Débat sur la désertification médicale
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la désertification médicale.
M. Bernard Vera, au nom du groupe CRC-SPG. - Il n'est ni anodin ni sans conséquence que le Sénat discute de la médecine de proximité. L'accès à celle-ci à un tarif opposable doit être garanti pour tous. Le Sénat a toute légitimité pour aborder de front ce sujet.
En juin dernier, Mme Bachelot-Narquin a suspendu deux des mesures, d'ailleurs peu efficaces à nos yeux, de la loi HPST, les contrats de santé solidaire et la déclaration d'absence. Cette suspension de décisions prises par le Parlement annonce probablement leur abandon...
Le rapport de Mme Hubert a montré l'urgence d'agir : on est passé de 275 généralistes pour 100 000 habitants en 1985 à 340 en 2005 mais on reviendra sans doute à 283 à l'horizon 2025, malgré les évolutions démographiques, la souffrance au travail, les besoins nouveaux. Mais le problème n'est pas principalement démographique -il n'y a jamais eu autant de médecins. Il s'explique avant tout par l'inégale répartition géographique des praticiens.
L'accès de tous à des soins de proximité est loin d'être assuré : 10 % des Français peinent déjà à trouver un généraliste près de chez eux, et même 34 % parmi ceux qui cherchent un professionnel de santé qui ne pratique pas les dépassements d'honoraires. Certaines régions sont sous-dotées quand d'autres le sont trop. La région Paca a deux fois plus de médecins par habitant que la région Nord-Pas-de-Calais. Même là-bas, les disparités sont grandes entre la côte méditerranéenne et l'arrière-pays. Il y a sept fois moins de généralistes par habitant en Seine-Saint-Denis qu'à Paris ! La raison en est le manque de régulation.
La liberté d'installation conduit à des conditions inacceptables d'accès aux soins. Les mesures que vous proposez depuis dix ans ont fait la preuve de leur inefficacité ; vos incitations sont si peu adéquates qu'on peut parler d'irresponsabilité. On arrive même dans certains cas à une baisse de la densité médicale malgré une incitation financière importante -25 000 à 28 000 par praticien ! L'attribution de bourses régionales n'est pas plus efficace. Comment inciter les médecins à s'installer dans des territoires désertés par l'État, où les services publics disparaissent ?
M. Jacques Blanc. - L'art du dogmatisme !
M. Bernard Vera. - En quoi ?
Il faudra trouver les réponses structurelles permettant d'éviter la généralisation des déserts médicaux ; on pourrait s'inspirer des dispositions prises pour d'autres professions de santé, pharmaciens ou infirmières, rendre opposables les Sros, redonner à la médecine de premier secours ses lettres de noblesse.
Aujourd'hui l'enseignement de la médecine générale est au milieu du gué, avec un enseignement insuffisamment développé. Pour revaloriser la médecine générale, il faut d'abord que la filière universitaire bénéficie des moyens, notamment des enseignants, et de la formation dont elle a besoin. Il n'est pas acceptable de s'en tenir à une logique étroitement comptable, en ne créant des postes qu'en en supprimant dans d'autres filières. Des stages en second cycle pourraient faire découvrir aux étudiants la réalité d'une médecine ambulatoire différente du modèle hospitalo-universitaire. La quatrième année de spécialisation devrait être pérennisée. Il faut aussi lever les obstacles à l'accueil des stagiaires en cabinet.
Comme le préconise Mme Hubert, il faut prendre en compte les appétences des étudiants et des jeunes médecins, de plus en plus nombreux à redouter l'isolement professionnel. L'exercice en mode regroupé et la pluridisciplinarité sont utiles aux patients comme aux professionnels. Ils supposent que l'on prenne du temps pour l'échange et la prévention, ce que le paiement à l'acte ne peut assurer. Il faut donc instituer en complément une rémunération forfaitaire. En contrepartie, les praticiens la percevant doivent appliquer les tarifs opposables.
