Convention fiscale France-Suisse (Procédure accélérée)
Convention fiscale France-Belgique
Convention fiscale France- Luxembourg
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et de la fortune, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
La Conférence des Présidents a décidé qu'il y aurait discussion générale commune.
Discussion générale commune
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - Ces trois conventions me donnent l'occasion de faire le point sur la lutte contre les paradis fiscaux. Sur le plan international, la France a porté ce combat sans arrêt depuis 2008, avec dix-sept pays de l'OCDE. Les premiers résultats ont été obtenus lors du G20 de Washington grâce à la pugnacité du Président de la République.
L'OCDE avait publié trois listes : quatre États figuraient sur la noire, 30 sur la grise, tous les autres sur la blanche. La pression internationale a porté ses fruits : à ce jour, aucun pays n'est plus sur la liste noire et la grise ne comporte que treize pays.
Grâce aux avenants signés, la transparence a progressé ; le secret bancaire a été abandonné par nombre d'États. Certains pays comme le Brésil, le Luxembourg et la Suisse acceptent désormais la convention type de l'OCDE.
Plus d'accords ont été signés en deux ans qu'au cours de la décennie précédente. La France a joué son rôle grâce au Président de la République.
La France a proposé aux pays concernés de signer des avenants ou des accords permettant l'échange d'informations.
La Belgique et le Luxembourg ont accepté notre proposition en mars 2009. Depuis, la France a signé six avenants et 21 accords d'échange de renseignements avec des pays considérés jusqu'ici comme non coopératifs, comme la Belgique, la Suisse, le Luxembourg ou le Lichtenstein, avec d'importants centres financiers asiatiques, comme Singapour ou Hong-Kong, et même avec des paradis fiscaux comme les îles Caïman ou les îles Vierges. Douze avenants ou accords sont en voie de signature.
Un arrêté de février 2010 a fixé la liste des dix-huit États non coopératifs au sens de notre législation. Ces pays font l'objet de mesures spécifiques, qui vont jusqu'à de lourdes sanctions.
La taxation des flux entrants est par exemple une vraie nouveauté dans notre droit fiscal. Nous avons ainsi utilisé toute la panoplie des outils fiscaux pouvant réduire l'attractivité des paradis fiscaux.
A la suite des décisions du Forum mondial sur la transparence, un groupe d'évaluation a été mis en place, présidé par M. d'Aubert ; une première évaluation a été lancée en mars 2010. Je souhaite qu'un bilan soit tiré au G20 que la France accueillera en novembre 2011.
Avec la Suisse, l'échange de renseignements sera possible dans les conditions les plus favorables. L'avenant du 27 août 2009 est très important : seront concernés tous les impôts, toutes les personnes et toutes les informations pertinentes, sans que le secret bancaire suisse puisse être opposé.
Fin 2009, la Suisse en a suspendu la ratification pour les raisons que l'on sait, mais la procédure a repris et le Conseil d'État helvétique s'est favorablement prononcé le 17 mars 2010. Il nous reste à le faire aussi, ainsi qu'avec la Belgique et le Luxembourg. (Applaudissements à droite)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances. - Notre discussion a bien sûr un objet législatif de ratification, mais elle doit plus largement nous permettre d'examiner la politique française de lutte contre les juridictions non coopératives. L'action pour être efficace doit être menée au niveau international ; ce n'est pas en ayant raison tout seuls que nous progresserons. La crise a eu ce mérite d'ouvrir les yeux des différents États du monde sur les risques que faisaient peser sur l'ensemble du système financier les juridictions opaques.
Le G 20 a agi, et la France, sous l'impulsion du Président de la République, n'y a pas été pour rien. La publication d'une liste d'États non coopératifs et la menace de sanctions ont été efficaces.
La France a eu le courage d'agir de son côté. La publication officielle de la liste française a-t-elle eu des conséquences incitatives concrètes ? Pouvons-nous être informés de sa composition ? Les États membres de l'Union européenne respectent-ils tous désormais les conditions pour ne pas y figurer ? Si ce n'est pas le cas, leur inscription sur la liste est-elle envisagée ? Y a-t-il des cas dans lesquels l'application des conventions déjà signées n'est pas satisfaisante ?
La Suisse, la Belgique et le Luxembourg sont des partenaires importants pour la France, avec qui nous entretenons des liens économiques mais aussi humains resserrés. Il y a plus de 400 000 travailleurs frontaliers. Au-delà du symbole, le poids des secteurs financiers luxembourgeois et suisse fait de ces avenants un outil essentiel de lutte contre l'évasion fiscale. Jusqu'alors, le secret bancaire suisse empêchait la France de combattre efficacement la fraude et l'évasion fiscales.
Le G20 a joué un rôle décisif ; sa détermination a eu un effet sensible sur nos partenaires et les a incités à renégocier les conventions existantes pour les adapter aux standards OCDE.
