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Table des matières
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Questions prioritaires de constitutionnalité (Décisions du Conseil constitutionnel)
Accords État et collectivités de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Polynésie française
SÉANCE
du lundi 14 février 2011
73e séance de la session ordinaire 2010-2011
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
Secrétaires : M. François Fortassin, M. Marc Massion.
La séance est ouverte à 15 heures 5.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Mme la présidente. - Le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires en remplacement de sénateurs dont les mandats sont arrivés à échéance.
Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission de la culture à proposer un candidat pour siéger en qualité de membre titulaire au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages, en remplacement de M. Ambroise Dupont ; la commission des affaires étrangères à proposer deux candidats, un titulaire et un suppléant, pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, respectivement en remplacement de M. Robert del Picchia et Mme Monique Cerisier-ben Guiga ; la commission des finances à proposer un candidat pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Établissement public de financement et de restructuration, en remplacement de M. Roland du Luart.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.
Questions prioritaires de constitutionnalité (Décisions du Conseil constitutionnel)
Mme la présidente. - M. le Président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 11 février 2011, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité.
Acte est donné de ces communications.
Sondages
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral.
Discussion générale
M. Hugues Portelli, auteur de la proposition de loi. - Cette proposition de loi est le fruit d'un travail collectif. M. Jean-Pierre Sueur et moi-même avons animé une mission d'information sur les sondages, concluant à la nécessité de moderniser le droit en vigueur.
Nous avons confronté nos analyses avec les professionnels concernés, instituts de sondages, presse, sociologues...
Les sondages occupent une place essentielle dans la formation de l'opinion publique : plus de mille par an, sans parler des études réalisées par les partis politiques, les instituts d'analyse...
Comment sont-ils élaborés ? La qualité des méthodes de travail des instituts de sondage n'est pas en cause. Il est rare que des erreurs manifestes se produisent, comme cela fut souvent le cas, par exemple, en Grande-Bretagne. Mais comment les résultats sont-ils exploités ? Nous avons abordé ces questions.
La commission des lois a amélioré notre texte et j'en remercie en particulier M. Patrice Gélard.
La proposition de loi vise à corriger certains dysfonctionnements, tout d'abord l'usage abusif du terme de sondage, lorsque les critères de représentativité ne sont pas respectés. Il faut labelliser la notion de sondage, en conditionnant l'usage du terme à la représentativité et la largeur de l'échantillon.
Qui est à l'origine du sondage ? S'agissant des sondages « omnibus », qui a financé quoi, quelles ont été toutes les questions posées, dans quel ordre ?
La transparence exige de connaître comment le sondage est élaboré, présenté, combien de personnes ont répondu, ou refusé de répondre. Si 1 000 personnes ont été interrogées, cela ne veut pas dire que parmi celles qui ont répondu, toutes les catégories sont bien représentées...
Comment le sondage a-t-il été traité, entre le résultat brut et le résultat net ? Les citoyens hésitent à dire qu'ils votent pour un parti situé aux extrémités du champ politique, le Parti communiste naguère, le Front national aujourd'hui. On interroge le sondé sur ses votes passés pour expliquer un coefficient correcteur aux réponses, ainsi 8 % de réponses deviennent 18 % d'opinions dans le résultat publié. Le public est en droit de connaître les méthodes de redressement appliquées.
Il convient de distinguer sondage électoral et sondage politique. Hors période électorales, les sondages portent sur des pronostics, des intentions, sur la notoriété. Une question devient politique lorsqu'elle entre dans le débat public, elle peut en sortir.
Un sondage sur l'intention de vote au second tour ne peut pas méconnaître le vote de chaque sondé au premier tour : incitons les sondeurs à intégrer la prise en compte des résultats du premier tour.
La commission des sondages fait un excellent travail mais elle est débordée. La part des experts devrait être renforcée au sein de son collège -et tous ses membres recrutés pour leur expertise, les magistrats nommés par leurs pairs, l'indépendance garantie.
Quant à l'interdiction des sondages la veille des scrutins, nous la confirmons ici afin de laisser aux électeurs -dont un nombre non négligeable se décide dans l'isoloir- un dernier moment de recueillement avant leur vote. Même s'ils surfent sur les sites internet des pays voisins...
Souhaitons que le Sénat, et après lui l'Assemblée nationale, réserve un bon accueil à ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois. - Je rends hommage à l'initiative du président de la commission des lois de confier régulièrement la rédaction de rapports à des sénateurs de l'opposition. Cette proposition de loi illustre ce que peut produire la collaboration entre divers membres de la commission. Avec M. Portelli, nous avons étudié la question, auditionné des experts pendant plusieurs mois, rédigé un rapport puis une proposition de loi adoptée unanimement par la commission, moyennant 27 amendements.
Notre projet tient en un mot : transparence. Pas de débat sans que chaque participant brandisse d'emblée les résultats de sondages. Ceux-ci doivent être élaborés, traités, publiés dans des conditions rigoureuses. La législation actuelle date de 1977 : elle ne définit pas le sondage. Nous comblons cette lacune : un sondage est une enquête statistique visant à donner une indication quantitative des opinions à un moment donné par l'interrogation d'un échantillon représentatif.
Transparence : il faut savoir qui paye le sondage et qui est le commanditaire. En cas de sondage « omnibus », qui paye la partie publiée ? Selon nous, il convient de publier toutes les questions et que le résultat soit déposé à la commission des sondages. Si trois questions sur dix seulement sont publiées, on ne peut les interpréter correctement.
Il faut publier la marge d'erreur : si un candidat obtient 49 %, l'autre 51 % d'intentions de vote, la marge d'erreur varie considérablement selon le nombre de personnes interrogées, de moins 3 % à plus 4 %. Un chiffre sans marge d'erreur est une information incomplète, donc erronée.
Il y a une différence dans les résultats avant et après redressement. Nous proposons que les organismes transmettent à la commission des sondages le résultat brut et la méthode employée pour parvenir au résultat net. Certains instituts de sondage la considèrent comme un secret de fabrication ; mais tous affirment que leur démarche est scientifique. Heureusement car sinon, quelle pertinence auraient les chiffres ?
Au restaurant, demandez-vous au chef sa recette ? Non, c'est qu'il ne s'occupe pas de science mais de gastronomie. Si on veut être scientifique, on se doit d'être rigoureux ; ainsi ai-je toujours procédé en science sociale quantitative, en présentant ma méthode. Il y aura pour chaque sondage des débats sur la méthode : eh bien, laissons le débat prospérer ! Il est un aspect de la transparence.
