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Table des matières
Décisions du Conseil constitutionnel
Fusion des communautés de commune en zone de montagne
Divorce dans les familles franco-allemandes
Exonérations des cotisations patronales des Centres communaux d'action sociale (CCAS)
Calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)
Durée de l'abonnement de téléphonie mobile
Difficultés d'accès au crédit des collectivités locales
Situation des salariés de Boulanger Tours Nord
Information des pays limitrophes sur les installations nucléaires françaises
Coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse
Question prioritaire de constitutionnalité
Mineurs délinquants (Procédure accélérée)
Mission commune d'information (Membres supplémentaires)
Mineurs délinquants (Procédure accélérée - Suite)
Mission commune d'information (Nominations)
Loi de finances rectificative pour 2011 (CMP)
Mise au point au sujet d'un vote
SÉANCE
du mardi 25 octobre 2011
9e séance de la session ordinaire 2011-2012
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Alain Dufaut.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Décisions du Conseil constitutionnel
M. le président. - En application de l'article 40 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de deux décisions rendues le 20 octobre 2011 par lesquelles le Conseil constitutionnel a rejeté les requêtes concernant les élections sénatoriales du 25 septembre 2011 dans le département de la Manche et du Nord.
Dépôt de rapports
M. le président. - M. le Premier ministre a transmis au Sénat : le rapport évaluant, d'une part, les modalités du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur et, d'autre part, les effets de ce rattachement concernant l'efficacité de l'action de l'État en matière de sécurité et d'ordre publics et la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie ; l'état semestriel des sommes restant dues par l'État aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale au 31 décembre 2010 ; les rapports sur la mise en application des lois du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 et du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.
Le premier a été transmis à la commission des affaires étrangères, ainsi qu'à la commission des lois, le deuxième à la commission des affaires sociales, les trois derniers à la commission des finances. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.
Carte d'identité électronique
M. Francis Grignon. - Les communes bas-rhinoises s'inquiètent de la compensation de la mise en oeuvre de la future carte d'identité électronique. La dotation pour titres sécurisés, de 5 030 euros par station, est insuffisante. Le Gouvernement compte-t-il modifier les critères d'indemnisation, par exemple en tenant compte du nombre de demandes traitées par les communes ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Veuillez excuser M. Guéant.
Le parc de stations est le même que pour le passeport biométrique ; il pourra être étendu si nécessaire. L'indemnisation instituée en 2009 est forfaitaire ; elle est relevée chaque année comme les autres dotations aux collectivités.
Le nombre des cartes nationales d'identité va tripler avec le flux de demandes de non-résidents. En accord avec l'Association des maires de France (AMF), nous prévoyons de relever l'indemnisation, sachant que cette mission relève bien des collectivités locales. Le Gouvernement tiendra toutefois compte de la charge supplémentaire pour les communes.
M. Francis Grignon. - Merci de cette réponse positive.
Sécurité routière
M. Alain Fouché. - La sécurité routière est une priorité du Gouvernement depuis une dizaine d'années, avec des résultats très positifs : le nombre de décès sur les routes a été divisé par deux.
Mais attention à ce que cette politique ne vire pas au harcèlement, voire au racket ! Les citoyens, sanctionnés pour des excès de vitesse minimes, se heurtent à la complexité administrative pour faire valoir un recours.
Je rejoins la proposition des députés sur l'échelle des sanctions. En outre, la baisse des effectifs de police et de gendarmerie affectés à ces missions est préoccupante. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Notre politique a porté ses fruits : la France est désormais une référence. Mais il faut poursuivre, avec les Français, et non contre eux.
Pour lutter contre l'alcool au volant, les contrôles sont de mieux en mieux ciblés.
La mission de l'Assemblée nationale a fait 39 propositions, que nous étudions. Certaines devraient pouvoir être mises en oeuvre rapidement. L'adhésion des usagers est une clé de la réussite de cette politique.
M. Alain Fouché. - D'accord pour punir l'alcool au volant. Mais moi, je dénonçais le racket financier sur les petites contraventions ; la perte de points est parfois dramatique.
Découpage cantonal
M. Alain Fouché. - Je parle au nom de M. Jean-Paul Fournier. La loi du 26 juillet 2011 a fixé le nombre de conseillers territoriaux de chaque département et région, ce qui entraîne la nécessaire refonte de la carte des cantons.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que le paramètre démographique doit être la base de tout découpage.
Le Sénat, représentant des territoires, doit être informé de la mise en oeuvre de cette réforme. Entre autres, comment sera prise en compte la ruralité, notamment en zone montagne ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - La réforme vise à en finir avec l'empilement des structures et les doublons. D'où la création du conseiller territorial, qui sera l'interlocuteur unique des maires. Une seule élection, c'est un débat plus clair, c'est le meilleur remède à l'abstention.
La loi du 26 juillet 2011 rend le tableau conforme aux exigences du Conseil constitutionnel, avec 3 493 conseillers territoriaux. Les deux tiers des cantons n'ont jamais été modifiés depuis 1791.
C'est par décret en Conseil d'État que le Gouvernement procédera au nouveau découpage, après avis de chaque conseil général, sur des bases essentiellement démographiques mais aussi des critères géographiques et historiques.
M. Alain Fouché. - Merci de ces précisions.
Fusion des communautés de commune en zone de montagne
M. Jean Boyer. - Élu d'un département de montagne, je m'interroge sur l'article 35-III de la loi du 16 décembre 2010 qui prévoit la fusion des communautés de communes. Ne va-t-on pas accélérer la désertification? Les contraintes topographiques et climatiques des zones de montagne sont toutefois reconnues par la loi Montagne de 1985.Le point de vue des élus doit être pris en compte et les préfets avoir une écoute objective. Pouvez-vous me répondre sur l'ensemble des fusions en cours ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Veuillez excuser M. Richert. La loi du 16 décembre 2010 prévoit la mise en place d'un schéma départemental, avec la constitution d'EPCI à fiscalité propre à compter de 5 000 habitants. Ce seuil n'est pas applicable en montagne afin de ne pas créer de zones trop étendues, à cheval sur des vallées qui ne communiquent pas.
Les communes de montagne n'appartenant pas à un EPCI verront leur situation changer : la rationalisation des périmètres sera possible, que les communes soient ou non situées en zones de montagne. Les schémas seront élaborés en concertation entre les préfets et les communes, comme l'a rappelé le Premier ministre. Seules les fusions dont la concertation fera apparaître la pertinence seront mises en oeuvre.
M. Jean Boyer. - L'objectivité du législateur n'est pas allée assez loin. Moins d'élus de proximité, moins d'initiative locale ! Or il faut gérer l'espace, même peu peuplé.
Divorce dans les familles franco-allemandes
M. Roland Ries. - Les Français en cours de séparation avec des ressortissants allemands rencontrent des difficultés pour conserver la garde des enfants. Le droit allemand privilégie le maintien de l'enfant dans le pays où il a été socialisé : la juridiction, en l'occurrence le Jugendamt, attribue quasi systématiquement la garde au parent résidant sur le sol allemand. Idem pour les familles souhaitant s'établir hors du territoire, dont les enfants sont parfois retenus.
La Cour européenne, dans un arrêt du 10 juillet 2004, souligne le nombre élevé de violations des droits des parents non allemands. Au regard du nombre de pétitions en la matière reçues au Parlement européen, le Gouvernement doit agir pour aider nos ressortissants face aux administrations allemandes.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - M. le garde des sceaux m'a priée de vous répondre. Vous l'interrogez sur la coopération judiciaire en matière d'enlèvement illicite d'enfants. En cette matière, l'intérêt de l'enfant doit primer. Les États ont élaboré des règles communes dont c'est l'objectif.
L'enlèvement international d'enfant fait l'objet de la Convention de La Haye de 1980, qui assure le retour immédiat de l'enfant sur son lieu de résidence habituel et garantit un droit de visite. Elle a été complétée par le texte dit Bruxelles II bis, qui fixe une norme juridique commune à tous les États de l'Union européenne et garantit la circulation.
La Convention de La Haye est entrée en vigueur en 2011 : tout sera mis en oeuvre pour que les droits de visite soient respectés. Des magistrats français oeuvrent en Allemagne en la matière. La coopération entre autorités centrales est de grande qualité et aboutit souvent au retour d'enfants de France en Allemagne, comme d'Allemagne en France.
M. Roland Ries. - Ces réponses ont déjà été données à M. Yung et à M. Reichardt.
L'administration allemande, et notamment le Jugendamt, fait une interprétation restrictive des textes, peut-être en raison de la situation démographique de l'Allemagne... Il faut se pencher sur la question.
Exonérations des cotisations patronales des Centres communaux d'action sociale (CCAS)
M. Joël Bourdin. - Le code de la sécurité sociale, à l'article L. 241-10, précise que les exonérations des cotisations patronales concernent les agents d'aide à domicile en contrat à durée indéterminée des Centres communaux d'action sociale (CCAS). En zone rurale, toutefois, une souplesse de gestion peut être souhaitable...
Certains CCAS ont eu recours, en toute bonne foi, à des CDD. Les Urssaf les ont condamnés à des pénalités lourdes, mettant en péril leur existence !
Comment éponger des engagements équivalant au budget de fonctionnement annuel des CCAS ? Combien sont en difficulté ? Une procédure existe pour retarder ces versements mais ne peut-on trouver des mesures d'atténuation rapides et définitives ?
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - Veuillez excuser Mme Pécresse.
Les CCAS font l'objet du contrôle des Urssaf, comme tous les autres employeurs. Certains se sont vus imposer un redressement -qu'ils peuvent contester et obtenir, ainsi, une remise ou un abandon total ou partiel. Il n'y a, à ma connaissance, pas de problème spécifique aux CCAS. Si les règles ont été mal comprises, il peut y avoir une instruction. Le Gouvernement, vous le comprendrez en cette période de crise, est très vigilant en matière de finances de la sécurité sociale !
M. Joël Bourdin. - Sur le fond, les CCAS qui ont été contrôlés restent dans une situation difficile tandis que les autres, si vous me permettez l'expression, dorment sur leurs deux oreilles... Cette situation conduira les centres à réduire leur activité : le redressement correspond parfois à la totalité de leur budget de fonctionnement ! D'autant que les contrôles continuent ! Certes, les responsables sont un peu fautifs, mais les textes étaient flous.
Prix des carburants en Guyane
M. Jean-Étienne Antoinette. - Le problème de la mise aux normes des carburants routiers en Guyane en 2007 a entraîné un surcoût pour le consommateur. Toutefois, la hausse des prix a été étalée, grâce à une facilité de trésorerie pour la Société anonyme de raffinerie des Antilles (Sara), prévue à l'article 88 de la loi de finances du 25 décembre 2007, qui devait être compensée par une taxe additionnelle à la taxe de consommation prévue à l'article 266 quater A du code des douanes.
Les Guyanais ne peuvent faire face à une nouvelle hausse des prix du carburant, déjà bien plus élevé qu'en métropole : un litre d'essence coûte 1,67 euro en Guyane contre 1,42 euro à Paris, un litre de gazole 1,50 euro contre 1,30 euro.
En reportant la mise en oeuvre de cette taxe additionnelle chaque année, on a fait grimper le coût de la mesure. En outre, on ne trouve pas trace de la facilité de trésorerie accordée à la Sara. La procédure communautaire a-t-elle été respectée ? Je ne peux croire qu'une aide illégale ait été versée ! Pourquoi assujettir les Guyanais à cette taxe additionnelle si l'aide à la Sara n'a pas été versée ? Allez-vous soutenir l'abrogation de cette taxe ?
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - Les carburants routiers en Guyane ont été mis aux normes européennes en 2007 ; le surcoût devait être lissé pour ne pas pénaliser les Guyanais. La taxe a donc été reportée. Un nouveau dispositif réglementaire a été institué pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane qui fixe les prix à 1,67 euro le litre de super, 1,53 euro le litre de gazole au mois d'octobre 2011. Dans ce nouveau contexte, il s'agit d'étudier comment cette taxe pourrait s'insérer sans modifier les équilibres actuels.
M. Jean-Étienne Antoinette. - Les prix restent très supérieurs à ceux pratiqués en métropole ! Au moins 20 centimes par litre !
