Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012. Dans l'examen des articles, nous en sommes parvenus aux amendements à l'article 2.

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Article 2 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°101, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. François Trucy.  - Après un après-midi de discussion, on a l'impression que tout a été dit. Mais le sujet est important. Je ne répéterai donc pas ce qui a été dit. (« Si ! » à droite)

M. Marini a alerté sur les conséquences de l'article sur le BTP et le transport routier. Celui-ci est l'un des premiers employeurs. Il subira en 2013 la taxe poids lourds et la concurrence internationale apportée par la libéralisation du cabotage. Les contraintes nationales sont aussi plus contraignantes, réduisant de 30 % la productivité. La fin de la défiscalisation ferait perdre 500 à 1 200 euros par an aux conducteurs, 5 000 euros aux entreprises. C'est dire les risques que fait courir cet article.

M. le président.  - Amendement identique n°126 rectifié, présenté par MM. Marseille, Dubois, J. Boyer, Maurey et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et MM. Roche, Détraigne et Capo-Canellas.

M. Hervé Marseille.  - Il est bon que nous puissions débattre de ce sujet, ayant été empêchés de le faire à l'occasion du discours de politique générale. Les PME ont besoin des heures supplémentaires. Le rapport Gorges montre que les bénéficiaires sont au nombre de 9 millions, pour un gain moyen de 500 euros, un gain médian de 350 euros.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Que ceux qui n'ont pas été instruits par le débat se reportent aux rapports. De nombreuses études montrent les effets contre-productifs et anti-redistributifs de cette mesure. Je vous renvoie aux travaux du Conseil des prélèvements obligatoires et au rapport Guillaume qui pointent l'effet ambigu sur l'emploi, le fort effet d'aubaine, l'effet anti-redistributif puisque les ménages les plus riches bénéficient d'un avantage nettement plus important en raison de la progressivité de l'impôt sur le revenu, enfin, le gain en PIB inférieur au coût de la mesure. Je n'ignore pas les arguments sentimentaux sur tel ou tel cas, mais il faut être rationnel.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Même avis. Est-il légitime que la puissance publique participe à la constitution du revenu primaire ? Une économie administrée ne créera jamais autant de richesses qu'on en espère. Je connais moi aussi des cas particuliers qui perdront à la disposition que nous proposons, mais nous voulons une autre politique fiscale et sociale.

Une politique se juge aux résultats qu'elle est censée atteindre. La vôtre n'a pas accru ni l'emploi, ni le pouvoir d'achat -l'augmentation par unité de consommation étant le meilleur critère, comme le disait à juste titre le ministre des finances Sarkozy- et elle fut financée par l'emprunt à hauteur de 4,5 à 5 milliards par an.

M. Alain Néri.  - Notre débat m'a attristé. Les Français les plus modestes souffrent de la crise. Plutôt que de les opposer, rassemblons-les ! L'effort doit être équitablement réparti. Or certains s'acharnent à dresser les Français les uns contre les autres : ceux qui ont un travail et les autres, appelés « assistés » ; ceux qui bénéficient des heures supplémentaires et les autres. Neuf millions touchent 40 euros supplémentaires par mois. Nous, nous avons augmenté le Smic de 20 euros par mois, c'est trop peu mais, en cinq ans, cela représenterait 100 euros !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Le smicard n'est pas fiscalisé.

M. Alain Néri.  - La fin de l'exonération créera des emplois. Il était extraordinaire de décourager la création d'emplois, puisque les heures supplémentaires coûtaient moins cher à l'employeur que les heures « normales », en plus de supprimer des postes de fonctionnaires !

Si votre mesure avait été efficace, vous n'auriez pas été les champions du monde de l'augmentation du chômage. (Exclamations à droite) La TVA sociale, c'était la machine à tondre les oeufs. L'exonération des heures supplémentaires, c'était la machine à tuer les emplois ! Beaucoup de Français attendent du travail.

M. Philippe Dallier.  - La fin de l'exonération des heures supplémentaires était dans le programme de François Hollande, dites-vous. Mais les agents de ma commune, comme beaucoup d'autres, n'ont pas compris qu'ils étaient concernés ! Fin septembre, ils verront que leur salaire a diminué.

M. Claude Domeizel.  - N'importe quoi !

M. Philippe Dallier.  - Pas du tout ! ça ne touche pas des riches ! Ils tomberont de haut, car cette mesure est devenue un acquis social. (M. Alain Néri s'exclame) Politiquement, cela vous coûtera cher.

Il y a deux manières de comprendre le slogan « Travailler plus pour gagner plus ». La loi Fillon a voulu aider ceux qui voulaient travailler plus. En outre, le travail génère le travail. Mais la crise est passée par là. Cent mille emplois détruits ? Personne n'en sait rien. Les entreprises ont besoin de flexibilité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Rémy Pointereau.  - La gauche détricote et fait les poches des Français. Les impôts, c'est maintenant ! Fin de l'exonération des heures supplémentaires, abaissement du seuil des droits de succession... Pour les transporteurs, cet article sera une catastrophe. Pour l'agriculture aussi : près de 2 000 euros d'heures supplémentaires pour certains salariés agricoles !