De plus en plus de jeunes diplômés s'orientent vers la médecine salariée, plus conforme à leurs valeurs. Les centres de santé municipaux, mutualistes ou associatifs sont un mode d'exercice à favoriser le plus possible ; ils doivent donc bénéficier des financements nécessaires. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre-Yves Collombat. - Notre système de santé présentait naguère tous les avantages résumés en ceci : une socialisation quasi intégrale du coût des choix individuels, tant des médecins que des patients. Un système libéral financé par l'argent public, sans aucune obligation, que rêver de mieux ?
Mais il s'est mis à dysfonctionner. Le diagnostic est connu : la présence médicale est très inégale selon les endroits, y compris entre deux parties d'une même ville. Même dans le Var, les choses ne sont pas aisées. Allez donc trouver un médecin après les heures de bureau dans tel canton de 5 000 habitants ! On estime à 2,6 millions le nombre de Français qui rencontrent des difficultés d'accès aux soins, alors qu'il n'y a jamais eu autant de médecins en France et que le nombre d'actes ne cesse d'augmenter...
Pourquoi des diplômés, issus de milieux urbains aisés, iraient-ils s'imposer dans les communes rurales des obligations qui n'existent pas en ville s'ils peuvent faire autrement ? Mme Bachelot, que j'avais interrogée là-dessus, a repoussé mes suggestions avec un argument surprenant : quand la puissance publique et le contribuable financent les maisons médicales et les centres de santé ou règlent les cotisations sociales des médecins, pouvons-nous encore parler de médecine libérale ? Elle a ajouté qu'en vertu d'un principe irréfragable, celui qui paie commande. Encore faut-il en tirer les conséquences.
Elle a conclu en disant que mes suggestions aboutiraient à établir un système peu ou prou étatisé ! (On approuve sur les bancs socialistes) Toute mesure sérieuse étant politiquement impossible, on s'en tient à quelques granules homéopathiques. Puisque l'on est dans des déserts, faisons appel à des ONG ! (Sourires et applaudissements à gauche)
M. Robert Tropeano. - Longtemps présenté comme le meilleur du monde, notre système de santé affronte une fracture sanitaire. Le désert médical gagne du terrain dans nos campagnes. Ce n'est pas le nombre total de médecins qui est en cause, mais leur répartition. Il est clair qu'on ne fera jamais venir un jeune médecin dans une commune privée de tout service public. Les récentes restructurations hospitalières ont démotivé nombre de jeunes praticiens. Les jeunes diplômés rejettent l'image traditionnelle du médecin corvéable à toute heure, affrontant la solitude et les contraintes des gardes. Ils ne sont plus qu'un sur dix à choisir d'exercer en libéral...
On ne peut plus se contenter d'incitations et de promesses. Les mesures de la loi HPST n'ont pas porté leurs fruits. Et la pénurie de médecins va s'aggraver avec leur vieillissement. Dans l'Hérault, 60 % d'entre eux ont plus de 60 ans.
Mme Hubert propose un ensemble de mesures. Certaines sont intéressantes, comme l'exercice regroupé, une rémunération incitative pour l'exercice en zone sous-dense, le développement de la télémédecine. Le Gouvernement s'est engagé sur un objectif de 250 maisons de santé pluridisciplinaires ; encore faut-il que l'État finance sa part. Il est temps de décider et d'agir : les fruits ne se récoltent pas à court terme.
Nous sommes nombreux à mettre en doute l'efficacité des simples incitations.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Robert Tropeano. - C'est les plus modestes que l'on va inciter à s'installer dans les zones rurales -les plus aisés n'ont pas besoin de bourse. Les contrats de santé solidaire sont un leurre.
Comment redonner aux étudiants le goût du métier de généraliste ? Nos concitoyens sont inquiets et se demandent comment ils pourront être soignés en milieu rural.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - À l'occasion de la loi HPST, le Gouvernement a montré son incapacité à proposer des solutions. Celles que met en avant Mme Hubert ne sont guère plus convaincantes.
La majorité s'exclame lorsqu'il est question de mesures contraignantes. M. Vasselle est allé jusqu'à parler d'inconstitutionnalité... Le principe de la liberté d'installation reste un tabou pour la majorité, sauf pour certains de ses membres.
