Règlement des comptes et de rapport de gestion pour 2009
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de règlement des comptes et de rapport de gestion pour l'année 2009.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. - En 2009, la crise financière s'est traduite dans la vie économique réelle. Le Gouvernement a réagi rapidement par une relance de l'activité et des mesures spécifiques pour les ménages les plus modestes. La commission européenne, l'OCDE et le FMI ont fait l'éloge de leur efficacité mais la crise et la relance se reflètent dans l'exécution du budget de l'État pour 2009.
Le Gouvernement a respecté les normes de dépenses qu'il s'était fixées et a poursuivi la TGPP. L'information du Parlement a été améliorée. Les rapports annuels de performance ont été complétés.
La certification des comptes de l'État est un élément de transparence. Pour le quatrième examen de certification, l'audit extérieur -auquel ne se soumettent que le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie- a donné quitus au Gouvernement.
La Cour des compte n'a fait que neuf réserves, au lieu de douze l'année précédente.
La mise en oeuvre du programme Chorus, système d'information financier et comptable pour mettre en oeuvre la Lolf de façon incontestable a connu un certain retard, même si 12 000 agents en disposent. Il n'y a pas de dérapage mais un retard, et des corrections seront apportées. La fin du déploiement aura lieu à la date prévue.
Il n'y a pas de dégradation structurelle du déficit en 2009. Les déficits nouveaux sont liés à la crise, soit 80 milliards par rapport à l'année précédente. Soit moins que prévu, grâce à de meilleures rentrées fiscales qu'attendu. Néanmoins la tendance générale s'est confirmée : les recettes liées à l'impôt sur les sociétés ont diminué de 60 %, celles des droits de mutation de 30 %, celles de la TVA se sont effondrées.
Nous n'avons pas dévié en matière de dépenses de l'État et respecté la norme. Nous avons clarifié les relations entre l'État et la sécurité sociale.
Le déficit comptable de 97,7 milliards s'explique par la crise mais avec un écart de 40 milliards par rapport au déficit budgétaire en raison de l'effort d'investissement engagé dans le plan de relance dont il est la colonne vertébrale.
Troisième pilier de la loi de règlement : la RGPP.
Nous avons créé une annexe spécifique pour l'évaluer et pour informer le Parlement. La réduction d'effectifs de l'État se monte à plus de 23 000 ETP, soit un peu moins que prévu alors qu'il y en avait eu plus que prévu en 2008. Les mesures de la RGPP vont générer diverses économies. Déjà un milliard d'euros a été économisé sur les politiques d'intervention et 800 millions grâce à la réduction des emplois.
Notre économie est en convalescence. Les exigences d'aujourd'hui sont tout aussi impérieuses qu'en 2009. Dès 2011, il s'agira de réduire les déficits en réduisant l'ensemble des dépenses, tout en accompagnant la reprise. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. - Tout en tirant les conséquences du budget pour 2009, nous allons aujourd'hui nous tourner vers l'avenir : ce sera une heureuse synthèse des défis auxquels nous sommes confrontés.
La commission des finances prend très au sérieux cette loi de règlement : nous avons reçu dix ministres et reçu deux fois le Premier président de la Cour des comptes.
Nous avons interrogé les ministres sur leur gestion et sur la capacité d'adaptation de leurs administrations à la nécessaire discipline des finances publiques. Nous nous sommes efforcés d'appuyer vos efforts, monsieur le ministre, mais vous êtes bien seul. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Pierre Fourcade. - C'est l'apanage de la fonction.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Vous pouvez, monsieur le ministre, compter sur le soutien de la commission des finances pour faire un travail de vérité. (Applaudissements sur les bancs UC)
Peut-être manque-t-il quelques outils...
M. François Marc. - Le rabot !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il y a une loi de règlement de la gestion passée.
Des difficultés techniques doivent être résolues pour permettre la comparaison entre prévisions et exécutions, seul exercice de vérité. La direction du budget le sait fort bien, mais l'État devrait s'astreindre à cet exercice.
