Habitat indigne outre-mer
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
Discussion générale
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Je suis heureuse de représenter le Gouvernement pour la discussion de ce texte, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 26 janvier dernier et inspiré par les travaux du député Serge Letchimy. L'objectif de la proposition de loi est de relancer le logement social outre-mer et de reconstituer un tissu urbain dégradé.
Outre-mer, la politique du logement repose sur l'accroissement de l'offre de logements sociaux et une intervention forte sur l'habitat privé informel ou dégradé. Cette proposition de loi complète la Lodeom, votée il y a deux ans. Pour développer l'offre nouvelle de logements, le Gouvernement dispose de deux leviers : la défiscalisation et la LBU. Ainsi, plus de 7 000 logements ont été réalisés en 2010 grâce à la défiscalisation, les crédits de la LBU ayant été préservés en 2011 à hauteur de 275 millions d'euros.
M. Daniel Raoul. - Mais non consommés !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - L'article 169 de la loi de finances pour 2011 permet en outre à l'État de céder gratuitement des terrains destinés à accueillir des programmes de logements sociaux ou des équipements publics.
M. Thierry Repentin. - Combien d'opérations ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - L'État pourra intervenir seul en cas de surcharge foncière.
Pour améliorer l'habitat existant, le Gouvernement soutient les actions de renouvellement urbain ; treize conventions ont été signées à ce titre dans les cinq départements d'outre-mer. Au total, ce sont 1,8 milliard d'euros de travaux qui bénéficieront à l'économie ultramarine ; 5 000 logements sociaux seront réalisés. Pour le logement privé, j'ai signé en 2009 et 2010 deux conventions d'appui, l'une avec le réseau Habitat et Développement, l'autre avec le club des Pact Dom.
Le Gouvernement souhaite donner un nouveau souffle à la lutte contre l'habitat informel. C'est pourquoi les champs d'investigation n'ont pas été limités aux aspects techniques. Je souligne la qualité du rapport remis par M. Serge Letchimy.
Des mesures d'application immédiate ont été prises : pôles départementaux de lutte contre l'habitat insalubre, soutien aux plans communaux de lutte contre l'habitat indigne, formation des agents de l'État. Aujourd'hui, nous engageons une nouvelle étape avec cette proposition de loi. L'habitat informel est dans les départements d'outre-mer et à Saint-Martin une réalité visible, qui concerne une construction sur deux ; des dizaines de constructions informelles sont érigées quotidiennement, avec des risques pour la santé et la sécurité publiques. L'ampleur du phénomène et sa forte croissance exigent des dispositions spécifiques. La situation est particulièrement inquiétante à Mayotte, où l'on voit se multiplier les bidonvilles. Autour de ces constructions, qui sont souvent le seul patrimoine de leurs occupants, des activités commerciales ou artisanales se sont développées.
Je salue les avancées inscrites dans le texte voté par l'Assemblée nationale, notamment l'attribution d'une aide financière aux occupants de constructions informelles devant être expropriés dans le cadre d'opérations d'aménagement. Il y a là une incitation à la transition vers une situation normalisée. Le versement de l'aide est soumis à des conditions strictes -notamment l'occupation paisible et de bonne foi pendant dix ans. Votre commission a limité la portée de la disposition à l'outre-mer, exclu explicitement les marchands de sommeil et pris en considération le cas de bailleurs de bonne foi.
La deuxième avancée du texte tient à la flexibilité des conditions d'intervention du préfet ou du maire. La définition du périmètre d'insalubrité a été adaptée, afin de tenir compte de la possible hétérogénéité des quartiers -ce qui suppose un travail préalable de repérage.
De même, l'article 16 facilite l'action des maires en cas d'abandon manifeste de parcelles ou d'immeubles ; c'est important au regard de la rareté du foncier disponible.
Je resterai attentive au recours au Fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer l'aide financière.
Merci encore à la commission de l'économie et à son rapporteur. Le Gouvernement soutient ce texte très attendu. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Georges Patient, rapporteur de la commission de l'économie. - Ce texte, le premier consacré aux DOM depuis la Lodeom, est très important pour l'outre-mer.