M. Hervé Maurey. - Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'Allemagne fédérale est revenue sur le principe de la libre installation dans les années 1990 et a réussi à inverser la tendance de la désertification.
Le Gouvernement a fait mine d'agir, puis semble être revenu à sa position initiale : ne rien faire, pour ne pas indisposer le corps médical. Il est vrai que ce qui était proposé était un peu curieux : comment a-t-on pu imaginer d'amener les médecins des zones sur-denses à assurer ponctuellement des consultations dans les zones sous-denses ?
Il y aurait pourtant des solutions à un problème qui va s'aggraver encore : plutôt que de tenter en vain d'attirer les médecins dans les zones sous-dotées, il faudrait les dissuader de s'installer dans les zones sur-dotées. L'installation serait soumise à l'autorisation des ARS.
M. Jacques Blanc. - Surtout pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le conventionnement pourrait aussi être refusé dans ces zones, ou retiré si le généraliste n'exerce pas dans cette spécialité. Paris est sur-doté, mais la moitié des généralistes et les deux tiers des spécialistes sont en secteur 2, si bien que les plus modestes font la queue aux urgences des hôpitaux ! Il y a beaucoup à dire sur la liberté d'installation quand la sécurité sociale finance !
On pourrait, comme l'a proposé M. Maurey, imposer aux jeunes médecins de s'installer pour une durée déterminée dans des zones sous-dotées. L'Académie de médecine va dans le même sens, et ce n'est pas un repère de révolutionnaires ! La formation d'un médecin coûte 200 000 euros à la société, une telle contrainte n'aurait rien d'incongru -voir les grandes écoles. Il faudrait aussi favoriser l'accès aux études médicales des jeunes de catégorie sociale modeste : un financement par l'État aurait pour contrepartie une obligation de service dans une zone sous-dotée.
Il est en outre nécessaire de fixer des règles d'accessibilité aux soins de premier recours. Le temps d'accès à un professionnel de santé doit s'évaluer à la fois en distance, en temps de trajet et en temps d'attente, tandis que le tarif opposable doit redevenir la norme. Le Gouvernement doit faire preuve d'ouverture et de pragmatisme : il est urgent d'agir. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Jacques Blanc. - Je me réjouis que le groupe CRC ait voulu ce débat. L'ordre du jour de cette première semaine de 2011 témoigne bien de la mobilisation sénatoriale pour nos territoires. Nous avons la chance qu'un des nôtres, l'éminent sénateur Fourcade, soit chargé d'évaluer la loi HPST.
Du temps de M. Douste-Blazy, un rapport avait déjà sonné l'alarme et insisté sur la nécessité de réévaluer le numerus clausus. Quand on apprécie le nombre de médecins formés, il faut examiner leur affectation véritable. À l'hôpital de Mende, il faut dix-neuf médecins pour assurer les urgences. Pourquoi ? À cause des 35 heures... Ne tombez pas dans le piège, madame la ministre, de ceux qui disent que le nombre de médecins est suffisant. Non, on ne forme pas assez de médecins ! Trop d'excellents médecins potentiels sont écartés par un concours dénué de toute dimension humaniste.
Il faut faire confiance aux professionnels, en adoptant des mesures incitatives.
M. Pierre-Yves Collombat. - Qui ne marchent pas !
M. Jacques Blanc. - Mais si ! Regardez l'exemple de la Lozère : les contrats d'engagement portent leurs fruits, même s'ils prennent du temps. Les stages -hébergés et rémunérés- constituent aussi de bonnes incitations. Des incitations financières ont été inscrites dans la loi rurale.
Mme Nathalie Goulet. - Ça ne marche pas !
M. Jacques Blanc. - Laissez-leur le temps de produire leurs effets ! Voyez les exemples britannique et américain : Le système français de liberté est le meilleur !
M. Pierre-Yves Collombat. - Jusqu'à maintenant !
M. Jacques Blanc. - Rien n'est pire que la contrainte ! Notre espace rural mérite mieux ! La loi n'a que deux ans, les mesures incitatives seront efficaces. M. Fourcade en fera le bilan.
Je vous demande, madame le ministre, de faire sauter le blocage du numerus clausus, de favoriser les remplacements. Les médecins en font pendant dix ans ; fixons-les dans les zones de désertification.
