Débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012. Demandé par la commission des affaires européennes, il traitera également du fédéralisme budgétaire européen, comme l'avait initialement demandé le groupe UCR.
M. Jean Leonetti, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. - Merci à M. Zocchetto de son initiative. Nous avons, cet après-midi, adopté le MES, regrettant l'absence d'unanimité. Certains déplorent que la croissance ne soit pas au coeur des textes. Le sujet sera au centre du prochain Conseil européen, les 1er et 2 mars prochain.
L'Europe a su éteindre l'incendie et démontrer sa capacité à surmonter une crise sans précédent. Le sommet sera l'occasion d'affirmer son rôle. Son volontarisme lors des printemps arabes, vis-à-vis de la Syrie aujourd'hui, montre son statut de leader mondial : la puissance politique qu'est l'Europe doit se battre pour ses valeurs.
Discipline, convergence, coordination des actions en faveur de la croissance et de l'emploi, le TSCG inscrit ces exigences dans nos textes fondamentaux. Le Conseil fixera des orientations pour relancer la croissance en 2012, en tirant le bilan du premier exercice du semestre européen. Cette année, pour la première fois, seront mis en oeuvre de nouveaux instruments de surveillance des déséquilibres macro-économiques et de discipline budgétaire. La Commission rendra, en novembre, un rapport annuel sur la croissance et le premier rapport sur le mécanisme d'alerte a été remis le 14 février.
La coordination se fait au profit de la croissance et de l'emploi, et le Conseil prendra des décisions pour redynamiser le marché intérieur. M. Barnier présentera les douze mesures prioritaires en ce sens. Favoriser l'innovation exige de faciliter l'accès des PME au fonds européen de capital-risque. Des actions sectorielles seront soutenues, e-commerce, économie verte, etc.
Enfin, la convergence fiscale doit progresser rapidement, assiette de l'impôt sur les sociétés, taxation des transactions financières... Le fonds de solidarité européen financera l'apprentissage, la formation des jeunes.
L'Europe représente une communauté de destin, économique mais aussi politique : l'élargissement et la politique extérieure sont également à l'ordre du jour. L'Europe est faiseuse de paix, le dialogue Serbie-Kosovo le montre. Le Conseil Affaires générales a débattu aujourd'hui du statut de candidat à l'adhésion, qui sera, je l'espère, accordé à la Serbie si les dernières réticences de la Roumanie sont levées. La politique extérieure est une prérogative nouvelle : nous dresserons le bilan de notre action lors du printemps arabe et de notre politique de voisinage, de la situation en Syrie.
L'Europe a été la première à condamner la répression opérée par le régime syrien. C'est qu'elle n'est pas seulement une entité économique mais porte une histoire et des valeurs. Elle ne baissera jamais les bras face à la tyrannie. Le Conseil devra également se prononcer sur le renouvellement du mandat de M. Van Rompuy, que la France soutient. (Applaudissements à droite)
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Le Conseil sera prioritairement consacré à la croissance, avec l'adoption d'objectifs ambitieux, sans moyens supplémentaires hélas. Mais il annoncera une cure d'amaigrissement avec la mise en place de règles plus que strictes. De telles contradictions conduisent à la névrose ! Ici, son premier signe est l'europessimisme.
Il faudrait un vrai budget européen, en progression et avec des ressources propres. Or certains, comme la France, prônent le gel jusqu'en 2020...
M. Jean Bizet. - Pas tout à fait...
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Nous ne serons pas protégés contre d'autres crises, la BCE n'ayant pas les pouvoirs d'intervention nécessaires.
« Il n'y a pas de politique sans risques mais il y des politiques sans chances », disait Edgard Faure. Après le Six pack, le Two pack, la règle d'or la plus stricte ne nous laisserait aucune chance ! Les États ont, grâce à l'endettement public, amorti la crise ces dernières années, mais demain ?
Sur la réforme de la gouvernance économique, pas un des eurodéputés avec lesquels nous nous sommes entretenus n'estime le nouveau traité indispensable. Entre les institutions à 27, à 25, à 17, comment tout cela fonctionnera-t-il ? Le Conseil va lancer un signal... de confusion. Le traité impose une révision constitutionnelle dans notre pays. Je souligne que c'est la Cour de justice qui estimera si notre loi organique ou notre texte fondamental assure bien la transposition de la règle d'or... Qu'en dira le Conseil constitutionnel ? L'insécurité juridique sera totale.
Les perspectives du prochain Conseil ne m'incitent pas à l'optimisme. Nos concitoyens attendent un message d'espoir. Nous en sommes loin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Le volet « croissance » est sous-dimensionné : il ne peut se réduire à une dérégulation mortifère ni à une succession de plans d'austérité, qui appauvrissent les populations et nourrissent la montée des populismes.
Des objectifs économiques et sociaux, et non seulement budgétaires et monétaires, devraient être inscrits dans le traité. C'est en poursuivant, grâce à des ressources propres, des politiques sociales et de grands projets, que l'Union européenne renouera avec la croissance durable, tout en faisant face aux enjeux, énergétiques par exemple. Les investissements pourraient être financés par des project bonds. Les interconnexions prévues en matière de transport et de communications sont insuffisantes.
