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Table des matières



Commissions (Démissions)

Ruralité (Question orale avec débat)

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Débat sur la désertification médicale

Organismes extraparlementaires (Nominations)




SÉANCE

du jeudi 13 janvier 2011

60e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Jean-Pierre Godefroy.

La séance est ouverte à 9 heures 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Commissions (Démissions)

M. le président.  - J'ai reçu avis de la démission de M. Jean-Paul Amoudry, comme membre de la commission de la culture et de celle de M. Pierre Fauchon comme membre de la commission des lois. Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Ruralité (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de M. Didier Guillaume à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur « La ruralité : une chance pour la cohésion et l'avenir des territoires ».

M. Didier Guillaume, auteur de la question.  - Le monde rural est au coeur de notre culture et de notre identité collective, de Balzac à Zola et de Monet à Van Gogh. Le Vercors et le Limousin rappellent son rôle dans la Résistance.

Pourtant, la République semble abandonner des millions de citoyens ruraux, privés des services publics de base. L'égalité territoriale est bafouée. La RGPP fait les dégâts que l'on connaît, avec sa logique comptable à court terme. Or, le monde rural n'est pas ringard, il a un formidable potentiel de développement. Il avance grâce aux femmes et aux hommes qui se battent pour un quotidien meilleur.

Quelle que soit la profession exercée à Guéret, à Valréas, à Auray, à Saint-Jean-Pied-de-Port, à Ribérac, infirmière, commerçant, patron de scierie, ouvrier d'élite, directeur de site chez LVMH, chirurgien, salarié d'un parc régional, les réalités de vie sont les mêmes. Le monde rural est un moteur du développement économique. Il n'est pas acceptable de considérer ses habitants comme des citoyens low cost. On ne peut laisser s'élargir la fracture numérique, grandir la désertification.

Nous voulons un aménagement du territoire équilibré. Nous devons agir pour construire la ruralité du XXIe siècle. L'urgence est au rétablissement des services de proximité, en commençant par la santé.

La loi HPST a failli. A Die, les urgences et la maternité sont menacées. Et je ne parle pas du sort fait aux hôpitaux de Valréas et de Nyons. En Ardèche, après la fermeture de la maternité de Saint-Agrève, les parturientes doivent parcourir plus de 60 kilomètres pour accoucher. En Bretagne, dans la Somme, à Figeac ou à Gisors des blocs opératoires ferment. Le doute pesant sur les hôpitaux de proximité décourage les soignants et les médecins de ville. L'hôpital est souvent le principal employeur de la commune : fermer celui de Buis-les-Baronnies, c'est la ruine du commerce local.

Après les hôpitaux, les écoles : quand elles ferment, l'État républicain s'effondre. Que penser lorsqu'un bureau de poste ferme ? Quand une gendarmerie disparaît ? Quand un tribunal n'est plus ?

Pour son développement, le monde rural a besoin d'infrastructures de transports, car l'inégalité de desserte maintient l'enclavement. Il importe de développer les liaisons autoroutières et ferroviaires. La liaison Grenoble-Sisteron doit être une priorité.

La révolution numérique offre une formidable opportunité pour réorienter l'économie vers le savoir et la connaissance. Le très haut débit est l'avenir ; les collectivités territoriales se sont massivement engagées. Pourtant le Gouvernement a supprimé la dotation de 25 millions destinée au programme « Écoles numériques rurales ». La fibre optique est une technologie décisive ; plutôt que de fermer une perception en zone rurale, développons le haut débit et le télétravail.

Aujourd'hui, aucune filière agricole n'est épargnée par la crise. Les revenus agricoles ont certes progressé de 60 % en 2010, mais ils avaient baissé de 50 % au total les années précédentes -ce qu'aucune autre profession n'aurait supporté. Nous approuvons certaines orientations de la loi de modernisation agricole, comme le renforcement de la contractualisation ou la création de l'Observatoire des prix et des marges, mais la régulation tant annoncée n'est pas au rendez-vous. Pour que l'agriculture française ait un avenir, il reste aussi à mieux protéger le foncier agricole, à favoriser l'installation des jeunes et à développer les circuits courts.

L'agriculture n'est pas le seul moteur économique du monde rural. Ne négligeons la diversité de celui-ci, les milliers de commerçants, d'artisans, d'entrepreneurs qui le font vivre. Mon département abrite les papeteries de Montségur, des sites de Lafuma, de SKF Aerospace, de Valrona, le clos d'Aguzon à Saint-Auban-sur-Ouvèze, Sanoflore à Gigors-et-Lozeron, Vanatome. De grandes entreprises sont implantées dans la Creuse ou dans les Pyrénées-Atlantiques... Et je n'oublie pas les entreprises de l'économie sociale et solidaire, à forte potentialité de main-d'oeuvre : l'aide à domicile est souvent le premier employeur du département, où il assure le bien social.

La ruralité est aussi synonyme de culture : Jazz in Marciac, Vieilles charrues à Carhaix, fêtes nocturnes de Grignan, festival du film fantastique de Gérardmer. Et puis, il y a le bouillonnement associatif soutenant le vivre-ensemble.

Que de potentialités économiques ! Les acteurs de la vie rurale comptent d'abord sur eux-mêmes ; mais ils demandent à ne pas être privés d'écoles, d'hôpitaux, de postes. Les zones rurales ont besoin de services de base, dans le cadre d'un équilibre avec le monde urbain.

L'État doit jouer un rôle central dans l'aménagement du territoire, mais la création du conseiller territorial est un bien mauvais signe. Il doit se réengager au côté des collectivités territoriales, accompagner la mutation du monde rural et lui garantir les fondamentaux d'un développement équilibré. C'est le sens de notre plaidoyer pour un « bouclier rural ». Ne pourrait-on créer des contrats ruraux de cohésion territoriale, garantissant l'accès de tous aux services publics de base ? Le Gouvernement est-il prêt à réinvestir la ruralité ? Va-t-il réduire la fracture territoriale ?

Parce que la ruralité incarne une nouvelle forme de modernité sociale et territoriale, parce qu'elle est porteuse de cohésion, j'ai confiance en elle ; elle est une chance pour la Nation tout entière ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Boyer.  - La France d'après-guerre comptait 40 millions d'habitants dont 80 % en zone rurale ; elle compte aujourd'hui 80 % d'urbains. Certaines zones rurales retrouvent pourtant leur attractivité. Il faut soutenir cette espérance et cet atout.

L'avenir des territoires ruraux passe par la diversification économique et d'abord par la valorisation des productions agricoles. Dans les années 1990, en Haute-Loire, 28 000 des 34 000 tonnes de viande produites étaient abattues sur place -3 500 tonnes aujourd'hui. Où sont les circuits courts ? Les exigences du Grenelle de l'environnement ? Les pôles d'excellence rurale ont des résultats positifs, mais le mille-feuille administratif freine les projets. Il faut simplifier les procédures.

La ruralité offre une qualité de vie confortant sa fonction résidentielle, ce qui expose les terres agricoles à un grand risque. Espérons que l'Observatoire de consommation des terres agricoles évitera le mitage qui peut se développer avec les maisons à 100 000 euros...

Chaque territoire a besoin d'une approche spécifique. Financièrement, les zones rurales sont asphyxiées, car les faibles ressources fiscales des communes sont absorbées par l'entretien de grands réseaux. Une commune de 200 habitants peut avoir à gérer 30 kilomètres de voirie... Les dotations de l'État doivent prendre en compte les hommes mais aussi le territoire. (Applaudissements au centre et sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Lozach.  - Toute recentralisation est préjudiciable à la ruralité, qui a besoin d'une relation de proximité. Or, la réforme territoriale et la RGPP créent de la distance, sans parler du redécoupage des cantons.

Nous fêterons bientôt le 140e anniversaire de la loi de 1871 instituant les conseils généraux. Cette échéance annonce-t-elle leur disparition, avec l'émergence des conseillers territoriaux ?

La logique comptable de la RGPP, les restructurations aveugles qui réduisent crédits et effectifs ne portent aucune vision d'une organisation territoriale équilibrée de la République. L'unique service de radiothérapie en Creuse vient d'être fermé, obligeant les patients à plus d'une heure de route pour consulter -alors que le cancer est la première cause de mortalité en France ! Le délitement des services publics affaiblit la République et ses valeurs tandis que la suppression de la taxe professionnelle coupe le lien entre l'entreprise et le territoire. Ces politiques sont mortifères pour la dignité des terroirs.

