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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Demande d'avis sur des nominations

Dépôt d'un avenant à une convention

Questions prioritaires de constitutionnalité

Immigration (Deuxième lecture)

Discussion générale

Problèmes énergétiques (Questions cribles)

Décisions du Conseil constitutionnel

Immigration (Deuxième lecture - Suite)

Discussion générale (Suite)

Exception d'irrecevabilité

Question préalable

Renvoi en commission

Avis sur une nomination au titre de l'article 13 de la Constitution

Immigration (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles

Article 2

Article 2 bis

Article 5

Article 5 ter (Suppression maintenue)

Chapitre Premier

Article 6

Article 7

Article 10

Article 12 (Supprimé)

Article 13




SÉANCE

du mardi 12 avril 2011

91e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

Secrétaires :Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Demande d'avis sur des nominations

Mme la présidente.  - Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010, relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettres en date du 8 avril 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis des commissions du Sénat compétentes, d'une part, en matière d'enseignement et de recherche, sur le projet de nomination de M. Didier Houssin à la présidence du conseil de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, et d'autre part, en matière d'environnement, sur le projet de nomination de M. Jean-François Dhainaut à la présidence du Haut conseil des biotechnologies.

Ces demandes d'avis ont été respectivement transmises à la commission de la culture et à la commission de l'économie.

Dépôt d'un avenant à une convention

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 8 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, l'avenant à la convention passée avec l'Onera et relative à l'action « recherche dans le domaine de l'aéronautique », qui a été publiée au Journal officiel du 31 juillet 2010 et transmis à la commission des finances et à la commission de l'économie.

Questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 8 avril 2011, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité.

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 8 avril, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité, et la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Immigration (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Discussion générale

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Aujourd'hui, des pays du sud de la Méditerranée s'engagent à leur tour dans la voie de la démocratie. Plutôt que de rester de simples observateurs, nous devons faire face avec responsabilité à cette situation nouvelle et à la pression migratoire qu'elle occasionne. Dans ce contexte, ce projet de loi est l'occasion de traiter avec pragmatisme la question de l'immigration clandestine. Ce texte tourné vers l'efficacité républicaine est attendu par des services qui se chargent, jour après jour, de lutter contre l'immigration clandestine ; il permet également de transposer intégralement la directive Retour.

Nous avons pris le temps de la réflexion démocratique, il est temps de passer à l'action. L'excellent travail de votre commission des lois a permis des rapprochements entre la position du Gouvernement et celle de la Haute assemblée.

Notre politique migratoire s'appuie sur deux principes : la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, sauf cas particulier, et l'accueil des étrangers en séjour régulier.

Le septième rapport au Parlement sur les orientations de la politique migratoire montre une baisse du regroupement familial, une baisse de l'immigration professionnelle et une progression de l'immigration étudiante.

La première de nos priorités, c'est la lutte contre l'immigration irrégulière. Depuis 2007, ce sont plus de 110 000 personnes qui ont été éloignées vers leur pays d'origine, et plus de 102 000 personnes qui ont été refoulées à. la frontière. Grâce à la Loppsi, entrée en vigueur le 15 mars dernier, nous disposons d'un cadre juridique clair et fiable

Il nous appartient également de tirer parti des nouvelles technologies, notamment les visas biométriques. D'ici le mois de juin, 150 points d'accès à la base des visas biométriques seront développés.

Du 23 février au 6 avril, 1 921 Tunisiens débarqués à Lampedusa ont été éloignés. Nous oeuvrons dans le cadre du droit communautaire et des conventions bilatérales en nous opposant aux pratiques non coopératives. J'ai rencontré à Milan mon homologue italien et nous nous sommes mis d'accord pour monter, dans le cadre de Frontex, des patrouilles communes au large des côtes tunisiennes.

La lutte contre l'immigration irrégulière passe également par un dialogue renforcé avec des pays du sud ; j'insisterai sur ce point lors de la réunion des Vingt-sept.

Deuxième priorité, la maîtrise de l'immigration régulière : Le regroupement familial ne représente plus que 15 000 titres de séjour par an, contre 25 000 avant la réforme. Nous devons aujourd'hui nous poser la question d'une nouvelle étape dans la maîtrise de l'immigration légale. C'était le sens de mes propos de la semaine dernière. C'est pourquoi je ferai, dans les prochains jours, des propositions de réduction du nombre de titres de séjour délivrés chaque année.

Notre troisième priorité est celle de l'intégration.

La France doit rester fidèle à elle-même, à ses valeurs ; pour éviter ces tensions, les préjugés, voire la xénophobie, les flux migratoires doivent rester proportionnés à ce que notre pays est en mesure d'accueillir. (M. David Assouline soupire)

Depuis 2003, près de 500 000 personnes ont signé un contrat d'accueil et d'intégration. J'étais ce matin même dans le Val-d'Oise, avec votre collègue Hugues Portelli, pour faire le point sur notre politique d'aide à l'apprentissage du français. J'ai rencontré, à cette occasion, des responsables associatifs et des migrants. Leur exemple le prouve : maîtriser notre langue, c'est trouver plus facilement du travail et avoir plus de prise sur l'éducation de ses enfants.

Enfin, notre quatrième priorité est de garantir la soutenabilité de notre système d'asile. L'asile politique, qui doit rester une valeur cardinale de la République, ne doit pas devenir une nouvelle filière d'immigration. Il faut donc réduire les délais de demandes. D'où le renforcement des moyens de l'Ofpra et de la CNDA : 40 postes à l'Ofpra et 50 à la CNDA. Les délais passeront de dix-neuf mois à un an dès la fin de cette année. Le projet de loi apporte des améliorations procédurales qui vont dans le même sens.

Ce texte constitue un nouvel outil au service de cette stratégie d'ensemble. Il transpose trois directives, dont la directive Retour. Cette directive apporte trois innovations majeures.

Première innovation : la directive Retour pose le principe du « délai de départ volontaire » pour la mise en oeuvre des mesures d'éloignement. Ce délai de départ volontaire peut être compris entre sept et 30 jours ; nous le fixons à 30 jours, par cohérence avec le régime actuel des obligations à quitter le territoire français.

Ce délai peut être refusé si l'étranger représente une menace pour l'ordre public, s'il y a risque de fuite ou si un visa a déjà été refusé. Dans son avis du 21 mars dernier, le Conseil d'État a refusé l'application de cette présomption de fuite tant que le texte n'aura pas été voté.

Deuxième innovation : la directive Retour encadre davantage le régime de la rétention administrative, en prévoyant que celle-ci n'est justifiée que lorsqu'une mesure moins coercitive ne suffirait pas. C'est pourquoi le projet de loi crée une mesure d'assignation à résidence qui constitue une alternative à la rétention.

Troisième innovation: la directive Retour crée un dispositif d'interdiction de retour à portée européenne. Cette mesure, qui peut accompagner la mesure d'éloignement, est entourée de nombreuses garanties.

Enfin, ce texte propose de nouvelles voies d'accès à la nationalité française pour les personnes au parcours exceptionnel, renforce l'examen de l'adhésion à nos valeurs et l'objectivité du critère de maîtrise de la langue français. Tout candidat à la naturalisation devra signer une charte des droits et devoirs du citoyen français.

Le maître-mot de ce projet de loi est l'efficacité. D'où la création de zones ad hoc pour les cas de débarquements massifs d'étrangers. Le 22 janvier 2010, lorsque 123 Kurdes ont débarqué sur une plage de Corse, ce dispositif nous aurait été utile... Nous allongeons également la durée maximale de la rétention à 45 jours pour accroître le nombre des laissez-passer consulaires, lesquels sont la première cause de l'échec des procédures d'éloignement. Cette durée est raisonnable ; c'est la plus courte d'Europe.

Depuis que vous l'avez adopté, ce texte a évolué. Le Gouvernement a préféré les mesures pratiques aux mesures symboliques.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Claude Guéant, ministre.  - D'où la suppression de la déchéance de nationalité, qui n'était qu'une des 75 mesures de ce texte.

M. David Assouline.  - C'était la seule mesure du discours de Grenoble !

M. Claude Guéant, ministre.  - Merci au président Hyest et au rapporteur Buffet d'avoir clarifié la rédaction de l'article 17 ter sur le droit au séjour des étrangers malades. Le Gouvernement soutiendra leur amendement.

Quelques mots de la réforme du contentieux de l'éloignement. Elle apportera plus de sécurité juridique en préservant le droit des étrangers. Il demeure une nuance entre le Gouvernement et le Sénat : vous prévoyez que le juge des libertés et de la détention (JLD) intervient au terme de quatre jours ; nous préférons cinq jours. Votre solution risque de réduire à 24 heures le délai accordé à l'étranger pour déposer un recours -ce qui est sans doute inconstitutionnel- ou à 48 heures le délai dans lequel le juge administratif peut statuer.

Aucune de ces deux options ne paraît satisfaisante car ce texte accroîtra le nombre de demandes, lesquelles seront plus complexes ; enfin, réduire le délai de jugement à 48 heures, obligerait le juge à statuer le week-end sur les demandes déposées le vendredi... D'autres problèmes d'organisation se posent. C'est la raison pour laquelle les vice-présidents du Conseil d'État se sont prononcés en 2003 et en 2006 pour un délai de jugement de 72 heures. Enfin, le délai de cinq jours ne paraît pas excessivement préjudiciable aux étrangers ; nos voisins ne font pas mieux.

La réforme est proportionnée à l'objectif poursuivi : améliorer la sécurité juridique et l'administration de la justice.

Ce texte apporte des réponses républicaines à la question de l'immigration : une réponse efficace et une réponse humaine. (M. David Assouline s'exclame) Il y va de la cohésion de la société française. (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Nous sommes parvenus à un accord avec l'Assemblée nationale sur de nombreux points, à commencer par les dispositions transposant la directive Retour qui créent une mesure unique d'obligation de quitter le territoire français, assortie ou non d'un délai de départ volontaire. Cette simplification va dans le bon sens, d'autant que les députés ont accepté que l'interdiction de retour ne soit pas automatique mais décidée par le préfet.

Nous sommes également tombés d'accord sur la transposition de la directive Libre circulation, ce qui apaisera le débat sur les Bulgares et les Roumains.

En revanche, restent des points à régler concernant les zones d'attente ad hoc.

La connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises doit être appréciée selon la condition de la personne.

L'Assemblée nationale s'est ralliée à la position du Sénat sur la déchéance de nationalité.

Enfin, concernant la lutte contre les employeurs de travailleurs irréguliers, nous sommes d'accord sur l'essentiel.

J'en viens maintenant aux points qui restent en discussion.

Au préalable, et même si ce n'est pas l'usage ici, je veux faire une mise au point. Je regrette que les députés aient rejeté sans explication aucune des améliorations que nous avions apportées au texte. Surtout, je regrette que le rapporteur de l'Assemblée nationale ait opposé les travaux du Sénat à ceux de la représentation nationale. Que je sache, nous sommes tous élus au suffrage universel ! (Applaudissements ; Mme Catherine Tasca renchérit)

Mme Jacqueline Gourault.  - Très bien !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Parmi les points restant en discussion figurent les zones d'attente ad hoc. En effet, le texte issu de l'Assemblée nationale permettrait de créer des zones d'attente ad hoc à caractère pérenne ce qui ne correspond ni à l'intention initiale du Gouvernement ni à l'idée que l'on peut se faire d'un dispositif temporaire. La commission a donc adopté un amendement qui permet de préserver ce caractère exceptionnel du dispositif, en fixant une durée maximale de 26 jours.

L'Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement supprimant le principe de l'acquisition automatique de la nationalité française à 18 ans pour les enfants nés en France de parents étrangers et ayant leur résidence habituelle en France. Sans même avoir à se prononcer sur le fond, une telle disposition, qui constitue une mesure nouvelle sans lien direct avec une disposition du texte en discussion, ne satisfait pas à la règle de l'entonnoir. Dura lex, sed lex...

Votre commission a également rejeté la modification des dispositions en vigueur relatives au séjour des étrangers gravement malades. La volonté de revenir à l'état antérieur à une jurisprudence excessivement libérale du Conseil d'Etat semble toutefois légitime.

Concernant l'incrimination des mariages gris, les députés n'ont pas suivi le Sénat, qui avait replacé celui-ci dans le cadre du droit et de l'échelle des peines en vigueur. La commission a donc rétabli la rédaction votée par le Sénat en première lecture.

Enfin et surtout, le débat reste ouvert sur la difficile question du contentieux des mesures d'éloignement.

