Loi de finances pour 2012 (Suite)
M. le président. - Nous reprenons l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2012.
Relations avec les collectivités territoriales (Suite)
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. - À ceux qui croient que l'État peut toujours donner davantage, je dis qu'en période de crise, on ne pourra plus ouvrir les vannes. Et ce, quels que soient les résultats des élections à venir.
Malgré le contexte, la péréquation verticale progresse : augmentation de 4,6 % pour la DSU, même pourcentage pour la DSR. Si l'on y ajoute la DNP, on atteint 3 milliards pour le bloc communal. J'entends parler avec un certain lyrisme de la péréquation horizontale, mais pour le bloc communal, elle ne portera que sur 250 millions la première année.
La péréquation horizontale, c'est la recherche de l'équité. Voilà des années que vous la demandez ici.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - C'est la solidarité !
M. Philippe Richert, ministre. - En effet. Cela veut dire prendre à des collectivités dites riches pour donner à des collectivités dites fragiles -pour ne pas dire pauvres. L'an dernier, le Sénat a fixé l'échéance à 2012. (M. Benoît Huré le confirme) M. Jarlier lui-même refusait d'attendre 2013. L'AMF le demande. Le Gouvernement ne fait que mettre ces souhaits en musique.
Il faut d'abord regarder comment définir la « richesse ». Faut-il créer des strates démographiques ? La réponse est oui. À défaut, les blocs communaux les plus importants devraient consentir des contributions particulièrement lourdes et sans doute inéquitables. Sans strates, les plus de 200 000 habitants paieraient 93 millions dès 2012 ; avec, l'ensemble de la strate paierait 13 millions...
En outre, la stratification permet de tenir compte des charges particulières aux différents niveaux -je pense par exemple aux charges de centralité.
Quels sont les critères de la richesse communale ? Il faut d'abord agglomérer tous les revenus d'un territoire, ceux de l'intercommunalité et des communes membres. Qui sera bénéficiaire ? Quels critères de répartition retenir ? Je propose le potentiel financier, les revenus -notamment des ménages- et le taux de fiscalité, c'est-à-dire l'effort fiscal. Il est clair que les dépenses sociales sont dépendantes des revenus des foyers. Et il faut tenir compte de l'effort fiscal, car certaines communes riches peuvent se permettre des taux de 0,5 %...
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Juste !
M. Philippe Richert, ministre. - Nos simulations ont été soumises au CFL. Certains parlent de...
M. Dominique de Legge. - ...racket !
M. Philippe Richert, ministre. - En effet. Mais mon sentiment est que l'équité territoriale ne peut être atteinte par la seule péréquation verticale ; elle suppose une péréquation horizontale. Car les niveaux de richesse sont trop disparates, parfois entre territoires proches.
Le Gouvernement propose une démarche progressive : 250 millions la première année pour arriver au milliard en cinq ans ; des ajustements seront alors possibles.
Cher monsieur Collomb, la base du développement de l'intercommunalité est la solidarité. C'est bien le moins ! Cher ami, (marques d'amusement au centre et à droite) l'existence de territoires fragiles au sein de l'agglomération lyonnaise n'empêche pas celle-ci d'être plus riche que la moyenne de sa strate ! Même chose pour Dunkerque : son potentiel financier est de 50 % supérieur à la moyenne de la strate... Est-il illogique de lui demander un effort ? M. Huré dit qu'il faut prendre en compte la proportion des personnes âgées, le taux de chômage... Mais comme M. Sueur l'a bien dit, ce serait illisible !
Le plafonnement évitera toute ponction déraisonnable la première année. Faut-il le relever à 15 % ? Restons prudents. Sans doute peut-on pondérer différemment les trois critères ; dans certaines hypothèses, les communes bénéficiaires de la DSU seraient exonérées. La commission des finances propose de reporter l'entrée en vigueur du fonds en 2013. Mais pourquoi ne pas poursuivre le débat avec l'Assemblée nationale ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Personne ne songe à y mettre fin !
