Responsabilité civile des pratiquants sportifs (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive et à mieux encadrer la vente des titres d'accès aux manifestations sportives, commerciales et culturelles et aux spectacles vivants.
Discussion générale
M. David Douillet, ministre des sports. - Quel plaisir de discuter ce texte avec vous, que je sais attachés au sport. Je me souviens de l'adoption à l'unanimité du texte sur l'éthique du sport en mai dernier. Vous avez aujourd'hui une autre occasion de soutenir le sport français en votant cette proposition de loi.
Une révolution jurisprudentielle a eu des conséquences lourdes sur les primes d'assurances au point de mettre en péril certaines disciplines. Longtemps, la théorie des risques acceptés a prévalu pour les compétitions mais non pour les entraînements. La Cour de cassation, pour mieux protéger les victimes, a cependant changé, le 4 novembre 2010, sa jurisprudence, faisant prévaloir la responsabilité sans faute du fait des choses sous la garde des pratiquants sportifs.
La conséquence en est un alourdissement des primes, certaines disciplines sont menacées, au moins l'organisation d'événements sportifs. Je ne comprends pas que certains, sur les bancs du groupe CRC, veuillent supprimer les dispositions que nous proposons. Dans le Morbihan, ce serait la fin de la route bretonne, de la course Manche-Atlantique et en Alsace, la fin du rallye automobile. Les pratiquants à l'origine des dommages dus au matériel sportif doivent être, en l'absence de faute, exonérés de leurs responsabilités. La création d'un fonds permettra de régler les problèmes d'indemnisation, pour tous les dommages, au-delà de ceux causés par les choses. Nous y travaillons. Les versements aux victimes, parfois handicapées, seront plus rapides. Les assurances sont parfois inertes, l'indemnisation n'aboutit parfois qu'après des décennies.
Autre sujet, la revente des billets pour les manifestations sportives dont le prix s'envole trop souvent. L'attribution nominative des billets sert à dispatcher les supporters, la revente sur un marché secondaire casse nos efforts.
Le monde de la culture et du spectacle vivant se réjouit que ces dispositions lui soient étendues.
Quant au passeport biologique, j'ai toujours été clair dans ma détermination à lutter contre le dopage.
M. Alain Néri. - Très bien !
M. David Douillet, ministre. - Contrôles inopinés, contrôles de localisation, contrôles urinaires et sanguins : le passeport biologique, autre outil, resserre encore les mailles du filet. L'Agence française et le Comité olympique français sont d'accord : les contrôles doivent être bien vécus par les sportifs. Le nouveau dispositif ne doit pas non plus entraîner des surcoûts aux fédérations. Nous avons cette garantie, le président de l'AFLB a indiqué que la nouvelle mesure serait financée sur les ressources de l'agence.
Les athlètes qui ne trichent pas seront mieux protégés. Ils regrettent les amalgames et accepteront le nouveau dispositif, surtout s'il n'alourdit pas les contraintes et ne suscite pas des exagérations de comportement de la part des contrôleurs.
Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi qui préserve l'intégrité du sport français. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur de la commission de la culture. - Des records de vitesse seront battus en cette fin de législature : ce texte a été déposé il y a un mois à l'Assemblée nationale, la CMP se réunira demain. Le Parlement n'a pas été respecté mais notre commission a souhaité travailler sur un texte qui peut rendre service au monde sportif.
L'article premier, sous des aspects purement techniques, pose des questions de fond sur l'engagement de la responsabilité. Il s'agit d'alléger le poids financier qui menace diverses disciplines et l'organisation de certaines manifestations.
Je précise que nous nous limitons ici à l'article 1384 du code civil, c'est-à-dire à la responsabilité du fait des choses, non des accidents liés à un heurt entre deux sportifs.
Avant 2010, le juge considérait qu'à l'entraînement, les pratiquants n'acceptaient pas de responsabilité particulière et devaient donc être indemnisés du dommage dû à la chose. En compétition, en revanche, il considérait que les sportifs avaient accepté un risque lié à cette activité, l'auteur du dommage était alors exonéré de la responsabilité de plein droit.
