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Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
Engagement de la procédure accélérée
Désindustrialisation (Questions cribles thématiques)
SÉANCE
du mardi 15 novembre 2011
20e séance de la session ordinaire 2011-2012
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Hubert Falco.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Jean-Jacques Pignard. - Lors du scrutin sur l'ensemble du PLFSS pour 2012, Mme Goulet souhaitait voter pour, M. Guerriau contre ; ils ont été portés comme ne prenant pas part au vote.
M. le président. - Je vous donne acte de cette mise au point.
CMP (Nominations)
M. le président. - Le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du PLFSS pour 2012. En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance d'hier prennent effet.
Engagement de la procédure accélérée
M. le président. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi autorisant la ratification de l'accord monétaire entre la République française et l'Union européenne relatif au maintien de l'euro à Saint-Barthélemy, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Soirées étudiantes
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de la loi relative à la prévention et l'accompagnement pour l'organisation des soirées en lien avec le déroulement des études.
Discussion générale
M. Jean-Pierre Vial, auteur de la proposition de loi. - Pourquoi légiférer sur les soirées étudiantes ? Parce qu'il s'agit de santé publique, de respect de la personne et de protection des jeunes. Le binge drinking -ou « alcool défonce »- a envahi l'hexagone depuis quelques années. En 2010, Mme Pécresse a dû rappeler que le bizutage était strictement interdit ; elle a demandé un rapport à Mme Daoust, rectrice de l'académie de Poitiers.
Les ravages du binge drinking touche les jeunes Européens qui recherchent l'ébriété la plus rapide. Cette pratique entraîne des pratiques sexuelles à risques, des comas, des troubles comportementaux ou cognitifs, des accidents mortels ; elle est parfois hebdomadaire dans certains établissements. Selon l'OMS, quelque 55 000 jeunes Européens sont morts suite à une consommation excessive d'alcool ; un quart des jeunes hommes de 15 à 29 ans ont une consommation d'alcool à risque.
Pourquoi légiférer ? L'arsenal répressif existe : la loi Évin de 1991 a complété la loi Veil et la loi de 1998 érigé le bizutage en délit. S'agissant d'alcoolisme et de consommation de stupéfiants, les lois de 2007 et 2009 ont renforcé les sanctions et l'encadrement.
Mais la loi répressive est impuissante face à un phénomène nouveau car la prévention est plus efficace. Plusieurs pays européens s'y essaient, notamment l'Allemagne et les Pays-Bas. Le rapport Daoust plaide pour la pédagogie et la responsabilisation, via un régime déclaratif.
Certes, le binge drinking n'est pas réservé aux étudiants mais le cadre des études peut servir de prétexte pour organiser des soirées à risques. Et il faut être lucide sur le comportement de certains acteurs : certains fournisseurs de boissons incitent à la consommation en fournissant de l'alcool et en laissant une partie de la recette aux organisateurs des soirées.
La santé publique relève de la compétence des maires et des préfets. Mais les organisateurs de soirées ne doivent plus échapper à leurs responsabilités. L'éducation, l'avenir, la sécurité et la santé des étudiants sont en jeu. (Applaudissements au centre et sur les bancs UMP)
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois. - Le binge drinking est devenu un problème de société. Importée du nord de l'Europe, cette pratique s'est imposée dans les soirées d'étudiants, même si sa prégnance n'est pas telle qu'on le dit parfois. Une étude du Credoc de 2010 a montré que la moitié des organisateurs prévoient quatre ou cinq consommations d'alcool fort par participant, outre la consommation d'alcools moins puissants.
Aux effets immédiats -comas, violence et accidents divers- s'ajoutent les effets à long terme allant des lésions cérébrales à la dépendance avec, parfois, des suites létales. Des événements très divers sont en cause, des soirées aux galas en passant par des week-ends d'intégration. Lors d'un week-end réunissant 5 000 personnes, un étudiant s'est noyé dans un lac. Le point commun, c'est la volonté d'échapper au contrôle du chef d'établissement en organisant l'événement à l'extérieur.
Il faut reconnaître les efforts de prévention des associations, des mutuelles, des chefs d'établissements et même d'alcooliers, qui mettent à disposition des barmen refusant de servir des personnes « fatiguées » ; on peut citer la mise en place de navettes gratuites ou l'élaboration de chartes de bonnes pratiques, souvent financées par les Crous. Mais un tiers des soirées ne font encore l'objet d'aucune action de prévention. Beaucoup d'associations considèrent qu'elles n'en ont pas les moyens financiers ; l'une d'entre elles, bien connue, a proposé d'introduire une certification des organisateurs.
Le législateur s'est déjà penché sur la consommation excessive d'alcool et les dérives du bizutage. Notre législation est riche, de l'obligation de demander une licence temporaire de débit de boissons à l'interdiction des open bars et de la vente aux mineurs, outre, de façon plus traditionnelle, la répression de l'ivresse sur la voie publique et la prohibition de la conduite en état alcoolique. Le bizutage est interdit par la loi du 17 juin 1998. M. le ministre envisage le testing des soirées. Mais un quart des soirées comporte encore un open bar... Et les pratiques de bizutage existent encore -on l'a vu récemment à Paris-Dauphine. Il faut appliquer la législation existante.
Tout en jugeant la proposition de loi intéressante, la commission considère que la réflexion doit se poursuivre. Le texte s'inspire du rapport Daoust, qui préconise le testing -avec des sanctions en cas de non-respect de la législation, une approche intégrée au niveau des établissements, des actions de sensibilisation et de prévention, la responsabilisation des organisateurs par une déclaration au chef d'établissement, au maire ou au préfet du lieu d'organisation.
Inspirée par la loi de 2001 sur les rave parties, cette proposition prévoit un régime déclaratoire, une concertation et le droit, pour le préfet, d'interdire l'événement. La proposition de loi renvoie au décret pour les modalités, avec un régime proche de l'autorisation préalable. Cet encadrement n'est-il pas trop rigoureux ? Il faut trouver l'équilibre entre la liberté de réunion, le droit à la vie privée et la nécessité de réglementer ces soirées.
La notion de « rassemblement en lien avec le déroulement des études » est floue car ces soirées ont un caractère tantôt public, avec paiement d'un droit d'entrée, et tantôt privé. J'aurais préféré un régime de déclaration simple. Une des difficultés est de faire entrer tous les événements visés dans le champ du texte ; il faut distinguer les soirées rassemblant quelques dizaines d'étudiants ou plusieurs milliers.
En outre, à l'heure des réseaux sociaux, une soirée peut être organisée en quelques clics. Le lien avec les études est parfois difficile à prouver. Les quelque 4 000 établissements d'enseignement supérieur qui existent en France organisent près de 20 000 fêtes par an : faudra-t-il toutes les déclarer ? Sans parler des risques de contournement : ce qui est prohibé à Strasbourg peut être licite outre-Rhin...
Un texte trop brusque entraverait la concertation. Enfin, il ne faut pas stigmatiser les étudiants, qui ne sont pas les seuls concernés.
La proposition de loi porte sur un vrai problème. Elle contient de bonnes idées, comme la déclaration préalable au chef d'établissement, mais légiférer nous semble prématuré. Je vous proposerai donc le renvoi à la commission des lois, dont le président veut mettre en place un groupe de travail commun avec la commission des affaires sociales. (Applaudissements)
M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Merci à M. Vial, qui s'est saisi de ce sujet politique d'importance : il faut offrir aux étudiants un cadre qui ne mette pas en péril leur sécurité et qui préserve leur avenir. Il s'agit aussi de dignité : la fête suppose-t-elle l'avilissement ?
Nous disposons d'un cadre législatif fourni, qui n'est pas sans effet ; le nombre d'accidents a reculé. Il s'agit bien de protéger les étudiants, non de restaurer de façon absurde la prohibition ; un campus doit rester un lieu de convivialité. Mme Pécresse avait demandé un rapport à Mme Daoust. De mon côté, j'ai d'abord voulu mettre fin à l'omerta et à une complaisance parfois coupable des établissements, grâce à un système d'alerte associant numéro d'appel, cellule dédiée et espace internet.
En outre, j'ai souhaité responsabiliser les organisateurs en faisant procéder à des opérations de testing sur le terrain : a-t-on évité les sites non sécurisés, des navettes sont-elles organisées ? Ensuite, il faut alerter les étudiants contre les comportements addictifs à un moment crucial de leur existence. Enfin, je veux insister sur la nécessité d'une prévention contraignante ; en la matière, on ne peut faire grand-chose sans la loi. Je n'aime pas plus que vous la logorrhée législative mais il s'agit ici de droit dur. Les libertés d'association et de réunion sont en cause : le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État leur ont reconnu de longtemps un rôle fondamental.
