Communes « Compagnon de la Libération » (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion générale sur la proposition de loi modifiant la loi du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».
Discussion générale (Suite)
M. Jean Boyer. - Février 2012 marquera un temps important dans notre politique de la mémoire : nous aurons renforcé le 11 novembre et conforté l'Ordre des compagnons de la Libération.
Aujourd'hui, il reste 28 membres de l'Ordre ; bientôt, seules demeureront les cinq villes distinguées, qui feront vivre ce bel insigne, qui porte la Croix de Lorraine, donc le souvenir de ce grand Français qui lança un message à la nation par la voie des airs. Un souvenir d'enfance : à 7 ans et demi, je gardais le petit troupeau familial, un 15 août, quand des avions lâchèrent des centaines de tracts, dont je me souviens parfaitement soixante huit ans plus tard : ils annonçaient le débarquement dans le Midi, la jonction des forces alliées et la victoire certaine.
Depuis 1946, l'Ordre s'éteint progressivement, même si une trentaine résiste encore dans le combat de la vie. Il y aura un relais, grâce à ce texte, grâce à Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'île de Sein. Faisons notre devoir à l'égard de ceux qui ont fait le leur et adoptons ce texte. (Applaudissements)
M. Jacques Gautier, rapporteur. - Superbe !
M. Alain Néri. - Je veux rappeler l'importance du devoir de mémoire à l'égard de ceux qui défendaient la liberté, assassinée en 1940. Comme le rappelaient les déportés, « plus jamais ça » pour les générations futures. La médaille, décernée la première fois en 1941 à Brazzaville, pour la dernière fois en 1946, porte une belle devise : « En servant la patrie, il a remporté la victoire » sur la barbarie nazie.
L'Ordre de la Libération est indispensable. Il s'inscrit tout entier dans la Seconde Guerre mondiale. A la différence d'autres distinctions, l'Ordre est le deuxième au plan national.
Dans cet esprit de résistance prévaut l'idée que quelques-uns peuvent sauver l'honneur ; que le chemin de l'exil peut être celui de la liberté. Dans les maquis, les Forces françaises libres, les Forces françaises de l'intérieur s'est créé le programme du Conseil national de la Résistance, à rappeler aujourd'hui. Le combat contre l'idéologie nazie fut aussi celui pour la démocratie.
FFI ou FFN, ouvrier ou paysan, riche ou pauvre, unis par le même courage autour du même message :
« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
« Ami, entends-tu les cris sourds d'un pays qu'on enchaîne ?
« Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.
« Ce soir, l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes. »
Parmi les hommes décorés de cet insigne, combien avaient trouvé la mort avant 1945 ? Nombre d'étrangers ont également été décorés. Les compagnons ne sont plus que 28, bientôt il ne restera que les cinq villes décorées.
Soyons fiers de ceux qui nous ont légué ce message de dignité et de courage. La Résistance doit continuer à vivre dans nos mémoires, surtout chez les plus jeunes. Soyons dignes de nos résistants, de leur sens de l'honneur et du sacrifice. Nous perpétuerons leur mémoire à travers Nantes, première ville décorée ; Paris, martyrisée mais libérée ; Vassieux, symbole du martyre du Vercors ; l'Ile de Sein, qui envoya tous ses pêcheurs rejoindre le général de Gaulle à Londres ; Grenoble, enfin, qui paya son courage de centaines de déportations et d'arrestations.
Ces villes, unies par le pacte d'amitié de 1981, sauront assumer la pérennité de l'Ordre, au-delà de l'espérance de vie des derniers compagnons.
En votant cette proposition de loi, qui perpétue la flamme de la Résistance, nous rendons hommage à ceux qui ont rendu son honneur à la France. C'est le message des résistants : vive la République, vive la France. (Applaudissements)
Mme Michelle Demessine. - Cette proposition de loi transcende les clivages politiques qui ne sont que l'expression normale de la démocratie. Elle ne saurait être suspectée d'arrière-pensées politiciennes.
L'Ordre de la Libération, créé à Brazzaville en 1940, consacre la reconnaissance de la France libre. Il incarne la continuité de la France face aux décorations pétainistes, à commencer par la francisque. A côté de héros modestes, des villes et des unités combattantes ont été distinguées. Ces hauts lieux de la Résistance, par leur exemplarité, méritaient cette distinction. Ce texte résout les problèmes juridiques et techniques qui résultent de la loi de 1999 créant l'Établissement public qui assumera la gestion de l'Ordre.
J'approuve le choix judicieux du Mémorial de la France combattante, à Suresnes, adossé au Mont-Valérien, pour accueillir le musée de l'Ordre.