Les heures supplémentaires créent de la richesse. Elles encouragent le commerce local. L'exonération réduisait le coût du travail. Les entreprises ont aussi besoin de flexibilité. Votre mesure est un non-sens économique et un très mauvais signal pour les classes moyennes. Vous reproduisez l'erreur des 35 heures : le travail ne se partage pas ! Vous vous attaquez au pouvoir d'achat. C'est plus qu'une erreur, c'est une faute politique dont vous porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Catherine Procaccia.  - Le travail n'est pas un gâteau qui se partage. Vous ne semblez pas connaître les entreprises. (Protestations à gauche) On n'embauche pas, on ne forme pas des personnes pour quelques heures par mois ! Votre article ne peut favoriser que l'emploi intérimaire, le plus précaire.

Vous culpabilisez les bénéficiaires en affirmant qu'ils prennent l'emploi des chômeurs. C'est inacceptable. Vous semblez ignorer que ce ne sont pas les cadres qui bénéficient des heures supplémentaires, puisqu'ils sont soumis au forfait jours. Quant aux fonctionnaires, nous rirons bien en septembre, lorsque les enseignants vous diront qu'ils ne se considéraient pas comme des privilégiés. Avec les 35 heures, les hôpitaux ne fonctionnent qu'avec les heures supplémentaires, vous le savez bien.

Vous parlez sans cesse de concertation, de dialogue social, et vous imposez par la loi la remise en cause d'acquis sociaux ! C'est mal parti. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Milon.  - Au risque de décevoir notre rapporteur général, nos arguments risquent d'être sentimentaux... L'hôpital est dans une situation grave. Une action à court terme est annoncée et les établissements pourraient émettre des billets de trésorerie. Vous ne mesurez pas le surcoût pour ceux qui subiront la fin de l'exonération des heures supplémentaires. Médecins et infirmières font beaucoup d'heures supplémentaires : un infirmier gagne 20 000 euros par an et fait 600 heures supplémentaires. La fin de l'exonération amputera considérablement ses revenus. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Christophe-André Frassa.  - L'exonération des heures supplémentaires permet aux entreprises de s'adapter aux commandes. La gauche se dit favorable à la compétitivité et à la croissance. Mais elle tue les entreprises.

François Hollande voulait faire des PME une priorité. Et la gauche s'apprête à augmenter de 30 milliards d'euros les impôts sur les entreprises ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Dominique de Legge.  - « Redressement dans la justice », dites-vous. Mais les 9 millions de bénéficiaires d'heures supplémentaires ne font pas partie des plus riches. Fiscaliser les heures supplémentaires, c'est bien réduire leur pouvoir d'achat ! Dans ma commune, un transporteur m'a dit gagner 1 900 euros par mois. Avec cette mesure, il perdra 1 000 euros par an ! Est-ce juste ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Supprimons les impôts !

M. Dominique de Legge.  - Cette mesure représente la moitié des recettes supplémentaires que vous escomptez : 3,6 milliards. Or elle frappe d'abord les classes moyennes et les moins favorisées.

En même temps, vous revenez à la retraite à 60 ans. C'est le retour aux vieilles lunes de 1981 ; on a vu ce qu'il est advenu dix-huit mois plus tard !

M. Daudigny a dit que l'article 2 suivait l'article premier. Jusque là, je le suis. Mais à l'article premier, il s'est élevé contre une hausse de la TVA qui diminuerait le pouvoir d'achat. Ici, il défend un prélèvement supplémentaire ! Aucune logique. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-France Beaufils.  - Détricoter, dites-vous ? Cela vous va bien, à vous qui aviez décidé avec le Medef de déconstruire l'héritage de la Libération. (Exclamations à droite) Ce qui est en jeu, c'est la solidarité.

Tout le monde reconnaît au fond que les salaires sont trop faibles. Ce qu'il faudrait, c'est améliorer ces derniers !

M. Christian Cambon.  - C'est le Gosplan !

Mme Marie-France Beaufils.  - Vous avez parlé des enseignants. Si des heures supplémentaires ont été créées dans l'éducation nationale, c'est parce que les enseignants manquaient, à la suite de la RGPP notamment. Ce n'était pas un choix.

M. Christian Cambon.  - Demandez-leur !

Mme Marie-France Beaufils.  - Dans ma commune, plutôt que de recourir aux heures supplémentaires, j'ai préféré embaucher. Vous avez fait le choix politique de faire travailler plus vos agents en touchant l'aide indirecte de l'État. Ce n'est pas le nôtre ! (Applaudissements à gauche)

Dans les transports, c'est votre politique à l'échelle européenne qui provoque la crise. La libéralisation du cabotage crée une concurrence déloyale pour nos travailleurs et le transport ferroviaire se casse la figure. Nous voulons un autre avenir économique pour notre pays, les électeurs aussi ! (Applaudissements à gauche)

Mme Corinne Bouchoux.  - Nous ne portons pas les mêmes regards sur la situation... Au nom de la biodiversité du Sénat, je rappellerai que la défiscalisation coûte cher, qu'elle est inefficace selon le Conseil des prélèvements obligatoires et qu'elle a surtout conduit à déclarer plus systématiquement les heures supplémentaires.

Votre vision est ultra-productiviste et ultra-consumériste. Il faut poser autrement la question du travail. Les préjugés sont nombreux sur le temps de travail en Allemagne : regardez de plus près ce qui s'y est passé ces cinq dernières années, ce n'est pas ce que vous dites.

Ce débat pourrait être plus courtois, conforme à l'esprit du Sénat. Vos arguments sont surréalistes, si l'on songe aux sans-emploi.