Loin du mépris pour la « France profonde », le monde rural, plus vivant et complexe que ce que l'on imagine, veut prendre en main son destin. Les conséquences sociales, humaines, environnementales de l'hyper concentration urbaine feront que la ruralité sera demain davantage désirée et sollicitée. C'est ce que nous devons préparer, avec des dérogations en faveur des services publics, une attention particulière aux PME qui y sont implantées, la réduction de la fracture numérique, un dispositif de ZRR mieux ajusté, la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale.

L'urgence impose d'aller au-delà des PER ; mais la baisse de 14 % des crédits d'intervention de la Datar ne manque pas d'inquiéter.

L'aménagement du territoire doit être une priorité nationale. Trop d'espaces interstitiels sont abandonnées au chacun pour soi : il nous faut une grande loi de développement territorial, instituant le « bouclier rural », rétablissant les services publics indispensables. La ruralité est riche de potentialités, d'attentes et d'espoirs. L'État et l'Europe doivent jouer toutes leurs cartes avec détermination ! (Applaudissements à gauche)

M. Robert Tropeano.  - La ruralité est souvent perçue comme un lieu de vacances ou de loisirs, une réserve foncière périphérique au service d'un aménagement non réfléchi, malgré le regain constaté depuis une dizaine d'années et l'arrivée de nouvelles populations.

La ruralité est une chance pour la France. Au-delà des agriculteurs, qui en demeurent le coeur battant, le tissu économique y est très divers. Les villes n'ont plus le monopole de l'innovation ni du dynamisme. Terre de culture, de convivialité et de confiance, la ruralité symbolise une meilleure qualité de vie. Elle permettra de relever les défis alimentaires et énergétiques de demain.

Qu'il s'agisse d'accès au numérique, aux soins ou à l'éducation, les inégalités aux dépens de la ruralité sont manifestes. Dans ces conditions, comment attirer de nouvelles familles ?

Le Président de la République a pris des engagements que nous approuvons, qui ont été contredits par les décisions et les arbitrages budgétaires. La RGPP dicte sa loi à la carte hospitalière, à la carte scolaire, à la carte judiciaire. Il faut aujourd'hui se battre pour conserver les services de proximité, alors qu'il faudrait les moderniser. L'accord signé en septembre dernier entre l'État et neuf opérateurs de services publics laisse sceptique ; la charte précédente, signée en 2006, n'a guère tenu ses promesses.

Le schéma national des infrastructures de transports ne rassure guère pour le désenclavement de certaines zones rurales. Sans très haut débit, impossible d'attirer un jeune médecin -mais certains territoires n'accèdent toujours pas au haut débit ! M. Maurey a proposé de l'inscrire dans le périmètre du service universel. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? Et comment appeler de ses voeux le développement des services à la personne quand on supprime les allégements de charges des structures qui viennent en aide aux plus fragiles ?

Les inquiétudes sont réelles, d'autant que le Gouvernement réduit les marges de manoeuvre des collectivités rurales, chaque jour sollicitées pour compenser le désengagement de l'État.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le logement et sur l'accompagnement à l'emploi.

Quand l'agriculture est en crise, toute la ruralité souffre. Vous n'êtes pas resté inactif, monsieur le ministre, bien que nous n'approuvions pas toutes vos initiatives.

Nous devons faire en sorte que les ruraux soient traités à l'égal des urbains. Comme M. Guillaume, je fais confiance à la ruralité, pourvu qu'on lui donne les moyens de son développement. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Le Cam.  - L'échec de la loi de 2005 donne tout son sens à cette question orale. Notre collègue Guillaume appelle à une prise de conscience des conséquences dramatiques de la réorientation des politiques publiques et de la fermeture des services publics. Il a raison.

La politique de cette majorité met de côté l'aménagement du territoire et l'égal accès aux services publics, la cohésion sociale et territoriale, ce qui est contraire au pacte républicain.

Les 36 000 communes de France ne sont pas un handicap, le maillage territorial n'est pas source de confusion et de lenteurs. La diversité est une grande richesse pour notre pays. Mais on dévitalise les départements, on somme les communes de se regrouper artificiellement. Avec les métropoles, on coupe le lien vital entre élus et administrés.

Certes, pôles de compétitivité ou d'excellence ont apporté de l'oxygène ici et là, mais sans vision, en créant un développement à deux vitesses. Désormais, les collectivités ne peuvent plus satisfaire les besoins des citoyens, puisque la suppression de la taxe professionnelle prive les communes de milliards d'euros de ressources ; dans le même temps, le gel des dotations empêche les collectivités de continuer à jouer leur rôle d'amortisseur social. Avec la fusion de cantons ruraux, les territoires ruraux feront les frais de votre prétendue rationalisation.

Appliquer la rigueur aux territoires est un non-sens, puisque même l'instruction du permis de construire devient parfois impossible faute de personnel de l'aveu même de certains préfets. On a pu mesurer les effets de la RGPP dans les services de l'équipement lors des récents épisodes neigeux.

Les assises des territoires ruraux ont démontré le fort besoin de services publics. Or, vous préférez le « service au public », soumis à l'exigence de rentabilité, jusque dans les hôpitaux. Le nouveau statut de La Poste, avec la fermeture de nombreux bureaux, conduit à des services au rabais ; le fret ferroviaire est délaissé au nom de l'impératif économique, mais au détriment des PME. Le schéma national des infrastructures inquiète, qui appelle une nouvelle fois au cofinancement des collectivités territoriales. Chaque année, les parlementaires doivent se battre pour sauver les crédits du Fisac. Comment accueillir les populations attirées par la ruralité si les services publics disparaissent ?

L'ambition du haut débit pour tous reste un objectif, sans parler du très haut débit, malgré le Grand Emprunt. La loi relative à la fracture numérique repose sur les collectivités territoriales. Il est temps de créer un grand service public des télécommunications financé par l'État, de même qu'un pôle financier public ! Il est temps de refonder les services publics et de les libérer des exigences de la rentabilité.

La Bretagne devrait connaître une augmentation de sa population de 24 % d'ici 2040. Comment faire pour réussir cette évolution ? Périurbaine, agricole ou paysagère, la France rurale mérite mieux que votre politique. Sachons agir au bon moment : dès maintenant ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Legendre.  - La ruralité est une chance pour la France : cette conviction fait l'unanimité dans mon groupe.

Président de la commission de la culture, j'aborderai essentiellement l'enseignement agricole, une filière d'excellence innovante qui ouvre désormais la porte à une grande variété de carrières dans des secteurs en développement. Il contribue de façon décisive à l'aménagement du territoire et à la dynamisation des zones rurales. Attachée à la réussite de tous les élèves, notre commission a pris des initiatives dans le cadre du budget pour 2011. Au printemps 2009, le Gouvernement a élaboré un plan doté de 50 puis de 67 millions d'euros destiné à l'équipement numérique des écoles rurales. Pour prolonger ce plan, la commission avait proposé un abondement supplémentaire de 25 millions, que le Sénat avait approuvé. Hélas ! Les députés ne nous ont pas entendus, (on ironise à gauche) la CMP non plus. Si bien que le plan école numérique rurale ne progressera pas. Il est vrai que les dépenses des écoles sont à la charge des communes, mais celles-ci ne peuvent les assumer. L'État serait dans son rôle en garantissant l'équité territoriale. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Le défi des nouvelles technologies est exceptionnel ; il appelle des moyens exceptionnels. (Applaudissements)

M. Hervé Maurey.  - Je remercie M. Guillaume d'avoir pris cette initiative. J'insisterai pour ma part sur l'importance de la couverture numérique pour le développement des territoires ruraux, car la situation n'est pas aussi positive que ce que disent les opérateurs : selon l'Arcep, 52 % des ruraux s'estiment mal desservis ! On nous dit que 90 % de la population est couverte. Oui, mais on considère que toute la population est couverte dès lors qu'un point de la commune l'est !

M. René-Pierre Signé.  - Exact !

M. Hervé Maurey.  - Pas de semaine sans que nous ne soyons sollicités par des élus sur la non-couverture numérique à haut débit. L'opérateur invoque la couverture satellitaire, mais dans quelles conditions ? Les opérateurs se précipitent vers les zones rentables, au détriment des zones rurales. L'attribution des fréquences devrait être fonction de l'aménagement du territoire mais il semble, à en croire Les Echos, que le Gouvernement soit moins exigeant pour tirer un meilleur prix de leur vente.