Vous n'avez pas répondu sur la légalité de cette avance de trésorerie accordée à la Sara au regard du droit communautaire.
Prix du tabac
M. Jean-Jacques Mirassou. - Les prix du tabac viennent d'augmenter de 6 %. Si les objectifs de santé publique sont louables, il s'agit en réalité de tenter de renflouer les caisses de l'État, en pénalisant les plus modestes. Les conséquences seront très négatives pour les buralistes : 20 % du marché court-circuite les débits officiels et le marché parallèle prospère.
Les zones frontalières, comme la Haute-Garonne, sont particulièrement touchées vu la proximité d'Andorre et de l'Espagne. Concrètement, que faites-vous pour lutter contre le trafic de tabac et pour aider les buralistes, facteurs de lien social et d'aménagement du territoire ?
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - Depuis 2003, la France poursuit une politique de santé publique volontariste en matière de tabagisme. Les différentiels de prix entre États membres subsistent, malgré la convergence fiscale. La France pèsera de tout son poids pour obtenir une harmonisation des prix. Sur les 20 % de tabac qui ne proviennent pas du réseau buraliste, seuls 5 % ont une origine illégale, le reste étant acheté de façon légale. Les saisines douanières progressent, en valeur et en volume.
Un plan de renforcement de la lutte contre la contrebande de tabac a été mis en place le 12 septembre, avec des méthodes nouvelles d'investigation.
Un troisième contrat d'avenir a été signé le 23 septembre avec les buralistes, sur cinq ans, avec une amélioration de leur rémunération et de leur sécurité. Il consacre le rôle de la profession, notamment en zone rurale, avec une prime de service public de proximité de 1 500 euros.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Vive la santé, à bas le tabac, mais vive les rentrées fiscales que Bercy regarde avec les yeux de Picsou... N'y a-t-il pas là une certaine duplicité ? (Mme Marie-Anne Montchamp proteste)
En Haute-Garonne, le taux de tabac d'origine illégale dépasse bien les 5 % ! Le bureau de tabac joue un rôle de lien social, dans un village. J'espère que vos annonces seront suivies d'effet et rassureront la profession, mais je resterai très vigilant.
Calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)
M. Alain Fauconnier. - La réforme du calcul de l'AAH, par le décret de 2010, désavantage les handicapés qui travaillent. Avant, en effet, les frais professionnels étaient calculés soit forfaitairement sur les revenus (10 %), soit sur les frais réels suivant le barème fiscal en vigueur. Selon les responsables des associations de personnes handicapées, il semblerait que seuls les frais forfaitaires de 10 % soient retenus, ce qui serait moins avantageux pour les intéressés. Personne n'est indifférent à leur sort dans cet hémicycle. Que compte faire le Gouvernement, après tant d'annonces, pour venir en aide aux handicapés ? Les associations attendent un peu de franchise.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. - La réforme du calcul vise à simplifier et à rendre plus avantageux et plus équitable le calcul de l'AAH selon le taux d'incapacité. Les associations de handicapés ont obtenu gain de cause.
Un réexamen de la situation est possible depuis le 1er janvier 2011 tous les trois mois afin de permettre une adaptation rapide. C'est essentiel pour les handicapés, en particulier psychiques, dont la situation professionnelle varie souvent. Quant à l'intégration de l'abattement de 10 %, elle favorise les handicapés en leur évitant, un calcul complexe ainsi que d'éventuels indus.
Enfin, je rappelle que le montant maximal de l'AAH a été revalorisé à six reprises pour atteindre 743,62 € soit 20 % d'augmentation depuis 2007 ; on en sera à 25 % l'an prochain, conformément aux engagements du président de la République.
M. Alain Fauconnier. - Je comprends que la situation à Bercy impose de chercher à économiser quelques euros (Mme Marie-Anne Montchamp le conteste) mais pas sur les handicapés ! Certains sont pénalisés par cette réforme. Je pourrais vous citer le cas d'un handicapé qui y perd 150 € par mois !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. - Je me pencherai sur son dossier si vous me le communiquez.
Durée de l'abonnement de téléphonie mobile
M. Jacques Mézard. - Aujourd'hui, 75 % des consommateurs souscrivent un abonnement de deux ans auprès de leur opérateur, ce qui freine la mobilité et nuit à la concurrence. L'Arcep, dans un récent rapport, montre que la percée des nouveaux opérateurs, les Mobile Virtual Network Operator (MVNO), tient à la possibilité de résilier l'abonnement sans frais supplémentaires. Autrement dit, la fidélité des abonnés est contrainte. Ne faut-il pas réduire la durée de l'abonnement à 12 mois, comme le préconise l'Arcep depuis 2006 ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. - M. Lefebvre, dont je vous prie d'excuser l'absence, partage votre souci de renforcer la protection des droits des consommateurs comme le prouve le projet de loi adopté par les députés le 11 octobre. Toutefois, interdire les abonnements de 24 mois aurait un effet inverse à celui que vous recherchez, en renchérissant le prix de l'abonnement et en réduisant les investissements dans les infrastructures ! Mieux vaut protéger les consommateurs de tous les abus et mieux les informer. Voilà les raisons pour lesquelles un abonné peut résilier un abonnement sans frais depuis la loi Chatel et les forfaits sans abonnement sont plus adaptés.
M. Jacques Mézard. - Certes, il y a eu des progrès, mais nous partons de très loin ! Au lieu de protéger les consommateurs, nous protégeons les opérateurs. Le projet de loi que vous avez évoqué en est la parfaite illustration, et je ne dis rien du démarchage téléphonique, où l'on protège les centres d'appels. Décidément nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes !
Exit tax
M. Robert del Picchia. - L'exit tax américaine, qui touche nos ressortissants qui transfèrent leur domicile fiscal hors des États-Unis, concerne tous les biens mobiliers et immobiliers ainsi que les pensions de retraite latentes. Elle est si élevée qu'elle fait obstacle au retour en France de concitoyens aisés dont notre économie aurait pourtant bien besoin. Quelles sont le taux et l'assiette exacts de cette taxe ? Quid des pensions latentes ? La convention fiscale franco-américaine autorise-t-elle des aménagements ? Comment éviter une double imposition ? Enfin, quelle est la position des autres pays européens sur cette taxe ? Le Gouvernement entend-il appliquer le principe de réciprocité ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. - M. Baroin m'a prié de vous répondre. Le Gouvernement se soucie du sort de ses ressortissants. Pour connaître les modalités d'application de la taxe, ceux-ci doivent se rapprocher de l'Agence fédérale américaine en charge de la fiscalité, puis se tourner vers Bercy s'ils estiment être victimes d'une double imposition. Je précise que l'avenant du 13 janvier 2009 à la convention franco-américaine prévoit l'imposition de certaines plus-values pour les Américains transférant leur domicile hors de France.
M. Robert del Picchia. - Je m'étonne tout de même que la taxe touche les pensions de retraite latentes, qui sont calculées en fonction de l'espérance de vie... Enfin, nous pouvons taxer les Américains, mais pas au niveau où l'administration américaine le fait !
Calcul de la taxe foncière
M. François Patriat. - Permettez-moi de citer un cas particulier : le groupe italien Gewiss, qui fabrique des chemins de câbles, emploie 80 personnes à Liernais, en Côte-d'Or. Il est le seul employeur local. Après un sinistre en 2006, alors qu'il avait envisagé dans un premier temps de fermer le site, il a investi 12,5 millions pour rénover ses bâtiments. Résultat : leur taxe foncière, assise sur la valeur de l'investissement et non sur la valeur marchande de l'immeuble, est passée de 334 000 euros à 545 000 euros en 2010.
Les actionnaires italiens s'interrogent : face à cette pression fiscale supplémentaire, faut-il délocaliser le site ? N'est-il pas possible de faire un geste et de réexaminer, dans ce cas très particulier, les modalités de calcul de la taxe foncière ? Je rappelle que la Bourgogne a perdu avec la crise 22 000 emplois depuis 2008, dont 10 000 emplois industriels...
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. - M. le ministre de l'industrie, que votre question touche au coeur, n'a pu se libérer ce matin.
Les entreprises sont les grandes gagnantes de la réforme de la taxe professionnelle, qui a allégé leur fiscalité de 5 milliards d'euros. La société Gewiss a bénéficié, comme les autres, de cette réforme. En outre, aux termes de l'article 1383 du code général des impôts, une exonération sur deux ans est prévue pour les constructions nouvelles ou les restructurations. Le groupe Gewiss en a également bénéficié... Nous ne pouvons pas aller au-delà. Votre question illustre en tout cas le débat sur la démondialisation initié dans votre région...
M. François Patriat. - Sans verser dans la polémique, j'attirais l'attention du Gouvernement sur un cas particulier. Je n'ai pas voté la réforme de la taxe professionnelle, extrêmement coûteuse pour les finances publiques et inefficace pour les petites entreprises. Tous, nous cherchons des solutions pour attirer les investisseurs étrangers, spécialement en milieu rural. Que fera-t-on si l'usine ferme dans quelques mois ? Se contentera-t-on de dire : « c'était la règle » ?
Difficultés d'accès au crédit des collectivités locales
M. Michel Doublet. - Les nouvelles règles de Bâle III, qui ne doivent s'appliquer qu'en 2018, ont déjà pour effet de restreindre l'accès au crédit des collectivités territoriales. Dans mon département de la Charente-Maritime, la réticence des établissements prêteurs et l'absence de concurrence qui en résulte réduisent nos marges de négociation et renchérissent le coût du crédit.
Pour respecter le principe de libre administration des collectivités locales, il faut préserver leur capacité d'investissement. Les associations d'élus, pour parer à cette situation, défendent la création d'une agence de financement, qui devrait bientôt trouver une traduction législative. L'Association des maires de France (AMF) évoque également l'idée d'un guichet de secours, que j'approuve. De son côté, le Premier ministre a annoncé le déblocage de 3 milliards par la Caisse des dépôts et la création à venir, avec la Banque postale, d'un pôle de financement public des territoires.
Dans cette situation grave et difficile, que compte faire le Gouvernement pour soutenir durablement les collectivités ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. - Veuillez excuser l'absence du ministre de l'économie. Les effets potentiels de l'application des normes de Bâle III sur le financement des collectivités territoriales sont difficiles à quantifier. Pour répondre à une tension conjoncturelle sur le marché du crédit, le Gouvernement a prévu une enveloppe sur fonds d'épargne de 3 milliards pour les collectivités et les établissements publics de santé. L'apparition d'un nouvel acteur, créé par la Banque postale et la Caisse des dépôts, sera de nature à équilibrer le marché ; il sera opérationnel dans quelques mois.
M. Michel Doublet. - Merci de ces précisions. La question est d'importance !
Situation des salariés de Boulanger Tours Nord
Mme Marie-France Beaufils. - Les conséquences du rachat de Planet Saturn par Boulanger, autorisé par l'Autorité de la concurrence, sont catastrophiques pour les salariés des six sites de l'enseigne -mais très bénéfiques pour le groupe et ses actionnaires. À Tours, le groupe Mulliez ne pouvait ignorer la situation de quasi-monopole qu'il allait créer et l'avantage qu'il en tirerait en se débarrassant du magasin de Tours Nord. Quel cynisme !
Les salariés, inclus dans la cession de l'entreprise, sont très inquiets : on a choisi de les abandonner plutôt que de les reclasser. C'est inhumain. Les procédures ne sont pas respectées -l'entreprise a déjà été rappelée à l'ordre par l'administration du travail. Le suicide d'un salarié le 3 août dernier, auquel je rends hommage, illustre le peu de cas que Boulanger fait de ces salariés. On les traite comme des choses, à comptabiliser dans les actifs de l'entreprise ! Selon les juristes, cette pratique revient au colonat du droit romain. La Déclaration des droits de l'homme affirme pourtant que tout travailleur est libre de choisir son travail.
Je demande au Gouvernement d'intervenir auprès du groupe Mulliez pour qu'il respecte les droits de ses salariés et ait l'obligation de les reclasser dans l'enseigne Boulanger, non de les vendre.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. - L'Autorité de la concurrence a autorisé, le 10 juin 2011, le groupe Boulanger à prendre le contrôle des magasins sous enseigne Saturn et Planet Saturn ; cette décision a été assortie de conditions pour le respect de la concurrence, dont la cession de six magasins.