Le régime déclaratif pose d'abord un problème de périmètre : quelles soirées seraient concernées ? Il faut aussi se demander à qui les soirées doivent être déclarées. Ces points, parmi d'autres, méritent d'être approfondis.
Cette proposition de loi va dans un très bon sens. Je fais confiance au Parlement. Il est important d'avancer : la convivialité ne doit pas servir d'alibi aux débordements ; il faut préserver la première et prévenir les seconds. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Léonce Dupont. - Photos prises lors d'un week-end d'intégration de jeunes filles nues publiées sur internet, scarification d'un étudiant à Dauphine : le bizutage perdure sous des formes diverses. La peur des victimes s'accompagne parfois d'une complaisance des établissements. La législation interdit pourtant les actes dégradants, même si la victime est consentante car on sait que l'effet de groupe fait perdre le sentiment de responsabilité individuelle et inhibe le sens critique. S'ils refusent de jouer le jeu, les nouveaux craignent la mise à l'écart ou d'apparaître comme des dégonflés.
Le ministre a appelé à la fermeté, mais les débordements existent, presque toujours associés à l'alcoolisation ou à la consommation de produits illicites. Le binge drinking devenu phénomène de mode séduit jusqu'aux collégiens. « On devient potes parce qu'on a vomi ensemble » lit-on sur internet.
Sur la base du rapport Daoust et de la législation relative aux rave parties, la proposition de loi instaure un régime de déclaration préalable. Pour les rave parties, la loi a permis des actions de prévention, de même qu'un encadrement sanitaire et sécuritaire, mais certains événements ne sont pas déclarés. Je doute qu'un tel régime soit adapté aux soirées d'étudiants. Combien de fonctionnaires faudra-t-il mobiliser pour 200 à 400 soirées par semaine ? La responsabilisation et la prévention sont à privilégier, d'autant que l'interdiction peut avoir l'effet inverse à celui recherché. Il faut faire appel à l'intelligence des étudiants, dont la plupart sont majeurs. Ce sujet mérite une réflexion approfondie : je voterai le renvoi en commission. (Applaudissements)
Mme Corinne Bouchoux. - Certains jeunes ont un vrai problème d'alcool mais la moitié des comas éthyliques concernent des lycéens ou des collégiens, non des étudiants. Oui, le binge drinking est détestable ; oui, depuis vingt ans, les politiques ont pris la mesure du problème ; oui, l'arsenal législatif existe, difficile à appliquer cependant, auquel il faut ajouter les mesures gouvernementales.
La proposition de loi serait difficile à appliquer aux 20 000 soirées étudiantes chaque année. La plupart des étudiants étant majeurs, ne les traitons pas comme des mineurs, voire des enfants. Quid du reste de la jeunesse ? Les jeunes travailleurs, chômeurs ou SDF sont aussi concernés.
En l'état, ce texte attente de manière disproportionnée à la liberté de réunion. Comment peut-on obliger à déclarer une soirée privée dans un lieu privé, dont le lien avec les études est ténu ?
L'alcoolisation rapide des jeunes est un symptôme ; il faut en combattre les causes. Nous faisons le pari de la prévention, de la coopération avec les associations et mutuelles étudiantes. La prévention a un coût : où est le volet financier du texte ?
Les soirées n'ont plus lieu dans les établissements. Il faut les y faire revenir car le code de l'éducation et les règlements intérieurs suffisent. Il faut aussi mieux comprendre le malaise de la jeunesse et voir comment renforcer la prévention. Enfin, il est important de s'adresser à tous les jeunes. Ce qu'ils veulent, c'est d'abord un emploi : il faut développer en particulier les emplois verts, qui sont ceux de demain. Un renvoi en commission permettrait une réflexion plus mûre. (Applaudissements au centre et à gauche)
Mme Éliane Assassi. - Nous sommes tous préoccupés par les excès qui ont lieu lors de certaines soirées étudiantes : à Paris-Dauphine, la semaine dernière, un étudiant s'est fait scarifier sur le dos les initiales d'une association avec des capsules de bouteille... Nous condamnons avec force ces débordements, comme nous condamnons ceux qui transforment ces soirées en lieux de pratiques violentes sur les nouveaux entrants.
Le bizutage, considéré par les uns comme un simple rite de passage, est jugé barbare et totalitaire par les autres. Le sociologue René Dubos estime que c'est le signe d'un échec de l'école et le point d'ancrage de la pensée totalitaire.
Les violences physiques et les débordements sexuels liés aux études sont plutôt rares mais ils existent. Quelle est l'utilité de cette proposition de loi ? Notre rôle n'est pas d'interdire mais d'accompagner et d'encadrer les soirées à risques pour qu'elles ne deviennent pas des occasions de soumission ou de violence. Bizutage et agressions sexuelles sont déjà réprimés par la loi. Elle interdit de faire commettre des actes dégradants ou humiliants, même si la personne est consentante. La loi Évin encadre à juste titre la consommation d'alcool.
Cependant, les pratiques violentes persistent. Pourrions-nous les éradiquer grâce à une nouvelle loi ? Le croire, ce serait une naïveté ou une tentation liberticide. La proposition de loi traduit en effet la tentation d'interdire les soirées d'étudiants. Heureusement, les fêtes d'intégration sont habituellement inoffensives. Ne décourageons pas ceux qui agissent pour la prévention.
Repoussant ce texte liberticide, nous voterons le renvoi en commission, en espérant que le groupe de travail avec la commission des affaires sociales nous permettra de mieux appréhender les causes de comportements dangereux pour autrui et pour soi-même. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre-Yves Collombat. - Cette proposition de loi concerne un problème réel : l'utilisation de l'alcool comme une drogue par de jeunes adultes et adolescents. Je le vois aussi dans ma commune de 2 500 habitants. L'ivresse, ici, est le but poursuivi. Pour distinguer l'usage solitaire de la drogue de l'usage festif de l'alcool, Claude Olievenstein disait n'avoir jamais rencontré de drogué qui levât sa seringue à la santé de quelqu'un.
Mais la solution proposée est-elle la bonne ? Probablement pas, d'autant que l'arsenal législatif est abondant. Le texte ne vise que les rassemblements festifs d'étudiants alors que le problème est plus large ; les organisateurs ne sont pas nécessairement les premiers responsables. Alors que les rave parties et les fêtes techno exigent l'emploi d'un volumineux matériel, dans ces soirées, il suffit de venir avec ses bouteilles. Il s'agit d'un problème de société très profond.
A l'occasion du colloque organisé pour le 50e anniversaire du centre Marmottan, un orateur a rappelé que les addictions étaient favorisées par une société d'hyperconsommation qui présente le bonheur comme la possession d'objet de consommation.
Je voterai donc le renvoi en commission, qui n'est pas un enterrement de première classe...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Absolument.
M. Pierre-Yves Collombat. - ...car il s'agit d'un vrai problème. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Léonard. - Merci, monsieur Vial, pour cette proposition de loi qui s'attaque à un véritable problème. Je l'ai cosignée par souci de la sécurité et de la santé publiques. On constate une augmentation très inquiétante de la consommation d'alcool par les étudiants et les étudiantes.
Le volontarisme de la lutte contre le tabagisme n'a pas d'équivalent s'agissant de l'alcoolisation, qu'elle ait lieu dans les établissements ou à l'extérieur. La responsabilité du doyen peut être mise en cause face à un incident survenu dans les locaux universitaires, comme à l'extérieur.
Les soirées dont nous parlons comportent une dimension initiatique, malgré la loi contre le bizutage. Comme les fabricants de tabac autrefois, les fabricants de boissons alcoolisées trouvent parmi les jeunes leurs futurs clients, mais il est plus facile de surmonter l'addiction au tabac que celle à l'alcool.
Espérons que ce texte permette de mieux protéger notre jeunesse. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Reichardt, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi relative à la prévention et l'accompagnement pour l'organisation des soirées en lien avec le déroulement des études.
M. André Reichardt, rapporteur. - Cette motion me paraît suffisamment justifiée par le rapport et le contenu des diverses interventions.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Tous les intervenants ont souligné la réalité du problème abordé par la proposition de loi, dont je remercie l'auteur. Le renvoi en commission a été voté à l'unanimité ; le sujet est sérieux et grave. Nous devons en examiner les causes et les remèdes, nous pencher sur la responsabilité de chacun.
Le vote du renvoi en commission ne signifiera pas que nous nous dessaisissions : nous proposons à la commission des affaires sociales de constituer un groupe de travail dont la vocation sera de formuler des propositions dans deux ou trois mois.
Il faut apporter des réponses concrètes à un problème complexe, grave et préoccupant.