Nous avons prévu dans la proposition de loi des sanctions mais en prenant soin d'écarter toute atteinte à la liberté d'expression : aucune publication n'est interdite mais si elle est fallacieuse, la commission fera une mise au point publiée en même temps, ce qui devrait être dissuasif...
Selon la question posée, la réponse varie : après le discours de Grenoble de M. Sarkozy, Marianne et Le Figaro ont publié des sondages aux résultats opposés. C'est que la méthode et les questions étaient différentes -légitimes dans les deux cas.
M. Portelli a donné un très bel intitulé à la proposition de loi.
J'en viens aux articles : nous définissons le sondage, insistant sur la représentativité et l'échantillon. Nous citons les quotas et la méthode aléatoire, sur la suggestion de M. Gélard. Le rapport comporte la démonstration mathématique que la marge d'erreur est similaire dans les deux cas.
Nous requalifions les études qui seraient des sondages sans le nom.
Les personnes interrogées, des citoyens, ne sauraient être rémunérés pour répondre, quoique prétendent certains instituts : l'argent ne peut régner partout !
Nous avons précisé à l'article 2, à la demande de la presse, que les exigences concernant la publication s'appliquent à la première publication. Le texte intégral peut figurer sur le site internet des médias. La marge d'erreur, elle, doit être publiée avec le sondage.
Le taux de non-réponse doit être indiqué, globalement et pour chaque question. La prise en compte du premier tour dans les sondages d'intention de vote au second tour est pertinente.
À l'article 7 concernant la commission des sondages, la commission des lois a souhaité que le représentant du droit public soit nommé par l'Académie des sciences morales et politiques ; nul n'y trouvera à redire.
Les incompatibilités visent l'appartenance aux instituts de sondage mais aussi aux médias. L'ordonnateur des dépenses ne peut être qu'une personne physique : le président de la commission des sondages.
Nous avons maintenu les dispositions de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 concernant l'élection présidentielle afin que cette élection n'échappe pas à notre dispositif.
L'actuelle commission des sondages est prolongée pendant trois mois, avant élection ou nomination de ses futurs membres.
Nous avons beaucoup écouté, reçu de nombreux professionnels et experts : la proposition de loi représente un grand pas vers la transparence au service de la vérité.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Très bien.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Le texte a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. - M. le Garde des Sceaux reçoit en ce moment-même les syndicats de magistrats.
La France aime les sondages politiques, électoraux. Or la sincérité du scrutin est une condition d'exercice de la souveraineté du peuple : les sondages doivent donc être entourés de garanties.
Vous avez cerné les difficultés et votre rapport est pétri de bonnes intentions. Le travail effectué est excellent et vous rappelez le rôle du Sénat dans l'élaboration de la législation sur la question. La loi de 1977 fut difficilement élaborée.
L'émergence de nouveaux médias, la multiplication des sondages rendent certes nécessaire des adaptations. Mais le Gouvernement ne partage pas toutes vos conclusions : certaines dispositions posent problème sur le plan constitutionnel, pratique, ou en opportunité. Oui à la transparence mais votre dispositif n'est pas opérationnel. J'étais conseiller du garde des sceaux, Alain Peyrefitte, en 1978 : l'application de la nouvelle loi, qu'on avait crue impeccable, n'était pas si aisée ! La diffusion à la radio suisse des résultats de sondages contournait la loi. Les nouvelles technologies ne font qu'aggraver les choses.
Le Gouvernement ne peut être favorable à la proposition de loi. Elle semble inconstitutionnelle au regard de la liberté de la presse, consacrée par l'article 11 de la déclaration de 1789.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - En quoi ?
M. Patrick Ollier, ministre. - Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 1984, estime qu'en matière de libre communication des pensées et des opinions, « la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ». La sincérité du scrutin est un de ces principes mais en étendant le champ de la loi de 1977 à la plupart des sondages relatifs aux idées, vous sortez de son cadre.
Il y a aussi les engagements internationaux de la France et le Conseil d'État a jugé, en 1999 et 2000, que la restriction portée par la loi de 1977 était compatible avec l'article 10 de la déclaration européenne des droits de l'homme parce que limitée dans le temps, autour de l'élection. L'extension du champ des restrictions que vous proposez remet cette limitation en cause.
La notice que vous exigez, qui doit être déposée à la commission des sondages 24 heures avant la publication, interdit les sondages à chaud -qui peuvent être diffusés à l'étranger.
Interdire les sondages relatifs au second tour qui ne tiennent pas compte du premier tour, c'est nier la possible émergence d'un troisième homme.
Il y a un décalage entre l'organisation des sondages dans la proposition de loi et l'absence de définition du périmètre du débat et de la sphère politiques.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Il est indéfinissable !
M. Patrick Ollier, ministre. - Le champ actuel de la commission des sondages, limité aux sondages électoraux, est suffisant. Elle-même élargit le périmètre de son contrôle à l'approche des élections.
Je relève aussi un problème d'application, par exemple en Polynésie française ou pour les Français établis hors de France, compte tenu du décalage dans le temps du vote.
Et, comme en 1977, le problème de la diffusion des résultats des sondages à l'étranger demeure posé. Voyez l'évolution des technologies de l'information : la solution s'éloigne.
Voilà pourquoi le garde des sceaux et le Gouvernement s'interrogent sur les conséquences de ce texte : ce n'est pas aussi simple que cela et je vous propose que nous travaillions en commun pour trouver une solution ensemble. Je loue votre sincérité mais le Gouvernement a de réelles objections car les obstacles sont de taille.
Le Gouvernement ne peut accepter la proposition de loi en l'état. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Depuis 1977, en matière de sondages, on a connu d'énormes dérapages. Travailler ensemble ? Je vous rappelle que la Constitution a été réformée pour faire droit à l'initiative parlementaire. Nos collègues ont travaillé un an et se sont entourés de tous les experts. Nous attendions vos amendements. Il arrive que la réflexion du Parlement devance celle du Gouvernement. Il faut faire avancer le débat ; rien n'est parfait mais le rapport de la commission a été un travail excellent et si, dans la proposition de loi, certaines améliorations peuvent être apportées, faisons-le ! Le Sénat a fait progresser la législation funéraire ou la question de la prescription en matière civile. Acceptez de temps en temps l'initiative parlementaire ! (Applaudissements sur divers bancs)
M. Christophe-André Frassa. - Le sondage est un outil essentiel en démocratie. Seul pronostic sûr : les sondeurs ont toujours tort, le soir de l'élection ! Interdits en Union soviétique et dans tous les régimes totalitaires, de ceux de Franco, Pinochet et Salazar à ceux de MM. ben Ali et Moubarak, les sondages permettent de lutter contre l'obscurantisme. Leur publication doit toutefois être encadrée par des règles éthiques, pour éviter les erreurs.