Vous vous inquiétez de la situation des 33 employés du magasin de Tours Nord et estimez que le repreneur a une obligation de reclassement. Leur situation est conforme au droit ; leurs contrats de travail sont transférés automatiquement au repreneur, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. La jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur ce point : la pérennité des contrats n'est pas subordonnée à l'existence d'un lien de droit entre les employeurs successifs. Il reviendra au mandataire de veiller à ce que les magasins cédés soient gérés en bon père de famille, de préserver les actifs et donc l'emploi.
Mme Marie-France Beaufils. - Les salariés sont dans une impasse : avec la situation de quasi-monopole de Boulanger, le magasin n'intéresse guère des acheteurs potentiels. Ces salariés ont participé à l'essor du groupe Boulanger ; on ne leur offre aujourd'hui aucune perspective. Vous m'avez répondu par des dispositions générales...
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - C'est le code du travail !
Mme Marie-France Beaufils. - Ne peut-on rien faire dans de tels cas particuliers ?
Information des pays limitrophes sur les installations nucléaires françaises
M. Marc Laménie. - Président d'une commission locale d'information (CLI), je suis régulièrement sollicité par des représentants belges qui veulent accéder à l'information sur la gestion du site nucléaire de Chooz, dans les Ardennes. Or la loi du 13 juin 2006 ne semble pas autoriser la nomination de personnes de nationalité étrangère à la CLI.
Comment informer les populations belges en cas d'incident ? Elles sont à deux ou trois kilomètres du site à vol d'oiseau...
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Veuillez excuser l'absence de Mme Kosciusko-Morizet. L'article 8 du décret du 12 mars 2008 prévoit que, s'agissant des installations frontalières, des représentants étrangers peuvent être associés aux travaux de la CLI. En outre, des conventions internationales et des accords bilatéraux prévoient les modalités d'information et de coopération en cas d'accident. Pour le site de Chooz, un accord a été signé le 8 septembre 1998 entre l'Alsace et la province de Namur. L'exploitant a de son côté des obligations d'information.
M. Marc Laménie. - Merci de ces précisions.
Statut des sages-femmes
M. Martial Bourquin. - Les sages-femmes demandent la reconnaissance de leur travail et la revalorisation de la lettre-clé SF, bloquée depuis 2002 à 2,65 euros ; celle-ci étant utilisée pour coter 90 % de leurs actes, la revalorisation du tarif de consultation -10 % de leur activité- ne saurait les satisfaire. La prescription de la contraception ou le suivi gynécologique de prévention, autorisés récemment, ne font l'objet d'aucune cotation spécifique. La pose d'un stérilet est payée 17 euros aux sages-femmes mais 38,40 euros à un médecin... La profession, reconnue par le code de la santé publique comme à hautes responsabilités et compétences, a fait grève le 4 octobre dernier.
Le Gouvernement entend-il revaloriser la lettre-clé à 3 euros et mieux informer du rôle que joue cette profession auprès des femmes ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Les nouvelles compétences attribuées aux sages-femmes ces dernières années traduisent une meilleure reconnaissance de leur rôle.
Cette évolution doit effectivement s'accompagner d'une revalorisation financière. Toutefois, ce point ne relève pas du ministre mais des négociations contractuelles avec l'Uncam. Le tarif des consultations et des visites a déjà été augmenté. Le Gouvernement veillera à ce qu'une future revalorisation tarifaire soit conditionnée à des engagements de maîtrise des dépenses.
M. Martial Bourquin. - Comment le même acte peut-il coûter 17 euros chez une sage-femme et 38,40 euros chez un médecin ?
La Cour des comptes s'est récemment penchée sur la situation des sages-femmes et a noté que les maisons de naissance annoncées n'ont pas été créées. Elles permettraient pourtant une économie de 7 millions ! La grève a été très suivie : étant donné leurs responsabilités, les sages-femmes méritent une reconnaissance financière.
Coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse
Mme Catherine Troendle. - L'Augenklinik de Bâle est prête à former des ophtalmologues qui s'installeraient en France. Rien ne s'y oppose. Les spécialistes qui s'installeraient en Alsace garderaient la possibilité d'opérer leurs patients dans cet établissement. Reste la question de la prise en charge par la sécurité sociale...
Dans quelle mesure l'autorisation préalable de l'assurance maladie au cas par cas pourrait-elle être levée, grâce à un accord-cadre de coopération sanitaire à l'instar de l'accord franco-allemand ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - La coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse est une réalité, notamment en matière de pandémie grippale.
Il faut aujourd'hui d'aller plus loin, avec un accord-cadre sur lequel les services de l'État travaillent. L'objectif est de permettre aux bénéficiaires de l'assurance maladie, résidant habituellement ou séjournant temporairement dans les régions frontalières, d'avoir accès à des soins de qualité et d'organiser le remboursement des soins reçus sans autorisation préalable. L'accord devra respecter notre nouvelle architecture institutionnelle, autour des ARS, et la planification de l'offre de soins française afin d'éviter toute concurrence. La France proposera sous peu un projet à la partie Suisse.
Mme Catherine Troendle. - Merci de ces précisions. Je comprends les contraintes et espère que cet accord-cadre sera conclu au plus vite.
Anesthésistes-réanimateurs
M. Raymond Couderc. - Les anesthésistes du Biterrois sont inquiets, notamment vu la démographie de leur corps. Cette spécialité autrefois très attractive est aujourd'hui délaissée par les étudiants qui font primer le confort de vie. En outre, la multiplication de procès augmente les tarifs et les primes des assurances civiles professionnelles. D'où une baisse très significative des entrées dans la profession et un vieillissement de celle-ci : l'âge moyen est passé de 42,8 ans en 1989 à 51 ans en 2009. La moitié du corps professionnel de 2005 aura quitté la profession d'ici 2020.
Que compte faire le Gouvernement pour répondre aux besoins futurs et rendre la spécialité plus attractive ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - Les anesthésistes ont vu leurs effectifs croître de 20 % ces dix dernières années, contre 15 % pour l'ensemble des médecins. Le Gouvernement a augmenté le numerus clausus, qui est passé de 3 850 à 7 400 de 2000 à 2009, afin de répondre aux besoins de la population ; il a mis en place des quotas par spécialité à l'issue des épreuves nationales classantes. Depuis la loi HPST, il existe un système de prévisions quinquennales du nombre d'internes à former par spécialité et subdivision territoriale, établies sur la base des propositions des ARS.
Le nombre de postes offerts en anesthésie-réanimation a été porté à 383 en 2011, contre 182 en 1999 ; il sera de 387 sur la période 2012-2015. Il s'agit de lutter contre les inégalités territoriales d'accès aux soins, tout en préservant la liberté d'installation.
M. Raymond Couderc. - Vos propos sont rassurants mais, sur le terrain, les hôpitaux et cliniques peinent à recruter et doivent souvent recourir à des anesthésistes étrangers... Peut-être faudrait-il instituer un groupe de travail sur le sujet.
La séance est suspendue à 11 h 45.
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présidence de M. Charles Guené,vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 24 octobre 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité. Le texte en est disponible au bureau de la distribution.
Mineurs délinquants (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
Discussion générale
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Je suis si triste que le Sénat refuse la discussion que j'en ai la voix brisée...
Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois. - Nous voulons vous ménager ! (Sourires)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Seul le débat peut me guérir ! (Sourires)
L'idée de ce texte est de favoriser la réinsertion des mineurs de plus de 16 ans qui ont commis des actes de délinquance, dans le cadre du dispositif « Défense deuxième chance ». Nous devons adapter la réponse pénale à la diversité des profils : le service citoyen, qui fait primer l'éducatif, est un outil original, parmi d'autres. Pourquoi le refuser quand il s'inscrit dans un parcours de réinsertion, avec l'accord du mineur ?
Nous visons l'efficacité de la réponse pénale. Le contrat avec le jeune repose sur trois axes : une remise à niveau scolaire, un travail sur le comportement et une aide à l'insertion professionnelle.
Depuis leur création, les Établissements publics d'insertion de la défense (Épide) ont fait la preuve de leur intérêt.
J'insiste sur la nécessaire adhésion du mineur. C'est elle qui garantit le respect de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel. Le consentement de l'intéressé est indispensable, comme pour les travaux d'intérêt général. Le contrat pourra être poursuivi à la demande du jeune.
L'Épide, qui a désormais l'habitude de travailler avec la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), est prêt à accueillir les mineurs délinquants. Ceux-ci ne devront pas représenter plus de 10 % des effectifs. Ainsi, les jeunes majeurs en réinsertion ne seront-ils pas déstabilisés par l'arrivée de ce nouveau public. Il n'est nullement question de modifier le statut de l'Épide, qui ne sera nullement dénaturé, et verra ses moyens augmenter pour faire face à cette nouvelle mission.
Toujours pour adapter la justice des mineurs et à la suite de décisions du Conseil constitutionnel du 8 juillet et du 4 août, l'Assemblée nationale a, sur proposition du Gouvernement, introduit un article qui renforce l'impartialité des juridictions pour mineurs et précise les modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs afin que puisse être apportée une réponse pénale aussi rapide que possible.
Primauté de l'éducation sur la répression, atténuation de la responsabilité pénale, spécificité de la justice des mineurs, ce texte respecte les principes de notre République.
L'Épide saura apporter à ces jeunes des clés pour leur réinsertion. (Applaudissements à droite)
Mme Virginie Klès, rapporteur. - La proposition de loi, dans ses articles premier à 4, fixe les conditions dans lesquelles serait mis en oeuvre le service civique pour les mineurs délinquants. L'article 6, lui, relève d'un autre objet. Il n'a aucun caractère d'urgence : le Conseil constitutionnel donnait au législateur jusqu'au 1er janvier 2013 pour adapter l'ordonnance de 1945. Ce cavalier plus que cavalier traduit, une fois de plus, le dogme d'une justice des mineurs calquée sur celle des adultes ; or il s'agit d'enfants en construction, non d'adultes en miniature ! Que dire de ce texte qui bouleverse notre système judiciaire, déjà surchargé de travail, sans que les magistrats aient été consultés ? Mépris affiché des professionnels, méconnaissance des spécificités de la délinquance des mineurs, pourquoi faudrait-il accepter ce texte ?
La délinquance des mineurs est sans cesse ramenée à des chiffres. On en dénombre de plus en plus. Soit, mais est-ce à dire que le nombre de mineurs délinquants progresse ? Il faut savoir lire les chiffres ! M. Ciotti parle de la délinquance des moins de 13 ans mais pas de celle des jeunes filles. M. Ciotti oublie de dire que 5 % des mineurs délinquants sont responsables de 50 % des actes. La délinquance des mineurs peut passer par plusieurs actes délictuels sans pour autant qu'il faille désespérer. Il faut travailler à la réinsertion, inlassablement.
Une proposition de loi ? À l'origine, sans doute, mais tellement récrite par des amendements du Gouvernement qu'on est en fait devant un projet de loi -sans passer par le Conseil d'État ni par une étude d'impact. Les professionnels seraient en demande d'établissements supplémentaires ? Non, ce que les magistrats demandent, c'est davantage de places, de moyens, un budget qui ne baisse pas.
Entre service civil, service civique, service citoyen, on s'y perd ! Et qu'est-ce que ce « contrat de service » ? On est vraiment dans le flou artistique !
M. Ciotti prétend que 93 % des Français seraient pour une telle mesure ? Certes, mais à quelle question ont-ils répondu ? On leur parlait de multirécidivistes -que ces centres n'accueilleront pas ! Au reste, l'objectif est surtout, comme l'a dit M. Ciotti à l'Assemblée nationale, de protéger la société. Contre qui ? Contre ses enfants ! (M. Louis Nègre et Mme Catherine Troendle s'exclament)
Que dire de l'adhésion du mineur ? A-t-il vraiment le choix ? Les jeunes en Épide sont en réinsertion, non en sanction. Ces centres ont déjà la possibilité d'accueillir des mineurs.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que 200 délinquants ont été accueillis. En réalité, le chiffre est plus près de 100, et si le post-sentenciel fonctionne, l'accueil de jeunes en pré-sentenciel se solde toujours par un échec.
