Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Dallier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.

M. François Marc, rapporteur général.  - Le rapport est-il de mauvaise qualité? Les discussions menées jusqu'ici n'ont-elles pas suffi ? Il y a urgence à agir, afin de nous replacer dans la trajectoire européenne et de remplir nos engagements envers les Français. Le déficit du commerce extérieur s'élève à 70 milliards, il était nul en 2003. Nos dépenses courantes ne sont financées qu'à 69 % par les recettes.

M. Vincent Delahaye.  - Il faut réduire la dépense !

M. François Marc, rapporteur général.  - Voilà le bilan que nous laisse la droite. Mais celle-ci veut affranchir des turpitudes de ces dix dernières années de gouvernance.

Vous parlez de la CSG. Mais la question n'est pas d'actualité dans ce débat budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous vous le rappellerons !

M. François Marc, rapporteur général.  - Au cours des dix ans passés, les patrimoines se sont concentrés dans les mains des plus aisés. Le seuil pour les donations est fixé à 100 000 euros, alors que le patrimoine détenu par la moitié des Français est inférieur à 30 000 ! N'est-il pas juste de faire contribuer ceux qui le peuvent ?

Je demande le rejet de la motion. (Applaudissements nourris à gauche)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le collectif n'a pas pour ambition de réformer l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés ou la TVA mais de restaurer les comptes publics, faute de quoi les ressources seraient inférieures aux prévisions de la majorité précédente. Les grands dossiers que vous avez évoqués, monsieur Foucaud, seront ouverts à l'occasion de la prochaine loi de finances.

Je comprends la perplexité de M. Arthuis, dont nous savons l'honnêteté intellectuelle, à l'égard des motions de procédure. Comment convaincre une assemblée qui ne vous est pas acquise ? Le renvoi en commission ne lèverait pas ses objections. Son argumentaire n'a d'ailleurs pas grand-chose à voir avec le projet de loi. L'exercice est convenu : on critique moins le texte lui-même qu'on profite de l'occasion pour développer un sujet qui tient à coeur.

Je partage le souci de redresser notre compétitivité, qui s'est effondrée ces dix dernières années. Si l'objectif du Gouvernement précédent était de la restaurer, il est clair qu'il n'a pas été rempli. Ce n'est pas mettre quiconque en accusation que de le constater. Certains secteurs comme l'agroalimentaire et les services souffrent, il est vrai, d'une faible compétitivité prix. Mais dans l'industrie, tel n'est pas le cas ! La part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée totale est en France aujourd'hui inférieure à celle de la Grande-Bretagne, où M. Sarkozy disait qu'il n'y avait plus d'industrie ! Il est traditionnel de rappeler le bilan de l'opposition, dont je peux comprendre l'agacement ; mais il n'y a là ni malice, ni mauvaise manière.

Dans l'automobile, il y a un problème de compétitivité qualité et de gamme. Il y a aussi, plus généralement, un problème d'organisation à l'export. En outre, la France a subventionné des heures supplémentaires, l'Allemagne, le chômage partiel. Or garder des salariés dans une entreprise, un savoir-faire, une expertise est un atout. Lors de la reprise de 2010, l'Allemagne a su répondre immédiatement à la demande ; chez nous, il a fallu embaucher puis former. La compétitivité méritera un débat spécifique, le Gouvernement pas plus que la majorité ne s'y opposera.

Nous reprocher de ne pas faire en un mois, au coeur de l'été, ce que vous n'avez pu faire en dix ans est de bonne guerre ; mais est-ce de bonne foi ?

M. Alain Fauconnier.  - Excellent !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le renvoi en commission ne règlerait rien. Il est temps d'examiner ce PLFR. Le Gouvernement demande le rejet de la motion. (Applaudissements à gauche)

A la demande des groupes UCR et socialiste, la motion n°150 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l'adoption 158
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles de la première partie

Article premier

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - J'appelle au respect.

M. Alain Néri.  - Mutuel !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous parlez d'or. Évitons procès d'intention et caricatures. Un peu de charité et de compréhension pour vos prédécesseurs, messieurs les ministres, qui le méritent pour avoir dû faire face à une crise imprévisible. Vous en demanderez peut-être dans quelques mois. Au Sénat, nous prenons toujours un peu de distance. C'est notre marque de fabrique. L'ancienne majorité soutenait le gouvernement Fillon mais chacun avait sa liberté de langage et son indépendance d'esprit. M. Arthuis a évoqué des thèmes sur lesquels le Sénat a beaucoup travaillé sans être suffisamment écouté.

Maîtrisons nos confrontations pour qu'elles soient honnêtes, lisibles et utiles à ceux qui nous écoutent ! (Applaudissements à droite)

Mme Fabienne Keller.  - Les annonces de restructurations et de plans sociaux se multiplient, de PSA à Sanofi, en passant par Bouygues, SFR ou Arcelor : 45 000 emplois sont menacés.