L'État laisse la bride sur le cou des opérateurs, pourvu qu'ils payent des taxes. Il faudrait se préoccuper moins de rentabilité immédiate, davantage d'effectivité de la couverture. Le haut débit devrait être inclus dans le service universel. Le Fonds d'aménagement du territoire doit être abondé, pour le très haut débit.

Le modèle de déploiement choisi doit être revu, l'existence même des territoires ruraux est en jeu. (Applaudissements)

M. Claude Bérit-Débat.  - Une vraie désertification rurale menace notre pays, bien qu'elle n'ait rien de fatal. Ce débat intervient dans le contexte délicat créé par le big bang fiscal et institutionnel, entre suppression de la taxe professionnelle et création du conseiller territorial.

La ruralité attire pourtant, mais les nouveaux ruraux ont des exigences urbaines en termes de services.

Or, au nom de la RGPP, les services publics sont fermés. L'État doit prendre la mesure du problème et se tourner vraiment vers nos territoires pour les services à la personne, le haut débit, les transports.

Mon intercommunalité est intervenue pour améliorer la couverture à haut débit, pour faciliter les transports de personnes ; nous avons créé un institut du goût, une pépinière d'entreprises. Hélas, les moyens financiers sont réduits par la politique actuelle. Si ça continue ainsi, le développement de nos territoires sera compromis. Ce serait un gâchis. Je me bats pour l'éviter car je crois que la ruralité est une chance pour notre pays. (Applaudissements)

M. Bernard Fournier.  - Je suis très heureux de participer à ce débat. J'habite un territoire rural, de montagne, auquel je suis attaché car j'y ai mes racines. La croissance rurale actuelle met fin à un exode engagé au XIXe siècle. Beaucoup viennent s'installer à la campagne, grâce à l'amélioration des transports. Je le vois dans le Massif central, même si l'A45 ne progresse pas aussi vite que souhaité. Grâce à notre désenclavement, les entreprises trouvent dans nos communes un lieu favorable à leur installation.

Je rends hommage à l'action du Gouvernement pour le haut débit, pour la TNT. Nous devons répondre aux demandes essentielles des habitants. Comme l'a dit le Président de la République, la responsabilité de l'État, c'est d'assurer partout un accès aux services essentiels à la population.

Faut-il vraiment conserver partout des bureaux de poste ? Les « points-poste » donnent satisfaction et des distributeurs de billets seront installés dans les bourgs centres qui en sont dépourvus. Les pôles d'excellence rurale sont une réussite ; l'école numérique est un formidable succès.

En revanche la désertification médicale est un problème grave. La situation se dégrade. Puissent les mesures prises par le Gouvernement rencontrer rapidement le succès ! Je sais le Président de la République sensible à cette question. Quelles décisions le Gouvernement prendra-t-il dans les prochains mois ?

Les agriculteurs ont beaucoup souffert des récentes crises. Ils sont l'âme de notre territoire, dont ils ont sculpté le visage. Pour les défendre, nous devons tous être mobilisés.

Président des communes rurales de la Loire, je salue l'attachement des maires à la ruralité et leur actions pour nos territoires.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ma présence saugrenue pour une minute résulte de la seule logique bureaucratique qui interdit de répondre au ministre si l'on n'est pas intervenu dans la discussion générale. C'est fait !

M. le président.  - Je vous félicite pour le respect de votre temps de parole ! (Rires)

M. Rémy Pointereau.  - Pour en finir avec les clichés, je dirai que le monde rural connaît un nouveau souffle : ruralité n'est plus synonyme de déclin et de désertification. Le Gouvernement ne déserte pas les zones rurales !

Bien sûr, tout n'est pas parfait, mais tout est perfectible. Les assises des territoires ruraux ont mis en lumière leurs atouts. Il s'agit d'abord de préciser les objectifs de l'action publique. L'avenir des territoires ruraux n'appelle pas seulement des mesures nouvelles ; il faut déjà tirer le maximum des dispositifs existants, comme les pôles d'excellence rurale. L'État y a laissé l'initiative aux acteurs locaux, qui ont répondu inégalement selon les endroits. J'avais fait vingt propositions ; deux n'ont pas encore été retenues, que je renouvelle : l'aide à l'ingénierie et la ligne budgétaire spécifique.

Les exonérations apportent une indispensable stimulation ; elles ne doivent pas faire l'objet de modifications brutales.

J'insiste à mon tour sur le haut débit, ainsi que sur la désertification médicale -effet du numerus clausus instauré au cours des années 80.

Les agences postales peuvent répondre mieux aux besoins que ne le feraient les bureaux de poste fermant à 16 heures.

La petite hôtellerie devrait être éligible au Fisac.

L'agriculture structure nos territoires et façonne nos paysages. Pour les éleveurs, la crise dure depuis une décennie. Monsieur le ministre, votre engagement et l'élargissement de vos compétences vous donnent les moyens de la cohérence.

Ce n'est pas la quantité financière qui compte, mais la qualité et l'efficacité des mesures. Celles-ci doivent être des outils au service des élus à qui il revient de mettre les mains dans le cambouis.

La ruralité est vivante. Avec Bernard Fournier et Joël Billard, un spécialiste de la ruralité, nous aussi nous voulons de la cohésion sur nos territoires. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Michel Teston.  - Les territoires ruraux ont été fragilisés par la disparition de nombreuses activités économiques et par l'exode. Ils exercent désormais une forte attractivité sur nombre de concitoyens, alors que les services publics délaissent de plus en plus l'espace rural. L'heure devrait plutôt être au réengagement de l'État.

En 2003, la Datar a identifié huit aires géographiques à désenclaver. Il s'agissait entre autres du sud de l'Ardèche, délaissée par le fer. Une reconnaissance du caractère d'intérêt général de la desserte par le fret ferroviaire s'impose.

S'agissant du haut débit, on ne peut en rester au bon vouloir des opérateurs, qui écrèment le marché. Le service universel ne devrait pas être réservé au téléphone fixe. L'État est-il prêt à organiser une vraie péréquation pour rendre possible une généralisation du téléphone mobile, de la TNT, du haut et du très haut débit ?

Vous avez dit à Agen, monsieur le ministre, que la ruralité représentait la modernité. Faites en sorte que cela ne reste pas une belle parole ! (Applaudissements à gauche)

M. Joël Billard.  - Je ne suis pas plus spécialiste que vous tous, même si j'ai eu l'honneur de remettre un rapport au Président de la République.

Depuis une décennie, la ruralité bénéficie d'un essor démographique, en particulier dans les secteurs périurbains. La France rurale de 23 millions de Français voudrait être mieux reconnue. Les trois quarts des Français rêvent de vivre à la campagne et 90 % des urbains considèrent les zones rurales comme un territoire de développement.

M. René-Pierre Signé.  - Mais ils n'y viennent pas.

M. Rémy Pointereau.  - Ils ne viennent pas dans la Nièvre !

M. Joël Billard.  - Les zones urbaines ont des ressources plus importantes que les rurales, avec la fiscalité des entreprises.

La scolarisation d'un enfant rural coûte 1 200 euros, alors que la fiscalité directe de ma commune n'atteint que 800...

Nos communes manquent d'ingénierie ; ne pourrions-nous bénéficier de l'aide des services déconcentrés de l'État ?

M. Claude Bérit-Débat.  - Il n'y en a plus !

M. Joël Billard.  - Qu'à tout le moins ils adoptent une attitude moins tatillonne. Dans ma communauté de communes, de 12 000 habitants, des crédits de travaux sont bloqués à concurrence de 20 millions d'euros.

Un médiateur rural pourrait faire le lien entre les administrations et les élus. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - M. Guillaume a raison de poser cette question. La date est bien choisie, après la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités locales, conclue comme on sait -la majorité devra assumer les conséquences de son vote ! Le problème de fond reste entier.

La Haute-Garonne est atypique : le Grand Toulouse mobilise la moitié des habitants ; pourtant les zones rurales ne sont pas sinistrées, grâce à l'action du conseil général qui ne veut pas se laisser aller à la fatalité qui transformerait les communes périphériques en cités dortoirs.

Il n'y a pas de Haut-Garonnais à deux vitesses !