Pour 2009, chacun connaît le contexte macro-économique marqué par la récession, sensiblement inférieure à celle de la zone euro mais la plus importante depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le chômage est remonté au-delà des 10 %.
Quel est l'impact du plan de relance doté de 40 milliards ? Le nombre de défaillances d'entreprises est élevé, mais moindre que celui de nos voisins. En 2010, il y a eu une réforme extrêmement généreuse de la taxe professionnelle, qui a apporté 12 milliards à la trésorerie des entreprises.
Le déficit des administrations publiques atteint 7,5 % du PIB. Le besoin de financement de l'État a doublé en un an. Celui des administrations sociales passe de 1 à 24 milliards. Une seule amélioration : les besoins de financement des collectivités locales, ces pelés, ces galeux passent de 8,7 à 5,6 milliards. La Cour des comptes l'explique par un effet de trésorerie, grâce aux versements anticipés du FCTVA.
Notre déficit est de 138 milliards, le montant des recettes nettes n'a représenté que 56 % des dépenses nettes alors qu'en 2008, ce pourcentage était de 80 %. C'est dû à l'effondrement des recettes qui s'explique pour moitié par la conjoncture, pour 15 % par des mesures nouvelles, dont la baisse de la TVA dans la restauration, et pour 35 % par le coût du plan de relance, bien plus élevé que prévu -16 milliards au lieu de 10 ! Tant mieux pour la trésorerie des entreprises, mais la prévision pourrait s'améliorer !
L'année 2009 est caractérisée par la forte croissance de la dépense fiscale : près de 5 milliards par rapport à 2008.
M. François Marc. - Pour qui ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Pour tout le monde, pour tous ceux que nous défendons, vous et nous. Notre système ne fait qu'accroître la dépense fiscale. Il faudra bien avoir le courage d'en sortir. (Applaudissements au centre et à droite)
Les économies de 5 milliards réalisées sur les charges financières, malgré un endettement qui a dérapé à vive allure, n'ont pas bénéficié à la baisse de la dette, mais aux dépenses. Certes, il y avait des sous-budgétisations, quoique moins qu'auparavant. L'État a pu apurer sa situation financière à l'égard de la sécurité sociale.
On pourrait faire encore mieux en matière de programmation de la dépense publique. Nous pourrions utiliser davantage les indicateurs de performance.
Les indicateurs ne sont pas assez pris au sérieux. Ils devraient être un guide pour que la toise soit plus restrictive -ou généreuse.
Au titre des dépenses, celles de la fonction publique continuent à augmenter en dépit des baisses d'effectifs, car celles-ci sont contrebalancées par l'augmentation des salaires. Le surcoût de la masse salariale a dépassé les 800 millions.
J'en viens à la dette : 2009 illustre la formule qui m'est chère : « l'insoutenable légèreté »de la dette publique. On ne peut continuer ainsi. Dès lors que l'extérieur, c'est-à-dire les marchés, nous finance, nous soutenons sa loi. Nul ne doit s'en étonner, s'en indigner.
En 2009, nous avons fait une économie de charges financières de 5 milliards. Le Gouvernement a été raisonnable avec le grand emprunt. Mais souvenez-vous que certains demandaient 100 milliards ! C'était il y a quelques mois à peine. Heureusement que les modes passent...
L'encours des bons du Trésor a, en moins d'un an, bondi de 21 milliards prévus à 76 milliards constatés. Quel est le pilotage politique de cette dette à très court terme ? La technique est-elle au rendez-vous de la politique ?
Mme Nicole Bricq. - Non !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Notre dette n'est-elle pas excessivement sensible ?
J'en viens aux engagements hors bilan où nous avons pris des décisions au pire moment de la crise, avec succès, j'espère, qui auront préservé la solvabilité puis la croissance des groupes financiers.