La Cour de cassation a modifié la jurisprudence pour répondre à une demande sociale d'indemnisation des dommages corporels.
Cependant, les dommages matériels devront aussi être indemnisés et les risques liés aux sports mécaniques et nautiques deviennent « inassurables ».
En outre, il y a le risque d'une judiciarisation croissante de l'activité sportive.
Nous aurons à débattre de l'acceptation de la responsabilité : doit-elle intervenir selon le lieu où l'on se trouve ou selon l'activité pratiquée ?
La commission a introduit un article pour inciter à une réflexion globale associant les sportifs, car tous les sports ne sont pas concernés : quid du motocyclisme ou de l'équitation ?
Un autre enjeu important a été identifié à l'Assemblée nationale. Un délit pénal de revente de billets avait été créé à l'initiative de la commission du Sénat. L'Assemblée nationale a étendu nos dispositions aux spectacles culturels et a proposé un dispositif global dans le code pénal. L'article 2 pourrait être amélioré mais il faut enfin trancher la question -et supprimer la spéculation. La commission a adopté l'article conforme.
Il n'est pas question d'accepter une modification profonde des outils de la lutte antidopage, mais le passeport biologique autorise un suivi du profil urinaire et sanguin de chaque sportif -et de détecter un dépassement des paramètres de chacun.
Je vous proposerai un amendement concernant les sanctions ; un autre sur les agents de sportifs.
La commission vous propose d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Yvon Collin. - Que seraient les 24 heures du Mans si, après le terrible crash de juin dernier, Anthony Beltoise avait assigné Allan McNish en responsabilité ? Un contentieux permanent, une recherche constante de la responsabilité, ruineraient l'esprit du sport.
Quelle est la différence entre un dommage causé par un corps ou par un objet en dehors de la gravité de la blessure ? La proposition de loi répond à cette incohérence en répondant à l'arrêt de la Cour de cassation de novembre 2010 qui est un véritable revirement.
La clause exonératoire valait, auparavant, lorsque la bonne foi était prouvée. Le juge a considéré qu'un sportif ne peut méconnaître les risques.
Cependant, en connaissance des risques, le sportif cherche à se surpasser. On peut attendre qu'il se comporte, non pas bien sûr en père de famille, soucieux à tout instant de faire attention, mais en personne responsable et honnête. La théorie de l'acceptation des risques a été de plus en plus contestée.
L'article premier rétablit une pratique plus pacifique du sport, les pratiquants ne pourront être tenus pour fautifs mais la responsabilité sera engagée sans faute pour protéger les sportifs, y compris à l'entraînement. Cette solution temporaire impose de mesurer les conséquences qui peuvent en découler, ce que prévoit l'article premier bis.
Il faut apporter de toute urgence une solution -c'est l'objet de l'article 2- à la revente des billets. Ma proposition de loi avait été adoptée à l'unanimité au Sénat ; les députés en ont étendu l'application aux manifestations culturelles et au spectacle vivant. Certains revendeurs opèrent une véritable spéculation.
L'article 3 renforce la lutte contre le dopage, par un outil à l'efficacité éprouvée dans d'autres pays, le passeport biologique.
Ces trois articles répondent à trois problèmes différents. Le groupe RDSE soutient cette proposition de loi mais appelle à une plus large réflexion sur la responsabilité civile en matière sportive. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Leleux. - La proposition de loi rétablit un régime juridique plus équilibré et tend à préserver l'organisation de manifestations sportives. Je remercie le ministre pour son soutien.
La théorie de l'acceptation des risques était dérogatoire au droit commun et les sportifs victimes n'avaient pas toujours droit à réparation.
La Cour de cassation place désormais les sportifs sous le régime du droit commun de l'article 1384. Elle assouplit les conditions d'indemnisation des sportifs en compétition, met fin à la nécessité d'une faute et exige réparation de tous les dommages.
Les sports à risques, leurs fédérations et les manifestations sportives sont mis à mal. D'autant que, le préjudice ouvrant droit à réparation, est également moral et immatériel. Les primes d'assurance s'envolent.
