Mécanisme de stabilité (Procédure accélérée - Suite)
Mécanisme européen de stabilité (Procédure accélérée - Suite)
Discussion générale commune (Suite)
M. Jean-Yves Leconte. - Après trois ans de crise, il était temps de pérenniser un mécanisme de soutien dissuadant la spéculation. Mais le MES est imparfait... Il impose une conditionnalité discutable. Pas de solidarité sans responsabilité, soit. Mais ici, l'aide est conditionnée à la ratification du TSCG, dont on sait qu'en l'état, il fait fi de l'emploi et de la croissance. Quant aux conditions faites à la Grèce, elles sont insupportables.
Voter le MES, c'est accepter la constitutionnalisation de la règle d'or et la tutelle sur les États en difficulté. Il aurait pu être une avancée décisive mais n'est, in fine, qu'un leurre. L'intérêt national primera sur l'intérêt général, malgré la règle de la majorité à 85 %, étant donné les minorités de blocage. Sous prétexte de solidarité, on entend imposer les principes de gestion de l'Allemagne -qui n'arrive pourtant pas à faire accepter par ses propres Länder les règles qu'elle veut imposer au reste de l'Europe.
Il aurait fallu un autre système de gouvernance. L'absence de pilotage de la zone euro, le dogme de l'austérité, l'absence de la BCE feront échec à la solidarité. Pour être dissuasifs, il faudrait lever non pas 500 milliards mais 1 000 milliards d'euros. On recherche donc des partenariats avec la Chine et le FMI. Est-ce cohérent avec les principes de l'Union européenne ?
Le MES n'est pas une panacée mais un compromis acceptable, alors que le tsunami menace. Mais le lier à la ratification du TSCG est inacceptable. Nous nous engageons à renégocier le traité dès mai et à évaluer les effets pervers de certaines politiques de cohésion, qui poussent à l'endettement pour financer des projets. L'idée européenne ne se limite pas à des considérations financières. Ses valeurs sont la paix et la démocratie. Les renier serait dangereux pour l'Union européenne, et pour la démocratie.
Comment accepter de consacrer 99 % de son temps aux questions budgétaires quand la liberté de la presse est menacée en Hongrie ? Quand 25 à 50 % de la jeunesse est sans emploi ? Europe, as-tu perdu tes valeurs ? Il faut aller vers un nécessaire fédéralisme. Les droites actuelles se sont arcboutées sur les frontières. Que peut-on attendre des dirigeants actuels ? La solution ne passe pas uniquement par le couple franco-allemand : elle doit être partagée par tous. L'Europe de papa est morte. Il faut se mobiliser pour la croissance et l'emploi. Ne dispersons pas nos forces pour ne pas livrer l'Europe aux puissances de l'argent !
Monsieur le ministre, quels outils se donne la zone euro pour le retour à la croissance, pour mettre la BCE au service des Européens et pour assurer un contrôle démocratique sur les décisions ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Quand on parle du MES, il faut parler aussi du TSCG. L'un va avec l'autre, ainsi qu'il résulte des considérants des deux traités, qui conditionnent le déclenchement du MES à la ratification du TSCG.
M. Jean Bizet. - Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Il est clair que l'Etat qui n'acceptera pas les clauses extrêmement rudes du TSCG ne bénéficiera pas du MES. L'Allemagne, qui use de son droit de veto, fait du TSCG un préalable au MES. Elle est le seul grand pays à bénéficier encore d'un AAA. Certains appellent à une fédération. Mais il faudrait au moins être deux !
L'Allemagne aujourd'hui veut imposer la réforme du « frein à l'endettement » -Schuldenbremse-, qu'elle a adoptée pour elle-même en 2010 : c'est la règle d'or, en fait règle d'airain. M. Sarkozy l'a reprise à des fins clairement électorales.
Mais le TSCG va bien au-delà : dans son article 4 figure une clause de désendettement à vingt ans visant à réduire à 60 % du PIB le stock de la dette, qui nous mène au mur ! C'est, plus qu'un traité de rigueur, un véritable cilice, un traité de mortification, un piège dont le MES n'est que l'appât.
Le MES ne restaurera pas la compétitivité des pays européens : ce qui plombe l'euro, ce sont des écarts de compétitivité croissants. L'adossement promis à la BCR pour demain ? C'est un voeu pieux. L'Allemagne ne l'entend pas de cette oreille. Quant aux fonds et à la garantie des États, aucun contrôle parlementaire n'est prévu, alors que la Cour de Karlsruhe, on le sait, exerce un contrôle vétilleux. Que n'étend-on donc pas cette obligation de contrôle à la France : ce serait un bon exemple de l'amitié franco-allemande !