Le diagnostic sur la grave crise du logement outre-mer est largement partagé : tout comme l'Île-de-France, les DOM méritent une attention particulière vu l'ampleur des besoins non satisfaits. Notre ancien collègue M. Torre avait jugé que les conditions de logement dans certaines zones étaient indignes de la République.
Près de 10 % de la population des DOM attend l'attribution d'un logement social ; on a construit 6 000 logements locatifs sociaux en 2009, alors qu'il en faudrait 45 000 par an... La situation est particulièrement alarmante en Guyane, où 13 000 demandes sont en attente -le parc social n'y est que de 13 000. Qui plus est, le logement insalubre représente plus du quart du parc immobilier ultramarin. En Guyane, 20 % des logements n'ont pas l'eau potable et 63 % ne sont pas raccordés à l'égout...
Troisième constat : le logement informel est un phénomène massif, qui concerne par exemple la moitié des constructions nouvelles en Guyane.
M. Letchimy, député chargé d'une mission par le Gouvernement, a estimé que plus de 150 000 habitants des DOM vivaient dans des logements insalubres, généralement informels. Son rapport, remis en septembre 2009, a largement inspiré cette proposition de loi, car il était indispensable de prendre en compte les spécificités des DOM -occupation ancienne, bonne foi des « propriétaires » qui souvent paient leurs impôts locaux. Ainsi, les outils de police administrative en matière d'insalubrité sont inadaptés au cas de logements illégaux.
J'en viens à la proposition de loi.
Initialement, la section 1, articles premier à 6 bis, étaient applicables à la métropole comme à l'outre-mer. Ces dispositions permettent le versement d'une aide aux occupants sans droit ni titre de logements détruits dans le cadre d'une opération d'aménagement ; ce versement est très encadré ; les marchands de sommeil sont exclus de son bénéfice. Le relogement des occupants doit être assuré par la puissance publique.
La section 2, soit les articles 7 à 15, n'est applicable que dans les DOM et à Saint-Martin. Il s'agit notamment d'introduire la notion d'habitat informel dans la définition de l'habitat indigne donnée par la loi Besson de 1990, d'adapter à l'habitat informel les dispositifs existant en matière de police de l'insalubrité ou encore de permettre la création de GIP outre-mer pour conduire les actions nécessaires au traitement des quartiers d'habitat dégradé.
L'article unique de la section 3, applicable dans les DOM et en métropole, vise à simplifier et accélérer les procédures en cas d'abandon manifeste de parcelles ou d'immeubles.
Ce texte constitue une avancée importante pour l'outre-mer. Mais ses dispositions dérogatoires peuvent surprendre ou choquer. Pourquoi indemniser les occupants sans droit ni titre ? Pour adapter le droit à une situation de fait qui perdure parfois depuis plusieurs décennies. Indemniser les bailleurs sans titre peut gêner, mais dans certains quartiers informels la moitié des habitants sont locataires -mais les marchands de sommeil sont exclus de cette aide.
Pour être pleinement efficace, la proposition de loi aura besoin de finances locales assainies outre-mer. En effet, les opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) sont quasiment bloquées malgré la subvention de 80 % versée par l'État, les communes ne pouvant apporter leur contribution. Je note que le texte est davantage formaté pour les Antilles que pour mon département, qui connaît d'importants flux migratoires illégaux. J'ajoute que la pénurie foncière rendra difficile le relogement des occupants dont les logements auront été détruits. Ce texte est une des pièces d'un puzzle : il en manque encore d'autres.
La commission a adopté une quarantaine d'amendements ; les modifications principales concernent la limitation du champ d'application de la section 1, la clarification et l'encadrement des conditions de versement de l'aide financière et le renforcement de l'obligation de relogement.
J'espère que nos débats permettront l'adoption unanime d'un texte important pour tout le pays. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Serge Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - La crise du logement est particulièrement aiguë outre-mer. À quoi s'ajoutent l'état des finances locales et les risques naturels qui renchérissent le coût de la construction, alors même que le foncier disponible est rare et cher. L'indivision est en outre chez nous un mal endémique. Pour des raisons historiques, la zone des 50 pas géométriques est mitée de façon diffuse... et illégale.
