Rentrée scolaire (Questions cribles thématiques)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale.

Mme Françoise Férat.  - Le 21 juin dernier, le président de la République a annoncé un moratoire sur la fermeture des classes de primaire pour la rentrée 2012. Je salue cet engagement, mais 1 500 classes vont fermer à la rentrée prochaine et 16 000 postes vont être supprimés. Je comprends la politique de réduction des déficits menée par le Gouvernement mais je m'inquiète du manque de moyens et de temps d'adaptation laissé aux écoles et aux collectivités.

La Marne est durement frappée : alors que le nombre d'élèves va augmenter, 37 postes vont disparaître ; les classes compteront 30 élèves -ce qui pose, au-delà de la dégradation des conditions de travail, des problèmes pratiques et de locaux. Les milieux ruraux sont les plus touchés par les suppressions de postes : la charte des services publics en milieu rural de 2006 n'est pas appliquée. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.  - L'Éducation nationale ne manque pas de moyens ; la majorité a voté un budget en augmentation de 1,6 % cette année, qui a atteint un niveau record. En trente ans, la dépense par élève a augmenté de 80 % en euros constants.

La question est de savoir comment employer et répartir ces moyens. A la rentrée prochaine, il y aura plus de professeurs et moins d'élèves qu'il y a vingt ans ! Le taux d'encadrement sera meilleur ! (Vives protestations à gauche) Le non-renouvellement d'un départ à la retraite sur deux nous permet de revaloriser les salaires des enseignants -ce que les socialistes n'ont pas été capables de faire ! (Protestations à gauche) Quand d'autres pays licencient leurs fonctionnaires, nous augmentons leur pouvoir d'achat -3,1% l'année dernière.

Nous agissons avec discernement ; j'ai donné des instructions pour qu'on tienne compte des situations locales, en concertation avec les élus. Je connais les problèmes des départements ruraux. Nous faisons le choix d'une éducation nationale de qualité, différenciée, qui fait plus pour ceux qui en ont le plus besoin.

Mme Françoise Férat.  - Ce n'est pas une question de moyens, en effet. Mais cette rentrée va voir 40 000 nouveaux élèves en 6e, quand on perd 4 800 postes d'enseignants. Il faut une concertation avec les maires, les élus départementaux ou régionaux, les professeurs et parents d'élèves, autour de l'inspecteur d'académie. Quelle école voulons-nous pour demain ?

M. François Fortassin.  - Les rapports se suivent et se ressemblent : notre école souffre, les élèves sont sacrifiés sur l'autel de la rigueur budgétaire, alors que l'on multiplie les cadeaux fiscaux...

Comment lutter contre l'échec scolaire, l'absentéisme, la violence, en laissant les enseignants de plus en plus seuls et de moins en moins formés devant des classes de plus en plus surchargées ? L'égalité des chances est abandonnée au profit de la RGPP. Les principes de l'école laïque et républicaine sont foulés aux pieds.

Le gel annoncé des fermetures de classes pour 2012 est purement électoraliste : pourquoi pas dès cette année ? Les territoires ruraux sont les plus touchés, 1 500 communes ont vu, ces dix dernières années, disparaître leur dernière classe. Votre politique nie un point essentiel : pour que les élèves réussissent, les classes doivent être moins nombreuses !

M. le président.  - Votre question...

M. François Fortassin.  - Que comptez-vous faire pour l'école de la République en milieu rural ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - Aucune étude ne démontre qu'on obtient de meilleurs résultats avec de petits effectifs. (Protestations à gauche) Il y aura, à la rentrée prochaine, 27 élèves en moyenne par classe en lycée ; ils étaient 31 au début des années 90 ! Ne faites pas de faux procès au Gouvernement !

La clé de la réussite des élèves, c'est la personnalisation de l'enseignement. La massification est une bonne nouvelle mais les moyens n'ont pas été mis en place pour assurer à chacun une place dans le système éducatif. La lutte contre l'échec scolaire passe par l'aide personnalisée en primaire, les deux heures d'accompagnement personnalisé au lycée, le travail en petits groupes pour les jeunes qui ont du potentiel comme pour ceux qui sont en grande difficulté. Le système égalitaire a montré ses limites.

M. François Fortassin.  - J'ai du mal à vous suivre. Vous dites qu'aucune étude ne montre qu'on réussit moins bien dans les classes nombreuses mais vous faites l'apologie du travail en petits groupes ! Et ce que vous oubliez, c'est qu'en vingt ans, le comportement des élèves a changé ! (Applaudissements à gauche)

Mme Colette Mélot.  - L'école a relevé le défi de la massification mais elle doit désormais relever celui de la démocratisation. Plus de 50 000 jeunes quittent le lycée sans le bac ; un sur deux échoue en première année universitaire.