L'Épide a été créé en 2005 dans un contexte de violences urbaines. D'après la Cour des comptes, il n'a jamais été doté de moyens satisfaisants depuis. Le 8 février 2008, le nouveau président de la République annonçait un grand plan Banlieue. Pas de trace de l'Épide, cherchez l'erreur ! En 2009, il a été décidé que les jeunes de plus de 22 ans pourraient rester en Épide pour terminer leur parcours d'insertion jusqu'à 25 ans. L'an prochain, auront lieu les élections présidentielle et législatives. Et voilà que l'on sort ce texte des cartons, histoire de faire croire que l'on lutte contre la délinquance...
Tout cela n'est que de l'affichage. L'Épide mérite mieux ! (M. Louis Nègre s'exclame)
M. Jean-Jacques Hyest. - Vous aviez voté contre ! (On renchérit à droite)
Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'Épide, aujourd'hui, ça marche, car le projet d'insertion est global. Ça marche parce que l'on donne aux jeunes la moitié du budget à la fin du parcours, ce qui leur apprend à gérer un budget. Ça marche donc, mais pas à 83 % comme le prétend M. Ciotti. Une réussite de 40 %, c'est déjà bien !
Le service citoyen, ça ne marchera pas. Pourquoi ? Parce que les centres manquent de places, de personnel formé. Si nous voulons obtenir des résultats, il faudrait consolider le budget de l'Épide et cesser la valse des directeurs -deux ont été remerciés !
Si, vraiment, on veut être efficace, il faut un dispositif pour les jeunes dès 14 ans. C'est à cet âge-là qu'ils décrochent !
M. Louis Nègre. - Même avant !
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Pour construire cette réponse, il faut travailler avec la justice, mais aussi avec l'Éducation nationale, et pourquoi pas, les lycées militaires... (M. Louis Nègre s'exclame)
M. Jean-Jacques Hyest. - Que de contradictions !
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Les jeunes que j'ai rencontrés m'ont dit : à l'Épide, on a trouvé le respect, la confiance, une famille. Ne les cassez pas ; ces jeunes en déshérence n'ont pas besoin de ça ! (Applaudissements à gauche)
Mme Éliane Assassi. - Je partage les propos de Mme Klès et me réjouis de l'adoption de la motion de Mme Borvo Cohen-Seat en commission.
La proposition de loi de M. Ciotti est issue des travaux de M. Bénisti qui proposa le fameux dépistage de la délinquance chez les enfants d'école maternelle. Le mineur de 2011 ne serait pas celui de 1945, il serait plus violent, on connaît le discours... À telle enseigne que vous introduisez l'article 6 dans le texte pour modifier l'ordonnance de 1945 -véritable cavalier qui vous permet de contourner le Conseil d'État.
Si j'étais, comme M. Ciotti, convaincue que la délinquance des mineurs avait explosé...
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Pas de craintes à avoir !
M. Louis Nègre. - C'est pourtant un fait !
Mme Éliane Assassi. - ...je m'interrogerais : pourquoi les nombreuses réformes prises depuis 2007 n'ont-elles pas suffi ?
M. Louis Nègre. - Nous voulons faire mieux !
Mme Éliane Assassi. - Votre bilan est calamiteux ! En fait, vous raclez les fonds de tiroirs à des fins électorales...
Mme Catherine Troendle. - Pas du tout !
Mme Éliane Assassi. - Ce rapport Ciotti cite un sondage-plébiscite, qui porte sur les mineurs multirécidivistes. Ce texte ne vise, lui, que la délinquance. Dans ces conditions, M. Ciotti ne peut pas se prévaloir du soutien de 95 % des Français !
L'Épide a une mission d'insertion. Les jeunes délinquants seront stigmatisés, ce qui rend la réponse inefficace et fragilise les jeunes en insertion. L'encadrement n'est pas militaire : loin de l'affichage, le personnel de ces centres est civil même s'il compte aussi d'anciens militaires. On ment aux Français !
Que dire du budget ? On parle de 8 millions pour environ 200 jeunes. C'est insuffisant. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur l'intérêt de ce texte.
Ne fragilisons pas les Épide. Si ce texte était adopté, ce serait la dixième réforme de l'ordonnance de 1945 depuis dix ans ! Le texte sur la participation des citoyens à la justice n'était pas encore adopté que le texte de M. Ciotti était déjà sur le bureau de l'Assemblée nationale. Cherchez l'erreur ! C'est que, pour vous, les responsables de la délinquance des mineurs sont les parents, accusés d'être démissionnaires : on les culpabilise, on les infantilise, au lieu de les aider, notamment économiquement. Souvenez-vous de la mise en scène de M. Ciotti pour lancer son contrat éducatif : son attachée de presse jouant à la télévision le rôle d'une mère de famille éplorée...
M. Jean-Pierre Michel. - C'était scandaleux !
Mme Éliane Assassi. - Alors que la PJJ ne cesse de perdre des emplois, vous refusez de considérer que le mineur délinquant est d'abord un enfant à protéger. Depuis 2007, pas moins de sept rapports sur l'enfance délinquante, sans aucune consultation des professionnels !
Au vrai, dans des conditions économiques difficiles, vous préférez taper du poing sur la table et parler de délinquance des mineurs que de pouvoir d'achat ! Un nouveau projet de loi serait d'ailleurs à l'étude, sans doute inspiré par M. Ciotti... Pourquoi alors cette proposition en urgence ?
Tout concourt à ce que nous refusions ce texte. La surenchère sécuritaire est dangereuse à l'approche des échéances électorales.
Notre groupe s'oppose à ce texte, sur la forme comme sur le fond. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Horresco referens. Oui, je tremble, je suis horrifiée. On nous propose la onzième réforme de l'ordonnance de 1945 en dix ans. Loin de moi l'idée de contester que les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas ceux de 1945. Loin de moi l'idée de méconnaître les évolutions de la société. Loin de moi l'idée de nier le besoin d'adapter notre réponse pénale aux nouvelles formes de délinquance, avec la multiplication des bandes, la participation des filles.
En revanche, je suis, comme de nombreuses personne sur ces bancs, farouchement hostile à toute modification de la justice des mineurs avant qu'on ait dressé un état des lieux fiable.
Notre jeunesse est malade et la délinquance progresse ; le constat est partagé. Mais que faire ? Le tout-prévention n'a pas donné de meilleurs résultats que le tout-répression.
Ce texte vise une cible dérisoire : les primo-délinquants ou les mineurs ayant commis des faits de faible gravité. C'est dire que pour tous les autres, nous en revenons aux mesures proposées dans les dix dernières réformes.
Ensuite, le risque est grand de bouleverser l'organisation des Épide : deux populations différentes n'ayant pas les mêmes besoins, les mêmes attentes, les mêmes objectifs. Certes, l'entrée de l'Épide fait l'objet d'un contrat avec le jeune. Mais ne s'agit-il pas d'une adhésion sous contrainte ?
Chaque encadrant distingue fonction militaire et fonction éducative. Ce qui est possible avec des jeunes volontaires ne le sera sans doute pas avec ces jeunes délinquants !
Les militaires refusent de donner une image négative de l'armée.
Enfin, les contraintes budgétaires : avec la baisse des effectifs de la PJJ, comment croire à une manne de moyens nouveaux ici ? Les bonnes intentions trouvent là leurs limites.
J'admets qu'il est besoin d'un nouveau modèle social, éducatif, répressif même, mais il faut prendre l'avis des professionnels, des magistrats, de ceux qui oeuvrent à la réinsertion des jeunes qui se sont éloignés de la voie droite. Pouvons-nous faire mieux ? Oui, nous le pouvons. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à gauche)
M. François Pillet. - La lutte contre la délinquance juvénile doit nous occuper comme elle préoccupe nos concitoyens. Ils sont des nôtres, ces jeunes pris dans la spirale de la délinquance. Pourquoi aurions-nous peur de proposer des solutions alternatives à l'enfermement ? Nous ne pouvons rester des spectateurs passifs et des philosophes verbeux ! Beaucoup a été fait depuis 2002 pour renforcer la prévention et la réponse judiciaire aux infractions. Mais celle-ci reste trop peu variée et les délais de sanction restent anormalement longs.
Dans le rapport que j'ai cosigné avec M. Peyronnet sur les centres éducatifs fermés et les établissements pour mineurs, nous appelions, après la commission d'enquête de 2002, à repenser l'enfermement des mineurs. Dès lors, toute idée nouvelle doit être étudiée, a fortiori quand elle est portée par des gens aussi différents que M. Ciotti et Mme Royal !
Ce texte élargit les mesures à la disposition des magistrats. Il ne s'agit pas de nouvelles sanctions. Le juge ne pourra mettre en oeuvre la mesure qu'avec l'accord du mineur. La PJJ intervient pleinement, le contrat ouvre droit à un pécule... On est loin de l'image caricaturale qui a été donnée du service citoyen !
Certes, nous devons veiller au bon fonctionnement des Épide, mais il s'agit ici de mineurs consentants, au passé pas plus chargé que les pensionnaires actuels !
Il faut plutôt amender, améliorer ! Les mots trop violents dissimulent mal l'absence d'humanisme...
Notre groupe soutient l'idée innovante de ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marie Bockel. - La partition qui nous est ici proposée est-elle la bonne ?
J'ai fait de la prévention de la délinquance une priorité dans l'exercice de mes mandats locaux et nationaux. Je sais qu'elle appelle une approche globale, qui s'inscrit dans la durée.
Déjà six modifications de l'ordonnance de 1945 ; la délinquance des mineurs a-t-elle pour autant baissé ?
L'Épide est un dispositif prometteur ; j'y étais favorable dès 2005, et ma commune était candidate pour en accueillir un. Le bilan en 2010 est excellent, mais trop peu de jeunes sont concernés : 2 250 répartis dans vingt centres quand l'objectif était de 20 000. Bref, on en est au stade de l'embryon.
Le dispositif serait-il affaibli si l'on y introduit des mineurs primo-délinquants, qui n'ont pas la même motivation que les pensionnaires actuels ? Leur implication personnelle reste à bâtir...
Qu'en est-il des jeunes en insertion qui seront confrontés à ces nouveaux arrivants ? Je suis pour une alternative pédagogique aux peines. La proposition de loi pose cette question, mais il faudrait un dispositif plus vaste, avec une approche différenciée des publics concernés... Attention à ce que le mieux ne soit pas l'ennemi du bien !
Si la question préalable est adoptée, nous ne pourrons malheureusement pas amender le texte. (M. le garde des sceaux le confirme) On aurait pu proposer, par exemple, des sections spécialisées au sein des Épide, favoriser l'apprentissage, etc.
J'ai beaucoup travaillé sur ces questions, qui me tiennent à coeur. Les idées existent et dépassent souvent les clivages partisans. Il faut progresser dans la discussion, même si cette proposition de loi n'est sans doute pas la solution. (Applaudissements au centre)
M. Jean-Pierre Michel. - Ce texte nous vient en double procédure accélérée. Oui, car vous avez utilisé le véhicule d'une proposition de loi pour éviter les consultations... Où est l'urgence ? Le Gouvernement ne se soucie guère du Parlement !
L'article 6, vous en êtes responsable, monsieur le ministre, malheureusement.
La principale caractéristique de ce texte, c'est le mensonge. Son intitulé lui-même est mensonger : il ne s'agit pas du service civique imaginé par M. Hirsch et Mme Royal ; il s'agit de placer les mineurs délinquants dans les Épide, financés essentiellement par le ministère de la ville, établissements éducatifs, loin de la « rigueur militaire » affichée. Les militaires y sont minoritaires !
M. Louis Nègre. - Mais ils y sont !
M. Jean-Pierre Michel. - Mensonge aussi car la mesure ne concernerait tout au plus que 200 à 250 mineurs sur les 160 000 traduits devant les tribunaux chaque année ! Mensonge encore : le placement du mineur est déjà possible mais n'a jamais été mis en oeuvre ! Il suffirait de négocier des conventions, et surtout de financer de nouvelles places ! Mensonge encore : pas de financement !
