Transports aériens de passagers (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Patricia Schillinger.  - Pourquoi cette loi ? La loi du 21 août 2007 excluait le transport aérien ; aujourd'hui, il faut la procédure accélérée pour l'étendre aux transports aériens. Pure provocation à la veille des élections. Vous voulez réglementer le droit de grève dans les entreprises privées -ou plutôt le restreindre. Il n'y aura pas de service minimum -pas plus qu'à la SNCF ! Le droit de grève des contrôleurs aériens est déjà très encadré : retiré en 1964, il leur a été rendu en 1985, assorti d'un service minimum, pour assurer les vols d'État et la moitié des vols internationaux. L'alarme sociale existe depuis 2009 sous la forme d'une charte.

S'il y a grève, c'est faute de dialogue social. Monsieur le ministre, lisez le rapport que j'ai publié avec M. Bourdin sur le pacte social dans les entreprises ! Les logiques de management actuelles favorisent le stress et les tensions ; la flexibilisation fait exploser les inégalités de répartition, qui minent le contrat social. Les salaires sont sacrifiés sur l'autel du capital. Les salariés font grève pour préserver leurs rémunérations et leurs conditions de travail, pour vivre dignement. « Que fait donc M. Sarkozy, président du pouvoir d'achat ? » demande un agent d'entretien ! (Exclamations à droite)

M. Jean Desessard.  - Il fait grève !

Mme Patricia Schillinger.  - Il faut réguler la concurrence pour développer le capital humain, associer les salariés à la conduite du changement.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Patricia Schillinger.  - À ne rien faire, on risque de sérieux revers dans les prochaines années ! (Applaudissements à gauche)

M. Louis Nègre.  - Ce texte a été largement médiatisé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Objectif atteint !

M. Louis Nègre.  - Cette proposition de loi n'est ni isolée, ni récente, encore moins de circonstance. La majorité présidentielle a agi dans le même sens avec les lois de 2007 et de 2008 ; des propositions de loi ont été déposées tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.

Ce texte vise à assurer un minimum de continuité du service rendu. Les usagers sont trop souvent les victimes innocentes de conflits qui ne sont pas les leurs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - À cause du patronat !

M. Louis Nègre.  - Ils sont aussi les clients qui font vivre ces entreprises, et donc les salariés !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sans salariés, pas de transports !

M. Louis Nègre.  - Ils sont la chair à canon de l'absence du dialogue social !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - C'est lamentable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La chair à canon, ce sont les salariés !

M. Louis Nègre.  - Les usagers sont traités comme res nullius, quantité négligeable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Merci de la traduction !

M. Louis Nègre.  - Ils sont le pot de terre dans un combat inégal...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le pot de fer, c'est le patronat.

M. Louis Nègre.  - Qui, à gauche, leur accorde l'attention qu'ils méritent ? Ils devraient être au centre des préoccupations de chacun.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Et du patronat !

M. Louis Nègre.  - Le client est roi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le patron est roi !

M. Louis Nègre.  - Cette proposition de loi est donc bienvenue. Il s'agit de mesures de bon sens.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le sens du patronat !

M. Louis Nègre.  - La loi de 2007 a été vilipendée par la gauche. Aujourd'hui, son candidat...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Il y a plusieurs candidats à gauche !

M. Louis Nègre.  - ...l'intègre à son programme !

M. Roger Karoutchi.  - Un conservateur !

M. Louis Nègre.  - Hier contre, aujourd'hui pour. La vérité est à droite ! (Exclamations amusées à gauche ; applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Merveilleux !

M. Roger Karoutchi.  - Écoutez-le !

M. Louis Nègre.  - Le ministre assume. La droite, en charge des responsabilités, agit pour améliorer le service rendu. Rappelez-vous la pagaille lors des vacances de la Toussaint !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Et lors de l'éruption du volcan ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est la faute du patronat !

M. Louis Nègre.  - Quel mépris pour les usagers ! La France n'est-elle plus, « la mère des arts, des armes et des lois », mais la terre des grèves ? (Nouvelles protestations à gauche)

Il est urgent d'améliorer nos relations sociales. Le pays a besoin de réformes en profondeur.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Elles vont arriver !

M. Louis Nègre.  - Il s'agit de concilier droit de grève et droit de se déplacer qui est aussi de valeur constitutionnelle, ne vous en déplaise...