Il faut mettre un terme à cette menace de déstabilisation. Tel est l'objet de la proposition de loi. L'article premier est une mesure de bon sens. Les praticiens d'un sport assurent le risque lié, le législateur en tire les conséquences.
L'article 2 est motivé par un souci de moralisation. La billetterie donne lieu à des pratiques douteuses, notamment grâce à internet.
Utilisation illégale des données personnelles, escroquerie à la revente, billets revendus quatre à douze fois le prix initial, risques de trouble à l'ordre public lorsque les acheteurs ont été lésés sur la qualité des places ou même sont refoulés à l'entrée : il fallait combler un vide juridique. Des initiatives parlementaires, dont la mienne, signées conjointement par le président Legendre, ont été prises en 2011. Mais l'adoption définitive du projet de loi sur les consommateurs, toujours en navette comme l'examen de nos propositions de loi, semble compromise, d'où cet ajout bienvenu de l'article 2.
La revente illicite sera sanctionnée de 15 000 euros d'amende, 30 000 en cas de récidive. Je me réjouis que le spectacle vivant ait été inclus dans le champ des mesures, visant les manifestations culturelles, qui ont rallié tous nos collègues, du PS à l'UMP. C'est que le développement du marché noir menace de déstabiliser le secteur.
Le groupe UMP votera le texte sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean Desessard. - Monsieur Leleux, les écologistes aussi trouvent ce texte satisfaisant.(Marques de satisfaction réjouie à droite) L'article premier répond aux arrêts de 2006 et 2010. La Cour de cassation a protégé les victimes mais menacé les fédérations, voire les collectivités territoriales qui organisent des manifestations sportives. L'article premier exclut la responsabilité sans faute pour les dommages matériels, car les risques acceptés par la victime doivent lui être imputables.
L'ajout du passeport biologique dans ce texte, déjà utilisé par l'UCI et expérimenté aux championnats du monde d'athlétisme en Corée du Sud, vise à mieux appréhender le dopage. Ce n'est pas un document d'identité mais un archivage des données successivement relevées. M. le ministre a annoncé qu'il évoquerait les abus de la lutte antidopage : qu'il en profite pour dire quelques mots de la protection des données.
M. David Douillet, ministre. - Oui ! Il y a également un amendement.
M. Jean Desessard. - Internet accroît les possibilités de revente de billets à prix d'or. Mais les artistes estiment que la culture ne doit pas devenir un luxe et ont interpellé les pouvoirs publics. Personne n'y gagne à ce marché secondaire illicite. Seul le caractère d'activité répétée est visé, précisons-le, non la revente d'un billet à un ami. Les écologistes voteront la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, au centre et à droite)
M. Jean Boyer. - La politique nous divise parfois mais le sport reste le sport, l'élément de cohésion nationale et locale.
Les Jeux olympiques, le Tour de France, Roland-Garros ou d'autres grands événements sportifs ne doivent pas faire oublier les petites compétitions rurales qui font des heureux, le public et les sportifs.
Il y a cependant des risques, assurés par les sportifs, selon la théorie que la Cour de cassation a abandonnée en 2010.
Le juge a réintégré la responsabilité civile dans le droit commun : un cycliste du Tour, tombé par la faute d'un concurrent, demandera-t-il réparation?
Les dommages moraux et immatériels, tels que la perte d'une chance de figurer sur le podium, pourraient aussi être indemnisés.
Donner, recevoir, partager : ce sont les vertus rappelées par Aimé Jacquet en 1998, qui forment le socle du sport, cette école de la vie.
Je soutiens le dispositif prévu par l'article premier. Il évitera pour l'avenir la hausse exponentielle des primes d'assurance.
L'Assemblée nationale a durci la répression des reventes illégales de billets. Mais veillons à exclure le cas de reventes ponctuelles conclues en toute bonne foi.
La navette à l'Assemblée nationale a permis d'aborder la question du dopage. L'annulation du résultat du Tour de France 2010 montre qu'il est hors de question de laisser un sportif dopé voler la victoire aux autres. C'est pourquoi, avec mon groupe, je soutiens le passeport biologique. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Le Scouarnec. - S'il n'en reste qu'un, je serai celui-là ! Je vais devoir briser votre belle unanimité.
