Bioéthique (Suite)

Discussion des articles

Article premier A

M. Guy Fischer.  - La convention d'Oviedo énonce les principes fondamentaux applicables à la médecine quotidienne et aux biotechnologies. Signée par de nombreux pays et la France en 1997, elle vise à préserver le respect de la dignité de la personne humaine. Très proche de notre législation, elle sert de repère à bien des pays, notamment ceux d'Europe de l'Est, qui ne disposent pas de texte spécifique dans leur droit interne. Il est paradoxal que la France, qui a grandement participé à son élaboration, ne l'ait toujours pas ratifiée. M. Jospin, interrogé en 2000 par M. Huriet, disait que cette ratification ne pouvait avoir lieu avant l'adoption de la loi de 2004. Elle ne l'a pourtant pas été depuis. Cette ratification de la convention d'Oviedo est d'autant plus attendue que d'autres textes européens sont moins protecteurs. Le groupe CRC-SPG votera en faveur de cet article premier A.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Notre pays a largement contribué à écrire cette convention qui s'inscrit dans la lignée de notre législation. Sa non-ratification me paraissait incongrue : d'où ma proposition qui a donné lieu à cet article. J'espère que le vote émis en commission sera ce soir confirmé. Notre pays, sur ce sujet, est attendu.

M. le président.  - Amendement n°170, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Cette convention est pour nous un texte de référence, à la ratification duquel nous sommes favorables. Cependant, les clauses de révision périodiques souhaitées par le législateur ont jusqu'à présent empêché celle-ci ; l'adoption du présent texte lèvera l'obstacle.

L'initiative de la ratification appartient cependant à l'exécutif : évitons de susciter un nouvel obstacle, constitutionnel cette fois. Comme je l'ai dit en commission, le Gouvernement élaborera un projet de ratification dès cette loi adoptée.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Ayant entendu le risque constitutionnel, la commission a proposé, à 19 h 30, de remplacer la ratification par un simple rapport. Cependant, pendant le dîner, nous avons effectué une petite recherche sur ce risque constitutionnel. Il n'apparaît pas constitué, puisque le Parlement a déjà adopté un amendement conduisant à la ratification de la convention-cadre de l'OMS sur la lutte contre le tabagisme -avec l'avis favorable du Gouvernement. Le Conseil constitutionnel, le 9 avril 2003, se prononçant sur une modification du règlement de l'Assemblée nationale, a admis qu'un amendement parlementaire puisse être déposé sur un projet de ratification.

En conséquence, avis défavorable à l'amendement n°170.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Il eût été plus judicieux d'adopter, en commission, l'amendement socialiste qui demandait un rapport en l'absence de ratification : il aurait permis d'acter la volonté du Gouvernement. Non que nous ne fassions pas confiance à ce dernier, mais les paroles s'envolent et les écrits restent.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Je remercie le rapporteur pour son travail de recherche. Nous travaillons dans des conditions bien complexes, sur des amendements de dernière heure... Je serai conséquente et le suivrai.

M. Guy Fischer.  - Nous apprécions le travail rapide du rapporteur et le suivons également.

M. Bernard Cazeau.  - En 2004 déjà on nous avait promis la ratification. Espérons que notre vote accélèrera les choses. Mais manifestement, le Gouvernement ne veut pas ratifier.

L'amendement n°170 n'est pas adopté.

L'article premier A est adopté.

Article premier

M. Bernard Cazeau.  - L'information de la parentèle en cas d'anomalie génétique est une question délicate. La loi de 2004 avait prévu une procédure discutable, une obligation d'information pesant sur la personne malade et, à défaut, sur l'Agence de biomédecine : j'avais alors exprimé mes réserves. De fait, le décret n'a pas vu le jour.

Mais la rédaction ici proposée n'est guère satisfaisante. Que faut-il entendre par « anomalie génétique grave » ? Quelle définition donner de la parentèle ? Quid en cas de rupture familiale ? Prendre contact avec une association de malades pose en outre le problème du secret médical. Nous avons besoin, madame la ministre, de précisions pour nous déterminer. Ou devrons-nous nous en remettre aux tribunaux ?