Au délai de cinq jours pour l'intervention du juge des libertés et de la détention, saisi par le préfet pour prolonger la rétention administrative, votre commission des lois a préféré, sur proposition de son président, un délai de quatre jours. Ce délai est en effet déjà en vigueur pour les zones d'attente. Le risque de censure semble donc moindre, d'autant que la commission prévoit que le juge administratif doive se prononcer sur les décisions prises par le préfet à l'encontre de l'étranger dans le même délai de quatre jours. Sera ainsi préservé l'objectif de clarification des procédures juridictionnelles, qui constitue le sens même de cette réforme.

Voilà les grandes lignes de ce texte dont nous avons à débattre. (Applaudissements à droite)

M. Jean Louis Masson.  - Ce texte apporte des réponses à de vrais problèmes. Pour autant, je regrette qu'il n'aille pas assez loin. L'immigration préoccupe beaucoup de nos concitoyens dont je fais partie, qui souhaitent plus de fermeté. Les élections cantonales ont montré que les personnes qui se lèvent tôt veulent que l'on s'occupe davantage d'elles !

Mme Éliane Assassi.  - Scandaleux !

M. Jean Louis Masson.  - En revanche, je regrette l'instrumentalisation, à des fins politiciennes, de problèmes qui mériterait d'être traités plus sérieusement. Chaque année, nous avons droit à un ou deux textes sur la délinquance ou l'immigration : ça suffit ! Vous avez sorti de votre chapeau le lapin de la déchéance nationale. Mieux aurait valu des mesures plus coercitives. Il y a un dévoiement politicien des problèmes de fond. (M. Jean-Louis Carrère s'amuse) Autant je suis partisan d'un durcissement de la politique migratoire, autant je suis profondément hostile aux gesticulations politiciennes. Les résultats des élections cantonales doivent inciter à réfléchir, et ce au plus haut niveau de l'Etat !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Il n'y a aucune raison que la mondialisation de s'étende pas aux flux migratoires ; maîtrisée, l'immigration participera à la richesse de la France, qui a toujours été une terre d'accueil. Voilà ce que disait en substance le ministre de l'intérieur en 2002 aux préfets. Ces propos ont une résonance particulière aujourd'hui ! Nous sommes nombreux à penser que l'immigration légale est une chance ; nous sommes nombreux à refuser l'immigration irrégulière qui fait de ces personnes des non-êtres, des sans-papiers. Nous sommes donc d'accord sur les principes, mais peut-être pas sur les moyens...

Rappelons qu'une myriade de textes a été adoptée sur l'immigration ces dernières années. Bien malin celui qui s'y retrouvera ! Ce nouveau projet de loi a plusieurs sources : les directives européennes, le rapport de la commission Mazeaud et le débat sur l'identité nationale. Rien qui vienne apparemment dans ce texte heurter nos principes... Pourtant, à y regarder de près, ce texte rompt avec notre tradition.

Je veux saluer la raison, celle du président de la commission et notre rapporteur : ils ont refusé la restriction du droit au séjour des étrangers malades, ils ont lié l'utilisation de la visioconférence devant la CNDA au consentement de l'étranger. Il n'en reste pas moins que ce texte, pour la majorité du groupe RDSE, est inacceptable.

D'abord, parce que vous allongez la durée de la rétention administrative pour atteindre vos objectifs chiffrés, et parce que les zones d'attente ad hoc ne garantissent pas aux étrangers tous leurs droits ; la logique du retour volontaire dans la directive « Retour » n'est pas respectée.

Il faut rester vigilant face au durcissement systématique de dispositions qui limitent les droits des étrangers, soumis, par exemple, à un véritable examen d'intégration, ou qui voient entamée la liberté du mariage.

Reviendra-t-on sur le regroupement familial ou l'immigration professionnelle ? Je veux faire confiance à la raison, au bon sens, à notre tradition républicaine d'accueil. Je veux bien croire à la nécessité de maîtriser les flux migratoires, de lutter contre l'immigration irrégulière ; je crois bien davantage à des mesures généreuses, efficaces, qui assurent aux étrangers des conditions de vie heureuses. Espérons qu'un prochain texte (M. David Assouline s'exclame) leur permettra de vivre sur notre terre leur légende personnelle ! (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Le contexte a changé depuis que nous avons examiné ce texte en première lecture. D'abord, un troisième ministre, qui en est sans doute l'auteur réel. Idéologie constante... Ensuite, les révolutions arabes, qui ont fait perdre leur sang-froid à certains membres de l'UMP, qui n'y voient qu'un risque d'invasion... Les petites phrases se sont succédées : Mme Brunel, qui voulait remettre les immigrés dans les bateaux ; le Président de la République, qui évoque « des flux migratoires incontrôlables » ; vous-même, monsieur le ministre, qui soulignez que « les Français ne se sentent plus chez eux ». On chasse sur les terres du Front national, mais les électeurs préfèrent l'original à la copie : Mme Le Pen ramasse la mise...

M. François Trucy.  - Ce n'est pas « l'original ! ».

Mme Éliane Assassi.  - Le débat sur l'islam -enfin, sur la laïcité- a été décrié par les six principaux cultes et critiqué jusque dans les rangs de l'UMP. On comprend mieux, à cette lumière, les propos de Nicolas Sarkozy sur le rôle du curé, les racines chrétiennes de la France, ou les vôtres sur la « croisade » française en Lybie. Vos propos récents ne sont pas sans rappeler ceux de M. Hortefeux, qui a été condamné pour injures raciales... (Exclamations à droite) En quelques semaines, vous en aurez dit plus que votre prédécesseur en plusieurs mois...

Le fiasco du débat sur l'identité nationale aurait dû vous servir de leçon... Mais les élections approchent, avec un Président plus impopulaire que jamais qui tente de se refaire une santé en réactivant les thèmes de 2007...

La laïcité serait en danger, et non l'égalité, la fraternité, la liberté, pourtant mises à mal par vos réformes ultralibérales ? Mais là, pas de débat ; rien sur la casse de la protection sociale ou les coupes drastiques dans l'éducation nationale. La question de fond n'est-elle pas celle des inégalités et du vivre ensemble ?

Entre les deux lectures, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions de la Loppsi 2 ; en rappelant quelques principes fondamentaux, il a mis un frein à la volonté de l'UMP d'inscrire dans la loi son idéologie ultra répressive. Mais ce texte n'est qu'affichage, et n'a pas vocation à être appliqué. Comme le note le rapporteur, son efficacité dépendra de son acceptation par les acteurs de la chaîne administrative et judiciaire. En réalité, sa seule efficacité sera de nourrir la xénophobie et l'exclusion. L'UMP entretient l'amalgame entre insécurité, islam, immigration et terrorisme, banalise les idées du Front national en stigmatisant et en criminalisant les étrangers, en créant un climat de peur, en désignant des boucs émissaires -toujours utiles à la droite. Tout cela pour faire oublier les vraies préoccupations des Français, emploi, pouvoir d'achat !

Cette politique a pourtant un coût : visioconférence, gigantesque centre de rétention administrative au Mesnil Amelot, retours forcés ou volontaires, contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne -88 millions pour Frontex... Et pour quel résultat ? On oublie souvent, en revanche, que les étrangers versent pour 60 milliards d'impôts et de charges sociales et reçoivent pour 48 milliards d'allocations : c'est donc un gain net de 12 milliards pour l'État !

M. David Assouline.  - Il faut le dire !

Mme Éliane Assassi.  - Cette politique a aussi un coût humain : migrants disparus en mer, déchirement des familles. Vous tentez de faire croire que vous avez la solution miracle ; mais l'Union européenne a pourtant besoin de main-d'oeuvre dans les secteurs du bâtiment, de l'agriculture et du tertiaire. D'ici 2040, la France elle-même aura besoin de 10 millions d'immigrés pour pallier le vieillissement de sa population. Vous ne dites pas que les migrants préfèrent le Canada ou les États-Unis. Le BIT, dans un rapport de 2007, a dénoncé l'existence de discriminations à l'emploi en France ; la France n'est qu'au sixième rang mondial pour l'accueil des immigrés. Mais tout cela, vous le passez sous silence pour agiter le spectre de l'invasion !

Et vous vous attaquez désormais au regroupement familial et à l'immigration « choisie », professionnelle, pourtant prônée par Nicolas Sarkozy. La France a déjà un des dispositifs le plus restrictif d'Europe. Un pas de plus vers les thèses du Front national...

Je regrette que l'Assemblée nationale ait réintroduit des dispositions scandaleuses, notamment sur l'accueil les étrangers malades. Certes, elle a fait machine arrière sur l'extension de la déchéance de nationalité. Encore heureux ! Mais ce recul ne saurait faire oublier d'autres articles dangereux, notamment celui qui remet en cause le droit du sol au travers de la suppression du caractère automatique de l'acquisition de la nationalité française à 18 ans.

Restons vigilants, quand bien même le rapporteur fait mine d'être moins sévère que l'Assemblée nationale... Nous ne sommes pas dupes, d'autant que le Gouvernement s'acharne. Qui nous dit ce qui sortira de la CMP ? La droite parlementaire est d'accord sur la maîtrise autoritaire de l'immigration et la multiplication des dispositions restrictives envers les étrangers, jusqu'à leur bannissement ! Vous avez une vision étriquée d'une France repliée sur son petit hexagone, vous agitez le chiffon rouge de l'invasion. Nous défendrons une autre vision, et voterons contre ces mesures qui bafouent les droits des étrangers et nos principes constitutionnels. (Applaudissements à gauche)

M. François Zocchetto.  - Ce texte modifie sensiblement notre corpus législatif en matière d'immigration. Si les objectifs font consensus, les moyens font débat. En première lecture, le Sénat a fait un travail de fond, parfois contre l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Le groupe UC a toujours été opposé à l'extension de la déchéance de nationalité. Le vote du Sénat a été clair. Je salue les députés ; ils ont entendu nos arguments. Hélas, ils nous ont surpris en remettant en cause, via un amendement, le droit du sol ; depuis 1889, malgré une brève parenthèse récente, un enfant né en France de parents étrangers qui vit dans notre pays de façon continue, devient automatiquement Français à sa majorité. Je ne veux pas y voir un lien, mais les mêmes parlementaires étaient à l'origine de la proposition sur la déchéance de nationalité...

Sur la forme, cet aménagement ne respecte pas la règle constitutionnelle de l'entonnoir, M. Buffet l'a rappelé en commission. Sur le fond, il est inopportun et injustifié. C'est remettre en cause, sans raison valable, un principe majeur de notre droit. La commission des lois a été bien inspirée de voter contre, à l'unanimité.

Le contentieux de l'éloignement connaît de graves incohérences procédurales ; il était urgent de trouver une solution. M. le ministre a défendu le délai de cinq jours avant l'intervention du juge des libertés et de la détention. Le juge administratif ne peut-il se prononcer en 48 heures ? Nous sommes enclins à suivre le Conseil constitutionnel et la solution du président Hyest -quatre jours- nous paraît satisfaisante.

La question des étrangers malades a fait débat. La jurisprudence du Conseil d'État, du 7 avril 2010, impose de faire évoluer le droit. En première lecture, nous avions décidé de rejeter l'article 17 ter. Aujourd'hui, le rapporteur propose une nouvelle rédaction, plus claire, qui permet de prendre en compte des circonstances particulières tenant à la situation du demandeur. Je salue le travail de M. Buffet, qui a su écouter, faire progresser la rédaction, dans le sens des principes généraux de notre droit ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Richard Yung.  - Comme le sparadrap du capitaine Haddock, ce projet de loi vous colle aux doigts. Monsieur le ministre, dans la nouvelle distribution des rôles au Gouvernement, vous incarnez le méchant, la tendance autoritaire et répressive, l'hostilité à tout ce qui n'est pas, disons, berrichon ; vos récentes déclarations sont sans doute calibrées. Certains disent que vous murmurez à l'oreille du Front national. Je pense, moi, que vous dites tout haut ce que Nicolas Sarkozy pense... Puisque vous avez échoué à limiter l'immigration illégale, vous vous en prenez à l'immigration légale. Mme Lagarde, Mme Parisot ne s'y sont pas trompées ; et le Parti socialiste est sur la même ligne que Mme Parisot ! (Sourires)

Depuis le déclenchement des mouvements populaires au Proche Orient, vous agitez, dans un réflexe pavlovien, le chiffon rouge de l'invasion. Quelque 20 000 personnes ont débarqué en Italie, le chiffre est important, mais de là à parler d'invasion... Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'entre vous et le délicat M. Berlusconi on ne discerne pas de franche coopération... Mais ces gens fuient une situation dangereuse, ils cherchent à se protéger, pas à venir travailler en Europe ! Pour y faire face, il faut activer la protection temporaire, prévue par une directive de 2001, qui organise le partage du fardeau entre États membres. Je l'ai proposé il y a un an, mais on a trouvé l'idée saugrenue...