À l'origine, cette proposition de loi ne comportait que l'article premier, disposition technique mais aussi politique. Auparavant, à l'entraînement, les sportifs, réputés avoir conscience des risques, étaient soumis au régime de responsabilité du code civil ; c'était à eux d'indemniser les victimes. En revanche, lors des compétitions, c'étaient les fédérations ou les clubs qui indemnisaient. L'arrêt de la Cour de cassation de novembre 2010 a modifié les règles et étendu la responsabilité sans faute aux entraînements, que le dommage soit corporel ou matériel, ce qui a conduit à une hausse des primes d'assurance des fédérations.
L'enjeu est en réalité exclusivement financier. Cette proposition de loi se résume à une question : qui a la charge de la prime d'assurance ? Elle est le fruit du lobbying des fédérations de sports mécaniques pour dégager leur responsabilité en cas de dommage matériel. Les fédérations ont pourtant davantage de moyens que les individus pour négocier avec les assurances ; celles des sports mécaniques ont les moyens. Je voterai donc contre l'article premier.
L'article relatif à la revente illicite des billets permettra de mettre fin à un véritable scandale. Il faut en effet lutter contre le trouble à l'ordre public et contre la prolifération de sociétés commerciales sur internet qui font profit habituel de la revente de titres d'accès à des prix supérieurs à leur valeur initiale. Il ne s'agit pas de condamner les individus qui revendent occasionnellement des billets qu'ils ne pourraient utiliser, mais les professionnels de la revente, qui s'enrichissent au détriment des producteurs, des artistes et des consommateurs. Nul n'est besoin de viser ici les troubles à l'ordre public puisqu'ils font déjà l'objet de dispositions répressives. En revanche, il faut élargir le dispositif d'interdiction de revente, puisqu'il existe un vide juridique en la matière. Je voterai cet article, ainsi que celui relatif au dopage. En revanche, je m'abstiendrai sur l'ensemble, étant hostile à l'article premier.
M. Dominique Bailly. - Tout d'abord, merci à notre rapporteur pour son travail intéressant réalisé en un temps très limité. Ce texte vient parfaire des dispositifs insatisfaisants et apporte de réelles améliorations, même si les problématiques abordées sont mouvantes. La législation devra être réactive.
L'article premier est dû au revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a remis en cause la théorie de l'acceptation des risques. Si les fédérations étaient désormais contraintes d'indemniser les victimes, le dédommagement du préjudice matériel posait problème ; les compagnies d'assurances ont en effet augmenté leurs prix. Il y a urgence à agir, car certaines compétitions pourraient être annulées. Toutes les fédérations subissent ce revirement de la jurisprudence. Nous soutenons cet article premier. De plus, le dispositif fera l'objet d'un suivi, conformément à l'article premier bis ; un rapport sera publié en 2013.
Lorsqu'elle est dévoyée, la revente des billets est un fléau. Le consommateur se voit contraint de payer le prix fort s'il veut assister à un événement sportif ou culturel. Désormais, les revendeurs seront passibles d'une amende de 15 000 euros. Nous y sommes favorables.
Même unanimité contre le dopage qu'il faut combattre et punir. Nous avons toujours été en pointe contre le dopage. Voyez ce qu'a fait le gouvernement Jospin.
M. Alain Dufaut. - Tous les gouvernements !
M. Dominique Bailly. - Le passeport biologique est un dispositif très utile ; en l'espèce, la France est en retard, faute de volonté politique forte. Vous aviez dit l'année dernière que le passeport n'était pas au point -il est pourtant en vigueur en Allemagne et en Suisse et le TAS le reconnaît comme preuve pouvant entraîner une sanction. Cette proposition de loi comble une partie de notre retard. Des sanctions devront pouvoir être prises en cas de fraude. Reste que dans le budget 2012, les moyens accordés à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) étaient en baisse...
La profession d'agent sportif a été réglementée en 2010. Pour éviter les conflits d'intérêts, le groupe socialiste souhaite mieux encadrer cette profession opaque.