Nous soutenons donc le Gouvernement, même si c'est pour des raisons un peu différentes des siennes. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. Christophe Béchu.  - Mme Bouchoux assume un positionnement idéologique, l'apologie de la décroissance. Chacun cite l'Allemagne. Sa TVA anti-délocalisation explique peut-être en partie sa réussite ! Il y a quelques semaines, vous avez augmenté le Smic de 20 euros. C'était peu, mais déjà significatif, disiez-vous. Et à présent, vous dites que 40 euros de moins par mois, cela ne représente rien !

Assumez donc vos choix politique. Vous avez le droit de ne pas aimer le travail...

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Caricature !

M. Christophe Béchu.  - ..... d'être malthusiens. Mais ne nous faites pas le coup de la justice ou du redressement économique ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Martial Bourquin.  - Des heures supplémentaires, il y en a toujours eu et il y en aura encore. Le problème, c'est qu'elles soient défiscalisées alors qu'il y a 5 millions de demandeurs d'emplois. Pensons à l'intérêt général ! Votre politique a produit 450 000 chômeurs de plus.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Mais non !

M. Martial Bourquin.  - En cas de surchauffe, il faut des heures supplémentaires. En cas de plein emploi et de difficulté à répondre à la demande, peut-être faudrait-il les défiscaliser. Mais croyez-vous que celui-là même qui fait des heures supplémentaires ne pense pas à son collège licencié ?

Mme Catherine Procaccia.  - Culpabilisation !

M. Martial Bourquin.  - Il faut tout faire pour endiguer le chômage.

Aurait-on caché cette mesure ? Non. Le président de la République l'a annoncée. Vous vous accrochez à un symbole du sarkozysme, mais ne pensez-vous pas que vous êtes à l'origine de la situation que traverse notre pays ?

M. Henri de Raincourt.  - L'Allemagne n'a pas les 35 heures !

M. Martial Bourquin.  - Vous n'avez pas eu de politique industrielle. Le Gouvernement essaie d'en mettre une en place. Il a besoin de moyens. La suppression des exonérations lui en donnera, au service de tous les Français. C'est une question éthique, car on ne dresse pas les Français les uns contre les autres. C'est une question économique aussi .Les heures supplémentaires, c'est quand il y a beaucoup de production ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Fabienne Keller.  - Je relève une imprécision de raisonnement dans ce débat. Les exonérations de charges ne servent à rien car l'emploi n'a pas augmenté, d'après vous. Mais en cinq ans, la situation économique a changé : quelle aurait été la situation en l'absence de soutien au pouvoir d'achat ? Depuis 2008, la croissance s'est ralentie considérablement.

Le nombre d'heures supplémentaires n'a pas augmenté, ce qui signifie que les chefs d'entreprises n'ont pas exagéré. De plus les heures supplémentaires augmentent quand l'activité augmente. La stagnation des heures supplémentaires démontre les difficultés rencontrées par les entreprises.

Dans les transports, il y a 40 % de charges salariales. À Strasbourg, nous sommes exposés directement à la concurrence allemande dont les coûts sont moins élevés, et à celle de tous les cabotages étrangers. En Pologne, un chauffeur est payé 800 euros. En France, cette mesure mettra nos salariés en difficulté. Nos entreprises ont conclu des accords professionnels. De septembre à décembre, des conducteurs vont perdre du pouvoir d'achat. Les chefs d'entreprises qui, pour conserver leurs bons éléments, accorderont des augmentations perdront des parts de marché. (Mme Marie-France Beaufils s'exclame) Le monde marche comme cela, madame Beaufils, c'est ce qu'on appelle le commerce. Nous ne vivons pas dans une cocotte-minute ! Nous voulons soutenir les chefs d'entreprises car ce sont eux qui créent les emplois, pas nous.

Vos mesures mettent en difficulté les entreprises et l'emploi. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cet article ne permettra pas d'assainir nos finances publiques. Ce collectif aura de graves conséquences sur les catégories modestes. Dans vos propres rangs, les choses ne vont pas de soi : le doute s'est installé. (Rires sur les bancs socialistes) Vous avez d'ailleurs demandé des scrutins publics. (Exclamations sur les mêmes bancs). Les absents ont compris votre erreur ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - (« Ah ! » sur divers bancs) Je reviens au budget. Je conteste l'article 2, mais je comprends que le ministre du budget s'efforce de retrouver quelques milliards. Il est utile de rappeler l'incidence de cette mesure : un milliard en 2012, 3,6 en 2013, 4,4 en 2014. (On le confirme à gauche) Attendez la suite !

La brutalité de cette mesure me choque : elle s'attaque à toutes les branches de l'économie, dont la situation n'est pas la même. Il aurait été compréhensible que le Gouvernement appelle les branches à regarder la situation et à prendre des engagements négociés. J'ai cité le transport routier. Pour les longues distances, il faut raisonner en heures supplémentaires plutôt qu'en recrutement. Nous n'avons pas parlé d'une masse budgétaire résiduelle : 23 milliards, soit le total des allégements généraux de charges sociales.