La vérité, c'est que vous naviguez à vue ; votre échec est patent. L'immigration de travail représente 15 % des admissions sur le territoire -votre objectif est de 50 % ; l'immigration familiale a baissé de 10 %, le nombre de bénéficiaires du droit d'asile de 30 %, celui des sans-papiers reste constant ; la régularisation s'est tarie, tandis que les étrangers sont contrôlés ou soumis à des contraintes inutiles. Aux cantonales les Français vous ont dit qu'ils ne voulaient pas de ces débats bâclés en trois heures sur la laïcité !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Vous avez bien bâclé un projet en une après-midi !

M. Richard Yung.  - Et vous, 140 amendements en 40 minutes ce matin en commission !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Évidemment, vous proposez de supprimer tous les articles !

M. Richard Yung.  - Vous avez une vision négative de la société et des Français, vous n'êtes pas porteurs d'espoir pour la France...

Le Parti socialiste n'aurait pas de politique d'immigration ? Je vous renvoie à un excellent document intitulé « Le changement », paru ce week-end.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est le programme Joxe ? Chevènement ?

M. Richard Yung.  - Loi de programmation, retour à une politique de régularisation au cas par cas sur la base de critères précis, délivrance d'une carte de séjour de trois ans après un an de séjour en France...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Eh bien !

M. Richard Yung.  - ...traitement digne des étrangers par l'administration -la préfecture de police de Paris n'admet que dix personnes par jour ! (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois le conteste) Une nouvelle organisation de la police de l'air et des frontières, sévérité accrue contre les employeurs de sans-papiers...

Revenons à ce projet de loi. Décidément, Nicolas Sarkozy n'aime pas les juges des libertés et de la détention, qui à ses yeux remettent en cause sa politique du chiffre. D'où le report de leur intervention à cinq jours. Ce délai ne résout rien. Seul avantage : on pourra en expulser certains avant qu'ils n'aient vu le juge... À écouter le ministre, il n'est même pas favorable aux quatre jours proposés par M. Hyest...

Durcissement des conditions de délivrance et de renouvellement des titres de séjour, qui en fera basculer beaucoup dans la clandestinité ; cas des étrangers malades ; suppression des dispositions introduites par le Sénat pour simplifier la délivrance des titres ; stigmatisation des couples binationaux, fantasme récurrent ; création des zones d'attente ; bannissement des étrangers par l'interdiction de retour sur le territoire -j'arrête là.

Le débat de seconde lecture à l'Assemblée nationale nous a déçus. Le rapporteur a repris une partie des dispositions votées ici en première lecture, tenté de faire flotter notre drapeau un peu plus haut, mais les compromis consentis ne nous satisfont pas. Nous nous battrons contre. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Troendle.  - Ce texte avait suscité de nombreux débats en première lecture. Au coeur du pacte républicain, la lutte contre l'immigration irrégulière est indispensable pour favoriser l'intégration. Comment ignorer la situation en Méditerranée ? Il faut persévérer dans notre politique d'immigration choisie ; agir, voilà l'ambition d'un texte qui repose sur deux piliers : l'amélioration de l'accueil et de l'intégration et la lutte contre l'immigration illégale et ses filières.

Je salue le travail minutieux et équilibré du rapporteur.

Les flux migratoires ont changé, il faut des réponses législatives adaptées. La France a le droit de choisir qui elle veut et peut accueillir, comme tout autre pays. Un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit, sauf circonstance exceptionnelle. L'accueil, humain et généreux, des étrangers en situation régulière doit s'accompagner de fermeté contre l'immigration illégale.

Ce texte, n'en déplaise à l'opposition, est nécessaire. Il transpose trois textes européens, les directives Sanctions, Carte bleue européenne, et Retour ; la France doit se conformer au droit communautaire, d'autant qu'elle en est largement à l'origine. Le projet de loi transcrit d'ailleurs une partie du pacte européen approuvé par nos partenaires unanimes sous présidence française.

Le Parti socialiste veut accueillir tous ceux qui le souhaitent... (Protestations indignées à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - Nous ne disons pas ça !

M. David Assouline.  - C'est un mensonge !

Mme Catherine Troendle.  - ...et fait ainsi le lit du Front national... Nous voulons, nous, une politique à la fois ferme et généreuse. (Exclamations à gauche)

La commission des lois aligne la sanction des mariages gris sur celle des mariages de complaisance ; c'est raisonnable et cohérent. Quant à la remise en cause du droit du sol, c'est une mesure nouvelle sans lien direct avec le texte ; elle n'a pas sa place ici, nous souhaitons en rester au droit actuel. Concernant l'accueil des étrangers malades, nous ne pouvons laisser perdurer des situations de détresse. Le groupe UMP soutient la position du Gouvernement, qui confirme le droit en vigueur avant la décision excessive du Conseil d'État. Nous avons le devoir d'aider ces étrangers particulièrement fragiles.

L'allongement du délai d'intervention du JLD à cinq jours a pu sembler excessif ; nous soutenons la position de la commission, qui prône un délai de quatre jours.

Nos principes fondamentaux sont respectés. Cessez de faire croire que les mesures proposées sont dénuées d'humanité. Nous ne pouvons laisser faire ceux qui sèment la terreur dans notre pays... (Exclamations indignées à gauche)

M. David Assouline.  - De qui parlez-vous ? (Mouvements divers à droite)

Mme Bariza Khiari.  - Quelle honte !

M. David Assouline.  - Il n'y a plus de différence avec le Front national ! (Protestations à droite)

Mme Catherine Troendle.  - La différence est fondamentale. L'UMP votera ce texte avec conviction. (Applaudissements à droite)

Mme Bariza Khiari.  - Je vois que l'on a libéré la parole raciste...

L'Assemblée nationale est revenue sur l'ensemble des modifications apportées par le Sénat. Tout juste a-t-elle supprimé l'extension de la déchéance de nationalité, mesure qui n'avait pas porté ses fruits électoraux... Mais l'arbre ne peut cacher la forêt. Vous renchérissez encore sur le Front national. Monsieur le ministre, ancien haut fonctionnaire, vous connaissez le poids des mots : vos propos récents ne sont pas anodins ; c'est une mise en bouche pour la campagne électorale à venir. Ministre des cultes, vos interventions glissant de l'immigration irrégulière à la diabolisation de l'islam ne sont pas dignes de notre conception de la laïcité. L'Auvergnat de M. Hortefeux sera bientôt une plaisanterie...

Vous cherchez à diviser les Français ; à force de fabriquer des ennemis intérieurs, vous passez à côté des préoccupations des Français. Vous criminalisez les étrangers et en faites des parias. Exemple parmi d'autres : le mariage gris. La Française serait dupe d'un odieux escroc, qui la trompe pour obtenir un titre de séjour... Si de tels cas peuvent exister, il n'y a pas lieu de faire une loi à partir de quelques faits divers ! C'est violer le caractère sacré de la loi. On ne bâtit pas une politique sur la rubrique des chiens écrasés.

Je dénonce une politique qui stigmatise les étrangers au prétexte de conforter l?intégration. Mme Lagarde a heureusement corrigé vos propos sur l'immigration professionnelle : on sait que celle-ci est indispensable à la croissance ! Certes, votre objectif n'était pas économique, mais politique. « Trois millions d'étrangers, trois millions de chômeurs » ? On sait d'où vient la formule...

Votre idéologie vous aveugle au point que vous proposez des mesures qui brouillent l'image de la France dans les pays du sud de la Méditerranée. Quid de l'Union pour la Méditerranée et du soutien aux mouvements démocratiques dans le monde arabe quand en même temps vous voulez fermer les frontières ? Une véritable schizophrénie ! Quand comprendrez-vous que le véritable ennemi n'est pas le migrant, le musulman, mais le déclassement, voire la misère ? Vous nous objecterez que la France reçoit toujours le plus grand nombre de demandes d'asile : de demandes oui, mais pas de demandeurs !

Nous vous combattrons, de nouveau, dans cet hémicycle parce que par idéologie vous refusez de reconnaître la réalité ! (Applaudissements à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'examen de ce texte en deuxième lecture a lieu dans un contexte particulier. Porté par un ministre dont le portefeuille a disparu -je m'en félicite-, il avait fait l'objet de vifs débats en première lecture. La commission des lois a rétabli la vision plus progressiste du texte sur laquelle l'Assemblée nationale était revenue en seconde lecture. Le contexte est nauséabond : vous dites que les Français ne se sentent plus chez eux. Mme Le Pen a proposé de vous délivrer une carte de membre d'honneur du Front national. Et pour cause ! Vous travaillez pour elle. Vous parlez de « franco-musulmans », une nouvelle catégorie après les Français de souche et les Français de papiers... Comment justifier cette dichotomie entre Français ? Pour vous, l'accroissement du nombre de musulmans depuis 1905 « pose problème ». Pour moi, ce qui pose problème, ce sont vos petites phrases ! D'ailleurs, des membres de votre majorité ont cru bon de vous reprendre.

Le débat sur la laïcité visait l'islam. Beaucoup de bruit pour rien ? Si, pour la stigmatisation ! Vous ne vous êtes pas exprimé mais nous connaissions votre vision : les usagers des services publics ne doivent pas porter de signes religieux... C'est glisser de la laïcité à l'inquisition. Certains s'émeuvent dans vos propres rangs de ces déclarations : de fait, elles relèvent du n'importe quoi !

Après la « croisade » en Lybie, vous déclarez vouloir limiter l'immigration régulière et familiale. Rien de tout cela dans ce texte... Comment seront appliquées ces consignes ? Par voie de circulaires ? L'arbitraire va-t-il encore présider ? Cela annonce-t-il un nouveau projet de loi ? Tout cela est aussi inquiétant que ce projet de loi qui s'en prend à toutes les branches du droit des étrangers, via les zones d'attente, et stigmatise les couples mixtes.

Après le faux étudiant et le faux malade, voici la nouvelle figure du faux marié, le marié « gris ». Enfin, vous créez une mesure de bannissement, impossible à contester. Les sénateurs Verts sont indignés. Nous voterons contre ce texte qui est contraire à notre Constitution, aux conventions internationales et aux droits fondamentaux, à commencer par le droit de libre circulation et le droit de vivre en famille ! (Applaudissements à gauche)

M. Roland Ries.  - En tant que vice-président de la commission des affaires européennes, je mettrai l'accent, dans mon intervention, sur la transposition des directives via ce texte.

Je me félicite de ce regain d'intérêt du Gouvernement pour la transposition du droit communautaire. En revanche, je m'élève contre l'instrumentalisation que vous faites des directives.

Rappelons que les directives fixent des objectifs, non des moyens ; elles prescrivent le droit national pourvu qu'il soit « mieux-disant ». Prenons l'exemple de l'allongement de la durée de la rétention de 32 à 45 jours, ou encore la zone d'attente portative, une exception selon les directives dont vous faites une règle. En outre, vous ajoutez des dispositions nouvelles sur les étrangers malades ou les mariages « gris ». L'Europe a bon dos !

L'allongement de la saisine du JLD de 48 heures à cinq jours ne correspond pas à la lettre de la directive. Vous restreignez le droit de la défense des étrangers sans tenir compte de l'accent mis sur les mineurs par la directive. L'Europe, c'est aussi la CEDH, dois-je le rappeler en tant que maire de Strasbourg. Cette Cour sera le dernier rempart contre ces réformes régressives ! (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 16 h 50.

*

* *

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 17 heures.

Problèmes énergétiques (Questions cribles)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les problèmes énergétiques.

Mme Évelyne Didier.  - Suite à l'accident nucléaire majeur au Japon, le Premier ministre a demandé à l'Autorité de sûreté nucléaire un audit de nos centrales. Nous appuyons l'objectif. Pour autant, toutes les centrales doivent être auditées, y compris les installations militaires. Ensuite, il faut prendre en compte tous les critères techniques -je suis inquiète pour Fessenheim- et l'organisation du travail -je vise le recours à la sous-traitance- dans la plus grande transparence. Êtes-vous prêts à engager une telle démarche ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - Veuillez excuser l'absence de M. Besson (exclamations à gauche) en déplacement aux États-Unis pour préparer le G8 numérique.

Quatre jours après le déclenchement de la crise à Fukushima, le Premier ministre a demandé une révision critique des installations nucléaires, avec priorité aux centrales. La transparence sera assurée. L'ensemble des installations seront auditées. Le ministre de la défense, soucieux de la sécurité de ses sites, veillera à ce que ces installations soient vérifiées.