M. Marc Daunis. - Très bien !
M. Dominique Bailly. - Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Ambroise Dupont. - Je veux saluer le travail de notre rapporteur. Cette proposition de loi, très brève, soulève néanmoins d'importantes questions.
Au nom d'une certaine spécificité sportive, la responsabilité du fait des choses était traditionnellement écartée. L'arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010 consacre le principe de la responsabilité sans faute du gardien de la chose instrument d'un dommage. Cet arrêt a des conséquences graves pour certaines fédérations ou organisateurs d'événements sportifs, notamment financières -je pense aux sports mécaniques.
Cette proposition de loi est bienvenue mais reste perfectible. J'ai déposé plusieurs amendements. Le champ d'application est trop large et pourrait s'appliquer aux enfants et aux pratiquants occasionnels. Il faudrait limiter celui de l'article premier aux seuls licenciés, qui sont 16 millions et présumés mieux connaître les risques de leur pratique ; on ne peut mettre sur le même plan les sportifs du dimanche. Il conviendrait aussi d'en revenir à une rédaction proche de la jurisprudence d'avant l'arrêt de la Cour de cassation.
Ce texte traite d'un sujet vaste et complexe. Je regrette que nous n'ayons pas le temps d'en examiner toutes les implications. Il aurait été intéressant également d'examiner l'impact de la nouvelle mesure sur les compagnies d'assurances.
Un juste milieu doit être trouvé entre le « tout-assuré » et l'assurance personnelle. La réflexion doit se poursuivre. C'est d'ailleurs ce que prévoit l'article premier bis. (Applaudissements à droite)
Mme Françoise Cartron. - L'une des ambitions de cette proposition de loi est de mieux encadrer la revente des titres d'accès aux manifestations sportives, culturelles et commerciales ainsi qu'aux spectacles vivants. L'article 2 vient compléter le code pénal et sanctionne de 15 000 euros d'amende la revente massive, répétée et habituelle de billets. Ce dispositif répond à des pratiques douteuses qui menacent l'accès à la culture pour tous, comble un vide juridique et parachève l'oeuvre législative de ces derniers mois.
La revente des billets incontrôlée et spéculative s'est en effet amplifiée aux abords des stades, à l'entrée des festivals ou sur les sites internet. Cette économie souterraine est préjudiciable pour les acheteurs, mais aussi pour les organisateurs. Le prix des billets augmente considérablement et exclut les publics les plus modestes. C'est inacceptable.
Ces pratiques sont en outre susceptibles de provoquer des troubles à l'ordre public. La loi de 1919 s'applique encore mais son champ d'application est limité aux théâtres et concerts subventionnés... C'est pourquoi les députés ont élargi le champ d'application du dispositif à tous les événements culturels, commerciaux et sportifs. La procédure accélérée étant engagée, cet article pourrait rapidement entrer en vigueur, ce dont nous nous félicitons. Les artistes ont dénoncé ces dérives et ils appellent à voter cet article. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)
Mme Maryvonne Blondin. - Mon intervention portera également sur l'article 2. Après diverses tentatives du législateur, nous en arrivons à une disposition qui semble convenir au plus grand nombre. Il convient en effet de lutter contre les abus constatés sur le second marché de billetterie et les risques d'escroquerie. Dans mon département, en juillet 2011, les organisateurs du festival des Vieilles Charrues, le plus grand festival de musique de France, qui attire chaque année plus de 200 000 visiteurs, ont découvert un marché de revente de billets sur le site Viagogo. Le juge saisi a demandé au site de supprimer son offre sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par jour. Le pass quatre jours était proposé à partir de 440 euros, contre 137 euros sur le site officiel. Or tous ces pass avaient été vendus en quelques heures dès l'ouverture de la billetterie... Le tribunal a fait référence à la loi de 1919 mais aussi pris en compte le préjudice d'image causé à la manifestation, puisque les organisateurs veillent à maintenir un prix du billet accessible au plus grand nombre.