M. Philippe Richert, ministre. - Ne faisons pas attendre les collectivités qui ont besoin de la péréquation. Voilà la méthode constructive que je vous propose ! (Applaudissements sur les bancs UMP et UCR)
Article 32 (État B)
M. le président. - Amendement n°II-374, présenté par le Gouvernement.
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Concours financiers aux communes et groupements de communes |
64 805 |
64 805 |
||
Concours financiers aux départements |
1 697 942 |
1 697 942 |
||
Concours financiers aux régions |
10 766 230 |
10 766 230 |
||
Concours spécifiques et administration |
41 982 560 |
41 982 560 |
||
TOTAL |
54 511 537 |
54 511 537 |
||
SOLDE |
+ 54 511 537 |
+ 54 511 537 |
M. Philippe Richert, ministre. - Nous majorons de 54 511 537 euros les autorisations d'engagement et crédits de paiement de la mission afin de tenir compte des ajustements et transferts de compétences et de services aux collectivités territoriales, notamment pour la Nouvelle-Calédonie et les régions d'outre-mer.
M. François Marc, rapporteur spécial. - La commission des finances propose le rejet des crédits. L'amendement n'est pas critiquable en lui-même, mais nous ne pouvons y être favorables.
L'amendement n°II-374 n'est pas adopté.
Les crédits de la mission ne sont pas adoptés.
Article 34 (État D)
M. François Marc, rapporteur spécial. - La commission est favorable.
L'article 34 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°II-43, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances.
Avant l'article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les mécanismes de péréquation ont pour objectif le rapprochement progressif des ressources par habitant des collectivités territoriales. Ils conduisent à ce qu'aucune commune ou ensemble intercommunal n'ait, dans un délai de dix ans à compter de la publication de la présente loi, un indicateur de ressources élargi par habitant, corrigé par les dispositifs de péréquation horizontale, inférieur à 80 % de celui de sa strate démographique. Ce taux est fixé à 90 % pour les départements. Il est fixé à 95 % de l'indicateur de ressources fiscales par habitant, corrigé par les dispositifs de péréquation horizontale, pour les régions.
M. François Marc, rapporteur spécial. - Personne ici, monsieur le ministre, n'est hostile à la péréquation. Nous avons d'ailleurs maintenu l'objectif de un milliard pour 2016. Mais nous avons des interrogations techniques et nous inquiétons de possibles effets pervers. Vous nous avez remis samedi des simulations que nous réclamions depuis juin ; dans celles que nous avons reçues ce matin, il apparaît que si l'on modifie le critère de revenu, certaines communautés de communes qui reçoivent 600 000 euros ne percevraient plus rien ! D'où notre incompréhension...
Nous voulons muscler la péréquation verticale en fléchant 650 millions. Cet amendement fixe un objectif de réduction des inégalités à atteindre en dix ans. Dans ce délai, aucune commune ne devra présenter un indicateur de ressources élargi inférieur à 80 % de celui de sa strate démographique. Aujourd'hui, les niveaux de potentiel financier des communes varient de 1 à 1 000 ! Affichons un objectif ambitieux de réduction des inégalités !
M. le président. - Sous-amendement n°II-289 rectifié à l'amendement n°II-43 de M. Marc, au nom de la commission des finances, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier.
Amendement n° II-43, alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer le pourcentage :
80 %
par le pourcentage :
90 %
M. Pierre-Yves Collombat. - L'amendement aligne l'objectif fixé pour les communes sur celui des départements.
M. le président. - Sous-amendement n°II-343 rectifié à l'amendement n°II-43 de M. Marc, au nom de la commission des finances, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier.
Amendement n° II-43, alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer les mots :
de celui de sa strate démographique
par les mots :
du potentiel financier par habitant moyen, constaté à l'échelle nationale
M. Pierre-Yves Collombat. - Cet amendement est un peu plus corsé que le précédent ; il supprime la référence aux strates démographiques, qui revient à reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre ! En 2010, le potentiel fiscal par habitant des communes de moins de 5 000 habitants était trois fois moindre que celui des communes de plus de 200 000 habitants. Or les besoins de la population sont aujourd'hui les mêmes à la campagne et à la ville. Les charges de centralité sont largement compensées par celles de ruralité, liées à l'entretien de l'espace : les citadins sont bien heureux de venir s'ébattre dans les campagnes ! En outre, il y a aussi des recettes de centralité... (M. Claude Dilain applaudit)
M. le président. - Sous-amendement n°II-334 à l'amendement n°II-43 de M. Marc, au nom de la commission des finances, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.