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Très bien !

M. Louis Nègre.  - C'est pourquoi je vous proposerai d'étendre ce texte au transport maritime. (Bravos et applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est temps de répondre au patronat !

M. Georges Labazée.  - Ce texte de circonstance n'est pas la réforme structurelle qui serait nécessaire.

Il s'agit ici du service garanti. Le transport aérien n'est plus une mission de service public. L'externalisation est passée par là, mettant à mal, comme ailleurs, ce que le public avait bâti. Les coûts cachés viennent annihiler les avantages économiques attendus. Le service est réduit à une simple prestation. L'externalisation n'est pourtant pas le seul moyen pour réduire les coûts de fonctionnement.

Cette proposition de loi veut appliquer les règles du service public -le fameux service minimum- aux entreprises de transport aérien. Impasse constitutionnelle... On invoque donc la sauvegarde de l'ordre public. C'est un grave précédent : quel secteur sera à l'abri des restrictions apportées au droit de grève ?

Le droit de grève est fondamental, et constitutionnellement protégé. Les personnels navigants ont déjà vu ce droit restreint, malgré un avis de la Cour de cassation. Et vous durcissez encore les restrictions ! Les dirigeants des entreprises pourront remplacer les grévistes par des non-grévistes : la négociation en sera pervertie, la prévention des conflits, annihilée. Ce dispositif réduit le champ des compromis, et dégradera le climat social, au risque de voir les conflits se multiplier ! On oblige une grève débutée à perdurer ! Quelle démagogie ! (Applaudissements à gauche)

M. Roland Ries.  - Ce texte n'est que de circonstance. Le sujet méritait plus de sérénité. Suite à la grève de décembre dernier, le Gouvernement a saisi l'occasion de ressortir le service minimum, l'un de ses thèmes de campagne favoris. Cette proposition de loi s'inspire de la loi du 21 août 2007, sur le service minimum, qui reprenait un dispositif existant à la RATP depuis 1996, obligeant les agents à se déclarer gréviste 48 heures à l'avance. L'entreprise est tenue d'assurer l'information des voyageurs.

On a instauré l'idée qu'il y avait un service minimum dans les transports terrestres -ce qui est faux.

Face à l'impératif constitutionnel, le Gouvernement a dû faire marche arrière. D'ailleurs, la majorité ne parle plus de service minimum, mais de service garanti.

De 2003 à 2010, on comptait 1,38 jour de grève en moyenne par an et par agent, contre 0,5 avant 2003. Preuve que la conflictualité ne fait qu'augmenter !

Le groupe socialiste votera contre ce texte. Tout d'abord, il n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les partenaires sociaux. Paradoxal, pour un texte qui prétend renforcer le dialogue social ! (Approbations à gauche) Il ne résout en rien les causes de la conflictualité, faibles salaires et conditions de travail dégradées. Il ne va faire que braquer les salariés !

Il faut au contraire privilégier le dialogue social et améliorer l'information des voyageurs. Ces deux pistes ne nécessitent pas de loi spécifique. Cette loi est inutile et dangereuse : le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements à gauche)

M. Thierry Mariani, ministre.  - Cette proposition de loi est indispensable en effet, madame Procaccia. Elle reconnaît le droit à l'information fiable et précise des usagers. Il s'agit bien d'un service garanti, dans l'ensemble des nombreuses entreprises du transport aérien. Monsieur Nègre, en effet, ce n'est en rien un texte de circonstance. La proposition de loi a été déposée le 22 novembre, or le conflit des agents de sûreté n'a débuté qu'en décembre !

Je suis attaché au droit de grève, comme nous tous. Il ne s'agit pas ici de soumettre l'ensemble des salariés à l'obligation de déclaration, mais seulement ceux dont l'absence a une conséquence sur l'organisation des vols. L'objectif n'est pas de diviser, mais d'apaiser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous faites tout le contraire !

M. Thierry Mariani, ministre.  - Ce projet a fait l'objet de réelles concertations avec les partenaires sociaux : le rapporteur de l'Assemblée nationale a entendu 27 ou 28 personnes ! Il n'interdit en rien aux salariés de faire grève, mais permet à l'entreprise de connaître à l'avance ses effectifs, et aux passagers de savoir à l'avance s'ils risquent de passer la nuit dans l'aérogare ! Il s'agit avant tout de protéger les usagers. Cette proposition de loi va dans le sens d'un dialogue social apaisé. Elle concilie le respect du droit de grève avec la légitime liberté de se déplacer, le souci de la santé des usagers malades. C'est aussi un moyen de renforcer la sécurité des compagnies aériennes, actuellement en situation fragile et confrontées à une vive concurrence. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - La commission des affaires sociales doit se réunir pour donner un avis sur la motion tendant à opposer la question préalable.

