Allocution de M. le Président du Sénat
M. le président. - Deux constatations liminaires à l'issue de cette session ordinaire 2009-2010.
Première constatation... qui devient habituelle, nous avons beaucoup siégé : 123 jours de session ordinaire, soit trois jours de plus que le maximum constitutionnel indicatif ; près de 1 000 heures de séance, soit un record sous la Ve République. Et -encore cette année- plus de 200 heures le soir..., ce qui n'est pas une bonne façon de légiférer.
Deuxième constatation. Cette session ordinaire va se poursuivre par une session extraordinaire. Cela prouve que le Gouvernement agit ; que les textes qui nous sont soumis sont trop longs ; que la structuration du temps législatif demeure un chantier inachevé.
Notre Assemblée a été saisie, en première lecture, de textes essentiels : avenir de La Poste, réforme des collectivités territoriales, Grenelle II de l'environnement, démocratie sociale dans les très petites entreprises, texte de modernisation de l'agriculture... Sur tous ces textes, nous avons exercé notre expertise sénatoriale spécifique marquée par notre expérience des territoires et des réalités locales.
Éclairés par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, conduite par notre rapporteur général, nous avons pris toute notre part dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour le projet de loi de finances pour 2010, l'expertise de notre commission des finances a été décisive, notamment pour nos finances locales.
Nous avons pleinement joué notre rôle de législateur. Plus de 90 % des amendements votés par le Sénat ont été retenus par l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite)
M. Jacques Blanc. - Elle a bien fait !
M. le président. - Je pense aussi que nous avons progressé dans le difficile dossier de la gestion du temps parlementaire.
Je voudrais ici remercier notre ministre chargé des relations avec le Parlement, Henri de Raincourt ; sa compréhension de la singularité sénatoriale facilite bien les choses, notamment lors des réunions de notre Conférence des Présidents.
Notre collaboration -adossée à la compréhension du Premier ministre- a abouti à la décrue de la procédure accélérée : douze durant cette session contre 32 la précédente. Notre collaboration active a permis une plus grande prévisibilité et un plus grand réalisme dans le programme législatif.
Nous avons également progressé sur la gestion de nos séances publiques, notamment pour les semaines d'initiative partagée et les semaines de contrôle. Notre Conférence des Présidents s'efforce -pour ce qui dépend d'elle seule- de centrer, dans toute la mesure du possible, nos semaines sénatoriales sur trois jours de séance et de les organiser autour d'horaires aussi prévisibles que possible.
Grâce à notre groupe de travail sur la réforme du Règlement et au rôle accru de notre Conférence des Présidents, ainsi qu'au climat de respect mutuel qui y règne -ce dont je remercie tous les participants car c'est un travail peu visible- nous avons réussi à affirmer collectivement une logique sénatoriale du partage.
Partage -selon l'esprit même de la réforme constitutionnelle- des semaines de séance entre le Sénat et le Gouvernement : dix-neuf semaines pour le Gouvernement, y compris le projet de loi de finances et le PLFSS ; treize pour le Sénat.
Partage des sujets de l'ordre du jour des semaines sénatoriales entre les groupes, les commissions et nos trois délégations, qu'il faudra mieux faire connaître.
Partage des temps de parole et de l'exercice du droit d'amendement. Tous les groupes -de la majorité, minoritaires ou d'opposition- ont pu exercer pleinement leurs droits. Les groupes CRC-SPG et socialiste ont déposé plus de la moitié des 7 000 amendements de séance et ont occupé plus de 40 % du temps total de la séance plénière.
Tout cela aboutit à des réalités nouvelles.
Le droit d'initiative connaît un nouveau souffle. Sur dix-huit propositions de loi définitivement adoptées, onze ont pris naissance au Sénat. Il s'agit souvent de textes importants comme ceux, pour ne citer que deux exemples, sur le service civique ou les sociétés civiles locales.
Autre réalité nouvelle : les droits des groupes politiques de l'opposition -mais aussi de la majorité ou minoritaires- se renforcent.