Les maisons de santé pluridisciplinaires apportent une excellente réponse. Quand j'exerçais, en Lozère, j'ai vu ce que c'était que de travailler 24 heures, de se lever la nuit pour partir seul sur les routes ! Aujourd'hui, c'est fini ! Il y aura une maison de santé dans ma commune de La Canourgue, avec des infirmiers, des kinés, d'autres professionnels de santé. C'est un bon moyen de faire tomber les blocages tout en restant en médecine libérale.
Une des causes de la désertification médicale, c'est l'angoisse du médecin. Poser seul un diagnostic, faire un acte thérapeutique en urgence, c'est terriblement anxiogène. La structure pluridisciplinaire peut être une solution, libérer le médecin de cette angoisse qui peut être si terrible.
L'exercice libéral est une condition de la qualité des soins. Ne tombez pas dans les pièges idéologiques, madame le ministre. Quand on fait le tour du monde, on voit que c'est en France qu'on est le mieux soigné ! (Applaudissements à droite)
M. Pierre-Yves Collombat. - Jusqu'à ce que la droite casse le système !
Mme Nathalie Goulet. - Ce débat, c'est le Mur des Lamentations, l'espoir en moins. Je remercie le groupe CRC de l'avoir engagé. Il y a cinq ans presque jour pour jour, Xavier Bertrand présentait déjà un plan pour lutter contre la désertification médicale.
L'Orne n'a que 70 médecins pour 100 000 habitants -320 au niveau national. Et ce n'est qu'une moyenne. La situation de certains territoires du département est dramatique.
Les travaux de l'ARS montrent que la totalité de l'Orne est sous-médicalisée, comme la moitié de la Manche et le quart du Calvados. Jusqu'en 2020, la démographie médicale va y baisser, du fait des départs en retraite. Tout cela est concret, ce n'est pas de l'incantation. Il faut plus de six mois dans l'Orne pour avoir un rendez-vous avec un ophtalmologiste.
M. Jean-Luc Fichet. - Un an en Bretagne !
Mme Nathalie Goulet. - Venez dans l'Orne ! (Sourires) Je rends hommage aux élus locaux : ce sont eux qui ont créé des maisons de santé pluridisciplinaires qui ne sont d'ailleurs pas une panacée, si les médecins n'y viennent pas.
Notre directeur régional d'ARS gère la pénurie avec brio et intelligence, dans le cadre d'un dialogue utile avec les élus. De façon générale, les ARS sont utiles.
Chez nous, le plan « Hôpital 2012 » a été un vrai succès après un début chaotique, mais il est illusoire de croire qu'on fera venir des jeunes médecins en zone rurale sans mesures coercitives.
C'est la parabole des talents : on donnera à celui qui a déjà, et il sera dans l'abondance; mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a ! En l'absence de haut débit et de pompiers, tout le monde va aux urgences du Mans qui sont débordées. Le bonheur est dans le pré, à condition d'être en bonne santé ! (Applaudissements)
M. Jean-Luc Fichet. - L'inéquitable répartition des médecins participe à l'inégal accès aux soins. C'est incontestable, mais n'oublions pas l'effet de la misère et le refus opposé par certains à l'accueil de patients couverts par la CMU. Et que dire des nouvelles dispositions sur l'Aide médicale d'État ? C'est une atteinte à la dignité humaine et c'est aussi une faute de santé publique !
Le débat d'aujourd'hui doit apporter une réponse à la disparition lente des médecins dans certaines zones. En effet, les praticiens installés vieillissent mais ne trouvent pas de successeurs, si bien que les habitants s'inquiètent à juste titre.
Pour consulter un spécialiste, il faut parfois un an en Bretagne si bien que les urgences sont encombrées par de la bobologie. L'accès aux soins est une attribution de l'État, dont les dirigeants promettent la main sur le coeur que tout va s'arranger. Nous attendons toujours que se concrétisent les promesses du Président de la République !
J'ai proposé un amendement à la loi HPST, imposant aux jeunes médecins de pratiquer au moins deux ans en zone déficitaire. Je n'ai pas été suivi. Même le contrat santé-solidarité est vidé de sa substance !