Hélas, jour après jour, notre RGPP supprime inexorablement les services publics de proximité. Ils sont, dites-vous, joignables par internet. Certes, mais va-t-on généraliser la télémédecine ? Et quid du lien social, auquel la ruralité est très attachée ?

Voici donc deux lignes politiques opposées, entre cette RGPP et l'action du conseil général, qui valorise la sous-préfecture de Saint-Gaudens, dont le Gouvernement supprime le tribunal où l'on rendait la justice depuis la Révolution.

Le conseiller territorial, élu hybride qui, à force d'être partout, ne sera plus nulle part, représentera des cantons agrandis, au point que la ruralité y sera diluée. Le Gouvernement tente de casser une dynamique locale qui a fait ses preuves. Les élus locaux croient à l'avenir de leur territoire, parce qu'ils en connaissent les atouts et les potentialités. Avec la suppression de la taxe professionnelle et la création du conseiller territorial, la majorité se disqualifie auprès des élus locaux, qui voient les écarts entre les promesses et les faits.

M. le ministre va peut-être nous surprendre en bien, mais je compte plutôt sur une autre majorité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. René-Pierre Signé.  - La France est le premier pays rural d'Europe, par le nombre des communes et des habitants ; le mélange entre identité nationale et culture régionale a sans doute contribué à son rayonnement dans le monde. La ruralité est menacée par la politique actuelle ; la directive Services en créant un véritable marché des services, qui les fragilise, va contre la ruralité, dont la défense devrait être une grande cause nationale.

Le milieu rural ne se réduit pas à l'agriculture, il s'est métissé par l'apport de nouveaux habitants. La culture doit promouvoir le vivre-ensemble et la richesse. Le milieu rural est à l'origine non d'une contre-culture, mais d'une autre culture ; il apporte une offre complémentaire nourrie par les échanges. Car il plonge sa réalité dans une géographie modelée par une longue histoire. Cette culture rurale néo mondialisée peut apporter une modernité intéressante.

Modernité culturelle et économique sont liées. La ruralité a conservé des activités culturelles fortes et rénovées, fondées sur l'engagement des citoyens. Son développement passe par celui de l'éducation populaire. Un « bouclier rural » assurerait un égal accès de tous entre autres à la culture.

Les difficultés des zones urbaines font apprécier la qualité de la vie campagnarde, une sérénité que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.  - Merci, monsieur Guillaume, pour votre question essentielle. Je répète ce que j'ai dit à Agen : la ruralité est l'avenir de la France. Et puisque vous m'avez invité en Haute Garonne, je vous invite dans l'Eure ...

M. René-Pierre Signé.  - Vous pourriez inviter tous les intervenants ! (Sourires)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Elle fait partie de notre histoire, elle est une évolution naturelle de notre pays. Entre 2001 et 2006, la population rurale a progressé de 300 000 habitants grâce aux flux migratoires. Il faut prendre en compte cette attirance. Certes, ces nouveaux ruraux voudraient à la fois le beurre, l'argent du beurre et la crémière pour dire les choses comme elles sont : la sérénité campagnarde avec le métro au pied de la résidence. (Approbations à droite)

Il ne faut pas opposer l'économie productive à l'économie résidentielle. Il n'y a pas d'opposition entre le maintien de l'emploi de la chocolaterie Cluizel à Damville dans l'Eure et le développement de services pour les nouveaux résidents.

La première priorité est l'accès aux soins. Il est inacceptable que le Parisien ait un rendez-vous chez le dentiste dans la semaine, alors qu'il faut six mois pour l'habitant de l'Eure. Il est inacceptable qu'il y ait deux fois moins de médecins dans l'Eure que dans les Bouches-du-Rhône.

M. René-Pierre Signé.  - Supprimons le paiement à l'acte !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Les agences régionales de santé sont présidées par les préfets de région ; je demanderai à ceux-ci d'être très attentifs à la dimension d'aménagement du territoire.

Les maisons de santé pluridisciplinaires peuvent répondre aussi aux attentes des médecins en sachant que la profession se féminise. Nous n'avons plus le médecin prêt à être dérangé à n'importe quelle heure de la nuit.

Il faudra donc coordonner l'action entre ARS et pôles d'excellence rurale pour éviter les doublons. Nous allons mettre en place des mesures incitatives pour attirer les jeunes médecins en milieu rural.

M. René-Pierre Signé.  - Cela ne marche pas, il faut une contrainte.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je crois profondément que la santé est au coeur du pacte républicain ; il est urgent de rééquilibrer l'accès aux soins dans les territoires. Un bilan doit être tiré à la fin de l'année afin de voir si ces mesures ont permis de faire bouger les lignes.

La deuxième priorité des territoires ruraux concerne les nouvelles technologies, indispensables à leur développement économique et social. M. Maurey a fait un excellent travail sur le sujet. Pour réussir le câblage de tout le territoire à l'horizon 2025, nous avons l'essentiel : la volonté politique, exprimée par le Président de la République, et les moyens financiers. Deux fonds ont été créés à cet effet. Il reste à les doter de façon pérenne au cours des mois à venir. Ce sera le premier chantier pour 2011.

Au demeurant, 1,75 milliard d'euros du grand emprunt sont consacrés à cet objectif. J'ai chargé le délégué à l'aménagement du territoire d'étudier les suggestions de M. Maurey.

Évidemment, nous devons employer au mieux les fonds européens, en commençant par le Feader.

Tous les opérateurs doivent jouer le jeu. Mon premier sentiment n'est pas que tel soit le cas. (Marques d'approbation) Je leur rappellerai la volonté forte du Gouvernement à cet égard.

La troisième priorité du monde rural concerne les services publics. Ne laissons pas nos concitoyens croire à une vision datée, fondée sur l'illusion d'une présence systématique d'antennes locales ! En 1950, la dépense publique représentait 28 % du PIB ; le chiffre atteignait 56 % au début des années 2000. Nous n'avons plus les moyens de persévérer sur cette voie. Il faut donc trouver d'autres outils.

Le service en ligne se développe, sans qu'il soit question de faire disparaître toute présence humaine, monsieur Mirassou. Une borne internet ne remplacera jamais une présence humaine.

M. René-Pierre Signé.  - C'est ce qui arrive partout !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il faut trouver le bon équilibre entre présence humaine et desserte numérique.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Equilibrer, c'est la solution.

M. René-Pierre Signé.  - C'est pourtant le contraire de ce qui est fait.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - M. Chatel a engagé la numérisation de salles de classe. Les tableaux interactifs sont remarquables !

Nous pouvons réfléchir à des appels à projets en 2011, ou à des accords avec l'AMF. Ne baissons pas les bras !

Grâce à M. Mercier, nous disposons d'un cadre juridique permettant de mutualiser les services publics. C'est le sens de l'accord national signé en septembre 2010 entre l'Etat et les grands opérateurs de services publics (EDF, GDF, La Poste, SNCF, Pôle emploi, l'Assurance maladie...) afin d'accroître l'offre de services dans des lieux d'accueil uniques. Le dispositif est à l'essai dans 23 départements. Les premières conventions locales seront signées en février ; elles seront finalisées en mai avant de généraliser éventuellement le dispositif à l'ensemble des départements.

M. René-Pierre Signé.  - À la charge des communes !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le manque de distributeurs de billets en milieu rural ne facilite pas la vie quotidienne. Nous allons les multiplier.

Sur la proposition de M. Arthuis, nous allons développer les maisons d'assistance maternelle.

La quatrième priorité concerne la création d'emplois, pour ne pas transformer les territoires ruraux en simples zones dortoirs : un actif sur quatre vit en territoire rural, mais un sur cinq y travaille.

Merci, monsieur Pointereau, pour vos recommandations portant sur les pôles d'excellence rurale. Le premier appel à projet a permis d'en créer 114 ; le second appel à rencontré un succès encore plus grand avec 460 projets ! Bien sûr, nous ne pourrons les accepter tous ; les choix seront faits au cours du premier trimestre 2011. Trancher sera difficile, car il n'y a pas de mauvais dossier. Ainsi, les régions Champagne-Ardennes et Picardie sont devenues une référence mondiale pour la chimie verte.

Nous affectons 1,5 milliard d'euros à la seconde phase de ces pôles.

Les groupes d'entreprises complètent ces pôles. Nous les soutiendrons au cours des années à venir.

MM. Guillaume et Signé ont abordé la dimension culturelle. Pour soutenir cette activité, j'ai proposé une action conjointe à M. Mitterrand.