Les entreprises françaises souffrent de la concurrence des pays émergents, mais aussi européens. De nombreux rapports montrent que la baisse du coût du travail est un élément déterminant pour améliorer notre compétitivité. Pour un cadre payé 4 000 euros, une entreprise française paie 1 200 euros de prélèvements, contre 500 euros pour une entreprise allemande. La faiblesse des marges, les plus basses d'Europe, interdit gains de parts de marché, investissements et embauches.

C'est à cette situation que répondait la TVA compétitivité. En augmentant le taux normal de TVA de 1,6 % et en réduisant simultanément les cotisations familiales patronales de 13 milliards d'euros, on aurait favorisé l'emploi sur notre territoire, sans impact réel sur l'inflation. Nos entreprises auraient été plus compétitives. Les soutenir de manière pérenne est un enjeu vital. Quelles mesures alternatives prévoyez-vous ? Il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Isabelle Pasquet.  - TVA sociale, TVA compétitivité, TVA anti-délocalisations ? En réalité, TVA d'injustice renforcée. La TVA, impôt non progressif, pèse davantage sur les moins riches qui consomment tous leurs revenus. La TVA avale 8 % des revenus d'un smicard mais 4 % seulement de ceux des 10 % des ménages les plus aisés.

Cette hausse de la TVA n'était que la contrepartie de la baisse des charges patronales finançant la branche famille : 11 milliards transférés des entreprises vers les ménages, sans contrepartie en termes d'emplois ou de salaire, alors que les dirigeants d'entreprises encaissent bonus, parachutes dorés et autres retraites-chapeau... C'était Robin des Bois à l'envers !

Nous nous soucions comme l'opposition de la compétitivité des entreprises. Plutôt que de baisser toujours davantage les salaires, il faut affranchir les entreprises de la finance. Nous faisons deux propositions : la création d'un pôle financier public, qui leur permettrait d'emprunter à des taux supportables, et la modulation des cotisations sociales en fonction de la politique salariale de l'entreprise. Voilà comment desserrer l'étau sur les entreprises et améliorer notre compétitivité. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Albéric de Montgolfier.  - Cet article premier est l'occasion d'aborder le thème qui nous a occupés cet après-midi : la compétitivité. Il n'y aurait pas de problème de compétitivité prix, a dit le ministre. Mais les chiffres sont là : les prélèvements obligatoires assis sur le travail représentent 23 % du PIB en France, contre 20 % en moyenne européenne. Pour un même coût du travail de 4 000 euros, l'entreprise française paie 1 200 euros de charges patronales alors que l'entreprise allemande n'en paie que 700.

La TVA compétitivité que nous voulions mettre en place aurait diminué de 5 % le coût du travail pour les emplois peu ou pas qualifiés, au bénéfice de 95 % des très petites entreprises. Lors de la conférence sociale, le président de la République s'est interrogé sur les voies de financement d'une protection sociale qui pèserait moins sur le travail. C'est exactement l'approche de M. Arthuis. Mais vous allez supprimer la TVA compétitivité tout en maintenant une mesure compensatrice de hausse des prélèvements obligatoires, la hausse de deux points des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et les placements.

Surtout, et c'est l'essentiel, la hausse de la TVA pesait sur les seuls produits à taux de TVA normal, qui sont pour les trois quarts importés. Vous feriez mieux de suivre la Cour des comptes qui recommandait une augmentation de la TVA, un dispositif moins douloureux que la hausse probable de la CSG. L'UMP votera contre l'article premier (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung.  - Ce projet de TVA, qui est dans les cartons, n'est pas clairement identifié. On parle de TVA sociale, on parle de TVA compétitivité, on parle de TVA anti-délocalisation.

M. Alain Néri.  - C'est surtout une TVA antisociale !

M. Albéric de Montgolfier.  - Quatre points de CSG !

M. Richard Yung.  - Le sujet est sensible. On parle tout de même de 13 milliards d'euros. Il correspond à un transfert vers les ménages des prélèvements sur les entreprises. La hausse de la CSG, qui n'est pas le sujet de ce jour, vous y aviez pensé : 2,6 milliards.

Sur la réduction du coût du travail, je ne suis pas certain que cette hausse de TVA n'aurait pas été répercutée sur les prix. Elle a eu des effets inflationnistes en Allemagne et en Grande-Bretagne. Son effet sur le prix de revient est extrêmement faible : 0,4 à 0,6 %.

Pour la compétitivité, j'ai évoqué la recherche et l'innovation, c'est l'évidence. Pensez aussi à la taille des entreprises. Ce qui manque à la France, ce sont les entreprises de taille intermédiaire qui investissent, produisent des biens de très haute qualité et exportent : elles font la force de l'Allemagne, de la Suisse. Durant dix ans, vous ne vous en êtes pas beaucoup occupés.

Autre élément de la compétitivité, le dialogue social. Il n'est pas très développé en France, il faut le renforcer. Nous avons commencé à le faire lors de la conférence sociale. Nous soutenons cet article premier. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - La France est confrontée à une situation terrible, cet article premier est à contre-emploi, sans jeu de mot. Il constitue un flop économique. Si vous augmentez la CSG, vous aurez commis une double erreur. La TVA compétitivité baisserait le coût du travail et renchérirait les importations. C'est une solution structurelle pour préserver l'emploi.