Nos commissions affirment pleinement leur rôle. Au-delà de leur fonction constitutionnelle nouvelle dans l'examen des textes, un nombre croissant de sujets donnent lieu à un suivi vigilant, assuré notamment par nos missions d'information. Il en a ainsi été du mal-être au travail, de la difficile question des troubles mentaux au sein des établissements pénitentiaires ou des douloureuses conséquences des inondations qu'a connues notre pays. C'est dans ce même esprit que nous participons, avec des propositions concrètes, au rendez-vous sur les retraites grâce, notamment, à la réflexion approfondie et concertée de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des finances.
Désormais consacrée par la Constitution, la commission des affaires européennes a développé son rôle de veille européenne, notamment pour le contrôle du principe de subsidiarité qui sera exercé avec les commissions permanentes.
C'est aussi une réalité sénatoriale en plein essor que l'action de nos délégations, dont les compétences sont clarifiées et, de ce fait, renforcées.
Au-delà de ces progrès, réalisés consensuellement, il reste -bien sûr- un long chemin à parcourir.
Le choix collectif -et conforme à nos traditions sénatoriales- que nous avons fait de ne pas adopter le dispositif du « temps législatif programmé » n'a pas allongé la durée des débats législatifs du Sénat par rapport à l'Assemblée nationale. Le fait que nous ayons siégé huit jours de plus que l'Assemblée nationale -pour un débat qui le méritait : La Poste- tient à ce que nous avons pleinement exercé nos nouveaux droits constitutionnels de contrôle. Le Président Poncelet insistait toujours sur cette mission fondamentale du Sénat. La sanctuarisation de notre semaine de contrôle a permis 27 débats d'origine sénatoriale.
La conjonction des priorités sénatoriales avec celles du Gouvernement ainsi que la prise en compte des droits nouveaux des groupes pèsent sur le temps du Parlement. C'est la simple conséquence de la réforme constitutionnelle de 2008.
Comment, dans ces conditions, assurer une gestion plus fluide de la séance publique ? Les pistes, nous les connaissons tous. Il importe de les explorer, de les expérimenter, sans a priori, dans l'esprit de dialogue, de respect mutuel, de spécificité sénatoriale qui est le nôtre.
Une meilleure évaluation de la durée de discussion des articles et des amendements ainsi qu'une plus grande prévisibilité des prises de parole sont-elles des objectifs impossibles ?
Une clarification de l'application des règles concernant l'article 40, l'article 41 et les cavaliers législatifs n'est-elle pas que le corollaire du respect -par tous- de la Constitution ? Il n'y a rien de pire que de recevoir une leçon du Conseil constitutionnel. (Applaudissements à droite)
La deuxième lecture doit-elle demeurer ce qu'elle est trop souvent : une simple répétition de la première, avec une durée identique, fournissant autant d'arguments supplémentaires pour la systématisation de la procédure accélérée ? Ne tentons pas le Gouvernement.
Une dynamisation de nos débats de contrôle est-elle impensable ? La compacité d'un débat dessert-elle forcément sa vivacité et, donc, son écho en dehors de nos murs ?
Reste la question, peut-être essentielle, de la répartition des rôles en matière de travail législatif entre les commissions et la séance publique.
La revalorisation du rôle préparatoire des commissions n'a pas suffisamment entraîné le recentrage de la séance plénière sur l'essentiel. L'écart entre le nombre des amendements en commission et en séance est révélateur : environ 2 200 amendements en commission contre près de 6 000 -soit plus du double- en séance, dont un tiers seulement est adopté.
C'est ainsi que nous avons souhaité une meilleure visibilité du travail en commission, grâce à l'expérimentation d'un compte rendu analytique de commission non exclusif du maintien d'un compte rendu plus analytique de nos séances.
Une réhabilitation de la loi s'impose. Il nous faut des textes allégés, moins touffus, des textes constitutionnellement législatifs. C'est un impératif pour le Gouvernement et pour nous. Nous le devons à nos concitoyens, pour lesquels et au nom desquels nous légiférons et auxquels nous devons des lois compréhensibles et cohérentes, des lois éclairées par un débat parlementaire plus attractif et plus clairement lisible. C'est pour ces raisons que la qualité de la loi est au centre des réflexions du groupe de travail commun à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Avant de nous quitter... pour une brève session extraordinaire..., qui en précèdera une autre plus longue, je voudrais adresser -en votre nom à tous- nos remerciements les plus vifs à tous ceux qui nous assistent avec tant de dévouement et d'efficacité dans notre travail : les fonctionnaires parlementaires du Sénat, les collaborateurs de nos groupes politiques respectifs et nos assistants.