Pourquoi prendre le risque de déstabiliser les Épide en y ajoutant de nouvelles populations, très différentes des pensionnaires actuels ?
Dans un amendement créant l'article 6, le Gouvernement a voulu tirer hâtivement les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011, et ce sans concertation aucune. Il y a pourtant matière à discussion, et le Conseil constitutionnel laissait, dans sa sagesse, jusqu'au 1er janvier 2013 pour traduire sa décision dans la loi. Belle usine à gaz que ce que vous proposez : c'est un bouleversement radical par rapport au principe de continuité qu'entraîne la décision du Conseil constitutionnel en prévoyant que les affaires de mineurs seront jugées et instruites par des magistrats différents.
On mutualise les tribunaux, sans moyens, sans étude d'impact. Quid du transport des juges ? Comment feront-ils pour se coordonner entre magistrat instructeur et juge du tribunal ?
Vous tentez de contourner la décision du Conseil constitutionnel qui estimait que la présentation immédiate ne devait pas s'appliquer aux mineurs. Quelles procédures appropriées au relèvement éducatif et moral des mineurs pourront être prises en dix jours ou un mois ?
L'introduction de cette mesure dans une formulation très technique, en catimini, visait à enfumer les parlementaires, mais vous avez été débusqués !
Monsieur le ministre, vous aurez été le démolisseur du droit des mineurs et de l'ordonnance de 1945 ! Peut-être en êtes-vous fier...
La délinquance des mineurs était jusqu'ici traitée selon le principe de continuité, accentué en 2004. Avec ce cavalier, vous l'abandonnez. On ne peut que rejeter en bloc ce texte mensonger. La délinquance des mineurs appelait d'autres réponses, mais vous vous en souciez comme d'une guigne ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
Mme Catherine Tasca. - En mai dernier, nous examinions le projet de loi sur la participation des citoyens à la justice et la justice des mineurs ; six mois plus tard, voici une énième modification de l'ordonnance de 1945, désormais modifiée plusieurs fois par an ! Les élections approchent...
Avec cette proposition de loi, après l'excellent rapport de notre rapporteur, je concentrerai mon propos sur l'article 6, preuve de votre approche désordonnée et bâclée.
La décision du 8 juillet 2011 déclare contraire à la Constitution l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire au nom du principe d'impartialité. Vous en tirez la conclusion que le juge qui a instruit le dossier et renvoyé le mineur devant le tribunal ne peut présider la juridiction de jugement. C'est une interprétation un peu rigide. Cette décision ne fait pas obstacle au principe d'un juge unique quand la culpabilité est reconnue.
Mesurez-vous bien les conséquences de la mutualisation des tribunaux pour enfants ? Les juges pour enfants, déjà asphyxiés, ont-ils besoin de nouvelles contraintes ?
La décision du 4 août 2011 porte sur la présentation immédiate des mineurs, estimant que le tribunal correctionnel des mineurs ne pouvait être considéré comme une juridiction spécialisée. L'article 6 réintroduit la procédure d'urgence, offrant au procureur la possibilité de requérir la comparution du mineur dans un délai compris entre dix jours et un mois. Le Conseil constitutionnel avait pourtant censuré une telle mesure dans la Loppsi 2.
L'article 6 rompt avec les principes qui fondent le droit des mineurs. C'est une étape de plus dans la démolition du droit pénal des mineurs de 16 à 18 ans, un nouveau coup de butoir sans consulter, et même informer magistrats et avocats. Je comprends que vous ayez souhaité tenir les professionnels à distance de cet article 6 !
La multiplication des questions prioritaires de constitutionnalité va entraîner celle des décisions d'inconstitutionnalité. Il faut prendre le temps de la consultation pour tirer les conséquences de ces décisions d'ici 2013.
C'est le sens de la question préalable votée par notre commission.
Au début du quinquennat, Mme Dati avait mis en place une commission en vue de clarifier l'ordonnance de 1945, en élaborant un code de justice pénale applicable aux mineurs. Mais la logique électoraliste, purement répressive, l'a emporté. Vous amputez notre avenir ! Nous entendons mettre un terme à cette régression. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Nicolas Alfonsi. - Cette proposition de loi, qui élargit la palette des solutions ouvertes aux juridictions pour mineurs, repose sur des contre-vérités.
La première, c'est que la délinquance des mineurs explose -malgré les réformes intervenues depuis 2002... Or la part des mineurs dans la délinquance globale stagne, les infractions de faible gravité sont davantage comptabilisées...
Deuxième contre-vérité, les juridictions manqueraient de solutions pour accueillir les mineurs. La vérité, c'est la baisse continue des moyens de la PJJ depuis 2008 !
Ce texte détourne un dispositif d'insertion qui fonctionne, en l'élargissant à un public tout autre. L'Épide n'est pas adapté à l'accueil des mineurs délinquants. Un accord donné sous la menace d'une peine n'est pas un vrai consentement...
On nous parle d'encadrement militaire ? Il s'agit en réalité d'un dispositif civil. Mineurs multirécidivistes ? En réalité, le texte concerne les primo-délinquants ou ayant commis des actes de faible gravité, qui peuvent être pris en charge en milieu ouvert.
Depuis 2009, les Épide peuvent accueillir des mineurs, mais le Gouvernement ne leur en a jamais donné les moyens. L'Épide peut accueillir des délinquants, mais à la condition qu'ils aient un réel projet d'insertion.
Avec la PJJ et les associations, nous disposons d'un personnel de qualité, dont le métier est précisément de s'occuper des mineurs ! Avec succès : plus de 70 % des mineurs pris en charge par la PJJ ne réitèrent pas. Pourquoi cette défiance envers la PJJ ?
Les décisions récentes du Conseil constitutionnel entraînent un bouleversement de la justice pénale des mineurs. Le principe de continuité doit être préservé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est l'essentiel !
M. Nicolas Alfonsi. - Il faut prendre le temps de la concertation ; les magistrats ont des propositions à faire. Je voterai donc la question préalable.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Le groupe socialiste parle de mensonge ; le RDSE de contre-vérité ; c'est la seule différence !
Mme Colette Giudicelli. - En 1847, ici même, Victor Hugo affirmait : « Tout homme coupable est une éducation qu'il faut refaire ; la prison doit être une école ». La délinquance des mineurs est un vrai sujet d'inquiétude. La progression du nombre de mineurs délinquants n'est pas contestable : + 44 % pris en charge par la PJJ depuis 2002. Et c'est sans tenir compte de l'explosion des incivilités.
Rajeunissement des auteurs d'infractions, aggravation des actes : il faut freiner le processus avant que ces jeunes ne deviennent irrécupérables. Il faut privilégier les mesures éducatives sur le répressif, comme l'impose l'ordonnance de 1945. L'autorité judiciaire ne dispose pas, ne vous en déplaise, d'un large éventail de solutions. Le texte complète utilement les dispositifs existants : le contrat de service citoyen, c'est le chaînon qui manquait, pour la resocialisation de ces mineurs.
Fallait-il créer de nouvelles structures ? Non, il fallait tirer parti de l'expérience des Épide, créés en 2005. Ceux-ci se fixent trois objectifs : mise à niveau scolaire, formation civique et comportementale, préformation professionnelle. Les Épide ont fait leur preuve pour les jeunes qui sont allés au bout du parcours : 80 % de succès.
Faut-il mélanger deux publics : jeunes en insertion et délinquants ?
D'abord, le dispositif repose sur le volontariat indispensable à toute réinsertion. Ensuite, il s'agit de primo-délinquants. Faisons confiance à la justice pour déceler le degré de motivation du jeune.
Les jeunes délinquants ne représenteront pas plus de 10 % des effectifs ; 200 jeunes seront accueillis par an. Enfin, l'Épide accueille déjà des jeunes ayant purgé leur peine.
Je suis donc favorable à cette proposition de loi : nous ne devons négliger aucune piste pour lutter contre la délinquance.
Avec la question préalable, vous refusez au Sénat la possibilité de jouer son rôle en amendant et améliorant le texte. Vous ne faites aucune proposition, je le regrette. Je ne voterai bien sûr pas la question préalable. (Applaudissements à droite)
M. Yves Détraigne. - Cette proposition de loi est-elle vraiment indispensable ? Sans minimiser la délinquance des mineurs, je m'interroge sur la méthode : le sujet mérite une réflexion de fond, plutôt que de modifier tous les trois mois l'ordonnance de 1945...
Déjà, lors de l'examen du projet de loi sur la participation des citoyens à la justice pénale et à la justice des mineurs, j'avais regretté l'abandon du projet d'un code pénal pour la justice des mineurs. Pourquoi cette 33e modification de l'ordonnance ? Pourquoi un énième rafistolage ? Donnons-nous le temps d'une réforme d'ensemble.
Ensuite, dans le contexte budgétaire que connaît la justice, ne vaut-il pas mieux renforcer les dispositifs existants que de redéployer 8 millions pour une nouvelle mesure ?
La proposition de M. Ciotti est séduisante ; pour autant, l'accueil de jeunes délinquants ne va-t-il pas déstabiliser les Épide ? Aujourd'hui, chacun reconnaît leur utilité; ce n'était pas le cas lors de leur création...
Mme Catherine Troendle. - C'est vrai...
M. Yves Détraigne. - Mme le rapporteur elle-même note leur succès... Le volontariat sous contrainte ne dénaturera-t-il pas la mission d'insertion des Épide ? Les personnels de ces centres s'interrogent. Or leur adhésion est indispensable pour que la réforme réussisse. Enfin, la vocation de l'armée n'est pas l'accueil des délinquants ; il paraît inopportun de créer la confusion dans l'opinion.
Enfin, comme M. Cointat en commission, je regrette cette question préalable. Le Sénat se prive de la possibilité d'améliorer le texte ; ce n'est pas ainsi que nous revaloriserons son image. (« Très bien » et applaudissements à droite)
M. Félix Desplan. - Avant la fin de l'année, un congrès en Guadeloupe se penchera sur le malaise de notre jeunesse. Les Épide n'existent pas outre-mer : négligence du Gouvernement ? Coût de fonctionnement trop élevé ? Et en métropole, le dispositif n'est pas totalement appliqué -ces établissements n'accueillent pas des mineurs, alors que cette possibilité est ouverte par la loi de 2009.
Surtout, a-t-on pensé que le service militaire adapté (SMA) suffirait dans les DOM ? Le problème est que seul un candidat sur six y est accepté, tandis qu'on envisage de doubler le nombre de bénéficiaires. Il faudra veiller à ce que la durée et la qualité de la formation n'en souffrent pas. Reste que les mineurs ne sont pas concernés ; surtout, aucune solution n'est prévue pour les mineurs délinquants. La part des mineurs dans la délinquance est moindre dans les départements d'outre-mer mais tend à progresser. Peut-on rester les bras croisés face à ce phénomène ? Il faut plutôt le prendre à bras-le-corps et refuser l'affichage politique.
En Guadeloupe, on prononce une vingtaine de peines de travaux d'intérêt général par mois. Mais pour le jeune, le lieu d'exécution est important pour comprendre le sens de la peine ; et le système a encore des faiblesses, manque de suivi et d'accompagnement, absence de bilan, personnel mal formé. Parmi les bénéficiaires des travaux d'intérêt général, nombreux sont les consommateurs de drogue qui récidivent. On peut améliorer ces mesures, il y faut de la volonté et des moyens.
La création d'un Épide outre-mer serait plus que bienvenu. Je rappelle que le chômage des jeunes atteint 60 % dans certains DOM. Cependant, les Épide ne doivent en aucun cas être détournés de leur mission : l'insertion professionnelle des jeunes ! (Applaudissements à gauche)
Mission commune d'information (Membres supplémentaires)
M. le président. - La liste des candidats présentés par les groupes pour la désignation de six membres supplémentaires de la mission commune d'information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale a été affichée à 16 heures.
En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, de notre Règlement, elle sera ratifiée à 18 heures, si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
Mineurs délinquants (Procédure accélérée - Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Louis Nègre. - D'abord, il y a de quoi s'inquiéter de l'état des lieux. La proposition de loi de notre excellent collègue Ciotti est d'une actualité brûlante. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat se gausse) La délinquance des mineurs n'a cessé de progresser depuis 1977, en France comme ailleurs. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit de plus belle) Mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire ! Vous, vous réfléchissez ; nous, nous agissons ! (« Bravo ! » à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Avec quelle efficacité ! Vous n'agissez pas, vous vous agitez !