M. Laurent Wauquiez, ministre. - Je reconnais ici la qualité du débat au Sénat. Je suis très déterminé sur ce sujet. Très ouvert à une réflexion commune avec le groupe de travail sénatorial, je souhaite vivement que le renvoi en commission ne soit pas synonyme d'enterrement.
Le passage par la loi est inévitable pour certaines mesures mais j'utiliserai sans tarder les outils réglementaires à ma disposition.
La motion n°1 est adoptée.
En conséquence, la proposition de loi est renvoyée en commission.
La séance est suspendue à 15 h 50.
*
* *
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 17 heures.
Désindustrialisation (Questions cribles thématiques)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la désindustrialisation.
M. Martial Bourquin. - On annonce 4 000 suppressions d'emploi à PSA en France, 6 000 en Europe. Des problèmes analogues se posent dans le raffinage, à Dunkerque, près de l'étang de Berre, ainsi que dans de nombreuses PME. Nous sommes entrés dans une nouvelle étape de la désindustrialisation. Que fait le Gouvernement ? Il mise surtout sur les grandes multinationales, oubliant les PME. La désindustrialisation n'est pas une fatalité : voyez l'industrie allemande, qui affiche une santé insolente. Nous n'avons plus de politique industrielle ! A Sochaux, l'annonce de PSA a créé un émoi considérable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - Nous mettons en oeuvre les 23 mesures issues des états généraux de l'industrie, qui ont associé industriels et partenaires sociaux. Une première semaine de l'industrie a ouvert les portes. Nous promouvons le « fabriqué en France ». Nous nommons, en la personne de M. Yvon Jacob, un ambassadeur de l'industrie, chargé, entre autres, de travailler sur la réciprocité commerciale. M. Baroin et moi-même fixons des objectifs aux entreprises publiques.
Le soutien de 200 millions d'euros accordé aux PME a encouragé l'investissement et l'emploi depuis 2010. Douze comités stratégiques de filières ont été créés. France Brevet, le remboursement immédiat du crédit impôt recherche, la suppression de la taxe professionnelle (rires à gauche) : autant de mesures d'encouragement. Et nous allons transformer le livret de développement durable en « livret de développement industriel durable ».
M. Martial Bourquin. - Tant la taxe professionnelle que l'impôt sur les sociétés diffèrent considérablement selon qu'on est une PME ou une multinationale. Les cadeaux fiscaux accordés aux grandes entreprises n'ont aucune contrepartie. La France n'a plus de politique industrielle ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Les grands groupes prennent l'argent puis vont s'installer ailleurs, en oubliant le territoire national. Nous avons besoin d'un patriotisme économique ! (Applaudissements à gauche)
Mme Évelyne Didier. - La sidérurgie est en cours de démantèlement en France et en Europe : ArcelorMittal délocalise, alors que le groupe dégage des milliards de bénéfices. Neuf hauts fourneaux européens sont à l'arrêt en 2011 alors que le groupe a dégagé un profit net de 3,5 milliards d'euros durant les neuf premiers mois de l'année 2011 et qu'il a promis un milliard de plus en 2012 à ses actionnaires. A l'annonce de l'arrêt du haut fourneau de Florange, des centaines de travailleurs sont plongés dans l'angoisse, 405 intérimaires et 350 cotraitants sont remerciés, 600 salariés au chômage technique, 160 fournisseurs et sous-traitants menacés. Aucune visibilité. Aucune date de reprise.
Une autre politique industrielle s'impose. Les délocalisations dans la sidérurgie vont accélérer les délocalisations dans la métallurgie. Certains se raccrochent au projet Ulcos de captage et de stockage du CO2. N'est-ce pas d'abord un projet destiné à augmenter la productivité de la filière acier au bénéfice d'ArcelorMittal avec l'argent public ? L'Europe est-elle prête à investir dans un outil qui fonctionnerait six mois dans l'année ? Que fait le Gouvernement ? (Applaudissements à gauche)
M. Éric Besson, ministre. - La sidérurgie emploie 50 000 personnes en France. ArcelorMittal s'est engagée à ne pas fermer le haut-fourneau de Florange -pourquoi, sinon, y investir 50 millions ? Le projet de captage de CO2 est prometteur. Nous lui consacrons 150 millions d'euros au titre des investissements d'avenir. Je suis allé à Bruxelles pour obtenir des financements européens, à concurrence de 250 millions d'euros. A Gandrange, les salariés ont été reclassés à 99 %. ArcelorMittal finance une convention de revitalisation. Les engagements du président de la République sont tenus.
M. Éric Bocquet. - Cette réponse n'est pas à la hauteur des enjeux : 600 000 emplois ont été supprimés dans la sidérurgie ces dernières années. La recherche du profit à court terme débouche sur la délocalisation. En France, 16 % du PIB provient de l'industrie, contre 30 % en Allemagne. Il est temps de réagir ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Qui, comme moi, parcourt la France constate le saccage de notre industrie, en Picardie, en Lorraine -où 80 000 emplois industriels sont supprimés tandis que 90 000 Lorrains vont travailler dans des banques luxembourgeoises. A Sochaux, Peugeot supprime 4 000 emplois.
La surévaluation de l'euro joue un rôle essentiel dans cette désindustrialisation. La question du change a toujours été occultée par les partisans de la monnaie forte. Malgré la crise, l'euro est à 1,37 dollar, 20 % au-dessous de sa parité initiale. Résultat, la part de l'industrie française dans la valeur ajoutée ne cesse de baisser pour ne plus représenter plus que 13 % de l'emploi en France, soit 3 millions de personnes contre 5,5 il y a trente ans. Une monnaie est faite par un pays !
Au début de son mandat, M. Sarkozy avait des mots forts contre un euro trop cher. Que fait son Gouvernement pour rendre notre monnaie moins chère ? Et pour faire réviser les statuts de la Banque centrale européenne ?
M. Éric Besson, ministre. - Oui, l'industrie a vu reculer sa part dans l'emploi et la valeur ajoutée, mais ne cédons pas au déclinisme. Pas vous ! L'industrie française occupe toujours le deuxième rang européen, le cinquième mondial. Plus de 360 créations ou extensions d'usines ont eu lieu cette année.
Nos problèmes de compétitivité ne sont pas dus entièrement à l'euro, qui s'est déprécié de 18 % depuis 2008. Sa parité n'empêche pas certaines entreprises d'exporter : voyez Airbus, qui a 4 000 avions à livrer. Certes, il faut protéger notre industrie de toute guerre des changes. Nous le faisons. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Ne vous leurrez pas : le déclin est là !
M. Joël Guerriau. - A qui la faute ?
M. Jean-Pierre Chevènement. - Oui, je sais que le choix de la monnaie forte est ancien. Mais le déclin s'accélère.
M. Tchuruk voulait une France sans usine. Mais c'est la fin de la France ! Je voudrais que vous soyez conscients que, sans une monnaie moins chère, c'en est fini de la France !
M. Jean-Pierre Vial. - L'industrie recule dans le PIB, malgré des entreprises dynamiques, par exemple dans le domaine des énergies propres. La région Rhône-Alpes est un territoire d'excellence pour le solaire. Si Photowatt vient de franchir une étape difficile, la filière se montre un acteur de niveau mondial dans le solaire par concentration et avec la récente vente d'une usine clé en main par un consortium français face à une compétition allemande et japonaise. Je pourrais aussi évoquer le succès international de la société Fonroche à Agen.
En Savoie, le président de la République s'est engagé, le 9 juin 2009, à diminuer de 20 % les émissions de gaz à effets de serre et à ce que, pour un euro pour le nucléaire, soit dépensé le même euro pour l'énergie propre. Or la France reste très en retard en la matière.
Ne peut-on instaurer une norme environnementale propre à sélectionner les équipements vendus en fonction de leur qualité et des garanties offertes ?
Ne peut-on soutenir la filière industrielle française du solaire, qu'il soit thermique, photovoltaïque ou par concentration, dans le cadre du plan de relance du grand emprunt ?
M. Éric Besson, ministre. - Nous avons voulu rendre soutenable la politique en faveur du secteur photovoltaïque. Dans l'appel d'offres sur les installations de plus de 250 kW, cette énergie représente 15 à 20 %. Un label a été créé pour soutenir la filière française. Quatre lots sont dédiés à des technologies innovantes. Des instituts d'excellence en énergie décarbonnée doivent être créés. J'ai conduit des chefs d'entreprises à l'étranger pour faciliter leurs démarches à l'export.
M. Jean-Pierre Vial. - Je connais votre engagement : l'administration doit faire de la qualité environnementale une exigence : c'est un avantage compétitif des entreprises françaises. Merci d'aider la filière photovoltaïque française à exporter.