J'en viens à l'activité commerciale et artisanale : le taux d'intervention du Fisac sera porté à 40 % en ZRR. Dans ces mêmes zones, l'exonération fiscale sera étendue à la transmission d'entreprises.

M. Pointereau et certains d'entre vous ont abordé la révision du zonage ZRR. Je propose d'associer les représentants des collectivités rurales à ce travail, très délicat.

Bien sûr, je m'en voudrais de ne pas conclure sur l'agriculture. A l'évidence, il n'y a pas de territoire rural sans agriculture forte. En ce domaine, notre action commence à porter ses fruits malgré les difficultés rencontrées par l'élevage bovin, une activité que nous défendons partout sur le territoire. Dans les autres filières, les choses s'améliorent considérablement : le prix de la tonne de lait a augmenté de 70 euros en un an, et la France est redevenue le premier producteur mondial de vin... (Exclamations de satisfaction sur de nombreux bancs)

Mon objectif n'est pas d'obtenir une agriculture très intensive sur 15 % du territoire, mais une agriculture raisonnée, présente partout.

Certains États de l'Union européenne prétendent que la PAC serait dépassée ; je leur dis : pensez à la crise de la dioxine en Allemagne, aux scandales sanitaires dans le monde, aux émeutes de la faim, à la situation de ces pays suspendus aux exportations sud-américaines. Renoncer à l'agriculture serait une folie, renoncer à notre modèle de sécurité sanitaire serait une folie !

Je me battrai matin, midi et soir pour une agriculture forte dans les territoires ruraux ! (Applaudissements et « Bravo ! » à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vos efforts pour nous réconforter nous sont allés droit au coeur, mais les ruraux sont en droit d'attendre autre chose que des motifs d'espérer. Je crains que l'essentiel ait été oublié : notre système est spontanément ruralicide. Les élus locaux ne cessent de combattre les effets négatifs de dispositions positives, mais dangereuses pour le monde rural. Tel est le cas de la TNT, cette incontestable modernisation dont la mise en oeuvre pénalisera les territoires ruraux. Il a déjà été question du haut débit. M. Legendre a rappelé que son amendement était passé à la trappe en CMP.

S'agissant des services publics, vous avez fermé la porte à toute discussion pour l'Etat : pas un sou de plus, circulez, il n'y a rien à voir ! Mais pour les services d'intérêt général, vous n'avez apporté aucune réponse ; pourquoi ne pas s'inspirer de la solution retenue pour La Poste : financer le surcoût que représente une présence non rentable. Il est indispensable d'assurer une péréquation au profit de structures ne réussissant pas à équilibrer leurs comptes au plan local. Sans cela, on pourra espérer ou désespérer, non pas avancer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Guillaume, auteur de la question.  - Loin de moi l'idée d'opposer quartiers urbains et territoires ruraux ! La ruralité souffre, mais ses acteurs continuent à se battre pour développer un territoire qu'ils aiment. Nous partageons tous ce constat. Je rends hommage aux acteurs du monde rural, des gens formidables !

Monsieur le ministre, la borne internet ne remplace pas le personnel dans la plupart des administrations, car il n'y a plus de personnel.

Vous avez fait un excellent discours, monsieur le ministre, mais il est temps de mettre les décisions en actes : les ruraux ne se contentent plus de grandes déclarations d'amour et de bouquets de fleurs, ils veulent des preuves d'amour !

L'État doit donc être concrètement présent, avec des normes d'implantation en phase avec la réalité : les normes, aujourd'hui, ne correspondent plus à la réalité rurale ! Il faut les changer, pour ne plus fermer une école faute de quelques élèves ou une maternité faute de quelques naissances.

Le Parisien du 8 décembre titre « Cap sur la province » : cela prouve bien la volonté de nos concitoyens de se réapproprier l'espace rural. Nous ne voulons pas en faire une réserve d'Indiens, mais un lieu de vie et de création ; malheureusement aujourd'hui, les collectivités locales sont un peu seules à aider les acteurs privés. Nous attendons une accélération de l'action de l'État en zone rurale ! (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à midi.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 14 heures 30.

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir désigner les sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.

La commission de la culture propose la candidature de M. Ambroise Dupont pour siéger en qualité de membre titulaire et de M. Ivan Renar pour siéger en qualité de membre suppléant au sein du Haut conseil des musées de France, ainsi que celle de M. Philippe Nachbar pour siéger en qualité de membre suppléant au sein de la Commission du fonds national pour l'archéologie préventive.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Débat sur la désertification médicale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la désertification médicale.

M. Bernard Vera, au nom du groupe CRC-SPG.  - Il n'est ni anodin ni sans conséquence que le Sénat discute de la médecine de proximité. L'accès à celle-ci à un tarif opposable doit être garanti pour tous. Le Sénat a toute légitimité pour aborder de front ce sujet.

En juin dernier, Mme Bachelot-Narquin a suspendu deux des mesures, d'ailleurs peu efficaces à nos yeux, de la loi HPST, les contrats de santé solidaire et la déclaration d'absence. Cette suspension de décisions prises par le Parlement annonce probablement leur abandon...

Le rapport de Mme Hubert a montré l'urgence d'agir : on est passé de 275 généralistes pour 100 000 habitants en 1985 à 340 en 2005 mais on reviendra sans doute à 283 à l'horizon 2025, malgré les évolutions démographiques, la souffrance au travail, les besoins nouveaux. Mais le problème n'est pas principalement démographique -il n'y a jamais eu autant de médecins. Il s'explique avant tout par l'inégale répartition géographique des praticiens.

L'accès de tous à des soins de proximité est loin d'être assuré : 10 % des Français peinent déjà à trouver un généraliste près de chez eux, et même 34 % parmi ceux qui cherchent un professionnel de santé qui ne pratique pas les dépassements d'honoraires. Certaines régions sont sous-dotées quand d'autres le sont trop. La région Paca a deux fois plus de médecins par habitant que la région Nord-Pas-de-Calais. Même là-bas, les disparités sont grandes entre la côte méditerranéenne et l'arrière-pays. Il y a sept fois moins de généralistes par habitant en Seine-Saint-Denis qu'à Paris ! La raison en est le manque de régulation.

La liberté d'installation conduit à des conditions inacceptables d'accès aux soins. Les mesures que vous proposez depuis dix ans ont fait la preuve de leur inefficacité ; vos incitations sont si peu adéquates qu'on peut parler d'irresponsabilité. On arrive même dans certains cas à une baisse de la densité médicale malgré une incitation financière importante -25 000 à 28 000 par praticien ! L'attribution de bourses régionales n'est pas plus efficace. Comment inciter les médecins à s'installer dans des territoires désertés par l'État, où les services publics disparaissent ?

M. Jacques Blanc.  - L'art du dogmatisme !

M. Bernard Vera.  - En quoi ?

Il faudra trouver les réponses structurelles permettant d'éviter la généralisation des déserts médicaux ; on pourrait s'inspirer des dispositions prises pour d'autres professions de santé, pharmaciens ou infirmières, rendre opposables les Sros, redonner à la médecine de premier secours ses lettres de noblesse.

Aujourd'hui l'enseignement de la médecine générale est au milieu du gué, avec un enseignement insuffisamment développé. Pour revaloriser la médecine générale, il faut d'abord que la filière universitaire bénéficie des moyens, notamment des enseignants, et de la formation dont elle a besoin. Il n'est pas acceptable de s'en tenir à une logique étroitement comptable, en ne créant des postes qu'en en supprimant dans d'autres filières. Des stages en second cycle pourraient faire découvrir aux étudiants la réalité d'une médecine ambulatoire différente du modèle hospitalo-universitaire. La quatrième année de spécialisation devrait être pérennisée. Il faut aussi lever les obstacles à l'accueil des stagiaires en cabinet.

Comme le préconise Mme Hubert, il faut prendre en compte les appétences des étudiants et des jeunes médecins, de plus en plus nombreux à redouter l'isolement professionnel. L'exercice en mode regroupé et la pluridisciplinarité sont utiles aux patients comme aux professionnels. Ils supposent que l'on prenne du temps pour l'échange et la prévention, ce que le paiement à l'acte ne peut assurer. Il faut donc instituer en complément une rémunération forfaitaire. En contrepartie, les praticiens la percevant doivent appliquer les tarifs opposables.