La séance est suspendue à 16 h 25.

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*          *

La séance reprend à 16 h 45.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°40, présentée par M. Labazée et les membres du groupe socialiste et apparentés.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports (n° 290, 2011-2012).

M. Georges Labazée.  - Ce n'est pas tant le délai de prévenance collectif que nous examinons ici, qu'une nouvelle restriction du droit de grève. L'article 2 impose aux salariés de déclarer quarante-huit heures à l'avance leur intention de faire grève, et vingt-quatre heures à l'avance leur intention d'y renoncer. Or dans le milieu aérien, il n'est pas possible de réaffecter des agents de maintenance ou des pilotes. On risque en outre des grèves artificielles, entraînant des pertes de salaires et des coûts supplémentaires pour les entreprises. Il est incohérent de sanctionner disciplinairement un employé qui souhaite reprendre le service. Cela pourrait en outre conduire une grève débutée à durer plus longtemps que prévu. Aucun de nous ne le souhaite.

Le secteur aérien emploie 100 000 salariés, répartis dans 600 entreprises ; celui de la sécurité compte 10 000 salariés. Au total, plus de 1 000 entreprises de toutes tailles sont concernées par ce texte. Les 120 000 salariés concernés relèvent en outre de conventions collectives différentes.

Tout cela pour le profit des actionnaires, adeptes du moins-disant social. Cette proposition de loi, déposée avant le mouvement des agents de sûreté, a été adoptée par l'Assemblée depuis. Si vous aviez opté pour un projet gouvernemental plutôt qu'une proposition de loi, monsieur le ministre, vous avez-vous-même reconnu à la radio que vous auriez dû respecter l'ensemble du protocole de consultation dont vous faites, ici, l'économie.

Notre motion tend à décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer plus avant de ce texte. Sans parler de l'aspect constitutionnel : cette proposition de loi porte atteinte au droit de grève, s'agissant des salariés d'entreprises privées concurrentielles qui n'assurent pas de mission de service public.

L'adoption de cette question préalable mettrait un terme à notre débat. (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet.  - Quel suspens !

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - La commission soutient ce choix de procédure. L'ambition affichée de ce texte est de réorganiser les relations sociales dans le secteur. Comment y parviendrait-il sans concertation préalable ? Cette proposition de loi est contraire à la loi Larcher qui interdisait de modifier le code du travail sans organiser au préalable le dialogue social.

La procédure n'est pas convenable : pas d'étude d'impact, pas d'avis du Conseil d'État alors que les problèmes constitutionnels sont manifestes. Le Conseil constitutionnel, que nous saisirons, aura à y redire ! Pas de concertation avec les partenaires sociaux. C'était là des prérequis essentiels.

Mme Catherine Procaccia.  - Surprise ! Surprise ! La commission s'est réunie ce matin et nous découvrons à 14 h 30 qu'une motion est déposée. Nous l'avons examinée il y a un quart d'heure à peine. Depuis que nous savons que ce texte vient en séance, pourquoi la majorité sénatoriale a-t-elle choisi ce processus ? Que s'est-il passé à l'heure du déjeuner ? Avez-vous reçu des consignes de la rue de Solférino, de Dijon ? De la rue de Ségur ? (Rires à gauche)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Sûrement pas moi ! (Sourires)

Mme Catherine Procaccia.  - Nous sommes surpris par l'acharnement thérapeutique que subit cette proposition de loi, inspirée d'idées qui circulent chez les parlementaires depuis des années. Les grèves se succèdent dans l'ensemble de la chaîne aéroportuaire, empêchant les avions de décoller et les passagers de voyager, et ce, systématiquement, à chaque vacances scolaires ! Cette proposition de loi a pour objet de mettre fin à des pratiques que la majorité sénatoriale approuve manifestement, puisqu'elle refuse un véritable dialogue social. Nous pensions légiférer pour améliorer les choses. Rien n'est donc prévu pour les usagers.