Sans définition précise, il n'est pas de sondage transparent. La proposition de loi en offre une. Fruit de la démocratie, le sondage la sert. Il est utile que les électeurs soient éclairés car la sincérité du débat politique en dépend. Le groupe UMP suivra les propositions formulées par MM. Portelli et Sueur. (Applaudissements)
M. François Fortassin. - Les sondages prennent de plus en plus de place dans le débat public. Nous sommes un grand producteur et consommateur de sondages : plus de 300 enquêtes pour l'élection présidentielle de 2007, deux fois plus qu'en 1988. Les prochaines élections risquent d'être polluées par des sondages d'opinion plus ou moins réalistes, sur des candidats non déclarés, aux programmes non définis...
Loin de nous de vouloir entraver la liberté d'expression ou de la presse : l'argument du ministre sur ce point me paraît spécieux et tiré par les cheveux !
Il faut renforcer le contrôle des sondages et mieux informer la population sur les méthodes et les commanditaires.
L'excellent rapport de MM. Portelli et Sueur démontre que la loi de 1977 est obsolète. Nous nous réjouissons de l'initiative de la commission des lois : une fois de plus, le Sénat s'illustre par la qualité de son travail et donne tous son sens à l'initiative parlementaire. Majorité et opposition ont oeuvré de concert pour améliorer la transparence des sondages et les préserver de toute manipulation. Le groupe RDSE soutient cette proposition de loi.
Reste à s'interroger sur le rôle des sondages dans la vie politique et leurs possibles effets pervers sur le fonctionnement de la démocratie : l'opinion publique peut être influencée, voire manipulée. La proposition de loi donne quelques garanties.
Un responsable politique digne de ce nom ne devrait pas gouverner avec des sondages ; s'il s'en gardait, le premier d'entre eux éviterait nombre de billevesées -vous voyez quelle extrême courtoisie je mets dans ce mot très modéré. (Sourires)
L'évolution vers la démocratie d'opinion est dangereuse. Entre les élus de la République et le Gouvernement, il doit y avoir un vrai dialogue : il n'y a pas d'un côté des garnements dans une cour d'école, de l'autre le maître qui les rappelle à l'ordre ! La démocratie doit rester irréprochable. À nous, parlementaires, de définir l'intérêt général. J'espère que ce texte sera inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et que le Gouvernement acceptera de revoir son avis. (Applaudissements sur divers bancs)
Mme Éliane Assassi. - Cette proposition de loi est bienvenue, malgré certains manques. Il faut assurer la fiabilité et la sincérité des sondages. Mille par an, trois par jour : le sondage joue un rôle sur l'opinion, au point de substituer la démocratie d'opinion à la démocratie représentative. Le président de la République, expert en la matière, en joue volontiers. Les liens entre Opinionway, l'Élysée commanditaire et la presse quotidienne ont frappé les esprits, par la manipulation de l'opinion qu'ils révélaient. Une certaine conception de la démocratie...
Nous approuvons les avancées de la proposition de loi en matière de déontologie et de transparence mais il en faut plus pour rendre sa noblesse au débat politique. La présidentialisation excessive du pouvoir se fait au détriment du Parlement, sans parler du rôle des marchés...
Les sondages sur le deuxième tour influencent indéniablement les résultats du premier. Le 21 avril 2002 devrait appeler à la prudence : il ne faut pas tout miser sur le deuxième tour. Veillons à préserver le pluralisme au premier tour.
Les instituts de sondage sont des entreprises privées qui ont un rôle politique significatif. Ils doivent donc faire preuve de transparence, qu'il s'agisse de leurs dirigeants ou de leurs méthodes. À cet égard, la possibilité pour la commission des sondages de publier les méthodologies utilisées est une avancée essentielle ; encore faut-il que cette faculté s'exerce plusieurs mois avant l'élection et pas seulement la veille ou pendant quelques jours.
Le groupe CRC présentera des amendements mais votera cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Bonnefoy. - Cette proposition de loi nous renvoie à un débat idéologique entre promoteurs et détracteurs des sondages. Dès 1972, Pierre Bourdieu, dans L'opinion publique n'existe pas, remettait en cause cette pratique, qui s'est pourtant largement développée. La France en est l'un des plus grands consommateurs.
Plus un jour sans un prétendu sondage politique... La presse en est friande : le sondage fait vendre, a fortiori s'il fait scoop ou suscite la polémique. Les politiques y trouvent un instrument de légitimation de leur action, ou un moyen d'imposer un sujet. Ils en sont aussi otages. Il faut encadrer ces pratiques pour éviter les dérives de cette illusoire démocratie d'opinion. Les sondages ne doivent pas devenir un substitut de la décision politique.
La législation a peu évolué depuis 1977 ; il est temps de l'actualiser. Je salue le travail de MM. Portelli et Sueur. La sincérité des sondages, à l'heure actuelle, n'est pas garantie ; l'information de l'opinion est insuffisante.
L'article premier, fondamental, comble un vide juridique en donnant une définition du sondage ; il étend le champ de la loi de 1977 à l'ensemble des sondages politiques. Il pose pour principe qu'un sondage doit être issu d'un échantillon représentatif, non d'un échantillon « spontané ».
Interdire toute gratification tombe sous le sens ! Chacun doit pouvoir avoir connaissance de tous les maillons de la chaîne car le contexte et la formulation d'une question influencent la réponse. Il faut avoir connaissance du commanditaire, pour que l'affaire des sondages de l'Élysée, de 2009, ne se reproduise plus. La proposition de loi rend obligatoire la publication d'une notice : c'est un bond en avant vers plus de transparence. On aurait pu y ajouter l'ordre des questions, ou le coût du sondage. Pourquoi tant de réticence de la part des instituts, qui disent appliquer des méthodes scientifiques ?
La proposition de loi rééquilibre la composition de la commission des sondages, et renforce son expertise, l'indépendance de ses membres ainsi que son autonomie budgétaire. Nous devrons rester vigilants : un sondage même faussé a des répercussions immédiates.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. Un instrument aussi important que le sondage doit être strictement encadré. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
M. Patrick Ollier, ministre. - Monsieur Portelli, je n'ai pas remis en cause la sincérité de vos intentions. L'interprétation que fait la commission des sondages de la notion de sondage politique répond à vos préoccupations.