Mme Évelyne Didier.  - Votre réponse confirme seulement la lettre de mission du Premier ministre. La transparence ? Nous jugerons sur pièces. La question sociale est primordiale pour la sûreté nucléaire ; vous ne m'avez pas répondu sur ce point.

M. Jean Boyer.  - Le Gouvernement a abandonné la filière photovoltaïque, avec une règle de rétroactivité. C'est inacceptable ! Je pense aux petits porteurs de la France rurale qui veulent travailler, produire, avancer. Il fallait réguler, non casser !

M. Roland Courteau.  - Il a raison !

M. Jean Boyer.  - Ces projets permettaient aux agriculteurs de maintenir leur activité. Ils avaient engagé une démarche longue et coûteuse, engageant souvent leurs économies. Depuis le décret du 12 mars 2011, ils ne savent plus sur quoi compter.

M. Charles Gautier.  - On leur a menti !

M. Jean Boyer.  - Comment comptez-vous donner un peu d'espoir à ces victimes innocentes ? (Applaudissements au centre et à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Vous êtes bien embarrassé !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Vous avez parfaitement raison (« Ah ! » à gauche) : le Gouvernement a changé les règles ! Pourquoi ? Parce que les objectifs du Grenelle ont été largement dépassés, au détriment du consommateur.

M. Roland Courteau.  - Ce n'étaient que des projets !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - En mars 2011, nous avons pris pour cible 500 MW par an et, pour les petits projets que vous évoquez, nous ferons un appel d'offres dont les conditions seront négociées avec la filière. Nous en informerons les porteurs de projets.

M. Jean Boyer.  - Lorsque survient un accident, il faut en tirer des enseignements pour l'avenir... Le prix du biogaz doit être relevé ; le Gouvernement doit garantir la pérennité des projets. À l'approche de la parution des décrets, je vous demande, avec respect de tirer les conclusions de la déception du photovoltaïque pour le biogaz, en accordant un prix supérieur au coût de revient, et de le garantir.

M. François Fortassin.  - La catastrophe de Fukushima préoccupe nos concitoyens ; elle a remis sur le devant de la scène le développement des énergies renouvelables. Or celles-ci ne doivent pas empiéter sur la production agricole. (M. René-Pierre Signé approuve) Autre inconvénient, ces énergies ne peuvent pas être stockées. L'éolien est judicieux en bord de mer, mais ailleurs ? Trop ou pas assez de vent ! Même démonstration pour le photovoltaïque : il fonctionne en été, quand nous avons de gros besoins en hiver ! L'hydraulique est intéressant, mais les investissements sont lourds. Ne pensez-vous pas qu'il faut d'abord maitriser la consommation d'énergie en rendant obligatoire l'isolation thermique des logements destinés à la location ? Quelle est la politique énergétique du Gouvernement pour les quinze ans à venir ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Les énergies alternatives doivent être valorisées. Pour autant, notre système doit s'asseoir sur des installations de production de base -le nucléaire-, de semi-base et de pointe -l'hydraulique et le thermique. Les énergies renouvelables ont vocation à décarboner notre énergie. Le président de la République a annoncé un appel d'offres pour 3 000 mégawatts pour l'éolien offshore. Enfin, concernant l'isolation des bâtiments, la réglementation qui s'appliquera en 2012 est très ambitieuse. Sur les biocarburants, nous mettons le cap sur la deuxième génération pour éviter le conflit avec l'alimentation.

M. François Fortassin.  - Belle déclaration incantatoire, mais où sont les lignes directrices ? Je ne suis pas convaincu... Quid du biogaz ? Et l'avantage de l'hydraulique, je connais. J'aurais pu me dispenser de poser une question tant la réponse est floue... (Exclamations amusées à gauche)

M. Alain Fouché.  - Notre situation n'est pas la même que celle du Japon. En 2010, 400 contrôles ont été effectués sur les installations nucléaires françaises. Le Premier ministre a demandé un audit. Ne faut-il pas attendre ses conclusions et le coût de la rénovation du parc nucléaire avant d'appliquer la loi Nome ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - La France a fait le choix du nucléaire il y a un demi-siècle, avec une grande exigence de sûreté. La fixation du prix de l'Arenh, dans la loi Nome, est souple ; il n'y a aucune raison de la suspendre. M. Besson a précisé qu'une réunion aura lieu à ce sujet prochainement.

M. Alain Fouché.  - Vous devez continuer de communiquer sur nos hautes exigences en matière de contrôle. Le contrôle décennal par l'ASN, contrairement aux États-Unis, est une garantie de maintien de la plus haute exigence.

M. Roland Courteau.  - (On l'encourage à gauche) Le prix du gaz s'est envolé dès le lendemain des élections cantonales, tandis que GDF-Suez fait des bénéfices record. Heureux actionnaires, malheureux consommateurs, à commencer par les 300 00 ménages qui n'ont pu se chauffer correctement cet hiver ! (M. Davide Assouline renchérit)

Le prix de l'énergie semble être une variable d'ajustement politique. Le Gouvernement ne manque pas d'air. Quand GDF a amélioré son résultat de 600 millions cette année

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. Roland Courteau.  - Que comptez-vous faire pour lutter contre la précarité énergétique ?

M. David Assouline.  - Ça c'est une question !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement n'est pas resté inactif. C'est cette majorité qui a créé le tarif social du gaz. (Exclamations à gauche) Il y a ceux qui critiquent et ceux qui agissent !

Dois-je vous rappeler que ce n'est pas sur la branche énergie que GDF a fait des résultats. Nous avons suspendu la hausse de 7,5 % du prix du gaz en juillet -soit 80 euros- pour trouver la bonne réponse car l'énergie pèse lourdement dans les budgets des ménages.

M. Roland Courteau.  - Le Gouvernement semble découvrir la formule du calcul du prix du gaz : les hausses doivent être répercutées mais les baisses aussi ! Quant au tarif social du gaz, il faut revoir la formule : elle ne bénéficie pas à ceux qui en ont besoin. Enfin, que dire du gel du prix du gaz ? Il a lieu en plein coeur de l'été, en juillet ! (Rires et applaudissements à gauche)

M. Antoine Lefèvre.  - Une petite commune de mon département de l'Aisne est concernée par l'exploitation du gaz de schiste ; le permis de recherche a été délivré dans la plus grande opacité, sans aucune consultation des communes. La population et la représentation nationale s'inquiètent des risques environnementaux et sanitaires que génère la technique de la fracturation hydraulique. Si ces ressources sont intéressantes, face à l'explosion des prix de l'énergie, je souhaite que vous rassuriez les populations. (Applaudissements à droite)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Les hydrocarbures de gaz et d'huile de schiste sont exploités par fracturation hydraulique. Vous soulignez l'intérêt que peut représenter cette source d'énergie ; il est normal que le Gouvernement explore cette piste. Contrairement aux États-Unis, nous en sommes encore au stade de l'étude ; le Gouvernement a réuni les industriels titulaires de permis d'exploration qui ont accepté pour l'heure de n'effectuer aucun forage avec des techniques non conventionnelles. La proposition de loi de M. Jacob sera discutée le 10 mai à l'Assemblée nationale, et permettra de faire toute la lumière sur cette question.

M. Antoine Lefèvre.  - La transparence est de mise. Les sénateurs avaient également déposé des propositions de loi : nous serons attentifs.

M. Daniel Raoul.  - La catastrophe de Fukushima soulève de nombreuses questions sur notre politique énergétique, qui mériterait mieux que cette courte séance de questions et ces réponses candides. (Sourires) L'État se défait de ses leviers d'action à travers la loi Nome. La privatisation d'EDF, quelle erreur ! Il est ingénu (nouveaux sourires) de croire que l'on peut avoir une politique industrielle sans politique énergétique. La facture énergétique des ménages explose. Les exigences légitimes de sûreté ont un coût ; quelles seront leurs conséquences pour les consommateurs ? Ne faut-il pas surseoir à l'application de la loi Nome ? Peut-on confier la sécurité des centrales nucléaires à des sociétés privées et à des sous-traitants ? Quelle est votre politique énergétique ? (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Sortir du nucléaire, ce serait multiplier par deux le prix de l'électricité pour le consommateur. La France a diversifié son mix énergétique et réduit sa dépendance. Effectivement, l'énergie n'est pas un secteur comme les autres : le Gouvernement a donc mis en place une régulation stricte, avec des obligations européennes, mais aussi avec des tarifs sociaux, grâce à la majorité. (Protestations à gauche)

M. Charles Gautier.  - Répondez à la question !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - J'y réponds !  Vous avez évoqué Voltaire à deux reprises dans votre question. Dois-je vous rappeler que Voltaire, c'est la tolérance incarnée ? (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - C'est surtout la critique de l'intolérance !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - La politique énergétique de ce gouvernement est tournée vers le consommateur. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Voltaire n'aurait pas été à l'UMP !

M. Daniel Raoul.  - Zadig n'est pas l'anagramme d'à gaz...

J'attends toujours vos réponses sur la loi Nome ; ma question portait aussi sur la sûreté nucléaire... Peut-elle être confiée à des sous-traitants ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - L'immense mobilisation de Copenhague a été un succès citoyen mais un fiasco politique.

Les accidents pétroliers et nucléaires soulignent l'exigence de protection. La mobilisation contre le gaz de schiste a aussi été déterminante.

La meilleure énergie est celle qu'on ne consomme pas. Alors que la part des énergies renouvelables doit augmenter, quid du nucléaire ?

Aujourd'hui, les Français sont échaudés : en 1986, on leur avait raconté que le nuage de Tchernobyl avait fait demi-tour à la frontière... Quelles sont les orientations du Gouvernement ? Êtes-vous favorable à un grand débat sur l'énergie, pour que nos concitoyens se saisissent de la question ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Le grand débat sur l'énergie ? Il a lieu chaque jour depuis plusieurs semaines !

Notre mix énergétique est un atout.

Le prix du carburant fait l'objet d'un contrôle par l'Observatoire des prix.

Le Gouvernement veille au sort des Français qui travaillent et qui roulent. La contribution de 115 millions d'euros des professionnels est juste et efficace.

Le programme « Habiter mieux » de l'Anah, dont l'enveloppe totale a été portée à 1,35 milliard, va bénéficier à 300 000 foyers précaires.

La réponse à Fukushima a été immédiate : audit et transparence.

J'espère que vous serez à ce rendez-vous, dans un esprit de tolérance.

M. David Assouline.  - Vous êtes devenu un évêque !

M. Didier Guillaume.  - D'après un récent sondage, six Français sur dix sont mal informés : un grand débat citoyen servirait à crédibiliser la démarche du Gouvernement et des acteurs du secteur. Vous ne m'avez pas répondu sur le bouquet énergétique : faut-il continuer dans le tout nucléaire, ou diversifier notre alimentation énergétique ? (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 17 h 50.

*

* *

La séance reprend à 18 heures.

Décisions du Conseil constitutionnel

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettres en date du 12 avril 2011, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution d'une part de la loi organique tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de la Polynésie française et, d'autre part, la loi organique relative à l'élection des députés et des sénateurs.

Immigration (Deuxième lecture - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

M. Claude Guéant, ministre.  - Je remercie les orateurs, qui se sont exprimés avec conviction, ainsi que le rapporteur, qui a souligné nos points d'accord. Comme l'a rappelé lucidement et courageusement Mme Troendle, (exclamations sarcastiques à gauche), le Gouvernement place sa politique d'immigration sous le signe de l'efficacité républicaine et ce depuis 2003. Comme vous l'avez souligné, la situation des pays du sud de la Méditerranée nous oblige à la vigilance. Certains -Mme Assassi ou M. Yung- proposent que la France ouvre sans conditions ses frontières. (M. Richard Yung le nie)

Mme Éliane Assassi.  - Caricature !

M. Dominique Braye.  - Vous qui aimez les référendums, faites-en un ! Vous verrez le résultat !

M. Claude Guéant, ministre.  - Vous dites notamment que « la France doit accueillir 10 millions de migrants supplémentaires pour compenser les effets du vieillissement » ; je vous laisse l'expliquer aux Français ! (Protestations à gauche) Pas question pour le Gouvernement de mettre un terme à l'immigration de travail, mais 24 % des ressortissants extracommunautaires sont demandeurs d'emplois.

Vous dites vouloir réguler l'immigration, mais rejetez toutes les dispositions pour ce faire !