M. Louis Nègre. - Entre la prison et la rue, a fort bien expliqué Mme Giudicelli, il n'y a pas de réponses suffisamment variées.
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je dirai même plus : il n'y a rien !
M. Louis Nègre. - Nos concitoyens plébiscitent le service citoyen, au-delà des clivages ! (Marques de satisfaction à droite) Vous parlez à tout bout de champ de démocratie participative et envoyez pas moins de onze orateurs à la tribune pour esquiver le débat au Sénat ! Vous ne pouviez pas rendre un meilleur hommage à ce texte.
Il constitue le chaînon manquant. Pour ces jeunes, les valeurs militaires, les valeurs civiques tout simplement, sont une réponse adaptée. Le contrat s'appliquera dans un contexte précis ; établi par un magistrat, il s'adresse seulement aux volontaires de plus de 16 ans. Ses trois objectifs -mise à niveau en français et mathématiques, formation civique et comportementale, préformation professionnelle- sont bienvenus. L'orateur précédent a détaillé les réussites du SMA outre-mer. Le taux d'insertion sur le marché du travail des jeunes passés par l'Épide atteint 70 %. Dépassons les clivages idéologiques pour reconnaître la justesse de cette proposition de loi !
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Ben voyons !
M. Louis Nègre. - Ne refusons pas à ces jeunes en rupture l'apprentissage du sens de l'effort et du mérite, du respect de la règle et de l'autorité, de la citoyenneté. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe)
Après l'adoption de ce texte à l'Assemblée nationale le 12 octobre dernier, je m'étonne de la motion votée en commission dans ce haut lieu démocratique qu'est le Sénat. Le changement de majorité commence mal ! (Exclamations sur les bancs socialistes) D'autant que la candidate socialiste Mme Royal faisait les mêmes propositions en 2007 ! Ne vous en déplaise, M. Ciotti, lui, a auditionné des magistrats et des responsables de structures ; la moitié des jeunes aujourd'hui dans les Épide ont déjà eu affaire à la justice : l'arrivée de mineurs délinquants ne les déstabilisera pas. Je suis au regret de constater que la gauche manque d'arguments...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Quel bonimenteur !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il est drôle...
M. Louis Nègre. - ...alors que seul l'intérêt des mineurs délinquants et de la société doit être recherché. Je salue le courage de M. Ciotti et remercie le garde des sceaux. Cette proposition de loi pleine de bon sens doit être mise en oeuvre dans les plus brefs délais, pour les jeunes en rupture en particulier et pour la société en général ! Je m'opposerai à une question préalable empreinte d'une idéologie dépassée, inopportune et contre-productive. (Vifs applaudissements à droite)
Mme Muguette Dini. - « Lorsque les parents s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves, lorsque les jeunes dénigrent la loi et ne reconnaissent au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est le début de la tyrannie »...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Platon...
Mme Muguette Dini. - Platon, en effet. L'éducation est la principale question qui se pose à notre société. J'adhère pleinement à la philosophie de l'ordonnance de 1945 : la cause première de la délinquance est le déficit d'éducation.
Il faut renforcer d'urgence la politique d'appui à la parentalité lancée dans les années 1990. Depuis quarante ans, la famille a grandement évolué. Tenons-en compte. Autre échec : celui de l'école, devenue source de dévaluations et d'inégalités ; notre système scolaire ne transmet plus les valeurs qui font la cohésion sociale et la construction de chacun.
Il est bien expéditif, madame le rapporteur, de qualifier ce texte de texte de circonstance. Lors d'une mission en Martinique et en Guyane, nous avons visité le régiment du SMA. L'encadrement y est exclusivement militaire ; le principe y est le volontariat. Et, c'est vrai, une sélection existe pour s'assurer que le candidat n'a pas eu de démêlés trop lourds avec la justice. Depuis la création du SMA en 1961, 120 000 jeunes en ont bénéficié. Notre mission a reconnu l'incontestable succès du dispositif ; ses visites ont permis de dédiaboliser l'encadrement militaire des jeunes en rupture. J'adhère donc au principe. Mais la question est la suivante ; faut-il mélanger les jeunes en insertion et les jeunes délinquants ? Cela paraît bien dangereux. Mieux vaut créer une structure spécifique.
Pour toutes ces raisons, je regrette que la commission des lois, en votant la motion, nous prive de la possibilité d'améliorer ce texte ! (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Esther Benbassa. - Le Gouvernement, une fois encore, nous oblige à travailler dans l'urgence, à des fins électoralistes, sur un texte qui ne comporte que des mesures cosmétiques. C'est dire le crédit qu'il accorde à l'éducation ! (Applaudissements à gauche)
M. Louis Nègre. - C'est vous qui refusez le débat !
Mme Esther Benbassa. - Comme Mme Tasca, je m'oppose fermement à l'article 6, c'est une greffe qui ne prend pas : elle est contraire au principe constitutionnel de la continuité du suivi éducatif des mineurs.
Le reste du texte est tout aussi contestable. (M. Jean-Pierre Michel approuve vivement) Personne ne savait quel public visait ce texte ; heureusement, le ministre vient de nous expliquer que seuls les primo-délinquants et les personnes ayant commis des actes de faible gravité seront accueillis. Ensuite, quid de l'encadrement militaire ? Les personnels des Épide sont à 42 % des anciens militaires ; le ministère de la défense devrait financer le dispositif à hauteur de 2 millions. C'est dire que l'ambiguïté subsiste.
Les sénateurs écologistes sont hostiles à la militarisation de l'insertion des jeunes.
M. Louis Nègre. - Ils ont tort !
M. Alain Gournac. - Et le SMA ?
Mme Esther Benbassa. - Le critère du volontariat est bien théorique quand ce dispositif est une alternative à l'enfermement...
M. Louis Nègre. - C'est un choix...
Mme Esther Benbassa. - Au vrai, avec ce texte liberticide, la droite « populaire » espère récupérer l'électorat de l'extrême droite en flirtant avec ses thèses... (On le conteste à droite ; applaudissements à gauche) ! Vous mettez l'accent sur la répression, au mépris de l'éducatif, en faisant fi des maux dont souffre notre société. Pour une poignée de mineurs délinquants, vous risquez de déstabiliser les Épide, dont la mission est l'insertion.
Les sénateurs EELV rejettent en bloc la philosophie de ce texte. D'autant que le coût de la mesure est exorbitant : 50 000 euros par jeune délinquant, contre 32 000 aujourd'hui ? Est-ce bien nécessaire quand le budget de la justice souffre tant de la crise ? (Applaudissements à gauche)
M. Alain Néri. - Oui, la délinquance des mineurs est un problème important. Mais il ne date pas d'aujourd'hui, à preuve l'ordonnance de 1945. Pareil sujet mérite une réflexion approfondie. C'est pourquoi je conteste et réfute l'opportunité de ce texte, alors qu'un code de la justice des mineurs serait presque achevé !
L'ordonnance de 1945 autorise déjà le placement des mineurs délinquants en établissement d'éducation ; pourquoi ce texte, si ce n'est pour préparer les élections de l'an prochain ? Pour des jeunes en insertion, que les Épide accueillent, les mesures pédagogiques ne peuvent être les mêmes que pour les délinquants. Vous allez transformer les Épide en structures de sanction, en alternatives à l'enfermement.
Pour une véritable politique de prévention, il n'y a qu'une solution : renforcer la PJJ. Or vous ne cessez de réduire ses effectifs. Cerise sur le gâteau, le directeur de l'Épide, dont les mérites ont été il y a peu reconnus, vient d'être remercié du jour au lendemain. Peut-être nous direz-nous pourquoi, monsieur le ministre ?
Souvenons-nous de ce vieux principe d'efficacité : « A chacun son métier » ! Donnons-nous les moyens d'une véritable politique de prévention pour redonner chance et espoir aux jeunes. Nous retrouverons ainsi ensemble le chemin de la cohésion nationale. C'est le voeu que je formule, avec le groupe socialiste ! (Applaudissements à gauche)
Mme Michelle Meunier. - Permettez-moi d'intervenir en tant que responsable de la politique de l'enfance au conseil général de Loire-Atlantique.
L'ordonnance de 1945 a constitué un grand progrès ; elle a marqué que la répression ne suffit pas à tout régler. Dans une vie, on peut trébucher, puis repartir. Les faits délictueux sont commis par toutes les populations, quels que soient l'âge, le milieu social ou le territoire ; en revanche, certaines sont plus facilement repérées et pénalisées...
Toutes les études montrent que le passage à l'acte s'explique par des violences subies par l'auteur dans son enfance. Les délinquants sont, d'abord, des victimes. C'est en les respectant qu'on parviendra à réduire la délinquance et à aider les enfants cabossés par la vie à se reconstruire ; et le respect ne s'impose pas par la force, il se gagne par la confiance. S'il reste des progrès à faire, il faut toujours garder confiance dans les jeunes.
Ensuite, 96 % des mineurs délinquants sont des garçons arrêtés pour des faits de violence à l'égard de femmes ou d'enfants. Notre société accepte encore trop la domination masculine. Tant que nous n'interrogerons pas nos rapports sociaux de sexe, nous ne progresserons pas.
Mon département a connu plusieurs faits divers dramatiques en la matière : Laëtitia, Agnès de Ligonnès, d'autres encore. Qu'ont demandé, à Nantes, les professionnels de la justice ? De la concertation, de l'écoute, des moyens pour exercer leur mission, non des réponses toutes faites ! Il faut également associer les familles aux décisions, qui ne se satisfont pas plus que les jeunes de l'échec social. Nous pensons que l'éducation est un investissement pour l'avenir -c'est ce qui nous distingue du Gouvernement... L'État ne cesse de se désengager de la prévention et de l'accompagnement des personnes en difficulté.
Avec les jeunes, il faut avoir un discours particulièrement clair : je crains qu'un encadrement militaire ne s'ajoute au catalogue des mesures inefficaces et coûteuses déjà prises. Dans ces conditions, je propose qu'on affecte les 8 millions du service citoyen à la PJJ, qui manque cruellement de moyens ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je crains que mon intervention ne change rien à la volonté du Sénat de ne pas débattre... A vous entendre, madame le rapporteur, vous détenez seule la vérité ; tous les autres sont dans les ténèbres. Je n'ai pas cette conception du vivre ensemble et de la vie publique. Je n'aurais jamais pensé qu'il existait une telle distance avec l'Ille-et-Vilaine, avec un point d'ancrage à Issoudun...
Je regrette que vous refusiez la discussion. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)
Il est consubstantiel au marxisme de Mme Borvo de dire non.
Mme Éliane Assassi. - Que lui arrive-t-il ?
M. Alain Gournac. - Laissez parler le ministre !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le refus du débat, ce n'est pas ma conception du vivre ensemble. Je considère que s'il y avait eu discussion au Sénat, le texte aurait été meilleur ! (Exclamations à gauche) Je continuerai à m'exprimer, comme je l'ai toujours fait ici. Le débat, ce n'est pas juxtaposer dix-huit discours, c'est écouter, échanger.
L'article 6, ce n'est pas que du mensonge, monsieur Michel ! En seriez-vous spécialiste ? (Sourires à droite)
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 juillet, a fixé le principe constitutionnel en matière de justice des mineurs. Pourquoi refusez-vous toujours de citer la grande loi du 12 avril 1906 ? Qui était alors au gouvernement, madame Escoffier ? Clemenceau ! Cela devrait vous rappeler votre ancrage radical.
M. Alain Néri. - Et le CNR ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Le CNR, c'est la fin d'une époque et le début d'une nouvelle République !
L'ordonnance de 1945 n'exclut pas que soit prononcé le placement ou la détention des mineurs de plus de 13 ans.
L'article 62 de la Constitution dispose que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous. Nous avons certes jusqu'au 1er janvier 2013 pour imposer ces mesures. Mais le Parlement ne va plus siéger du 20 février au mois de juin. Après il y aura une session extraordinaire...