L'Opéra de Paris menace à son tour de porter plainte contre Viagogo, qui a vendu 650 euros quatre billets en loge semi-aveugle pour une représentation du Bolchoï en 2011 -10 euros au guichet.
La rédaction de la proposition de loi est ciblée. Les reventes occasionnelles entre particulier spectateurs ne sont pas concernées. Il faut aussi penser au discrédit qui affecte les organisateurs ou les artistes. Nous devons favoriser l'accès à la culture pour tous. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et sur quelques bancs à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Michel Le Scouarnec. - Cet article a de fait pour objet d'exonérer les fédérations du surcroît de prime d'assurance. Fruit du lobby des sports mécaniques, la rédaction exonère les fédérations de l'indemnisation des dommages matériels, afin de limiter les conséquences d'une jurisprudence favorable aux victimes. Nous sommes opposés à cet article et préférons nous en tenir à l'arrêt de la Cour de cassation de 2010.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - L'exonération dont il est question ici présente un réel intérêt pour certaines fédérations, notamment le sport automobile ou le nautisme. Cet article permet d'éviter de mettre en péril certaines manifestations. Avis défavorable.
M. David Douillet, ministre. - Même avis que M. le rapporteur. Il y va de la pérennité de certaines fédérations et pas seulement dans les sports automobiles. Quand une fédération devient inassurable, elle est contrainte de mettre un terme à ses activités.
Pour les dommages corporels, nous travaillons à la mise en place d'un fonds d'indemnisation de sorte que tous les pratiquants puissent être pris en charge le plus tôt possible : nous agissons aussi en faveur des victimes.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. A. Dupont et B. Fournier, Mme Mélot et M. Savin.
Alinéa 2
Après le mot :
pratiquants
insérer le mot :
licenciés
et après le mot :
pratiquant
insérer le mot :
licencié
M. Ambroise Dupont. - J'ai présenté cet amendement lors de la discussion générale : il faut faire la distinction entre pratiquants licenciés et occasionnels. Il ne faut pas passer du tout au rien. La distinction s'impose.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - La notion de pratiquant est bien plus large que celle de licencié. Rares sont les participants à une course à pied qui détiennent une licence ; ils assument pourtant les mêmes risques que les autres. Et les organisateurs doivent les assurer au même titre que les licenciés. Avis défavorable.
M. David Douillet, ministre. - L'adoption de cet amendement entraînerait une rupture d'égalité entre sportifs. Ainsi, un pratiquant non licencié pourrait avoir un problème avec un licencié -ou vice-versa. Il m'est arrivé de me croire licencié alors que je ne l'étais pas. Un problème informatique avait empêché la reconduction automatique des licences dans la Fédération de judo, qui en a averti ses adhérents quelques mois après seulement. Et pourtant, la Fédération de judo est très bien tenue ! Que se serait-il passé dans d'autres fédérations ?
Je demande le retrait de cet amendement.
M. Alain Néri. - Pour la clarté du débat, cher collègue, retirez cet amendement qui complique les choses. Si vous décidez de ne pas reprendre votre licence mais continuez à pratiquer votre sport, vous continuez à bien connaître les risques de votre sport !
L'amendement n°4 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par MM. A. Dupont, Dufaut, B. Fournier et Legendre, Mme Mélot et M. Savin.
Alinéa 2
Après les mots :
pratique sportive
insérer les mots :
au cours d'une manifestation sportive ou d'un entraînement en vue de cette manifestation sportive
M. Ambroise Dupont. - Le seul critère géographique ne peut suffire. Cet amendement limite l'exonération de responsabilité aux seuls sportifs qui pratiquent dans le cadre d'une manifestation sportive ou d'un entraînement, en un lieu spécifiquement dédié à cette pratique. Les critères sont cumulatifs.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Avis favorable.
M. David Douillet, ministre. - Cet amendement est nul et non avenu. La rédaction est simple et claire, il n'est pas besoin de la modifier. Ne compliquons pas.