M. Guy Fischer.  - Cet article concerne une question essentielle et délicate : l'information des tierces personnes -généralement conjoint et enfants- d'une anomalie génétique. Le CCNE a estimé dans son avis n°76 que le strict respect du secret et l'intérêt majeur des autres personnes à connaître l'information peuvent entrer en conflit. Le ministre de la santé d'alors, M. Mattei, avait été conduit à s'interroger sur l'opportunité d'inscrire dans la loi l'obligation pour une personne d'informer son entourage familial si était découverte une prédisposition ou l'existence d'une maladie génétique grave pouvant faire l'objet d'une prévention efficace pour cet entourage. Cette question fait déjà l'objet de débat, en particulier pour la contamination par le VIH. Mais il est question ici de la relation spécifique qui lie le patient à son médecin. Comme le CCNE, nous estimons que la mise en oeuvre de procédures adaptées pour la protection de la famille dans le strict respect du secret médical doit prévaloir : c'est à quoi s'efforce cet article, auquel nous souscrivons, comme à l'amendement n°10 de M. Godefroy.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...- Après le troisième alinéa de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le droit à l'intimité génétique est reconnu. »

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Devant la multiplication des tests génétiques, cette phrase établit un principe général : le droit de ne pas savoir pour la personne effectuant le test. Dès 1999, un rapport parlementaire prédisait que la génétique devait devenir un sujet majeur du droit. Nous savons que la génétique prédictive peut être source de bien des difficultés. La détermination de la filiation biologique chez certains de nos voisins, est autorisée hors de tout procès. C'est là un danger à ne pas négliger.

Et disposer d'informations sur sa santé future permet-il de vivre sa vie en toute sérénité ? C'est pourquoi nous estimons que le droit de ne pas savoir est aussi essentiel que celui de savoir.

M. Alain Milon, rapporteur.  - En l'absence de définition, la portée juridique de la notion de « droit à l'intimité génétique » reste floue : droit de ne pas savoir ? Droit de ne pas informer ses proches -ce qui irait à l'encontre de l'article premier ? L'article répond déjà aux préoccupations des auteurs de l'amendement. Avis défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis. Le secret médical suffit, et le patient peut toujours renoncer à être informé.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 1

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Avant l'article L. 1131-1, il est inséré un article L. 1131 ainsi rédigé :

« Art. L. 1131.  -  La commercialisation de tests ayant pour finalité de pratiquer des examens génétiques est interdite dès lors qu'elle n'a pas de finalité scientifique ou thérapeutique.

« Un décret précise les sanctions financières applicables aux personnes physiques ou morales qui contreviendraient à cette disposition. »

Mme Annie David.  - Chacun a le droit de savoir ou de pas savoir d'où il vient et ce qu'est son patrimoine génétique, mais nous connaissons les dérives de la commercialisation des tests -jusqu'au charlatanisme ou à l'escroquerie. Interdire la commercialisation des tests génétiques qui pullulent sur internet nous semble à cet égard indispensable, pour parer aux risques multiples qui en sont le corollaire, comme le fichage des caractéristiques génétiques. Le CCNE préconise au reste que ces tests ne soient effectués que par des laboratoires agréés et en exécution de décisions de justice.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Une telle interdiction risque de n'avoir aucune portée réelle -la plupart des tests sont proposés à l'étranger. L'article 4 ter est plus opérationnel, qui interdit le recours à de tels tests en l'absence de prescription médicale. Retrait, sinon rejet.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Michel.  - Que signifie le « droit de ne pas savoir » ? La notion m'échappe totalement. Ne pas savoir quoi ? D'où l'on vient, qui l'on est, si l'on est malade ? Cela dépasse l'entendement. Le seul droit est celui de savoir ; et ceux qui savent doivent dire. C'est le fondement d'une civilisation de raison.

M. Jean-Louis Lorrain.  - Quant on sait qu'un test permet de prédire que vous serez peut-être atteint dans 40 ans d'une maladie grave, on peut comprendre que certains préfèrent se passer de l'information. C'est simple.

Mme Annie David.  - Il n'est pas d'attenter au libre choix des personnes, mais d'interdire une commercialisation à la diable, hors tout cadre réglementé.

L'amendement n°85 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié bis, présenté par Mmes Létard, Cros, Morin-Desailly et Payet et MM. Amoudry, Dubois et Jarlier.