La Cour des comptes a présenté un rapport sous la présidence de M. Séguin. Les allégements généraux ont été réduits d'un milliard. Peut-être le seuil de 1,6 Smic pourrait-il être abaissé pour trouver un milliard d'euros ? Eût-il été impossible de moduler selon les branches l'exonération des heures supplémentaires pour trouver 3,5 ou 4 milliards ? Ce que je critique, c'est le caractère aveugle, brutal de cette mesure. Certes, chacun veut défendre sa thèse, mais nous avons donné des exemples concrets qui méritent qu'on y réfléchisse. Vous avez balayé d'un revers de main nos arguments. C'est pourquoi il est préférable de supprimer l'article 2. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - (« Ah ! » à droite) Ce débat républicain est légitime : la majorité veut tenir ses promesses. La force de la démocratie, c'est d'organiser des alternances non violentes. Il faut s'en réjouir. Mais l'arrogance est toujours là aux lendemains d'une victoire.

Je pense qu'il y a entre nous deux clivages. Le premier : nous n'avons pas la même conscience de la crise. Vous semblez croire que vous disposez de temps, comme si le monde était calme. Mais la situation est grave, les pays émergents ralentissent : ils vont chercher la croissance sur d'autres marchés. Vous prenez le temps d'observer, de créer des commissions. On verra qui a raison.

Le deuxième clivage, c'est celui du travail : vous semblez croire que le Gouvernement crée l'emploi. Mais non, c'est le travail qui le crée ! Vous faites une erreur d'analyse : si le chômage a augmenté, c'est dû à la crise. Vous estimez que c'est de notre faute : les heures supplémentaires, ce n'est pas du travail que l'on prend aux autres. M. Gallois, qui a dirigé Airbus et EADS, dit qu'un choc de compétitivité est nécessaire et cela passe par des heures supplémentaires. L'augmentation du chômage ne signe pas l'échec du quinquennat précédent. Il faut mobiliser les entreprises et permettre de travailler plus. Vous, vous croyez que le travail se partage. Nous ne le croyons pas. C'est un vrai désaccord. Vous devez tenir vos promesses mais nous serons au rendez-vous de la vérité. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - M. Wauquiez nous a fourni les chiffres suivants : 50 % des bénéficiaires d'heures supplémentaires touchent 1,2 à 1,4 Smic ; 230 000 enseignants perdront à cause de vous 300 euros de rémunération. Ils apprécieront.

L'expression « justice fiscale » a été galvaudée ; vous croyez cette mesure populaire : elle ne l'est pas.

Dans ma région, le chômage est important et nous faisons appel à des travailleurs péruviens pour ramasser les fruits.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous ne les payez pas.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Mais si ! Pour les raisons que j'ai dites, je voterai cet amendement. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Foucaud.  - La loi Tepa, c'était pour le patronat, pour les riches. Le clivage dont parlait Jean-Pierre Raffarin, c'est qu'une partie de cet hémicycle soutient le grand capital. (Vives exclamations à droite)

M. Pierre Hérisson.  - C'est du Zola !

M. Thierry Foucaud.  - Quand Renault a mis ses salariés au chômage partiel, qu'avez-vous dit ? Rien ! Même chose pour Arcelor Mittal, Caterpillar, etc.... (Exclamations sur les mêmes bancs) Vous avez ôté leurs moyens aux collectivités. La crise n'est pas nouvelle, monsieur Raffarin. Le dernier budget en équilibre date de 1973, du temps de Giscard d'Estaing. (Même mouvement) On disait à l'époque que les 300 000 chômeurs étaient dus à la crise du pétrole. Aujourd'hui on est à 5 millions de chômeurs.

Après avoir sali les salariés (marques d'indignation à droite), vous leur avez tapé dessus en fiscalisant les accidentés du travail.

Mme Annie David.  - Eh oui !

M. Thierry Foucaud.  - Et aujourd'hui, vous pleurez ! (Exclamations à droite)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Si les communistes étaient au Gouvernement, nous serions rassurés !

M. Thierry Foucaud.  - Le problème n'est pas là.

Nous dirons ce que nous voulons. La gauche, ce n'est pas la droite. Vous n'avez fait qu'aggraver le chômage, la situation des pauvres gens. (Applaudissements à gauche)

À la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos101 et 126 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 169
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié quater, présenté par Mmes Lamure et Procaccia, MM. Milon et Cardoux, Mmes Cayeux, Bruguière, Deroche et Des Esgaulx, MM. Pierre, Mayet, Buffet, P. Leroy et Savary et Mme Hummel.

I.  -  Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

cinquante

III.  -  Alinéas 23 à 27

Supprimer ces alinéas.

IV.  -  Alinéas 35 à 37

Supprimer ces alinéas.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il convient de prendre en compte les effectifs des entreprises. Pour nous, les petites entreprises sont celles de moins de 50 salariés qui utilisent plus de 60 % du total des heures supplémentaires.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Ce serait raisonnable.

M. le président.  - Amendement n°98 rectifié, présenté par Mme Dini, MM. Roche et Vanlerenberghe et Mme Férat.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Cet amendement propose de maintenir la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale sur les heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés.

La simple suppression de l'exonération des cotisations salariales va coûter 60 euros par mois aux professeurs.

Pour un salarié dans l'hôtellerie, son salaire diminuera de 10 % s'il travaille 35 heures.

Les heures supplémentaires destructrices d'emploi ? J'en doute. Selon une étude de la Dares, les entreprises qui ont préféré augmenter les heures supplémentaires plutôt que de recruter ne représentent que 13 % du secteur concurrentiel, tandis que celles qui ont fait le choix contraire en représentent 25 %. La situation est donc plus contrastée que vous ne le pensez.