Pardonnez-moi de jouer les Cassandre mais l'Europe n'atteindra pas objectifs en matière d'énergie si elle ne s'en donne pas les moyens. L'économie verte recèle un gisement de croissance, pour peu que l'Europe définisse une véritable politique. L'Union importe plus de 50 % de son gaz, ce qui justifierait une politique d'achats communs. La sécurité des approvisionnements est une question de géopolitique et, face à Gazprom, il faut un acheteur unique, une Agence européenne d'achat du gaz, puis puissante que la Caspian Development Corporation. Moins l'Europe consommera d'énergies fossiles, plus sa sécurité sera un objectif réaliste.
En matière d'électricité, une agence européenne s'impose. L'Acer, Agence de coopération des régulateurs de l'énergie, n'en fait pas assez car il faut développer considérablement les infrastructures européennes -les impératifs environnementaux sont là ; la création d'un marché des quotas de CO2, le débat sur la place du nucléaire illustrent les préoccupations européennes.
Il faut, surtout, rechercher un autre modèle de civilisation, une économie décarbonée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean Arthuis. - L'Europe dessine notre avenir collectif, porte nos espoirs de paix et de prospérité. Elle seule nous permettra de participer à la régulation du monde et d'imposer le respect des droits de l'homme. Chantier prometteur, et pourtant la défiance pèse, la menace plane sur l'Europe.
Croissance atone, chômage, déficits et dettes publics à des niveaux insoutenables : les déséquilibres entre partenaires se creusent en raison d'écarts de compétitivité. Face aux accidents, grec en particulier, l'Union européenne se montre désemparée. Pour venir en aide à une Commission pusillanime, elle appelle à l'aide le FMI et embarque la BCE, au mépris de ses règles d'indépendance, dans une troïka de circonstance.
Les pays fondateurs avaient choisi, après les jalons posés dans l'industrie lourde et l'énergie, de progresser sur le plan économique, avec le marché unique. Cependant, les dévaluations compétitives font se lever des cohortes de chômeurs et rendent indispensable la monnaie unique. Monnaie orpheline d'État : nous avons donc créé un règlement de copropriétaires, avec un pacte de stabilité et de croissance -plus de stabilité que de croissance, d'ailleurs.
M. Roland Courteau. - C'est vrai !
M. Jean Arthuis. - Promis, juré, chacun le respecterait. Les États membres qui subissaient auparavant des taux d'intérêt de 10 ou 15 % ont immédiatement bénéficié de taux nettement plus intéressants, autour de 4 %. Nous en avons profité, les engagements de rigueur ont été allègrement transgressés tandis que la Commission laissait faire.
Lorsque la crise des subprimes a éclaté, les autorités européennes ont réagi rapidement mais n'avaient guère de moyens d'action : elles ont regardé la Grèce s'enfoncer dans la débâcle.
Après les années folles, la sagesse l'emporte, on entend restaurer des règles, revenir à la rigueur, donner à la Commission l'autorité dont elle a besoin. C'est le six-pack et un TSCG qui vient à son heure. Il doit être mis en oeuvre dès que possible car il fixe le cap pour assurer à la zone euro une stabilité et une croissance durables.
Nous ne pouvons abandonner la Grèce, que nous avons admise -trop tôt peut-être- dans la zone euro. Nous sommes coupables de l'avoir laissée maquiller ses comptes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Tout le monde le savait.
M. Jean Arthuis. - En outre, une sortie de l'euro entraînerait une déstabilisation progressive et fatale.
M. Roland Courteau. - C'est sûr.
M. Jean Arthuis. - Les nouvelles règles sont beaucoup plus strictes, les interventions seront immédiates en temps de crise. La zone euro a besoin d'une gouvernance spécifique.
Il faut aussi mettre en synergie les économies des États membres. L'article 13 du traité prévoit une association des parlements ; allons au-delà d'un alibi démocratique ; surveillons les ministres et chefs de gouvernement ; ne les laissons pas traiter les choses dans leur coin...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Très bien !
M. Jean Arthuis. - Il faut une commission de contrôle comportant des parlementaires.
M. Jean Bizet. - Très bien !
M. Jean Arthuis. - Nombre de directives et de règlements sont des activateurs de dépense publique et des freins à la compétitivité, donc à l'emploi ; mais au sein du marché unique, la zone euro s'efforce de réduire les dépenses publiques et de retrouver de la croissance et de la compétitivité.
Dépassons cette contradiction ! Avec la monnaie unique, nous avons pris un billet sans retour vers une intégration politique. Assumons le fédéralisme qui s'impose pour atteindre nos grands objectifs économiques et sociaux. Il y a urgence à agir. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Michelle Demessine. - Ce débat préalable est surréaliste : théâtre d'ombres, les décisions étant déjà prises, ailleurs. Le président de la République a décidé de signer le TSCG. Le 1er mars, 25 des 27 chefs d'État l'adopteront, seul point que l'histoire retiendra de ce sommet.
C'est un nouvel instrument antidémocratique pour imposer la loi des marchés financiers aux peuples. Le peuple français avait rejeté la Constitution européenne, le président de la République l'a imposée par la voie parlementaire. Aujourd'hui, les plans d'austérité vont mettre les peuples à genoux.