M. Alain Néri.  - Les Français vous ont dit non.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Alors pourquoi la refuser ?

M. Alain Néri.  - Elle est injuste !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - La TVA à taux plein, seule concernée, porte à 75 % sur des produits importés. Votre motivation est purement idéologique : faire table rase de l'ère Sarkozy. Si nous avions augmenté la CSG, vous auriez été contre. Votre attitude est ahurissante !

Le président de la République ose, lui, parler de la compétitivité et ouvrir le débat sur la CSG depuis sa tour d'ivoire ; vous, non. Cet article premier témoigne d'un manque de lucidité terrible. Je regrette votre silence sur le fond des choses ! (Applaudissements à droite)

M. Jacques Gillot.  - Je saisis cette occasion pour dire ma satisfaction à l'égard de ce PLFR et des promesses pour l'outre-mer qu'a faites le président de la République.

Nos difficultés économiques et sociales ne sont pas une fatalité, les solutions ne sont pas seulement financières. C'est le cas de la lutte contre la vie chère qui passe par la lutte contre des monopoles de fait. En revanche, un soutien budgétaire est indispensable. Pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à sanctuariser la défiscalisation pour le logement social outre-mer ?

Nos jeunes attendent beaucoup du changement annoncé. Nos conseils généraux attendent la compensation de l'incessant transfert des charges. Le reste à charge représente 440 millions en Guadeloupe. Puisse le Gouvernement respecter ses promesses ! (Applaudissements à gauche)

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis.  - Sans vouloir provoquer nos collègues de l'opposition, je rappelle que M. Baroin, M. Estrosi et M. Copé lui-même dénoncèrent la TVA sociale. Celle-ci n'est pas la solution pour abaisser le coût du travail, disait aussi M. Bertrand. Le 4 juin 2004, un certain ministre de l'économie disait que la TVA sociale coûterait 0,9 point de PIB à la France. Nul besoin de dire son nom...

Ce rappel est dénué d'intentions provocatrices, madame Des Égaux, il vise juste à dire la complexité du problème. La TVA sociale crée de l'emploi mais en détruit aussi en raison de son effet dépressif, comme l'observait Mme Bricq dans son rapport. Il y a deux approches de la TVA sociale : concentrer les baisses concomitantes de charges sur les bas salaires, au risque de créer une trappe à bas salaire dans des secteurs protégés, ou les étendre à tous les salaires, au risque de détruire des emplois. Le précédent gouvernement avait arbitré en retenant la seconde.

La compétitivité ? La France est le pays de la zone euro qui, après la Grèce, a vu sa part dans les exportations mondiales diminuer le plus ces cinq dernières années, écrivait la Commission européenne le 14 février 2012. Personne ne peut s'en réjouir. Sur les 13,2 milliards de baisse de cotisations, seulement 28 % allaient à l'industrie manufacturière, le reste à des activités protégées de la concurrence internationale. Cela limite fortement la portée de votre argumentation.

Oui, la compétitivité est un problème qui nous concerne tous. La compétitivité prix joue pour la Chine mais non pour nos concurrents directs. Il faut se demander pourquoi un ménage qui est disposé à mettre 50 000 euros dans une voiture préfère un modèle allemand à un français ; ce n'est pas une question de prix. C'est la compétitivité hors coût qu'il faut privilégier par la recherche et l'innovation. Un objectif serait de porter le soutien à la recherche et à l'innovation à 2 ou 3 points du PIB.

Nous soutenons cet article premier : la hausse de la TVA est néfaste à notre économie, à notre pays ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Entre février 2010 et mars 2011, tous les responsables de l'opposition se sont prononcés contre la hausse de la TVA. Il a fallu l'influence insistante du président de la République pour qu'ils reviennent sur leur position en quelques semaines.

On ne peut pas leur donner tort : une mesure économique n'est pas bonne en soi, tout dépend du contexte économique. Les chiffres que donnait M. Sarkozy en 2004 restent valables : la TVA sociale peut faire perdre 0,5 point de PIB. Pensez-vous que la conjoncture soit si florissante qu'on puisse se permettre de faire entrer la France en récession ?

Au-delà, je ne suis pas convaincu que l'économie française ait un problème de compétitivité prix. D'après les derniers chiffres d'Eurostat, dans l'industrie manufacturière, le coût horaire est en Allemagne de 33,37 euros et de 33,16 euros en France. Le coût dans l'industrie automobile est plus élevé d'un tiers outre-Rhin.

Mme Annie David.  - Juste !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Faut-il dégrader la consommation ? (M. Philippe Dallier s'exclame) Ne croyez pas qu'avec la TVA sociale, vous ayez trouvé le Graal ! (Applaudissements à gauche)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 25 juillet 2012, à 14 h 30.

La séance est levée à 1 h 5.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 25 juillet 2012

Séance publique

A 14 heures 30 et le soir

- Suite du projet de loi de finances rectificative (n°687, 2011-2012).

Rapport de M. François Marc ; fait au nom de la commission des finances (n°689, 2011-2012).

Avis de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°691, 2011-2012).

Avis de Mme Françoise Cartron, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°690, 2011-2012).