Alinéa 4, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque cette personne a fait un don de gamètes ayant abouti à la conception d'un ou plusieurs enfants, cette information est également transmise au médecin responsable du centre d'assistance médicale à la procréation afin qu'elle puisse aussi être portée à la connaissance du médecin traitant des enfants concernés. »

Mme Valérie Létard.  - Lorsqu'est dépisté dans une famille un risque d'anomalie génétique grave, la loi prévoit une obligation d'informer la parentèle. Cette information, dans le cas d'une personne ayant fait don de ses gamètes dans le cadre d'une AMP, devrait aussi pouvoir être portée à la connaissance du médecin traitant des enfants nés de ce don.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le centre d'AMP, dans un tel cas, serait informé et prendrait ses dispositions. L'amendement est sans doute superflu. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - L'idée me semblait bonne. Sagesse.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous voilà informés comme il faut !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Cet amendement sous-entend que l'anonymat est levé...

Mme Valérie Létard.  - Pas nécessairement. L'information passera par le Cecos, qui transmettra les informations médicales, mais non l'identité du donneur.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Entre médecins, il n'y a pas levée du secret médical. Avis favorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - On est dans la confusion. Ceux qui sont pour la levée de l'anonymat voteront cet amendement, les autres non, quelles que soient les précautions sémantiques de Mme Létard.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - L'amendement suppose de fait une levée partielle de l'anonymat... Je voterai l'amendement.

M. Gilbert Barbier.  - J'abonde dans le sens de Mme Létard. L'information est transmise entre médecins, mais l'identité de la personne ne sera pas révélée. Je voterai l'amendement bien qu'étant contre la levée de l'anonymat.

L'amendement n°76 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Gilbert Barbier.  - Cet amendement, comme le suivant, pose le problème d'une nouvelle forme de relation entre le médecin et le patient. Je rappelle que les associations ne sont pas tenues au secret médical.

M. le président.  - Amendement n°54 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Alinéa 5, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase  :

Lors de l'annonce de ce diagnostic, le médecin informe la personne de l'existence d'une ou plusieurs associations de malades susceptibles d'apporter des renseignements complémentaires sur l'anomalie génétique diagnostiquée. Si la personne le demande, il lui remet la liste des associations agréées en application de l'article L. 1114-1.

M. Gilbert Barbier.  - Amendement de repli. Au lieu de proposer au patient de prendre contact avec une association susceptible d'apporter des renseignements complémentaires, le médecin informe le patient de l'existence d'associations de malades et, si le patient le demande, lui remet une liste des associations agréées.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Les associations agréées rendent de grands services et l'on déplore leur absence pour certaines maladies, comme le cancer du sein héréditaire. Défavorable à l'amendement n°53 rectifié. La rédaction de l'amendement n°54 rectifié est peut-être plus précise. Sagesse.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Mêmes avis.

M. Jean-Louis Lorrain.  - Une information ciblée permet au patient de prendre contact avec des praticiens très spécialisés, qui savent les aider. Les associations sont très utiles, y compris au médecin traitant.

M. Yann Gaillard.  - Je crains que l'on ne s'enferme article après article dans un système de super-pouvoir médical... Sans doute dans certains cas vaut-il mieux ne pas savoir... Je ne voterai pas certains articles de ce texte.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Proposer une liste comme le fait M. Barbier plutôt qu'un seul nom me paraît préférable : on sait combien militantes et orientées sont certaines associations.

M. Guy Fischer.  - Sur l'amendement n°53 rectifié, nous nous abstiendrons, en raison du risque de dilution du secret médical. Nous approuvons, en revanche, l'amendement n°54 rectifié de M. Barbier : preuve que notre vote transcende certains clivages...

M. Gilbert Barbier.  - Je retire l'amendement n°53 rectifié.

L'amendement n°53 rectifié est retiré.