La révision simplifiée est un pur et simple détournement de procédure. (Mme Eliane Assassi approuve) Ne nous payons pas de mots : elle n'est pas possible juridiquement. Le transfert, en toute illégalité, à des autorités européennes et internationales qui ne sont soumises à aucun contrôle démocratique de pouvoirs qui relèvent de la souveraineté populaire s'apparente à un véritable coup d'État.
On le vérifiera devant le Conseil constitutionnel, qui vient de montrer, sur l'Arménie, sa vigilance. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur plusieurs bancs à gauche)
L'Europe croit se sauver en violant sa propre légalité. En réalité, elle persévère dans l'erreur ; iI serait plus sage de reprendre un peu de distance pour ne pas s'obstiner à remplir le tonneau des Danaïdes. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur plusieurs bancs à gauche)
M. Jean Bizet. - Les turbulences sans précédent que traverse l'Europe l'ont conduite à créer, en 2010, le fonds de stabilité financière. Ce dispositif, créé dans des circonstances exceptionnelles et avec un statut de société privée, a été établi pour une durée limitée de trois ans. Pourtant, le problème de l'endettement de la zone euro réclamera des années d'efforts pour tous les États membres.
II faut donc s'inscrire dans la durée et aller au-delà du FESF, franchir un saut qualitatif en instaurant un mécanisme permanent. Pourquoi Maastricht ne l'avait-il pas prévu ? C'est que l'on craignait alors une Europe à plusieurs vitesses et un transfert indu de souveraineté. Aujourd'hui, les esprits ont évolué : personne n'est troublé par la notion de souveraineté partagée.
Les avancées, nous les devons à l'indéfectible volonté française : l'Allemagne était, il y a encore deux ans, totalement fermée à l'idée d'une gouvernance économique.
Ne pas se doter d'une monnaie unique sans parallèlement mettre en place une coordination des politiques économiques fut une grossière erreur : le MES nous offre le mécanisme d'intervention rapide qui manquait. Et ce sont bien, même si le FMI et la BCE ont leur rôle à jouer, les ministres des finances qui prendront la décision : elle sera politique.
On critique le choix de l'intergouvernemental ? Mais l'urgence l'imposait. Reste que la ratification du traité ne saurait être considérée comme un abandon de souveraineté : rien n'est fait sans le consentement des États.
Nous ne pouvons continuer à mener des politiques fiscales isolées quand nous avons une monnaie commune. C'est le sens de l'accord intergouvernemental qui doit être prochainement ratifié. Pour que ce mécanisme conserve tout son sens, il est indispensable que les États membres s'engagent à l'assainissement de leurs finances, condition indispensable pour renouer avec la croissance. Cet accord, à l'heure où une certaine finance veut parier sur la discorde, est une bonne nouvelle. C'est un engagement capital pour l'Europe à l'égard du monde, qui nous juge sur notre crédibilité.
Ces deux traités symbolisent aussi le renforcement du lien franco-allemand. Rien n'est possible sans cette amitié fondatrice. On sait d'expérience qu'elle prépare toujours des accords plus larges.
La croissance ? Il est vrai que la zone euro est touchée par la récession. Mais n'oublions pas que la France garde une croissance de 0,4 % en 2012. C'est en luttant contre le poids de la dette que l'on renouera avec la croissance, et en approfondissant le marché européen.
M. Jean-Claude Lenoir. - Très bien.
M. Jean Bizet. - Je regrette qu'un tel sujet ne permette pas de dépasser les clivages partisans. Dans Le Monde du 25 février, M. Cohn-Bendit a qualifié de « bourde historique » le vote de la gauche à l'Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Attendez le vote du Sénat !
M. Jean-Pierre Caffet. - Soixante-huitard !
M. Jean Bizet. - Le monde a changé : vous, vous ne changez pas.
M. Christian Bourquin. - Vous nous provoquez !
M. Jean Bizet. - Nous devons adresser aux marchés un signal fort, et indiquer clairement nos choix : un modèle économique basé sur l'économie de marché et un modèle social qui ne pourra plus jamais être financé à crédit, comme cela fut trop longtemps le cas.