M. Christian Namy. - Le déclin de l'emploi industriel est dû à un manque de compétitivité. En outre, nous peinons à implanter des industries nouvelles. Les friches commencent à être valorisées. La dépollution des sols est cruciale pour l'implantation d'activités nouvelles. Votre ministère a déployé 210 millions pour accompagner les projets de réindustrialisation d'ici 2013, mais les collectivités semblent déçues. Quels correctifs comptez-vous apporter ?
M. Éric Besson, ministre. - L'aide à la réindustrialisation est effectivement une mesure-phare de l'aide de l'État à l'industrie. Plus de 1 000 emplois ont été ainsi créés un peu partout sur le territoire, de Dreux à la Haute-Savoie et à la Marne.
Huit autres dossiers seront bientôt finalisés, pour 120 millions d'investissement et plus de 500 emplois. Notre objectif est au total d'accompagner 40 projets générant 400 millions d'investissement et la création de 2 000 emplois ; à mi-parcours, nous avons déjà soutenu 20 projets, pour plus de 350 millions d'investissement et 1 500 emplois, dans des bassins d'emploi qui en avaient bien besoin. On peut toujours améliorer le dispositif mais nos objectifs seront probablement dépassés.
Mme Josette Durrieu. - Je suis solidaire des salariés de PSA.
Les Hautes-Pyrénées ont perdu plus de 10 000 emplois en dix ans. Leur réindustrialisation est un vrai défi. Pour le relever, nous encourageons la recherche : les collectivités ont financé des projets d'investissement dans les pôles de compétitivité. Que faites-vous pour les aider ? Les sociétés gestionnaires font des bénéfices mais n'investissent pas ; les OPA sont une menace réelle.
Le conseil général achève l'équipement intégral du département en haut et très haut débit, pour un coût de 29 millions. Sans un euro de l'État -c'est invraisemblable ! Où sont passés les 750 millions destinés à l'équipement des zones peu denses ? Que faites-vous pour les territoires abandonnés ? Les efforts des collectivités seraient-ils vains ? (Applaudissements à gauche)
M. Éric Besson, ministre. - Plus de 6 milliards de financement public ont été mobilisés depuis 2005 en faveur des pôles de compétitivité.
Notre pays est dans le peloton de tête pour le très haut débit en Europe. Nous nous réjouissons de l'accord conclu par Orange et SFR, qui se sont engagés à couvrir 60 % de la population dans les dix ans. Dans les zones de carence de l'initiative privée, les collectivités locales agissent ; un premier guichet à hauteur de 900 millions est ouvert depuis juillet 2011 ; j'espère la sélection de trois projets d'ici la fin de l'année et douze en 2012. C'est vrai qu'il a fallu un peu de temps, mais le Gouvernement est tenu par le droit européen. Pour les zones très reculées, la solution est satellitaire ; nous consacrons 40 milliards des investissements d'avenir à améliorer la technologie.
La loi relative à la fracture numérique permet aux collectivités de demander aux opérateurs des informations sur les réseaux déployés. Le décret d'application de janvier 2009 a été annulé par le Conseil d'État mais une nouvelle version, fondée sur la loi du 22 mars 2011, sera publiée prochainement. Je vais bientôt saisir l'Arcep et la commission consultative des communications électroniques.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Les collectivités territoriales investissent sur leur territoire, souvent hors compétence. Pourquoi ne sont-elles jamais informées sur la situation de l'industrie dans nos pays ? Pourquoi, par exemple, les élus de Haute-Garonne et de Midi-Pyrénées ne le sont-ils pas de la situation de l'aéronautique ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Chatillon. - La mission sénatoriale sur la réindustrialisation a formulé en avril dernier 17 propositions pour redynamiser le tissu industriel et accompagner les PME. Combien en avez-vous examiné ? Combien ont été mises en application ?
M. Éric Besson, ministre. - Répondre en deux minutes à une question extrêmement large et entendre une réplique portant sur un autre sujet sans pouvoir y répondre est un exercice un peu compliqué, monsieur Mirassou...
Ces 17 propositions sont en cohérence avec la politique du Gouvernement. Certaines sont déjà en application, la sécurité et la confidentialité des données stratégiques -un texte législatif est en cours d'élaboration- ou la création d'identités géographiques protégées. Toutes seront mises en oeuvre ; je vous invite à venir les présenter lors d'une des prochaines séances plénières de la Conférence nationale de l'industrie.
M. Alain Chatillon. - Notre balance commerciale est déficitaire de 50 milliards, celle de l'Allemagne excédentaire de plus de 200 milliards. Outre qu'il est indispensable d'accompagner nos entreprises, il faut convoquer un Grenelle des banques ; en zone rurale, nous ne trouvons plus de banquier ! Certains d'entre eux mettent de trois à six mois à répondre à une demande de crédit de trésorerie ; autant dire qu'alors, le problème est réglé... (Applaudissements à droite)
M. Philippe Leroy. - La question de M. Chevènement ne doit pas être jetée aux oubliettes ; l'euro fort handicape notre industrie.
S'agissant de la Lorraine, je ne partage pas l'avis de notre camarade Mme Didier sur l'action du Gouvernement ces dernières années. Merci, monsieur le ministre, pour votre engagement en faveur de la sidérurgie. Nous sommes encore vivants en Moselle grâce à l'action forte du Gouvernement. Je peux en témoigner.
Monsieur le ministre, je vous demande d'agir avec Total comme vous l'avez fait avec ArcelorMittal : on peut craindre des délocalisations massives de la chimie européenne et mosellane si son approvisionnement n'est pas sécurisé. Qu'en est-il des projets d'alimentation des entreprises par gazoduc ?
M. Éric Besson, ministre. - Je n'ai pas écarté la question de fond posée par M. Chevènement mais suggéré que tous les problèmes de compétitivité ne sont pas imputables au niveau de l'euro. Je ne conteste pas qu'il faille des ajustements -le président de la République s'efforce précisément de changer les règles du jeu du système international des changes.
Merci d'avoir rappelé notre action sur le site de Florange. S'agissant de l'approvisionnement de la chimie, le rapport de M. Loos a conclu à l'intérêt du raccordement au réseau européen ; l'étude de faisabilité financée par les industriels a confirmé un investissement de 156 millions d'euros pour deux canalisations éthylène et propylène. Avant tout financement public, j'ai sollicité les principaux chimistes pour savoir s'ils souhaitaient participer au projet. Il faudra s'assurer que le site de Carling n'est pas menacé.
M. Philippe Leroy. - Je ne doute pas de votre engagement. Je souhaite que le groupe Total soit pressé par le Gouvernement de participer à ce projet européen de pipeline. Il faut forcer la vapeur, il y va de nos industries plastiques dans toute l'Europe.
La séance est suspendue à 18 h 50.
*
* *
présidence de M. Charles Guené,vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
CMP (Désaccord)
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
M. Michel Delebarre. - Surprenant !
Article 68 de la Constitution
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la constitution.
Discussion générale
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - C'est la deuxième fois que je vous présente cette proposition de loi organique déposée avec M. Badinter, à qui je rends hommage.
Pourquoi l'ancienne majorité s'y oppose-t-elle encore ? (Protestations à droite)
La loi constitutionnelle de février 2007 a modifié les articles 67 et 68 relatifs au statut pénal et à la responsabilité politique du président de la République. Parmi les démocraties dites avancées, le président de la République français est le seul chef d'État qui n'ait pas à rendre compte d'actes délictueux ou incompatibles avec ses devoirs.
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est l'article 67 !
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - La Constitution dispose qu'une loi organique fixe les modalités de la destitution du président de la République.
Plus de quatre ans après, le Gouvernement n'a toujours pas fait déposer de projet de loi organique.
M. Jean-Jacques Hyest et M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - C'est faux !
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - En 2010, M. Hyest disait qu'il reprendrait lui-même notre texte si le projet gouvernemental n'était pas déposé rapidement. Le Gouvernement a certes déposé un texte depuis un an sur le bureau de l'Assemblée nationale mais sans l'avoir inscrit à l'ordre du jour.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Ce sera fait demain matin. (Rires ironiques à gauche où l'on évoque une « coïncidence »)
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - Tant mieux : notre initiative a fait avancer les choses ! (Applaudissements à gauche)
Nous voulons seulement faire respecter l'équilibre de nos institutions. Le président de la République actuel n'est pas en cause : seule la fonction est visée ici. Nous voulons appliquer la Constitution, rien que la Constitution mais toute la Constitution.
Loin de vouloir imposer son point de vue, la majorité sénatoriale a voulu rapprocher son texte de celui du Gouvernement...
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Qui existe donc !