M. le président.  - Amendement n°99 rectifié, présenté par Mme Dini, MM. Roche et Vanlerenberghe et Mme Férat.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

A. Le début de la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 241-17 est ainsi rédigé : « I.  - Dans les entreprises employant moins de vingt salariés, toute heure... (le reste sans changement) » ;

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Les heures supplémentaires dépendent de l'organisation du travail dans les entreprises, surtout dans les TPE qui ne sont pas passées aux 35 heures.

Il faut donc que ces salariés bénéficient de l'exonération des charges salariales.

J'avais déposé un amendement, refusé par la commission des finances, pour favoriser l'emploi d'un jeune ou d'un chômeur. Autoriser plus de souplesse serait sage.

M. le président.  - Amendement n°181, présenté par MM. Adnot et Bernard-Reymond.

I. Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

à compter du 1er octobre 2012

II. Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

à compter du 1er octobre 2012

III. Alinéa 24

Compléter cet alinéa par les mots :

à compter du 1er octobre 2012

M. Philippe Adnot.  - Même si je comprends la volonté du Gouvernement de mener cette réforme, je propose que la mesure s'applique à compter du 1er octobre, à l'échéance du trimestre.

M. le président.  - Amendement n°102, présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe UMP.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

deux cent cinquante

M. Albéric de Montgolfier.  - Les PME sont fragiles et le Gouvernement le reconnaît. Il faut faire passer le seuil de 20 à 250 salariés, pour éviter l'effet de seuil.

M. le président.  - Amendement n°127 rectifié, présenté par MM. Marseille, Dubois, J. Boyer, Maurey, Détraigne et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et M. Zocchetto.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

soixante-dix

M. Hervé Marseille.  - Le dispositif doit être souple. L'Assemblée nationale a voulu éviter la rétroactivité. Nous proposons d'appliquer la mesure à partir de 70 salariés.

Les amendements suivants vont dans le même sens.

M. le président.  - Amendement n°135 rectifié, présenté par MM. Marseille, J. Boyer, Dubois, Maurey et Détraigne, Mme Morin-Desailly et MM. Zocchetto, Roche et Tandonnet.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

soixante

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°132 rectifié, présenté par MM. Marseille, Zocchetto, Maurey, Dubois, J. Boyer, Détraigne et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et M. Roche.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

cinquante

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°134, présenté par M. Marseille.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

quarante

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°133 rectifié, présenté par MM. Marseille, Maurey, Zocchetto, Tandonnet et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. J. Boyer et Détraigne.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

trente

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances.

I.  -  Alinéa 7

Remplacer le mot :

Aux 

par le mot :

Au titre des

II.  -  Alinéa 8

Remplacer le mot :

aux 

par le mot :

au titre des

III.  -  Alinéas 9 et 10

Remplacer le mot :

Aux 

par le mot :

Au titre des

IV.  -  Alinéa 12

Remplacer les mots :

annuel en jours

par les mots :

en jours sur l'année

V.  -  Alinéa 36

Après le mot :

complémentaires 

supprimer les mots :

de travail

VI.  -  Alinéa 37

Supprimer les mots :

de travail

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Amendement rédactionnel.

M. Raffarin nous disait tout à l'heure que la situation était grave. C'est vrai. Et la majorité ne perd pas son temps. Le déficit considérable provient pour moitié de raisons structurelles. Pour honorer la loi Tepa, la France est obligée d'emprunter 5 milliards par an. Est-ce juste ?

Toutes les études démontrent les inconvénients des heures supplémentaires. L'analyse est sans ambigüité : le dispositif ne marche pas. Tous ces amendements doivent donc être rejetés. Les amendements n°s14, 87 et 99 visent à maintenir l'exonération sur les cotisations salariales : avis défavorable. Il en coûterait 2,7 milliards si ces amendements étaient votés. L'amendement n°181 légitime dans son intention aurait un coût élevé. L'Assemblé nationale a trouvé une solution satisfaisante.

Enfin, les amendements n°s102, 127, 135, 132, 134 et 133 étendent à de nouvelles entreprises, selon des seuils différents, le maintien des exonérations. Avis défavorable. En 2011, 44 % des heures supplémentaires étaient effectuées dans les entreprises de moins de vingt salariés. Elles ne seront pas touchées.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le Gouvernement est défavorable à tous les amendements en dehors de l'amendement n°29 rectifié du rapporteur général.

Le rétablissement des exonérations fiscales et sociales n'est pas envisageable. La modification des seuils ne changerait rien, par principe, à l'effet de seuil : retrait.

Quant à la date d'entrée en vigueur, ce serait tentant. Il faut savoir résister à la tentation. Les députés ont abouti à un dispositif équilibré : avis défavorable à l'amendement n°181.

M. Christophe Béchu.  - Avec de nouveaux seuils, l'effet de seuil demeure, preuve qu'il aurait été préférable de supprimer l'article.

J'ai été intéressé par l'argumentation de notre rapporteur général : la justice, c'est de ne pas faire reposer la charge de nos dépenses sur les générations futures. Il faut alors supprimer la loi Tepa, mais aussi les 35 heures qui coûtent 20 milliards...

M. Daniel Raoul.  - Il y avait longtemps !

M. Christophe Béchu.  - ... et le plan en faveur de l'industrie automobile annoncé aujourd'hui: 7 000 euros pour des foyers qui ne comptent pas parmi les plus modestes ! Un peu de cohérence, monsieur le ministre. Nous reparlerons de votre conception de la justice. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Adnot.  - Je regrette que vous ne donniez pas satisfaction aux entreprises qui auront du mal à appliquer votre mesure en plein trimestre. Si vous voulez donner un bon signal, il faut montrer que vous comprenez les problèmes des entreprises.

