Réforme des collectivités territoriales (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de réforme des collectivités locales.
Discussion générale
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Je ne reviens pas sur l'ambition et les principes de cette ambitieuse réforme, car vous les connaissez. Le Président de la République et le Gouvernement ont proposé au Parlement que nos collectivités locales s'organisent désormais autour des deux pôles complémentaires, département-région et communes-intercommunalités.
S'agissant des communes, le texte adopté par l'Assemblée nationale est pour l'essentiel conforme à ce que souhaitait l'assemblée représentative des collectivités territoriales. Les communes n'ont rien à craindre de ce dispositif qui est à leur disposition, sans rien de contraignant ; s'agissant des communes nouvelles, il n'y aura aucune fusion autoritaire.
Sur les métropoles aussi, le texte de l'Assemblée national est pour l'essentiel conforme à celui du Sénat. Le seuil retenu conforte le statut européen de Strasbourg. La rédaction adoptée par votre commission doit respecter les ressources des communes dans les métropoles tout en organisant ces dernières.
Votre commission des lois n'a guère retouché le texte de l'Assemblée nationale sur les conseils intercommunautaires, preuve que votre rédaction de première lecture n'avait pas été bouleversée. La carte intercommunale sera simplifiée, comme le souhaite Mme Escoffier. Le calendrier retenu n'est ni trop rapide, pour la concertation, ni trop lent, compte tenu des municipales de 2014.
Sur le fond, les dispositions sur les limites territoriales des départements et régions n'ont pas non plus été bouleversées par l'Assemblée nationale.
Convergence aussi à propos de la mutualisation des moyens, tant dans les intercommunalités qu'entre les collectivités territoriales : votre assemblée en a débattu à l'initiative de votre délégation aux collectivités territoriales le 17 juin. Ce texte comporte une boîte à outils pour lever les freins à l'intercommunalité. Le Gouvernement s'est voulu audacieux tout en respectant le droit européen.
L'Assemblée nationale a souhaité éclater l'article 35 en plusieurs articles, plus simples et pragmatiques. Seules les communes disposeront de la compétence générale mais les conseils généraux pourront se saisir, par délibération spéciale, de tout sujet intéressant les départements à condition que la loi n'ait confié cette compétence à aucune autorité publique. En effet, la loi ne peut envisager toutes les situations.
Il faut pourtant apporter une réponse dans chaque hypothèse. Le législateur devra préciser ses intentions, pour le juge administratif. Lorsqu'une compétence est dévolue par la loi à une catégorie de collectivités, les autres ne pourront plus y intervenir.
Le nouveau conseiller territorial jouera un rôle d'articulation. Cet élu local sera porteur d'une double vision : à l'élu territorial doit correspondre un territoire, comme le dit M. Chevènement ; il aura ainsi une vision stratégique à l'échelle de la région. Demain, le conseiller territorial sera l'interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, à commencer par les maires. Dès 2014, dans les six mois après une élection, ils pourront adopter des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services.
Faut-il aller plus loin ? Le président About présente un amendement selon une logique de blocs de compétences. Je suis ouvert à cette proposition.
M. Jean-Pierre Bel. - Il va donc voter la réforme !
M. Brice Hortefeux, ministre. - L'article 35 ter affirme la capacité générale de la collectivité assurant la maîtrise d'ouvrage d'un investissement. Les petites communes pourront toujours obtenir 80 % des financements sur leurs projets. Cela s'inspire d'un décret de décembre 1999, concernant l'intervention de l'État. Des dérogations sont cependant prévues, par votre commission, dans certains secteurs comme les monuments protégés ou la rénovation urbaine. Au total, le texte de votre commission des lois est pragmatique et réaliste. Une large majorité pourra se retrouver dessus.
Avant de laisser la parole au spécialiste électoral qu'est Alain Marleix (rires), je vais à l'essentiel : le vote conforme sur la création du conseiller territorial unique.
M. Jean-Pierre Sueur. - Un cumulard !
M. Brice Hortefeux, ministre. - L'Assemblée nationale a souhaité préciser le mode de scrutin et les tableaux.
M. Jean-Pierre Sueur. - Pas l'Assemblée nationale, le Gouvernement !
M. Brice Hortefeux, ministre. - Aucun mode de scrutin n'est parfait ; il faut donc faire des choix. MM. Maurey et Collombat, rapporteurs de la délégation, émettent un « constat commun » sur le fait qu'aucun mode de scrutin ne permettait de respecter tous les objectifs. Il faut donc résoudre une quadrature du cercle.
Le Gouvernement s'est rallié au scrutin majoritaire à deux tours. La commission des lois y a donné un avis favorable. Simple et lisible, ce type de scrutin fait partie de l'héritage républicain et maintient le lien indispensable entre l'élu et le territoire. Il serait contradictoire d'imaginer des conseillers territoriaux hors sol !
Ce choix donne aux élus une autorité territoriale, avec une majorité absolue des suffrages, tout en permettant, comme dit M. Collombat, une expression limitée mais non négligeable de la diversité des opinions.
Il faut des mesures complémentaires, et d'abord pour inciter les partis politiques à favoriser la parité. L'Assemblée nationale a trouvé un mécanisme de sanction financière.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cela ne marche pas !
M. Brice Hortefeux, ministre. - C'est la première fois pour des élections locales.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cela n'impressionnera pas le trésorier de l'UMP !
M. Brice Hortefeux, ministre. - Nous devions effectivement aller plus loin. MM. About et Jean-Léonce Dupont ont déposé un amendement plus incitatif auquel je suis favorable.
La deuxième mesure porte sur le suppléant qui devra être de sexe différent ; je suis favorable à l'amendement de l'Union centriste.