Il est dangereux d'entretenir en permanence un déficit à la limite des 3 % du PIB : à la moindre crise, il explose. Ces 3 % doivent toujours être considérés comme un maximum et non comme un minimum. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Bernard Angels. - L'exercice 2009 présente un déficit abyssal : 138 milliards, soit deux fois et demie celui de 2008. Certes, la crise y est pour beaucoup, mais le Gouvernement ne peut s'exonérer de sa responsabilité. La crise n'est pas responsable des choix antérieurs controversés. Il aurait fallu qu'il ait la lucidité de reconnaître ses erreurs. Certaines mesures sont injustes, inefficaces et parfois néfastes. Il en est ainsi de la loi Tepa et de divers allégements fiscaux. En tout, près de 15 milliards d'euros manquent au budget de l'État. Vous auriez pu mettre à plat les niches et revenir sur le paquet fiscal. Mais vous avez voulu protéger une minorité de Français aisés.
De nouvelles mesures fiscales ont grevé encore les finances publiques comme la baisse de TVA dans la restauration, qui coûte 1,4 milliard pour un effet loin d'être prouvé. Votre responsabilité politique est donc grande alors que vous vous abritez derrière la crise pour expliquer les déficits.
M. Roland du Luart. - Il y a un effondrement des recettes fiscales, tout de même !
M. Bernard Angels. - Si l'augmentation du déficit de 2009 est due à la crise et au plan de relance, 5 % de plus sont dus au déficit structurel. Si le facteur conjoncturel était au centre du problème, les finances publiques françaises doivent être en meilleur état qu'ailleurs en Europe. Tel n'est pas le cas. Le déficit français a augmenté autant en 2009 que celui nos voisins. Il est donc difficile de nier les conséquences budgétaires de vos choix politiques. Pourtant, vous affirmez que le plan de relance n'a pas d'effet sur les comptes de l'État. Mais la Cour des comptes le conteste. Par une interprétation biaisée, vous avez pris de nombreuses libertés avec les dépenses entrant dans la norme des dépenses, ce qui entache votre budget d'insincérité.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Vous vouliez un plan de relance large et important !
M. Bernard Angels. - J'en viens aux dépenses fiscales. Certaines niches jouent le rôle de subvention directe, comme les prêts immobiliers à taux zéro. L'augmentation devait être de 4,8 % ; elle a été de 6,2 %. Elles doivent être intégrées au périmètre de la norme de dépense.
Le financement des primes d'épargne logement est comptabilisé à l'extérieur du budget. Peut-on parler de sincérité ? Les documents de l'État doivent recenser l'ensemble des mesures, ce qui n'est pas le cas. Nous avons donc une vision partielle des comptes de l'État parce que vous en faites une présentation partiale.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Jolie formule !
M. Bernard Angels. - En outre, certaines dépenses sont reportées sur les comptes des années suivantes.
Du fait d'une inflation moindre que prévue, la pression sur les dépenses a cependant été moins forte que l'année précédente.
Les dépenses de l'État ont pourtant continué à augmenter. Nous déplorons le long chemin qui nous sépare d'une procédure budgétaire exemplaire, comme le remarquent les magistrats de la rue Cambon.
L'examen de l'exécution des comptes de 2009 montre l'importance de la sous-budgétisation de certaines missions. Vous êtes contraints de demander de nouveaux crédits en cours d'année. Le nombre particulièrement élevé de collectifs en 2009 et 2010 témoigne d'une médiocre anticipation de la conjoncture. En régime Lolf, le parlementaire est le contrôleur de l'action gouvernementale. Il nous faut des outils adaptés. Le Gouvernement ne nous les donne pas. La mise en oeuvre du logiciel Chorus a été retardée. Cela coûte cher. Les contrôles sont également insatisfaisants. Le Parlement doit retrouver toute sa place dans la procédure budgétaire.
Enfin, la dette publique doit être mieux gérée. Vous vous êtes laissé aller à un choix dangereux en empruntant à très court terme. Cela a certes allégé le montant de la dette mais, si les taux d'intérêts augmentent, les risques sont grands.
En outre, les parlementaires ne peuvent contrôler que la dette à moyen et long terme.
Vous devez revenir sur ces dérives budgétaires, monsieur le ministre, sans vous abriter derrière la crise. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Fortassin. - L'année 2009 fut difficile, annus horribilis même, tant pour la croissance que pour les finances publiques. L'hypothèse de croissance était fixée à 1,5 % alors que la crise se propageait et que vos collectifs successifs continuaient à alourdir les dépenses. La Cour des comptes a souligné le risque d'emballement de la dette.