M. Alain Néri. - Et une autre majorité !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il y aura une majorité. Je fais confiance aux Français pour choisir le bon côté !
Il sera difficile de trouver le temps pour voter ces mesures avant décembre 2012. Nous les proposons donc ici.
L'amendement voté par l'Assemblée nationale à l'article 6 concerne les mineurs récidivistes : il y a déjà eu une enquête de personnalité. Le procureur pourra en tout état de cause ne rien faire.
Avec l'Épide, il s'agit seulement de donner au juge des enfants une possibilité supplémentaire. Dans son rapport, page 17, Mme Klès précise que 30 % des jeunes actuellement en Épide ont déjà été jugés et que 15 % sont sous suivi judiciaire. C'est bien le même public. (On le conteste à gauche)
Ce Gouvernement est le seul à avoir fait diminuer le nombre de mineurs incarcérés, en créant les centres éducatifs fermés. (Applaudissements à droite) Pour continuer dans le même sens, il faut offrir d'autres possibilités : 200 places seront ouvertes, avec encadrement par d'anciens militaires, des éducateurs, et surtout une vraie formation professionnelle. Vous ne pouvez rien reprocher à ce dispositif, c'est sans doute pourquoi vous refusez d'en débattre ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - M. Mercier ne nous avais pas habitués à un tel manichéisme, qui le pousse vers des métonymies douteuses : les habitants d'Issoudun ne sont pas marqués à vie par certains événements en cette cité, non plus que les Grenoblois par certain discours. (Applaudissements à gauche) La rhétorique autour de la question préalable est quelque peu sujette à caution : je tiens à votre disposition une liste imposante de questions préalables votées par la précédente majorité du Sénat de par le passé.
Vous n'avez pas répondu sur la question financière. En 2010, 99 987 000 euros ; en 2011, 82 430 000 euros pour les Épide. Dans le budget 2012, les deux plus grands contributeurs verront leurs crédits diminuer de 13 % et 12 %. Il y a donc moins de crédits : comment imaginer confier de nouvelles tâches aux Épide dans ces circonstances ? (Applaudissements à gauche)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - J'aime beaucoup les Grenoblois, et les Orléanais plus encore -et je ne les vois pas seulement à travers l'histoire de Jeanne d'Arc...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Qui est très importante pour la France, et au-delà !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Il s'agit simplement de financer les 200 places que nous créons ; 8 millions, pris en charge à égalité par quatre ministères. La justice contribuera à hauteur de 2 millions.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Cela ne remettra pas au niveau l'Épide !
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Mais les moyens...
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Je ne suis qu'un pauvre provincial, je ne peux répondre à deux questions à la fois ! (Mme Virginie Klès, rapporteur, proteste) Je suis éternellement à la disposition du Sénat.
En 2012, ne vous en déplaise, le budget de la justice augmente de 4 %, celui de la PJJ de 1,98 %.
Ces 200 places seront financées par 8 millions d'euros : 2 millions de la justice, 2 de l'emploi, 2 de la ville, 2 de la défense.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Dès lors que de 2010 à 2011, les crédits ont baissé de 10 millions et vont encore baisser d'autant, il y a bien un déficit de 12 millions ! (Applaudissements à gauche)
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je ne voulais que préciser la question sur ces 8 millions, qui n'existent pas encore en loi de finances...
Pour accueillir ces mineurs délinquants, le budget est de 8 millions, mais seulement parce que les moyens actuels sont mutualisés. Mais vous ne voulez manifestement pas répondre sur ce point...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Klès, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 26, 2011-2012).
Mme Virginie Klès, rapporteur. - Le Gouvernement a scié la branche sur laquelle il est assis en déclarant la procédure accélérée. Ce texte a été voté à l'Assemblée nationale le 12 octobre ; il nous est parvenu en commission le 19 et nous sommes le 25. Comment voulez-vous, dans de telles conditions, faire des propositions concrètes, en l'absence en outre de moyens financiers ? Reste donc un texte « médiaticophile ».
Que ne pourrons-nous nous féliciter des effets de l'inflation législative que vous nourrissez depuis des années ! Le texte n'était pas amendable : il aurait fallu tout récrire, nous n'en avions pas le temps. D'où cette motion déposée à l'initiative de Mme Borvo Cohen-Seat.
Considérant que la proposition de loi risque de déstabiliser les Épide, que les moyens ne sont déjà pas à la hauteur, et ne permettent pas à l'Épide d'investir ; considérant que l'adaptation des juridictions pour mineurs ne peut se faire sans concertation préalable des professionnels et que le délai fixé par le Conseil constitutionnel est suffisant pour ce faire ; considérant que l'article 6 est un cavalier, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de débattre de ce texte, que nous récrirons totalement ! (Applaudissements à gauche)
M. François Pillet. - Jamais la discussion n'aura été aussi générale. Nous n'aurons pas pu examiner le texte en détail. Le sursis sur mise à l'épreuve ? Il suppose le consentement du mineur. Or le juge peut prononcer des mesures extrêmement contraignantes ! Pourquoi nous interdire une solution permettant au juge de recueillir le consentement de l'enfant !
Vous regrettez la procédure accélérée, mais en accélérez l'issue ! Le Sénat refuse de légiférer : c'est fuir son devoir et abandonner son pouvoir, puisque l'Assemblée nationale décidera seule.
M. le président. - Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. - Contre.
M. François Zocchetto. - A ce stade du débat, je suis très déçu que le Sénat soit privé d'un débat constructif. Déçu que cette motion, révélatrice d'une posture politicienne (applaudissements à droite), contredise les promesses du président Bel, qui disait vouloir que le Sénat reste utile ! (Protestations à gauche) Quelle est l'utilité du Sénat s'il ne débat pas ? Quelle est sa plus-value ? Le Sénat devait être « conforté dans ses prérogatives législatives et de contrôle » ; on en est loin. Depuis quelques jours, il y a donc un double discours : celui du président du Sénat et celui de la nouvelle majorité, qui adopte avant tout une posture politicienne. (Protestations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et M. Ciotti !
M. François Zocchetto. - Le groupe UCR refuse cette évolution.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous êtes trop drôle !
M. François Zocchetto. - Voulez-vous que l'Assemblée nationale soit la seule à rédiger ce texte ? Ce n'est pas l'idée que nous nous faisons du Parlement. Avec ce texte, vous inaugurez le Parlement monocaméral. Nous voterons contre la motion. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Notre vote va de soi : nous avons déposé la motion.
Monsieur Zocchetto, je me garderai de rappeler le comportement de votre groupe, qui votait sans état d'âme les textes qu'il avait critiqués ! (Applaudissements à gauche) La question préalable, c'est un instrument de procédure parlementaire, pas je ne sais quelle manifestation de marxisme ! (M. le garde des sceaux rit)
Avec cette motion, nous disons non. Non à cette énième loi d'affichage sécuritaire. (Applaudissements à gauche) La jeunesse en danger mérite réflexion. Il faut une réflexion sur ce que vous avez fait depuis dix ans, sur vos résultats, qui sont mauvais !
En 2004, un dispositif similaire « jeunes en équipes de travail » avait été abandonné car l'armée n'avait pas les moyens d'assurer cette mission. La commission de la défense de l'Assemblée nationale, où vous êtes majoritaires, a d'ailleurs voté contre la proposition de loi de M. Ciotti !
Si l'objet était de se pencher sur le placement des mineurs délinquants, vous auriez consulté les magistrats, les éducateurs. Mais non, preuve que ce texte est purement d'affichage !
Il faut savoir dire non à une nouvelle modification de l'ordonnance de 1945. L'accent doit être porté sur la prévention. Or le budget de la PJJ augmente moins que l'inflation.
La délinquance des mineurs n'a pas augmenté davantage que la délinquance en général. La violence augmente, oui, mais dans toute la société.
Le Gouvernement ferme des écoles et ouvre des prisons. Souvenez-vous de ce que disait, à ce sujet, Victor Hugo, qui siégeait là d'où je vous parle. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Mézard. - Voter la question préalable, ce serait affaiblir le Sénat ? Un peu rapide, venant de ceux qui ont abusé de la procédure accélérée et du vote conforme ! (Applaudissements à gauche)
Il est des textes de principe qui justifient une opposition de principe. La majorité de notre groupe s'oppose à cette accumulation de textes sécuritaires dont la raison fondamentale est d'affichage médiatique. Celui-ci nous est présenté comme une proposition de loi mais son origine gouvernementale est manifeste. C'est une facilité de procédure.
Trop, c'est trop, ont dit les grands électeurs : il faut revenir à la mesure. Nous voterons majoritairement la question préalable. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Michel. - Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous votons une question préalable : nous avons montré à plusieurs reprises que nous étions disposés à discuter avec nos collègues de droite pour améliorer certains textes. Il est même arrivé qu'en commission mixte paritaire, nous réussissions à faire prévaloir la position de la commission des lois du Sénat -sur la loi pénitentiaire, par exemple. Il y a des textes amendables -nous l'avons prouvé la semaine dernière sur l'allégement des contentieux- et d'autres qui ne le sont pas, comme celui-ci, qui est purement idéologique et d'autant plus inutile que l'ordonnance de 1945 permet déjà le placement de mineurs délinquants. Pourquoi n'utilise-t-on pas cette possibilité ?
C'est qu'il fallait laisser à M. Ciotti la possibilité de faire voter sa proposition de loi.
Les orateurs se sont exprimés au cours de la discussion générale. L'opinion publique et l'Assemblée nationale sont informées de ce que le Sénat pense. Et la majorité sénatoriale pense qu'il n'y a pas lieu d'amender ce texte.
Un Parlement monocaméral ? La faute au Gouvernement et à la procédure d'urgence ! (M. François Zocchetto en doute) Si le texte nous était revenu en deuxième lecture, qui peut dire comment nous aurions agi ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Vous auriez fait la même chose !
M. Jean-Pierre Michel. - Comment savoir ? Si le Sénat n'a plus la parole, c'est que le Gouvernement la lui retire !
Nous voterons la question préalable. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest. - Franchement, je suis surpris qu'on refuse de discuter d'un sujet pourtant fondamental : l'avenir des délinquants mineurs. Il faut proposer des mesures alternatives à l'incarcération -et nous avons beaucoup travaillé sur la question : l'enfermement est toujours un échec pour les mineurs.
Je suis stupéfait devant l'hypocrisie de certains, qui n'avaient naguère pas de mots assez durs contre l'Épide ! Si celui-ci est merveilleux et que l'encadrement militaire fonctionne, pourquoi le refuser à de nouvelles populations ?
Si nous avions été jusqu'au bout, nous aurions pu améliorer le texte de l'Assemblée nationale. C'est pour masquer votre absence de propositions que vous votez cette question préalable ! (Protestations à gauche)
M. Didier Guillaume. - On en reparlera dans six mois !
M. Jean-Jacques Hyest. - Je regrette cette posture politicienne. Le sujet méritait mieux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mieux que la loi Ciotti, c'est sûr !
À la demande du groupe UMP, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 176 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à gauche)
M. Ronan Kerdraon. - Ça fait du bien !
Mission commune d'information (Nominations)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation de six membres supplémentaires de la mission commune d'information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale.
La liste des candidats présentés par les groupes a été affichée à 16 heures.
La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Pierre Camani, Michel Delebarre, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Christian Favier, Dominique de Legge et Mme Patricia Schillinger membres de cette mission commune d'information.
La séance est suspendue à 18 h 25.
*
* *
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Loi de finances rectificative pour 2011 (CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Discussion générale
Mme Nicole Bricq, rapporteure pour le Sénat de la CMP. - Dans cette CMP, il n'était pas question de céder quoi que ce soit. Nous tenions à notre analyse, comme à nos amendements. Finalement, les députés se sont ralliés à la position du groupe socialiste du Sénat, qui a ainsi marqué son territoire. Nous pouvons tous nous en réjouir !
Par ce texte, nous avons adopté la double garantie de l'État à Dexia, validé les amendements du groupe CRC relatifs à la consultation du Comité des finances locales (CFL) et de M. Vincent sur le recensement des encours de prêts structurés. Surtout, notre proposition de contrôle accru de distribution des dividendes a été retenue. Nos concitoyens, je le rappelle, sont extrêmement choqués que des banques, aidées par l'État, préfèrent rémunérer leurs actionnaires plutôt que distribuer du crédit. En revanche, nous avons autorisé le versement de dividendes sur titre car cela favorise le renforcement des fonds propres.