M. Alain Néri. - Tout a commencé sous Giscard !
M. Jean Bizet. - Voyez les sociaux-démocrates allemands : ils ont fait ce choix à Bad Godesberg... en 1959 !
Je voterai avec conviction et détermination en faveur de ces deux traités. (Applaudissements à droite)
M. Aymeri de Montesquiou. - Le MES donne à l'Union européenne la stabilité économique qui lui faisait défaut : structure pérenne, elle remplace le FESF, conçu comme temporaire. Organisation internationale, fonctionnant à la majorité de ses membres, il répond à l'évolution des traités.
La stabilité y est consacrée, pour donner confiance aux investisseurs. Il sera un système d'assurance. Le rôle du couple franco-allemand dans la stabilisation de la crise grecque a été moteur. Le MES pose aujourd'hui la question de l'étendue de la solidarité : notion mal comprise par nos voisins britanniques, comme le souligne un éditorialiste du Financial Times.
Jacques Delors, Valéry Giscard d'Estaing, ces éminents européens, ont enfin été entendus. Nous sommes peut-être entrés sur la voie du fédéralisme.
Quel calendrier, monsieur le ministre, à la ratification ? Quel lien entre les deux traités ? Je crains qu'une conditionnalité étroite n'affaiblisse l'efficience du MES.
L'Europe doit favoriser la croissance et l'emploi : la lettre de M. Cameron, signée par onze chefs d'État et de Gouvernement, ouvre peut-être des pistes. C'est en rassemblant et en se coordonnant que l'Europe avancera. C'est pourquoi je comprends mal la position socialiste, bien peu mitterrandienne. Faut-il citer M. Cohn-Bendit ?
M. Jean Bizet. - Eh oui.
M. François Marc. - Soixante-huitard !
M. Aymeri de Montesquiou. - ...européen incontesté, qui stigmatise « l'hypocrisie dans la gauche française, Verts compris » ? Selon lui, « si demain, la gauche parvient au pouvoir, elle sera très contente d'avoir un MES à sa disposition pour organiser la solidarité financière ».
M. Louis Nègre. - Merci !
M. Aymeri de Montesquiou. - N'insultons pas l'avenir.
La Grèce ? Je pourrais citer Thucydide, qui déplorait déjà que les cités grecques jouassent indépendamment les unes des autres, c'est-à-dire les unes contre les autres. La Grèce d'aujourd'hui, ses ministres eux-mêmes le reconnaissent, était gangrénée par la fraude. Mais il ne faut pas se priver de dénoncer le rôle scandaleux de Goldman Sachs, qui a incité à spéculer sur la dette grecque tout en conseillant le gouvernement grec... Rapporteur d'une mission d'information sur les agences de notation, je suis persuadé que nous obtiendrons des informations très intéressantes.
L'OCDE salue les réformes entreprises en France depuis cinq ans Cependant, en cette période électorale, I'économiste Klaus Zimmermann dresse un constat alarmant sur le programme économique de la gauche, qui nous ferait revenir au moins dix ans en arrière.
Soyons tous responsables, soyons tous Européens, retrouvons l'enthousiasme des pères fondateurs. Comme eux, plaçons les intérêts de l'Europe, de la France au-dessus des intérêts partisans en votant ce mécanisme. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Très bien !
M. Jean Leonetti, ministre. - Le vote est acquis : la droite votera ces textes, une partie de la gauche s'abstiendra et l'autre partie votera contre.
De quoi s'agit-il ? De défendre des États fragiles, donc leurs peuples, dans un contexte de spéculation déstabilisatrice. Je constate, me tournant vers le centre et la droite, que j'y trouve aujourd'hui moins de voix souverainiste pour m'interpeller. C'est qu'elles sont aujourd'hui résolument européennes. Il y a donc consensus : on ne laissera pas des États en détresse, même si leur responsabilité n'est pas pour rien dans leurs difficultés.
On connaît la position des communistes -car il en reste-, la voix forte de M. Chevènement. Quant aux socialistes, ils ont choisi... de ne pas choisir. C'est donc à eux que je m'adresserai. Le MES n'est pas une décision prise à la va vite, dans un souci électoraliste. Je regrette que nous n'ayons pas eu à coeur, alors que l'on connaît les positions qui sont les vôtres (exclamations à gauche), d'exprimer un consensus. La construction européenne, nous la devons à des hommes et des femmes qui ont su prendre leurs responsabilités. Ne pas choisir, c'est peut-être une habilité tactique mais, politiquement et moralement, c'est une faute. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marc Todeschini. - Pas de leçons ! Pas de morale !