Où en est la création du GIP chargé de travailler sur l'indivision, qui avait été décidée il y a deux ans ? Quelle est la position de l'État sur les établissements publics fonciers outre-mer ? La loi de finances pour 2011 autorise l'État à céder gratuitement des terrains destinés à la construction de logements sociaux ; où en est-on ?
Cette proposition de loi apporte des solutions pragmatiques à la réalité de nos territoires. Progressivement, les zones spécialisées dans la production de sucre ont cessé leur activité ; leur population a massivement rejoint les villes. Des terrains périphériques ont alors été occupés, où se sont construites des habitations précaires progressivement « durcifiées », comme le dit Serge Letchimy. Hier bidonvilles, ces quartiers sont aujourd'hui partie intégrante de la ville -Texaco ou Trénelle-Citron à Fort-de-France, Carénage à Pointe-à-Pitre. Les communes de petite taille sont aussi concernées. Les populations y ont souvent loué de bonne foi des logements dont le propriétaire ne possédait pas le foncier...
Le logement insalubre représente 8 % du parc en métropole, plus du quart outre-mer. C'est pourquoi la proposition de loi met au premier plan la lutte contre le phénomène.
L'article 73 de la Constitution permet d'adapter la législation à la situation spécifique de l'outre-mer. On n'en utilise pas toutes les potentialités. En l'occurrence, le droit commun ne parvient pas à s'appliquer dans les DOM et n'est pas adapté aux situations locales ; les bidonvilles n'ont pas disparu, ils se développent même en Guyane et à Mayotte.
La commission des affaires sociales est à l'unanimité favorable à l'adoption du texte. J'espère qu'il en ira de même pour le Sénat. (Applaudissements)
M. Pierre Jarlier. - Dans son rapport Carton rouge au logement, la Fondation Abbé Pierre a souligné la gravité de la situation du mal-logement, surtout en Île-de-France et outre-mer. Huit millions de personnes seraient en France en situation de mal-logement.
Ce constat est à lui seul intolérable. En Île-de-France aussi -et je regrette que le champ d'application de la section 1 du texte ait été réduit.
Avant même d'en combattre les causes, il faut se donner les moyens d'en supprimer les effets. Près de 10 % de la population ultramarine est en attente d'un logement social et le tiers ne dispose que d'un logement précaire. Cette proposition de loi donnera aux collectivités une base juridique solide pour mener leurs opérations d'aménagement là où existe un habitat informel. La propriété du sol ne se confond pas toujours outre-mer avec celle de l'habitat ; cette spécificité doit être reconnue. Les dispositifs nationaux n'y sont pas adaptés. Le texte permet d'adapter la législation aux réalités locales.
Nous sous réjouissons de ce texte clair, dont sont exclus les marchands de sommeil. Ce sont les valeurs de notre démocratie, la dignité de la personne qui sont en jeu ici. L'Union centriste votera cette avancée sociale significative, tout en relevant qu'il faudra aussi s'attaquer aux causes du phénomène, immigration, précarité, mauvaise situation financière des collectivités territoriales. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Gélita Hoarau. - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG) Malgré les opérations de RHI menées depuis les années 80, il reste 16 000 logements insalubres à la Réunion, soit 6 % du parc.
Cette proposition de loi, qui vise à faire sortir l'habitat insalubre du non-droit, dote les opérations RHI d'un cadre réglementaire qui répond à la réalité d'outre-mer. Grâce à elle, des milliers de familles pourront bénéficier des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées. C'est un pas vers l'égalité métropole-outre-mer.
L'habitat indigne n'est pas sans danger, en particulier pour les enfants. Nous sommes donc impatients de voir paraître les décrets d'application. Mais le problème perdurera aussi longtemps qu'on ne se sera pas attaqué aux caractéristiques propres au foncier et à la question de l'absence de titres de propriété. À la Réunion, plus de 80 % de logements indignes concernent les terrains privés. Il importe aussi de construire des logements sociaux en nombre suffisant. À la Réunion, 70 % des nouveaux ménages en relèvent chaque année. La demande ne devrait pas infléchir en raison de la paupérisation de la société réunionnaise.