L'amendement n°54 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le fait pour le patient de ne pas transmettre l'information relative à son anomalie génétique dans les conditions prévues au premier alinéa ne peut servir de fondement à une action en responsabilité à son encontre.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Le texte adopté pour cet article par la commission des affaires sociales du Sénat est meilleur que celui de l'Assemblée nationale. Il insiste sur la nécessité pour le médecin de convaincre son patient, sans pour autant l'y obliger, de transmettre l'information à sa famille. Il respecte l'esprit de l'article 35 du code de déontologie médicale, qui appelle le praticien à la circonspection lors de la délivrance de l'information. À cet égard, la non-information de la famille peut-elle être assimilée à une non-assistance à personne en danger ? Quant au patient, l'esprit de l'avis de la CCNE a été repris dans la loi, qui conduit à la non-responsabilité en cas de non-information des proches.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avec le texte de la commission, seul le droit commun de la responsabilité civile s'appliquera. Défavorable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Défavorable pour les mêmes raisons. La commission des lois a souhaité en rester aux principes de la responsabilité civile de droit commun.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Toute personne qui s'estime victime d'un préjudice peut intenter une action dans le cadre du droit commun.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je retire l'amendement au bénéfice des explications de M. Buffet.

L'amendement n°10 est retiré.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°55 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Alinéa 2

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ainsi que celles applicables, le cas échéant, au suivi médical de la personne

2° En conséquence, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Gilbert Barbier.  - Amendement de simplification rédactionnel.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La rédaction proposée me paraît bien lourde. Retrait ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°55 rectifié est retiré.

Mme Raymonde Le Texier.  - Aux termes de l'article 2, c'est un arrêté du ministère qui doit fixer les règles de bonne pratique. En 2006 déjà, M. Milon estimait nécessaire d'accélérer l'application de la loi. On sait que les services des ministères sont dramatiquement engorgés. La Cour des comptes a souligné, dès 2004, l'impossibilité pour le ministère de la santé et singulièrement de la DGS de répondre aux exigences de la loi. Six mois après son adoption, 90 % des mesures réglementaires n'étaient pas prises. Dès lors, on peut douter que la procédure de l'arrêté ministériel soit efficace : mieux eût valu une action de l'Agence de biomédecine. Nous ne voterons pas l'article 2.

L'article 2 est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°56 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Alinéa 2

Supprimer les mots : 

à cet effet

M. Gilbert Barbier.  - Amendement rédactionnel.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Rédactionnel ? En fait, il va trop loin : retrait.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Il faut garder le dispositif d'autorisation spécifique.

L'amendement n°56 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

Mme Isabelle Pasquet.  - Cet alinéa autorise les laboratoires d'un autre État de l'Union européenne à participer à la phase analytique de l'examen génétique. Voilà qui rappelle la directive « Services »... La biologie rapporte déjà 7 milliards d'euros ; nous refusons que la santé soit un marché comme les autres.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La réglementation européenne nous impose cet alinéa, la participation se limitera à la phase analytique, et il y aura réciprocité. Avis défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Nul rapport avec la directive « Services ». Avis défavorable.

L'amendement n°86 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Alinéa 11

Remplacer les mots :

par ses empreintes génétiques d'une personne

par les mots :

d'une personne par ses empreintes génétiques

M. Gilbert Barbier.  - Rédactionnel.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La rédaction actuelle est celle du code de la santé publique comme celle du code civil. Avis défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Sagesse.

M. Gilbert Barbier.  - La rédaction varie selon les articles... Je maintiens.

L'amendement n°57 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 11

Supprimer les mots :

ou en dehors d'une mesure d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure de vérification d'un acte de l'état civil entreprise par les autorités diplomatiques ou consulaires dans le cadre des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les alinéas 2 et suivants de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont supprimés.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Il y a trois ans, nous nous indignions du vote, par le Parlement, du recours aux tests génétiques pour les étrangers candidats au regroupement familial.

Depuis, M. Besson a laissé de côté cette disposition -pour nous honteuse et discriminatoire- indiquant qu'elle serait trop difficile à mettre en oeuvre ; on imagine qu'il aurait préféré pouvoir faire les tests sans l'accord express des intéressés... Aujourd'hui, les contraintes administratives s'imposent aux nationaux eux-mêmes, pour renouveler leurs papiers d'identité. Leur demandera-t-on, demain, de prouver leur identité par test ADN ?

