Saragosse -dont les mérites ne sont pas en cause- est nommée par « lui, président », au terme de moult manoeuvres narrées par la presse.
Le management ? Il semble défaillant si l'on en croit les chiffres : le 4 septembre dernier, France 3 a remporté 2,7 % des parts de l'audience. L'indigence de vos propositions me stupéfie : quelle autre piste proposez-vous que celle de l'augmentation de la redevance ? Pourquoi pas, demain, jusqu'à 2 000 euros ! Le président Sarkozy avait dit qu'il ne demanderait pas un euro de redevance en plus aux Français ! Il n'y a pas de fatalité : en juillet dernier, l'émission d'histoire de Stéphane Bern, sur Louis XIV, remportait plus de 21 % de parts d'audience, soit autant que Spiderman 2 sur TF 1 ! Nous attendons des pistes concrètes !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - La pub !
M. Jacques Chiron . - Cette loi a fragilisé l'audiovisuel public en réduisant sa capacité à innover. Déjà, en 2009, le groupe socialiste avait argumenté avec force : impossible de supprimer la publicité sans prévoir un financement pérenne. Le produit des nouvelles taxes n'avait pas été correctement évalué, comme le reconnaissaient les sénateurs proches de l'ancienne majorité. Pour le Conseil constitutionnel, la loi a réduit l'indépendance de France Télévisions. Tout le monde s'accorde donc sur ce point.
La remise en question de la taxe télécom par Bruxelles coûterait 1 milliard d'euros à rembourser aux opérateurs ; le Gouvernement, paraît-il, a déjà provisionné la somme.
Dans ce contexte, le retour à la publicité, même s'il peut apparaître comme un recul, est à envisager. Idem sur la revalorisation de la redevance. Elle est relativement faible en France : 125 euros contre 165 euros en moyenne en Europe. Précisons que son assiette est restreinte : les postes dans les résidences secondaires en sont exclus depuis 2005. Merci, monsieur Copé !
Il faudrait envisager une redevance aménagée pour les maisons de campagne plutôt qu'une majoration brutale.
A vous, madame la ministre, de trouver un mode de financement pérenne qui conditionne l'indépendance de l'audiovisuel public. De fait, sans parler de la nomination des présidents de l'audiovisuel par le président de la République, la publicité semble davantage favoriser l'autonomie qu'une subvention de l'État.
La loi n'a pas modifié le visage éditorial de France Télévisions. La tyrannie de l'audimat ? Elle subsiste. En mars dernier, l'ancien ministre de la culture précisait, dans une réponse à un député, fixer des objectifs d'audience au groupe.
Au-delà, construisons une télévision qui réponde aux attentes des concitoyens avec des émissions scientifiques qui font le succès de la radio publique.
Le général de Gaulle a créé l'ORTF en 1964 ; François Mitterrand n'a eu de cesse de renforcer l'indépendance de l'audiovisuel public et du CSA ; Nicolas Sarkozy a, lui, privilégié les chaînes privées. Il est temps de revenir sur cette loi de 2009.
M. Francis Delattre . - Mon intervention sera différente : la couverture de la dernière campagne présidentielle était fort peu pluraliste, à en croire les adjectifs peu flatteurs utilisés par les médias étrangers.
Le Conseil constitutionnel a récemment insisté sur le pluralisme, un principe fondamental de l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Le corpus idéologique du politiquement correct devient insupportable en temps d'élection. Ce phénomène s'explique par la présence de conglomérats industriels dans l'audiovisuel, escomptant des commandes publiques. C'est cela qu'il faut combattre. Le groupe UMP a déposé une proposition de loi à ce sujet, tout comme le groupe centriste à l'Assemblée nationale et votre propre groupe, madame la ministre, lorsque vous étiez députée.
Il faut étendre les règles s'appliquant à l'actionnariat de la presse écrite aux groupes de radio et de télévision. Le bourrage de crânes peut entraîner un bourrage des urnes ! (Sourires ironiques à gauche) On a vendu le « Tout sauf Sarko » comme le « Sans OGM », de façon caricaturale. Une cohorte de « spécialistes » vertueux, sociologues, psychologues, jusqu'à des podologues, nous expliquaient doctement que la dernière éruption de boutons était la faute de M. Sarkozy.
Mme Catherine Génisson. - Quel est le sujet ?
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Ce n'est pas gentil pour Hersant, Bouygues et les autres !
M. Francis Delattre. - Alors, l'urgence, c'est de renforcer le pluralisme dans les médias ! (Applaudissements appuyés à droite)
M. Maurice Vincent . - Réduire la tyrannie de l'audimat, l'objectif n'a pas été atteint. En revanche, avec la suppression de la publicité, le texte a bien entraîné un surcroît de recettes pour le privé et une précarité financière du public.
Un financement pérenne ? Les deux taxes sont marquées du sceau de l'amateurisme et de la confusion. Le Gouvernement se verra sans doute contraint de payer les errements de la précédente majorité, Bruxelles condamnant la taxe télécom. S'y ajoutent le changement du mode de nomination des présidents et la fusion à peine engagée des sociétés qui inquiète les personnels. En bref, cette loi de 2009 représentait une bombe à retardement financière. Le gouvernement de M. Ayrault devra la désamorcer en mettant au point un financement durable pour l'audiovisuel public, dont on a peu souligné l'ancrage territorial.