Amendement n° II-43
Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
Les mécanismes de péréquation reposent également sur la répartition de ressources fiscales collectées au niveau national.
Mme Marie-France Beaufils. - Ce débat revêt cette année une importance particulière. Il y a deux ans, la réforme de la taxe professionnelle a inquiété. La question de la péréquation n'est guère plus simple. L'État baisse sa contribution au financement des collectivités territoriales et dans le même temps demande à celles-ci de s'entendre sur la péréquation horizontale... L'augmentation de la DSU et de la DSR n'est possible que par la baisse d'autres dotations au sein de l'enveloppe : c'est déjà de la péréquation.
La péréquation horizontale est un jeu à somme nulle. Ma propre commune ne serait pas lésée par le dispositif proposé. Mais voyez Saint-Ouen, dont le revenu moyen est équivalent à celui de ma commune -17 500 euros par habitant-, et dont la moitié de la population n'est pas imposable. Au bout de quatre ans, on prélèverait 7 % de son potentiel financier ! D'où cet amendement.
M. le président. - Sous-amendement n°II-241 rectifié à l'amendement n°II-43 de M. Marc, au nom de la commission des finances, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Soc-EELVr.
Amendement n° II-43
I. - Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Les objectifs de rapprochement progressif des ressources par habitant des collectivités territoriales, fixés au I, font l'objet d'une évaluation annuelle dans l'annexe au projet de loi de finances de l'année intitulée : « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales », prévue à l'article 108 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.
II. - En conséquence, alinéa 3
Faire précéder cet alinéa de la référence :
I. -
Mme Michèle André. - La RGPP a fait reculer partout les services publics, au point que de véritables déserts apparaissent. Les crédits de la politique de la ville régressent, l'État se désengage de la DSU. Qu'en est-il du « plan espoir banlieues » annoncé à grand fracas en 2007 ? Nos concitoyens se tournent vers les collectivités territoriales ; les plus fragiles sont dans l'incapacité de leur répondre. Les inégalités de richesse sont fortes. Une péréquation ambitieuse doit assurer l'accès aux services publics sur tous les territoires. Pour l'heure, les dotations de péréquation ne représentent que 17 % de la DGF.
L'amendement des rapporteurs spéciaux va dans le bon sens. Mais il faut évaluer chaque année le mécanisme.
M. le président. - Sous-amendement n°II-283 rectifié à l'amendement n°II-43 de M. Marc, au nom de la commission des finances, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Collin et Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Bertrand et C. Bourquin et Mme Escoffier.
Amendement n° II-43
Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
Avant le 1er janvier 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan d'étape de la réduction des inégalités financières entre collectivités territoriales. Ce rapport détermine les effets des mécanismes de péréquation par catégorie de collectivités au regard des objectifs fixés à l'alinéa précédent et rend compte des mesures nécessaires pour y parvenir. L'avis du Comité des finances locales est joint à ce rapport.
M. François Fortassin. - N'en restons pas aux bonnes intentions. Le délai de dix ans proposé par nos rapporteurs spéciaux est réaliste. Nous proposons une clause de revoyure en 2017. L'amendement est plus global que celui de la commission à l'article 58.
Les notions de péréquation et d'autonomie financière ne font pas bon ménage... Parfois, elles se télescopent, quand elles ne se contredisent pas !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Juste !
M. François Fortassin. - La solidarité territoriale est surtout un état d'esprit. Le critère des charges peut avoir des effets pervers. Je connais une ville de 20 000 habitants dont le budget est de 150 millions d'euros -la moitié du budget d'un département de 300 000 habitants... Elle a construit une patinoire, ce qui occasionne des charges ; mais c'est plutôt du luxe ! Les gens qui ont trois yachts et quatre résidences secondaires et prennent trois mois de vacances dans le Pacifique ont aussi beaucoup de charges, tant parfois que grâce au bouclier fiscal ils ne payent pas d'impôt... (Sourires)
M. François Marc, rapporteur spécial. - Merci à chacun de sa part active à ce débat. Néanmoins, la commission des finances s'est fixé une doctrine. Le sous-amendement n°II-289 rectifié est plus ambitieux que l'amendement de la commission ; pour atteindre l'objectif qu'il se donne, il faudrait plus de dix ans. Retrait.