De plus en plus de jeunes diplômés s'orientent vers la médecine salariée, plus conforme à leurs valeurs. Les centres de santé municipaux, mutualistes ou associatifs sont un mode d'exercice à favoriser le plus possible ; ils doivent donc bénéficier des financements nécessaires. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Notre système de santé présentait naguère tous les avantages résumés en ceci : une socialisation quasi intégrale du coût des choix individuels, tant des médecins que des patients. Un système libéral financé par l'argent public, sans aucune obligation, que rêver de mieux ?

Mais il s'est mis à dysfonctionner. Le diagnostic est connu : la présence médicale est très inégale selon les endroits, y compris entre deux parties d'une même ville. Même dans le Var, les choses ne sont pas aisées. Allez donc trouver un médecin après les heures de bureau dans tel canton de 5 000 habitants ! On estime à 2,6 millions le nombre de Français qui rencontrent des difficultés d'accès aux soins, alors qu'il n'y a jamais eu autant de médecins en France et que le nombre d'actes ne cesse d'augmenter...

Pourquoi des diplômés, issus de milieux urbains aisés, iraient-ils s'imposer dans les communes rurales des obligations qui n'existent pas en ville s'ils peuvent faire autrement ? Mme Bachelot, que j'avais interrogée là-dessus, a repoussé mes suggestions avec un argument surprenant : quand la puissance publique et le contribuable financent les maisons médicales et les centres de santé ou règlent les cotisations sociales des médecins, pouvons-nous encore parler de médecine libérale ? Elle a ajouté qu'en vertu d'un principe irréfragable, celui qui paie commande. Encore faut-il en tirer les conséquences.

Elle a conclu en disant que mes suggestions aboutiraient à établir un système peu ou prou étatisé ! (On approuve sur les bancs socialistes) Toute mesure sérieuse étant politiquement impossible, on s'en tient à quelques granules homéopathiques. Puisque l'on est dans des déserts, faisons appel à des ONG ! (Sourires et applaudissements à gauche)

M. Robert Tropeano.  - Longtemps présenté comme le meilleur du monde, notre système de santé affronte une fracture sanitaire. Le désert médical gagne du terrain dans nos campagnes. Ce n'est pas le nombre total de médecins qui est en cause, mais leur répartition. Il est clair qu'on ne fera jamais venir un jeune médecin dans une commune privée de tout service public. Les récentes restructurations hospitalières ont démotivé nombre de jeunes praticiens. Les jeunes diplômés rejettent l'image traditionnelle du médecin corvéable à toute heure, affrontant la solitude et les contraintes des gardes. Ils ne sont plus qu'un sur dix à choisir d'exercer en libéral...

On ne peut plus se contenter d'incitations et de promesses. Les mesures de la loi HPST n'ont pas porté leurs fruits. Et la pénurie de médecins va s'aggraver avec leur vieillissement. Dans l'Hérault, 60 % d'entre eux ont plus de 60 ans.

Mme Hubert propose un ensemble de mesures. Certaines sont intéressantes, comme l'exercice regroupé, une rémunération incitative pour l'exercice en zone sous-dense, le développement de la télémédecine. Le Gouvernement s'est engagé sur un objectif de 250 maisons de santé pluridisciplinaires ; encore faut-il que l'État finance sa part. Il est temps de décider et d'agir : les fruits ne se récoltent pas à court terme.

Nous sommes nombreux à mettre en doute l'efficacité des simples incitations.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Robert Tropeano.  - C'est les plus modestes que l'on va inciter à s'installer dans les zones rurales -les plus aisés n'ont pas besoin de bourse. Les contrats de santé solidaire sont un leurre.

Comment redonner aux étudiants le goût du métier de généraliste ? Nos concitoyens sont inquiets et se demandent comment ils pourront être soignés en milieu rural.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - À l'occasion de la loi HPST, le Gouvernement a montré son incapacité à proposer des solutions. Celles que met en avant Mme Hubert ne sont guère plus convaincantes.

La majorité s'exclame lorsqu'il est question de mesures contraignantes. M. Vasselle est allé jusqu'à parler d'inconstitutionnalité... Le principe de la liberté d'installation reste un tabou pour la majorité, sauf pour certains de ses membres.

M. Hervé Maurey.  - Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'Allemagne fédérale est revenue sur le principe de la libre installation dans les années 1990 et a réussi à inverser la tendance de la désertification.

Le Gouvernement a fait mine d'agir, puis semble être revenu à sa position initiale : ne rien faire, pour ne pas indisposer le corps médical. Il est vrai que ce qui était proposé était un peu curieux : comment a-t-on pu imaginer d'amener les médecins des zones sur-denses à assurer ponctuellement des consultations dans les zones sous-denses ?

Il y aurait pourtant des solutions à un problème qui va s'aggraver encore : plutôt que de tenter en vain d'attirer les médecins dans les zones sous-dotées, il faudrait les dissuader de s'installer dans les zones sur-dotées. L'installation serait soumise à l'autorisation des ARS.

M. Jacques Blanc.  - Surtout pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le conventionnement pourrait aussi être refusé dans ces zones, ou retiré si le généraliste n'exerce pas dans cette spécialité. Paris est sur-doté, mais la moitié des généralistes et les deux tiers des spécialistes sont en secteur 2, si bien que les plus modestes font la queue aux urgences des hôpitaux ! Il y a beaucoup à dire sur la liberté d'installation quand la sécurité sociale finance !

On pourrait, comme l'a proposé M. Maurey, imposer aux jeunes médecins de s'installer pour une durée déterminée dans des zones sous-dotées. L'Académie de médecine va dans le même sens, et ce n'est pas un repère de révolutionnaires ! La formation d'un médecin coûte 200 000 euros à la société, une telle contrainte n'aurait rien d'incongru -voir les grandes écoles. Il faudrait aussi favoriser l'accès aux études médicales des jeunes de catégorie sociale modeste : un financement par l'État aurait pour contrepartie une obligation de service dans une zone sous-dotée.

Il est en outre nécessaire de fixer des règles d'accessibilité aux soins de premier recours. Le temps d'accès à un professionnel de santé doit s'évaluer à la fois en distance, en temps de trajet et en temps d'attente, tandis que le tarif opposable doit redevenir la norme. Le Gouvernement doit faire preuve d'ouverture et de pragmatisme : il est urgent d'agir. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jacques Blanc.  - Je me réjouis que le groupe CRC ait voulu ce débat. L'ordre du jour de cette première semaine de 2011 témoigne bien de la mobilisation sénatoriale pour nos territoires. Nous avons la chance qu'un des nôtres, l'éminent sénateur Fourcade, soit chargé d'évaluer la loi HPST.

Du temps de M. Douste-Blazy, un rapport avait déjà sonné l'alarme et insisté sur la nécessité de réévaluer le numerus clausus. Quand on apprécie le nombre de médecins formés, il faut examiner leur affectation véritable. À l'hôpital de Mende, il faut dix-neuf médecins pour assurer les urgences. Pourquoi ? À cause des 35 heures... Ne tombez pas dans le piège, madame la ministre, de ceux qui disent que le nombre de médecins est suffisant. Non, on ne forme pas assez de médecins ! Trop d'excellents médecins potentiels sont écartés par un concours dénué de toute dimension humaniste.

Il faut faire confiance aux professionnels, en adoptant des mesures incitatives.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Qui ne marchent pas !

M. Jacques Blanc.  - Mais si ! Regardez l'exemple de la Lozère : les contrats d'engagement portent leurs fruits, même s'ils prennent du temps. Les stages -hébergés et rémunérés- constituent aussi de bonnes incitations. Des incitations financières ont été inscrites dans la loi rurale.

Mme Nathalie Goulet.  - Ça ne marche pas !

M. Jacques Blanc.  - Laissez-leur le temps de produire leurs effets ! Voyez les exemples britannique et américain : Le système français de liberté est le meilleur !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Jusqu'à maintenant !

M. Jacques Blanc.  - Rien n'est pire que la contrainte ! Notre espace rural mérite mieux ! La loi n'a que deux ans, les mesures incitatives seront efficaces. M. Fourcade en fera le bilan.

Je vous demande, madame le ministre, de faire sauter le blocage du numerus clausus, de favoriser les remplacements. Les médecins en font pendant dix ans ; fixons-les dans les zones de désertification.