Certaines collectivités locales agissent. Le conseil général a fait du logement des personnes en difficulté une de ses priorités et apporte sa garantie, à hauteur de plus de 4 millions d'euros, aux emprunts contractés par les bailleurs sociaux auprès de la CDC pour financer des logements sociaux. La commune de Saint-Paul a décidé de mieux prendre en compte les critères de la loi SRU dans son programme de construction de logements sociaux. Tous les acteurs du secteur attendent des moyens à la hauteur de la pénurie constatée.
Nous approuvons les attendus de ce texte. Nous espérons qu'il inaugure une nouvelle politique du logement et d'urbanisation outre-mer. (Applaudissements)
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. - Cette proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en janvier dernier, traite de trois questions : le droit au logement, l'habitat indigne et l'équité. En 2008, 166 000 personnes étaient en attente de logement social dans les quatre DOM. Les 16 000 logements neufs construits en 2009 ne représentaient pas le tiers du nécessaire. Et plus de 50 000 logements sont considérés comme insalubres ou indignes.
La proposition de loi rend possible une aide financière aux occupants sans titre dans le cadre d'opérations d'aménagement nécessitant la destruction des habitations. Elle donne pouvoir au préfet en matière de police de l'insalubrité. Elle crée un GIP pour la conduite d'opérations dans les quartiers d'habitat dégradé. Elle prévoit des dispositions qui visent à simplifier et accélérer les procédures en cas d'abandon manifeste de parcelles ou d'immeubles.
À Mayotte, le parc de logements a progressé de 20 % de 2002 à 2007, sans couvrir les besoins, du fait de l'augmentation rapide de la population, avec l'immigration clandestine. D'ici 2017, il faudrait construire 33 000 logements dont 500 nouveaux logements sociaux par an. On en est loin. Un des facteurs bloquants tient à la problématique du foncier, rare, cher et insuffisamment sécurisé. L'habitat précaire se développe dans des périphéries, loin de tout équipement. Plus de 42 % des résidences principales sont des logements précaires, contre 10 % en Martinique et 30 % en Guadeloupe.
Le rapport Letchimy souligne que les politiques de RHI sont peu adaptées aux conditions ultramarines. Des quartiers plus nombreux devraient être classés en ZUS. L'habitat informel concerne surtout la Guyane et Mayotte, du fait de l'ampleur de l'immigration clandestine. Or, cette proposition de loi n'exclut pas les étrangers irréguliers de son aide, ce qui peut constituer un puissant appel d'air, alors que l'État prétend lutter contre l'immigration clandestine.
Je souligne le bon travail de diagnostic fait par le rapport Letchimy et par celui du sénateur Patient. J'avais déposé un amendement rendant applicable à Mayotte la loi de 1996 sur les 50 pas géométriques. On m'a opposé l'article 40, mais le problème demeure. Les habitants de ces villages sont des personnes modestes, au chômage souvent. Mon amendement laissait un temps raisonnable pour une mission d'évaluation. (Applaudissements)
M. Yvon Collin. - Depuis plusieurs années, l'accès au logement est devenu la principale préoccupation de nos concitoyens. Les conséquences de la pression sont considérables : effets inflationnistes sur le foncier, marchands de sommeil. Au total, 200 000 familles vivent dans des conditions d'insalubrité, dans des bâtiments construits sans droit ni titre -mais tolérés depuis longtemps par l'administration, sans doute parce que des impôts sont payés dessus...
Le Dalo n'est qu'un droit virtuel, outre-mer. Nous nous réjouissons donc de cette proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par notre collègue Letchimy, grâce à laquelle on va peut-être enfin combattre ce mauvais logement. En excluant la métropole, ne va-t-on pas faire tomber sous l'inconstitutionnalité ce beau texte consensuel ?
Le Gouvernement a certes pris des initiatives pour aider les communes en difficulté. Cela suffira-t-il ? Le logement social et l'habitat informel sont difficilement dissociables : ils fonctionnent en vases communicants. Il faudra répondre aux besoins spécifiques de chaque occupant sans droit ni titre.
La Lodeom a modifié la défiscalisation pour l'outre-mer au détriment de la dynamique du secteur du bâtiment. Il semble y avoir ambiguïté sur la question du cumul entre défiscalisation et LBU, laquelle doit rester le socle du financement. Enfin les procédures devraient être fluidifiées.
L'outre-mer mérite une politique ambitieuse, qui réponde aux besoins découlant de l'habitat indigne. Je ne doute pas que la commission d'évaluation de l'action de l'État outre-mer examinera de près la situation.
Cette proposition de loi est un bon texte, concret, que tout le RDSE votera, en appelant le Gouvernement à poursuivre une ambitieuse politique du logement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Thierry Repentin. - Cette proposition de loi tend à favoriser le relogement des occupants sans droit ni titre. Elle va légaliser ainsi des pratiques existant déjà dans certaines collectivités territoriales ultramarines. Les élus pourront recourir ou non aux outils proposés. L'action publique est, partout, d'autant plus pertinente qu'elle est adaptée aux situations locales.
L'outre-mer a des spécificités, dont le législateur peut tenir compte, comme il a su le faire pour la montagne ou les zones rurales en revitalisation. Les amendements adoptés par la commission sont satisfaisants ; ceux de M. Collin nous paraissent aussi fort intéressants : si bien conçues soient-elles, certaines lois sont inappliquées faute de moyens adaptés.
Quid toutefois de l'impact de ce texte sur les finances locales ? Les communes ont déjà beaucoup de mal à financer la rénovation urbaine. La chambre régionale des comptes s'inquiète d'un possible sinistre budgétaire. Et la LBU est déjà très amputée. En Martinique, il manque 8 000 logements sociaux, alors que la capacité de construction n'est que de 400.
Le groupe socialiste ne peut accepter un amendement travestissant l'esprit de l'article 55 de la loi SRU. Les logements sociaux dans les DOM sont déjà plus chers qu'en métropole. Réduire la construction de tels logements serait obérer encore plus le pouvoir d'achat des ménages. Très peu de communes ne respectent pas l'article 55 ; le plus simple serait qu'elles s'y conforment.
Gare aux spéculations immobilières ! Les organismes de logements sociaux sont prêts à construire plus.
Si nous nous en tenons aux seuls amendements adoptés par la commission, le groupe socialiste votera ce texte, sur lequel je souhaite l'unanimité. (Applaudissements)
M. Jean-Paul Virapoullé. - Il y a très peu de points communs entre la politique du logement social en métropole et outre-mer. C'est un contresens politique que de comparer ce qui n'est pas comparable.
L'APL existe en métropole, pas outre-mer. Ici, c'est l'aide à la personne qui est principale ; en outre-mer, c'est l'aide à la pierre. Vouloir faire un parallèle entre la construction de logements sociaux outre-mer et en métropole n'a aucun sens. Depuis 1976, tous les gouvernements ont programmé le financement du logement social avec l'aide à la pierre de la LBU.
Pendant de nombreuses années, parce que nous avions un foncier disponible et que toute la population rêvait d'une petite maison en accession à la propriété, la loi a créé le logement évolutif social. Lorsque vous nous avez refusé l'APL, qui aurait représenté plusieurs centaines de millions de plus, cela arrangeait bien le Gouvernement ! Enlevez vos oeillères ! Regardez la réalité que nous avons créée ensemble : est un logement social outre-mer essentiellement un logement en accession à la propriété.
Ensuite il a fallu passer au bâti vertical, en raison de la raréfaction du foncier.
À l'époque de la loi SRU, on a parlé des locatifs sociaux comme si ceux qui étaient en accession à la propriété étaient des privilégiés. C'était les plus pauvres ! Et dans ces quartiers défavorisés, la délinquance n'existe pas. C'est la plus belle réussite sociale outre-mer. Si l'on avait eu du terrain, on n'aurait fait que du logement évolutif social.
Que les communes qui mettent la main à la poche, avec des budgets serrés, ne soient pas sanctionnées parce que le législateur n'a pas regardé la réalité. Regarder de la même manière des situations différentes : voilà la pire injustice ! C'est pourquoi je propose à nouveau cet amendement sur l'article 55. Je suis d'accord pour monter de 20 à 25 %. Comme la première secrétaire du PS de la Réunion ! On ne peut pas regarder l'avenir en sanctionnant les communes. Une injustice serait intolérable. Pour certaines communes, comme Tampon, l'amende peut atteindre 400 000 euros !
Je vais voter cette proposition de loi, sans me faire beaucoup d'illusions. Les terrains qu'on veut libérer ainsi sont occupés de façon séculaire par ce type d'habitat. Il est faux qu'on ait réduit la loi Girardin en l'intégrant dans la Lodeom : on a réorienté les flux vers les logements sociaux. Le levier fonctionne très bien : on atteindra 5 000 logements sociaux par an à la Réunion. Cela fonctionne si bien que le Gouvernement a eu le courage de sanctuariser cette défiscalisation.
Cette loi n'est pas l'alpha et l'oméga du logement social, qui a besoin de beaucoup de leviers ; mon amendement en est un.
M. Jacques Gillot. - Cette proposition de loi traite une problématique particulièrement forte sur nos territoires. À la Guadeloupe, le logement insalubre concerne 16 000 logements, sachant que 80 % de la population relève du logement social. L'insalubrité porte atteinte à la dignité humaine. Le conseil général de la Guadeloupe a fait preuve d'un volontarisme solidaire Cette proposition de loi permet de définir des priorités à l'intérieur des périmètres de RHI. Elle apporte une aide juridique pour résoudre le problème posé par l'expropriation d'occupants sans titre. Il faudra donc que les décrets d'application prennent en compte toutes les caractéristiques concrètes des situations à traiter. Ce bon texte nous convainc. (Applaudissements)
M. Jean-Étienne Antoinette. - Il est rare que des mesures potentiellement de portée nationale soient prises sur la base de situations propres à l'outre-mer. Indemniser des occupants sans titre est en soi une petite révolution, une revanche sur l'histoire ! Elle paraîtra bien tardive aux expropriés de Kourou ou aux villages d'Amérindiens. Ce texte ouvre peut-être une voie pour la reconnaissance d'un lien entre l'habitat et les formes de société d'outre-mer.
J'aurais aimé poser la question des Français sans papiers sur les rives du Maroni et de l'Oyapock, des familles ancestrales historiquement inexpulsables et administrativement irrégularisables... Maire de Kourou, j'ai dû financer des relogements en urgence.
Oui, ce texte a une portée nationale. Il a aussi de nombreuses limites : son applicabilité en Guyane est douteuse, avec 10 000 logements insalubres ou illicites, en progression de 10 % par an dont la prolifération est alimentée par l'immigration clandestine, mais pas seulement. À chaque expulsion, les familles non relogées vont reconstruire autre chose ailleurs.
Sans une politique déterminée, l'habitat insalubre a encore de beaux jours devant lui !
M. Jean-Paul Virapoullé. - Bravo !
M. Jean-Étienne Antoinette. - Mais ne boudons pas notre plaisir, face à un texte qui apporte de nouvelles solutions utiles pour tout le territoire. Le fait est suffisamment rare pour être salué. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté, de même que l'article 2 et l'article 3.
L'article 3 bis demeure supprimé.
L'article 4 est adopté, de même que l'article 5.
Article 6
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Patient, au nom de la commission.
Alinéa 1
Remplacer les mots :
d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé délimitée en application des 1° ou 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement
par les mots :
exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines
M. Georges Patient, rapporteur. - Il s'agit d'encadrer davantage les zones potentiellement concernées par ce dispositif.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - Je comprends la limitation de cette section à l'outre-mer. Sagesse.
L'amendement n°9 est adopté, de même que l'article 6, modifié.
Article 6 bis
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Antoinette.
I. - Supprimer cet article.
II. - En conséquence, intitulé de la section 1
Supprimer les mots :
situés dans les départements et les régions d'outre-mer et à Saint-Martin
M. Jean-Étienne Antoinette. - Les mesures de la section 1, prévoyant sous certaines conditions l'indemnisation et le relogement des occupants sans titre de locaux ou de terrain dans le cadre d'une opération d'aménagement ou d'une RHI révèlent un intérêt national. Le principe d'identité législative exige que ces mesures d'aide sociale soient appliquées à l'ensemble du territoire national.
La différence entre la situation outre-mer et en métropole n'est pas de nature ; elle n'est que de degré. Que les personnes dans des situations comparables aient droit aux mêmes aides ! C'est un principe d'égalité des citoyens.
J'ajoute qu'en introduisant une faculté, le législateur ne prendrait guère de risques, tout en combattant les situations indignes, où qu'elles existent.
M. Georges Patient, rapporteur. - À mon invitation, la commission, unanime, a restreint ce texte aux collectivités relevant de l'article 73. Défavorable donc à l'amendement.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article 6 bis est adopté.
L'article 7 est adopté.
Article 8
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Braye.
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle n'est pas, non plus, requise lorsque le propriétaire du terrain a donné son accord à la démolition des locaux en cause.
M. Dominique Braye. - La saisine du juge des référés par le préfet pour être autorisé à démolir des locaux insalubres dont il a prescrit la démolition à la personne qui les a édifiés sans droit ni titre sur le terrain d'autrui est justifiée par le respect du droit de propriété du propriétaire du terrain, que celui-ci soit public ou privé.
Elle est inutile lorsque le propriétaire est inconnu, ou si le propriétaire, identifié, a donné son accord.
L'amendement n°4, accepté par la commission et le Gouvernement est adopté, de même que l'article 8 modifié.
Article 9
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Patient, au nom de la commission.
Alinéa 4, deuxième phrase
Remplacer le mot :
affiche
par le mot :
affichage
L'amendement rédactionnel n°8, accepté par le Gouvernement, est adopté, de même que l'article 9 modifié.
Article 10
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Braye.
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle n'est pas, non plus, requise lorsque le propriétaire du terrain a donné son accord à la démolition des locaux en cause.
L'amendement de coordination n°5, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté, de même que l'article 10 modifié, ainsi que les articles 11 et 12.
Article 13
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Patient, au nom de la commission.
Supprimer cet article.
L'amendement n°7, accepté par le Gouvernement, est adopté, de même que l'article 13 modifié, ainsi que les articles 14, 15 et 16.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Virapoullé.
I. - Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Dans les départements d'outre-mer, l'ensemble des logements sociaux subventionnés par une aide publique aux bailleurs ou aux personnes accédant à la propriété et soumise à des conditions de ressources. »
II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus pour les fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain prévus à l'article L. 340-2 du code de l'urbanisme sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Je l'ai défendu lors de la discussion générale.
M. Georges Patient, rapporteur. - Je suis défavorable à une disposition sans rapport avec le texte. Il est en outre inopportun de toucher à l'article 55 de la loi SRU.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - Il n'y a pas en métropole d'équivalent au logement évolutif social ultramarin subventionné à 40 %. Certes, ce logement n'est pas inclus dans les 20 % de l'article 55 de la loi SRU, mais pénaliser les dix-neuf communes concernées à la Réunion et les 21 de la Martinique serait injuste et contre-productif, puisque les logements évolutifs sociaux correspondent à un mode de vie. Sagesse.
M. Thierry Repentin. - Nous voterons contre ce cavalier, qui pourrait faire subir à ce texte les foudres du Conseil constitutionnel. Sur le fond, l'accession sociale à la propriété est subventionnée en métropole. Attention à ne pas ouvrir la boîte de Pandore.
Parmi toutes les communes de la Réunion, dix-neuf sont concernées par l'article 55 de la loi SRU, mais dix seulement sont pénalisées. Aucune n'a fait l'objet d'un constat de carence. Le maire du Tampon, jadis, avait annoncé qu'il était près à payer une amende. Ne cassons pas la dynamique permettant de rattraper le retard en matière de logement locatif social ! Celui-ci est particulièrement utile dans des régions où le niveau de vie est bas.
La solution consiste à construire plus. Si cet amendement était adopté, cette proposition de loi serait soumise au Conseil constitutionnel, qui constaterait ce cavalier et le sanctionnerait. Je souhaite que cette proposition de loi soit adoptée à l'unanimité.
M. Dominique Braye. - Je reconnais la qualité de l'argumentation présentée par M. Virapoullé, qui défend ses électeurs. En son temps, Mme Michaux-Chevry m'a reproché de méconnaître la situation outre-mer. Je m'y suis donc intéressé de près.
Je comprends la position d'un élu ; mais j'éprouve plus de difficultés à comprendre celle d'un ministre de la République, qui s'en remet à la sagesse sur un tel amendement. L'outre-mer a un grand besoin de logements sociaux !
M. Guy Fischer. - Bravo !
M. Dominique Braye. - La position de Mme Penchard me laisse pantois. Il est bien moins cher de construire du logement social outre-mer qu'en Île-de-France. On pourra construire gratuitement sur les terrains de l'État.
À ma demande, les pénalités versées par les communes sont consacrées à la construction de logement social. J'ai fait battre la ministre Boutin en son temps. Monsieur Virapoullé, je vous pardonne de vouloir protéger les élus de votre département, mais lorsque 83 % des habitants ont droit au logement social, il faut construire ! Ceux qui relèvent de l'accession sociale à la propriété n'ont pas les mêmes revenus.
Il faudra bien reloger les personnes expulsées des logements informels ou insalubres !
M. Guy Fischer. - Bravo !
M. Jean-Paul Virapoullé. - J'ai la conscience tranquille : j'ai fait voter ici l'orientation de la défiscalisation vers le logement social. Ne faites pas les experts dans des domaines que vous ne connaissez pas ! L'opposition faite par MM. Repentin et Braye entre le logement locatif et le logement évolutif n'a aucun sens ! Les habitants du logement évolutif social comptent parmi les plus pauvres. Comme maire, j'avais 30 % de logements locatifs sociaux et 20 % de logements évolutif sociaux.
M. Dominique Braye. - Que tous fassent la même chose.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Sans chercher à protéger les maires peu vertueux, je constate que la loi a incité à construire des logements évolutifs sociaux, avant d'insister sur le logement locatif social. En me critiquant, vous avez tout faux. Continuez à entretenir des polémiques avec vos oeillères, mais, de grâce !, allez voir les habitants des logements évolutifs sociaux.
Mme Penchard a raison de vouloir prendre en compte la réalité ultramarine, où l'accession sociale à la propriété fait partie du logement social.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Marsin et Collin.
Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du quatrième alinéa de l'article 74 de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il comporte en outre un volet spécifique sur la mise en oeuvre de la loi n°.... du.... portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. »
M. Yvon Collin. - M. Repentin l'a excellemment justifié.
M. Georges Patient, rapporteur. - Sagesse.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°3 rectifié est adopté et devient article additionnel.
L'article 17 demeure supprimé.
Vote sur l'ensemble
Mme Raymonde Le Texier. - Sans avoir visité la Guyane et la Martinique avec la délégation de notre commission, je n'aurais pas eu la même lecture des rapports. Mon vote se fonde désormais sur mon intime conviction. La Guyane est confrontée à une situation spécifique, en raison de la pression démographique et de l'immigration. La proposition de loi est parfaitement adaptée à la Martinique, où j'ai constaté l'inertie historique des pouvoirs publics. En raison de l'exode rural, des milliers de personnes se sont logées comme elles l'ont pu, sur des terrains inconstructibles car insalubres. Aujourd'hui, les immigrés de l'intérieur habitent des logements mal raccordés aux réseaux.
Il est temps de rendre l'espoir. Ce texte doit absolument être voté. (Applaudissements)
Mme Muguette Dini. - Je conduisais la délégation de la commission et je voterai ce texte pour les mêmes raisons que j'aurais pu longuement exposer. (Applaudissements)
L'ensemble de la proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance demain, jeudi 5 mai 2011, à 9 heures.
La séance est levée à minuit.
Mercredi 4 mai 2011 |
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Sommaire
Génocide arménien1
Discussion générale1
Exception d'irrecevabilité4
Expulsions locatives4
Discussion générale4
Discussion des articles4
Article premier4
Article 24
Article 34
Conférence des présidents4
Question prioritaire de constitutionnalité4
Saisine du conseil constitutionnel4
Avis sur des nominations4
Habitat indigne outre-mer4
Discussion générale4
SÉANCE
du mercredi 4 mai 2011
98e séance de la session ordinaire 2010-2011
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Jean-Paul Virapoullé.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.