M. Dominique Braye.  - Ils veulent faire gonfler le Front national !

M. René-Pierre Signé.  - L'immigration est nécessaire !

M. Claude Guéant, ministre.  - Je vous remercierai, en outre, de me citer exactement, sans déformer mes propos, voire les inventer de toutes pièces. (Exclamations à gauche)

M. Dominique Braye.  - C'est leur tactique habituelle !

Mme Éliane Assassi.  - Assumez vos propos !

M. Claude Guéant, ministre.  - La politique du Gouvernement est tout sauf une politique de stigmatisation. (Protestations à gauche) Quand la majorité organise un débat sur la laïcité -après le parti socialiste et le parti communiste- c'est pour que la France n'oublie pas ce principe fondamental.

Mme Éliane Assassi.  - Nous, nous débattons de la laïcité, pas de l'islam !

M. Claude Guéant, ministre.  - Les Français attendent plus d'efficacité dans les procédures d'éloignement. Transposition tardive de la directive Retour, oui, mais c'est le temps de la discussion parlementaire et plusieurs de nos voisins sont encore plus en retard...

Monsieur Ries, la personne placée en rétention peut contester ce placement pendant 48 heures, ce recours étant suspensif.

La réforme du contentieux de l'éloignement n'est pas contestable juridiquement : elle rétablit l'ordre logique de l'intervention du juge. Il fallait clarifier une procédure aujourd'hui illisible. Votre commission propose un délai de quatre jours ; monsieur Zocchetto, le Conseil constitutionnel n'a pas indiqué de délai ferme. Il n'a pas censuré le délai de quatre jours, mais avait censuré en 1980 un délai de sept jours. Le Conseil d'État a validé le délai de cinq jours. Cette réforme ne remet aucunement en cause le rôle du juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel, j'en suis certain, confirmera notre analyse.

Nous sommes parvenus à un juste consensus sur le séjour des étrangers malades. La rédaction de votre commission est plus claire, et permet de pendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles pour l'attribution du titre de séjour. (Applaudissements à droite)

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.  - Motion n°3, présentée par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 393, 2010-2011).

M. David Assouline.  - Monsieur le ministre, vos propos récents sur l'immigration légale éclairent différemment ce texte. M. Hortefeux, lui, disait : nous sommes fermes contre l'immigration illégale pour mieux favoriser l'intégration des immigrés légaux...

Si vous continuez sur cette pente, demain, vous direz qu'il faut diminuer les naturalisations, pour, peut-être, mieux préserver la pureté de l'identité nationale !

M. Dominique Braye.  - Vous êtes le roi de l'amalgame !

M. René-Pierre Signé.  - La réalité vous gêne !

M. David Assouline.  - Vous obtempérez aux injonctions du Front national, cassant toutes les digues, gommant les différences avec ce parti qui estime qu'il y a trop d'étrangers légaux...

Quelque 20 000 travailleurs étrangers légaux pour 4 millions de chômeurs : vous voyez un lien ?

M. Dominique Braye.  - Allez donc au Canada !

M. David Assouline.  - Cessez d'être l'éternel directeur de campagne de l'éternel candidat Sarkozy, occupez-vous des problèmes des Français ! Et ne venez pas nous donner des leçons sur la laïcité. C'est par l'école que l'on accède à la raison, que l'on apprend à vivre avec la différence.

M. Dominique Braye.  - Qu'en avez-vous fait !

M. David Assouline.  - Or vous l'affaiblissez, vous qui avez toujours défendu l'école privée ! Nous, nous défendrons toujours nos valeurs.

M. Dominique Braye.  - La faute à la réforme Jospin !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Monsieur Braye, calmez-vous !

M. David Assouline.  - Le Premier ministre aurait déclaré il y a quelques jours devant des parlementaires de la majorité, et sans que ses propos soient démentis, (exclamations à droite) que quelles que soient les modifications du Sénat, le texte de l'Assemblée nationale sera retenu tel quel. Si c'était le cas, ce serait une belle preuve de la considération que ce Gouvernement porte à notre assemblée ! J'espère que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous montrerons que ce texte peut encore bouger.

Par crainte de la censure constitutionnelle, vous avez fait machine arrière sur la déchéance de la nationalité : tant mieux. Sur le reste, les députés de la majorité vous suivent dans votre course démagogique.

La cohésion nationale que vous invoquez serait assurée si tous les partis républicains défendaient les valeurs de notre pays.

M. Dominique Braye.  - Laïcité, intégration !

M. David Assouline.  - C'est ainsi que le Sénat a toujours su se faire entendre, continuons !

Après avoir défendu bec et ongles la déchéance de nationalité, grande mesure annoncée par le président de la République à Grenoble, vous avez reculé. Encore un effort : faites-en autant sur la charte des droits et devoirs. L'adhésion ne se mesure pas dans un contrat ! Le renvoi au décret sur ce point est contraire à l'article 34 de la Constitution. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est pourtant sans appel sur ce point : nous sommes dans le domaine de la loi.

S'agissant des zones d'attente « temporaires », la rédaction de l'Assemblée nationale ouvre la voie à la détention arbitraire, contraire à la Constitution.

Enfin, les articles 30 et 37 sur le délai d'intervention du juge contreviennent à la Constitution. Selon la position constante du Conseil, le juge doit intervenir dans le plus court délai possible. Dans la majorité des cas, la décision préfectorale de placement en rétention intervient après une garde à vue : en réalité, la détention est de cinq à six jours ! Or, le Conseil a censuré une durée de sept jours... Vous allongez de même la durée maximale de rétention. Autre recul des droits des personnes. Pensez-vous que le Conseil constitutionnel validera ces deux atteintes à la liberté ?

M. Dominique Braye.  - On en a assez !

M. David Assouline.  - Nous vous demandons de voter cette motion. Ce projet de loi marque un recul par rapport à notre conception de l'accueil et pour tout dire de la République. (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'avis est défavorable. Le texte n'est pas contraire à l'article 66 de la Constitution puisque le juge judiciaire intervient. L'article 10 ne remet pas en cause le droit à un recours suspensif ; nous y avons veillé en reprenant la disposition de l'article 802 du code de procédure pénale. Enfin, la charte est une déclaration d'intention, une manifestation d'adhésion par écrit aux valeurs essentielles de notre société ; c'est une formalité légère, mais à forte portée symbolique.

M. Claude Guéant, ministre.  - « Le Front national est une chance historique pour le parti socialiste » : ce propos, me semble-t-il, n'émane pas d'un membre de la majorité présidentielle ! (Applaudissements à droite ; protestations indignées sur les bancs socialistes, où l'on interroge le ministre sur l'auteur du propos)

M. Dominique Braye.  - Ce sont des faux-culs !

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Conseil d'État n'a pas formulé d'observations sur ce texte. Et il n'y a pas de régime juridique nouveau en matière de zones d'attente. Le Gouvernement invite le Sénat à rejeter cette motion.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je veux soutenir l'argumentation de M. Assouline. Ce texte instaure une conception ad hoc de la procédure judiciaire : après les tribunaux improvisés dans les couloirs et les soupentes, voici les zones d'attente flottantes... (M. Jean-Noël Buffet, rapporteur, soupire) Quoi qu'il en soit, je ne serais pas intervenu si, monsieur le ministre, vous n'aviez pas prononcé certains propos, sans les attribuer...

M. Dominique Braye.  - La vérité fait mal !

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Quelle vérité ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. Braye est le champion de l'interruption !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - M. Sueur peut parler ; il est également doué...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, je ne comprends pas comment, vous, un ancien préfet si expérimenté, pouvez tenir de telles argumentations. Pourquoi ne pas dénoncer avec clarté le Front national, qui est une menace pour la République, plutôt que de tenir des propos ambigus sur le Parti socialiste ? On a vu les résultats de cette stratégie aux dernières élections, une stratégie qui ne profite qu'au Front national et certainement pas aux démocrates !

M. Dominique Braye.  - Qui a propulsé le Front national à l'Assemblée nationale ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Personne au Parti socialiste !

M. Dominique Braye.  - Et en 1986 ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'étais député en 1986...

M. Dominique Braye.  - Vous auriez dû le rester !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...et j'ai défendu la proportionnelle car c'est la marque de la démocratie...

M. Dominique Braye.  - Qui a dit que le Front national était une chance pour le Parti socialiste ?

M. David Assouline.  - Cela frise la diffamation !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est grotesque de prétendre que soutenir la proportionnelle, c'est soutenir le Front national. La proportionnelle existe dans la plupart des démocraties européennes. Dois-je rappeler que beaucoup de nos collègues sont élus avec ce mode de scrutin ? Que le RPR s'est allié avec le Front national dans quatre régions, dont la mienne ? Il ne faut pas insulter l'histoire ! (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye.  - Vous avez largement dépassé votre temps de parole !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Monsieur le ministre, ne nous reprochez pas de tenir des propos politiques : cette loi est de pur affichage politique, elle a été portée par un ministre qu'on appelait de l'identité nationale pour mieux opposer les Français. Vous agitez les peurs. Vous avez même inventé le concept de « Français d'origine étrangère ». Nous savons les effets dévastateurs de ce discours, on l'a vu aux dernières élections. Pourtant, vous avez persévéré ; vous continuez à distiller le poison de la division pour masquer l'échec de votre politique antisociale. La Constitution garantit, pourtant, les mêmes droits à tous les citoyens, sans distinction d'origine ! (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Mme Colette Giudicelli.  - On peut toujours faire de beaux discours... Une de vos coreligionnaires, monsieur Sueur... (Exclamations sur les bancs socialistes) s'est récemment associée dans ma région au candidat du Front national au profit d'un candidat UMP dissident... Préférant les actes aux discours, nous voterons contre cette motion.

À la demande du groupe UMP, la motion n°3 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 150
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à droite)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 393, 2010-2011).

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Faut-il rappeler le bloc constitutionnel et tous les textes internationaux qui en font partie, de la Déclaration universelle des droits de l'homme à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ? Il garantit des droits minimaux aux étrangers, qui, pour être étrangers, n'en sont pas moins hommes. Il y va du respect de la dignité humaine. Des mesures spécifiques sont possibles mais, selon le droit communautaire que vous invoquez à l'envi, elles doivent être nécessaires, proportionnées et compatibles avec le respect des droits fondamentaux de la personne humaine.

Nécessaires, celles du projet de loi ne le sont pas. Le Gouvernement va au-delà de ce que commandent les trois directives dont il propose la transposition, en évitant d'en reprendre les dispositions plus favorables aux étrangers et en y ajoutant d'autres sur le contentieux de l'éloignement ou les zones d'attente.

Pour justifier votre politique d'immigration choisie, vous avancez des chiffres. Mais selon Pôle Emploi et le Credoc, 1,5 million de postes peu qualifiés manquent de candidats -ce qui contredit votre politique d'immigration choisie. En matière d'asile, la France n'est pas plus généreuse que ses voisins. Et le solde financier de l'immigration est positif de 12 milliards pour les caisses de l'État.

Des mesures proportionnées et compatibles avec le respect des droits fondamentaux de la personne humaine ? Non plus. La France a été condamnée par les plus hautes instances internationales en raison de votre politique honteuse de traque aux Roms. La directive de 2004 leur garantit la libre circulation ; des raisons économiques -la charge pour le système de protection sociale- ne peuvent être invoquées pour la restreindre.

Ensuite, porter à cinq jours le délai d'intervention du JLD est contraire à l'article 66 de la Constitution ; on pourra expulser sans contrôle des pratiques administratives. Décidément, le juge judiciaire dérange... Heureusement, la séparation des pouvoir existe encore, le Parlement ne peut pas laisser passer ce déni de justice !

Le Conseil constitutionnel s'est récemment prononcé défavorablement -faisant fi des mises en garde européennes- sur une QPC dénonçant l'absence de recours suspensif dans la procédure d'asile prioritaire. La CEDH doit trancher le 17 mai. Nous continuerons de nous battre avec des organisations comme Amnesty international pour que notre législation évolue.

Que dire aussi de la suspicion à l'égard des étrangers et des mariages « gris » ? Voilà que la loi encadre les sentiments et l'intimité, ce qui relève du grotesque ! Comment juger l'impalpable ? S'il s'agit de dol, pourquoi une application limitée aux seuls étrangers ?

Je passe sur bien d'autres dispositions inutiles. En première lecture, j'avais défendu la question préalable. M. Richert m'avait répondu que c'était de bonne guerre, de la part d'un parlementaire d'opposition... Non, je défends cette motion par conviction, au nom des valeurs humanistes...

M. Dominique Braye.  - Les communistes ont 100 millions de morts sur la conscience ! Et ils donnent des leçons ! (Protestations à gauche)

M. David Assouline.  - Faites-le taire !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Vous avez rivalisé de propos xénophobes, monsieur le ministre, avec le Front national...