Et pourra-t-on parler d'un consentement, quand de celui-ci uniquement dépendra la délivrance ou non de l'acte ? Et pour les étrangers, du visa ? La distinction entre « bons » et « mauvais » étrangers est indigne, et contraire à nos principes. Nous supprimons la disposition.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Un mot à M. Barbier : l'expression « identification par empreintes génétiques » apparaît six fois dans l'article 3...

L'amendement n°87 revient sur une disposition du code pénal ; en l'espèce, celui de la santé publique n'est que suiveur. Avis défavorable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Cet amendement n'a pas sa place ici, je voterai contre.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°87 n'est pas adopté.

Mme Patricia Schillinger.  - La commission a rendu cet article plus lisible, en allant dans le sens de la précaution républicaine. La recherche de l'ADN a été limitée au cadre judiciaire, ce qui est conforme à notre conception de la relation familiale, qui ne saurait se limiter à sa dimension biologique. Sachant que la recherche en paternité fait l'objet d'un vaste marché aux États-Unis, nous voterons l'article.

L'article 4 est adopté.

L'article 4 bis demeure supprimé.

Article 4 ter

M. Guy Fischer.  - Cet article interdit le recours à des tests génétiques sans prescription médicale ; c'est préserver ce que nous appelons l'intimité génétique. Nous l'approuvons.

Le Conseil d'État souligne que cette restriction est liée à la volonté du législateur de limiter les recours aux tests ADN dans le cadre de la filiation. On sait que certains employeurs justifient les tests au motif fallacieux de mieux protéger les salariés, quand c'est bien plutôt pour mieux les sélectionner. Comme cet article évite cet écueil, nous le voterons.

M. le président.  - Amendement n°58 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Alinéa 2

Après le mot : 

tiers

insérer les mots :

dont il a la responsabilité légale

M. Gilbert Barbier.  - Je veux limiter la possibilité de demander l'examen des caractéristiques génétiques d'un tiers, aux seuls tiers dont on a la charge légale, tels les enfants ou les adultes incapables. Sans cette restriction, on pourrait pratiquer des tests sur n'importe quel tiers autour de soi.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Je propose de rectifier le texte en supprimant, pour éviter toute ambiguïté, le membre de phrase suivant : « le concernant ou concernant un tiers ». « L'examen » est du même coup remplacé par « un examen ».

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°172.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Favorable.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - C'est vague. Quid en cas d'examen génétique pour un enfant ou pour un tiers incapable ? Il faut bien que le responsable légal puisse agir.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Évidemment. C'est le droit commun de l'autorité légale.

Mme Annie David.  - Je pourrais donc demander un test, si mon médecin m'y autorise, sur un membre de ma famille, à son insu ? Cette rédaction ne vise plus personne en particulier : qui pourra demander, pour qui ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Il faut une prescription médicale et le consentement exprès de celui qui va subir le test. La notion de tiers est trop floue, c'est bien pourquoi je n'y fais plus référence.

M. Gilbert Barbier.  - Mieux vaut, à mon sens, bien cibler le cas des mineurs et des personnes incapables.

L'amendement n°172 n'est pas adopté.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Sagesse sur l'amendement de M. Barbier.

L'amendement n°58 rectifié est adopté.

L'article 4 ter, modifié, est adopté.

Article 4 quater (supprimé)

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rétablir ainsi cet article dans la rédaction suivante :

L'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale est abrogée.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Nous rétablissons cet article qui abrogeait l'ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale.

Nous craignons le gigantisme des laboratoires d'analyses, la fermeture des petits laboratoires, qui font un travail irremplaçable de proximité. La presse locale se fait l'écho des fermetures annoncées, des protestations des biologistes et des patients dont 275 000 ont déjà signé la pétition « Touche pas à mon labo ! ».

M. Alain Milon, rapporteur.  - Cette ordonnance, longuement concertée, a précisé la définition du métier de biologiste médical, harmonisé les règles de fonctionnement des laboratoires publics et privés et cherché à maintenir l'offre sur les territoires.

Depuis sa publication, elle a donné lieu à certaines critiques : impossibilité du recrutement de biologistes non titulaires du DES en hôpital, impossibilité de ristourne, prélèvement effectués par des infirmiers. La première de ces difficultés peut être réglée par décret, les deux autres par la négociation entre les professionnels et le Gouvernement, -lequel s'y est engagé. Avis défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis. Cette ordonnance a été précédée d'une large concertation. Si certains aménagements peuvent être nécessaires, ils trouveront mieux leur place dans la loi Fourcade, qui sera soumise la semaine prochaine à l'examen des députés.