Monsieur le rapporteur, vous évoquez la loi Larcher. Je l'ai rapportée. Elle ne concernait pas les propositions de loi. Je l'avais évoqué à l'époque.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - C'est ce que nous disons : le Gouvernement a choisi la voie de la proposition de loi précisément pour cette raison.

Mme Catherine Procaccia.  - J'ai proposé d'obliger les parlementaires à respecter le dialogue social, vous avez voté contre à l'époque. Vous vous contredisez ! Le rapporteur ne manque pas d'humour : pour la première fois, ses auditions n'ont pas été ouvertes aux collègues de l'opposition. Les deux autres rapporteurs, désignés le même jour pour d'autres textes, l'ont fait. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Pensez à vous !

Mme Catherine Procaccia.  - Le péché originel de cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, c'est de vouloir légiférer. Je réponds que c'est bien voir là la paille dans l'oeil du voisin ! Quant à l'atteinte au droit de grève, le Conseil constitutionnel, saisi par vous en juillet 2007, a déjà tranché. Il y a aussi un droit constitutionnel de circuler, de travailler.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - On peut circuler quand les avions ne volent pas !

Mme Catherine Procaccia.  - On vient de créer une commission à l'outre-mer, vous en faites fi ! La commission avait décidé le retour de ce texte. Après la proposition de loi Warsmann, vous refusez encore un texte d'origine parlementaire. Je dénonce cette pratique en cours depuis quelques mois, qui remet en cause le bicamérisme. Vous renvoyez à l'Assemblée le droit de choisir ce qu'elle veut faire de ce texte. Le groupe UMP dénonce cette entreprise de démolition du Sénat ! (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

M. Thierry Mariani, ministre.  - Je répète, mission impossible car vous n'êtes pas convaincus de notre bonne foi, que cette proposition de loi n'est pas de circonstance : elle a été déposée avant les grèves de décembre. Elle n'empêche pas le droit de grève. Elle tend à informer les passagers. Les autres pays européens ont tous une réglementation en la matière. En Italie, les grèves sont interdites à certaines dates. Les Allemands peinent à comprendre ce que nous subissons.

Pas de concertation ? Mme David a consulté les partenaires sociaux ; les rapporteurs des deux assemblées ont entendu pas moins de 28 personnes. L'article L.1 du code du travail ne s'applique pas aux propositions de loi et ce texte ne porte pas sur une négociation interprofessionnelle.

Quand on est parlementaire, on se plaint que l'initiative parlementaire n'est pas assez honorée. Aujourd'hui, elle vous choque ! C'est la moindre des choses que les parlementaires légifèrent ! Le texte aurait pu être enrichi. Il est utile à nos concitoyens, comme à l'ensemble d'un secteur où il améliore le dialogue social. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je déduis que vous êtes défavorable à la motion.

M. Thierry Mariani, ministre.  - En effet !

M. Vincent Capo-Canellas.  - L'alternative à la question préalable était de vider le texte de son contenu. Opposer la question préalable, c'est estimer que ce texte ne mérite pas d'être amendé. C'est pourtant notre responsabilité de parlementaires. Votre vision est différente. Vous auriez pu proposer un dispositif différent. Amender, c'est jouer notre rôle de législateur. La question préalable n'est pas de l'intérêt de la Haute assemblée...

M. Thierry Mariani, ministre.  - Très bien !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Nous voterons contre cette motion, car ce texte est équilibré et nécessaire. Vous êtes conscients, dites-vous, de l'impact des grèves sur les voyageurs. Naturellement, il s'agit de respecter le droit de grève, il est constitutionnel.

Le groupe UCR y est attaché, ainsi qu'au dialogue social et aux droits des passagers des transports aériens. Des solutions sont possibles. Prévenir les conflits, cela se fait dans les transports terrestres. La proposition de loi améliore sensiblement l'information des usagers et l'organisation des aéroports. Pensez au personnel des aéroports, contraint d'accueillir des passagers en désarroi, en colère, avec des enfants qui ne peuvent être traités dans de bonnes conditions !

Le groupe UCR votera contre cette motion. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Louis Nègre.  - Il serait opportun de revenir sur l'argumentation de cette motion. Proposition de loi « circonstancielle », dites-vous ? Faux, archi-faux ! (Exclamations sur les bancs CRC) Aucun dialogue avec les partenaires sociaux : contre-vérité ! Regardez le rapport de l'Assemblée nationale : CFDT, CFTC, CGC, CGT, FO, syndicats autonomes, syndicat des pilotes de ligne, et j'en passe !