La discussion générale est close.
Mécanisme de stabilité (Exception d'irrecevabilité)
M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro.
Mme Éliane Assassi. - Mme Pécresse, devant l'Assemblée nationale, s'exclamait : nous ne laisserons pas tomber les Grecs. Seul argument pour inviter à voter le MES. Mais en Grèce, le chômage touche 25 % des actifs, 40 % des jeunes ; les services publics sont bradés, la pauvreté, la malnutrition sont devenus réalité : 3 millions d'habitants sont pauvres. La presse a cité le cas d'une jeune femme qui a du renoncer, faute d'argent, à accoucher à l'hôpital !
Qui est responsable de cette barbarie, qui ne touche pas seulement la Grèce mais aussi l'Allemagne, n'en déplaise à M. Sarkozy ?
C'est la voie laissée ouverte aux spéculateurs par la dérégulation qui a fait de la finance la vertu cardinale de l'Europe. L'oligarchie financière tombe les masques : elle place ses hommes aux commandes des États. Les conseillers des fossoyeurs, comme Goldman Sachs, sont désormais aux commandes. L'entreprise, on le sait, encourageait la spéculation. Aujourd'hui, le président de la BCE, le président italien, le Premier ministre grec sont tous d'anciens de Goldman Sachs. Ce sont les pyromanes qui crient au feu !
Près de 350 milliards ont déjà été investis en Grèce, et le pays ne s'en sort pas. Le peuple grec serait-il inférieur ? Non, c'est que ces fonds vont aux circuits spéculatifs. La chancelière allemande l'a dit : ceux qui bénéficient de l'aide européenne devront renoncer à une part de leur souveraineté. On ne peut être plus clair.
La France sera la première à ratifier ce traité. Pourquoi cette précipitation ? Espère-t-on bénéficier bientôt du MES ? Mais chacun sait que c'est la croissance qui sauvera la zone euro.
Ces traités sont manifestement contraires à notre Constitution. Souvenons-nous de nos débats de naguère, quand on voulut nous imposer la proposition de loi constitutionnelle instaurant la règle d'or, cette camisole financière, sans succès, au grand dam de M. Sarkozy. A l'époque, M. Hyest lui-même soulignait que cet abandon de souveraineté présenterait de graves inconvénients pour le contrôle démocratique du Parlement. Pourquoi d'ailleurs les parlementaires socialistes, qui avaient voté contre alors, accepteraient-ils un abandon de souveraineté décidé par les autorités de Bruxelles ?
L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 fonde la souveraineté populaire sur les choix de finances publiques. On brocarde aujourd'hui, sur certains bancs, une disposition jugée désuète. Le Conseil constitutionnel ne manque pourtant pas de s'y référer. Le traité MES, en ses articles 5 et 13, bafoue notre Constitution et met en cause notre souveraineté budgétaire.
La procédure simplifiée ? Mais l'article 48 exige que les compétences de l'Union européenne ne doivent pas, s'il y est fait recours, être modifiées. C'est pourquoi l'on s'emploie à nous le démontrer : la décision sera politique, nous assure-t-on. Il n'en est rien. (Marques d'impatience à droite)
Autre motif d'irrecevabilité : l'article 54 de la Constitution permet de saisir le Conseil constitutionnel en amont de la ratification d'un accord international. Pourquoi MM. Sarkozy et Fillon ne l'ont-ils pas fait, comme auparavant ? Omission volontaire qui relève du mépris ! Et pourquoi ne pas nous saisir nous-mêmes de la possibilité offerte à 60 parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel ? Je vous laisse méditer.
L'argent du MES sera entre les mains des dirigeants d'une société financière. En somme, les citoyens n'auront sur lui plus aucune prise.
L'Europe vers laquelle on nous entraîne, c'est une Europe du mépris des peuples et de l'asservissement. Avec le Front de gauche, les sénateurs communistes lutteront pied à pied contre ce coup de force et réclameront sans relâche un référendum. Pour l'heure, nous demandons un scrutin public sur cette motion. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - La commission des finances s'est prononcée contre cette motion, mais je veux répondre sur le fond.
La Commission européenne a donné un avis sur la procédure. Elle estime que les conditions de recours à la procédure simplifiée sont remplies car les textes n'affectent pas les compétences attribuées à l'Union européenne par les traités.