L'amendement n°14 rectifié quater n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s98 rectifié, 99 rectifié, 181, 102, 127 rectifié, 135 rectifié, 132 rectifié, 134 et 133 rectifié.

L'amendement n°29 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié ter, présenté par Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Fleming, P. Dominati, Béchu, Cardoux, César, Cambon, Gournac et Courtois, Mmes Des Esgaulx et Farreyrol, MM. J.P. Fournier et P. André, Mmes Deroche et Bruguière, M. B. Fournier, Mme Sittler et MM. Leleux, Revet, Savary, Mayet, Reichardt, P. Leroy, Houpert et Couderc.

Après l'alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° La section 4 du chapitre 1er du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-19 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-19.  -  Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-18, dans les entreprises relevant d'un secteur d'activité où, en application d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu, la durée hebdomadaire de travail est supérieure à la durée légale et ouvrent droit au paiement d'heures supplémentaires mensualisées, quel que soit l'effectif, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. »

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je propose d'exclure les entreprises dont la durée du travail, fixée par une convention ou un accord collectif national de branche étendu, serait supérieure à la durée légale de travail. Tel est le cas de la restauration.

L'amendement n°178 rectifié bis n'est pas défendu.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - L'article 2 exonère les entreprises de moins de vingt salariés. Avis défavorable.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Pourquoi ne pas tenir compte des spécificités de l'hôtellerie-restauration ? Votre réponse, monsieur le ministre, fut lapidaire. Je voterai l'amendement excellent de Mme Des Esgaulx.

L'amendement n°12 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 34

I - Après les mots :

Pour l'année 2012,

insérer les mots :

après affectation préalable de la fraction mentionnée au A du III du présent article,

II - Après le mot :

affectée

supprimer les mots :

, après déduction de la fraction mentionnée au A du III du présent article,

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Cet amendement concerne la compensation par l'État des exonérations de cotisations sociales maintenues pour les entreprises de moins de vingt salariés. Le Gouvernement s'engage à présenter un nouveau dispositif à l'automne. En 2010 et 2011, le produit des impôts affectés fut inférieur au manque à gagner pour la sécurité sociale ; l'article 2 prévoit l'apurement de la dette de 341 millions d'euros de l'État. Mais la rédaction de l'alinéa correspondant est ambiguë. Il faut le clarifier.

L'amendement n°22, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. Vincent Delahaye.  - L'an passé, les sénateurs centristes ont conduit un travail sur le bilan de la défiscalisation des heures supplémentaires. Celle-ci avait pour triple objectif de contourner les 35 heures, d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés et de dynamiser l'activité économique. Les entreprises ont ainsi pu ajuster leur masse salariale et répondre à leurs commandes dans une conjoncture désastreuse. Les heures supplémentaires concernent 528 000 entreprises et 9 millions de salariés.

Pour la gauche, les heures supplémentaires sont substituables à l'emploi. Il ne s'agit plus aujourd'hui d'arbitrer entre droit au loisir et droit au travail, mais de protéger nos entreprises et leurs salariés. On n'embauche pas pour les mêmes raisons que l'on attribue des heures supplémentaires. Ou alors, interdisez celles-ci ! En réalité, vous cherchez le rendement ; vous aurez la colère sociale. Croyez-vous qu'il suffira de dire que c'était une mesure décidée par Nicolas Sarkozy ? Sans rien pour stimuler la compétitivité, ni réduire la dépense publique... Nous ne saurions cautionner cette erreur de diagnostic.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3

M. Albéric de Montgolfier.  - La réforme de l'ISF du printemps 2011 était indispensable, d'abord parce que les revenus du patrimoine diminuent. Quand l'ISF a été créé, le rendement des placements dépassait l'inflation. Ensuite, parce que le nombre des contribuables de l'ISF a doublé en dix ans à cause de la flambée de l'immobilier, en particulier en Ile-de-France. L'ISF est ainsi devenu insupportable pour certains ménages.

L'article pose trois problèmes juridiques. Les foyers dont le patrimoine est compris entre 800 000 et 1,3 million d'euros n'ont pas fait de déclaration mais subiront la rétroactivité de la loi fiscale ; la contribution exceptionnelle ne le sera pas ; enfin, il n'y a aucun plafonnement ni bouclier en fonction du revenu. Certains devront ainsi payer plus qu'ils ne gagnent, par exemple une veuve avec de faibles revenus propriétaire d'un grand appartement à Paris. Le dispositif est confiscatoire : le Conseil constitutionnel s'y penchera.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Cet article instaure une surtaxe exceptionnelle. Quelles sont donc les intentions du Gouvernement en matière d'imposition de la fortune ? Veut-il rétablir l'ISF tel qu'avant l'aménagement raisonnable de 2011 ? Contribuables et investisseurs ont le droit de savoir. Votre mesure est-elle un moyen astucieux d'éviter la question du plafonnement ?

M. Charles Guené.  - Avec la contribution exceptionnelle, le contribuable paiera le même impôt que si la réforme de l'ISF de 2011 n'avait pas eu lieu. Il fallait contourner le risque d'inconstitutionnalité. Malgré l'argumentation un peu spécieuse du ministre, nous savons que le Gouvernement reviendra dès l'automne à l'ancien barème. Mais a-t-il l'intention de revenir au seuil d'assujettissement de 800 000 euros ! La réforme de 2011 était une mesure de justice fiscale au vu de la flambée de l'immobilier.