M. Dominique Braye.  - Vous déformez ! Maintenant, les communistes défendent les droits de l'homme : on aura tout vu !

Mme Catherine Tasca.  - Cessez de vous en prendre aux communistes !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Vous dites que ce parti ne vous sert pas de boussole, mais vous n'avez cessé de jouer des amalgames entre immigration et délinquance, Roms et fraude, assimilation et intégration. Cette réforme n'est pas anodine. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, nous avons interdit le racisme d'État. Nous n'avons pas besoin de xénophobie, mais d'ouverture sur l'avenir ! (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'avis est défavorable ; le texte renforce la politique d'intégration et transpose trois directives.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je veux aider M. Braye à mettre à jour son dictionnaire des citations. « Plutôt Hitler que le Front populaire », vous vous souvenez ? Ensuite, l'histoire : après 1986, il y eu 1988 et l'élection à Hyères de Mme Piat, député du Front national, après le retrait des candidats du parti de droite, tandis qu'ailleurs, Fréjus excepté, ceux du FN se retiraient. Inutile, donc, de nous jeter des arguments fallacieux à la tête. La situation est politiquement grave, il ne faut pas tenter le diable ! (Applaudissements à gauche)

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°2, présentée par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 393, 2010-2011).

M. Jacques Mézard.  - Merci, monsieur le rapporteur, de vos propos ; je salue votre rigueur vis-à-vis de l'Assemblée nationale.

Suffit-il d'accumuler les lois pour régler les problèmes ? Non, une bonne loi est une loi qui dure, une loi de bon sens, une loi juste, une loi qui rassemble et ne provoque pas de rupture. Monsieur le ministre, vous appartenez à une majorité qui gouverne depuis un bail, dirait-on dans le monde rural. Après des critiques acerbes sur la politique conduite avant 2002, on aurait pu attendre une grande réforme, une loi fondatrice, des solutions permettant de mettre fin aux dérives prétendues. Or, auteur de la trilogie immigration, identité nationale, insécurité, vous avez multiplié les lois, des textes purement médiatiques pour entretenir le feu... Nous ne sommes pas laxistes ; M. Chevènement, l'un des nôtres, l'a montré lorsqu'il occupait votre fonction.

La question de l'immigration restera longtemps prégnante dans la gouvernance des nations du nord. Au regard d'une explosion démographique incontrôlée et de la destruction des ressources énergétiques ou alimentaires, on ne saurait s'en étonner. Pour faire face aux pressions migratoires, nous devons bâtir une politique garantissant le respect absolu des droits de l'homme et l'équilibre sociologique et économique de notre société ; cette politique doit être définie au plan national mais aussi au plan européen -l'exemple des Tunisiens en Italie le montre.

Les immigrés doivent respecter les lois de notre République. Nous ne pouvons pas accueillir tous ceux qui frappent à sa porte dans n'importe quelle condition. Il faut une vision prospective en matière de logement ou d'éducation. Nous en manquons depuis des décennies. Récemment, sur une grande chaîne de télévision, on voyait un immigré en situation irrégulière montrer sa feuille d'imposition... Quelle incohérence ! Nous avons besoin d'un bilan objectif de l'immigration. D'où cette motion tendant au renvoi en commission.

Le septième rapport au Parlement de mars 2011 est éclairant ; dans sa préface, vous notiez que c'est dans l'application rigoureuse des objectifs de lutte contre l'immigration clandestine que vivra la tradition d'accueil et d'intégration de la France. Mais, depuis, vous avez déclaré vouloir limiter l'immigration légale qui est, au reste, peu nombreuse pour une puissance comme la France. Le député Ciotti a affirmé récemment que le regroupement familial progressait... Le rapport dit exactement le contraire ! Tout cela n'est qu'opération de communication.

Enfin, certaines dispositions de ce texte, avons-nous souligné en première lecture, frisent l'inconstitutionnalité. L'exemple de la censure de la Loppsi 2 par le Conseil constitutionnel montre que mieux vaut ne pas trop se hâter -et que nous n'avons pas toujours tort... Quand les divergences sont si profondes entre le Sénat et l'Assemblée nationale, il semble plus raisonnable de reprendre la réflexion.

Sur les mariages « gris », comment apprécier la fraude aux sentiments ? Comment des zones ad hoc peuvent-elles être pérennes ? Est-il conforme à notre droit que le JLD intervienne après le juge administratif, que la purge des nullités soit étendue aux nullités substantielles ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous avons travaillé, en commission, sur tous ces sujets.

M. Jacques Mézard.  - Oui, notre commission a bien travaillé, j'allais y revenir... Elle est revenue sur nombre de points. Hélas, le texte va au-delà de nos obligations communautaires. Je m'en tiendrai à ce seul exemple : dans la directive, le prononcé d'une interdiction de retour est une simple faculté, non une obligation.

Pour conclure, que penser d'une politique migratoire structurée par des discours et des actes contradictoires ? En juillet 2006, le futur président de la République déclarait à Rabat que l'immigration, sous certaines conditions, pouvait être une chance pour l'Europe et l'Afrique. Nous considérons que les flux migratoires doivent être régulés dans l'intérêt, aussi, de ceux que nous accueillons. Il faut une politique de l'immigration menée avec responsabilité et humanisme, respectueuse des droits fondamentaux, en aucun cas instrumentalisée à des fins électoralistes. La Nation n'a pas de problème d'identité avec elle-même, elle a besoin, surtout en période de crise internationale et de doutes internes, d'être rassurée, non de vivre dans le conflit. Je demande au Sénat de voter cette motion. (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'avis est défavorable ; en commission, nous avons progressé de manière juste et équilibrée sur tous les points évoqués.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis.

La motion n°2 n'est pas adoptée.

Avis sur une nomination au titre de l'article 13 de la Constitution

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et des lois organiques du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l'économie a émis un vote favorable (dix-huit voix pour, treize voix contre) pour la reconduction de M. Jean-Paul Bailly à la présidence du conseil d'administration de La Poste.

La séance est suspendue à 19 h 30.

*

* *

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Immigration (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles

M. le président.  - Je vous rappelle qu'en deuxième lecture, ne sont recevables que les amendements portant sur les articles qui n'ont pas été adoptés conformes.

Article 2

Mme Catherine Tasca.  - Cet article prévoit « l'assimilation » de ceux qui demandent la nationalité française, terme introduit dans la loi en 2003, contrairement à l'intitulé du projet de loi qui parle bien d'« intégration ». Assimiler, c'est obliger ces nouveaux Français à rompre avec tout ce qui fait leur histoire. En première lecture, M. Mermaz avait relevé à juste titre la connotation carnassière du mot « assimilation ».

Contrôler la maîtrise de la langue n'a guère de sens aussi longtemps que l'on ne facilite pas son apprentissage par les immigrés.

Jusqu'où, d'ailleurs, est censé aller le contrôle de cette assimilation ? Combien de Français connaissent aussi bien notre histoire que ce que l'on demanderait à cet étranger qui souhaite devenir français ?

Le Parlement aurait dû, pour le moins, être saisi du contenu de ces contrôles et de la charte. Vous l'avez refusé, renvoyant cette charge au règlement, vous contentant d'indiquer qu'elle serait conforme à notre Constitution.

Il est d'ailleurs bon que notre commission des lois ait allégé cet article d'un alinéa extrémiste voté par les plus droitiers des députés UMP.

Ce dispositif bureaucratique ne vise en fait qu'à restreindre l'accès à la nationalité française.

M. le président.  - Amendement n°146, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La naturalisation est d'ores et déjà soumise à des conditions d'intégration qui s'apprécient au regard de la maîtrise de la langue. On veut aller plus loin et imposer une sorte d'examen, avec sans doute révisions et bachotage !

On dénie à une personne la possibilité de choisir ; il est pourtant clair que l'on ne demande pas la naturalisation par hasard ou par commodité conjoncturelle ; on manifeste là une volonté.

Les valeurs sont loin d'être les mêmes pour tous les Français ; nous le constatons tous les jours dans cet hémicycle !

M. le président.  - Amendement identique n°179, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le Parlement est dessaisi de tout droit de regard sur le contenu de la charte. Le mot « assimilation » me rappelle l'époque coloniale... Pourquoi n'avoir pas retenu les notions d'intégration ou d'insertion ?

C'est la subjectivité de l'agent contrôleur qui décidera de l'acceptation ou du rejet de l'étranger dont on contrôlera l'assimilation.

M. le président.  - Amendement identique n°181 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Nous aussi nous sommes interrogés sur le glissement sémantique, d'« intégration » à « assimilation », et nous constatons le recours à la voie réglementaire pour la rédaction de cette charte.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. « Assimilation » ne signifie nullement arasement des spécificités culturelles et des origines.

M. Claude Guéant, ministre.  - Défavorable. La notion d'assimilation ainsi que la notion de contrôle figurent déjà dans le code civil, sans que cela empêche la naturalisation de 100 000 personnes chaque année.

J'ajoute que ce contrôle donnera l'occasion de marquer son attachement à la France et sa fierté de devenir français.

À la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos146, 179 et 181 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 150
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

M. Richard Yung.  - Amendement de repli. Cet article est contraire à notre vision des choses : vous voulez rendre toujours plus difficile la naturalisation.

Il faut connaître le français, la littérature, la philosophie, avoir lu Zadig ? (Rires à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°206 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. - L'article 21-7 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « acquiert », sont insérés les mots : « à sa demande » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette demande, qui prend la forme d'une lettre manuscrite à l'appui de la demande de certificat de nationalité, est faite selon des modalités précisées par décret en Conseil d'État. »

M. Claude Guéant, ministre.  - Environ 300 000 jeunes étrangers acquièrent la nationalité française chaque année au titre de la naissance et de la résidence, ce que l'on appelle communément le droit au sol. 27 000 d'entre eux demandent à bénéficier de la nationalité par anticipation, à 13 ou 16 ans. De fait, leur démarche peut être assimilée à une manifestation de volonté explicite. La question se pose donc pour les 3 000 jeunes majeurs qui découvrent leur nationalité à travers une démarche visant à obtenir des documents d'identité. C'est sur eux que se porte notre amendement : il serait équitable que ces personnes, devenues française à 18 ans, ne puissent obtenir un certificat de nationalité que dès lors qu'elles en auraient manifesté l'intention à travers un courrier.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement tend à rétablir une disposition que notre commission a supprimée, considérant que cette mesure nouvelle ne satisfaisait pas la règle de l'entonnoir. Défavorable.

Mme Éliane Assassi.  - Nous suivrons l'avis du rapporteur, contre cet amendement qui tend à remettre en cause le droit du sol.

L'amendement n°206 rectifié n'est pas adopté.

Mme Éliane Assassi.  - Plutôt que de faire signer une charte des droits et des devoirs, il serait opportun de donner droit de vote aux élections locales à tous ceux qui vivent sur notre sol depuis cinq ans.

Le Parlement européen s'est prononcé en ce sens. La France est l'un des derniers pays européens à ne pas mettre en oeuvre ce droit.

L'article 2 est adopté.

Article 2 bis

M. le président.  - Amendement n°147, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet article durcit encore les conditions d'acquisition de la nationalité par le mariage, en imposant des exigences... renvoyées au décret.

M. le président.  - Amendement identique n°182 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Nous nous opposons au fait de laisser au seul pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités d'évaluation et les critères d'appréciation de la maîtrise de la langue française.

Encore heureux que notre commission ait introduit la notion de « situation particulière ». Le durcissement proposé n'en reste pas moins excessif.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Les conditions d'acquisition de la nationalité ne relèvent pas de la loi, mais du décret. Avec la rédaction de la commission, on ira vers plus d'objectivité.

Défavorable à l'amendement.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis. Nous voyons plutôt dans cet article une optimisation des chances d'intégration.

Les amendements identiques nos147 et 182 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Au début de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

Au premier alinéa de l'article 21-2 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « un ».

Le deuxième alinéa de l'article 21-2 du même code est ainsi rédigé :

« Le délai d'un an est supprimé lorsque naît, avant ou après le mariage, un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints. »

M. Alain Anziani.  - Nous proposons de réduire le délai de vie commune exigé pour l'acquisition de la nationalité française pour les conjoints de Français. Ce délai double à chacune de nos lois, sans, bien sûr, la moindre évaluation. Autrement dit, il est clair qu'on est dans l'idéologie pure.

L'existence d'un enfant du couple suffit à prouver l'existence d'un lien réel !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable.

L'allongement avait été motivé par la volonté de contrer les détournements de procédure.