M. Guy Fischer.  - Le monde de la santé est victime de la rationalisation économique, qui transforme les hôpitaux en entreprises de soins et prépare le démantèlement de l'hôpital public, en compressant toujours plus les dépenses, dans lesquelles le Gouvernement ne voit que des coûts, quand pour nous, la santé est au contraire un investissement d'avenir.

L'ordonnance applique cette logique comptable aux laboratoires, en permettant aux géants du secteur de racheter les laboratoires de proximité qui représentent un marché fort juteux. La Commission européenne a reproché à l'ordre des pharmaciens de faire obstacle à la concurrence, le Gouvernement s'exécute et M. Fourcade, avec sa proposition de loi, est en service commandé. Cette ordonnance n'a pas que du mauvais -le DES de biologie médicale est ainsi une bonne chose- mais il faut préserver les petits laboratoires de biologie médicale, établissements de proximité. Nous voterons cet amendement.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Nous déplorons la désertification médicale, alors ne laissons pas supprimer les petits laboratoires d'analyse médicale !

M. Jacques Blanc.  - Le problème se pose en montagne : comment offrir des actes d'analyse de qualité aux 75 000 habitants du département de la Lozère ? La proximité s'impose, alliée à la qualité.

L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4 quater demeure supprimé.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l'agence de biomédecine, définit les règles de bonnes pratiques applicables aux techniques d'identification des personnes en fonction de certaines de leurs caractéristiques physiques ou comportementales.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La biométrie permet l'identification ou l'authentification d'une personne sur la base de données reconnaissables et vérifiables qui lui sont propres. Elle s'est largement développée ces dernières années et de nouvelles techniques sont apparues récemment, comme la photographie de l'iris banalisée dans les aéroports, l'analyse du comportement, la reconnaissance vocale.

De nombreuses entreprises et institutions y recourent. La biométrie met en danger les libertés individuelles, il faut être très vigilant pour les protéger, en particulier contre la création de fichiers. Nous proposons que l'Agence de biomédecine définisse des règles de bonnes pratiques.

M. Alain Milon, rapporteur.  - C'est au code civil de le prévoir. Avis défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Guy Fischer.  - M. Godefroy a raison d'attirer l'attention sur la biométrie, utilisée sans encadrement, qui pose un problème du point de vue de la liberté individuelle. Nous voterons l'amendement.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Le rapport avec la médecine est établi et l'Agence de biomédecine pourrait éclairer les rédacteurs du code civil.

M. Bruno Retailleau.  - C'est une question de société. Le problème réside non dans la technique utilisée, mais dans l'établissement de fichiers. Je me range à l'avis du rapporteur.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. Alain Milon, rapporteur.  - En 2009, 250 personnes sont décédées faute de dons d'organes. Que faire ? Améliorer la qualité des greffes dans le temps. Et élargir le cercle des donneurs : c'est ce que fait ce texte. Sa portée pratique, cependant, sera limitée. Faut-il, dès lors, modifier les conditions du consentement au don, en prévoyant une mention explicite, comme en Grande-Bretagne ? Je ne le crois pas, car ce serait limiter davantage les dons comme on l'a constaté dans ce pays, où de toute façon les équipes médicales recueillent le consentement des familles. Nous pensons qu'un travail de pédagogie est nécessaire. Je me range aux conclusions de l'Agence de biomédecine, qui s'est prononcée contre le changement de nos règles. La commission a refusé toute contrepartie pour les donneurs. Enfin, nous avons supprimé des dispositions, quoique demandées par les associations, redondantes avec d'autres dispositions existantes.

Article 5

Mme Claudine Lepage.  - Cet article élargit le cercle des donneurs et améliore les dons croisés entre donneurs vivants. En France, 14 000 malades attendent une greffe, 4 900 ont été greffés en 2009, 250 sont morts faute d'organes disponibles. L'Agence de biomédecine appelle à diminuer les refus de dons par précaution et à renouveler le profil des donneurs. Je suis favorable à l'établissement d'un registre du consentement, tel que le propose M. Sueur. Nous devons développer le don du vivant, pas seulement des personnes décédées.