La réforme du lycée entre dans sa deuxième phase. La classe de première est un premier pas vers la spécialisation et un premier rendez-vous avec le baccalauréat. Mais les élèves doivent pouvoir changer d'orientation en cours d'année ; il faut mieux les accompagner dans leur parcours de formation et d'orientation. Quels sont vos mesures pour la rentrée 2011 ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Nous avons voulu mettre en place une orientation plus progressive et réversible ; on a le droit de ne pas savoir, à 14 ans, ce que l'on va faire de sa vie. D'où une rénovation de l'Onisep, un système de tutorat. Il y a des passerelles entre filières, et entre séries au sein du bac général. En première, il y aura un tronc commun d'environ 60 %, le reste étant des spécialisations -réversibles grâce à des stages « passerelle ». Dernière nouveauté, la refonte du bac STI, qui débouche sur l'emploi.

Mme Colette Mélot.  - La réorientation a toujours posé problème -quand elle n'était pas impossible. Nous formons des voeux pour que plus d'élèves en bénéficient.

Mme Françoise Cartron.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Vous avez déclaré la guerre au décrochage scolaire -simple opération de communication puisque 1 500 classes disparaitront à la rentrée. L'école est sinistrée.

Combien de postes supprimés au cours de ce quinquennat ? Les territoires ruraux paient le prix fort de cette politique. Oubliée, la Charte des services en milieu rural ! Ignorés, les efforts des maires pour revitaliser leur communes ! Abandonnés, les enfants, au seul critère de la rentabilité. Les maires en sont réduits à embaucher des enseignants pour se substituer à une éducation nationale défaillante. On lit dans la Voix du nord que des écoles privées ouvrent des classes payantes hors contrat pour les enfants de 2-3 ans, pour répondre, dit le directeur de l'enseignement diocésain, aux attentes des parents non prises en compte par l'éducation nationale !

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

Mme Françoise Cartron.  - C'est la privatisation de la préscolarisation ! On croit rêver : c'est l'enseignement catholique qui doit combler les lacunes de l'éducation nationale ! Qu'en pensez-vous ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - Oui, nous déclarons la guerre au décrochage scolaire. Personne ne savait combien de jeunes sortaient du système éducatif sans diplômes ; nous le savons dorénavant grâce au recoupement des fichiers. Nous allons apporter à ces 180 000 jeunes considérés comme « perdus de vue » une réponse individualisée. Grâce aux plates formes départementales de lutte contre le décrochage, tous les services de l'État sont mobilisés. (Exclamations à gauche) Nous avons des résultats encourageants sur les évaluations en CE 1 -ils seront publiés demain.

L'école est obligatoire de 6 à 16 ans ; 97 % des enfants sont scolarisés à 3 ans. Le Gouvernement mène la même politique que tous ses prédécesseurs : les enfants de moins de 3 ans sont accueillis dans la limite des places disponibles.

M. Marc Daunis.  - Il y en a de moins en moins !

Mme Françoise Cartron.  - Les enfants de moins de 3 ans accueillis ne sont pas comptabilisés : c'est l'enseignement diocésain qui le dit ! Pour lutter contre le décrochage scolaire, il faut des moyens ! (Applaudissements à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Après la suppression de 56 000 postes depuis le débat du quinquennat, la destruction programmée du service public de l'éducation nationale se poursuit. Le désert scolaire s'étend. Aucun département n'est épargné, les zones rurales sont les plus frappées. Un moratoire est annoncé pour 2012 ? La ficelle électorale est grosse ! Il faut dès maintenant stopper les suppressions de postes et relancer la démocratisation. Car votre école du tri social est inégalitaire.

M. le président.  - Votre question.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Tous les élèves sont capables de réussir : il faut que l'école leur en donne les moyens. Quand allez-vous entendre cette exigence démocratique ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - Deux conceptions de l'école s'affrontent. Votre seule réponse depuis trente ans, c'est toujours plus de postes, toujours plus de moyens. (Protestations à gauche) Mais vous dénoncez vous-même ses échecs ! Nous dépensons plus par élève que la moyenne des pays développés, avec de moins bons résultats. (« Pas dès le primaire ! » à gauche)

La vraie réponse, c'est la personnalisation. Qui a créé les internats d'excellence pour les enfants défavorisés qui ont du mérite et du talent ? Qui a créé les stages de remise à niveau pendant les vacances ? Une aide personnalisée en primaire pour ceux qui ont des difficultés en lecture ? De grâce, pas de leçon de démocratisation ! (Applaudissements à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - A Clichy, une classe de cinquième ferme car le poste d'enseignant est supprimé. Résultat, on va fusionner la classe avec celle de sixième ! Pire, on propose aux enfants de se déplacer dans la ville voisine ! Ce n'est ainsi qu'on construit l'école de l'égalité des chances ! Il y a loin de vos discours à vos arbitrages ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Fouché.  - Les rythmes scolaires sont trop lourds pour les enfants ; la journée est fatigante, la semaine de quatre jours inadaptée, l'année scolaire déséquilibrée. Le Gouvernement a décidé d'innover, avec des expérimentations dans 124 collèges et lycées afin de dégager l'après-midi pour du sport.