En l'absence de plafonnement, des milliers de contribuables devront payer plus que leurs revenus. Cela met en lumière les excès de l'idéologie de la lutte des classes et de la stigmatisation de nos compatriotes les plus fortunés.

Nous voterons cet amendement de suppression avec conviction.

M. Vincent Delahaye.  - Le Gouvernement veut tenir sa promesse de faire payer les riches ; c'est la seule mesure de ce projet de loi de finances rectificative conforme à cet objectif. D'après le tableau distribué par le rapporteur général, cette contribution, qui rapportera 2,3 milliards, sera annulée en 2013...

En réalité, ce ne sont pas les riches que vous faites payer ! La contribution exceptionnelle durera-t-elle ? Jusqu'au retour à l'équilibre, ce qui peut prendre des années ? Combien rapportera-t-elle en définitive, 2,3 ou 4,6 milliards ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Bonne question !

M. Alain Bertrand.  - On s'inquiète de savoir si quelques milliardaires risquent de payer un peu trop... alors qu'il y a 4 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres dans notre pays ! Il aurait fallu parler de la progressivité de l'impôt ! Entre 30 000 et 200 000 euros par an, elle s'effondre ! (M. Albéric de Montgolfier le conteste) Sachez que je suis inspecteur des impôts à la retraite !

Le président de la République a pris des engagements. Comment lui permettre de financer ses politiques de manière juste ? Les plus démunis ne bénéficient pas de niches fiscales. Pourquoi ne pas ramener leur plafond à 2 000 euros ? Cela rapporterait 30 milliards. (Mme Annie David approuve). La droite a oublié les chômeurs, accru la dette de 600 milliards, sacrifié la production par manque de vision stratégique. Restaurons le principe républicain de l'égalité devant l'impôt ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Monsieur Delahaye, la contribution rapportera 2,3 milliards en 2012, rien en 2013. Elle n'est pas supposée être reconduite.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Supposée !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Nous voulons préserver les recettes recherchées par le Gouvernement.

M. Thierry Foucaud.  - Les paroles, c'est bien, les actes, c'est mieux. Seul le groupe CRC a voté l'amendement n°77 présenté par Mme Beaufils, monsieur Bertrand, qui traitait de la progressivité ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s'exclame)

L'amendement identiques nos103 et 139 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°78 rectifié, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885 U. - I. -  L'impôt est calculé sur l'ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine selon le tarif suivant :

«

Valeur nette imposable du patrimoine

Tarif applicable %

N'excédant pas 800 000 €

0

Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 €

0,55

Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

0,75

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 €

1

Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 €

1,3

Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 €

1,65

Supérieure à 16 790 000 €

1,80

« II. - Le tarif ci-dessus est évalué et fixé par la loi de finances. »

M. Thierry Foucaud.  - Ce collectif rompt avec la pratique fiscale des dix dernières années. La réforme de l'ISF de 2011 avait conduit à restituer environ 2 milliards d'euros aux redevables -réforme, M. le ministre a raison, qui s'est accompagnée du maintien du bouclier en 2012- soit 13 000 euros de remise pour chaque million au-delà du plancher de la dernière tranche ! Allons au plus simple et rétablissons dès à présent le barème d'avant la réforme de 2011.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Bernard-Reymond, Poncelet, Türk, Retailleau, Bizet, J.L. Dupont et P. Dominati et Mme Des Esgaulx.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...  -  Le redevable de la contribution mentionnée au I peut imputer sur celle-ci, dans les mêmes limites et selon les mêmes modalités que celles applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune, les versements effectués au titre des souscriptions au capital ou augmentation de capital de petites ou moyennes entreprises européennes, en vertu des I à VI de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, à condition que ces versements n'aient pas déjà été imputés sur l'impôt de solidarité sur la fortune.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les PME ont besoin de financements et en trouvent difficilement. Il faut appliquer à la contribution exceptionnelle l'article 885 OV bis du code général des impôts.

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l'exclusion de l'application des articles 885 I bis à quater du code général des impôts

M. Thierry Foucaud.  - L'ISF est assorti de nombreuses niches. L'exemption des biens professionnels coûte sans doute plusieurs milliards. Le dispositif ISF-PME et le dispositif Dutreil coûtent respectivement 700 et 120 millions d'euros. Ils n'empêchent pas les entreprises qui en bénéficient de licencier ni de délocaliser.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Par l'amendement n°78 rectifié, M. Foucaud souhaite revenir à l'ancien ISF. Retrait : il y a là un risque d'inconstitutionnalité et le produit serait inférieur à celui de la contribution exceptionnelle.

Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié bis, qui propose le doublement du dispositif ISF-PME. L'état des finances publiques l'interdit.

Retrait de l'amendement n°66 : là encore, remettre en cause des exonérations sur un impôt déjà acquitté se heurterait à un risque d'inconstitutionnalité. Nous en rediscuterons dans le cadre de l'examen du budget pour 2013, (M. Albéric de Montgolfier s'étonne) au cours duquel vous pourrez redéposer ces amendements. Le Gouvernement envisage en effet une réforme de l'ISF.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Soit l'amendement n°78 rectifié est satisfait, soit vous estimez qu'il faut faire davantage et vous nous feriez courir un risque d'inconstitutionnalité. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°11 rectifié bis est également satisfait : l'ISF acquitté prend en compte ces dérogations. Doit-on les doubler ?