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - ...dans un esprit républicain. La révision du titre du titre IX de la Constitution est issue des travaux de la commission Avril, nommée par M. Chirac en 2002.
La responsabilité du président de la République relève de la politique. Elle doit faire l'objet d'une procédure politique. J'appelle de mes voeux une révision du statut pénal du chef de l'État, mais il ne s'agit ici que de la destitution dans le cadre de l'article 68 de la Constitution. Nous voulons combler un vide juridique extraordinaire, qui organise l'irresponsabilité totale du chef de l'Etat.
M. Patrice Gélard. - Mais non !
M. François Patriat. - La destitution est une procédure dépénalisée : la Haute cour se prononcera seulement sur la préservation de la dignité de la fonction. Non seulement le chef de l'État est irresponsable des actes accomplis dans le cadre de ses fonctions mais il est également inviolable, c'est-à-dire qu'il ne peut faire l'objet d'une procédure judiciaire pendant son mandat. Mais lui peut se porter partie civile !
La révision de 2007 a été votée ; elle doit s'appliquer. Pourquoi craindre aujourd'hui plus qu'hier une destitution qui restera nécessairement exceptionnelle ? Notre position n'est pas spécifique au groupe socialiste. J'aimerais recueillir l'adhésion de l'ensemble du Sénat pour consolider nos institutions.
Je m'interroge sur l'opposition d'une partie d'entre vous : combler ce vide juridique honorerait notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois. - Deux articles de la Constitution traitent du statut juridictionnel du chef de l'État.
M. Patrice Gélard. - Quatre !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Deux au moins : l'article 67 organise l'immunité pénale du chef de l'État.
M. Jean-Jacques Hyest. - L'immunité juridictionnelle !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Vous avez raison. L'application de cet article pose problème : nous respectons la décision de la cour d'appel à propos des sondages de l'Élysée mais nous nous interrogeons. Que le président de la République bénéficie pendant son mandat d'une immunité juridictionnelle, soit. Mais pourquoi ses collaborateurs ? Une conception trop extensive serait préjudiciable.
M. Jean-Jacques Hyest. - Hors sujet !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Les fonctionnaires de l'Élysée ne sont-ils pas tenus de respecter le code des marchés publics ? Toute personne en contact avec le chef de l'État est-elle protégée par son immunité ?
J'en viens à l'objet du texte (on se réjouit à droite) : l'article 68. M. Badinter a fortement critiqué cet article mais, puisqu'il a été voté, il serait incompréhensible qu'il ne s'appliquât point. Or, depuis près de cinq ans, nous attendons toujours la loi organique le permettant. MM. Patriat et Badinter ont donc déposé une proposition de loi qui fut renvoyée en commission. M. Hyest a dit qu'il n'accepterait pas d'attendre trop longtemps. Le Gouvernement a finalement déposé un projet de loi qu'il n'a pas encore inscrit à l'ordre du jour. Nous avons donc décidé d'inscrire cette proposition de loi...
J'entends déjà les arguments de l'opposition : il serait inopportun d'examiner une proposition de loi puisqu'il existe un projet de loi. Mais la Constitution n'établit aucune hiérarchie entre proposition de loi et projet de loi !
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - Très juste !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Nous demandons seulement l'application de la Constitution : le Gouvernement appréciera que nous facilitions sa tâche.
Cette proposition de loi était déjà très bonne mais nous avons profité du projet de loi pour l'améliorer encore. En cas de « manquements manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat », le président de la République peut être destitué par la Haute cour. Se pose le problème de la saisine. Nous avions pensé ouvrir ce droit à 60 sénateurs ou 60 députés ; le Gouvernement a opté pour un dixième des membres d'une assemblée : c'est plus protecteur des droits du Parlement.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Et du Sénat !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Nous nous sommes donc ralliés à cette rédaction.
Le projet du Gouvernement comporte un filtre opéré par les commissions des lois : cela nous paraît inutile. Si un certain nombre de parlementaires décident d'engager une procédure aussi grave, le motif sera nécessairement sérieux. La Haute cour doit donc se prononcer.
Pour ce qui est des délais de transmission, nous avons repris les dispositions du projet de loi. Idem pour la composition du bureau de la Haute cour. Quant à la commission qui procédera en quelque sorte à l'instruction, les deux textes disposaient que ses membres devraient appartenir au bureau, voire être vice-présidents d'une des assemblées. Pour quelle raison ?
Nous avons préféré une commission de vingt membres, désignés à la proportionnelle au plus fort reste, dans le respect du pluralisme et totalement paritaire.
Reste à savoir si le président de la République peut s'exprimer devant la Haute cour ou sa commission. A notre sens, la commission doit pouvoir demander à l'entendre, sans pouvoir le contraindre. Il nous paraît aussi légitime que le président de la République puisse demander à être entendu. Son conseil pourra s'exprimer en sa présence, non à sa place.
J'espère vous avoir convaincus. (Marques de dénégation à droite) Encore une fois, une proposition de loi a la même dignité qu'un projet de loi ! Le texte que nous vous proposons retient le meilleur de la proposition de loi initiale et du projet de loi. Pourquoi ne pas le voter ? Il faut mettre fin à cette situation bizarre : un mandat présidentiel entier sans que le chef de l'État n'ait été aucunement responsable. Nous voulons des mesures simples et pratiques.
M. Jean-Jacques Hyest. - Mais vous en avez fait un monstre !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - J'espère que ce texte sera voté, ce qui nous évitera d'attendre encore, pour des raisons de susceptibilité.
Mme Catherine Troendle. - Susceptibilité ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Nous attendons depuis cinq ans. Cela n'a que trop duré. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à gauche)
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - L'article 68 de la Constitution est issu de la révision du 23 février 2007. Le président de la République assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l'État. « Clé de voûte de notre système institutionnel », il bénéficie de l'irresponsabilité pour les actes accomplis dans le cadre de sa fonction -comme c'est le cas dans la plupart des démocraties- et de l'immunité de procédure, absolue mais temporaire.
En effet, il doit exercer son mandat à l'abri de toute pression. C'était l'avis de la commission présidée par Pierre Avril.
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - Nous sommes d'accord.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Les immunités sont associées à la fonction, non à la personne : les poursuites peuvent reprendre à l'issue du mandat.
Mais une soupape de sûreté a été instituée avec la procédure de destitution. La notion surannée de « haute trahison » a été remplacée par celle de « manquement manifestement incompatible avec l'exercice du mandat ». Il ne s'agit pas d'une procédure pénale : son objet est strictement politique. Seule la représentation nationale peut légitimement interrompre un mandat confié par le peuple.
L'article 68 renvoie à une loi organique pour ses modalités d'application. C'est l'objet de la présente proposition de loi organique, déjà discutée par le Sénat et renvoyée en commission. Le Gouvernement devait déposer un projet de loi organique ; c'est chose faite depuis décembre 2010.
M. Pierre-Yves Collombat. - Il a fallu du temps !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Quelle impatience ! Le texte est déposé.
M. Pierre-Yves Collombat. - Il est même bien posé !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Notre agenda a été très chargé ; il fallait prendre le temps de la réflexion sur ce sujet délicat.
La commission des lois de l'Assemblée nationale doit examiner le projet de loi demain matin. (Mouvements divers) Le 5 octobre, le Premier ministre a annoncé son inscription à l'ordre du jour dès janvier, voire en décembre.
M. le rapporteur dit que la proposition de loi a été rapprochée du texte du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Enrichie.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je n'osais le dire. Il vous reste un effort à fournir : accepter de discuter le texte du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Pourquoi ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Sinon le Sénat votera un texte, l'Assemblée un autre !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Ils peuvent être en discussion commune.
M. François Patriat. - Reprenez le nôtre !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Sur une question aussi importante, le Gouvernement a son mot à dire. Comme le président de l'Assemblée nationale préside la Haute cour, il est logique de commencer l'examen à l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Cela n'a rien à voir !
M. François Zocchetto. - L'article 68 impose d'adopter une loi organique déterminant ses conditions d'application. La présente proposition de loi a déjà été examinée par le Sénat. Le rapporteur de l'époque, M. Hyest, avait appelé à une réflexion approfondie et mentionné le dépôt prochain d'un texte gouvernemental, le tout justifiant le renvoi en commission, décidé le 14 janvier 2010.
Le conseil des ministres a finalement adopté un projet de loi organique, qui doit être examiné demain matin par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Est-il opportun et efficace que le Sénat travaille en parallèle ? Contrairement à ce que certains prétendent, cela ne nous ferait pas gagner de temps. (M. Charles Revet approuve) La stratégie de la nouvelle majorité du Sénat est purement politicienne. (On se récrie à gauche)
M. Alain Anziani. - Et la vôtre ?
M. Gaëtan Gorce. - Vous êtes un peu godillots, vous serez bientôt pantoufles !
M. François Zocchetto. - L'examen des lois doit être serein et respectueux des procédures.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Nous sommes très sereins !