Les principales dispositions de ces textes visent à faciliter les échanges d'informations sur la base de ce standard. L'avenant franco-suisse permet l'échange de renseignements vraisemblablement pertinents pour l'application de la convention, mais aussi et surtout pour l'application des législations internes relatives aux impôts de toute nature. Les renseignements échangés pourront servir aussi à des fins sociales. Il prohibe la pêche aux renseignements et il n'est pas prévu d'échanges spontanés ni automatiques.
Mme Nicole Bricq. - Eh oui !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur. - Les États devront donc faire des demandes individuelles. Toutefois, un échange de lettres entre nos administrations fiscales pourra faciliter les choses. Cette avancée est importante.
L'Allemagne est aussi en train de renégocier sa convention avec la Suisse, avec semble-t-il des objectifs plus ambitieux que ce que nous avons obtenu. Ne gagnerait-on pas à fédérer nos efforts ? Si les Allemands obtiennent de la Suisse plus que nous, que ferons-nous ? Nous alignerons-nous ?
Un point particulier. Les pensions liées à un emploi antérieur et versées en capital à un travailleur frontalier en rente ne sont imposables dans aucun des deux États. Cette anomalie fiscale est constitutive d'une inégalité devant les charges publiques. Le temps que la France ne les impose pas elle-même, il n'est pas judicieux de laisser la Suisse le faire. C'est à nous qu'il revient d'y remédier. Peut-être le Gouvernement nous dira-t-il ce qu'il envisage.
La commission des finances a adopté ces trois projets de loi. (Applaudissements à droite)
M. Thierry Foucaud. - Dès lors qu'on pense à la Suisse en matière fiscale, on pense au secret bancaire et à un régime fiscal très favorable aux plus fortunés.
Cette convention a fait l'objet d'une longue négociation. Les salariés transfrontaliers font tourner les entreprises suisses après avoir été formés en France. On prétend lutter contre les paradis fiscaux, mais on s'en prend à des salariés. Ne parlons pas des chanteurs, des grands patrons, des sportifs de haut niveau... Les redressements de la fameuse liste des 3 000 ne seront en moyenne que de 18 000 euros. Une goutte d'eau, ou plusieurs. Le fameux jet d'eau de Genève dans le Léman.
L'imposition des pensions versées en capital aux frontaliers devra être équilibrée. D'autant que plusieurs points de l'avenant ne semblent guère aller dans le sens de la lutte contre les paradis fiscaux. La Suisse coopérera... dans certaines limites. Elle restera ainsi le 82e pays du monde par la population, mais la 7e place financière.
Nous ne voterons pas ce texte qui ne va pas assez loin.
Mme Nicole Bricq. - Ce débat est une bonne occasion de rappeler le mandat que nous donnons au Gouvernement afin de lutter contre les paradis fiscaux. Je remercie le président Arthuis d'avoir permis ce débat.
Depuis mars 2010, les établissements financiers étrangers qui souhaitent investir aux États-Unis doivent révéler l'identité de leurs clients ressortissants américains ; en cas d'insistance pour conserver l'anonymat, il y aura une taxe tout à fait dissuasive sur le produit de l'investissement. Cette mesure a soulevé un tollé en Suisse, mais les banques helvétiques se voient mal ne plus investir aux États-Unis. Ceux-ci ont mis un pied dans la porte du secret bancaire. Ce que les États-Unis ont fait, nous pouvons aussi le faire.
Les conventions actuelles ont permis aux pays figurant sur la liste noire d'en sortir sans modifier leurs pratiques. Après l'affaire du listing d'HSBC, la Suisse a jugé insupportable cette pêche aux renseignements et interrompu le processus de ratification. Ils ont cependant revu leur position après avoir mesuré le risque de se retrouver sur la liste française des États non coopératifs.
Pourrions-nous obtenir plus que cet avenant plutôt limitatif ? Ç'aurait été l'occasion de mettre la France, qui va présider le G20, au premier rang des pays actifs contre les paradis fiscaux. D'autant plus que le sujet n'est plus tabou en Suisse ; ce qui n'était pas envisageable devient possible. J'en veux pour preuve un article du Temps de Genève d'avril dernier appelant à négocier des échanges automatiques.
Un autre obstacle demeure : la directive Epargne de 2003, dont la Commission a proposé une révision en avril 2008, adoptée par le Parlement européen un an après mais immobilisée depuis sur le bureau du Conseil. Le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche ont obtenu un sursis ; cela explique leur résistance au Conseil. Le retard ainsi pris empêche la clarification des orientations européennes en matière de fraude fiscale. Le Gouvernement devrait agir !
Signer des conventions ne saurait suffire pour obtenir la transparence : nous ne disposons que de chiffres épars. L'enjeu d'une publication annuelle des contrôles est de nous donner les moyens d'évaluer la pertinence des mesures prises.