La possibilité pour un État membre de bénéficier du MES sera conditionnée à la signature du traité : la carotte est là pour faire accepter le bâton... On leur impose un gouvernement autoritaire, au prétexte de les protéger contre les attaques des marchés financiers. La règle d'or, on l'a dit, est une loi d'airain.
Des solidarités concrètes face aux déstabilisations des marchés financiers, voilà ce qu'il aurait fallu aux peuples européens, mais nos dirigeants n'en ont pas la volonté.
Toutes les mesures vont dans le sens de politiques d'austérité, réclamées par les marchés. Elles sont pourtant impuissantes à juguler la crise et risquent d'être fatales à nos pays. Elles font reculer la demande, creusent les déficits, les pays s'appauvrissent et sont engloutis dans la dépression tandis que les services publics sont démantelés, les droits sociaux et le droit du travail mis en pièces.
Le PIB de la Grèce a baissé de 20 % depuis le début de la crise, les salaires et les retraites seront bientôt au niveau de la Roumanie : belle solidarité.
La Commission a annoncé les perspectives de croissance : huit États membres, la Grèce et le Portugal, mais aussi l'Italie et l'Espagne, mais encore les Pays-Bas et la Belgique seront en récession ; la France et l'Allemagne connaîtront une croissance infime. MES ou FESF, la seule différence est que le nouveau mécanisme est pérenne, mais Standard & Poor's l'a déjà placé sous surveillance...
Jamais un traité n'a impliqué une telle perte de souveraineté, un tel recul démocratique. Un condominium franco-allemand organise un contrôle implacable sur les budgets nationaux, un corsetage des finances publiques. La troïka, Commission, BCE et FMI, a élu la Grèce comme laboratoire d'une politique du démantèlement des droits sociaux et économiques. Avec quels résultats, hélas...
La nouvelle règle budgétaire s'accompagne de sanctions. Le danger est de réduire le contrôle des parlements et de mettre nos politiques sous la tutelle de la Commission et, indirectement, du FMI.
Que devient l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoyant que les citoyens consentent librement l'impôt et en contrôlent l'emploi par eux-mêmes ou par leurs représentants ? Que devient l'article 39 de notre Constitution aux termes duquel les projets de lois de finance et de lois de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale ?
Ce sont des technocrates non élus qui auront la main sur notre budget. Il n'est pas souhaitable que le président de la République sortant, à quelques semaines des élections, décide seul.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Exact.
Mme Michelle Demessine. - Il faudra consulter nos concitoyens, par référendum. (Applaudissements sur les bancs CRC, Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le Conseil européen va se pencher sur la récession qui va frapper en 2012, selon la Commission. La Chine est en croissance de 8 %, l'Amérique latine de 3 %, les États-Unis de 1,5 %, malgré leur déficit et leur endettement.
C'est la logique de l'euro elle-même, juxtaposant dix-sept économies hétérogènes, réunies sous la bannière d'une BCE conçue sur le modèle de la Bundesbank, qui nous a fait perdre 30 % de compétitivité par rapport aux États-Unis depuis 1999 !
La Grèce n'est pas la seule touchée et le MES n'est pas un pare-feu suffisant. La croissance de l'Italie sera négative... M. Cohn-Bendit veut faire croire que les 500 milliards d'euros suffiront, mais nous verrons.
Mal pensée dès l'origine, la monnaie unique est un tonneau des Danaïdes, parce que l'on a voulu faire l'Europe sans les nations. Le traité de Maastricht, disait Philippe Seguin, est l'anti-1789. Nous y sommes !
Le grand saut fédéral, monsieur Arthuis, serait irréaliste : le système proposé est purement coercitif, quoique doucereux en apparence. M. Olli-Rehn a imposé à M. Berlusconi trente-cinq conditions !
C'était un peu plus encore que les vingt-et-une conditions, madame Demessine... (Sourires) Trois jours après, M. Berlusconi était remplacé par M. Monti, ancien commissaire européen.
Les États sont dépouillés de leur souveraineté budgétaire. Derrière les mots, on perçoit un bruit de chaînes... M. Sarkozy accepte la règle d'or -que devient le droit d'initiative parlementaire ?
M. le président. - Il faut conclure.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le TSCG, traité essentiellement disciplinaire, est suicidaire. Je demande que le président de la République, si friand de référendum désormais, le soumette au référendum. On évoque une vague conférence interparlementaire, qui n'aurait pas de réel droit de contrôle.
Le projet de traité doit être révisé, il faut restaurer les prérogatives des parlements nationaux, relancer l'investissement et les salaires. On ne peut transformer l'Europe du sud en un vaste mezzogiorno, comme semble le souhaiter l'Allemagne.
M. le président. - Concluez, je vous prie.
M. Jean-Pierre Chevènement. - A jouer cavalier seul, l'Allemagne y perdra. Qu'elle soit donc cette Allemagne européenne dont rêvait Thomas Mann, dans une Europe européenne, selon le mot du général de Gaulle, pour défendre les intérêts du peuple européen. C'est ce qu'aurait dû faire M. Sarkozy et que fera, je l'espère, le prochain président de la République. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, socialistes et CRC)
M. Jean Bizet. - Le traité met en place une Europe plus forte. La crise aura au moins accéléré la gouvernance intégrée de l'Union européenne. L'action volontariste du président de la République a été décisive : la voix de la France est respectée, ses initiatives suivies.
