Alternance (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la CMP sur la proposition de loi sur le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.
Discussion générale
Mme Sylvie Desmarescaux, au nom de la commission mixte paritaire. - Le texte équilibré de la CMP reflète fidèlement les travaux des deux assemblées. Je remercie tous les orateurs pour leur participation au débat, la présidente de la commission et le ministre, ainsi que leurs collaborateurs.
Le texte initial a été amélioré au Sénat, grâce notamment à Mme Férat et à M. Carle. La carte d'étudiant des métiers sera désormais délivrée aux titulaires d'un contrat de professionnalisation ; ce dispositif ne concerne que les jeunes âgés de 16 à 25 ans complétant leur formation initiale par un contrat de professionnalisation, celui-ci devant de plus permettre d'acquérir une qualification officiellement reconnue et comporter une action de professionnalisation d'une durée d'au moins douze mois. Il ne s'agit pas de la première étape de la fusion de l'apprentissage avec les autres formes de la formation en alternance. À juste titre, le label envisagé pour les entreprises a été abandonné.
Le contrat de professionnalisation est ouvert aux particuliers employeurs. La suggestion de M. Carle en faveur des « décrocheurs » a, fort heureusement, été sauvegardée.
J'approuve la position du Gouvernement, qui entend rétablir un encadrement plus strict des stages de plus de six mois, supprimé par la CMP malgré l'avis des rapporteurs.
Nous avons aménagé l'activité des salariés des groupements d'employeurs collectivités territoriales, pour concilier le développement économique de ces groupements et le respect des règles de la fonction publique territoriale. Le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif sera encadré. D'autre part, les jeunes de 16 ans pourront plus facilement s'engager dans la voie associative, grâce à Mme Debré.
Ce texte apporte des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les jeunes pour accéder au marché du travail. Il confortera la sécurité des parcours professionnels. Ne laissons pas passer cette occasion ! (Applaudissements à droite)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. - Ce texte équilibré, qui est largement le fait du travail parlementaire, apporte des réponses concrètes pour développer l'emploi des jeunes. Merci, madame la présidente, pour votre action. Une société qui n'assure pas l'avenir de sa jeunesse n'a pas d'avenir ! D'où notre choix de développer l'apprentissage, dans le respect des accords interprofessionnels. Le Gouvernement a déposé un amendement relatif aux stages pour que ce respect soit encore mieux affirmé.
Le développement des groupements d'employeurs sera facilité. Le contrat de sécurisation professionnel après licenciement économique sera un outil efficace. Avec ce texte ambitieux et pragmatique, nous avons l'ambition de faire reculer le chômage des jeunes. (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Dire que cette proposition de loi donne un avenir aux jeunes et va faire reculer le chômage est pour le moins excessif...
Nous ne sommes opposés ni à l'apprentissage, ni à l'alternance. Nous voterons pourtant contre ce texte, car il aggrave plutôt la situation. Ainsi, les contrats de professionnalisation sont insuffisamment encadrés pour garantir aux jeunes l'acquisition de compétences professionnelles dans des conditions décentes. En outre, l'insertion des apprentis sur le marché du travail n'est pas aussi idyllique que vous vous plaisez à le dire : un tiers des apprentis ne trouvent pas d'emploi à l'issue de leur formation ; les ruptures de contrat concernent un quart des apprentis, jusqu'à 37 % dans l'hôtellerie-restauration. Et leur taux de réussite aux examens professionnels est inférieur à celui des jeunes qui ont suivi la voie scolaire.
Surtout, nous refusons que l'alternance devienne un sous-contrat de travail permettant aux entreprises d'embaucher à moindre coût ; or c'est précisément à quoi ce texte va conduire.
L'apprentissage rendu plus attractif ? Voire. La rémunération des apprentis n'augmente pas, mais vous êtes aux avant-postes dès qu'il s'agit de faire de nouveaux cadeaux aux employeurs. Il y a bien un système de bonus-malus pour les entreprises de plus de 250 salariés en fonction du nombre d'apprentis embauchés, mais le malus est diminué si l'entreprise s'engage à faire mieux l'année prochaine -les promesses n'engagent que ceux qui les font...
Avec l'apprentissage dans les activités saisonnières et l'intérim, vous créez un nouveau vivier de main-d'oeuvre précaire. (Mme le rapporteur le nie)
Avec le renouvellement possible des contrats de professionnalisation, où est le progrès ? On verra des contrats précaires de 48 mois, moins protecteurs que les CDD... Nous contestons de même l'ouverture des contrats de professionnalisation aux particuliers, car les occasions d'abus seront légion ; et la formation n'y trouvera évidemment pas son compte.
Nous sommes opposés à ce que la préparation opérationnelle à l'emploi (POE) puisse déboucher sur une embauche en contrat d'apprentissage ; celui-ci n'est pas un contrat de travail banalisé. On peut craindre le simple recrutement de main-d'oeuvre bon marché.
Nous déplorons que l'abaissement de l'apprentissage à 14 ans porte atteinte à l'obligation scolaire.
Contrairement aux missions d'intérim, le salarié, mis à disposition par un groupement d'employeurs, ne perçoit pas de prime de précarité. L'ouverture du dispositif aux collectivités territoriales ne sert qu'à pallier la RGPP. Les salariés sont considérés comme des variables d'ajustement.
Parler de sécurisation professionnelle pour les nouveaux contrats est exagéré ; ils permettront certes un accompagnement des victimes de licenciements économiques, mais n'offrent aucune garantie d'emploi.