Les résultats sont là : l'assiduité et la motivation des élèves ont progressé. Mais l'effet sur les résultats scolaires est plus discutable. Quelles sont vos intentions ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Il est vrai que les jeunes Français travaillent plus longtemps à l'école, sur un plus petit nombre de jours, que leurs camarades de l'OCDE. Avec la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, j'ai engagé un travail de fond ; le rapport me sera remis la semaine prochaine et je ferai des propositions.

Les expérimentations auxquelles vous faisiez allusion montrent que les élèves ont gagné en motivation et en assiduité ; selon 42 % des chefs d'établissements, les résultats scolaires se sont améliorés. Nous allons donc doubler le nombre de ces classes cette année, en liaison avec les associations et les fédérations sportives. Le sport et l'école partagent les mêmes valeurs ! (Applaudissements à droite)

M. Alain Fouché.  - L'expérimentation mérite d'être développée.

M. Claude Bérit-Débat.  - Je me garderai de voir un lien entre l'annonce du moratoire sur la fermeture de classes et les échéances électorales. Mais 14 000 suppressions de postes sont annoncées ! L'actualité montre les conséquences terribles des coupes sauvages effectuées dans le budget de l'éducation nationale. Cette politique aveugle, injuste et inefficace nous conduit dans l'impasse !

Il faut accompagner les élèves en difficulté et soutenir les enseignants : les plus jeunes sont envoyés dans les quartiers les plus difficiles, comme les jeunes recrues au front ! On comprend la désaffection pour le métier d'enseignant... Au lieu d'affirmer que tout va bien, pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire pour que la rentrée 2012 soit enfin réussie ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - Les fonctionnaires de l'éducation nationale qui préparent la rentrée apprécieront... Chaque année, la rentrée se passe mieux. Le budget de l'éducation nationale s'élève à 60 milliards d'euros ; la France va emprunter cette année 180 milliards. Faut-il demander à chaque élève un chèque de 19 000 euros pour financer la dette ? (Protestations à gauche) Nous prenons nos responsabilités en ne remplaçant pas tous les postes d'enseignants. Les enseignants sont recrutés à un niveau plus élevé -bac plus 5 et non bac plus 3- et, ne vous en déplaise, mieux payés. Il y a, cette année, deux concours à quelques mois d'intervalle ; nous voulons recruter les talents.

M. Claude Bérit-Débat.  - S'agissant des postes, je parlais du Capes et non des IUFM. Chaque rentrée témoigne des difficultés des élèves et des professeurs. Lundi, nous avons appris que 3 000 copies de philosophie au bac étaient en déshérence : encore un exemple concret de l'état où se trouve l'éducation nationale... (Applaudissements à gauche)

M. Yannick Bodin.  - La rentrée s'annonce très difficile. Sentant le danger, le président de la République a annoncé un moratoire des fermetures de classes en 2012 : cela n'engage que le candidat qu'il est. Pouvez-vous nous assurer que vous n'allez pas augmenter les effectifs par classe, supprimer les Rased, les psychologues et médecins scolaires, les remplaçants ? (Approbation à gauche)

M. Guy Fischer.  - Voilà la réalité !

M. Yannick Bodin.  - Certaines académies font appel à Pole emploi : l'éducation nationale n'est-elle plus un service public ?

La vocation d'enseigner se meurt et le nombre des candidats aux concours s'effondre.

M. le président.  - il faut poser votre question.

M. Yannick Bodin.  - Le moratoire sera-t-il accompagné d'un gel des coupes budgétaires ? Ou n'est-il que de la poudre aux yeux des électeurs ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre.  - J'ai du mal à vous suivre : vous vous plaignez des difficultés des campagnes et vous vous indignez quand le président de la République annonce un moratoire sur les fermetures en milieu rural...

L'essentiel est de rendre l'éducation nationale plus performante. Vous avez contesté l'évaluation en CE 1 et en CM 2. Mais cette année, 50 % des élèves de CE 1 avaient des acquis très solides, six points de plus que l'an dernier : c'est le résultat de nos réformes ! Le système éducatif doit être capable de s'adapter et de se moderniser, et non en rester aux vaines querelles du passé ! (Applaudissements à droite)

M. Yannick Bodin.  - Comment expliquerez-vous aux Français que vous ne comptez pas fermer de classe en 2012 alors que vous supprimez 14 000 postes ? Les enquêtes Pisa montrent que la situation se dégrade : 20 % des élèves sont en difficulté. Depuis cinq ans, le président de la République fait en sorte qu'il y ait de moins en moins d'adultes à l'éducation nationale : on en voit le résultat !

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Yannick Bodin.  - Rendez-vous l'année prochaine ! (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Merci à M. le ministre d'avoir participé à ce débat très intéressant.

La séance est suspendue à 17 h 45.

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présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

La séance reprend à 18 heures.