Les négociations de la semaine dernière sur le plan d'aide à la Grèce ont été un succès. Nous allons, par pragmatisme, vers un fédéralisme budgétaire européen. Les régulateurs européens légifèrent pour introduire plus de transparence. L'Union européenne s'est mobilisée sur la régulation des banques pour résoudre les futures crises : projet de taxe bancaire, amélioration des garanties, limitations des bonus et du secret bancaire. Les banques vont devoir prendre toutes leurs responsabilités.
Les États ont su assumer leur propre responsabilité en instaurant un contrôle plus strict de leurs pratiques budgétaires. Le fonds d'urgence est pérennisé. S'y ajoute la volonté de responsabiliser les États en difficulté. Le semestre européen inaugure un contrôle en amont des budgets nationaux. Il y a aussi des mesures de contrôle en aval.
Le pacte comprend trois volets : discipline budgétaire, gouvernance économique, croissance et emploi, par la coordination des politiques économiques. L'addition de plans de rigueur est un préalable au rétablissement de la confiance et de la compétitivité mais elle ne suffit pas. Avec le MES, nous arrivons à un système pérenne de stabilité ; il pourrait juguler une crise de marché. Il faut tirer les enseignements du passé et gommer les écarts de compétitivité. Le MES est complémentaire de la volonté d'évoluer vers une Union plus forte.
Pour l'heure, nous montrons un front uni. La France doit donner l'impulsion en ratifiant la première les textes qui traduisent cet accord.
L'abstention du groupe socialiste sur le traité MES est incompréhensible -comment peut-on ainsi sacrifier l'idéal européen, porté si haut par M. Jacques Delors, à des calculs purement électoraux ? Le MES n'est ni de droite ni de gauche. Un traité engage la parole des pays qui le signent.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Quand il est ratifié !
M. Jean Bizet. - On ne renégocie pas les traités quand il y a un changement de gouvernement !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Aberrant ! Le général de Gaulle ne serait jamais sorti de l'Otan, dans cette logique.
M. Jean Bizet. - Nous avançons vers plus de fédéralisme, économique et budgétaire. Ma famille politique a été plutôt souverainiste ; aujourd'hui, nous nous engageons avec pragmatisme vers le fédéralisme budgétaire.
Pour bâtir la croissance, il faut un marché intérieur dynamique. Notre commissaire européen, M. Barnier, s'y emploie. Il reste un potentiel de progression inexploité, dans de nombreux domaines.
Les fonds structurels ne peuvent-ils être mieux utilisés, pour la relance ? Aux États d'appliquer des plans de rigueur, à l'Europe de faire de la relance.
Le débat sur les euro-obligations est lancé : il s'agit de mutualiser les dettes souveraines pour financer les investissements d'avenir. Malgré les réticences allemandes, la réflexion doit progresser. Je suis persuadé que c'est un bon outil, quand la rigueur budgétaire sera devenue la règle.
L'Europe a profondément réformé sa gouvernance, réagissant à la crise, consciente des enjeux. Discipline accrue et convergence de compétitivité, l'arsenal juridique est complet. Le succès dépend de la capacité des États à réagir. Il y va du destin de la France et de l'Europe. (Applaudissements à droite)
M. André Gattolin. - Il y a quelques mois, un homme politique français, Valéry Giscard d'Estaing, s'émouvait de la polémique autour du référendum voulu par M. Papandréou. Il jugeait naturel que le dirigeant grec veuille interroger son peuple et rappelait que l'Europe doit être démocratique.
Le projet des pères fondateurs est mal en point. Ils voulaient construire un espace de paix, de démocratie, de prospérité et de partage pour relever l'Europe du terrible conflit. La deuxième génération, celle des Giscard d'Estaing et Geremek (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit), était nettement moins pragmatique. La troisième génération, celle qui est aux affaires, au lieu de réparer ces erreurs, les a aggravées.
Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy rappelait que la France, elle, n'avait pas inventé la solution finale ; aujourd'hui, retournement du président de la République : l'Allemagne est devenue son modèle. L'Europe n'est plus présentée comme incontournable, mais comme une contrainte ; elle n'est plus projet, mais outil. Si le président de la République est à la peine, c'est de la faute de l'Europe ; s'il y a un succès en Europe, c'est grâce à lui...
Pourquoi notre débat a-t-il lieu la veille d'un Conseil purement formel, et non à la veille des négociations sur le traité ? Quand autant de décisions sont prises lors des réunions informelles, il faut saisir le Parlement avant chacune d'entre elles ! Pourquoi la France est-elle le seul pays dont la politique européenne est à ce point accaparée par le chef de l'État ?
Les conditions dans lesquelles a été discuté le MES ne sont pas satisfaisantes.
L'ordre du jour du Conseil européen est d'abord de clore la première phase du semestre européen, en matière de coopération économique. Réforme potentiellement dangereuse, qui porte atteinte aux compétences du Parlement européen et des parlements nationaux, qui tourne le dos à l'Europe fédérale et aggrave les déséquilibres entre pays.
M. Olli Rehn pointe dix-sept États membres à surveiller, Crète, Espagne, Portugal, mais aussi la France, jugée insuffisamment compétitive, ou la Grande-Bretagne.