Le séjour des conjoints de Français est aujourd'hui assuré.

La filiation n'est pas une preuve absolue de la volonté matrimoniale. Elle peut être simulée puis désavouée. En outre, cette disposition écrase le reste de l'article.

M. Claude Guéant, ministre.  - Défavorable.

M. Alain Anziani.  - Quatre ans, cinq ans ! Pour annuler un mariage blanc, il ne faut pas autant de temps ! Votre argumentation n'est pas sérieuse !

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté.

L'article 3 bis demeure supprimé.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Catherine Tasca.  - Les critères de « sérieux » et « d'assiduité » à la formation linguistique peuvent être inadéquats. Le souci d'intégration est partagé par tous mais comment évaluer objectivement la participation aux sessions de formation ? L'arbitraire menace.

M. le président.  - Amendement identique n°148, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Mêmes arguments.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. L'article 5 ne crée pas une règle nouvelle mais précise celles qui pourront être utilisées. L'autorité administrative reste, en la matière, sous le contrôle du juge.

M. Claude Guéant, ministre.  - Les formations peuvent se dérouler sur plus d'un an. Le préfet prend sa décision sur avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'Ofii. Défavorable.

Les amendements identiques nos6 et 148 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Avant le II

Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :

bis. - Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'Office français de l'immigration et de l'intégration a une obligation de moyen relative aux formations et aux prestations dispensées dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration. Les formations se déclinent sur tout le territoire. Les modalités de leur organisation tiennent compte des obligations auxquelles sont astreints les signataires du contrat, notamment l'exercice d'un travail, les temps de déplacement ou l'entretien d'enfants à charge. »

ter. - Après le 13° de l'article L. 6313-1 du code du travail, il est inséré un 14° ainsi rédigé :

« 14° Les actions de formations linguistiques prévues par le contrat d'accueil et d'intégration tel que défini aux articles L. 311-9 à L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

quater. - Au second alinéa de l'article L. 6111-2 du même code, après le mot : « française », sont insérés les mots : « et les formations linguistiques prévues dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration tel que défini aux articles L. 311-9 à L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ».

Mme Bariza Khiari.  - Nous définissons les obligations de l'État dans le contrat d'accueil et d'intégration et proposons une formation linguistique dans le code du travail.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement inutile qui ne ferait que compliquer les choses.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis. Le code du travail prévoit déjà que des formations linguistiques peuvent être organisées dans le cadre de la formation continue.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 5 ter (Suppression maintenue)

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 30 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La première délivrance d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport certifie l'identité et la nationalité de son titulaire. Les mentions relatives à l'identité et à la nationalité inscrites sur ces derniers font foi jusqu'à preuve du contraire par l'administration.

« L'alinéa précédent est applicable aux demandes de renouvellement de carté d'identité et de passeport en cours d'instruction, ainsi qu'aux recours administratifs et contentieux pour lesquels une décision définitive n'est pas encore intervenue. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Chacun connaît cet amendement et beaucoup l'apprécient : il a pour objet de mettre fin aux problèmes inextricables rencontrés par certains Français nés à l'étranger dans leurs démarches de renouvellement de leurs papiers d'identité en établissant une présomption de nationalité pour les Français détenant une carte nationale d'identité ou un passeport. Cette disposition a été adoptée par le Sénat en première lecture ; je pense donc qu'il acceptera de revenir sur la suppression décidée par l'Assemblée nationale.

Mme Alliot-Marie avait rédigé une circulaire ; Mme Dati a fait de même ; M. Hortefeux aussi, ajoutant qu'il fallait éviter de faire peser de trop lourdes contraintes sur les Français nés à l'étranger. Malgré tout, le problème n'est toujours pas réglé.

Il convient d'inverser la charge de la preuve et de demander à l'administration de prouver que ses doutes sont fondés.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement avait été adopté par le Sénat, mais contre l'avis de la commission, qui reste donc défavorable.

Le décret du 18 mai 2010 vous donne satisfaction ; il a été suivi d'une circulaire.

M. Claude Guéant, ministre.  - Ce décret et cette circulaire ont eu des effets : le nombre de demandes de certificats de nationalité a diminué de 60 %. Le ministère de l'intérieur ne reçoit plus de réclamations. Ni la carte d'identité ni le passeport ne sont des preuves de nationalité. Si cette carte est périmée depuis plus de deux ans, l'administration n'a plus les moyens d'en contrôler la validité. Défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le décret et la circulaire ne suffisent pas : les demandes de certificats de nationalité ont peut-être diminué, mais certains de nos concitoyens n'arrivent toujours pas à faire reconnaitre leurs droits !

On ne cesse de soupçonner les gens d'être des délinquants. Une pièce d'identité est falsifiable ? Ce n'est pas une raison pour suspecter toute personne qui présente une pièce d'identité ! Pareil pour les mariages. Pourtant, le code pénal comprend des mesures pour punir la falsification des papiers d'identité et les mariages blancs.

Nous refusons d'entrer dans une société de la suspicion. Ce n'est pas être laxiste : si tricherie il y a, les tribunaux jugeront. J'espère donc vivement que le Sénat adopte la même position qu'en première lecture.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le rapporteur dit que le problème est réglé ; le ministre évoque la falsification qu'il faudrait combattre. Accordez-vous ! Si tout le monde est susceptible d'avoir des papiers falsifiés, qu'on demande à tout le monde de faire ses preuves.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'accepte le vote, mais je ne comprends pas !

L'article 5 ter demeure supprimé.

Chapitre Premier

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cette division et son intitulé.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les dispositions de ce chapitre ne sont prescrites par aucune des trois directives à transposer ; elles se justifient par un fait divers vieux d'un an qui ne s'est pas reproduit depuis : l'arrivée de migrants kurdes sur une plage corse. La création des zones ad hoc contrevient au droit d'asile effectif, a noté la commission consultative des droits de l'homme, sans parler de la situation des mineurs isolés. D'où cet amendement de suppression.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable : on ne peut pas supprimer l'ensemble du chapitre.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

Article 6

Mme Catherine Tasca.  - De projet de loi en projet de loi, le Gouvernement s'éloigne du droit commun pour multiplier les exceptions. Cet article ne contrevient pas à la règle : alors que la directive Retour subordonne la création des zones d'attente à un nombre « exceptionnellement élevé » de migrants, le Gouvernement a retenu le nombre de dix.

Ceux qui comme moi ont défendu le mécanisme de protection temporaire pour les Afghans en 2010 s'étonnent : 9 000 Afghans, disait le Gouvernement, ce n'était pas assez pour justifier le déclenchement de cette procédure mais dix vous semble suffisant pour créer une zone ad hoc.

La volonté manifeste de multiplier ces zones, avec des critères larges, contrevient à nos principes républicains que vous prétendez mettre au coeur de la charte des droits et des devoirs.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Bariza Khiari.  - Mme Tasca vient de le défendre.

M. le président.  - Amendement identique n°149, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Les zones ad hoc ont pour intérêt principal d'être privatives de liberté. Autrefois localisées dans les ports et les aéroports, vous les dispersez. Le régime du séjour étant plus favorable que celui de l'entrée sur le territoire, cet article aboutira à réduire les droits des primo-arrivants.

M. le président.  - Amendement identique n°183 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La libre circulation est une valeur cardinale de Schengen. Les conditions posées par la directive Retour ne sont pas reprises, a rappelé justement Mme Tasca. Vous banalisez la privation de liberté comme gestion de l'immigration. Le Conseil constitutionnel avait condamné cette pratique en 1992.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Ce dispositif vise des situations exceptionnelles ; la commission des lois a veillé à le restreindre à une durée de 26 jours ; tous les droits des migrants seront respectés.

M. Claude Guéant, ministre.  - Cette disposition correspond à une nécessité concrète. Pourquoi le Gouvernement créerait-il ces zones quand il n'en a pas besoin ?

Il n'innove pas : il reprend une disposition portée par M. Quilès en 1992. Le dispositif protège des droits des migrants : ceux-ci peuvent demander l'asile, voir un médecin et communiquer avec un avocat. Enfin, la directive Retour ne s'applique pas aux zones d'attente.

Les amendements identiques nos10, 149et 183 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

M. Alain Anziani.  - Cette disposition crée une gigantesque zone d'attente de 1 200 kilomètres de long. Elle a été introduite par M. Estrosi à l'Assemblée nationale sans la moindre concertation. On vise des frontières en pleine jungle, au bord des fleuves Maroni et Oyapock ; concrètement, comment va-t-on s'y prendre pour y édifier des structures d'hébergement ? Cela paraît surréaliste ! On sait que la Guyane et Mayotte sont des départements particulièrement exposés aux pressions migratoires. Le plus simple serait peut-être de lancer des coopérations, avec le Brésil et le Surinam pour la Guyane.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Rejet.

M. Claude Guéant, ministre.  - Également.

M. Éric Doligé.  - Cet amendement est vraiment ridicule.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, les articles L. 811-1 à L. 811-8 s'appliquent. »

M. Richard Yung.  - Il s'agit d'un amendement d'appel : plutôt que de créer des zones d'attente ad hoc, mettons en oeuvre le mécanisme de la protection temporaire, qui apporte davantage de garanties sans préjuger l'obtention ou non du statut de réfugié. Ce cadre juridique européen existe depuis 2001, les Italiens seraient sûrement très preneurs ; curieusement, personne n'en parle.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans une situation exceptionnelle, lorsqu'il est manifeste qu'un nombre exceptionnellement élevé d'étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier en un même lieu situé à proximité d'une frontière maritime ou terrestre, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt six jours, du de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche ».

M. Alain Anziani.  - L'article 18 de la directive Retour évoque un nombre « exceptionnellement élevé » ; la présence d'un groupe de dix étrangers ne saurait justifier de telles mesures dérogatoires. Vous risquez l'inconventionnalité. Notre amendement est plus respectueux des directives.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Au début de cet alinéa, insérer les mots :

Dans une situation exceptionnelle,

Mme Patricia Schillinger.  - Nous revenons au texte de la directive.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

groupe d'au moins dix

par les mots :

nombre exceptionnellement élevé d'

M. Michel Teston.  - Définir un groupe d'au moins dix étrangers comme un nombre « exceptionnellement » élevé est pour le moins curieux, d'autant que le Gouvernement avait considéré en 2009 que l'entrée sur le territoire de plusieurs centaines d'Afghans n'était pas un « afflux massif » et ne nécessitait pas la mise en oeuvre du dispositif de protection temporaire. Mieux vaut reprendre les termes de la directive.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Supprimer les mots :

ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres

Mme Bariza Khiari.  - Il faut limiter la possibilité de créer des zones d'attente ad hoc. Le texte pourrait conduire à transformer en zone d'attente ad hoc tout le Calaisis...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°12 : la protection temporaire et les zones ad hoc ne relèvent pas du même régime juridique ; la première doit être décidée par le Conseil de l'Union européenne.

« Au moins dix » est un critère objectif qui permettra au juge de trancher : défavorable aux amendements nos16, 15 et 14. Même avis à l'amendement n°13, il faut pouvoir lutter contre les stratégies que peuvent mettre en place les passeurs.

M. Claude Guéant, ministre.  - Rejet également. Le régime de protection temporaire concerne des situations très particulières, notamment les déplacements de population dans le cadre de conflits armés ; sa mise en oeuvre relève du Conseil de l'Union. Monsieur Anziani, les zones d'attente ad hoc sont régies par des règles différentes de la rétention et ne relèvent pas de la directive Retour.

L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos16, 15, 14 et 13.

L'article 6 est adopté.

Article 7

Mme Catherine Tasca.  - Cet article vise à encadrer le défaut de notification des droits aux migrants en zone d'attente. En cas de circonstances particulières, il est question de « meilleurs délais » au regard de la disponibilité des agents de l'administration et des interprètes. Peut-on faire plus vague ?

Monsieur le ministre, j'ai entendu votre explication de texte sur la différence entre rétention et zones d'attente. Pourtant, ces personnes sont placées dans la même situation : elles sont privées de liberté et devraient avoir les mêmes droits. La directive Retour suppose une « charge lourde et imprévue » sur la capacité des centres de rétention, critère mis de côté à l'article 6 mais réactivée par un extraordinaire tour de passe-passe à l'article 7 pour justifier le défaut de notification des droits. Vous outrepassez la lettre et l'esprit de la directive Retour, elle-même très restrictive. Et vous ne cessez de répéter que l'administration peut faire face... Cet article, comme le précédent, témoigne de l'obsession malsaine du Gouvernement : restreindre toujours davantage les droits des étrangers.