Au cours de cette session particulièrement chargée, ils ont su -avec efficacité- faire face à un travail très accru.
Je voudrais aussi saluer les journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, ainsi que nos partenaires de Public Sénat, qui contribuent à mieux faire connaître la façon dont nous remplissons nos fonctions de législation, de contrôle, d'évaluation et de prospective, au service de nos concitoyens, dans le respect de l'éthique parlementaire et dans la recherche commune de l'intérêt général. Dans ces temps de simplification, il est bon de rappeler que le parlement a une éthique, au service du pays ! (Applaudissements prolongés à droite)
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - Je remercie toutes les sénatrices et tous les sénateurs. Le Gouvernement sait apprécier la qualité du travail mené ici, avec sens du dialogue et de l'écoute. Chacun a su faire vivre le débat démocratique en défendant avec passion ses idées, sans jamais trahir l'esprit de courtoisie qui honore les membres de la Haute assemblée.
Dans vos fonctions successives au sein cette maison, vous avez toujours oeuvré, monsieur le Président, comme un défenseur acharné du bicamérisme. Nous avons noué le dialogue dans un climat de grande confiance, partageant le désir de faciliter l'organisation des travaux, avec la Conférence des Présidents, dont je salue tous les membres, pour mettre en oeuvre les principes nés de la révision constitutionnelle.
Je salue les présidents de séance, les présidents de groupes, de commissions, MM. les questeurs et tous ceux qui ont accompagné le bon déroulement de nos travaux.
Cette première session s'est déroulée sous l'emprise de la révision. L'objectif assigné par le Président de la République est atteint : les pouvoirs du Parlement s'en sont trouvés renforcés. C'est chaque jour que se développent de nouvelles pratiques vers une nouvelle culture parlementaire qui doit nourrir notre vie démocratique. Nous avons su trouver les voies d'un partage serein de l'ordre du jour. Contrairement à ce que pensent certains, il n'y a pas affrontement sur ce partage entre le Gouvernement et le Sénat : nous avons fait la démonstration qu'une certaine souplesse était fructueuse. Le Sénat a bien voulu débattre pendant ses séances de contrôle du projet de loi de réforme des collectivités et de la modernisation de l'agriculture ; le Gouvernement a inscrit huit propositions de loi à l'ordre du jour prioritaire. C'est la clé de la réussite et de la prévisibilité, à laquelle, monsieur le Président, vous êtes très attaché.
Durant la session, le Gouvernement n'a recouru que sur douze textes à la procédure accélérée, contre 32 l'an passé, alors que l'ordre du jour est désormais partagé. Le Gouvernement a été sensible aux préoccupations des parlementaires et aux recommandations des présidents des deux assemblées. Il faudra trouver les moyens d'éviter que certaines deuxièmes lectures ne soient pas la simple répétition des premières.
De même, nous devons nous appliquer à plus de concision dans les projets de loi.
C'est une discipline nécessaire, singulièrement avec l'ordre du jour partagé : c'est ainsi que place est laissée à l'initiative parlementaire.
Les droits des groupes minoritaires sortent renforcés de la révision : bien des propositions de loi déposées à leur initiative ont été examinées en séance.
Le rôle de contrôle, auquel le président Poncelet était très attaché, est lui aussi renforcé, avec une semaine de séance réservée.
C'est vrai : le Sénat a beaucoup siégé. Cette mobilisation était indispensable à la poursuite des réformes engagées depuis 2007 et pour répondre à la crise.
Le Parlement a adopté des textes majeurs, ainsi que l'a rappelé le Président Larcher. Réforme des collectivités, modernisation de l'agriculture, pour n'en citer que deux. Je souhaite que le déroulement de nos débats, lors de la session extraordinaire, vous permette de prendre dès après le 13 juillet un repos bien mérité. J'espère vous retrouver plein d'allant à la fin de l'été.
Je vous donne rendez-vous en septembre, au service de la France. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
La séance est suspendue à 16 h 45.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 16 h 55.