Les déserts médicaux persistent, malgré la prime allant jusqu'à 25 000 euros versée par l'assurance maladie.
Qu'est-ce qu'un désert médical ? Le rapport d'Elisabeth Hubert en renvoie cette définition au travail des nouvelles Agences régionales de santé ; à son habitude, le Gouvernement fait un pas en avant et trois en arrière, avant de se défausser sur les collectivités. Les professionnels de santé sont de plus en plus nombreux, mais les collectivités finançant des maisons de santé n'ont aucune garantie que les personnes consultées avant sa construction viendront y exercer.
Le parti socialiste a proposé d'instaurer un « bouclier rural » pour faire en sorte que les services publics essentiels ne soient pas à plus de 20 minutes de chaque citoyen. Plus qu'une politique de réconciliation avec les médecins dont le métier est difficile et essentiel, c'est ce pacte républicain aujourd'hui urgent que nous devons engager avec nos concitoyens pour un égal accès aux soins pour tous. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Laurent Béteille. - Le Président de la République a rappelé que la priorité de la santé se portait désormais sur la médecine libérale. Débattre de la désertification médicale conduit à évoquer l'évolution démographique des praticiens, dont le nombre va baisser jusqu'en 2020. D'où les départs en retraite non remplacés. La répartition inégale sur le territoire n'est pas l'apanage de la France profonde : dans le sud de l'Essonne, il y a des zones non-denses où ne restent plus que six médecins de plus de 58 ans...
M. Charles Revet. - Ce n'est pas un cas rare !
M. Laurent Béteille. - Seul un nouveau diplômé sur dix opte pour l'exercice libéral. Les femmes médecins privilégient la disponibilité familiale, ce que nul ne peut leur reprocher. De plus, un généraliste consacre en moyenne plus de 30 % de son temps à des tâches administratives.
M. Charles Revet. - C'est absurde !
M. Laurent Béteille. - Toujours moins de médecins acceptent de travailler de 8 heures du matin à 22 heures, dans des zones peu sûres.
Mme Hubert a proposé de compléter le paiement à l'acte par une rémunération forfaitaire finançant certaines activités comme les permanences de garde dans les maisons médicales ou l'installation dans des déserts médicaux. Cette voie pourrait être utile.
L'idée des pôles de santé regroupés est également excellente.
Dans l'Essonne aussi, il faut attendre six mois pour obtenir un rendez-vous en ophtalmologie et dans d'autres spécialités, ce qui est inacceptable.
La création d'un « guichet unique » me paraît une très bonne réponse à la demande forte de nos départements ou de nos cantons où persiste la désertification médicale.
Comment rendre ces mesures effectives ? Comment répondre aux pathologies de nos concitoyens tout en restant proches et efficaces ? (Applaudissements à droite)
M. Hervé Maurey. - Je remercie le groupe CRC-SPG pour son initiative... et Mme Goulet de m'avoir laissé quelques minutes ! (Sourires)
J'interviens non pour parler de l'Eure -le département le plus mal loti de France en démographie médicale- mais pour insister sur la nécessité de ne pas s'en tenir aux incitations. Sur ce point, je ne partage pas l'avis de M. Jacques Blanc, sans être pourtant « un idéologue de gauche ».
Comme le Président de la République, je souhaite que l'on s'inspire pour les médecins de ce qui a été décidé pour les infirmiers.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec lui lorsqu'il a affirmé, le 29 novembre dernier, que la coercition ne marchait pas.
Mme Nathalie Goulet. - On ne l'essaye pas vraiment !
M. Hervé Maurey. - Beaucoup de rapports l'ont constaté. Lorsque nous avons examiné la loi HPST, j'avais proposé deux mesures coercitives applicables. Quelle violence ai-je déchaînée ! Le rapporteur m'a accusé de vouloir rétablir le STO ; un autre collègue a dit que je voulais obliger les médecins à aller dans des trous.
Mme Nathalie Goulet. - C'est sympa pour l'Eure et pour l'Orne !