Monsieur Sueur, nous partageons les intentions du Sénat, mais vous instaurez des règles particulièrement strictes au détriment de nos instituts de sondage. La méthode de redressement des résultats bruts, par exemple, doit être contrôlée par la commission des sondages, mais la rendre publique risquerait de nuire à la compétitivité des instituts français, dans le village mondial où nous vivons.
Monsieur le président Hyest, j'ai été meurtri par votre déclaration. J'ai moi-même souffert de voir le travail parlementaire insuffisamment pris en compte quand j'occupais à l'Assemblée nationale une fonction comparable à la vôtre.
Non, monsieur Fortassin, je ne joue pas au maître d'école : je vous dis simplement le désaccord du Gouvernement avec le dispositif juridique proposé, pour des raisons constitutionnelles, d'applicabilité, d'opportunité. Je ne suis que l'interprète du garde des sceaux.
Le Gouvernement s'oppose au point essentiel de la proposition de loi : c'est pour cela qu'il n'a pas déposé d'amendement ! Laissons à la navette et au temps qui passera le soin de régler le problème. Sur les intentions, je le répète, nous sommes d'accord, mais le dispositif proposé crée de réelles difficultés. C'est pourquoi je propose de poursuivre le travail. Le Gouvernement est défavorable à l'ensemble des articles de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je remercie les intervenants, qui ont illustré l'intérêt de cette proposition de loi.
Je note que le ministre n'a pas contesté nombre de nos propositions : identité du commanditaire, taux de non-réponse, marges d'erreur... J'en conclus qu'il pourrait être d'accord sur plusieurs points.
Nous travaillons depuis un an ; la proposition de loi a été déposée le 25 octobre 2010. Nous avons reçu beaucoup de monde. Le professeur Carcassonne, la présidente de la commission des sondages, son secrétaire général, pas plus que les représentants de la Chancellerie ou de l'Intérieur n'ont évoqué les arguments constitutionnels que vous invoquez. Comprenez notre surprise à vous entendre...
Sur la Polynésie, votre objection est satisfaite par un amendement de la commission. Votre remarque sur internet aurait une portée très générale, pour n'importe quel texte. Internet existe, ce n'est pas une raison pour renoncer à légiférer. Il n'y a aucune entrave pour les entreprises françaises : des sociétés étrangères peuvent effectuer des sondages en France, et elles sont logées à la même enseigne.
Nous ne définissons pas le débat politique ? La loi de 1977 ne définit pas davantage le débat électoral. Et cela est sage : à la jurisprudence de trancher.
Tous les sondages qui relèvent du débat public doivent bénéficier de la plus grande transparence.
Il n'y a dans ce texte aucune atteinte à la liberté d'expression. Tout sondage peut être publié ; au besoin, la commission des sondages fera une mise au point. Éventuellement, il y aura des sanctions. Nous ne nous opposons à aucune publication : nous demandons même que toutes les questions soient publiées !
La sincérité du scrutin est une obligation constitutionnelle. Pour la garantir, il faut garantir la transparence ; ainsi sera respectée la liberté d'expression à laquelle nous tenons comme à la prunelle de nos yeux. (Applaudissements à gauche)
Discussion des articles
L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3 et 4.
Article 5
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 4-1. - Tout sondage portant sur le second tour d'une élection est interdit avant le premier tour de celle-ci. »
M. Thierry Foucaud. - Les us et coutumes tendent à privilégier le deuxième tour d'une élection au détriment du premier, tout particulièrement pour l'élection présidentielle. Cela fausse la donne. Le précédent de 2002 devrait pourtant inciter à la prudence ! Le premier tour est le moment de l'expression pluraliste et du débat d'idées. Brûler cette étape met en péril l'exercice plein et entier du suffrage universel.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - La commission n'a pas retenu cet amendement, qui interdit un sondage. Or la proposition de loi ne porte que sur les conditions de la publication des sondages. La teneur de cet amendement est contraire à la liberté d'expression. Il est vrai qu'il n'est pas logique de solliciter des réponses concernant le deuxième tour sans prendre en compte le premier, mais on ne peut pas pour autant interdire de tels sondages.
M. Patrick Ollier, ministre. - Là-dessus, je suis d'accord avec le rapporteur. La liberté d'expression est garantie par l'article 11 de loi de 1977, la Déclaration des droits de l'homme et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
M. Thierry Foucaud. - Nous allons retirer cet amendement mais il fallait que ce soit dit.
L'amendement n°1 est retiré.
L'article 5 est adopté, ainsi que les articles 6, 7, 8 et 9.
Article 10
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
Dans le mois
par les mots :
Durant la période
Mme Éliane Assassi. - Cet article est une avancée mais pourquoi limiter cette interdiction au mois précédent l'élection ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - La commission n'a pas retenu cet amendement, qui est en grande partie satisfait. « Période » est trop imprécis.
Dans le mois qui précède l'élection, en cas de sondage fallacieux, la commission des sondages imposera une mise au point, publiée dans les mêmes caractères que le sondage. Ce processus très coercitif se justifie en période électorale. Pour le reste, la commission des sondages peut à tout moment publier une mise au point ultérieure. Retrait ?
M. Patrick Ollier, ministre. - Je continue à être d'accord avec le rapporteur. (Sourires) La proposition de loi vise à clarifier la législation actuelle, or votre amendement est imprécis.
Mme Éliane Assassi. - Le terme de « période » est effectivement flou.
L'amendement n°2 est retiré.
L'article 10 est adopté, ainsi que l'article 11.
Article 12
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. ... - Le rapport de la commission des sondages rappelle chaque année la composition des organes de direction des instituts de sondages.
Mme Éliane Assassi. - Nos concitoyens ont soif de transparence et dénoncent les conflits d'intérêts. Les instituts de sondage sont des entreprises privées. Mme Parisot était hier dirigeante de l'Ifop... Nous militons pour plus de transparence.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je partage vos préoccupations. L'amendement est toutefois satisfait par l'article L. 123-1 du code de commerce, qui dispose que le nom des dirigeants, administrateurs et membres du conseil de surveillance des entreprises immatriculées est public.
Monsieur le ministre, il est important que l'on sache qui possède et dirige les instituts de sondage. Il suffit pour ce faire de se rendre sur le site Infogreffe, mais le Gouvernement doit s'attarder à faire savoir que ce site existe et qu'il ne s'agit pas de greffes... d'organes. (Sourires)
M. Patrick Ollier, ministre. - À nouveau, je suis d'accord avec le rapporteur ! L'amendement est satisfait par les exigences de publicité légale.