A l'heure où la presse quotidienne régionale se réduit souvent à un seul titre, où les quotidiens gratuits diffusent une information minimaliste et où les radios commerciales se concentrent sur le divertissement, la télévision publique et Radio-France assurent la présence d'un service public puissant et diversifié.
Il faut réfléchir à une organisation de l'audiovisuel public lui garantissant la capacité de remplir ses missions : cela ne doit pas être incompatible avec une saine gestion des finances publiques !Tel est l'enjeu majeur de la période à venir. Madame la ministre, je vous souhaite beaucoup de travail et bon courage ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Hervé Maurey . - Je me réjouis de l'organisation de ce débat, après celui de 2010 qui s'était tenu à l'initiative du groupe centriste. Dès 2009, j'avais insisté sur le point faible de la loi : le financement. Nos inquiétudes étaient fondées : nous avions vu que la perte de recettes, inappropriée en ces temps difficiles, ne serait pas compensée par les deux nouvelles taxes.
En revanche, nous avions été entendus sur le relèvement de la redevance et l'élargissement de son assiette.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Ces recettes ne sont pas au rendez-vous, la France pourrait avoir à rembourser 1 milliard d'euros aux opérateurs. Aussi, dès 2010, j'avais demandé à renoncer à une suppression totale de la publicité, dont le coût est évalué à 330 millions d'euros par an.
Madame la ministre, je vous invite à tenir les promesses de vos prédécesseurs : créez un groupe de travail ou le comité de suivi prévu par la loi de 2009 ! Nous attendons les propositions du Gouvernement. Vous avez déclaré, le 16 juillet dernier, à la commission de la culture, ouvrir ce débat sans tabou. Puissiez-vous tenir cette ligne !
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. - Vous n'allez pas être déçus !
M. Claude Domeizel . - Étant le dernier intervenant, je tiens à dire combien ce débat démontre l'utilité de la commission sénatoriale de contrôle de l'application de la loi.
Ce rapport de MM. Legendre et Assouline m'inspire une remarque préliminaire : il faut bannir la précipitation. Oui, car ce projet de loi, sorti du cerveau du précédent président de la République, a été appliqué avant même son adoption par le Sénat. Où était l'urgence ? M. Legendre a parlé de verre à moitié vide pour M. Assouline mais à moitié plein pour lui ; à moitié plein d'erreurs, oui ! Malgré le mépris dans lequel avait été tenu le Parlement, nous avions joué le jeu : nous avions déposé 150 amendements, dont certains adoptés avec le soutien de la majorité.
Mais asphyxier France Télévisions ne suffisait pas, il fallait porter un coup à l'indépendance de l'audiovisuel public en prévoyant la nomination des présidents par le président de la République sous couvert de transparence. Ce fut une loi toxique.
La dictature de l'audimat a perduré ? C'est sans doute que d'une télévision publique de qualité, il n'avait jamais été question.
Pour autant, le pire est le fiasco financier : la réforme, en fait d'économies, coûte 150 millions d'euros par an à l'État, sans parler du milliard d'euros peut-être à rembourser.
Madame la ministre, nous serons à vos côtés pour réformer l'audiovisuel public ! (Applaudissements à gauche)
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication . - Merci de m'avoir invitée à participer à ce débat. Le Sénat est dans son rôle : il contrôle l'action du Gouvernement. Je vais tenter de participer ici au bilan de la loi. Je répondrai à certaines de vos questions lors de l'examen du budget pour 2013. Après avoir souligné la qualité du travail des rapporteurs, je rappellerai que la loi de 2009, si elle a posé quelques bases utiles, a fragilisé l'indépendance financière et politique de l'audiovisuel public. Nous héritons de cette situation.
La modernisation de la réglementation audiovisuelle a eu lieu, a observé M. Legendre, avec la prise en compte de la vidéo à la demande et de la télévision de rattrapage ; c'est exact. Compte tenu des mutations perpétuelles de l'univers numérique, le Premier ministre envisage un éventuel rapprochement du CSA et de l'Arcep pour renforcer cette mutation. Une réflexion, à laquelle je participe, est en cours.
Il nous revient de rendre les autorités de régulation plus efficaces, à l'heure de la télévision connectée. Un projet de loi sera soumis au Parlement en 2013. Il sera lié aussi à la nomination des présidents de l'audiovisuel public, qui n'est toujours pas comptable avec les impératifs d'une démocratie moderne. Non, monsieur Charon, vouloir garantir l'indépendance des présidents par la loi n'est pas de l'hypocrisie ! L'actuel mode de nomination jette un trouble sur l'indépendance des personnes nommées et entrave les relations de confiance qu'elles doivent avoir avec leurs salariés. Début 2013, la nouvelle procédure sera soumise au législateur. Elle associera largement la nouvelle instance de régulation de l'audiovisuel. L'objectif est de rétablir l'indépendance des présidents de l'audiovisuel afin qu'ils échappent à toute forme de suspicion et de pression.