Le Conseil constitutionnel, quant à lui, ne se prononce pas sur l'élaboration des traités européens. (Mme Éliane Assassi le conteste)
M. Jean Leonetti, ministre. - Le Gouvernement est défavorable. L'oratrice a utilisé son temps de parole sans démontrer d'inconstitutionnalité. Le MES n'est en aucun cas un mécanisme privé : il est entièrement piloté par les ministres des finances de la zone. Il n'y a aucun transfert de souveraineté à un organisme privé.
Cette motion m'est simplement l'occasion de constater qu'à gauche, il y a deux visions de l'Europe, radicalement opposées : c'est une question que vous pourriez vous poser entre le premier et le deuxième tour... (Exclamations à gauche)
A la demande des groupes UMP, UCR et CRC, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 191 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 96 |
Pour l'adoption | 24 |
Contre | 167 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mécanisme de stabilité (Discussion de l'article unique)
M. le président. - Nous allons procéder au vote de l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro.
M. Pierre-Yves Collombat. - L'Europe, rappelez-vous, devait réunir les peuples. Elle les dresse les uns contre les autres. L'Europe devrait exorciser les fantômes. Jamais l'extrême droite n'a été aussi puissante. L'Europe devait se libérer du capitalisme anglo-saxon. Elle est aujourd'hui soumise au FMI, soumise à un purgatoire éternel, tandis que la Grèce, descendue en enfer, est livrée aux usuriers.
Qui nous fera croire que l'on fera respirer la zone euro en la plaçant sous un poumon d'acier, quand on sait que l'Allemagne réalise ses excédents commerciaux sur le dos de ses partenaires ? L'Europe devait garantir la croissance, nous entrons en récession. Belle solidarité qui étrangle ses bénéficiaires. Qui peut croire que le MES, édifice qui ne tient que par la tapisserie, sortira l'Europe de la crise ? La BCE était la seule réponse. Pas plus qu'un bricolage financier ne tient lieu de banque centrale, le copinage des conservateurs français et allemands ne peut tenir lieu de gouvernance. Si le MES représente pour vous un progrès, c'est dans une voie sans issue ! (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Jean-Pierre Chevènement et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent aussi)
Mme Catherine Morin-Desailly. - L'Europe est notre bien commun. La stabilité financière est une garantie contre les démagogues et les spéculateurs. J'ai déjà appelé à la création d'un Trésor européen, à un vrai fédéralisme budgétaire. La France, le monde ont besoin de l'Europe, au même titre que la Grèce ou le Portugal. L'Europe n'est pas seulement un idéal, elle est aussi une nécessité. Le MES n'est pas le TSCG. Il n'est pas acceptable d'invoquer le second pour se dédouaner du premier.
Je suis consternée de voir les socialistes s'abstenir sur un tel texte. Je suis atterrée de voir que les communistes vont jusqu'à parler de manipulation. La dépense budgétaire n'a jamais suffi à relancer la croissance. Le monde change vite. Le MES est une étape nécessaire pour l'Europe.
Mme Éliane Assassi. - Demandez donc son avis au peuple !
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le groupe UCR votera avec conviction ce projet de loi instituant le MES. (Applaudissements à droite et au centre)
A la demande du groupe UMP, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 195 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 98 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté.
Mécanisme européen de stabilité (Exception d'irrecevabilité)
M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
Mme Éliane Assassi. - Nous persistons à dire que le MES est contraire aux valeurs constitutionnelles. La souveraineté budgétaire, actée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est un pilier de la souveraineté populaire. Si les révolutionnaires ont alors gravé ce principe dans le marbre, c'est parce que le contrôle du budget du pays par le peuple mettait fin à la domination de quelques-uns, marque de l'Ancien régime.
Ceux qui défendent ce MES sont au mieux dans le déni, au pire dans la manipulation. En repoussant cette motion, vous livrez l'Europe aux intérêts privés. Cette question mérite que le peuple soit consulté par référendum. Nous demandons un scrutin public.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Vous invoquez l'atteinte à la souveraineté budgétaire. La création du FESF n'a soulevé aucune exception d'inconstitutionnalité. C'est une pratique courante que la participation au capital soit appelable par cette procédure.