M. François Zocchetto. - La nouvelle majorité peut faire adopter toutes les modifications qu'elle estime nécessaires. Sur le projet de loi organique, le rapporteur sera sans doute le même.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je pourrai enrichir le texte grâce à notre proposition !
M. François Zocchetto. - A quoi sert donc le débat de ce soir ? Il n'est pas question de hiérarchie entre proposition de loi et projet de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Vous venez de dire le contraire !
M. François Zocchetto. - Certes, ce débat a trop tardé mais ce n'est pas une raison pour agir dans la confusion. Dans l'attente de l'examen conjoint par le Sénat du texte de M. Patriat et de celui du Gouvernement...
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Cela peut avoir lieu demain à l'Assemblée nationale !
M. François Zocchetto. - ...l'UCR souhaite que la question préalable soit adoptée. Les deux textes sont proches.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Absolument !
M. François Zocchetto. - Sur un sujet aussi important que l'équilibre de nos institutions, le Parlement doit travailler efficacement. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Si nul n'est censé ignorer le droit, nul ne devrait se situer au-dessus des lois. La crise économique, sociale et morale se double d'une crise de confiance envers les dirigeants politiques. Nos concitoyens attendent la République irréprochable que le président de la République avait promise. Comment serait-il possible que le chef de l'État reste irresponsable de tous ses actes, même de ceux commis en dehors de ses fonctions ?
En 2007, pendant la fin de son mandat, Jacques Chirac avait fait adopter une révision constitutionnelle créant une procédure de destitution du président de la République : les parlementaires se substitueraient aux juges, drôle de conception de la séparation des pouvoirs... Encore fallait-il que cette procédure de destitution fût applicable : nous attendons depuis cinq ans, sans doute parce que, selon un sénateur de l'UMP, M. Sarkozy craignait d'être mis en cause personnellement.
Je comprends l'agacement de nos collègues socialistes devant cette course de lenteur mais nous regrettons qu'une nouvelle fois, les groupes politiques soient privés du droit de saisine de la Haute cour.
Je rappelle que le Sénat avait adopté, en 2008, un amendement donnant ce droit aux groupes politiques, mais l'Assemblée nationale l'a refusé, prétextant un risque d'utilisation politique, voire politicienne.
En quoi limiter le droit de saisine à un dixième des parlementaires offre-t-il une meilleure garantie ? Les groupes minoritaires seraient donc irresponsables ? Nous avons demandé aussi que la composition de la commission d'instruction ne soit pas bipartisane.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Et vous avez été entendus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En effet. Mais nous voulons surtout réformer en profondeur le rôle du président de la République en supprimant l'immunité dont il dispose pour les actes extérieurs à son mandat. En 2008, nous avons rappelé l'anachronisme qui donne au président le confort apporté au roi par la Constitution de 1791.
M. Jean-Jacques Hyest. - Un confort temporaire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous refusons cette présidence monarchique. Nous n'avons d'ailleurs pas voté les articles 67 et 68 de la Constitution.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Les autres non plus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il faut reconnaître que le changement de majorité sénatoriale ne peut déboucher sur une rupture institutionnelle. La proposition de loi organique de M. Patriat ressemble au texte du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Il y a de substantielles différences.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quelles que soient nos réserves, nous n'allons pas nous opposer à ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre-Yves Collombat. - La conception extensive de l'irresponsabilité qui a prévalu en 2007 n'est pas digne de la démocratie. Qui plus est, la procédure de destitution est inopérante faute de loi organique. Cinq ans après, les amis de l'Elysée disent qu'il n'y a pas d'urgence puisque le Gouvernement a préparé un texte, qui sera examiné demain... Qui est le plus politicien, de M. Mercier qui sort la colombe du projet loi de sa poche ou de notre commission des lois qui envoie un stimulus législatif ?
Le plus expédient est de voter la proposition de loi organique. Tout d'abord, la confusion entre personne privée et publique entraîne une interprétation de plus en plus extensive de l'irresponsabilité pénale du chef de l'État. Jean Foyer, l'un des inspirateurs de l'article 68, avait pourtant déclaré, en 1999, qu'en tant que personne privée, le chef de l'État ne jouissait d'aucune immunité juridictionnelle. Le Conseil constitutionnel, alors présidé par Roland Dumas, avait finalement jugé qu'il ne pouvait être mis en cause pénalement que pour haute trahison, devant la Haute cour.
Deuxième problème : l'extension de l'immunité aux collaborateurs du chef de l'État et à ses proches.
Rappelez-vous l'affaire des infirmières bulgares : l'immunité du chef de l'État avait alors bénéficié à son épouse, Cécilia Sarkozy, en tant que son envoyée personnelle auprès de notre ami d'alors, Mouammar Kadhafi. L'égalité de tous devant la loi était remise en cause aussi au plan civil et administratif. M. Badinter en avait déduit que son propriétaire ne pouvait réclamer de loyer au président de la République ni son épouse lui demander le divorce mais que lui pouvait s'en séparer : le bon plaisir ressuscité ! Avait-on mesuré la gravité du préjudice potentiel, demandait M. Fauchon ? Or si François Mitterrand et Jacques Chirac se sont interdit de saisir la justice dès le début de leur mandat, M. Sarkozy ne s'est pas privé de multiplier les plaintes, sans parler des poursuites engagées par le parquet pour offense au chef de l'État...
Selon l'ancien procureur général près la Cour de cassation, l'exercice de l'action civile par le chef de l'État est incompatible avec l'exercice de ses fonctions institutionnelles et peut donner aux justiciables le sentiment que la procédure n'obéit pas aux règles du procès équitable.
Essayons au moins ce soir de modérer les privilèges du chef de l'État ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Patrice Gélard. - La responsabilité du chef de l'exécutif est toujours un problème pour la séparation des pouvoirs et la démocratie : il doit gouverner sans être gêné dans ses attributions fondamentales.
Les Britanniques ont mis en place la procédure d'impeachment, à l'origine du régime parlementaire. Aux États-Unis, cette procédure s'est appliquée au président, seul véritable chef de l'exécutif. Selon la formule d'Abraham Lincoln, sept contre, un pour, les pour l'emportent. Mis en oeuvre à trois reprises, l'impeachment n'a jamais abouti.
La tradition française est différente : la Constitution de 1791 avait prévu la suspension du chef de l'État, mais la Convention a été tiraillée entre l'application fausse du tyrannicide et une conception erronée de la souveraineté populaire.
Aujourd'hui, la responsabilité du président de la République repose sur quatre hypothèses. La première figure à l'article 7 : l'incapacité d'exercer ses fonctions suite à son décès ou à sa disparition. Dans ce cas, le Conseil des ministres saisit le Conseil constitutionnel qui installe un président par intérim. Nul ne sait combien de temps cet intérim pourrait durer, sauf en cas de décès ou de maladie, auquel cas des élections suivent.
Vient ensuite l'article 53-2 de la Constitution sur la responsabilité du président de la République en cas de crime de guerre ou de crime contre l'humanité. Au demeurant, cette disposition est contradictoire avec l'article 67. Le président Badinter est pour quelque chose dans cette situation car il voulait que le président de la République fût responsable devant la Cour pénale internationale (CPI).
J'en viens aux articles 67 et 68. L'irresponsabilité totale n'existe pas. La disposition en cause a été diversement interprétée. Présidé par Roland Dumas, le Conseil constitutionnel a limité la responsabilité au cas de haute trahison ; mais la Cour de cassation a estimé que si le Président de la République ne pouvait être poursuivi durant son mandat, la prescription s'interrompait. C'est cette dernière formule qu'a repris l'article 67. Même insatisfaisante, cette formule est celle des démocraties voisines.
La grande nouveauté, c'est l'article 68. La notion de « haute trahison », dont on ne savait plus ce qu'elle signifiait, a disparu. D'ailleurs, elle ne figurait pas dans le code pénal ; elle n'a jamais été utilisée pour poursuivre un chef de l'État. On a donc inventé autre chose : l'article 68 fait preuve d'une originalité intéressante en évoquant les « manquements manifestement incompatibles avec l'exercice du mandat » De quoi s'agit-il ? Je ne sais sinon que le droit pénal n'y est pour rien : nous sommes dans le domaine moral et politique. C'est pourquoi je déplore que la proposition de loi comporte une procédure quasiment juridictionnelle, avec une commission d'instruction. J'ajoute une incompatibilité avec l'article 18, qui limite les interventions du chef de l'État devant le Parlement : il ne s'exprime que devant le Congrès.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Il n'est pas tenu de venir.