Les maisons de santé pluridisciplinaires apportent une excellente réponse. Quand j'exerçais, en Lozère, j'ai vu ce que c'était que de travailler 24 heures, de se lever la nuit pour partir seul sur les routes ! Aujourd'hui, c'est fini ! Il y aura une maison de santé dans ma commune de La Canourgue, avec des infirmiers, des kinés, d'autres professionnels de santé. C'est un bon moyen de faire tomber les blocages tout en restant en médecine libérale.

Une des causes de la désertification médicale, c'est l'angoisse du médecin. Poser seul un diagnostic, faire un acte thérapeutique en urgence, c'est terriblement anxiogène. La structure pluridisciplinaire peut être une solution, libérer le médecin de cette angoisse qui peut être si terrible.

L'exercice libéral est une condition de la qualité des soins. Ne tombez pas dans les pièges idéologiques, madame le ministre. Quand on fait le tour du monde, on voit que c'est en France qu'on est le mieux soigné ! (Applaudissements à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Jusqu'à ce que la droite casse le système !

Mme Nathalie Goulet.  - Ce débat, c'est le Mur des Lamentations, l'espoir en moins. Je remercie le groupe CRC de l'avoir engagé. Il y a cinq ans presque jour pour jour, Xavier Bertrand présentait déjà un plan pour lutter contre la désertification médicale.

L'Orne n'a que 70 médecins pour 100 000 habitants -320 au niveau national. Et ce n'est qu'une moyenne. La situation de certains territoires du département est dramatique.

Les travaux de l'ARS montrent que la totalité de l'Orne est sous-médicalisée, comme la moitié de la Manche et le quart du Calvados. Jusqu'en 2020, la démographie médicale va y baisser, du fait des départs en retraite. Tout cela est concret, ce n'est pas de l'incantation. Il faut plus de six mois dans l'Orne pour avoir un rendez-vous avec un ophtalmologiste.

M. Jean-Luc Fichet.  - Un an en Bretagne !

Mme Nathalie Goulet.  - Venez dans l'Orne ! (Sourires) Je rends hommage aux élus locaux : ce sont eux qui ont créé des maisons de santé pluridisciplinaires qui ne sont d'ailleurs pas une panacée, si les médecins n'y viennent pas.

Notre directeur régional d'ARS gère la pénurie avec brio et intelligence, dans le cadre d'un dialogue utile avec les élus. De façon générale, les ARS sont utiles.

Chez nous, le plan « Hôpital 2012 » a été un vrai succès après un début chaotique, mais il est illusoire de croire qu'on fera venir des jeunes médecins en zone rurale sans mesures coercitives.

C'est la parabole des talents : on donnera à celui qui a déjà, et il sera dans l'abondance; mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a ! En l'absence de haut débit et de pompiers, tout le monde va aux urgences du Mans qui sont débordées. Le bonheur est dans le pré, à condition d'être en bonne santé ! (Applaudissements)

M. Jean-Luc Fichet.  - L'inéquitable répartition des médecins participe à l'inégal accès aux soins. C'est incontestable, mais n'oublions pas l'effet de la misère et le refus opposé par certains à l'accueil de patients couverts par la CMU. Et que dire des nouvelles dispositions sur l'Aide médicale d'État ? C'est une atteinte à la dignité humaine et c'est aussi une faute de santé publique !

Le débat d'aujourd'hui doit apporter une réponse à la disparition lente des médecins dans certaines zones. En effet, les praticiens installés vieillissent mais ne trouvent pas de successeurs, si bien que les habitants s'inquiètent à juste titre.

Pour consulter un spécialiste, il faut parfois un an en Bretagne si bien que les urgences sont encombrées par de la bobologie. L'accès aux soins est une attribution de l'État, dont les dirigeants promettent la main sur le coeur que tout va s'arranger. Nous attendons toujours que se concrétisent les promesses du Président de la République !

J'ai proposé un amendement à la loi HPST, imposant aux jeunes médecins de pratiquer au moins deux ans en zone déficitaire. Je n'ai pas été suivi. Même le contrat santé-solidarité est vidé de sa substance !

Les déserts médicaux persistent, malgré la prime allant jusqu'à 25 000 euros versée par l'assurance maladie.

Qu'est-ce qu'un désert médical ? Le rapport d'Elisabeth Hubert en renvoie cette définition au travail des nouvelles Agences régionales de santé ; à son habitude, le Gouvernement fait un pas en avant et trois en arrière, avant de se défausser sur les collectivités. Les professionnels de santé sont de plus en plus nombreux, mais les collectivités finançant des maisons de santé n'ont aucune garantie que les personnes consultées avant sa construction viendront y exercer.

Le parti socialiste a proposé d'instaurer un « bouclier rural » pour faire en sorte que les services publics essentiels ne soient pas à plus de 20 minutes de chaque citoyen. Plus qu'une politique de réconciliation avec les médecins dont le métier est difficile et essentiel, c'est ce pacte républicain aujourd'hui urgent que nous devons engager avec nos concitoyens pour un égal accès aux soins pour tous. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Laurent Béteille.  - Le Président de la République a rappelé que la priorité de la santé se portait désormais sur la médecine libérale. Débattre de la désertification médicale conduit à évoquer l'évolution démographique des praticiens, dont le nombre va baisser jusqu'en 2020. D'où les départs en retraite non remplacés. La répartition inégale sur le territoire n'est pas l'apanage de la France profonde : dans le sud de l'Essonne, il y a des zones non-denses où ne restent plus que six médecins de plus de 58 ans...

M. Charles Revet.  - Ce n'est pas un cas rare !

M. Laurent Béteille.  - Seul un nouveau diplômé sur dix opte pour l'exercice libéral. Les femmes médecins privilégient la disponibilité familiale, ce que nul ne peut leur reprocher. De plus, un généraliste consacre en moyenne plus de 30 % de son temps à des tâches administratives.

M. Charles Revet.  - C'est absurde !

M. Laurent Béteille.  - Toujours moins de médecins acceptent de travailler de 8 heures du matin à 22 heures, dans des zones peu sûres.

Mme Hubert a proposé de compléter le paiement à l'acte par une rémunération forfaitaire finançant certaines activités comme les permanences de garde dans les maisons médicales ou l'installation dans des déserts médicaux. Cette voie pourrait être utile.

L'idée des pôles de santé regroupés est également excellente.

Dans l'Essonne aussi, il faut attendre six mois pour obtenir un rendez-vous en ophtalmologie et dans d'autres spécialités, ce qui est inacceptable.

La création d'un « guichet unique » me paraît une très bonne réponse à la demande forte de nos départements ou de nos cantons où persiste la désertification médicale.

Comment rendre ces mesures effectives ? Comment répondre aux pathologies de nos concitoyens tout en restant proches et efficaces ? (Applaudissements à droite)

M. Hervé Maurey.  - Je remercie le groupe CRC-SPG pour son initiative... et Mme Goulet de m'avoir laissé quelques minutes ! (Sourires)

J'interviens non pour parler de l'Eure -le département le plus mal loti de France en démographie médicale- mais pour insister sur la nécessité de ne pas s'en tenir aux incitations. Sur ce point, je ne partage pas l'avis de M. Jacques Blanc, sans être pourtant « un idéologue de gauche ».

Comme le Président de la République, je souhaite que l'on s'inspire pour les médecins de ce qui a été décidé pour les infirmiers.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec lui lorsqu'il a affirmé, le 29 novembre dernier, que la coercition ne marchait pas.

Mme Nathalie Goulet.  - On ne l'essaye pas vraiment !

M. Hervé Maurey.  - Beaucoup de rapports l'ont constaté. Lorsque nous avons examiné la loi HPST, j'avais proposé deux mesures coercitives applicables. Quelle violence ai-je déchaînée ! Le rapporteur m'a accusé de vouloir rétablir le STO ; un autre collègue a dit que je voulais obliger les médecins à aller dans des trous.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est sympa pour l'Eure et pour l'Orne !

M. Hervé Maurey.  - Mes amendements ont été repoussés, l'un d'entre eux par scrutin public : le groupe CRC avait voté pour, avec quelques RDSE et centristes ; en revanche, aucun UMP et aucun socialiste n'avait voté ces amendements politiquement incorrects. Aujourd'hui encore, ma conviction est intacte : l'incitation ne marche pas ! Rendez-vous dans cinq, dix ou quinze ans... Je suis navré que Mme Bachelot-Narquin ait vidé le contrat santé-solidarité de sa substance. C'était la seule mesure un tout petit peu contraignante.