M. Hervé Maurey. - Mes amendements ont été repoussés, l'un d'entre eux par scrutin public : le groupe CRC avait voté pour, avec quelques RDSE et centristes ; en revanche, aucun UMP et aucun socialiste n'avait voté ces amendements politiquement incorrects. Aujourd'hui encore, ma conviction est intacte : l'incitation ne marche pas ! Rendez-vous dans cinq, dix ou quinze ans... Je suis navré que Mme Bachelot-Narquin ait vidé le contrat santé-solidarité de sa substance. C'était la seule mesure un tout petit peu contraignante.
Il n'est pas choquant qu'un jeune dont les études ont été payées par l'État consacre un certain temps à des missions de service public. Cela existe dans quantité de professions : pourquoi pas pour les médecins ? (Applaudissements à gauche)
Ce matin, Bruno Le Maire a considéré que le problème majeur de la ruralité, c'était celui de la démographie médicale. C'est parce que je partage son avis que j'espère que le Gouvernement ne jouera pas indéfiniment l'autruche et qu'un jour il prendra les mesures courageuses qui s'imposent : il en va de la vitalité, et même de la vie tout court, de nos territoires ruraux ! (Applaudissements au centre)
M. Georges Patient. - Ce débat me permet d'évoquer la santé en Guyane ; je remercie le groupe CRC de son initiative.
La Guyane a dépassé le stade de la désertification : elle est déjà un désert médical. Pourtant, ce département connaît une croissance démographique exceptionnelle, l'une des plus importantes au monde. Les indicateurs sanitaires y sont catastrophiques, avec une espérance de vie inférieure de quatre ans au reste du territoire et la prévalence supérieure de nombreuses maladies, comme la typhoïde.
Tout le département est déficitaire, avec des chiffres alarmants : il y a 22 médecins spécialistes pour 100 000 habitants, contre 88 en France métropolitaine. J'ajoute que les praticiens sont souvent âgés et géographiquement concentrés sur l'île de Cayenne et Kourou.
Des solutions ont été avancées pour doter la Guyane d'une véritable politique volontariste d'installation. L'accent doit aussi être mis sur la desserte de l'intérieur, où la population est isolée. Il faut renforcer la continuité territoriale: c'est essentiel dans un territoire aussi grand que le Portugal, avec de très fortes disparités territoriales et une fracture entre la bande littorale assez bien équipée et l'intérieur enclavé.
Les moyens financiers sont insuffisants : il est navrant que le plan « Hôpital 2012 » ne consacre que 2,2 % de son enveloppe globale à l'outre-mer.
Il est également essentiel de renforcer la formation et de l'adapter aux spécificités du département. Or seulement trois places de plus ont été prévues pour l'université d'Antilles-Guyane. Quant à la faculté de médecine des Antilles-Guyane, sans une accélération du nombre de créations de postes, elle ne parviendra au niveau du CHU de Limoges -le plus mal doté de la métropole- que dans soixante ans. Une fois de plus, les bonnes intentions ne se sont pas concrétisées ; l'égalité devant les soins restera-t-elle un voeu pieux ? (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Je remercie le groupe CRC pour avoir posé cette question essentielle car le droit à la santé est fondamental. Avec M. Bertrand, nous nous battons pour que tous les Français disposent de soins de qualité sur tout le territoire.
La désertification médicale concerne aussi les zones périurbaines, où il est parfois impossible de trouver un médecin. S'ajoute l'inégale répartition des professionnels selon les régions : on compte 209 143 médecins en France, dont 101 667 généralistes, soit en moyenne 339 pour 100 000 habitants, avec de grandes variations régionales -de 256 en Picardie à 412 en Paca- et au sein des régions elles-mêmes.
Le constat est semblable pour les autres professionnels de santé.
Pour contrer la désertification et mieux répartir les professionnels, de nombreuses mesures ont été prises en cinq ans. Les huit ordonnances prévues par la loi HPST ont toutes été publiées, ainsi que 106 des 154 décrets. Cette loi privilégie des mesures incitatives, car nous faisons confiance aux professionnels. Le numerus clausus a doublé en dix ans...