M. Patrice Gélard. - Finalement, cette procédure ne s'appliquera jamais.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Vous avez pourtant voté les articles 67 et 68.
M. Patrice Gélard. - Pas vous ! A quoi sert notre débat, en définitive ?
M. Pierre-Yves Collombat. - A régler le problème !
M. Patrice Gélard. - Vous vous livrez à un détournement de procédure puisque la proposition de loi organique ne sera évidemment pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Pourquoi pas ?
M. Patrice Gélard. - Notre travail ne sert à rien.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Vous nous l'avez appris !
M. Patrice Gélard. - Reprendre nos turpitudes ne vous grandit pas. Face à une opération de communication, le groupe UMP votera la question préalable. (Applaudissements à droite)
M. Alain Anziani. - Notre débat sert à susciter une discussion qui aurait dû avoir lieu depuis des années...
Le président de la République a déclaré en début de mandat que ce texte concernait les fondements mêmes de la République. Pourtant, il ne se l'est pas appliqué à lui-même ! Pendant presque tout un quinquennat, le président de la République a bénéficié de l'article 67 sans s'exposer à l'article 68 ! En réalité, il a fait le tri dans la réforme constitutionnelle, pris ce qui lui convenait et écarté ce qui ne lui convenait pas.
Contrairement à ce qui a été dit, la proposition de loi est conforme à l'esprit de la Constitution : quand le Gouvernement se refuse à appliquer la Constitution, le Sénat doit pallier cette carence. Une manoeuvre ? Allons ! La proposition de loi date d'octobre 2009. Depuis, le Gouvernement nous exhorte à la patience, mais rien ne vient jamais. Monsieur Hyest, vous avez souvent souhaité que le Sénat prenne ses responsabilités. Vous devriez donc soutenir l'initiative de M. Patriat, d'autant plus que nous sommes largement d'accord sur le fond. Nul ne conteste l'immunité pour les actes liés à l'exercice de la fonction présidentielle.
Ce que propose la Constitution n'est pas une peine, comme l'est l'impeachment, mais une procédure qui exposera le Président de la République à une sanction de droit commun lorsque les juridictions redeviendront compétentes. Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, une élection aura lieu dans les trente cinq jours. Si le président destitué se représente -rien ne l'empêche- et est réélu, les procédures en cours seront suspendues ; et nous voilà revenus à la situation initiale... Rien n'est prévu pour mettre un terme à cette mécanique infernale.
Sous l'Ancien régime, il était admis que « le roi ne peut mal faire » en toute chose. Nous retrouvons cette inspiration monarchique dans la Constitution puisque l'épouse du chef de l'État est la seule femme de France à ne pas pouvoir divorcer sans le consentement de son mari... Si le président de la République provoquait un accident, la victime ne pourrait demander d'indemnité. Ce système est parfaitement archaïque.
Dans quelques jours, la Cour de cassation rendra un arrêt sur l'affaire de la carte bleue piratée du président de la République. L'avocat général avait observé que personne ne pouvait agir contre le chef de l'État mais que lui pouvait agir contre d'autres et qu'en conséquence, le procès n'obéissait pas aux règles du procès équitable. Nous sommes dans une impasse. Bien sûr, il y a une solution : que le parquet soit indépendant, mais ce n'est pas le choix du Gouvernement... (Exclamations à droite)
La deuxième dérive concerne l'affaire des sondages, avec l'immunité étendue à tous les collaborateurs du président de la République. Nous savons que le code des marchés publics n'a pas été respecté mais toute poursuite est impossible. Est-ce ce que nous voulons ?
Nous voterons la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Gaëtan Gorce. - Une ambigüité subsiste depuis cinquante ans : celui qui détient l'essentiel des pouvoirs n'en répond pas. Le général de Gaulle a déclaré qu'il n'existait aucune autorité qui ne puisse être conférée ou maintenue autrement que par lui. Or cette responsabilité politique assumée, tenue de l'élection au suffrage universel, n'est contrebalancée par aucune forme de responsabilité. Certes, en régime parlementaire, la responsabilité du Gouvernement sert d'exutoire, mais le Parlement n'a utilisé cette faculté qu'en 1962, avec, à la clé, une dissolution qui a dissuadé de récidiver...
Depuis 2007, nous avons un dispositif nouveau. M. Badinter a observé que l'article 67 protégeait le président de la République même d'une procédure de divorce -quoiqu'avec les Français, elle soit bien engagée... Quant à l'article 68, il est intéressant mais discutable ; il mérite débat car il faut aller jusqu'au bout de la réforme.
Mme Catherine Troendle. - Que vous n'avez pas votée !
M. Gaëtan Gorce. - Au moment où le texte de M. Patriat est discuté, le projet du Gouvernement retrouve brusquement de l'intérêt et est enfin discuté à l'Assemblée nationale.
Mme Catherine Troendle. - Il est des textes plus importants en temps de crise !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Comme votre proposition de loi sur les étudiants ou la proposition de loi Ciotti !
M. Alain Anziani. - Négligence ? Elle serait de taille. Non, le choix est politique ; mais ce n'est pas rendre service au Président de la République : de mauvais esprits, dont je ne suis pas, pourraient penser qu'il redoute une destitution... Comme ancien sénateur, monsieur le garde des sceaux, vous ne pouvez accepter l'argument selon lequel un projet de loi aurait la primauté sur une proposition de loi et l'Assemblée nationale sur le Sénat. La vérité est que vous ne vous faites pas à l'existence d'une nouvelle majorité au Sénat. Nos positions dans cette affaire ne sont pas si éloignées. Nous aurions pu faire l'économie d'une polémique inutile pour rendre l'article 68 applicable.
Mme Catherine Troendle. - Vous ne l'avez pas voté !
M. Alain Anziani. - Cela éviterait de faire croire à nos concitoyens que certains tentent d'échapper à leurs responsabilités. Monsieur Gélard, qu'est le manquement aux devoirs de sa charge ? Nul n'imagine aujourd'hui que l'on empêche l'entrée en fonction d'un candidat ayant manqué aux lois sur le financement des campagnes électorales -c'est arrivé, on sait ce qui est arrivé... Avec la procédure proposée, il pourrait être destitué ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et ceux du RDSE)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - J'adore recevoir des leçons ! Et M. Gorce a été excellent dans cet exercice...
M. Alain Néri. - Il a été très bon !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Aussi bon qu'un chou farci ! (Exclamations sur les bancs socialistes) La responsabilité du chef de l'État est un sujet qui remonte à 1958. Nul ne vous a empêchés de réformer la Constitution lorsque vous étiez au pouvoir mais vous n'avez rien fait, comme d'habitude !
M. Pierre-Yves Collombat. - Purement théorique jusqu'aux dernières années, le problème est devenu pratique !
M. Alain Néri. - Nous rattrapons le temps perdu !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Qui a fait progresser le débat ? C'est la majorité présidentielle qui a fait la réforme de 2007.
M. Daniel Raoul. - Parlons-en !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il fallait réagir à la décision de 1999 du Conseil constitutionnel. Quand on remplace Badinter par Dumas, cela en dit long sur l'idée que l'on se fait du droit ! (Exclamations sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Parlons de vos ministres !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - J'espère que nous trouverons avec la majorité sénatoriale une disposition organique pour appliquer l'article 68 de la Constitution. Je ne peux accepter que l'on dise « Vous ne faites rien, nous faisons tout ! » car c'est faux ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - La session s'achève en février. D'ici là, il faudra examiner de nombreux textes. Il est tout à fait possible de discuter conjointement de plusieurs textes, nous le ferons demain avec trois propositions de loi du groupe UMP sur les armes à feu. Pour gagner du temps, il serait judicieux de soumettre conjointement à l'Assemblée nationale le texte du Gouvernement et celui du Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°5 rectifiée, présentée par M. Hyest et les membres du groupe UMP, M. Zocchetto et les membres du groupe UCR.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest. - Même pour les habitués de la procédure parlementaire, la discussion de ce soir est une novation...
M. Alain Néri. - Il faudra vous habituer !
M. Jean-Jacques Hyest. - ...une course à l'échalote plutôt que l'ouverture d'un dialogue nécessaire. Certes, il n'y a pas de hiérarchie entre projet de loi et proposition de loi, mais le Gouvernement est maître de l'ordre du jour.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Il peut inscrire la proposition de loi du Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest. - Pourquoi vous ferait-il plaisir ? Nous avons déjà examiné la proposition de loi en commission, avec l'espoir et l'engagement du Gouvernement qu'il déposerait un projet de loi. C'est fait.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - En commission !