Monsieur le ministre, quelles seront les modalités ?
D'après un article paru dans la presse ce matin, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) a réalisé des enquêtes très poussées chez Dexia, dès 2008. Elle a lancé des alertes en 2010. Pourquoi n'en n'avons-nous pas été informés ? Cela est plus que troublant...
Nous devions agir vite et trouver une sortie par le haut pour Dexia. La commission a pris ses responsabilités. Pour citer M. Marini, notre président, le Parlement ne doit pas être une « serpillère législative »...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Une citation déjà ancienne !
Mme Nicole Bricq, rapporteure pour le Sénat de la CMP. - Veillez à son information ! En attendant, je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche)
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - Merci d'avoir accepté ce calendrier très contraint justifié par la situation dramatique de Dexia.
Madame Bricq, l'ensemble des documents relatifs aux contrôles de l'Autorité de contrôle prudentiel vous sera transmis, pourvu que vous en fassiez la demande, selon les règles. J'en prends l'engagement. Ces documents sont couverts par le secret professionnel...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Hélas, c'est un peu tard !
M. François Baroin, ministre. - L'État devait apporter sa garantie pour rassurer les marchés. Je félicite le Sénat d'avoir pris ses responsabilités. Avec la Belgique et le Luxembourg, nous nous donnons ainsi les moyens d'une intervention rapide.
Ce texte, je le rappelle, limite le versement des dividendes et des bonus. Le Gouvernement, qui a toujours défendu l'obtention de contreparties de la part des banques, soutient volontiers cet amendement, bien que cela ne soit pas l'objet du texte.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien !
M. François Baroin, ministre. - Le Gouvernement approuve le texte issu des travaux de la CMP.
J'en reviens à l'ACP. Je ne porte pas de jugement sur la déontologie des acteurs. Le rapport porte sur les comptes de Dexia au 30 juin 2009. La date a son importance.
Depuis, des mesures ont été prises pour corriger les incertitudes. La procédure de surveillance spéciale n'a jamais été formellement mise en oeuvre. Les dysfonctionnements dénoncés par l'ACP ne sont pas une nouveauté ; ils avaient justifié le plan de restructuration de 2008. Cela n'a pas suffi... Enfin, il faut rappeler les efforts de l'équipe dirigeante de Dexia. Ainsi, les besoins de liquidités sont passés de 260 à 100 milliards. Mais là encore, le temps a manqué. Au vrai, ce rapport montre que l'ACP a bien joué son rôle -nouveau- de superviseur pour la partie française.
Nous avons trouvé une solution stable (Mme Nicole Bricq, rapporteure pour le Sénat de la CMP, en doute) pour Dexia et les collectivités, dans un esprit de responsabilité que je salue ! (Applaudissements à droite)
M. Éric Bocquet. - De manière surprenante, après le changement de majorité au Sénat, la CMP est parvenue à un texte commun. Permettez à notre groupe de ne pas apporter sa pierre à l'édifice du consensus. Puisse le président de la commission ne pas y voir le signe de premières fractures au sein de la nouvelle majorité sénatoriale !
Pour nous, l'objet ne peut être de rassurer les marchés quand la France est entrée, depuis octobre, en récession économique, résultat de vos choix d'austérité...
Autre raison de notre opposition : ce texte ne marque aucune inflexion par rapport à la politique poursuivie par le Gouvernement jusque-là en loi de finances initiale et dans les deux précédents collectifs. Certes, le temps a manqué. Mais, au lieu des 600 millions prévus dans la mission « Provisions », n'aurait-il pas fallu ventiler ces crédits pour, entre autres, lutter contre le mal-logement et aider l'Éducation nationale ? Je regrette que la CMP n'ait pas retenu l'amendement que nous avions voté en commission. Tout se passe comme si on n'avait pas tiré de leçons du passé : la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et La Poste se lancent dans le prêt aux collectivités par défaut. Quant aux prêts toxiques, ils feront l'objet d'un rapport qui sera rendu en février et se contentera sans doute de reprendre les préconisations du Palais Bourbon. M. Philippe Richert prône la médiation et le règlement au cas par cas. Or, le comité de médiation que nous proposions a été refusé. Nous confirmons notre vote de première lecture et voterons contre le texte de la CMP ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Yvon Collin. - Une nouvelle fois, nous sommes amenés à voter un collectif pour éviter le pire : la faillite d'une banque. Sur le papier, le plan paraît séduisant : l'État apporte une double garantie alors qu'il existait un risque systémique ; nous devions agir pour sécuriser les prêts aux collectivités.
En première lecture, le groupe RDSE avait conditionné son soutien à un encadrement des bonus et dividendes. Je félicite Mme la rapporteure générale de son soutien. Nous gagnerions à être plus offensifs, par exemple concernant la taxe sur les transactions financières dont on me disait il y a peu qu'elle était irréaliste. Elle est aujourd'hui défendue, au plus haut niveau de l'État, auprès de la Commission européenne.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Yvon Collin. - Les temps changent...
J'en reviens au texte. L'amendement de la commission sur les bonus et les dividendes est important car il réintroduit de la morale, un geste plus que symbolique : il moralise un système qui en manque.
Si je soutiens ce texte, je rappelle que les garanties et les contre-garanties de l'État ne seront pas indolores, et auront un impact sur la dette. Nous avons besoin de réformes structurelles.
En attendant, prenons nos responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Jean Arthuis. - Les membres de l'UCR saluent les conclusions positives de la CMP sur ce troisième collectif. En ces temps de crise de liquidités, c'est la liquidation de Dexia. Monsieur le ministre, confirmez-vous la mise en extinction de Dexia Crédit local (CL), l'arrêt de toute activité commerciale ? Dexia, après avoir connu l'exaltante dérégulation des années 80, s'était lancée dans des aventures douteuses outre-Atlantique. Nous devons tirer les leçons de cette expérience.
Madame la rapporteure générale, je vous félicite d'avoir repris les dispositions sur l'encadrement des bonus et dividendes du 1er avril 2009 que le Gouvernement avait borné à la date du 31 décembre 2010. Nous approuvons sans réserve l'amendement de la commission.
Mais l'important, c'est l'avenir et le prêt aux collectivités. L'épargne du Livret A doit être affectée à l'intérêt général. La prudence voudrait que l'on recrée le Crédit local de France pour mettre les collectivités à l'abri de toute malice, de toute toxicité.
Peut-être certains élus piégés auraient-ils dû s'interroger sur les charmes des plaisirs trop immédiats des taux bas offerts par Dexia... En ce domaine comme dans d'autres, le Père Noël n'existe pas.
Il va sans dire que le groupe UCR confirme son vote de première lecture en approuvant les conclusions de la CMP ! (Applaudissements au centre)
M. François Marc. - Le dossier Dexia nous replonge dans les affres de la crise bancaire. Nous devons approuver ce plan en urgence, comme nous l'avons fait le 7 septembre dernier pour éviter une dégradation de la note de la France.
Premier enseignement de ce texte : en matière bancaire, rien n'est jamais acquis. Le risque d'un double « dip » -plongeon- que nous évoquions à Bruxelles lors d'une visite au printemps était réel, contrairement à ce qu'on nous affirmait. Le système bancaire est fragile.
Deuxième enseignement : l'insécurité, avec les prêts toxiques et, aujourd'hui, la spéculation incontrôlable sur les titres souverains. D'après M. Jouyet, président de l'AMF, 75 % des transactions financières échappent à toute régulation. Nous attendons du G20 des efforts considérables pour renforcer les contrôles.
Enfin, il est anormal que seuls les contribuables soient mobilisés pour sauver les banques. Il faut taxer la spéculation...
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. François Marc. - Avançons sur le dossier de la taxe Tobin.
J'en viens au sauvetage de Dexia. Nous avons besoin de sécurité pour nos collectivités ; cette garantie est une bouffée d'oxygène indispensable. Ensuite, le vote en première lecture est remarquable car il encadre, dans la ligne des travaux entamés par M. Arthuis, les rémunérations et dividendes des banquiers et opérateurs de marché.
En 2010, la valeur des actifs bancaires a baissé de 12 à 15 % en Europe tandis que les rémunérations des banquiers ont progressé de 13 %, et de 44 % en France !
M. Roland Courteau. - Stupéfiant !
M. François Marc. - Cet écart est incompréhensible pour les Français. Je me réjouis donc de l'adoption de ce dispositif de moralisation, qui est un premier pas ! (Applaudissements sur les bancs socialiste et RDSE)
M. Maurice Vincent. - Monsieur le ministre, je vous avais demandé l'estimation des prêts toxiques dans la banque résiduelle. Vous n'avez pas su, ou pas pu, me répondre. Bien des incertitudes demeurent...
Il faut en finir avec la spéculation à tout va, sans quoi nous connaîtrons d'autres affaires Dexia. Jusqu'en 2008, ce groupe a commis la grande faute de diffuser des actifs toxiques dans l'économique publique -collectivités locales et hôpitaux. Résultat : il faut non seulement sauver la banque mais aussi décontaminer le secteur public. C'est notre intérêt à tous. Il fallait sauver ce qui pouvait l'être de Dexia : nous l'avons fait. Dans une économie de marché, rien de pire que l'incertitude. À terme, les rumeurs auront raison de notre triple A. L'idée n'est pas que l'État paie tout mais qu'il orchestre une réponse robuste et globale. D'où l'importance d'un bilan des actifs toxiques -je remercie la commission et le Gouvernement d'avoir accepté mon amendement. Je propose également la création d'une structure de défaisance, financée non par les contribuables mais par une taxe sur les banques.
Bref, nous ne sommes pas totalement venus à bout de ce dossier ! (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Nos commissions sont désormais doublement paritaires, avec la nouvelle configuration sénatoriale. Le texte de la CMP a été voté à l'unanimité : chacun a fait un pas vers l'autre et nous avons conclu dans l'intérêt général. C'est, je l'espère, de bon augure...
Monsieur le ministre, pour conclure, je veux vous adresser mes voeux pour cette importante journée de demain. Puisse l'esprit d'innovation souffler ! Nous devons nous éloigner des sentiers bien balisés pour parvenir à une solution durable, non à un énième compromis transitoire et coûteux. C'est sur cette conclusion que nous nous quittons avant de nouveaux rendez-vous. Car, en ces temps de crise, les commissions des finances sont devenues un passage obligé. Nous aborderons bientôt la période budgétaire ; j'espère que celle-ci sera éclairée par l'accord trouvé demain.
Mme Nicole Bricq, rapporteure pour le Sénat de la CMP. - Très bien !
La discussion générale est close.
Vote sur l'ensemble
M. Dominique de Legge. - Nous adopterons, dans quelques instants, un troisième collectif pour sauver Dexia, dont nous savons l'importance pour nos collectivités.
Le groupe UMP soutient ce texte, et le déblocage de 3 milliards avant la fin de l'année pour les collectivités. Autant de signes que le Gouvernement ne laisse pas tomber les collectivités territoriales. Nous vous en félicitons.
Je salue le président Marini et remercie Mme Bricq pour son écoute. L'interdiction de versement des bonus et stock-options ou de dividendes par les banques aidées, sous certaines conditions, est opérante.
Le groupe UMP votera ce collectif tel qu'il ressort des travaux de la CMP. (Applaudissements à droite)
Le projet de loi de finances rectificative est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 323 |
Contre | 21 |
Le Sénat a adopté.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Dominique de Legge. - Cet après-midi, c'est à tort que Gérard Larcher a été indiqué comme ne prenant pas part au vote : il entendait voter contre la motion de question préalable sur la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
M. le président. - Dont acte.
Prochaine séance demain, mercredi 26 octobre 2011, à 14 h 30.
La séance est levée à 22 h 35.
Jean-Luc Dealberto,
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 26 octobre 2011
Séance publique
À 14 heures 30 et le soir
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (n° 5, 2011-2012).
Rapport de M. Bernard Cazeau, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 44, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 45, 2011-2012).