Nous persistons à voter contre la proposition de loi.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Dommage.
M. Claude Jeannerot. - Cette proposition de loi était attendue, car le taux de chômage des jeunes dans notre pays est largement supérieur à la moyenne européenne ; je n'insiste pas, les chiffres sont connus.
La formation en alternance présente de réels avantages pour l'insertion professionnelle des jeunes, ce que le président de la République a souligné dans son discours de Bobigny. Appliqué à bon escient, ce dispositif est efficace, avec l'embauche de 70 % des apprentis à l'issue de leur formation. Pourtant, les entreprises françaises restent réticentes, surtout comparées à leurs homologues allemandes.
Nous approuvons la fusion du CTP et de la CRP ainsi que le meilleur encadrement des stages. Dommage toutefois que ce texte ne soit pas la grande loi en faveur de l'emploi des jeunes que tout le monde attendait.
L'article 4 -assouplissement des conditions de reconduction des contrats de professionnalisation- risque d'aggraver la précarité et l'insécurité des salariés concernés. Surtout, l'apprentissage devient possible dès 14 ans, ce qui remet en cause la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans et l'interdiction du travail des jeunes avant cet âge. Cet archaïsme n'a rien à faire dans un texte du XXIe siècle. Dans nombre de métiers, les conditions de travail sont mauvaises.
En outre, cette disposition dévalorise l'apprentissage. On risque de voir les jeunes en échec scolaire à 14 ans orientés systématiquement et par facilité dans cette voie.
En résumé, le texte n'est pas à la hauteur de l'enjeu car il manque cruellement d'ambition.
La proposition de loi tend à valoriser la fonction de maître d'apprentissage mais ne dit mot de leur formation.
Quelque 600 000 jeunes sont en alternance, dont 420 000 en contrats d'apprentissage. Comment ne pas s'interroger sur le décalage entre les promesses du président de la République -800 000 apprentis- et les moyens dégagés pour y parvenir ? Il faudrait un milliard, la loi de finances rectificative ne dégage que 70 millions...
Il faudrait mieux informer les jeunes sur les métiers et l'alternance, combattre les ruptures de contrats ainsi que la discrimination dont sont victimes les jeunes issus de certains quartiers. Il faut organiser l'insertion professionnelle en favorisant la stabilité des parcours, non la précarité. Ce texte est une occasion manquée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La discussion générale est close.
Vote sur le texte élaboré par la CMP
M. le président. - Je rappelle que le Sénat se prononcera par un seul vote en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Article 6 nonies
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 7, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, ainsi que dans le cas des stages qui sont prévus dans le cadre d'un cursus pluriannuel de l'enseignement supérieur
II. - Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Il s'agit de respecter au mieux l'accord national interprofessionnel du 7 juin dernier.
Je profite de cette présentation pour remercier tous les orateurs ayant participé au débat, quel que soit leur groupe. J'ai une pensée particulière pour ceux et celles qui vont quitter le Sénat.
Mme Sylvie Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales. - Avis favorable.
Le vote est réservé.
Mme Isabelle Debré. - Je souhaite revenir sur l'amendement que j'ai fait adopter concernant les jeunes de 16 ans souhaitant créer une association. L'article 15 de la Convention internationale des droits de l'enfant reconnaît le droit des enfants à la liberté d'association mais la loi de 1901 est muette sur le sujet. Le ministère de l'éducation nationale refuse aux lycéens mineurs le droit de créer ou de présider une association mais le ministère de l'intérieur a pris une position inverse.
Il était nécessaire de créer un cadre juridique sécurisé. Notre amendement, voté à la quasi-unanimité en commission, a pris en compte les critiques formulées par la défenseure des enfants en 2004 et 2008. Les mineurs de 16 ans pourront créer et administrer une association, l'autorisation de leur représentant légal étant nécessaire. Les actes de disposition restent réservés aux majeurs. Les assureurs ont garanti qu'ils couvriraient les risques des associations concernées. Le droit est ainsi clarifié. (Applaudissements à droite)
M. Alain Gournac. - La crise économique a particulièrement frappé les jeunes, malgré l'ampleur des dépenses consacrées par notre pays, depuis trente ans, à leur emploi.
L'apprentissage est une voie d'avenir mais un tiers seulement des jeunes de 16 à 20 ans passe par l'alternance.
Ce texte, fruit d'une coproduction exemplaire, s'inscrit dans la perspective ouverte le 1er mars par le président de la République et celle de ses engagements de campagne.
Je salue le travail de notre rapporteur, dont la réflexion a permis de compléter le texte adopté à l'initiative du Sénat en 2009. Ce texte accompagnera les jeunes à la recherche d'un emploi et les victimes de licenciements économiques. Il aura été enrichi par de nombreuses propositions des parlementaires, dont celles de Mme Procaccia et de M. Carle.
En quelques mois, trois accords interprofessionnels ont été signés pour aider les jeunes à mieux s'insérer dans la vie professionnelle. Je suis heureux que ce texte les prenne en compte.
Le groupe UMP votera avec conviction ce texte combattant le chômage et la précarité pour les jeunes. (Applaudissements à droite)
Les conclusions de la CMP, modifiées, sont adoptées.
(Applaudissements à droite)
Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. - Merci à tous les sénateurs pour cette proposition de loi. Je souhaite bonne chance aux sénateurs qui se représenteront en septembre et bon vent aux autres.
J'ai été heureuse de débattre avec vous de grands textes au service de la France et des Français (applaudissements à droite), comme celui relatif aux violences faites aux femmes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Qui n'est pas appliqué !