Peut-être faut-il changer l'appellation d'Infogreffe ou mieux faire connaître ce site... Retrait.
Mme Éliane Assassi. - Je me rends à ces arguments...
L'amendement n°3 est retiré.
L'article 12 est adopté, ainsi que les articles 13, 14, 15, 16, 17 et 18.
L'article 19 demeure supprimé.
Les articles 20, 21 et 22 sont adoptés.
Vote sur l'ensemble
M. Hugues Portelli, auteur de la proposition de loi. - Le tryptique du ministre me semble intéressant... Opportunité ? Le moment est idéal car nous sommes loin de toute échéance électorale importante. Inopportun pour qui ? Applicabilité ? Je suis d'accord pour admettre que certains points doivent être améliorés, c'est pourquoi nous attendions des amendements gouvernementaux. Hélas, la philosophie déplait et cela suffit pour repousser le texte...
Quant à la constitutionnalité, je suis ravi de vous avoir entendu souhaiter, au nom du Gouvernement, que tous les textes respectent la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme. On se souvient que le texte sur la garde à vue a été censuré par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation... Trop souvent la commission des lois est contrainte de corriger des textes inconstitutionnels...
Mme Nicole Bricq. - La taxe carbone !
M. Hugues Portelli. - Je suis professeur de droit constitutionnel depuis trente ans... Je croyais la discussion possible.
La liberté d'entreprendre ? Les instituts affirment qu'ils réalisent seulement 1 % à 5 % de leur chiffre d'affaires avec les sondages politiques. La liberté d'expression ? Nous demandons que la méthodologie soit assumée, nous n'interdisons aucun sondage ! La publication doit respecter certaines règles, à défaut de quoi le terme de sondage ne pourrait être employé. L'objet principal de cette proposition de loi est d'appliquer toute la loi de 1977 et de la moderniser. (Applaudissements sur divers bancs)
Mme Jacqueline Gourault. - Lorsque vous avez salué les « bonnes intentions » des auteurs de ce texte, monsieur le ministre, je me suis inquiétée... Vous avez été « blessé » par les propos du président de la commission : je l'ai été par les vôtres, car vous semblez estimer qu'un texte élaboré par des parlementaires aurait moins de qualité qu'un projet de loi. Vous invoquez la liberté d'expression et la liberté de la presse pour refuser la proposition mais la vraie liberté, c'est la connaissance, la vérité, la sincérité de l'information -sans quoi il n'est point de liberté de penser. Le quotidien Le Monde a consacré une page entière à cette proposition de loi : preuve que la presse ne se sent pas muselée par les nouvelles règles -et de la qualité du texte ! (M. Roland Courteau approuve)
J'ajoute que le Gouvernement ferait bien de se pencher sur la liberté d'expression à l'ère d'internet -ce qui n'est pas le sujet ici- avant que le Parlement ne le fasse et propose un texte de moins bonne qualité... (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Je suis impressionné par la qualité de ce débat. Je félicite MM. Portelli et Sueur. Il était temps de freiner l'excès de sondages lors des grands événements politiques. Les instituts de sondage ne réalisent pas un gros chiffre d'affaires avec les sondages électoraux mais ils y gagnent une grande notoriété. Des textes antérieurs ont déjà posé des limites aux sondages à l'approche des scrutins mais la Suisse, la Belgique et d'autres ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Sachez que nos compatriotes expatriés sont attentifs aux sondages publiés à l'étranger. Je sais, monsieur le ministre, que la tâche de représenter le garde des sceaux aujourd'hui n'est pas aisée ; mais le Sénat a eu raison de se saisir de cette question au moment où il l'a fait. Je regrette que le Gouvernement n'accompagne pas mieux son travail. Le groupe UMP votera cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
(Applaudissements)
La séance, suspendue à 17 h 20, reprend à 17 h 25.
Accords État et collectivités de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Polynésie française
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française.
Je vous rappelle qu'en application de l'article 9 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et des articles L.O. 6213-3 et L.O. 6313-3 du code général des collectivités territoriales, M. le président du Sénat a saisi, le 22 décembre 2010, le Haut-commissaire de la République en Polynésie française et le représentant de l'État dans les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, en vue de la consultation de l'Assemblée de la Polynésie française et des conseils territoriaux des collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sur cette proposition de loi organique.
Par lettre en date du 18 janvier 2011, le représentant de l'État a transmis à M. le président du Sénat copie de la délibération du 30 décembre 2010 du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy et de la délibération du 7 janvier 2011 du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin, portant toutes deux avis favorables sur cette proposition de loi organique.
Discussion générale
M. Louis-Constant Fleming, auteur de la proposition de loi. - La forme organique de la proposition de loi est exigée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 janvier 2010.
Le statut de la collectivité de Saint-Martin lui confère la compétence de fixer des règles en matière fiscale, clarifiée. L'exercice concomitant de leur compétence fiscale par l'État et la collectivité est de nature à provoquer des doubles impositions. Dès 2007, une convention était prévue pour remédier à cette situation.
La proposition de loi organique a ainsi pour objet principal d'autoriser l'approbation d'une telle convention, signée à Saint Martin le 21 décembre 2010. Un accord relatif à l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale vient la compléter. La collectivité de Saint-Martin n'entend pas être un « paradis fiscal » : elle n'a pas la moindre objection à formuler à la conclusion de cet accord, signé le 23 décembre 2009. La non approbation législative de celui-ci a pénalisé ou retardé l'investissement fiscalement aidé à Saint-Martin, tandis que les contribuables domiciliés dans la collectivité ont été empêchés de bénéficier des régimes d'aide définis par le conseil territorial de la collectivité, faute pour celle-ci d'obtenir l'accord de la Commission européenne. La proposition de loi a pour deuxième objet l'approbation de cet accord, qui doit prendre également une forme organique. Des accords du même ordre ont été conclus avec la Polynésie française le 29 décembre 2009, et avec la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy le 14 septembre 2010 -le texte en autorise l'approbation.
Des divergences d'interprétation ont émergé sur les dispositions de la loi organique du 21 février 2007 relatives au transfert de la compétence fiscale à la collectivité de Saint-Martin, qui subordonnent la reconnaissance d'une domiciliation fiscale à Saint-Martin à une résidence d'au moins cinq ans. L'État n'admettait pas que la compétence fiscale de la collectivité s'étendît aux personnes autres que celles domiciliées sur son territoire. Saisi par le Gouvernement, le Conseil d'État a reconnu le 27 décembre 2007 le droit de la collectivité d'imposer les revenus de source saint-martinoise des contribuables domiciliés hors de son territoire, à l'exception de ceux ayant leur domicile dans un département de métropole ou d'outre-mer. C'est loi organique du 25 janvier 2010 qui a reconnu à la collectivité de Saint-Martin la pleine compétence fiscale.