Mais l'Allemagne, elle ne se voit reprocher aucun déséquilibre en dépit d'une balance de ses comptes courants -donc de ses exportations- excédentaire, ce qui indique des salaires insuffisants et une demande intérieure faible. C'est que l'Allemagne, qui fait croisade pour l'austérité, a fait pression sur la Commission pour qu'elle ne l'épingle pas !
Nicolas Sarkozy a conclu une alliance tactique et opportuniste avec Mme Merkel. Celle-ci a besoin de lui pour ne pas apparaître trop isolée. L'Europe aujourd'hui, pour eux, ne doit être ni fédéraliste ni communautaire mais un simple directoire franco-allemand.
M. Monti s'est exprimé contre cette confiscation par deux États, qui risque de conduire à la dislocation de l'Union européenne. Le fondement du projet européen ne devrait-il pas être de défendre les libertés et les droits ? Mais certains jugent inopportuns de s'intéresser aux libertés en Hongrie. Et l'UMP invite M. Orban à Marseille...
La Grèce est dans une situation insoutenable mais jamais le président de la République, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères ni vous-même ne sont allés à Athènes discuter avec les principaux intéressés. Ce serait une preuve de considération envers le peuple grec. Allez-vous l'envisager ? (Applaudissements à gauche)
M. Alain Richard. - Le sommet qui va s'ouvrir a pour mission de faire remonter le sentiment européen et recréer l'espoir. Mais il n'a à son ordre du jour que la confirmation du TSCG...
Des obligations d'équilibre budgétaire existent depuis 1992. Le compromis interprétatif de 2004/2005 a surtout compliqué les choses, sans donner satisfaction.
La Constitution précise les conditions d'élaboration du budget. Les difficultés que nous connaissons sont les conséquences de décisions prises, non de la seule malchance ! La France en 2003 a cherché à esquiver ses obligations, nos partenaires s'en souviennent. La trajectoire des finances publiques française n'aboutit pas à l'équilibre. Le déclin de notre compétitivité ne laisse pas non plus présager un retour de la croissance.
La conséquence, c'est la position dominante de l'Allemagne qui, méfiante, exige un encadrement des finances publiques. La négociation était déséquilibrée.
Une zone monétaire unique sans banque centrale prêteur en dernier ressort, sans régulateur, sans mise en commun des dettes, c'est un exercice d'équilibrisme ! La comparaison avec le Royaume-Uni est hasardeuse : ce pays a certes plus de difficultés que nous mais lui a un prêteur en dernier ressort.
Le projet de traité ne remédie pas aux tensions sociales de plus en plus fortes, notamment en Grèce.
M. Roland Courteau. - En effet.
M. Alain Richard. - L'opinion s'en inquiète, alors que les règles imposées nourrissent le risque de récession.
Le traité confie à la Cour de justice le rôle de vérifier le respect des engagements des États. Sur quels actes concrets sera-t-elle saisie ? Par qui ? Quelle crédibilité auront les sanctions en cas de conflit d'interprétation ? Y a-t-il un début d'évolution dans le rôle de la BCE ? Une concertation est-elle envisagée pour lui permettre de se coordonner avec les gouvernements ? Où sont les mesures de croissance ? On sait ce que signifient « convergence » et « compétitivité » : recul de la solidarité et dérégulation du travail. Mais où sont les leviers d'innovation productive ?
Ce traité aura-t-il une contrepartie en faveur de la croissance ? Ces mesures restrictives ouvrent-elles au moins la perspective de mettre en commun les dettes et de lancer des emprunts européens pour financer les grands investissements et la croissance décarbonée ? Enfin, où sont la confrontation démocratique, le débat dans ce traité ?
Il faudra rouvrir la discussion avec nos partenaires, une fois les élections passées. Nous devrons renforcer le potentiel de croissance et de solidarité de l'Union européenne, pour que celle-ci reparte du bon pas, celui de l'efficacité et de la justice. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Richard Yung. - Une évidence : cette réforme de la gouvernance économique et budgétaire européenne se fait dans la confusion ; et l'empilement des textes crée de l'insécurité juridique : Six pack, Two pack, TSCG, MES... On peut redouter des conflits de compétences entre les institutions chargées de les mettre en oeuvre.
Le rétablissement de la stabilité financière passe par davantage d'Europe. Le rééquilibrage du système de surveillance budgétaire suppose de desserrer le carcan : pourquoi la même règle pour dix-sept États dont les situations sont différentes ?
La recherche de l'équilibre budgétaire ne doit pas freiner les investissements, nécessaires à la croissance.
Pourquoi la France ne soutient-elle pas le plan pour la croissance de l'Europe lancé par le Royaume-Uni et l'Italie ? Pour une fois que les Anglais proposent quelque chose d'utile à l'Europe !
Sur la solidarité financière, nous nous sommes exprimés cet après-midi.
Il faut mutualiser les dépenses d'avenir, en dotant l'Union européenne d'une capacité d'emprunt, qui passe par une réforme de la BCE et de la Banque européenne d'investissement. Les États sont endettés mais l'Union européenne ne l'est pas, comme le rappelle souvent M. Bernard-Reymond. Profitons-en.