La France doit être à l'avant-garde pour rechercher le bon compromis avec nos partenaires. Il y a urgence car, une fois la crise passée, les mauvaises habitudes reviennent vite. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ces textes ainsi que celui sur la régulation financière ont une importance toute particulière. Je regrette que l'agenda parlementaire nous conduise à les examiner dans des conditions aussi difficiles.
Les enjeux portés par les textes financiers étaient obscurs pour le commun des mortels ; grâce à notre G24, nous nous sommes donné les moyens de faire comprendre les enjeux. M. Gouteyron est devenu un expert ès conventions bilatérales. Il était bon de prendre ainsi le temps d'une discussion générale.
Il ne faut cependant pas sombrer dans l'angélisme, on sait que les conventions se sont multipliées et que les espaces non coopératifs en ont signé entre eux pour satisfaire aux obligations qui les excluent des listes noire et grise...
Lorsque plusieurs membres de l'Union européenne négocient avec un État extérieur, peut-on envisager qu'il y ait entre eux une sorte de pacte, à l'heure où le Gouvernement parle de convergence fiscale ? Cela donnerait plus de force aux pressions à exercer sur le États réticents.
Même les centrales d'achat peuvent se délocaliser ! L'ayant fait à Zürich, à Luxembourg ou à Bruxelles, elles soumettent leurs fournisseurs français à une « redevance » comprises entre 1 % à 2 % qui ressemble fort à des marges arrière. Je voudrais être sûr que ces pratiques ne s'apparentent pas à de l'évasion fiscale... Je vous fais confiance, madame la ministre, pour y mettre bon ordre. (Applaudissements à droite)
La discussion générale commune est close.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je remercie le rapporteur et le félicite de son expertise. Avec nos amis suisses, la négociation n'a pas été simple. Dès le lendemain du G20 de Londres, tous les pays de la liste grise sont venus frapper à la porte des négociations. La liste française de février 2010 a produit un effet radical comparable.
L'inscription éventuelle d'un État membre de l'union sur la liste des États non coopératifs... Trois directives permettent d'avoir les mêmes effets, celle de 2003 qu'a évoquée Mme Bricq et les directives relatives à l'assistance administrative et à l'assistance au recouvrement. Je rappelle qu'en matière fiscale, l'unanimité est requise... On sent une évolution des positions, surtout avec Luxembourgeois, Belges et Autrichiens. Je puis vous assurer de ma détermination.
L'imposition des pensions versées en capital en Suisse ? La convention met fin à l'exonération ; la Suisse pourra taxer ces pensions aussi longtemps que nous ne le ferons pas. Nous préparons un texte d'ici le collectif pour qu'elles soient imposées en France.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le président qui a placé sa retraite chapeau en Suisse...
Mme Christine Lagarde, ministre. - Tous les contribuables figurant sur la liste des 3 000 font ou feront l'objet d'un contrôle fiscal. La cellule de régularisation a permis le rapatriement de 7 milliards de capitaux.
La législation américaine qu'évoque Mme Bricq n'interviendra qu'après 2013. J'ai pris un décret que j'ai adressé aux 360 banques agissant en France, leur demandant des informations. Si par la voie du décret on va plus vite, tant mieux.
Les accords entre soi...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - ...endogamie non coopérative.
Mme Christine Lagarde, ministre. - ...concernent 10 % seulement des 500 accords bilatéraux.
Nos négociations avec la Suisse ont abouti plus vite que celles menées par les Allemands. La Confédération helvétique m'a assurée que la clause de la nation la plus favorisée, même si elle ne figure pas explicitement dans la convention, serait le cas échéant appliquée.
Les commissions des centrales d'achat ? Les commissions de référencement sont prohibées en France. Les transactions transfrontalières tombent sous le coup de la loi. Je vais examiner si nos outils fiscaux peuvent être utilisés. (Applaudissements à droite)
Convention fiscale France-Suisse
L'article unique du projet de loi relatif à la convention fiscale entre la France et la Suisse est adopté.
Convention fiscale France-Belgique
L'article unique du projet de loi relatif à la convention fiscale entre la France et la Belgique est adopté.
Convention fiscale France-Luxembourg
M. Thierry Foucaud. - L'économie luxembourgeoise dépend considérablement des activités financières, que le gouvernement du Grand-Duché tend à développer sans cesse, comme l'indique la page d'accueil du site du ministère des finances luxembourgeois.
Le co-signataire de la convention fiscale est l'animateur du combat pour le développement des activités financières grand-ducales.
Le même site insiste sur les services offerts aux titulaires de gros patrimoines, dans l'optique d'une planification fiscale et successorale optimale, notamment grâce à des opérations de fiducie. Des gestionnaires avisés assistent les clients à des tarifs « raisonnables » est-il ainsi indiqué sur ce même site.
Comment croire à l'efficacité de cet accord avec le Grand-Duché ? Les très riches Français exilés fiscaux au Luxembourg échapperont encore aux foudres du fisc français. Nous voterons contre cette convention d'affichage.
L'article unique est définitivement adopté.