Une part importante du produit de l'impôt sur le revenu appliqué par la collectivité de Saint-Martin trouvant son origine dans les revenus des fonctionnaires de l'État en poste à Saint-Martin, la collectivité a demandé et obtenu de l'État que ces revenus soient traités comme l'ensemble des revenus d'emploi. Il faut relever la complexité de gestion de l'impôt à laquelle conduit la règle des cinq ans ; l'échéance du rapport d'évaluation, 2017, nous apparaît bien lointaine.
Pour ses autres dispositions, la convention est conforme dans ses grandes lignes au modèle de l'OCDE, dont les clauses « anti-abus ». Il est prévu que la convention produira ses effets rétroactivement au 1er janvier 2010, disposition qui répond à un objectif d'intérêt général. Toutes mesures ont été prises pour la gestion des déclarations et impositions des bénéficiaires de revenus d'emploi présents à Saint-Martin sans y être domiciliés. Le dispositif conventionnel de crédit d'impôt y sera substitué au dispositif de la loi organique du 25 janvier 2010.
Avec ce texte, la partie française de Saint-Martin disposera d'un système fiscal complet aux fondements juridiques clairs.
L'État doit maintenant faire en sorte que la collectivité de Saint-Martin soit mise en mesure de mettre en application le système fiscal ainsi construit. Le projet d'un centre regroupant la trésorerie, les services fiscaux et les services financiers de la collectivité vient d'être mis à l'ordre du jour ; il concrétisera le refus des Saint-Martinois d'être considérés, par amalgame, comme abritant un paradis fiscal.
L'article 2 de la proposition de loi organique autorise l'approbation de l'accord d'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, dont le préambule exprime la volonté des parties de collaborer pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, notamment au travers d'un échange de renseignement efficace. L'article 3 autorise l'approbation d'un accord similaire entre l'État et la collectivité territoriale de Polynésie française ; l'article 4, de l'accord du même type entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy.
Ces accords fiscaux établissent que l'autonomie fiscale des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution est compatible avec une pleine coopération de chacune d'elles avec I'État, en vue d'une action commune, librement consentie, au service d'objectifs de transparence et de lutte contre la fraude fiscale. (Applaudissements à droite)
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. - La proposition de loi organique est originale en ce qu'elle s'inspire des conventions internationales mais concerne l'État et des collectivités françaises.
Les conventions visées ici sont de deux natures distinctes : une convention contre la double imposition avec Saint-Martin et trois accords de coopération fiscale.
La compétence fiscale des collectivités régies par l'article 74 de la Constitution étant vaste, de tels textes sont nécessaires si l'on veut éviter les doubles impositions. Le Conseil constitutionnel a estimé qu'un texte organique était nécessaire, les compétences fiscales confiées aux collectivités territoriales d'outre-mer faisant elles-mêmes l'objet d'un texte organique.
La convention fiscale avec Saint-Martin visant à éviter les doubles impositions est indispensable. Si Saint-Barthélemy n'a pas mis en place une fiscalité directe sur son territoire, Saint-Martin a prévu un régime fiscal proche de celui appliqué par l'État, qui donnerait lieu à doubles impositions en l'absence de convention. Je vous renvoie sur ces questions à l'excellent rapport de M. Gouteyron.
Le modèle OCDE est respecté dans la convention fiscale, celle-ci comportant des adaptations par rapport aux textes internationaux -dont la prise en compte de la condition de résidence de cinq ans pour qu'un contribuable français soit considéré comme résident fiscal local. Les fonctionnaires de l'État en poste à l'étranger sont imposés en France. Comment refuser à Saint-Martin d'imposer les 2 000 agents de l'État qui y sont en poste alors que la collectivité est en difficulté financière et ne perçoit plus l'octroi de mer depuis sa séparation d'avec la Guadeloupe ? Le gain à en attendre est de un à deux millions d'euros.
Je profite de cette intervention pour renouveler le souhait que Saint-Martin utilise sa nouvelle compétence fiscale pour assainir sa situation financière. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. - Je vous propose de valider ces accords qui visent à nous conformer à la loi de développement économique de l'outre-mer (Lodeom) et aux textes de transfert de compétences fiscales.
Pour la première fois, vous êtes invités à valider de telles conventions. La Polynésie française, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont obtenu la compétence fiscale et doivent transmettre les informations à l'administration centrale afin que la France soit considérée au plan international comme respectant les règles en vigueur destinées à lutter contre la fraude et le blanchiment. On a pu évoquer la création de paradis fiscaux, mais aucune instance internationale n'a jamais émis de conclusion défavorable à notre pays. Il n'y a pas de paradis fiscal en France.
Les difficultés à Saint-Martin, après la loi de transfert, ont tenu essentiellement à la définition de la notion de revenus de source. Cette difficulté est réglée par la convention, de même que la situation des fonctionnaires en poste à Saint-Martin.
La France est tenue de participer aux échanges d'information et au contrôle prévus dans les conventions internationales : l'accord d'assistance administrative mutuelle y pourvoit.
Les autorités de Polynésie ont été promptes, après le transfert des compétences fiscales, à proposer à l'État les règles qui font l'objet de la présente convention.
À Saint-Barthélemy, les circonstances sont les mêmes qu'à Saint-Martin mais le régime fiscal de Saint-Barthélemy est spécifique. J'y insiste, il n'est en aucun cas un instrument d'optimisation fiscale au profit des non-résidents ! C'est dans le respect des lois de la République et des engagements de la France que les habitants de Saint-Barthélemy entendent vivre leur autonomie fiscale.
Cette proposition de loi organique est le fruit d'une exemplaire collaboration entre l'État et ces trois collectivités. Je vous propose de l'adopter. (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Bricq. - Cette proposition de loi organique est complexe, et fonctionne comme une poupée russe : une proposition de loi organique, trois collectivités d'outre-mer, régies par l'article 74 de la Constitution ; quatre conventions de deux catégories...
Jusqu'à la loi organique de 2007, Saint-Martin et Saint-Barthélemy faisaient partie de la Guadeloupe. La convention fiscale avec Saint-Martin s'inspire largement du modèle OCDE pour les conventions avec les peuples tiers -qui fait l'objet d'un examen attentif de la part de la commission des finances.