L'élargissement du cercle des donneurs va dans le bon sens, mais notre commission a ajouté une exigence de stabilité du lien, avec une durée minimale de deux ans.

Je suis signataire de l'amendement de Mme Le Texier, qui revient à la rédaction de l'Assemblée nationale. L'exigence de durée est excessive dès lors que les garanties de sérieux sont là. Les craintes de dérives relèvent à mon sens du fantasme. Mais il me paraît important de lutter contre le tourisme de la transplantation.

J'ai également signé l'amendement de M. Cazeau, estimant comme lui que nul ne peut être exclu du don en raison de son orientation sexuelle.

M. Bernard Cazeau.  - Je m'associe à cet excellent exposé.

M. Guy Fischer.  - Trois principes doivent prévaloir : consentement, gratuité, anonymat. Il s'agit d'éviter les pressions morales ou marchandes sur les donneurs.

La situation n'est pas la même selon que le don a lieu après la mort ou du vivant du donneur. Dans ce dernier cas, le don, faisant obstacle au principe de l'anonymat, est très encadré. L'article 5 autorise le don croisé entre couples compatibles.

On sort ainsi du cercle familial, pour lever des problèmes d'incompatibilité. Certains y voient les prémices d'une commercialisation. Tel n'est pas notre avis. Il ne s'agit pas de créer un « donnant-donnant » mais d'apporter, comme le dit le professeur Benguigui, un nouvel élan de solidarité.

L'article concilie l'exigence de protection tout en rendant possible plus de greffes, pour sauver davantage de vies.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

et stable depuis au moins deux ans

par les mots :

, stable et avéré

Mme Raymonde Le Texier.  - Prévoir un lien « étroit, stable et avéré » est pour nous un garde-fou suffisant. D'autant que le magistrat devra recueillir le consentement écrit du donneur et qu'un comité d'experts aura à se prononcer à la suite d'un entretien avec le donneur, qui doit leur permettre d'apprécier la légalité du don. Exiger un délai de deux ans est excessif. Laissons aux experts une souplesse d'appréciation sans leur imposer un délai arbitraire.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - La commission des lois comme la commission des affaires sociales sont revenues au texte d'origine, en prévoyant un délai de deux ans.

Le caractère « avéré » du lien affectif est dépourvu de tout caractère normatif. Le juge a besoin d'un critère objectif, lui permettant d'écarter des liens factices ou simulés. Les magistrats eux-mêmes le demandent, pour éviter, notamment, toute variation d'un tribunal à un autre. Défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis. Le lien de deux ans offre une présomption de stabilité satisfaisante, qui sécurise la procédure.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...  -  L'article 511-3 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de mettre en relation, ou de tenter de mettre en relation, dans son propre intérêt ou pour celui d'autrui, des donneurs et des receveurs potentiels, par quelque moyen que ce soit, en dehors du champ fixé par l'article L. 1231-1 du code de la santé publique, est interdit et puni de la même peine que celle visée à l'article 511-2. »

Mme Annie David.  - Le don d'organes doit être facilité. Mais dans bien des pays, le don d'organes fait l'objet d'un commerce. Notre législation doit clairement s'opposer à une telle dérive, que l'internet facilite : tout y devient échangeable. On peut craindre de voir apparaître des sortes de sites « annuaires », ou bourses d'échanges encourageant le développement de marchés parallèles.

M. Guy Fischer.  - Très bien !

M. Alain Milon, rapporteur.  - Il semble que le droit positif satisfasse votre objectif, intéressant cependant. Quel est l'avis de la commission des lois ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Les dispositions de l'article 511-2 du code pénal répondent à votre souci. J'aimerais cependant connaître l'avis du Gouvernement sur la question des fichiers bénévoles.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Avis défavorable : l'article 511-2 suffit.

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - La facilitation à titre gratuit peut être poursuivie par le biais du non-respect des règles sanitaires sur la transplantation d'organes.

L'article 5 est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 6 avril 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 50.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 6 avril 2011

Séance publique

À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n° 304, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 388, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 389, 2010-2011).

Avis de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 381, 2010-2011).