Les investissements des entreprises ont diminué de plus de 7 %, tandis que le chômage frappait 2,5 millions de personnes, un record. La dette publique a atteint 1 400 milliards, autre record historique. Une telle progression en un an ne s'était jamais vue.
La politique budgétaire du Gouvernement s'est révélée inefficace pour sortir le pays de la crise. Le Gouvernement a fait ce qu'il sait le mieux faire : de la communication. En 2008, Mme Lagarde annonçait le plafonnement des niches fiscales. Mais cette année, on ne sait toujours pas ce qu'il en sera.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Supprimons-les toutes !
M. François Fortassin. - Depuis trop d'années, le Gouvernement pratique cette politique d'effets d'annonces. En 2008, le Président de la République voulait moraliser le capitalisme. Les paradis fiscaux existent toujours et les récentes révélations sur le financement politique via la Suisse ne nous rassurent pas.
La Cour des comptes a récemment estimé que si l'on tient compte d'une croissance de 2,25 % -ce qui est optimiste-, le déficit public dépasserait 6 % en 2013 et la dette 90 % du PIB. La Cour estime que des pertes fiscales considérables sont imputables à la politique menée. Des économies intelligentes sont possibles. Ne serait-il pas temps de mettre à plat les exonérations fiscales ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est difficile.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le crédit impôt recherche ? Nous allons faire des propositions.
M. François Fortassin. - L'opportunité du bouclier fiscal est de plus en plus contestée : quand le chômage augmente ainsi, est-il concevable qu'une minorité de Français bénéficient d'un tel avantage ? Ce système doit être suspendu.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Non : abrogé !
M. François Fortassin. - Ce projet de loi de règlement ne garantit absolument pas la relance économique et la justice sociale mais, bien au contraire, confirme l'ampleur des dégâts. Nous pouvons proposer quelques pistes pour les années à venir : les radicaux de gauche ne sont-ils pas à l'origine de l'impôt progressif sur le revenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur. - Cela nous ramène à Joseph Caillaux, président emblématique de notre commission des finances !
M. François Baroin, ministre. - Triste fin...
M. François Fortassin. - D'abord, il faut refermer un peu l'éventail des revenus. C'est un problème d'affichage, mais aussi de justice sociale.
Ensuite, il faut s'attaquer aux enrichissements sans cause. Un propriétaire qui vend des terres agricoles en tire un euro le mètre carré ; s'il obtient une modification du document d'urbanisme pour les rendre constructibles, il les vend 60, 80 ou 100 euros le mètre carré !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il est allé voir le maire... (Sourires)
M. François Fortassin. - Une telle plus-value, qui n'a aucune justification, devrait être lourdement taxée.
M. François Fortassin. - Troisième piste : ces acteurs et ces sportifs qui vivent juste de l'autre côté de la frontière, qui profitent de notre système de protection sociale et dont les ressources viennent de France, serait-il anormal de les taxer ? Il faudrait au moins ouvrir le dossier !
Enfin, beaucoup de Français très diplômés, voire surdiplômés...
M. Philippe Marini, rapporteur. - Bonne idée : taxons les diplômes ! (Sourires)
M. François Fortassin. - ...partent monnayer leurs talents à l'étranger après avoir reçu une formation longue et coûteuse pour les deniers publics. Ils devraient travailler au moins une décennie en France, sauf à rembourser leurs études.
M. Philippe Marini, rapporteur. - C'est contraire à la règlementation européenne !
M. François Fortassin. - Les centres de formation du football et du rugby le font bien ! Sans doute n'êtes-vous pas un spécialiste du ballon au rebond aléatoire... (Sourires)
M. Philippe Marini, rapporteur. - Je le reconnais !
M. François Fortassin. - Explorer de telles pistes est nécessaire pour restaurer en partie nos finances publiques et surtout pour retrouver la confiance de nos concitoyens.
La séance est suspendue à 12 heures 35.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 14 heures 35.