Défavorable au sous-amendement n°II-343 rectifié : l'indicateur ne paraît pas discriminant. Le sous-amendement n°II-334, est-il utile ? Sagesse. Avis favorable aux sous-amendements nosII-241 rectifié et II-283 rectifié.
M. Philippe Richert, ministre. - M. le rapporteur spécial dit que si les critères sont différemment pondérés, les conséquences seront importantes pour certaines communes. Mais justement : il est normal de prendre mieux en compte les revenus, cela évite que les communes bénéficiaires de la DSU soient contributrices. On propose de réduire les écarts de ressources jusqu'à plus ou moins 20 %. Dunkerque a un potentiel financier supérieur à 50 % à la moyenne ; c'est dire l'effort à consentir !
Je préfère que la péréquation entre en vigueur rapidement. Fixer un objectif lointain nous ferait perdre du temps. Avis défavorable à l'amendement et aux sous-amendements.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur la bonne volonté de la Haute assemblée et l'esprit ouvert de tous nos collègues, à quelque formation qu'ils appartiennent.
Nos rapporteurs spéciaux expliqueront lors de l'examen de l'article 68 après quel débat libre et pluraliste et par quel cheminement la commission des finances en est arrivée à voter un amendement à l'unanimité, moins une abstention.
Un collègue s'est abstenu par déontologie personnelle, l'unanimité n'appartenant pas à sa culture personnelle.
Il n'y a pas lieu de suspecter le Sénat. Sensibles à ce sujet, nous savons, par expérience, qu'il faut du temps pour analyser les simulations : si nous nous trompons, nous le paierons pendant des années.
Nous sommes naturellement à votre disposition pour atteindre, cher monsieur Fortassin, le meilleur équilibre entre autonomie financière et solidarité !
M. Pierre-Yves Collombat. - Je maintiens mes sous-amendements.
M. Francis Delattre. - À la lecture des simulations, la banlieue est clairement mise en cause ! J'ose dire que vous mettez en difficulté les collectivités qui tentent de s'en sortir. J'ai appris que je gère une commune riche avec deux zones urbaines sensibles (ZUS) et un projet de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) !
Toutes les communes du Val-D'oise dans le même cas sont contributrices, sauf Montmorency qui est pourtant la commune la plus riche. La démonstration vaut pour d'autres départements comme le Val-de-Marne.
La dotation de solidarité d'Île-de-France, à laquelle j'ai travaillé en une autre enceinte avec M. Richard, se justifie quand 30 % des habitants de ma commune travaillent à la Défense. Pour autant, vous me demandez dès cette année une majoration de 2 % de ma fiscalité. De quoi décourager toute politique dans les quartiers ! Cette simulation est absolument aberrante quand nous travaillons, chaque jour, à ce que les choses s'améliorent.
M. Charles Guené. - Je voterai l'amendement n°II-43 bien que ce soit un voeu pieux... De fait, nous ne déterminons pas de plafond, contrairement aux Allemands.
M. François Marc, rapporteur spécial. - On s'occupe des pauvres !
M. Charles Guené. - Il faut plafonner dans le temps si l'on ne veut pas créer de bouclier fiscal bis pour les collectivités territoriales, comme je l'ai expliqué ce matin.
L'amendement introduit la notion intéressante d'indicateur de ressources élargi. Il faudrait, néanmoins, tenir compte de l'ensemble des ressources...
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - C'est ce que nous faisons !
M. Charles Guené. - Ne nous focalisons pas sur les strates,
Ce n'est pas le ministre qui assassine la banlieue, mais les critères retenus pour les simulations !
M. Gérard Collomb. - Merci à M. Marc d'accepter de repousser d'un an cette réforme pour que celle-ci repose, non sur un état d'esprit, mais sur de véritables simulations. Je suis de ceux qui doutent que celle-ci, en l'état actuel, atteigne l'objectif de réduction des inégalités. De fait, on taxerait les villes les plus puissantes économiquement, celles qui ont conservé un peu d'industrie. Mais, s'il y a un minimum garanti, les communes n'auront plus intérêt à attirer des industriels ! Ces villes ont souvent une population ouvrière, aux revenus faibles. Tenons-en compte !