Le renforcement du contrôle démocratique sur l'intégration budgétaire passe, enfin, par un rôle accru des parlements. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques Mézard. - Le TSCG, arrêté le 30 janvier, devrait être signé en marge du sommet à venir. Je ne reviens pas sur le processus démocratique... Pour nos concitoyens, le coeur du débat, c'est l'emploi, la compétitivité, la croissance.
Comment la juxtaposition de nations aussi développées n'aboutit-elle qu'à une cacophonie, loin des ambitions de peuples qui la composent ? Nous sommes très attachés à la construction européenne et au respect des peuples.
L'Union européenne peine à définir une politique prospective, subissant les événements au lieu de les prévoir. Le TSCG a ainsi été négocié dans l'urgence et hors cadre communautaire ; un accord aurait pu être conclu à traités constants -dixit M. Van Rompuy.
La principale innovation, c'est la règle d'or, dont le non-respect sera sanctionné par la Cour de justice. Le traité consacre aussi la majorité qualifiée inversée, sans remettre en cause des objectifs irréalistes. Les États de la zone euro risquent de s'enfermer dans une rigueur budgétaire absolue, au risque de tuer la croissance. Pour nous, il faut des investissements, qui passent par un renforcement du fédéralisme.
Il n'y a pas d'alternative au renforcement de l'intégration. Il faut, estime M. Patrick Artus, maintenir les mécanismes de financement des déficits publics, avec en particulier des achats de dette publique par la BCE. Cela suppose aussi un véritable budget européen et une stratégie d'investissement.
Nous en sommes loin. Ce traité n'est pas en adéquation avec les enjeux : il conviendrait de ne pas le signer en l'état. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur quelques bancs socialistes)
M. Yvon Collin. - Ce sommet traitera de l'approfondissement de l'intégration budgétaire de l'Union européenne. Le TSCG, voulu par l'Allemagne, est conçu comme la contrepartie au MES : rigueur budgétaire sans faille et règle d'or, au mépris des considérations économiques.
Le traité peut encore être amélioré et renégocié. Les faiblesses de jeunesse de l'euro ne sont pas irréversibles.
La presse anglo-saxonne a prédit la fin de l'aventure et un éclatement de la zone euro. Je n'y crois pas et personne ne doit le souhaiter. L'économiste Olivier Pastré juge qu'à côté d'une implosion de l'euro, la crise des subprimes et la faillite de Lehman Brothers « feraient figure de plaisant accroc conjoncturel ». Le prix Nobel d'économie Paul Krugman écrivait il y a tout juste un an que « toute tentative de remettre en place des devises nationales enclencherait la mère de toutes les crises financières ».
La seule solution est d'aller de l'avant dans l'intégration budgétaire et politique. Relisez nos rapports de 2007 et 2009 appelant à une réelle coordination des politiques en Europe. L'Union européenne doit se doter d'un vrai budget, de ressources propres. Certes, il est plus facile politiquement de prôner un budget européen minimum et à faire de « Bruxelles » le responsable de tous les maux. Mais la sortie de crise passe par plus d'intégration et plus de démocratie. Expliquons l'Europe aux peuples car elle ne se fera pas sans eux. Comme le dit Jean-Pierre Jouyet, « il y a un moment où il faut donner aux gens l'envie d'aimer l'Europe ». (Applaudissements sur les bancs du RDSE et socialistes)
M. Jean Leonetti, ministre. - Nous avons 26 partenaires, 16 dans la zone euro. Il y a des compromis et donc des traités : aucun n'est parfait mais aucune régulation des marchés financiers ne peut résulter des seules décisions de la France.
Notre tradition jacobine n'est pas celle, décentralisée, de l'Allemagne. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on se méfiait de l'Allemagne, de ses visées hégémoniques toujours possibles. Or celle-ci est soumise à des contrepouvoirs permanents et l'exécutif français est plus fort que l'allemand. Ceux qui dénonçaient un « coup d'État permanent » se sont fort bien accoutumés des institutions de la Ve République.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Pas tous !
M. Jean Leonetti, ministre. - Notre exécutif fort a ses avantages.
« Voilà ce qu'il faut faire », énoncent les orateurs. Encore faut-il discuter avec nos partenaires, discussions parfois bloquées par un seul, pour des motifs qui peuvent apparaître mineurs.
Antagonisme entre croissance et TSCG ? La rigueur n'empêche pas la relance : en France, nous avons orienté nos dépenses d'avenir sur l'innovation, tout en visant une réduction des déficits.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Il faut emprunter pour investir !
M. Jean Leonetti, ministre. - En France, un préfet peut mettre une commune sous tutelle en cas de dérapage budgétaire, cela ne choque personne.
M. Michel Le Scouarnec. - C'est très rare.
M. Jean Leonetti, ministre. - Parce que la sanction existe et qu'elle est dissuasive.
La Cour de Luxembourg ne peut rien faire d'autre que vérifier la bonne transposition.
On reproche à M. Fillon d'avoir creusé les déficits pour faire de la relance. Mais la gauche veut faire encore plus de déficit !
« Générer l'espoir » ? Nous le voulons tous ! L'espoir est fait de lucidité, de rigueur, de perspectives. Le médecin que je suis sait qu'il vaut mieux être névrosé que psychotique. (Sourires) Je préfère être angoissé dans la réalité que rêver et me réveiller en plein cauchemar. (Exclamations sur les bancs CRC) La réalité budgétaire est ce qu'elle est.