J'aimerais que vous reveniez sur la distinction formelle que vous faites entre droits en centre de rétention et en zone d'attente ad hoc.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung.  - Certes, il est plus difficile de notifier des droits quand 150 personnes sont présentes. Pour autant, la rédaction est imprécise : le délai n'est pas fixé. En sus, ce qui se cache derrière ce dispositif, c'est la volonté de retirer au juge la possibilité d'annuler des décisions pour défaut de notification dans les délais.

M. le président.  - Amendement identique n°150, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Non contents de multiplier les zones d'attente, vous portez atteinte aux maigres droits des migrants ! Après la loi de 2003 qui avait supprimé l'obligation d'information immédiate, vous franchissez un nouveau pas qui prive le juge judiciaire de son pouvoir de contrôle.

M. le président.  - Amendement identique n°184 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - L'application des principes constitutionnels ne peut être modulée en fonction de considérations pratiques. Le Conseil constitutionnel avait précisé qu'un dispositif comparable ne pouvait être justifié que par des raisons objectives ; ce qui n'est pas le cas. Comme Mme Tasca, je ne comprends pas que la directive Retour ne s'applique pas aux zones ad hoc dont vous dites qu'elles sont créées quand les centres de rétention ne suffisent pas. Cela ne paraît pas très cohérent.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Rejet des trois amendements ; d'autant que la commission des lois a clarifié la rédaction de l'article.

M. Claude Guéant, ministre.  - Mon avis est le même. L'article 18 de la directive s'applique aux seuls centres de rétention : il n'y a aucune équivoque. Les zones d'attente relèvent du régime de l'entrée sur le territoire. Le gouvernement français n'a pas pouvoir de modifier seul la directive...

Les zones ad hoc répondent à un besoin pragmatique ; les migrants y bénéficient des mêmes droits que dans les zones d'attente permanentes. Et le JLD s'assurera, pour chacune des situations individuelles, que tous les moyens ont été mis en oeuvre pour que la notification des droits intervienne dans les meilleurs délais. Le dispositif est conforme à la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Les amendements identiques nos17, 150 et 184 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

important

par les mots :

exceptionnellement élevé

Mme Bariza Khiari.  - La rédaction de l'article est imprécise. Pour éviter des détournements abusifs par l'administration, reprenons les termes de l'article 18 de la directive.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'avis est défavorable pour les raisons déjà indiquées. L'administration devra justifier des circonstances particulières...

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis.

M. Alain Anziani.  - À l'article 6, il fallait préciser le nombre d'arrivants pour donner des repères aux tribunaux ; à l'article 7, on se contente du mot « important ». Un peu de cohérence !

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 221-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Le mineur isolé ne peut être éloigné avant d'avoir rencontré l'administrateur ad hoc qui lui a été désigné. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les mineurs isolés doivent bénéficier d'un administrateur ad hoc depuis la loi de 2002. Hélas, ce mécanisme connaît de nombreux dysfonctionnements et beaucoup de mineurs sont expulsés sans avoir pu contester leur placement en zone d'attente ni leur expulsion. Nous craignons, avec ce texte, une détérioration de la situation de ces mineurs, comme la commission nationale consultative des droits de l'homme. D'où cet amendement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le Ceseda prévoit clairement l'intervention d'un administrateur ad hoc pendant toute la durée du maintien en zone d'attente. S'il y a des dysfonctionnements, cela relève du règlement.

M. Claude Guéant, ministre.  - Avis également défavorable. J'ajoute que l'octroi du jour franc est aujourd'hui automatique, qui permet de laisser le temps d'organiser la rencontre avec l'administrateur ad hoc.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 221-5 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés : 

« L'étranger mineur non accompagné d'un représentant légal ne peut être renvoyé dans un pays par lequel il a transité.

« Avant d'éloigner du territoire un mineur non accompagné d'un représentant légal, des démarches doivent être engagées afin de s'assurer qu'il sera remis à un membre de sa famille, à un tuteur désigné ou à des structures d'accueil adéquates dans l'État de retour. »

M. Michel Teston.  - Le dispositif proposé n'a pas d'équivalent en Europe. Le Royaume-Uni ne place pas les mineurs isolés en zone d'attente, non plus qu'il leur refuse l'entrée sur le territoire ; idem en Allemagne. Sur 1 000 mineurs arrivés en 2008 à Roissy, 341 ont été expulsés ou ont poursuivi leur voyage ; ce n'est pas acceptable. L'intérêt supérieur de l'enfant doit prévaloir, comme l'a relevé le Conseil d'État ; et la CEDH, dans un arrêt de 2006, a jugé que l'extrême vulnérabilité du mineur doit prédominer sur la qualité d'étranger en séjour irrégulier. D'où cet amendement qui interdit le renvoi vers un pays de transit et laisse à l'administration le temps de la réflexion pour examiner le dossier.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'éloignement est interdit pour les mineurs isolés. En outre, un administrateur ad hoc intervient. Nous craignons un effet de filière...

M. Claude Guéant, ministre.  - Rejet.

M. Michel Teston.  - Comment se fait-il que l'on n'applique pas le droit communautaire ? Notre amendement ne fait que reprendre les termes de la directive dans son article 10.

Mme Catherine Tasca.  - Je veux revenir sur la distinction entre le régime de la zone d'attente et celui de la rétention. L'objet de ce texte est pourtant la transposition de la directive Retour ! Et les droits des migrants dans ces zones, avez-vous dit, monsieur le ministre, sont garantis. À défaut de sa lettre, c'est l'esprit de la directive qui me semble malmené.

M. Claude Guéant, ministre.  - La directive Retour ne souffre aucune ambiguïté. M. Teston confond la situation des étrangers en zone d'attente et en rétention administrative. Son amendement sur les mineurs isolés n'est pas utile au regard du droit positif existant : le régime général de protection des mineurs s'applique, conformément à la Convention internationale sur les droits de l'enfant.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Article 10

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung.  - Sur la forme, cet article a quelque peu évolué depuis la première lecture ; le rapporteur en a finalement calqué la rédaction sur celle de l'article 802 du code de procédure pénale -sans que le fond en soit changé. On persiste à limiter le champ de contrôle du juge judiciaire. La commission Mazeaud parlait de « censure juridictionnelle », le mot est fort.

Chaque irrégularité peut porter atteinte aux droits de l'étranger ; le juge doit pouvoir la constater.

M. le président.  - Amendement identique n°151, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - La Cour de cassation estime qu'en matière de mesure privative de liberté la recherche des irrégularités doit être menée avec la plus grande rigueur. Toute irrégularité porte potentiellement atteinte aux droits de l'étranger.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable : nous avons calqué la rédaction de cet article sur l'article 802 du code de procédure pénale, qui apporte toutes garanties.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis défavorable : l'article est conforme à la jurisprudence, très claire, de la Cour de cassation.

Les amendements identiques nos21 et 151 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°216, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

ne peut prononcer la nullité 

par les mots :

ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de maintien en zone d'attente

L'amendement rédactionnel n°216, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

Article 12 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°207, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre II du titre II du livre II du même code est complétée par un article L. 222-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 222-6-1. - À peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel, à moins que celle-ci soit postérieure à la décision du premier juge. »

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Gouvernement souhaite le rétablissement de l'article 12 qui crée, dans le contentieux du maintien en zone d'attente, un principe de « purge des nullités » entre la première instance et l'appel. Son dispositif, dont le champ d'application est limité aux exceptions de procédure, est strictement conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Son utilité est évidente dans un contentieux d'urgence où la loyauté des débats est une exigence, et dans lequel les exceptions de nullité sont invoquées de manière systématique devant le JLD.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission a supprimé cet article et ne souhaite pas son rétablissement.

L'amendement n°207 n'est pas adopté.

L'article 12 demeure supprimé.

Article 13

M. Richard Yung.  - Comme en première lecture, nous essayons d'améliorer le texte plutôt qu'en requérir la suppression. Mais il semble que nous « clamons dans le désert »...

La directive « Carte bleue » est censée rendre l'Union européenne plus attractive pour les travailleurs les plus qualifiés. La carte verte américaine est valable dix ans ; les conditions offertes par l'Allemagne sont également plus favorables que les nôtres. La directive permet une durée de quatre ans. Le territoire national doit être plus attractif.

M. le président.  - Amendement n°152, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il s'agit, avec cette carte bleue européenne, de mettre en place une immigration choisie. C'est une idée dangereuse de distinguer bons et mauvais migrants, immigration qui rapporte et immigration qui coûte... Le coût de 47,9 milliards est à mettre en regard des 61 milliards que les immigrés reversent au budget de l'État.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable, ne serait-ce qu'à cause de l'obligation de transposer la directive...

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°152 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4, première et seconde phrases

Remplacer (deux fois) le mot :

trois

par le mot :

quatre

M. Richard Yung.  - Je l'ai présenté.

L'amendement n°22, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Après le mot :

enfants

insérer les mots :

majeurs à charge ou

M. Roland Courteau.  - L'absence de prise en compte des enfants majeurs à charge parmi les bénéficiaires de la carte bleue européenne va à l'encontre de l'objet de la directive du 25 mai 2009, qui est « de faciliter l'admission des travailleurs hautement qualifiés et de leur famille ».

Puisque ce dispositif concerne un très petit nombre de personnes, il n'y a aucun risque à l'élargir aux enfants majeurs à charge. Refuser cette possibilité risquerait fort d'être dissuasif pour certains de ceux que l'on voudrait attirer en France parce que leur travail serait bénéfique pour notre économie.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable, comme en première lecture.

M. Claude Guéant, ministre.  - Défavorable. Ces enfants majeurs pourront recevoir une autre carte, avec la mention « étudiant », « stagiaire », « visiteur »...

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Celle-ci est délivrée au plus tard dans les six mois suivant la date de dépôt de la demande. À défaut, un récépissé de demande de titre de séjour est délivré aux membres de la famille.

M. Roland Courteau.  - Nous craignons la mise en place d'un dispositif à deux vitesses, distinguant « l'élite » migratoire de ceux qui devront attendre des années avant d'être rejoints par leur famille. Et vous mettez les couples mixtes dans une situation difficile, qui ont bien le droit eux aussi de vivre en famille.

Le Règlement ne suffit pas en la matière, il faut une inscription dans la loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cela relève du Règlement. Défavorable.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis, d'autant que la délivrance d'un récépissé est d'ordre général et déjà prévue par le code.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

M. Alain Anziani.  - Concrètement, peu de conjoints pourront voir leur titre renouvelé... Il faut préserver l'équilibre des migrants qui repose sur la structure familiale, ainsi que leur intégration, qui suppose la même chose.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis. Ce titre permet d'exercer immédiatement un emploi.

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le conjoint titulaire de la carte de séjour mentionnée au 3° de l'article L. 313-11 bénéficie de plein droit du renouvellement de celle-ci indépendamment de la situation du titulaire de la carte de séjour « carte bleue européenne » au regard du droit de séjour, sans qu'il puisse se voir opposer l'absence de lien matrimonial en cas de rupture de la vie commune consécutive à des violences conjugales.

Mme Catherine Tasca.  - Cet amendement aurait pu être présenté par M. Courteau, dont le travail a fait grandement avancer la réflexion sur les violences faites aux femmes. Presque un jour sur deux, une femme est tuée par son conjoint ou ex-conjoint... Le rapporteur nous a dit en première lecture que le droit existant était très protecteur, mais en se fondant sur des hypothèses particulières. D'où cet amendement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. L'état du droit général vous donne satisfaction.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le calcul de ces cinq années de résidence prend en compte les durées des séjours effectués en France et dans un ou plusieurs autres États membres.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il convient de prendre aussi en compte les durées de séjour dans les autres États membres de l'Union pour le calcul des cinq années de résidence. Le Sénat en était convenu en première lecture mais la chambre basse a fait valoir une fois de plus sa vision étriquée. Je rappelle que la carte bleue est... européenne et que la directive entend faciliter la mobilité des travailleurs qualifiés au sein de l'Union.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'Assemblée nationale a justifié sa suppression et la commission a modifié sa position.

M. Claude Guéant, ministre. - Même avis défavorable.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°28, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... L'article L. 313-10 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les perspectives de signature et de ratification de la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille avant le 31 décembre 2011. »

M. Richard Yung.  - La convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille a été adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1990 et est entrée en vigueur le 1er juillet 2003. Elle a été ratifiée par 42 pays, pas par la France, malgré la vocation universaliste de notre pays. Cet appel au Gouvernement étant lancé, je retire mon amendement.

L'amendement n°28 est retiré.

L'article 13 est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 13 avril 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 13 avril 2011

Séance publique

À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 357, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 392, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 393, 2010-2011).