L'amendement n°5 rectifié bis est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
L'article premier bis est adopté, ainsi que l'article 2
Article 3
M. Dominique Bailly. - Nous nous apprêtons à donner une base légale au passeport biologique. Nous sommes lancés dans une course contre la montre avec les dopés et les trafiquants, qui ont souvent une longueur d'avance sur les contrôleurs et le législateur. Nous nous félicitons que la France soit aux avant-postes de la lutte contre le dopage. Seules la Suisse et l'Allemagne appliquent déjà le profilage biologique. On avance que celui-ci nuirait à la compétitivité internationale des sportifs français ; l'argument n'est pas recevable, notre souci est de protéger la santé des sportifs et l'éthique du sport. Il ne faut pas que notre pays soit suspecté de tricherie.
À nous d'oeuvrer au niveau international à la généralisation de ce passeport.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
font l'objet
par les mots :
peuvent faire l'objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État,
M. David Douillet, ministre. - Compte tenu de l'importance du sujet, la concertation avec tous les acteurs est primordiale. Nous voulons travailler de façon précise sur ce sujet extrêmement sensible. Il est essentiel que le passeport soit bien accepté par le mouvement sportif. Je vous ai parlé d'exagérations de la part des contrôleurs. Les préleveurs ont le droit d'arriver à 6 heures du matin. Ils doivent frapper trois fois. Si personne ne répond, ils repartent après avoir constaté un « no show ». Il est arrivé que l'athlète mette quelque temps à se réveiller et à ouvrir sa porte -et que les préleveurs, déjà au bout du couloir, refusent de revenir sur leurs pas et consignent une infraction...
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - Sur les amendements nos8, 7 et le sous-amendement n°6, la commission n'a pu se réunir. Je demande juste l'éclairage du rapporteur.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Cette consultation du Conseil d'État ne pose pas de problème particulier. À titre personnel, avis favorable.
M. Dominique Bailly. - Nous ne sommes pas défavorables à la consultation du mouvement sportif. Néanmoins, nous souhaitons l'entrée en vigueur de ce passeport le plus vite possible.
M. Alain Néri. - Je me félicite que la France soit pionnière dans la lutte contre le dopage. Celui-ci est une tricherie, mais aussi une remise en cause de la santé du sportif. J'étais rapporteur du texte du ministre Bambuck, qui prévoyait un contrôle sanguin. Le Conseil d'État l'avait refusé en considérant que le sang était partie intégrante de la personne. Les choses ont changé depuis.
Je suis donc tout à fait favorable au passeport biologique, grâce auquel on pourra surveiller l'évolution du sportif : si son taux d'hématocrite fait un bond, on saura à quoi s?en tenir. Le passeport biologique a le mérite de s'inscrire dans le temps, c'est ce qui le rend plus efficace. Certes, le mouvement sportif doit être consulté, mais évitons tout retard superflu.
J'ai aussi été rapporteur de la loi Buffet ; on s'est alors posé la question des médicaments à usage thérapeutique, souvent utilisés pour aider les tricheurs. Dans certaines disciplines, on arrive à un taux d'asthmatiques de 70 % ! (Rires)
Je voterai donc l'amendement n°8 mais j'espère que le passeport entrera rapidement en vigueur.
M. David Douillet, ministre. - Cela va de soi : nous allons essayer d'aller le plus vite possible. Il faut que tout soit calé le jour où le passeport entrera en vigueur. Celui-ci est aussi un bon moyen d'affiner les contrôles, qui se font aujourd'hui de manière aléatoire et tous azimuts : on pourra se concentrer sur les cas suspects.
Dans les sports de fond, on trouve plus d'asthmatiques qu'ailleurs, curieusement. Peut-être le fait de ventiler beaucoup cause-t-il de l'asthme, brusquement, sans antériorité dans l'enfance ... Nous cernerons tout cela.
Songeons que la triche pèse sur ceux qui ne trichent pas ; qu'elle cause de lourds problèmes de santé, voire la mort, chez les dopés ; et l'on retrouve les mêmes mafias dans le dopage que dans la corruption dans le milieu sportif ; tant mieux si elles prospèrent moins !
M. Jean Desessard. - J'admire le sportif mais je ne comprends pas le ministre. Pourquoi créer une commission et repousser la solution du problème ? Vous êtes favorable à un rapport, c'est rare pour un ministre ! J'ai l'impression que vous voulez gagner du temps. Y aurait-il des accords européens en ce sens ? Les fédérations ont-elles demandé des délais ?