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Je les ai reçus aussi !

M. Louis Nègre.  - En quoi est-il porté atteinte au droit de grève quand on vous demande de dire à l'avance que vous voulez faire grève !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Vous ne savez pas de quoi vous parlez !

M. Louis Nègre.  - La Constitution de 1946 dit que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » !

M. Thierry Mariani, ministre.  - Absolument !

M. Louis Nègre.  - Le rapporteur récuse l'usage de la procédure d'urgence. Après mille grèves en trois ans, il faudrait ne rien faire ? Où en serait-on si nos collègues et le Gouvernement n'avaient agi ?

Ce texte s'inspire de la loi de 2007 sur les transports terrestres...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Publics !

M. Louis Nègre.  - ...intégrée finalement dans le programme présidentiel du candidat socialiste. Ce texte propose un système de prévention. Vous auriez pu l'étendre, le modifier. J'ai été élu, comme vous, au Sénat pour m'exprimer au nom du peuple. La question préalable tend à « décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre ». C'est se tirer non pas une, mais deux balles dans le pied !

M. Louis Nègre.  - Vous n'êtes pas une « anomalie démocratique », selon les termes de M. Jospin ! Vous donnez une mauvaise image du Sénat et des sénateurs. Je le regrette profondément ! (Bravos et applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quand la majorité était de l'autre côté, vous votiez de multiples questions préalables ! Le candidat-président et son Gouvernement présentent une nouvelle loi antisociale.

M. Louis Nègre.  - C'est de la politique politicienne !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ne l'oubliez jamais, si les salariés ont des congés, c'est grâce aux grèves de 1936 ! (Huées à droite) Si les vacanciers partent aujourd'hui, c'est grâce à ces luttes qui vous mettent en colère aujourd'hui ! (Mêmes mouvements) En sanctionnant la déclaration de reprise d'activité, vous échafaudez un édifice bureaucratique (Vives exclamations à droite) et vous ne défendez pas les usagers, dont vous parlez si mal !

M. Louis Nègre.  - Les Français vous jugeront !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - On l'espère !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La grève modifie la réalité des rapports de force, c'est ce qui insupporte le patronat. Au reste, il ne veut pas de dialogue social, il ne connaît que le rapport de force ! (Protestations à droite) Vous représentez le patronat, ici ! Surtout vous, monsieur Nègre !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Dites-le à François Hollande !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cette loi n'y changera rien. L'objectif inavoué mais évident est de museler les syndicats, d'entraver le droit fondamental de faire grève, pour poursuivre votre politique de casse sociale. C'est votre politique qu'il faut mettre en cause et non les droits des salariés ! Vous ne cessez d'en rajouter. Vous détournez les procédures pour éviter la négociation avec les organisations professionnelles de salariés !

M. Louis Nègre.  - C'est vous qui refusez de débattre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Entendez ceux qui s'opposent à ce texte et en demandent le retrait ! (On s'impatiente à droite, où l'on signale que l'oratrice dépasse son temps de parole)

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les salariés sont en colère, devant cette dernière provocation à l'égard du monde du travail.

M. Louis Nègre.  - Les Français attendent cette loi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Monsieur le ministre,... (Le brouhaha à droite couvre la voix de l'oratrice)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Madame la présidente !

M. Louis Nègre.  - C'est fini !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce texte est inacceptable !

M. Jean Desessard.  - Je me reconnais dans les propos de Mme Borvo ! (On feint la surprise sur les bancs UMP) Les écologistes voteront la motion. Il est urgent d'attendre quatre mois un gouvernement qui prenne en compte les intérêts de toutes les parties et pas seulement du patronat.

Cette loi antisociale ne respecte pas les droits des salariés ! Votre logique politique est de baisser à toute force les coûts de production (Protestations sur les bancs UMP) Comme il est difficile de délocaliser les agents de sécurité de Roissy...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Quand même !

M. Jean Desessard.  - On favorise la sous-traitance à bas coût, le temps partiel, les horaires impossibles, les bas salaires ! Êtes-vous allé sur place après la grève, monsieur le ministre ?

