Rappels au règlement
Mme Catherine Troendle . - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 29 ter de votre Règlement. « Je veux que la prochaine présidence soit celle de l'impartialité de l'État, de l'intégrité des élus et du respect des contre-pouvoirs »... Tels furent les propos d'un candidat à l'élection présidentielle...
M. David Assouline. - Pas le vôtre !
Mme Catherine Troendle. - Quelle déception aujourd'hui ! Depuis quatre mois, le Gouvernement nous raconte de belles histoires... On pourrait croire revenu le temps d'Alice au pays des merveilles ! (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes) Le temps, tout d'un coup, presse et voilà nos dirigeants qui courent comme des lapins... Une conférence des présidents a été convoquée le 5 septembre alors que le décret de convocation en session extraordinaire datait du matin même -décret d'ailleurs complété dès le lendemain ! Nous ne sommes pas dans le monde merveilleux de la littérature enfantine mais dans un mauvais cauchemar...
M. David Assouline. - Qui vous a écrit ça ?
Mme Catherine Troendle. - Il vous faut cesser d'improviser et veiller au respect des règles constitutionnelles ! Le texte sur le logement vient devant le Sénat six jours à peine après sa présentation en conseil des ministres -qui plus est sans étude d'impact. Lors de la réunion de la conférence des présidents, qui s'est tenue le jour même de ce conseil, la procédure accélérée n'était même pas engagée. Les articles 42 et 44 de la Constitution ne sont pas respectés.
Notre groupe restera extrêmement vigilant sur les délais et les procédures comme sur le respect des droits constitutionnels du Parlement. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Hervé Maurey . - Mon rappel au Règlement exprime le mécontentement de notre groupe sur les conditions dans lesquelles s'ouvre notre session extraordinaire. C'est la première fois depuis la révision de 2008 que nous allons examiner le texte du Gouvernement et non celui de la commission. Les rapporteurs viennent d'être désignés (« C'est faux ! » à gauche) et le rapport n'est en ligne que depuis quelques minutes... Comment prétendre qu'il s'agit d'un travail sérieux ? Le Règlement du Sénat prévoit un délai de quinze jours entre l'examen en commission et l'examen en séance publique : le voilà ramené à quelques heures. Comment travailler correctement dans ces conditions ? Comment exercer notre droit d'amendement ?
Le Premier ministre, ici même en juillet, disait la nécessité de laisser du temps aux délibérations du Sénat ; et le président de la République prétendait réhabituer les Français à ce que le Parlement soit considéré. Nous en sommes bien loin aujourd'hui ! Il y a tout lieu d'être inquiet. Si l'urgence est telle, pourquoi n'avons-nous pas examiné ce texte lors de la session extraordinaire de juillet, au cours de laquelle vous n'avez rien eu à proposer sinon le détricotage de textes importants adoptés par l'ancienne majorité, dont l'exonération des heures supplémentaires que beaucoup regrettent en ce mois de septembre ?
Jamais en cent jours un président de la République et un gouvernement n'avaient atteint un tel taux d'impopularité. Vous vous êtes pris les pieds dans le tapis. Vous bousculez non seulement le calendrier mais aussi le Parlement. Beaucoup de ceux qui regrettaient jadis les procédures accélérées devraient se joindre à nous ! (Applaudissements au centre et à droite).
Mme Éliane Assassi. ] - Comme vous le savez un drame affreux a eu lieu à Saint-Denis ce week-end, qui heurte profondément la morale républicaine. Dans le département, trente personnes sont mortes dans les flammes parce qu'elles ne pouvaient se loger autrement que dans des logements insalubres. Nous ne pouvons tolérer plus longtemps l'impunité des marchands de sommeil. L'histoire nous a prouvé que les larmes de crocodile séchaient bien vite...
Nous attirons solennellement l'attention du Gouvernement sur l'extrême urgence qu'il y a à résorber le logement insalubre pour garantir la dignité de tous et éviter de nouveaux drames. Agir contre les voyous qui prospèrent sur la misère sociale est une urgence morale, sociale et politique. L'ensemble du Gouvernement doit se mobiliser. Le ministère de l'intérieur est lui aussi concerné et doit se voir, comme la rénovation urbaine, attribuer les crédits nécessaires -la section spécialisée de la gendarmerie dans la lutte contre les marchands de sommeil a été supprimée par Nicolas Sarkozy.