La nomination en cours de la présidente de l'AEF anticipe sur la future réforme, puisque le président de la République a demandé au CSA de lui proposer une candidature, qu'il a acceptée.
Oui, monsieur Assouline, la suppression de la publicité en soirée fragilise le financement du service public.
Si on ne discute pas avec France Télévisions d'un véritable projet éditorial, cette mesure ne peut porter ses fruits. Comme nous le pressentions, c'est ce qui s'est passé. La compensation a grevé le budget de l'État, subvention elle-même soumise aux aléas économiques. Pour nous, c'est la double peine : état des finances publiques catastrophique et financement de l'audiovisuel public insuffisant. Ce mécanisme implacable a exposé France Télévisions à des ajustements dépendant du budget de l'État. Cette situation a touché les autres entités de l'audiovisuel public du fait des redéploiements.
Le Gouvernement a fait un choix de responsabilité et de vérité que j'assume, y compris devant les salariés de France Télévisions : nous sommes contraints de faire porter à France Télévisions une part de l'effort que nous demandons à l'ensemble des opérateurs publics. Nous ne pouvons pas alourdir davantage la ponction sur le budget de l'État. Nous avons ouvert une discussion avec le groupe sur ses activités et ses objectifs. Le comité de suivi ne sera pas créé alors que nous comptons ajouter un avenant au contrat d'objectifs et de moyens.
Le service public doit être financé par une ressource pérenne, solide, non soumise aux aléas budgétaires, moderne, équitable et juste.
Le Gouvernement a choisi, outre l'indexation sur l'inflation, de proposer l'augmentation de 2 euros de la contribution au service public de l'audiovisuel, portant la redevance en France métropolitaine à 129 euros et à 87 euros outre-mer.
J'ai bien entendu vos propositions. Le Parlement est dans son rôle en participant au débat budgétaire.
Quant à la publicité, la réforme que nous avons critiquée ne sera pas étendue au-delà de 2016, ce que n'aurait sans doute pas fait le précédent gouvernement. Des dispositions législatives dissiperont tous les doutes à ce sujet.
Ce n'est pas les modes de financement qui déterminent à eux seuls la qualité des programmes. Ce qui prime, c'est l'audace créative et éditoriale. Les réussites de France Télévisions en matière d'information et de magazines vont dans le bon sens. Un vrai projet éditorial doit être discuté en même temps que la négociation de l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens.
La fusion des chaînes de France Télévisions suscite une longue réorganisation. La convergence des systèmes informatiques n'a toujours pas abouti. Ce sera aussi l'un des enjeux du contrat d'objectifs et de moyens. Mais l'organisation ne doit pas primer sur les missions. Le service public ne sera pas affaibli. Ses salariés, dont l'engagement n'a pas failli, doivent être respectés. Les missions doivent être repensées, l'organisation du groupe se fonder sur des identités claires, en recherchant des synergies dans certains cas, mais toujours avec le souci de la qualité du service public.
Sur la réforme de l'audiovisuel extérieur, nous avons lancé, avec M. Fabius, une mission d'évaluation dont le rapport nous a été remis par Jean-Paul Cluzel en juin 2012, concluant à la spécificité de F 24 et RFI. Le conseil d'administration a demandé un nouveau projet d'organisation. C'est la bonne solution. C'est dans cette direction que la nouvelle équipe avancera dès la nomination effective de la présidente.
Il n'est pas indispensable de remettre en cause le cadre législatif de 2005 mais la spécificité des deux acteurs et l'indépendance des rédactions doivent être consacrées par un nouveau cahier des charges.
Notre priorité est de consolider le service public, fragilisé par la réforme de 2009, ce qui exige beaucoup de précaution, de débats et de concertation. Je l'ai dit devant la commission de la culture du Sénat : je n'ai aucun a priori idéologique. Toutes les pistes doivent être explorées pour renforcer le financement et l'indépendance du service public de l'audiovisuel. Vous serez associé à toutes les réflexions du Gouvernement en ce sens.
La situation dont nous héritons ne nous facilite pas la tâche. Toutes les mesures qui seront prises le seront dans la concertation. Nous n'utilisons pas la contrainte budgétaire pour imposer des réformes injustifiées sur le fond. Les réformes de modernisation, concernant le numérique par exemple, sont à traiter, même dans un contexte budgétaire tendu.
Je reste à votre disposition pour échanger sur tous ces sujets. (Applaudissements à gauche)
Prochaine séance demain, mercredi 3 octobre 2012, à 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 55.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 3 octobre 2012
Séance publique
A 14 heures 30 à 17 heures
1. Débat sur les conditions de la réussite à l'école.
De 17 heures 30 à 19 heures 30
2. Débat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.
De 21 heures 30 à minuit
3. Débat sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation.
En outre, à 14 heures 30 :
- Désignation des vingt-et-un membres de la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.
- Désignation des douze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne.