Formation des enseignants (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de Mme Gonthier-Morin sur la réforme de la formation des enseignants.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question. - Le Gouvernement a fait l'économie de toute concertation. Sa réforme, qui fait l'unanimité contre elle, tourne le dos à l'objectif affiché d'améliorer la formation des enseignants. Mais l'objectif comptable est atteint, de même que celui, idéologique, du président de la République de régler son compte aux IUFM. Les parcours de formation sont de plus en plus individualisés et territorialisés ; le cadre national disparaît, le concours est affaibli. La catastrophe annoncée est aujourd'hui réalité. Il est urgent d'agir.
Le Gouvernement refuse d'entendre les signaux d'alerte, comme la synthèse de l'inspection générale de l'éducation nationale, qui souligne le manque de moyens, l'extrême hétérogénéité des situations et le risque de recours juridictionnels pour rupture de l'égalité de traitement. Le rapport d'étape dresse un bilan sévère... mais ne propose que des ajustements. Il faut aller au-delà et redonner de l'ambition à la formation des enseignants.
Rapporteur budgétaire pour avis de l'enseignement professionnel, je crains qu'on y décourage les vocations ; dans certaines disciplines, il n'existe pas de mastère.
Il faut sortir du déni. Les stagiaires sont découragés, épuisés et se sentent méprisés par l'institution. Ce sont leurs élèves qui paieront les pots cassés.
Certains se sentent cobayes, voire complices du désastre. La rentrée a eu lieu grâce à la mobilisation des équipes, mais au prix de bricolages divers. Toute une génération est sacrifiée. Et il ne s'agit pas d'une année de transition ; la réforme ne règlera rien.
L'urgence aujourd'hui est de faire des étudiants stagiaires de vrais stagiaires, avec un tiers de temps devant les classes. Avec un bac + 5, il suffirait d'appliquer les bonnes pratiques pour enseigner ? Non, enseigner s'apprend -il faut être formé pour cela. Veut-on faire des enseignants de simples prescripteurs ? On n'est même pas à la moitié des heures de stage prévues, et bien loin de la situation antérieure. Les disparités sont énormes, la norme nationale disparaît. Les stages bouche-trou se multiplient.
Quant aux formateurs, si dans le primaire le réseau de maîtres-formateurs a été maintenu, bien que leur champ d'intervention se réduise, les tuteurs du second degré n'ont reçu aucune formation. Un inspecteur m'a confié que 10 % des tuteurs sont jugés incompétents et que les méthodes de beaucoup d'autres n'ont pas été validées. Le poids du stage dans la titularisation empêche le stagiaire de se confier au tuteur ; tout cela crée un climat malsain. Il faut réinterroger le devenir des IUFM.
L'année de mastère 2 est impossible : il faut aux étudiants tout faire à la fois. Ils sont des candidats au concours plus qu'ils ne se forment. Vous avez mastérisé le concours. Puis l'enseignant stagiaire a une année pour se former sur le tas et être titularisé ; il la passe le nez dans le guidon, impossible de prendre du recul. « On nous formate à la médiocrité », se plaint l'un d'eux. Dis-moi comment tu formes tes enseignants, je te dirai quelle ambition tu as pour ton école...
Une réforme peut être consensuelle, si elle repose sur de solides principes et un cadrage national. Autonomie des universités, rétorquerez-vous ; mais pour Mme Pécresse, autonomie n'est pas absence de règles, elle a défini un cadrage national pour la licence...
Il faudra aussi une formation continue de qualité. Rattrapons le retard. Des stages accompagnés, pensés, avec un temps de service aménagé après la titularisation, renforceraient l'attrait du métier et en démocratiseraient l'accès. Mais ce Gouvernement, en réalité, chemine vers les recrutements par le chef d'établissement. Un prérecrutement serait pertinent, avec plusieurs voies d'accès au concours.
Il y a place pour un autre projet ambitieux. Revenez sur cette réforme. (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Férat. - Le président du comité de suivi des mastères vient de remettre son rapport d'étape. Une école de la République se doit de donner une chance à tous ses enfants et la formation des enseignants en est la clé de voûte. L'enseignement rencontre aujourd'hui des difficultés. Alors que l'investissement de la France dans l'éducation est dans la moyenne des pays de l'OCDE, elle obtient des résultats insuffisants ; 15 % des élèves sortent du primaire sans savoir lire...
La réforme de la formation des enseignants vise à pallier les problèmes actuels. Il s'agit avant tout d'élever le niveau de qualification au moment du recrutement et d'intégrer la formation dans le système LMD, de favoriser les éventuelles réorientations et d'intégrer la formation au métier avant le concours.
La réforme est récente, gardons-nous de conclusions hâtives. L'intégration des IUFM dans les universités a modifié la formation elle-même et impose l'implication des personnels formateurs. Mais le contenu trop théorique de l'enseignement et du concours pose problème. L'approche académique ne suffit pas, l'aspect pratique est important. La professionnalisation doit intervenir avant l'entrée dans l'enseignement.
Je me réjouis des expérimentations de formation en alternance qui vont être engagées dans certaines académies. Bien sûr, les stagiaires ne doivent pas être des remplaçants ! Le nombre de candidats aux concours est en chute : restaurons l'attractivité du plus beau métier du monde. (Applaudissements à droite)
M. Yannick Bodin. - Il faut poser la question de l'ensemble du système éducatif en France, pour éviter de se résigner à « former des maîtres pour l'école d'hier », disait-on en effet lors d'un colloque... il y a cinquante ans. Ceux qu'on appelle avec un peu de mépris les pédagogistes et leurs adversaires se sont lancés dans un débat stérile ; le bon sens suggère que si les enseignants doivent connaître ce qu'ils enseignent, ils doivent aussi savoir enseigner ce qu'ils savent. Acquérir la science, ce n'est pas acquérir l'art de la communiquer, disait Durkheim en 1904.
Élever le niveau de connaissance des enseignants est une bonne chose ; mais quid de la professionnalisation ? Le parcours professionnel doit être construit, commencé pendant les études : on se destine à ce métier mais pendant quatre ans, on ne met pas les pieds dans une classe ! Que dirait-on s'il en allait de même pour les étudiants en médecine ? Enseigner s'apprend.
Un enseignant en maternelle a besoin d'une formation spécifique, celui de collège aussi ; ce qui impose des filières de mastère spécifiques. La formation continue est aussi un droit et une nécessité. Le bagage de départ ne suffira pas pour le long voyage que les enseignants effectueront dans l'institution. La formation tout au long de la vie devrait être obligatoire, et même inscrite dans le statut.
Le directeur de l'enseignement secondaire au ministère de l'éducation nationale l'avait déjà dit en 1904 : on peut être un maître savant et cependant un mauvais maître. Accordons la priorité à la formation des maîtres, que nous ayons de bons maîtres ! (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Laborde. - L'enseignant doit plus que jamais maîtriser les connaissances mais aussi des méthodes d'apprentissage et une bonne compréhension de l'enfant et de l'adolescent. Dès l'annonce des grandes lignes de la réforme, nous avons exprimé des craintes sur le peu de cas fait de la formation pratique -craintes hélas justifiées. La qualité de l'enseignement risque d'être sacrifiée.
La compétence pédagogique s'apprend et s'améliore par la pratique. Calcul mental, écriture, lecture, ne font l'objet d'aucune formation des maîtres, alors que les enseigner est tout à fait particulier. Nos enfants sont désormais confiés à temps plein à des stagiaires sans formation concrète. Les lieux de formation ne sont plus identifiés ; enseigner n'est-il plus un métier ? Quelles sont d'ailleurs vos intentions pour les locaux des IUFM ?
Je déplore que le Gouvernement mette tout en oeuvre pour saper une profession, un service public régalien garant de l'égal accès à un enseignement de qualité. Depuis quelques années, les suppressions de postes se multiplient, notamment en zone rurale ou dans les quartiers sensibles. Les chefs d'établissement sont contraints de refuser des journées de formation car ils savent que les enseignants ne seront pas remplacés.
La Conférence des présidents des universités s'alarme de la baisse du nombre de candidats aux concours d'enseignants. La rentrée scolaire de 2010 a été catastrophique. Alors qu'on constate une montée de la violence, l'arrivée d'enseignants inexpérimentés n'arrange rien. Les conséquences s'en font sentir sur la scolarité des élèves.
L'école française est une des plus inégalitaires de l'OCDE. Pouvons-nous endiguer le phénomène avec votre réforme ? Nous en doutons fortement. (Applaudissements à gauche)
M. Ivan Renar. - La formation des enseignants, initiale et continue, est essentielle. D'elle dépend la capacité des enseignants à bâtir des stratégies pédagogiques adaptées.
De la qualité de la formation dépend aussi la réussite des élèves. Or, votre réforme a été menée sans concertation et dans la précipitation.
Certes, il fallait rénover la formation des maîtres. Mais cette réforme est apparue essentiellement comptable, dans la logique de la RGPP.
La mastérisation succède à de nombreuses réformes, en particulier celles de 2005, qui a intégré les IUFM dans les universités, et de 2007.
Le cadrage national de la formation des enseignants est remis en cause par la loi LRU. Les présidents des universités doivent procéder à des arbitrages budgétaires entre les diverses disciplines, d'où une grande inégalité dans la formation des maîtres d'une académie à une autre. Dans le Nord-Pas-de-Calais, la situation est particulièrement inquiétante. L'IUFM a été intégré à l'université d'Artois qui accueille donc seule un public largement régional. De nombreux postes d'enseignants ont été supprimés.
Pourtant, 800 étudiants se sont inscrits à la formation, bien que le nombre de postes mis au concours soit en diminution. Que deviendront les recalés ? En l'absence de rémunération, les étudiants les plus modestes ne pourront suivre ces études.
Chaque université mène sa propre politique en matière de stage. Il est surprenant de constater le peu de coordination entre les rectorats et les universités, ce qui conduit les étudiants à manquer des cours. Les mastères sont d'inégale qualité. Il faut remettre en chantier la formation des enseignants pour répondre au découragement des étudiants. Il faudrait aussi revoir la formation permanente des enseignants, qui doivent être préparés aux nouveaux défis du monde. Ainsi que le disait Edgar Morin, « nous n'avons jamais eu autant de savoirs, mais nous ne savons pas les penser ». Enfin, la place de l'enseignement artistique et culturel doit être renforcée.
Notre pays ne peut faire l'économie d'une réflexion d'ensemble. La formation des enseignants n'est pas une charge mais un investissement rentable pour la Nation. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jacques Legendre. - Pour évaluer les enseignants, il nous faut prendre de la hauteur. Si la mastérisation a été présentée comme une réforme utile, nous devons la juger à l'aune de l'amélioration du niveau des élèves. La formation des enseignants est essentielle pour redresser l'école républicaine. J'ai longtemps enseigné l'histoire et le français et j'ai été rapporteur de la loi Haby. Nous devons prendre acte de la noblesse et de la difficulté du métier d'enseignant. La figure de Socrate doit-elle être évoquée ? (Sourires) « J'ai dit avec ton aide plus de choses que je n'en portais en moi ! » proclame Théétète. Il n'y a pas de contradiction entre transmission du savoir et développement de l'esprit critique.
La mastérisation peut et doit être un atout. Après les errements du pédagogisme, les futurs enseignants doivent quitter l'université avec un haut niveau de connaissances. Ne faisons pas des élèves des ânes chargés de livres, pour reprendre la formule de Montaigne. Il en va de même pour les professeurs, qui à côté de l'excellence académique doivent développer leurs capacités pédagogiques. Les professeurs des écoles sont des généralistes. Inspirons nous de la Finlande avec des enseignements adaptés à des élèves aux caractères et aux dispositions différents.
Montaigne disait de l'enseignement idéal qu'il devait « faire trotter l'enfant devant lui pour en mesurer l'ardeur ». Il ajoutait : « c'est la besogne la plus ardue que je sache que de savoir condescendre à ces allures enfantines ». Il y a là une vertu pratique, pour parler comme Aristote. Les stages d'observation ne suffisent pas pour procurer une expérience suffisante. La piste des mastères en alternance est intéressante.
J'en viens à l'entrée dans le métier à proprement parler. Les tutorats sont nécessaires, mais l'expérience s'est révélée disparate. Il faut veiller à garantir la cohérence nationale de la réforme, monsieur le ministre. Les enseignants ont tout à gagner à s'organiser en réseaux. Le soutien pédagogique doit être renforcé. Il faudrait aussi recentrer les corps d'inspection sur le soutien pédagogique et renforcer la formation continue des enseignants, souvent routinière et bureaucratique. D'une discussion libre et large doit résulter une meilleure modulation de la formation des maîtres. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Claude Bérit-Débat. - La rentrée prochaine s'annonce morose, une fois encore. La suppression de plusieurs milliers de postes renforce le malaise actuel, les enseignants se sentent déconsidérés à cause de la RGPP et ils s'estiment méprisés par cette réforme. Les formateurs ne sont quasiment plus formés, depuis la suppression des IUFM. Avec la mastérisation, il suffit d'avoir suivi un cursus universitaire, sans aucune préparation pédagogique. Dans mon département, certains jeunes enseignants se sont vu proposer une formation plusieurs mois après leur prise de fonctions. Comment admettre qu'un jeune professeur non préparé enseigne dans les zones les plus difficiles !
Fermer les IUFM, c'est fermer un service public. Avec la mastérisation, la mobilité des étudiants va s'accroître, accentuant les inégalités territoriales selon les offres d'enseignement. Enfin, pour que plus d'élèves handicapés intègrent l'école publique, il faut davantage de personnels d'accompagnement et d'enseignants formés. Or, tel n'est pas le cas.
Êtes-vous prêt à revoir votre réforme, monsieur le ministre ? (Applaudissements à gauche)
M. Adrien Gouteyron. - Cette réforme fondamentale et nécessaire implique deux ministères. La coordination a-t-elle été suffisante ? (« Non ! » sur les bancs CRC) Il semble qu'il y ait un écart entre le ministère employeur et le ministère formateur. Cela doit cesser.
J'en viens à la mise en place dans les universités de nouveaux mastères. Il faut résorber les différences entre les rectorats et les universités et prévoir des stages suffisants. Où en est la réflexion ?
J'ai cru comprendre que l'on s'interrogeait sur la meilleure insertion du concours dans le déroulement des études. Actuellement, il est prévu en mastère 2. Sa place dans la formation demeure un peu indéfinie. Pourrait-on envisager le concours à la fin de la première année de mastère ?
Quelle va être la formule pour prendre en compte dans le concours lui-même la formation professionnelle ? Ou alors cette formation va-t-elle être prise en compte pendant le mastère ? Comment bien associer formation universitaire et formation professionnelle ? Tous les orateurs ont insisté sur une solide formation initiale et professionnelle. Comment faire ? Les universités sont-elles capables de le faire ?
Mme Maryvonne Blondin. - « Une société qui n'aime pas ses enseignants, c'est une société qui n'a pas compris les enjeux de la mondialisation » : belle déclaration du Gouvernement en 2007 qui leur a ensuite apporté des preuves de son désamour !
Nous avons vu une vidéo attristante : un jeune agrégé d'histoire qui vient d'être nommé professeur assiste, impuissant, médusé, à la bousculade des élèves entrant dans la salle. Heureusement il a bénéficié du soutien des chercheurs et eu le courage de persévérer. D'autres, submergés par les difficultés, ont jeté l'éponge. Quel gâchis, quelle souffrance !
La mastérisation sans formation professionnelle est une aberration. Les débutants ont beaucoup de mal à exercer leurs fonctions, car ils ne connaissent pas les gestes indispensables. Les jeunes professeurs sont plongés en situation d'échec : les tuteurs sont parfois dans un autre établissement, ils doivent enseigner dans diverses écoles...
La formation aurait dû leur « apprendre à apprendre », les connecter à la réalité des classes. Cela ne s'apprend pas dans les livres, mais bien sûr, cela demande des moyens ! Dans mon département la brigade de formation continue a perdu 26 postes.
Le président de la République avait déclaré en janvier qu'il remettrait en chantier la formation, en évoquant des stages en alternance. Est-ce exact ?
Mme Marie-Christine Blandin. - La mastérisation a privé les jeunes enseignants d'un temps d'observation et de prise de responsabilité programmée. Les dégâts pour les enseignants sont bien connus ; ceux subis par les enfants n'ont pas été mesurés. Appliquer de purs critères de rentabilité à la fonction vitale qu'est la transmission des savoirs est une erreur historique !
En Finlande, j'ai constaté que les écoliers du primaire passaient beaucoup de temps à la chorale ou à la danse, pour apprendre la confiance en soi et le respect de l'autre. Quand la classe est identifiée à un lieu de plaisir, on est prêt pour les acquisitions cognitives. En France nous connaissons les expériences de « la main à la pâte » ou des « petits débrouillards », autant d'activités qui ne s'improvisent pas.
Les enseignements artistiques, l'éducation physique, ne sont pas des suppléments d'âme mais ouvrent les portes à l'expression pour des enfants qui n'ont pas l'atout du vocabulaire des familles privilégiées.
Dans cette société de la violence, je plaide pour une formation adaptée à l'altérité : il faut transformer le seul souci de soi et la rivalité ou la peur de l'autre en curiosité et en facteur d'enrichissement.
Lire, écrire, compter, la formule de François Fillon n'a pas atteint son but : l'évaluation écrite et la pédagogie stricte renforcent la sélection. L'échange oral en a payé le prix, comme la minoration des autres matières.
La pédagogie par l'approche sensible et le temps de la médiation donnent aux enseignants la capacité d'épanouir tous les talents des enfants et d'émanciper les futurs adultes qui se préparent dans le cerveau, le corps et le coeur de leurs élèves. Ce n'est pas compatible avec les sureffectifs dus aux suppressions de postes ni avec votre réforme de la formation. (Applaudissements à gauche)
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. - La nouvelle formation initiale des enseignants répond aux enjeux de notre école. Cette réforme permettra de la mettre en phase avec la société de la connaissance qui se met en place. En outre, les métiers d'enseignants doivent évoluer pour améliorer l'efficacité du système éducatif. Il faut conforter l'autorité du savoir.
Chaque professeur doit pouvoir mener à bien sa tâche : il faut l'y aider ! Enfin, cette réforme s'inscrit dans le cadre européen.
Recruter des professeurs au niveau mastère, c'est un gage d'excellence académique ; c'est aussi assurer une initiation à la recherche, dont le professeur aura besoin pour se former tout au long de la vie.
Mais des compétences pédagogiques renforcées sont nécessaires. C'est pourquoi, avec la ministre de l'enseignement supérieur, nous avons construit un parcours pédagogique.
M. Bodin a évoqué les étudiants en médecine : quand il est aux urgences, il peut avoir affaire à un externe, qu'il appellera « docteur »...
Avant la réforme, un tiers du temps de formation était réservé à la pratique en classe. Avec cette réforme, des stages ont lieu dès la licence. Au niveau mastère, 216 heures de stages auront été effectuées. Tous ces stages sont encadrés par des formateurs chevronnés. À l'issue de cette formation, l'étudiant passe un concours : l'écrit atteste de la connaissance et l'oral permet d'évaluer les compétences professionnelles.
Enfin l'année de professeur stagiaire complète la formation pratique. Après la réussite au concours, le professeur stagiaire bénéficie d'un complément de formation, grâce à la présence d'un tuteur et des conseillers pédagogiques. Une formation complémentaire est dispensée pour la gestion des classes. Nous avons revalorisé le début de carrière en augmentant le salaire de 10 %, soit plus 157 euros nets par mois et 259 euros pour les agrégés.
Plus de 15 000 professeurs ont rejoint l'éducation nationale à la rentrée 2010. Ils ont bénéficié, fin août, d'un stage d'accueil au sein de leur académie. Ils ont ensuite été accompagnés par des tuteurs. Chacun a reçu des compléments de formation en fonction de ses besoins individuels. Il en sera de même pour la future rentrée -en plus simple, car l'année de transition est forcément complexe... Chaque académie organisera un stage d'accueil de cinq jours au moins. Nous allons développer la formation à la conduite de classe en septembre.
J'en viens à la mise en oeuvre. M. Legendre nous a appelé à prendre de la hauteur. L'Inspection générale de l'éducation nationale, dans son rapport, indiquait que les premiers éléments de bilan étaient bien éloignés de la catastrophe annoncée. Seuls 1 % des professeurs stagiaires ont été en difficulté et les arrêts maladie et les démissions pas plus nombreux qu'auparavant. S'agissant des étudiants en mastère, un point d'étape nous a été présenté par le président du comité de suivi le 9 avril. Nous devons être attentifs à la charge de travail des étudiants en mastère, mieux préciser les conditions d'évaluation des stages. Nous reconnaissons donc bien ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas marché.
Nous allons recenser les bonnes pratiques et les diffuser.
Les deux ministres travaillent de concert pour mener à bien cette réforme. L'éducation n'est pas une science exacte. L'avenir de notre école passe par l'innovation et donc par l'évaluation. Le président de la République n'a pas dit autre chose le 19 janvier lors de la présentation de ses voeux.
L'année 2010-2011 est la première année d'application du nouveau système. Nous en tirons les leçons. Les universités ont tiré le meilleur profit du savoir-faire des IUFM. Enseigner les fondamentaux dans le primaire relève d'un savoir-faire spécifique. Le parcours peut différer selon le niveau des enseignements. La polyvalence exigée des professeurs des écoles n'est pas toujours compatible avec le parcours universitaire. Instituer des mastères polyvalents ou en alternance est une idée intéressante. Il apparaît nécessaire de compléter la formation des professeurs des écoles, dans le domaine des langues et, parce qu'ils sont pour les trois quarts étudiants en sciences humaines, développer leur bagage scientifique.
La mise en place des mastères polyvalents ou en alternance répond à une visée sociale, en raison de la longueur des études.
Nous réfléchissons aux mastères pluridisciplinaires pour prendre en compte la diversité des enseignements en primaire et aux mastères par alternance.
Le nombre de diplômés en mastère est d'environ 60 % de celui de licenciés.
Les candidats aux concours sont moins nombreux : mais c'est que deux concours ont été organisés à quelques mois d'intervalle, avec une sélection au niveau bac + 5 et non plus bac + 3. Les postes étaient moins nombreux -3 100 au lieu de 7 000 l'année précédente-, les candidats aussi.
Les assistants d'éducation, les contractuels, pourraient progresser grâce aux mastères en alternance.
Que deviendront les antennes des IUFM, propriétés à la charge des universités ? Les recteurs réfléchissent au meilleur usage de ces locaux.
La nouvelle formation des maitres permettra à l'école de la République de conduire chaque enfant à la réussite. La réforme est perfectible ; j'y apporterai une vigilance constante. (Applaudissements à droite)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question. - Nous ne vivons pas dans le même monde. Cette question était un appel à sortir du déni. Vous n'avez peut-être pas d'informations sur le sort de ces « stagiaires impossibles » dont je vous transmettrai le livre noir. Il n'y a pas de replâtrage possible.
Je pensais que vous parleriez du mastère en alternance : le recteur de Versailles l'a déjà évoqué.
Le dispositif n'est pas nouveau ; il est présenté comme la panacée, mais la ficelle est un peu grosse : les formés en alternance vont constituer le vivier des remplaçants précaires ! Et les stagiaires doivent être encadrés par des maîtres formateurs, non des tuteurs. S'ils assurent un mi-temps, ils seront débordés ! En fait, votre formation en alternance est un piège.
Cette réforme constitue la pièce maitresse de votre entreprise de démantèlement du service public de l'éducation : les enseignants sont les seuls à être privés de formation.
Cet échange aurait pu être l'occasion d'explorer les pistes d'une véritable réforme permettant la réussite de tous les enfants : ce n'est pas le cas, et je déplore. (Applaudissements à gauche)