M. Jean-Pierre Caffet . - Nous aussi, nous aurions préféré avoir plus de temps pour examiner ce texte. (« Ah » à droite) Mais relativisons ! Ces cinq dernières années, nous avons trop connu cette procédure, que je qualifierais d'expéditive. Parfois même, l'une des deux chambres fut obligée de voter conforme, par exemple sur le travail du dimanche. Il ne vous a pas échappé qu'au cours de l'été, la crise s'est aggravée sur le plan économique et sur le plan social. Il appartient à la nouvelle majorité -que, j'espère, vous considérez comme légitime, le candidat auquel il a été fait allusion est aujourd'hui le président de tous les Français- de répondre aux attentes sociales sur le logement et l'emploi. Ne vous attendez pas à ce que mon groupe s'excuse de nous mettre au travail le 10 septembre au lieu du 24...
J'ai entendu le terme de dignité. Ce quinquennat a commencé dans la dignité. Cela doit continuer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Ronan Dantec . - Au mois d'août, on regrettait que le Gouvernement prenne des vacances ; maintenant, on regrette qu'il accélère. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Il importe de dire à la société française que notre objectif collectif est bien sa cohésion. Sur la mobilisation du foncier, nous pouvons aller vite. Nous ferions mieux de nous mobiliser sur cette urgence ! (« Très bien ! » et applaudissements à gauche)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques . - La canicule provoque des amnésies ! Dois-je rappeler tous les textes arrivés en procédure urgente ou accélérée ? Il y a comme une contradiction à nous demander d'aller plus vite et à nous le reprocher quand nous accélérons. Madame Troendle, vous vous méprenez sur l'article 42. La procédure que nous avons choisie lui est conforme, il s'agissait pour nous d'optimiser le temps d'expression des sénateurs et de leur permettre de déposer leurs amendements. Quant aux propositions de loi issues de l'opposition sénatoriale, je vous rappelle que les commissions saisies au fond, en vertu d'un accord politique datant de 2008, ne proposent pas de texte...
Par précaution, nous avons nommé Claude Bérit-Débat, dès juillet, rapporteur des textes sur le foncier, thème qui a déjà été abordé en commission. Monsieur Maurey, vous ne pouvez soutenir qu'il a été désigné en catastrophe. (Protestations à droite) D'autant que le délai pour le dépôt des amendements a couru jusqu'à l'ouverture de la discussion générale. (Applaudissements à gauche ; protestations à droite)
M. le président. - Chacun a pu exprimer ses inquiétudes. J'y vois l'opportunité de dire comment je conçois mon rôle.
Pour moi, défendre le Sénat, c'est d'abord faire en sorte que nos concitoyens regardent notre institution avec un oeil neuf, une institution qui doit être en phase avec les exigences sociales ; les réformes que j'ai engagées avec le bureau répondent à cet objectif. Défendre le Sénat, c'est aussi défendre les collectivités territoriales en donnant la parole aux élus locaux ; les états généraux qui se concluront les 4 et 5 octobre sont le moment de cette prise de parole. Défendre le Sénat, c'est montrer le Sénat en action, en prise directe avec les préoccupations de nos concitoyens -les rapports des commissions d'enquête et des missions d'informations, émanant de tous les groupes politiques et dont plusieurs feront l'objet de débats au cours du mois d'octobre, en attestent.
Défendre le Sénat, c'est regarder la situation de nos concitoyens et leur souffrance. Les questions que nous examinerons au cours de cette session extraordinaire sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Notre assemblée en a souvent débattu. Nous devons défendre les conditions de travail du Sénat mais, quand notre peuple souffre, nous devons faire preuve du sens des responsabilités. C'est ce qu'ont fait le président et le rapporteur de la commission des affaires économiques.
Il nous est arrivé, dans un passé proche, d'examiner en grande urgence des textes pour sauver le secteur bancaire ou accorder la garantie de l'État à Dexia. Ce que nous avons fait hier pour répondre à l'urgence financière, nous devons le faire aujourd'hui pour répondre à l'urgence sociale.
En prenant acte de vos remarques légitimes, je vous propose de vous mettre au travail dans le sens de l'intérêt général. (Applaudissements à gauche)