Le rapporteur a rappelé la règle de résidence fiscale. La part de fonctionnaires sur l'île est la même qu'en métropole. La direction de la législation fiscale évalue la perte entre 1 et 2 millions -c'est peu précis... Le déficit de Saint-Martin est de 25 à 30 millions ; avec la perte de l'octroi de mer, la collectivité a besoin de ressources supplémentaires. Mais il faudrait surtout identifier les blocages au développement endogène du territoire...
Les accords fiscaux comportent un contrôle par l'administration française des investissements qui ont bénéficié de dispositifs de défiscalisation. La Lodeom a facilité la conclusion de ces accords, et pesé sur la décision de la Polynésie de signer un accord d'échange d'informations.
Le groupe socialiste est-il pour autant favorable au texte ? Ces territoires ne sont pas des paradis fiscaux, dit M. Fleming. On reste dans un entre-deux...
Grâce à l'échange de renseignements fiscaux, le contrôle sera facilité, mais les conventions OCDE méritent d'être améliorées, même si elles ont le mérite d'exister. La loi de finances rectificative de décembre 2009 doit s'appliquer en cas de défaut de coopération. Il est vrai que la France ne devrait plus être suspecte d'entretenir en son sein des paradis fiscaux.
Restent deux réticences. Saint-Barthélemy, moins peuplée, est plus opulente que Saint-Martin ; il n'y existe aucune fiscalité. Contrairement à Saint-Martin, Saint-Barthélemy a fait une démarche a minima.
Si nous votions l'article 4 en l'état, nous remettrions aux calendes grecques une réelle convention fiscale entre l'État et Saint-Barthélemy, où tout le monde ne roule pas sur l'or.
Le rapport de M. du Luart sur la défiscalisation outre-mer pointait l'absence de contrôle et de sanction. Faut-il multiplier ces niches fiscales ? Le groupe socialiste préfère le recours aux subventions, d'autant que ces niches sont propices au blanchiment des capitaux. La frontière entre les deux parties de l'île est largement virtuelle et les mouvements bancaires ne sont guère soumis à contrôles. La présence de casinos alimente le soupçon... La brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, issue de la loi de finances rectificative de décembre 2009, doit s'y intéresser !
Le groupe socialiste s'abstiendra, comme sur toutes les conventions de ce type.
M. Thierry Foucaud. - Notre prévention à l'égard de ces conventions fiscales nous a valu un communiqué vengeur de l'UMP de Saint-Martin, qui nous reproche de qualifier ce territoire de paradis fiscal.
Notons que les sénateurs de Polynésie française n'ont pas été associés à la conclusion de ces conventions, ni à la défense du texte...
Les bonnes intentions affichées sont une chose, les réalités une autre... Saint-Martin et Saint-Barthélemy seraient une sorte de laboratoire fiscal.
La majorité des contribuables saint-martinois déclarent moins de 7 500 euros ; à Saint-Barthélemy, 25 foyers représentent 80 % de l'assiette fiscale ! Nul doute que le changement de statut entraînant la disparation de l'impôt sur le revenu fut bienvenu ! À Saint-Martin, ni impôt sur le revenu, ni ISF, un forfait au lieu de l'impôt sur les sociétés, beaucoup d'imagination pour créer des droits indirects... Bref, il faut avoir les clés du paradis pour en jouir pleinement ! Pour les autres, les difficultés sociales, d'emploi, de logement... L'appréciation de l'euro par rapport au dollar, la concurrence, une économie touristico-dépendante sont autant de handicaps.
Cette proposition de loi consacre la confiscation de l'intérêt général au profit de quelques privilégiés. Nous voterons contre.
M. François Fortassin. - Il est extraordinaire que des territoires français soient exonérés des règles fiscales qui s'appliquent partout ailleurs.
Les radicaux de gauche, inventeurs de la progressivité de l'impôt sur le revenu, sont farouchement attachés à l'équité fiscale. La diversité fiscale est un nouveau concept que nous apprécions modérément. Peut-on accepter les trous noirs fiscaux, la « polyrésidence fiscale » qui permet d'échapper aux règles ?
Ces conventions sont établies sur le modèle de celles qui sont conclues avec des territoires que nous qualifierons de particulièrement attractifs, havres de l'économie souterraine, blanchisseries industrielles, poumons de l'économie criminelle... Certes, nos collectivités d'outre-mer connaissent des difficultés, mais nous aurions préféré un système de subventions à ces dérogations. Et ce n'est pas parce que le drapeau tricolore flotte sur ces territoires que la vertu y est assurée ! Si l'objectif est louable, la majorité du groupe RDSE, dont les radicaux de gauche, s'abstiendra.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. Thierry Foucaud. - Ces conventions consacrent ce que le président Arthuis a qualifié de « laboratoires d'innovation fiscale ». La délibération du conseil territorial indique que Saint-Martin s'est contenté, conformément à l'esprit de l'article 74 de la Constitution, d'adapter le code général des impôts en réduisant à presque rien impôt sur les sociétés et impôt sur le revenu ! Avec 20 % de chômeurs, la collectivité a pourtant intérêt à percevoir des recettes fiscales. Elle vient d'ailleurs d'adopter une ligne de provisions pour garantir des créances fiscales irrécouvrables de 26 millions, alors que le produit de l'impôt sur le revenu est de 7 millions pour 45 000 habitants -un record ! Sous couvert de clarification, vous nous proposez donc d'entériner une gestion bien défaillante des deniers publics.
On est dans l'urgence comptable. Nous voterons contre cet article.
L'article premier est adopté.
Article 2
M. Thierry Foucaud. - Cet article n'améliore pas plus la situation que le précédent. La population de Saint-Martin est largement exonérée d'impôt sur le revenu... faute de revenus. Elle subit en outre la cherté de la vie. L'Observatoire des prix, je le déplore, s'est réuni une seule fois -lors de son installation.
Qui a intérêt à voir disparaître l'ISF et le bouclier fiscal ? Ce texte ne bénéficiera qu'à une minorité de privilégiés, ceux qui font des affaires et ont besoin d'un vernis de légalité pour continuer.
M. Éric Doligé, rapporteur. - Les articles 3 et 4 reprennent le modèle de l'OCDE. Ils permettront de contrôler les investissements ayant bénéficié de la défiscalisation et la situation des résidents contribuables de l'État.
Lors de l'examen de la loi dite Lodeom, ce sont les socialistes qui réclamaient l'élargissement de la défiscalisation et qui étaient les plus favorables à l'article 74, dont ce texte découle... (Mme Nicole Bricq s'exclame)
L'article 2 est adopté, ainsi que l'article 3.