M. Thierry Mariani, ministre.  - Oui !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ils ont de bons salaires !

M. Jean Desessard.  - De bons salaires ? Les agents de sécurité, c'est le prolétariat d'aujourd'hui ! (Protestations à droite) On leur refuse même des pauses indispensables... Aucun d'entre vous n'a eu un mot pour eux ! On voit bien de quel côté vous penchez ! (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Les envolées de M. Nègre sont dignes de la IIIe République ; Louis Jouvet n'aurait pas renié son ton ! Mais il tente de nous rouler dans la farine, en disant que cette loi n'est pas un texte d'opportunité ! Pratique courante du Gouvernement, d'ailleurs... À l'initiative de M. Mézard, nous avons déposé un recours contre la proposition de loi visant à réprimer la contestation des génocides reconnus par la loi.

M. Louis Nègre.  - Quel rapport ?

M. François Fortassin.  - Or le Gouvernement a adressé ses observations au Conseil constitutionnel, preuve que le texte était bien d'origine gouvernementale ! On ne nous fera pas le coup deux fois ! Le groupe RDSE votera majoritairement la question préalable. Si vous aviez déposé ce texte il y a six mois, je l'aurais voté ! (Exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Quel aveu !

M. Michel Vergoz.  - Nous sommes tous passagers. Deux balles dans le pied, dites-vous, monsieur Nègre ? Certes pas. Les socialistes n'ont aucune propension à s'autoflageller... Nous sommes aussi préoccupés par la situation faite aux passagers.

L'urgence est toujours mauvaise conseillère, d'autant que cette proposition de loi, tout le monde le sait, est électoraliste.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Votez-là, alors !

M. Michel Vergoz.  - Aucune concertation avec les partenaires sociaux ! (Protestations à droite) Cette façon de procéder est une marque de fabrique du président sortant. Nous devons mettre un coup d'arrêt à une pratique, l'exercice solitaire du pouvoir présidentiel, qui a affaibli la cohésion sociale dans notre pays. Assez ! Plus jamais ça ! Encore 76 jours... (Exclamations à droite)

Voix à droite.  - C'est du cinéma !

M. Michel Vergoz.  - La liberté des salariés s'arrête là où commence celle des passagers, avez-vous dit, monsieur le ministre. Pour moi, toute liberté s'organise aussi par un dialogue social responsable, respectueux, incontournable. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David, présidente de la commission.  - Les travaux de la commission des affaires sociales sont systématiquement mis en cause. La commission des affaires sociales du Sénat, majoritairement de gauche, présidée par une communiste, que cela vous plaise ou non, travaille comme elle l'a toujours fait, de manière aussi rigoureuse qu'avant. (Applaudissements à gauche) Il faudra vous y faire, je présiderai la commission jusqu'à la fin du mandat qui m'a été confié. Cette mise en cause me semble témoigner de la part de l'UMP d'une certaine effervescence, je me demande pourquoi...

Nous ne rejetons évidemment pas la proposition de loi parce qu'elle est d'origine parlementaire -nous dénonçons le détournement qui consiste à faire passer un texte gouvernemental par une proposition de loi pour s'affranchir des obligations en matière de dialogue social. (Applaudissements à gauche) Un protocole expérimental existe dans le Règlement intérieur des assemblées pour les propositions de loi touchant au droit du travail : les parlementaires doivent saisir les organisations syndicales préalablement à leur examen. Je l'ai mis moi-même en oeuvre trois fois.

M. Louis Nègre.  - Les syndicats ont été consultés.

Mme Annie David, présidente de la commission.  - Nous remettrions en cause le bicamérisme ? Combien de fois le Sénat de droite a-t-il dû adopter conformes et en urgence des projets de loi pour complaire au Gouvernement, quoi qu'il en ait eu ? Ne dites pas que la commission des affaires sociales conteste le travail parlementaire. Elle mérite d'être respectée, comme les autres.

M. Louis Nègre.  - Conformément à la tradition ! Personne ne vous attaque !

Mme Annie David, présidente de la commission.  - J'ai été personnellement mise deux fois en cause par vos collègues de l'UMP. Je demande que l'on respecte le travail des uns et des autres. Je demande que ces mises en cause cessent. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Le social, c'est le cadet de leur souci !

À la demande du groupe socialiste, la motion n°40 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l'adoption 175
Contre 168

Le Sénat a adopté.