M. Jacques Blanc. - Ce n'est pas suffisant !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - ...avec une répartition privilégiant les régions sous-dotées.
M. Patient a évoqué la situation de la Guyane ; le numerus clausus y a été porté de 15 à 76.
Les formations privilégient le rééquilibrage interrégional, avec un accent particulier sur la médecine générale. Désormais, les postes offerts aux épreuves classantes nationales ont été répartis de façon à opérer un rééquilibrage entre les régions.
Dans les Antilles et en Guyane, les postes offerts dans le cadre des épreuves classantes sont passés de 46 en 2000 à 108 en 2010. Il y avait 45 postes vacants d'internes généralistes en 2005, mais seulement cinq en 2010.
Conjuguées avec les mesures incitatives, ces décisions doivent favoriser un rééquilibrage.
L'article 46 de la loi HPST a par ailleurs instauré un contrat d'engagement de service public (CESP) : une allocation de 1 200 euros par mois est versée à des étudiants en médecine qui s'engagent à exercer au moins deux ans dans des zones où la continuité des soins fait défaut. Monsieur Tropeano, 200 étudiants et internes bénéficient de ce montant, opérationnel depuis septembre 2010. Le démarrage du dispositif est donc prometteur.
Le post-internat permet de fidéliser les jeunes médecins. Il résulte du besoin d'acquérir un complément de formation dans certaines spécialités.
L'État a créé 400 postes d'assistants spécialités répartis dans les régions les moins bien dotées. La filière de médecine générale a été restructurée et rendue plus attractive, avec un stage en cabinet pendant le DES. En 2010, nous avons 69 chefs de clinique de médecine générale et 86 professeurs. Le nombre de postes d'internes de médecine générale offerts est passé de 46 % en 2004 à 53 % en 2010.
Autre mesure incitative importante : la mise en place de structures d'exercice coordonnées, qui répondent aux souhaits des professionnels, notamment des plus jeunes, tout en favorisant la continuité des soins.
Il peut s'agit de cabinets de groupes, de maisons de santé, de pôles de santé.
Enfin, les incitations financières demeurent et par exemple, les médecins exerçant en zone déficitaire perçoivent des honoraires majorés de 20 %.
Au niveau régional, la stratégie d'organisation des soins ambulatoires est déterminée au sein du volet ambulatoire du schéma régional d'organisation des soins (Sros). L'objectif est de réduire les disparités géographiques et de consolider l'offre existante dans les secteurs fragilisés.
Merci, madame Goulet, pour avoir souligné l'excellent travail des ARS.
Pour lutter contre la désertification, nous disposons des excellentes suggestions formulées par Mme Hubert dans son rapport au Président de la République.
Au sujet des tâches administratives, évoquées par M. Béteille, nous allons alléger les procédures, car le temps médical est précieux.
M. Charles Revet. - Très bien !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le dossier médical personnalisé permettra, lui aussi, de gagner du temps.
La coopération entre professionnels de santé sera favorisée par les maisons de santé.
Bien sûr, les nouvelles modalités d'exercice appellent de nouvelles rémunérations, sans mettre fin au paiement à l'acte, qui reste au coeur du dispositif.
Enfin, le service unique d'aide à l'installation des professionnels de santé prévu par l'article 118 de la loi HPST sera mis en place par les ARS au plus tard en juillet 2011. En effet, les étudiants ou des internes manquent d'informations sur les conditions d'exercice en libéral, les aides à l'installation existantes et ont des difficultés à identifier le bon interlocuteur.
Je salue M. Fourcade qui a déposé une proposition de loi tendant à préciser le régime juridique des maisons de santé.
Pour M. Bertrand et moi-même, la démographie médicale territoriale est une priorité. Les Français ont besoin d'une médecine de qualité accessible partout sur le territoire.
Pour cela il n'y a pas de méthode miracle mais la conjugaison de plusieurs mesures complémentaires que nous allons mettre en oeuvre dans les mois à venir, conformément aux engagements du Président de la République. Je sais qu'en la matière nous avons le soutien des élus de terrain qui constatent au quotidien les difficultés rencontrées par nos concitoyens. (Applaudissements à droite)