M. David Douillet, ministre. - Si je pouvais le faire demain, je le ferais. Le Comité national olympique et sportif français nous a demandé maintes explications. Au lieu de pédaler à vide au début, démarrons avec une machine bien rodée. Les tricheurs savent s'insinuer dans les trous de procédure, prenons le temps de peaufiner le dispositif.
M. Alain Dufaut. - La généralisation du passeport biologique sera fort utile. L'AFLD le mettra en place, mais quid des autres pays ? Les autres sportifs ne seront pas soumis au même régime... L'Agence mondiale contre le dopage doit généraliser à toutes les fédérations nationales l'exigence d'un passeport. La France montre l'exemple, très bien ; encore faut-il généraliser.
M. Roland Courteau. - Il a raison !
Mme Dominique Gillot. - Le débat est compliqué. Je ne peux supporter d'entendre que les sportifs étrangers seront avantagés parce que nous protégeons la santé des nôtres !
M. David Douillet, ministre. - À précipiter les choses, on risque de créer des situations donnant aux tricheurs les moyens de s'échapper.
Mme Dominique Gillot. - Les scandales de santé publique, on les regrette après coup !
M. David Douillet, ministre. - Il n'y a pas de risques d'épidémie et la lutte anti-dopage fonctionne déjà bien. L'Union cycliste internationale a déjà mis en place le passeport.
M. Alain Dufaut. - Avec difficulté !
M. David Douillet, ministre. - J'ai rencontré le président Jacques Rogge. Il se servira de la Charte olympique, transmise à chaque pays candidat.
Pour la corruption, la problématique est identique : le délit de corruption sportive aura plus de sens et d'efficacité si nous sommes rejoints par les autres pays. Il n'empêche, la France est citée en exemple.
Pour l'heure, les acteurs ont besoin d'être consultés pour mieux se caler. Une application efficace suppose une information précise.
M. Jean Desessard. - Pourquoi ce retard ? De toute façon, le passeport biologique sera évolutif.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - Pour le moment, notre débat est censé porter uniquement sur l'amendement n°8, qui vise seulement à une conformité avec les exigences de la Cnil.
L'amendement n°8 est adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Lozach, au nom de la commission.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er juillet 2013.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - En repoussant au 1er juillet 2013 l'entrée en vigueur du passeport biologique, nous laissons au mouvement sportif et à l'AFLD le temps de se préparer. Nous votons le principe du passeport et assortissons cette création d'un délai de mise en oeuvre, notamment pour tenir compte d'expériences antérieures douloureuses en matière de santé publique. Nous incitons les acteurs à la concertation pour résoudre tous les problèmes en suspens. Une date précise d'entrée en vigueur répond à vos attentes.
M. David Douillet, ministre. - Favorable, même si c'est un peu tard.
M. Jean Desessard. - Je ne comprends pas ce délai d'un an et demi. La nature et la mise en oeuvre des contrôles seront forcément évolutives ; l'informatique peut être prête avant un an et demi.
M. Dominique Bailly. - Il faut un temps de concertation et un protocole spécifique concerté avec tous les partenaires responsables.
M. David Douillet, ministre. - Le 1er janvier serait en plein milieu de la saison sportive. De ce simple point de vue, juillet est plus logique.
L'amendement n°9 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les modalités d'instauration du profil biologique des sportifs mentionné à l'article 3, dont la réalisation est placée sous la responsabilité de l'Agence française de lutte contre le dopage, font l'objet d'un rapport remis au Gouvernement et au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, élaboré par un comité chargé de préfigurer la création du profil biologique des sportifs et dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé des Sports.
M. David Douillet, ministre. - Il a été exposé... Un rapport sera bienvenu pour que le dispositif soit irréprochable et que la lutte s'affine contre le dopage.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - La commission ne l'a pas examiné. Cet amendement alourdit les procédures ; je m'en remets à la sagesse.
L'amendement n°7 est adopté.