S'agissant de l'amendement n°66, je vous renvoie au prochain débat budgétaire. La réforme de l'ISF reste à élaborer.

J'en profite pour dire que j'ai bien pris connaissance du rapport sénatorial sur la fraude fiscale auquel je sais que M. Foucaud et son groupe ont beaucoup contribué ; il sera très utile en vue de la réforme de l'administration du ministère. Je veillerai à ce qu'elle dispose des moyens nécessaires à la lutte contre l'évasion fiscale.

M. Thierry Foucaud.  - L'article 3 aussi pose un problème de constitutionnalité.

M. Albéric de Montgolfier.  - Nous sommes d'accord !

M. Thierry Foucaud.  - Je ne fais avec l'amendement n°78 rectifié que reprendre ce que la gauche et le Sénat ont voté en loi de finances initiale et lors du collectif de juin 2011... Pourquoi ce que nous avons fait hier ne serait-il plus possible aujourd'hui ? Nous maintenons l'amendement, qui est pour nous emblématique. Je comprends en revanche que l'on renvoie la discussion de l'amendement n°66 au prochain budget, et le retire.

L'amendement n°66 est retiré.

L'amendement n°78 rectifié n'est pas adopté non plus que l'amendement n°11 rectifié bis.

L'article 3 est adopté.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Je demande la réserve de l'article 5 jusqu'à la fin de la première partie.

La réserve, acceptée par la commission, est ordonnée.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 26 juillet 2012, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Les droits fondamentaux du contribuable sont en jeu, d?autant que le président de la République a décidé d'une tranche à 75 % -que vous avez, paraît-il, découverte de manière fortuite au cours de la campagne...

En outre, l'article ne prévoit pas de reporter la décote créée en 2011 pour les patrimoines compris entre 1,3 et 2,4 millions d'euros. En conséquence, la contribution exceptionnelle est forte pour les patrimoines proches de 1,3 million, décroissante jusqu'à 1,4 million d'euros puis progressive jusqu'à 1,650 million, passant de 1 250 euros pour un patrimoine de 1,3 million à 605 euros pour un patrimoine de 1,350 million, à 20 euros pour un patrimoine de 1,4 million et ne revenant à 1 230 euros que pour un patrimoine de 1,650 million. La décote corrigerait cet effet pervers. N'y a-t-il pas là un problème de constitutionnalité, une atteinte à l'égalité des contribuables ?

L'amendement n°87 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - L'article 3 ne prévoit aucun plafonnement en lien avec les revenus, ce qui rendra l'impôt confiscatoire pour certains contribuables. Nous proposons de le supprimer.

M. le président.  - Amendement identique n°139 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, Maurey, Marseille, Capo-Canellas, Dubois et Roche.

M. François Zocchetto.  - Il est défendu.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Avis défavorable. La suppression de cet article serait contraire au principe de redressement des comptes publics dans la justice. Il n'y a pas de risque constitutionnel puisque la contribution ne s'appliquera que cette année : le Conseil d'État l'a dit.

C'est bien parce que le déficit est de 84 milliards qu'il faut trouver des solutions -tandis que le précédent gouvernement avait cru bon de réduire le produit de l'ISF de moitié. Le redressement est urgent et l'article 3 nécessaire, qui a la force de l'exemplarité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Que fera-t-on en 2013 ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Avis défavorable. Monsieur Marini, cet article s'inscrit dans un contexte mais ne trace pas de perspectives. Le contexte, c'est la réforme de l'an dernier qui a divisé le produit de l'ISF par deux. Et la compensation prévue n'a pas été mise en oeuvre en 2012 : quand je suis arrivé au ministère, aucune instruction n'avait été signée par mes prédécesseurs. Ce n'est pas aux plus fortunés mais aux classes moyennes que vous avez fait appel, en faisant plus que doubler le droit de partage. Les divorcés ou ceux qui sortent d'une indivision ne sont pas tous des riches !

Ce n'était pas le moment de baisser les recettes. Quelques semaines plus tard, il a fallu geler le barème de l'impôt sur le revenu, augmenter la CSG et le taux réduit de la TVA.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Tous impôts que vous conservez.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le bouclier fiscal fut supprimé en même temps... pour 2013. Cette année, la restitution moyenne a beaucoup augmenté, au bénéfice d'un nombre de contribuables encore plus réduit qu'auparavant : 95 % des 730 millions restitués ont été répartis entre un nombre plus faible de bénéficiaires. Nous annulons le double avantage dont ils ont bénéficié.

Cela dit, le dispositif ne préfigure en rien ce que pourrait être un ISF rénové.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il ne sera pas plus léger que l'ancien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le sentiment de justice fiscale, ces dernières années, a trop déserté le coeur et l'esprit de nos concitoyens.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Et la décote ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - M. Marini a raison : la taxation exceptionnelle a comme inconvénient apparent une forme de dégressivité entre deux seuils. Mais la cotisation d'ISF s'impute sur la contribution exceptionnelle. L'ensemble est bien progressif.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 26 juillet 2012

Séance publique

À 9 HEURES 30, 14 HEURES 30 LE SOIR ET, ÉVENTUELLEMENT, LA NUIT

- Suite du projet de loi de finances rectificative (n°687, 2011-2012).

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n°689, 2011-2012).

Avis de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°691, 2011-2012).

Avis de Mme Françoise Cartron, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°690, 2011-2012).