Pour vous, le coupable, c'est l'euro, c'est l'Europe. Et comme il était simple, le monde, quand existait le bloc communiste, sans concurrence. Heureusement, ces pays sont devenus démocratiques et se sont ouverts à la compétitivité.
Mme Cécile Cukierman. - Du passé faisons table rase ! Construisons un avenir commun !
M. Jean Leonetti, ministre. - La capacité d'endettement à taux très bas grâce à l'euro -autour de 4 %- a autorisé des excès, devenus manifestes lors de la crise.
Le chômage des jeunes atteint 46 % en Espagne, 23 % en Europe ; le financement de formations et d'apprentissages est indispensable. Il est aisé de jouer à Cassandre, on est sûr de finir par avoir raison -un jour. Comme celui qui prédit que l'on mourra : oui, mais quand ?
L'énergie. De fait, c'est bien un problème d'indépendance et de sécurité. Avec le mix, chaque pays est libre de choisir ses énergies. Avec 11 % des émissions de CO2, l'Europe se comporte bien ; reste à convaincre les autres.
M. Arthuis a répété avec conviction son credo habituel. Il a montré les erreurs et les crises de l'Europe, qui ont été surmontées. Je suis pour un contrôle de la monnaie unique, au niveau de la zone euro, par les chefs de gouvernement et les parlements.
Du Conseil européen, on retiendra, madame Demessine, que la crise a été surmontée parce qu'on va de l'avant. Il n'y a pas de billet retour.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est pourquoi il faut interroger les peuples d'abord !
M. Jean Leonetti, ministre. - La Grèce n'est pas un laboratoire mais l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire : elle a trois fois plus de fonctionnaires que les pays de taille comparable, cela coûte cher.
M. Alain Néri. - Faites payer les armateurs !
M. Jean Leonetti, ministre. - Pourquoi s'insinuerait-on dans les systèmes fiscaux nationaux...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Vous ne faites que cela !
Mme Michelle Demessine. - Toujours du côté des riches !
M. Jean Leonetti, ministre. - L'Europe n'a pas à imposer un type de fiscalité à un pays. Nous le refuserions.
M. Alain Néri. - Les armateurs grecs ont 800 milliards dans les banques suisses ! Et, de l'autre côté de la société, on impose aux Grecs de vivre avec 480 euros par mois !
M. Jean Leonetti, ministre. Vouloir faire entrer dans la zone euro tel ou tel pays a sans doute été une erreur, monsieur Chevènement, mais ne parlez pas de bruit des chaînes, l'Europe n'asservit pas, elle a été source de progrès. S'il y a des chaînes, ce sont celles des dettes. Les euro-bonds, tout le monde est pour en principe, encore faut-il en accepter la discipline. La droite n'aime pas trop que je cite Rousseau mais je n'hésite pas à le faire : « l'obéissance à la loi qu'on s'est fixée est liberté ».
M. Bizet a bien vu la globalité du projet, autour du MES. C'est une construction européenne et quand les États seront soumis à la discipline budgétaire, l'Union européenne devra dépenser mieux, pour la recherche, l'innovation.
M. Alain Néri. - Dix ans que vous êtes aux affaires !
M. Jean Leonetti, ministre. - Monsieur Gattolin, vous avez cité M. Valéry Giscard d'Estaing. Il se souvient du référendum de 2005 ! Si la règle d'or doit être adoptée dans notre pays, je ne vois pas comment elle pourrait l'être par référendum. (Protestations sur les bancs CRC ; Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste également) La Hongrie doit se soumette aux demandes de l'Union européenne, elle a répondu positivement aux trois demandes qui lui étaient faites.
M. Richard évoque la BCE. Si les États-Unis ne se trouvent pas dans la même situation, c'est qu'il y a là-bas moins de disparités entre les États... et une banque centrale, comme en Grande-Bretagne. Mais la BCE intervient, dans sa liberté et son indépendance, elle vient au secours des États.
M. Jean Bizet. - 500 milliards d'euros !
M. Jean Leonetti, ministre. - Nombre de mesures visent les grands projets, facteurs de croissance à l'échelle européenne.
Confusion, a dit M. Yung. Il a peut-être participé à celle qu'il dénonce. Une harmonisation sociale et fiscale est nécessaire, je pense à l'âge de la retraite. La convergence apporterait plus de clarté. Pourquoi refuser le plan de croissance du Royaume-Uni ? Parce qu'il propose un marché totalement libre, alors que nous sommes attachés à la réciprocité, à la protection sociale, etc.
Renégocier le traité ? Cela ne s'est jamais vu, après ratification.
Au Conseil des affaires générales, ce matin, un membre a posé la question de la renégociation : ce fut la consternation, non les sourires.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Rira bien qui rira le dernier !