Cette proposition de loi est pleinement justifiée. Le groupe CRC se félicite de permettre, en la votant, la continuation du devoir de mémoire. (Applaudissements)
M. Robert Tropeano. - Récompenser les personnes, les unités militaires et les communautés civiles qui, dans les sables de Bir Hakeim, les neiges de Russie et les verts pâturages normands, ont rendu un service exceptionnel à la Résistance, tel est l'objet de l'Ordre des Compagnons de la Libération. Ce texte rassembleur doit être l'occasion d'honorer leur mémoire.
Je rappelle que treize sénateurs ont été compagnons de la Libération.
Le groupe du RDSE votera unanimement la proposition de loi.
La loi du 26 mai 1999 créant un établissement public national à caractère administratif devait être adaptée. La gestion directe du musée de la Libération va dans le bon sens. La possibilité de recruter des contractuels doit être préservée. Ne pas dépendre que de subventions ménage une petite marge d'autonomie.
Nous approuvons sans réserve ce texte, qui honore aussi tous les combattants de l'ombre et tous les Résistants de l'intérieur. Ils ont servi les idéaux républicains de liberté et de fraternité, chers aux membres du groupe du RDSE.
M. André Gattolin. - Nous restons fidèles à ceux qui ont servi la France libre, qui ont su refuser Vichy et l'allégeance au totalitarisme. En 1999, la création de l'établissement public administratif destiné à succéder au Conseil de l'Ordre était bienvenue. Il s'agit aujourd'hui d'en assurer la bonne marche. Cette proposition de loi règle le devenir du musée de l'Ordre créé par le général de Gaulle. L'autonomie accrue ne doit pas s'accompagner d'une baisse des ressources : nous y serons attentifs.
La mise à disposition par le ministère de la défense de trois emplois à temps plein de fonctionnaires a cessé et, même si une allocation a été accordée pour 2011 et 2012, leur remplacement par des contractuels n'est jamais bon signe... Je regrette également que les ressources de l'Ordre s'appuient sur des recettes commerciales, l'État se désengageant. En revanche, l'autonomie laissée au pouvoir réglementaire pour l'entrée en vigueur est pertinente.
En dépit des limites que nous avons signalées, ce texte doit être voté conforme, pour perpétuer l'héritage de l'Ordre.
Permettez-moi de conclure en évoquant Stéphane Hessel, dont je suis proche. Il prouve que l'esprit de la Résistance n'est pas seulement un souvenir. Son combat fut celui de l'indignation contre le nazisme. Pour conserver l'héritage des Résistants, cultivons l'indignation, refusons la spoliation des avancées sociales du programme du Conseil national de la Résistance.
Si nous avions su honorer l'héritage de la Résistance, nous ne connaîtrions pas cette société où l'on remet en cause les retraites, où l'on rejette les immigrés, les sans-papiers.
Malgré les lacunes, nous voterons la proposition de loi. Vive la France, vive la France libre ! (Applaudissements)
M. René Beaumont. - Le texte nous ramène aux heures de 1940, sombres mais avec une pointe d'espoir : en témoigne le vert du ruban. Décoration exceptionnelle pour récompenser une conduite exceptionnelle. C'est ainsi que le général de Gaulle, chef de la France libre, récompense ceux qui se sont illustrés contre la barbarie nazie. Aux 1 038 hommes et femmes s'ajoutent cinq communes. Déposée à deux reprises, dissolution oblige, la loi de 1999 a créé le Conseil national des communes de l'Ordre, un établissement public administratif, pour prendre la succession du Conseil de l'Ordre. Il garantit la poursuite des actions mémorielle menées par le Conseil auprès de générations qui ont toujours vécu en paix et en ignorent parfois le prix.
Cette proposition de loi autorise des ajustements juridiques pour assurer la pérennité et la transmission des valeurs de l'Ordre. Je me réjouis au nom du groupe UMP de son adoption unanime par l'Assemblée nationale et du consensus au sein de la commission des affaires étrangères du Sénat pour l'adopter conforme. Preuve que les questions de mémoire nationale transcendent les clivages politiques. Tant mieux car il y va de l'honneur de ces valeureux compagnons. (Applaudissements)
M. Jacques Chiron. - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, le maire de Grenoble, M. Destot, et le président Accoyer. L'EPA créé en 1999 aura pour mission de faire vivre la mémoire des compagnons disparus. Le pacte d'amitié créé en 1981 par les cinq communes décorées témoigne de leur engagement en ce sens. Élu de Grenoble, je tenais à vous remercier du soutien unanime à cette proposition de loi. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3 et 4.
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
M. le président. - C'est l'unanimité.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 29 février 2012, à 14 h 30.
La séance est levée à 1 heure.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 29 amrs 2012
Séance publique
A 14 heures 30 et le soir
1. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.
2. Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.
3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la majoration des droits à construire.