Les philosophes et sociologues, beaucoup cités dans ce débat, rappellent que la grande précarité, la grande misère se concentrent dans les villes. J'ai dit ce que nous faisions dans l'agglomération lyonnaise. Peut-être vous souvenez-vous des incidents survenus lors de la réforme des retraites : des jeunes de banlieue étaient venus en centre-ville faire du grabuge. Nous travaillons à résoudre le problème de leurs quartiers. Ne brisons pas cet élan !
Au juste, le problème, rappelais-je à M. Dilain, tient à la mixité sociale. Les philosophes ont aussi écrit sur l'entre-soi. C'est la fracture spatiale qu'il faut résorber si nous voulons donner un avenir à notre pays.
M. Pierre-Yves Collombat. - L'amendement de la commission s'inspire du modèle allemand, tant à la mode aujourd'hui, alors qu'outre-Rhin, les collectivités territoriales sont dans une situation plus difficile que les nôtres. Elles financent leur fonctionnement à crédit...
M. Philippe Richert, ministre. - Ce qui montre la justesse de la politique du Gouvernement !
M. Pierre-Yves Collombat. - ...et la péréquation est moins forte. La situation est donc moins merveilleuse que sur le papier : en fait, on y donne d'une main ce que l'on reprend de l'autre.
C'est la même chose ici. Les strates démographiques réduisent considérablement la portée de la péréquation. Encore une fois, la sociologie rurale n'est pourtant pas si différente de la sociologie urbaine : entre 1962 et 1999, la population agricole est passée de 33 à 7 % dans les communes rurales. De plus, la centralité n'occasionne pas seulement des charges : on ne les évalue qu'en fonction des dépenses, ce qui n'est pas sérieux.
Donner plus aux pauvres sans prendre aux riches relève de la quadrature du cercle, et personne ne se risque à le proposer par peur du suicide politique : il paraît que c'est cela faire de la politique...
M. Philippe Dallier. - Monsieur le ministre, vous connaissez bien ce sujet pour avoir été sénateur et vous vous adressez à des sénateurs dont vous affirmez avoir mis en musique les propositions... Nous avons travaillé à l'aveugle, sans simulations. Nous en avons reçu certaines samedi ; d'autres circulent. Comment travailler dans ces conditions ? Mieux vaut ne pas voter. Comment vais-je expliquer aux maires de Seine-Saint-Denis que leurs communes contribueront au Fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (Fpic) ? À propos de l'amendement des rapporteurs spéciaux, M. Guené parle de voeu pieux, de pétition de principe. En effet, on nous propose un indicateur de ressources élargi dont personne ne connaît la définition...
À ressources équivalentes, où sont les plus pauvres ? Ceux qui payent un loyer de 700 euros pour 30 m² en région parisienne ou ceux qui bénéficient de logements moins chers ? Mesurer la richesse, c'est très complexe ! Le Fsrif, ma commune n'en est pas bénéficiaire. En revanche, elle reçoit un peu de DSU. Elle devrait cotiser au Fpic. Un délai d'un an au moins serait faire preuve de sagesse ! (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Je suis francilienne et solidaire de toute ma région. En 1990, nous avons créé le Fsrif. Alors, on parlait déjà de la péréquation que M. Dilain a si bien définie.
Un voeu pieux ? Attention aux mots : l'amendement n°II-43 est un engagement. Certes, il y a des problèmes techniques. Reste que nous ferons toujours des mécontents. Au sein du Fsrif, l'intercommunalité s'est révélée un moyen de ne pas payer. La péréquation, dans la réalité, est un choix politique. Pour reprendre une expression triviale, c'est au pied du mur que l'on voit le maçon !
Nous payons aujourd'hui les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle.
L'ancienne majorité du Sénat a accepté cette réforme qui a bouleversé tous les équilibres locaux. La nouvelle assume le rôle qui est le sien.
Les simulations transmises portent sur la restitution ; mais il faut aussi réfléchir en amont ! (M. Gérard Roche applaudit)
M. Philippe Richert, ministre. - Évidemment, la suppression de la taxe professionnelle a modifié la répartition des ressources. Mais elle a fait épargner 5 milliards aux entreprises. (« Très bien ! » à droite)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. - Financés sur le déficit !