Le Parlement devra approuver préalablement chacun des instruments du MES, dont la gouvernance est politique : ce sont les ministres de finances qui décident. La France, comme l'Allemagne et l'Italie, dispose d'un droit de veto pour l'entrée en vigueur du MES et la décision d'appeler du capital. Même avec la majorité à 85 %, la France conserve son droit de veto. Voilà pourquoi je ne pense pas que la souveraineté budgétaire soit mise en cause par ce texte.
C'est la première fois que la question de la solidarité financière est posée. Je remercie le groupe CRC de le faire ; c'est pourquoi j'ai tenu à lui répondre point par point.
M. Jean Leonetti, ministre. - Une fois de plus, Mme la rapporteure générale a fait un plaidoyer étincelant pour le MES. On se demande pourquoi elle ne le vote pas !
Qu'est-ce que la souveraineté ?
Mme Éliane Assassi. - Bonne question !
M. Jean Leonetti, ministre. - Il y en a assez d'entendre que l'Union européenne attenterait à la souveraineté grecque ! Sans l'Europe, la Grèce ne pourrait payer ses fonctionnaires. Sans l'Europe, l'État serait en faillite, comme naguère l'Argentine.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ils se portent très bien, les Argentins !
M. Jean Leonetti, ministre. - C'est le peuple qui en souffre. Il est curieux de dire que la souveraineté du peuple grec est altérée quand vous ne proposez pas autre chose que de soumettre les Grecs au joug des spéculateurs.
Mme Éliane Assassi. - Pourquoi craignez-vous tellement le peuple de France ?
M. Jean Leonetti, ministre. - Car c'est bien ce qui arriverait sans les milliards qu'a déjà débloquée la solidarité européenne.
M. Pierre-Yves Collombat. - Des milliards rendus nécessaire par la spéculation, et qui sont venus l'alimenter.
M. Jean Leonetti, ministre. - Oui, le peuple grec souffre. Mais c'est aussi parce que ses dirigeants ont été irresponsables. Aujourd'hui, l'Europe vient à son secours et le MES empêche qu'une telle situation se reproduise. (On le conteste sur les bancs du CRC) La souveraineté, c'est pouvoir payer ses fonctionnaires à la fin du mois.
M. Jean Bizet. - Très bien !
A la demande des groupes UMP, UCR et CRC, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 191 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 96 |
Pour l'adoption | 24 |
Contre | 167 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mécanisme européen de stabilité (Discussion de l'article unique)
M. le président. - Nous allons procéder au vote de l'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
M. Éric Bocquet. - La conditionnalité de l'intervention du MES fait problème : le principe d'immanence de l'État l'interdit.
La Grèce peut-elle faire défaut et disparaître du paysage politique de l'Europe, au motif qu'elle ne disposerait pas des moyens de payer ses dettes ? Il est évident que non.
La Banque centrale européenne, dans sa grande sagesse si l'on peut dire, est prête, depuis plusieurs années et encore ces prochains jours, à engager plusieurs centaines de milliards d'euros à destination des établissements de crédit en vue d'éviter ce que l'on appelle un « credit crunch », c'est-à-dire le blocage systémique du secteur bancaire.
Ce sont 489 milliards d'euros que la BCE a d'ores et déjà avancés aux établissements de crédit et c'est une enveloppe de 300 à 600 milliards qui va être prêtée demain aux établissements de crédit au taux de 1 %. Moyennant le respect des règles prudentielles de Bâle, on engage plus pour les banques que dans le cadre du MES !
On est plus exigeant envers les États souverains qu'envers les établissements de crédit -dont l'action a conduit certains d'entre eux dans la situation que nous connaissons aujourd'hui ! Et ce, alors que la raréfaction du crédit aux PME, la chute libre des engagements de prêts en direction des collectivités locales, situation aggravée en France par la probable faillite de Dexia, montrent que l'argent accordé en abondance aux établissements de crédit n'a pas servi à l'activité économique.
Nous ne pouvons tolérer de telles distorsions. Le débat se poursuivra car, si je puis l'oser, le MES n'est pas dit. Ce soir, nous voterons contre ce texte.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Quand l'Europe est menacée, nous devons faire preuve d'un courage unanime. Or la gauche française n'a pas conscience de la gravité de la situation et fait primer des considérations électoralistes sur l'intérêt européen. Je regrette que l'intérêt de l'euro ne soit pas défendu par tous. Le groupe UMP votera évidemment cet article.
M. Jean Bizet. - Très bien !
A la demande du groupe UMP, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 204 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 103 |
Pour l'adoption | 169 |
Contre | 35 |
Le Sénat a adopté.