Il n'est pas choquant qu'un jeune dont les études ont été payées par l'État consacre un certain temps à des missions de service public. Cela existe dans quantité de professions : pourquoi pas pour les médecins ? (Applaudissements à gauche)

Ce matin, Bruno Le Maire a considéré que le problème majeur de la ruralité, c'était celui de la démographie médicale. C'est parce que je partage son avis que j'espère que le Gouvernement ne jouera pas indéfiniment l'autruche et qu'un jour il prendra les mesures courageuses qui s'imposent : il en va de la vitalité, et même de la vie tout court, de nos territoires ruraux ! (Applaudissements au centre)

M. Georges Patient.  - Ce débat me permet d'évoquer la santé en Guyane ; je remercie le groupe CRC de son initiative.

La Guyane a dépassé le stade de la désertification : elle est déjà un désert médical. Pourtant, ce département connaît une croissance démographique exceptionnelle, l'une des plus importantes au monde. Les indicateurs sanitaires y sont catastrophiques, avec une espérance de vie inférieure de quatre ans au reste du territoire et la prévalence supérieure de nombreuses maladies, comme la typhoïde.

Tout le département est déficitaire, avec des chiffres alarmants : il y a 22 médecins spécialistes pour 100 000 habitants, contre 88 en France métropolitaine. J'ajoute que les praticiens sont souvent âgés et géographiquement concentrés sur l'île de Cayenne et Kourou.

Des solutions ont été avancées pour doter la Guyane d'une véritable politique volontariste d'installation. L'accent doit aussi être mis sur la desserte de l'intérieur, où la population est isolée. Il faut renforcer la continuité territoriale: c'est essentiel dans un territoire aussi grand que le Portugal, avec de très fortes disparités territoriales et une fracture entre la bande littorale assez bien équipée et l'intérieur enclavé.

Les moyens financiers sont insuffisants : il est navrant que le plan « Hôpital 2012 » ne consacre que 2,2 % de son enveloppe globale à l'outre-mer.

Il est également essentiel de renforcer la formation et de l'adapter aux spécificités du département. Or seulement trois places de plus ont été prévues pour l'université d'Antilles-Guyane. Quant à la faculté de médecine des Antilles-Guyane, sans une accélération du nombre de créations de postes, elle ne parviendra au niveau du CHU de Limoges -le plus mal doté de la métropole- que dans soixante ans. Une fois de plus, les bonnes intentions ne se sont pas concrétisées ; l'égalité devant les soins restera-t-elle un voeu pieux ? (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Je remercie le groupe CRC pour avoir posé cette question essentielle car le droit à la santé est fondamental. Avec M. Bertrand, nous nous battons pour que tous les Français disposent de soins de qualité sur tout le territoire.

La désertification médicale concerne aussi les zones périurbaines, où il est parfois impossible de trouver un médecin. S'ajoute l'inégale répartition des professionnels selon les régions : on compte 209 143 médecins en France, dont 101 667 généralistes, soit en moyenne 339 pour 100 000 habitants, avec de grandes variations régionales -de 256 en Picardie à 412 en Paca- et au sein des régions elles-mêmes.

Le constat est semblable pour les autres professionnels de santé.

Pour contrer la désertification et mieux répartir les professionnels, de nombreuses mesures ont été prises en cinq ans. Les huit ordonnances prévues par la loi HPST ont toutes été publiées, ainsi que 106 des 154 décrets. Cette loi privilégie des mesures incitatives, car nous faisons confiance aux professionnels. Le numerus clausus a doublé en dix ans...

M. Jacques Blanc.  - Ce n'est pas suffisant !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - ...avec une répartition privilégiant les régions sous-dotées.

M. Patient a évoqué la situation de la Guyane ; le numerus clausus y a été porté de 15 à 76.

Les formations privilégient le rééquilibrage interrégional, avec un accent particulier sur la médecine générale. Désormais, les postes offerts aux épreuves classantes nationales ont été répartis de façon à opérer un rééquilibrage entre les régions.

Dans les Antilles et en Guyane, les postes offerts dans le cadre des épreuves classantes sont passés de 46 en 2000 à 108 en 2010. Il y avait 45 postes vacants d'internes généralistes en 2005, mais seulement cinq en 2010.

Conjuguées avec les mesures incitatives, ces décisions doivent favoriser un rééquilibrage.

L'article 46 de la loi HPST a par ailleurs instauré un contrat d'engagement de service public (CESP) : une allocation de 1 200 euros par mois est versée à des étudiants en médecine qui s'engagent à exercer au moins deux ans dans des zones où la continuité des soins fait défaut. Monsieur Tropeano, 200 étudiants et internes bénéficient de ce montant, opérationnel depuis septembre 2010. Le démarrage du dispositif est donc prometteur.

Le post-internat permet de fidéliser les jeunes médecins. Il résulte du besoin d'acquérir un complément de formation dans certaines spécialités.

L'État a créé 400 postes d'assistants spécialités répartis dans les régions les moins bien dotées. La filière de médecine générale a été restructurée et rendue plus attractive, avec un stage en cabinet pendant le DES. En 2010, nous avons 69 chefs de clinique de médecine générale et 86 professeurs. Le nombre de postes d'internes de médecine générale offerts est passé de 46 % en 2004 à 53 % en 2010.

Autre mesure incitative importante : la mise en place de structures d'exercice coordonnées, qui répondent aux souhaits des professionnels, notamment des plus jeunes, tout en favorisant la continuité des soins.

Il peut s'agit de cabinets de groupes, de maisons de santé, de pôles de santé.

Enfin, les incitations financières demeurent et par exemple, les médecins exerçant en zone déficitaire perçoivent des honoraires majorés de 20 %.

Au niveau régional, la stratégie d'organisation des soins ambulatoires est déterminée au sein du volet ambulatoire du schéma régional d'organisation des soins (Sros). L'objectif est de réduire les disparités géographiques et de consolider l'offre existante dans les secteurs fragilisés.

Merci, madame Goulet, pour avoir souligné l'excellent travail des ARS.

Pour lutter contre la désertification, nous disposons des excellentes suggestions formulées par Mme Hubert dans son rapport au Président de la République.

Au sujet des tâches administratives, évoquées par M. Béteille, nous allons alléger les procédures, car le temps médical est précieux.

M. Charles Revet.  - Très bien !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le dossier médical personnalisé permettra, lui aussi, de gagner du temps.

La coopération entre professionnels de santé sera favorisée par les maisons de santé.

Bien sûr, les nouvelles modalités d'exercice appellent de nouvelles rémunérations, sans mettre fin au paiement à l'acte, qui reste au coeur du dispositif.

Enfin, le service unique d'aide à l'installation des professionnels de santé prévu par l'article 118 de la loi HPST sera mis en place par les ARS au plus tard en juillet 2011. En effet, les étudiants ou des internes manquent d'informations sur les conditions d'exercice en libéral, les aides à l'installation existantes et ont des difficultés à identifier le bon interlocuteur.

Je salue M. Fourcade qui a déposé une proposition de loi tendant à préciser le régime juridique des maisons de santé.

Pour M. Bertrand et moi-même, la démographie médicale territoriale est une priorité. Les Français ont besoin d'une médecine de qualité accessible partout sur le territoire.

Pour cela il n'y a pas de méthode miracle mais la conjugaison de plusieurs mesures complémentaires que nous allons mettre en oeuvre dans les mois à venir, conformément aux engagements du Président de la République. Je sais qu'en la matière nous avons le soutien des élus de terrain qui constatent au quotidien les difficultés rencontrées par nos concitoyens. (Applaudissements à droite)

Organismes extraparlementaires (Nominations)

M. le président.  - La commission de la culture a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.

La Présidence n'ayant reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Ambroise Dupont membre titulaire, et M. Ivan Renar membre suppléant, du Haut conseil des musées de France ; M. Philippe Nachbar membre suppléant de la commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.

Prochaine séance, mardi 18 janvier 2011, à 9 heures 30.

La séance est levée à 16 heures 25.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 18 janvier 2011

Séance publique

À 9 HEURES 30

1. Questions orales.

DE 14 HEURES 30 À 16 HEURES 45

2. Débat sur des questions de politique étrangère.

DE 17 HEURES À 17 HEURES 45

3. Questions cribles thématiques sur « Outre-mer et Europe ».

À 18 HEURES ET LE SOIR

4. Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 195, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 214, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 215, 2010-2011).