M. Jean Arthuis. - Il ya eu le précédent d'Amsterdam...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Exactement.
M. Jean Leonetti, ministre. - Un important membre du SPD, qui rêve de succéder à Mme Merkel, juge la vision de M. Hollande et du parti socialiste français « naïve »... (Exclamations à gauche)
M. Alain Néri. - Mieux vaut être naïf que pervers !
M. Jean Leonetti, ministre. - L'étape actuelle est imparfaite, j'aurais souhaité plus d'intégration, un MES plus fort encore, à 750 milliards d'euros et au-delà. Malgré les polémiques, l'Europe avance dans l'intégration : et aucun gouvernement ne la remettra en cause. (Applaudissements à droite et au centre)
M. le président. - Nous allons passer au débat interactif et spontané.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le ministre semble considérer que l'harmonisation fiscale n'est pas un objectif européen... Aucune conditionnalité n'a été imposée à l'Irlande, dont Nicolas Sarkozy dénonçait il y a peu le dumping fiscal. Mais quand il s'agit des salaires et des avantages sociaux, que d'obligations !
Que prévoient le traité et le Conseil en matière fiscale ? Ne vous en déplaise, un traité qui n'est pas ratifié doit être renégocié. A l'heure où vous vous apprêtez à engager la parole de la France, vous avez la responsabilité de dire à nos partenaires qu'une partie de l'opposition refuse le TSCG. Vous devriez vous abstenir de le signer ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean Leonetti, ministre. - Drôle de conception du pouvoir, fort au lendemain d'une élection, puis se délitant au fil du temps... au point qu'il faudrait cesser d'agir avant les élections, même en pleine crise, car l'opposition pourrait venir au pouvoir. Ce n'est pas notre conception de la responsabilité politique et de la démocratie. Nous répondons avec courage aux événements. Vous n'avez pas eu le courage de voter le MES.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Moi, j'ai voté contre !
M. Jean Leonetti, ministre. - Si demain, notre pays choisit de mettre l'Europe en danger, il servira bien les intérêts des spéculateurs. On peut toujours proposer le chaos... (Protestations à gauche)
M. Alain Néri. - Celle-là, on nous l'a faite maintes fois depuis 1958.
M. Jean Leonetti, ministre. - L'Union européenne incite les États membres à renoncer au dumping fiscal et social, mais elle ne peut imposer la baisse du niveau des retraites ici, des salaires là ; elle donne des règles communes à 27 États qui ont tous leur personnalité. Si l'Église orthodoxe grecque n'est pas imposée, c'est de la responsabilité du gouvernement grec.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Un groupe de douze pays, mené par le Royaume-Uni, a adressé au président de la Commission une lettre en faveur d'un plan de relance de la croissance européenne. Ces propositions très libérales ne sont pas signées par la France ni l'Allemagne. Certes, le plan, fondé sur la dérégulation, est une réponse au plan de l'Allemagne. Plan de l'Angleterre, monsieur le ministre ? C'est un peu réducteur ! Faut-il le balayer d'un revers de main ?
M. Jean Leonetti, ministre. - La proposition est d'inspiration extrêmement libérale. Certains points sont très positifs : accès aux marchés publics par les petites entreprises, ouverture des marchés qui ne concernent pas des services culturels ou de proximité.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Mais bien sûr !
M. Jean Leonetti, ministre. - Cependant, nous sommes attachés aux règles des marchés publics et hostiles à la déréglementation de tous les marchés. Raison pour laquelle la France n'a pas signé cette lettre. Nous entendons conserver les services publics et sommes attentifs concernant la directive Marchés publics.
Réorienter les budgets sur le numérique, la recherche, l'économie verte et la formation est excellent mais le plan des douze pays contient des éléments que la France ne peut accepter.
M. Jean-Yves Leconte. - Quid du statut de candidat pour la Serbie ? L'Union européenne représente pour un tel pays une perspective de paix et de progrès. Quelle sera la position de la France ?
Sur l'espace Schengen, la position de la France va-t-elle vers une suppression des visas pour les ressortissants de la fédération de Russie ? Qu'en est-il des Turcs ? Nous pouvons travailler ensemble sur les droits de l'homme et ce serait un geste bienvenu que de supprimer leurs visas vers la zone Schengen. Les déclarations de M. Guéant à Ankara étaient claires.
M. Jean Leonetti, ministre. - La Turquie n'a pas vocation à entrer dans l'Union européenne.
M. Jean-Yves Leconte. - Ce n'était pas le sens des propos de M. Guéant à Ankara.
M. Jean Leonetti, ministre. - Il n'y a pas de suppression des visas envisagée avec la Turquie ; avec la Russie, des discussions sont en cours.
La France estime que la Serbie a fait beaucoup d'efforts, livrant ses criminels de guerre au tribunal pénal international, normalisant ses relations avec la Croatie, renouant le dialogue avec le Kosovo. Les demandes de l'Europe ont été satisfaites. La guerre est récente en Serbie et j'ai pu constater de mes yeux le souhait d'adhérer des uns, mais aussi le refus agressif d'autres Serbes ; ne renvoyons pas le pays à ses démons nationalistes. Tous les États des Balkans ont vocation à entrer dans l'Union européenne. La France appuie la demande de la Serbie pour obtenir le statut de candidate.
Certes, un pays s'oppose encore : la Roumanie considère que le traitement de la minorité roumaine du Banat est discriminatoire ; cependant, le Conseil des affaires générales a envoyé un message positif à la Serbie et j'espère que nous aboutirons lors du Conseil européen.