M. Jean-Jacques Hyest. - Monsieur le ministre, il faut mettre un terme à cette incongruité d'une loi organique non adoptée depuis cinq ans, ce dont nous pouvons nous plaindre, contrairement à ceux qui n'ont pas voté la révision constitutionnelle.
Si nous votons ce texte, il restera en l'air. Le président de la commission s'est d'ailleurs rendu compte que la situation était curieuse puisqu'il a repris certaines dispositions du texte gouvernemental.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Nous avons fait preuve d'ouverture...
M. Jean-Jacques Hyest. - A l'exception de M. Patriat, qui a été parfait, les orateurs socialistes ont confondu les articles 67 et 68. Brillant, comme toujours, M. Gélard nous a expliqué le caractère exceptionnel de l'article 68. Quant à la destitution... Quand pourrait-elle s'appliquer ? Peut-être en cas de priapisme aggravé... Il serait dangereux de mettre en cause politiquement et médiatiquement, à tout propos, la responsabilité du président de la République.
Les motions de procédure servent parfois à prolonger les débats mais nous ne pouvons faire aussi bien que la majorité sénatoriale. Un texte consensuel de MM. Yung et Béteille sur la contrefaçon a été adopté par la commission, mais vous avez préféré aujourd'hui instrumentaliser l'ordre du jour au profit d'un exercice de style politicien et dérisoire auquel nous ne participerons pas ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. - Je vous rassure : nous traiterons de la contrefaçon dans la proposition de loi Warsmann.
Il a fallu attendre cinq ans cette loi organique mais il manque aussi une loi organique sur le référendum d'initiative populaire, instauré en 2008. Pour le reste, la révision de 2008 est applicable. Pourquoi ne pas avoir fait les choses dans l'ordre ?
L'article 67 est très critiquable car il confond la personne du chef de l'État et sa personne privée. Sorte de compensation, l'article 68 serait inconstitutionnel... s'il n'était pas dans la Constitution. (On s'amuse à droite) Comment accepter que, dans l'esprit de la Ve République, le Parlement -la Haute cour, c'est le Parlement- destitue le président de la République mais que celui-ci puisse faire appel devant le peuple et continuer de siéger au Conseil constitutionnel ? Cela n'a aucun sens !
Encore aurait-il fallu rendre cette procédure applicable. Le Gouvernement a préféré attendre l'extrême fin de mandat de M. Sarkozy. En 2009, la majorité a suivi le Gouvernement et renvoyé notre proposition de loi en commission. Nous avons suffisamment attendu ! Nous avons travaillé longuement, et encore ce matin. Et nous ne savons pas quand le projet de loi gouvernemental viendra en séance publique. M. le ministre chargé des relations avec le Parlement est parti avant que je ne l'ai interrogé sur la suite du débat : courage, fuyons ! (Protestations à droite) Il faut aller vite pour que cette procédure soit applicable au prochain président de la République, quel qu'il soit. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le Gouvernement est favorable à la motion.
M. Pierre-Yves Collombat. - M. le ministre a raison : le problème se pose depuis 1958 mais il était purement théorique jusqu'à la fin des années 1990 et les affaires de la mairie de Paris.
Mme Sophie Primas. - Et Mitterrand ?
M. Pierre-Yves Collombat. - En outre, les prédécesseurs de M. Sarkozy s'interdisaient de se porter partie civile : ce n'est plus le cas.
Trouvez-vous satisfaisantes les conditions dans lesquelles M. Chirac est finalement jugé ? La solution retenue en 2007 n'est pas bonne.
Mme Catherine Troendle. - Ce texte semble important aux yeux de la nouvelle majorité. Il est heureux pour elle que le scrutin public soit de droit car nous sommes plus nombreux ce soir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quand on songe au nombre de fois où la droite a dû recourir au scrutin public !
La motion n°5 rectifié est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 169 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Les membres des groupes UCR et UMP quittent l'hémicycle)
M. Alain Néri. - Un seul être vous manque et tout est dépeuplé !
Discussion des articles
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je demande la priorité, à l'article 4, pour l'amendement n°6.
Acceptée par le Gouvernement, la priorité est de droit.
Article premier
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Alinéa 1
Remplacer les mots :
au moins un dixième des membres de l'assemblée devant laquelle elle est déposée
par les mots :
un groupe politique de l'assemblée devant laquelle elle est déposée ou par un dixième des membres de celle-ci
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cet amendement a été repoussé par la commission des lois. La Constitution reconnaît explicitement les groupes politiques. Il apparaît logique de leur conférer le droit de proposer une procédure de destitution. La saisine par un groupe ne serait pas plus politicienne que par trente parlementaires !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Nous n'avons aucune prévention à l'égard de la politique, nous en faisons tous et nous en sommes fiers. Mais nous ne pensons pas qu'un groupe politique puisse, ès qualité, demander la saisine de la Haute cour : c'est une question morale, d'intime conviction, indépendante des clivages politiques, qui touche aux intérêts de la République.
L'amendement n°3, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2 et 3.
Article 4
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Sueur, au nom de la commission.
Alinéa 1, deuxième phrase
1° Remplacer le mot :
douze
par le mot :
vingt
2° Après les mots :
plus fort reste
Insérer les mots :
, dans le respect du pluralisme
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - J'ai sollicité la priorité sur cet amendement élaboré en commission parce qu'il prend en compte une partie des préoccupations de Mme Borvo -la représentation des groupes au sein de la commission d'instruction- et de M. Collombat. A cette fin, il nous a paru opportun de faire passer le nombre de commissaires de douze à vingt.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Alinéa 1, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
La commission comprend vingt-deux membres. Chaque groupe politique des deux assemblées est représenté par au moins un siège. Les sièges restant sont répartis à la représentation proportionnelle au plus fort reste des groupes en leur sein en veillant au respect d'une représentation égale de l'Assemblée et du Sénat au sein de la commission.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je l'ai déjà défendu.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 1, deuxième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
La commission comprend seize membres élus à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat, en leur sein et en nombre égal par chaque assemblée après chaque renouvellement total ou partiel de ces assemblées. Lorsque la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat n'a pas été acquise au premier ou au deuxième tour de scrutin, les membres de la commission sont élus au troisième tour selon la représentation proportionnelle au plus fort reste des groupes.
M. Pierre-Yves Collombat. - Au regard de ce qu'est sa mission, la commission doit être composée de manière aussi incontestable que possible. Faute de consensus, il faudrait appliquer la proportionnelle.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Les deux derniers amendements tomberont si celui de la commission est adopté.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Défavorable aux trois amendements.
L'amendement n°6 est adopté.
Les amendements nos4 et 1 rectifié deviennent sans objet.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
La Haute Cour statue impérativement sur la destitution dans un délai d'un mois à compter de l'adoption par les deux assemblées de la proposition de résolution tendant à sa réunion.
II. - Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
M. Pierre-Yves Collombat. - Pourquoi dessaisir la Haute cour si elle ne se prononce pas dans un délai d'un mois ? Elle doit se prononcer, c'est tout !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Il faut imaginer la situation du pays dans un tel cas. Dans l'intérêt de la République, le suspens ne doit pas s'éterniser.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Défavorable.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. - Lorsque j'ai déposé ce texte avec M. Badinter, c'était, pour moi qui ne suis ni juriste ni constitutionnaliste, un sujet de fierté démocratique. Il s'agissait de rétablir l'équilibre de la Constitution. Le vote de ce soir n'est pas la victoire d'un clan sur un autre mais celle de la démocratie ; il est à l'honneur du Sénat. Quel que soit demain le président de la République, il doit être soumis à un régime de responsabilité clair. Essayons de faire aboutir ce texte et celui du Gouvernement dans un même élan. Que faisons-nous ce soir ? Notre travail de parlementaires. Avec honneur et dignité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'ensemble de la proposition de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 177 |
Nombre de suffrages exprimés | 177 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 89 |
Pour l'adoption | 176 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs socialistes)
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 16 novembre 2011, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit cinq.
Jean-Luc Dealberto,
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 16 novembre 2011
Séance publique
De 14 heures 30 à 18 heures 30
1. Proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 794 rect., 2010-2011).
Rapport de Mme Annie David, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°89, 2011-2012).
Texte de la commission (n°90, 2011-2012).
2. Proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies (n°745 rect., 2010-2011).
Rapport de M. Christian Favier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°71, 2011-2012).
Texte de la commission (n°72, 2011-2012).
A 18 heures 30, le soir et la nuit (jusqu'à 0 heure 30)
3. Proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial (n° 800, 2010-2011).
Rapport de M. Gaëtan Gorce, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°87, 2011-2012).
Texte de la commission (n°88, 2011-2012).