Article 4
M. Thierry Foucaud. - Nous sommes pour le contrôle, bien sûr, mais ces textes ne font qu'accroître les privilèges des plus fortunés, au détriment de la population. (M. Christian Cointat le conteste)
À Saint-Barthélemy, le rendement de l'impôt sur le revenu est quasiment le même qu'à Saint-Martin, beaucoup plus peuplé. De 6,7 millions, il est passé à 2,4 millions en 2008 car les plus riches ont vu leur imposition chuter avec le changement de statut : ils y ont gagné en moyenne 200 000 euros par foyer... Les entreprises domiciliées à Saint-Barthélemy bénéficieront de la résidence locale et n'auront à acquitter qu'un forfait fiscal de 300 euros et 160 euros par employé. Quant à la résidence des personnes morales, c'est un pur artifice ; selon le code local des contributions, il suffit d'être contrôlé, directement ou indirectement, par une personne physique résidente, autrement dit, trouver un habitant du cru compréhensif dans le cadre d'une société ad hoc, agissant pour le compte de tiers domiciliés ailleurs. Le même statut vaut pour des entreprises qui se contenteront de vendre des services dématérialisés, y compris en métropole.
Autre élément clé de la convention, placer l'île sur le chemin du pays d'outre-mer au sens européen, qui permet de déroger aux règles touchant l'urbanisme, l'environnement, la construction.
Ceci amène à poser la question de la pertinence de l'article 74, d'ailleurs refusé par la population de la Guyane et de la Réunion. Nous ne voterons pas cet article porteur de trop de risques.
L'article 4 est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Éric Doligé, rapporteur. - Ces accords fiscaux sont satisfaisants tant du point de vue des finances publiques que de l'autonomie fiscale des territoires concernés. Il s'agit de garantir la transparence. Ces accords ont fait l'objet de longues négociations. Hormis une correction matérielle, la commission des finances ne les a pas modifiés.
Mme Lucette Michaux-Chevry. - Que de propos scandaleux : paradis fiscaux, blanchiment, flibustiers ? Ce sont de tels propos qui provoquent les incidents graves que l'on sait. Ils prouvent que vous ne connaissez pas l'outre-mer ! Pour construire le lycée de Saint-Barthélemy, quelles subventions de l'État ? Quel hôpital ? Il n'y a pas d'hôpital !
Qu'avez-vous fait de ces deux îles ? Vous avez laissé construire l'aéroport de Saint-Martin contre l'avis des élus locaux et avez refusé qu'ils siègent au conseil d'administration. Le port, vous l'avez laissé bâtir côté hollandais. Mais on nous a donné l'hôpital : il a joué le rôle de mère Teresa car les clandestins sont arrivés en masse. C'est la Guadeloupe qui versait à Saint-Martin 23 millions d'octroi de mer et le produit d'autres taxes, telle la taxe sur les fonds routiers.
Le moment est venu d'organiser une complémentarité entre les pays de la Caraïbe, subventionnés par le Feder, et les territoires français.
Je vous en conjure, cessez de considérer ces îles comme des assistés et des trafiquants : ce sont des Français, qui essaient de vivre comme les autres, au sein de la République !
M. Louis-Constant Fleming, auteur de la proposition. - Mis en cause par M. Foucaud, je précise que M. Tuheiava, sénateur de Polynésie française que j'avais sollicité, m'a répondu qu'il ne pouvait s'associer à une proposition de loi proposée par l'UMP.
M. Christian Cointat. - Étonnante virulence du groupe CRC-SPG, qui accuse ce texte de faire de Saint-Martin et Saint-Barthélemy des paradis fiscaux. Il ne s'agit pourtant que d'appliquer l'article 74 de la Constitution ! Il fallait éviter les doubles impositions. Pour les autres collectivités ultramarines, personne ne s'en est indigné ! Les accords s'inspirent du modèle OCDE et visent à prévenir la fraude et l'évasion fiscale. C'est un objectif constitutionnel qui découle de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme.
Une telle opposition ne peut découler que de la mauvaise foi ou, plus vraisemblablement, d'une méconnaissance du terrain. Le groupe UMP votera ce texte, essentiel pour la stabilité financière de Saint-Martin.
M. François Fortassin. - Flibustiers est sans doute un terme exagéré, mais si l'on met en place des accords contre la fraude fiscale, c'est qu'il doit y en avoir...
M. Christian Cointat. - On veut lutter contre elle, c'est logique.
M. François Fortassin. - Si vous estimez que tout est vertueux sur ces territoires, je vous laisse la responsabilité de vos propos.
Mme Nicole Bricq. - Je prends acte de la position de la commission des finances et de la déclaration du rapporteur affirmant qu'il y aura un contrôle fiscal digne de ce nom. Si l'on applique la RGPP au ministère du budget et dans les services de contrôle, rien ne se fera !
Le petit jeu de la mise en contradiction des groupes politiques pourrait s'appliquer à tout le monde. Je pourrais ainsi vous renvoyer aux propos des membres UMP de la commission des finances, à commencer par son rapporteur général.
Ne confondons pas DOM et collectivités à autonomie fiscale. J'ai simplement souligné que la défiscalisation attire des comportements sombres : l'État doit donc contrôler l'utilisation de cet outil fiscal, et pas seulement dans les collectivités d'outre-mer.
M. Thierry Foucaud. - M. Arthuis s'interrogeait sur la nécessité de maintenir la défiscalisation dans ces territoires, y voyant un gâchis. Il a même écrit que les parkings de Saint-Barthélemy étaient trop petits au regard du grand nombre de voitures défiscalisées. Nous ne sommes donc pas seuls à nous interroger.
Notre préoccupation est que le changement de statut et de régime fiscal profite seulement aux plus riches, dans une période de grandes difficultés économiques, financières et sociales : aucune aide sociale à l'enfance alors qu'elle concerne 40 % de la population et que 20 % des jeunes sont au chômage. Le paradis fiscal est pour certains, les plus aisés, il ne profite pas à tous.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin public de droit :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 213 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 107 |
Pour l'adoption | 189 |
Contre | 24 |
Le Sénat a adopté.
Prochaine séance demain, mardi 15 février 2011, à 9 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 15.
René-André Fabre,
Directeur
Direction des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mardi 15 février 2011
Séance publique
À 9 HEURES 30
1. Questions orales.
À 14 HEURES 30
2. Débat d'orientation sur les conclusions de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque.
À 18 HEURES 30 ET LE SOIR
3. Débat sur le schéma national des infrastructures de transport.