M. Philippe Richert, ministre. - C'était indispensable pour restaurer notre compétitivité.
Le mode de calcul ? Nous proposons un potentiel financier agrégé et élargi. Peut-on imaginer d'emblée d'exclure une commune bénéficiaire de la DSU de la contribution au Fpic ? Non, car pensez aux communes qui accueillent une centrale nucléaire par exemple.
Mme Marie-France Beaufils. - Les communes industrielles ont accompli des efforts pour attirer les entrepreneurs.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très juste !
Mme Marie-France Beaufils. - Il ne faudrait pas les en décourager.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Raison pour laquelle nous avons territorialisé la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) !
Mme Marie-France Beaufils. - À l'examen des simulations il apparaît que les anciens agrégats éclatent. Il faut mobiliser pour la péréquation de nouvelles ressources, au niveau national. Et faire contribuer les entreprises financières !
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Après ce débat riche, rappelons l'objet de notre vote : la commission a fait un choix politique, celui de réduire les écarts de richesse. Rappelons que certaines communes de montagne ou ultramarines ont un potentiel financier proche de zéro quand il est de 2 700 euros à la Défense, voire de 3 000 euros dans certaines communes en raison de la présence d'ouvrages rares.
Ensuite, nous définissons un nouvel indicateur clair : l'indicateur de ressources élargi, bien identifié dans les articles que nous allons ensuite examiner.
M. Edmond Hervé. - Dans le sillage de Mme Bricq, disons que péréquation verticale et péréquation horizontale sont liées. Les collectivités territoriales ne peuvent demander à l'État un effort de solidarité sans en consentir un elles-mêmes.
Au risque de vous décevoir, je ne crois pas aux simulations. Il faut d'abord se mettre d'accord sur les principes, sur une philosophie politique.
M. Philippe Richert, ministre. - Très juste.
M. Edmond Hervé. - En 1992, dans l'agglomération rennaise, l'écart de taxe professionnelle par habitant allait de 1 à 60. En quatre ans, nous l'avons ramené de 1 à 4. La ville de Rennes n'y avait aucun intérêt, mais nous l'avons fait, le département a ainsi pu réduire certaines de ses interventions, entre autres pour le logement social puisque la ville y consacrait 40 millions.
Surtout, ce débat ne doit pas masquer un impératif essentiel : la révision des bases locatives. Franchement, calculer la richesse des communes sans en parler me paraît impossible ! (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Monsieur le ministre, vous avez été très pédagogique, ce qui nous a permis d'y voir plus clair. En revanche, la transmission tardive des simulations nous empêche de bien travailler.
Comment des communes bénéficiaires de la DSU peuvent-elles contribuer au Fpic ? Il aurait fallu mettre un peu d'ordre dans la péréquation verticale avant de s'attaquer à la péréquation horizontale. Mieux vaut un délai d'un an pour trouver les bons aménagements techniques qui entraîneront l'adhésion des collectivités territoriales.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Claude Dilain. - L'exigence de la péréquation est constitutionnelle. Mais pour quel objectif et selon quel modèle ? L'amendement n°II-43 fixe, enfin, un cadre.
S'agissant des simulations, tout le problème tient à ce que chacun s'emploie, ensuite, à payer le moins possible. Pour la DSU, tout le désordre est venu de là. (M. le ministre le confirme)
Parlons des principes !
Enfin, la péréquation ne passe pas uniquement par l'intercommunalité. Qui voudra se marier avec ma commune ? De plus, la solidarité n'est pas le fil rouge de toutes les intercommunalités.
M. François Fortassin. - Je vis un moment historique : tout le monde clame son attachement à la péréquation. Certains ont ce principe chevillé au corps ; d'autres sont plus tièdes.
C'est une affaire politique ; monsieur le ministre, ne restez pas en retrait !
M. Philippe Richert, ministre. - Quel culot ! C'est le Sénat qui demande un report d'un an !
L'amendement n°II-289 rectifié est adopté.
L'amendement n°II-343 rectifié n'est pas adopté.
Le sous-amendement n°II-334 est adopté.
Le sous-amendement n°II-241 rectifié est adopté.
Le sous-amendement n°II-283 rectifié est adopté.
L'amendement n°II-43, modifié, est adopté.