La troisième concerne la composition des commissions permanentes dans les conseils régionaux et généraux. Pour aller dans le sens souhaité par Mme Escoffier, nous acceptons l'amendement About qui interdit la présence dans deux commissions permanentes, à l'exception du président du conseil général qui siègera à la commission permanente de la région, sans fonction exécutive.
Quatrième mesure : le cumul de deux mandats locaux est interdit, et le conseiller territorial sera un mandat. Il faut s'interroger sur la situation des conseillers intercommunaux. Je suis ouvert à la proposition de M. Maurey.
Le tableau des effectifs, à la rédaction duquel le président et le rapporteur de l'Assemblée nationale ont apporté une contribution décisive, a l'avantage de ne pas sacrifier le monde rural et d'aboutir à un total raisonnable de 3 500 conseillers territoriaux. Ce tableau peut être amélioré ; la commission des lois a proposé de le faire. Une actualisation de la carte cantonale s'imposait ; M. Marleix en parlera.
M. Jean-Jacques Mirassou. - M. Ciseaux !
M. Brice Hortefeux, ministre. - La création du conseiller territorial améliore grandement les choses tout en apportant une certains souplesse.
M. Baylet...
M. Jean-Pierre Sueur. - Il n'avait pas encore été cité !
M. Brice Hortefeux, ministre. - ...a regretté à juste titre que ce débat ne commence pas ce matin. Mais le Parlement débattra abondamment de ce texte...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - ...comme il est normal.
M. Brice Hortefeux, ministre. - ...surtout pour un parlement renforcé par la révision constitutionnelle que vous n'avez pas votée. Le Sénat aura à coeur d'enrichir cette réforme avec le seul souci de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - En adoptant, en décembre dernier, la concomitance des élections des conseillers régionaux et généraux, le Parlement ouvrait la voie à un projet de loi sur le mode de ces élections.
Beaucoup d'orateurs considéraient qu'on ne pourrait décider de l'élection des futurs conseillers territoriaux sans qu'on en connaisse le nombre par département. J'avais annoncé que je présenterai un tableau à votre commission. L'Assemblée nationale a complété le texte en ce sens, conformément à l'article 44 de la Constitution, qui n'exclut pas le droit d'amendements des députés et du Gouvernement sur les textes dont le Sénat est saisi en premier. La proposition du Gouvernement d'instaurer un scrutin mixte a été très critiquée. Nous voulions combiner les avantages du scrutin majoritaire à deux tours et du scrutin proportionnel. Ce système a suscité nombre de critiques, d'autant qu'il créait deux sortes d'élus : ceux rattachés à un territoire et les autres. Même la proportionnelle ne suffit pas à assurer la parité des sexes. Au Sénat, 20 femmes pour 74 sièges en 2001 ; 29 pour 89 sièges en 2004, 11 pour 40 en 2008 ; en moyenne moins de 30 % de femmes pour les départements qui élisent les sénateurs à la proportionnelle.
M. Jean-Pierre Bel. - Vous avez relevé le seuil de la proportionnelle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Aux régionales, il y a 40 % de femmes ! On ne parle pas ici des élections au Sénat.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a recueilli l'avis des formations politiques ; seul le parti socialiste a refusé de s'exprimer, parce qu'opposé à la réforme. Les sénateurs RDSE ont souhaité, pour le conseiller territorial, le mode d'élection actuel des conseillers généraux. C'est le mode de scrutin utilisé pour les 4 000 conseillers généraux depuis le Consulat, pour les députés depuis la Ve République.
Ce choix risque-t-il de cantonaliser la région ? Les conseillers généraux se désintéresseront-ils du département ? Qu'en pensent les 58 présidents de conseils généraux de l'opposition ? Voulez-vous modifier le mode de scrutin pour les députés ?
Bref, il est clair que les critiques opposées au mode de scrutin ne sont que prétextes fallacieux. Le scrutin uninominal à deux tours donne aux élus une assise territoriale et permet de préserver une majorité stable.
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Vous l'avez écrit en conclusion de votre rapport !
M. Pierre-Yves Collombat. - Pas dans la région ! Lisez la conclusion de la conclusion ! (Rires à droite)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a donc proposé à l'Assemblée nationale d'adopter le principe du scrutin majoritaire à deux tours dans les circonscriptions cantonales moins nombreuses que les actuelles.
Ils auront une visibilité et une légitimité renforcées, comme l'a souhaité l'ADF.
Des dispositions seront prises en faveur de la parité, avec incitation et sanctions financières, selon le système en vigueur pour les législatives.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Qui a fait la preuve de son inefficacité.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a soutenu un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale portant le nombre de voix nécessaires pour accéder au deuxième tour à 12,5 %. Votre commission est d'accord.
C'est à la loi de fixer le nombre des conseillers territoriaux. Vous ne vous prononcez pas sur le nombre de conseillers généraux, c'est parce que les cantons sont dessinés par décret : 510 cantons ont été créés par l'actuelle opposition sans que vous ne soyez même informés. Depuis les dernières élections régionales, un seul élu régional représente la Lozère ; il y a dix sièges d'écart entre les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis, malgré des populations comparables. Bien d'autres exemples d'inégalités pourraient être cités.
On ne peut assister à une explosion du nombre de conseillers régionaux ; en réduire le nombre n'est pas un but en soi mais une contrainte inéluctable. Le Gouvernement n'a pas choisi la facilité en réduisant le nombre des cantons. Dans cette optique, le chiffre global de 3 300 conseillers territoriaux nous a paru optimal.
Nous avions envisagé le recours à l'ordonnance sachant que la durée d'un an prévue pour l'habilitation permet de réduire le délai entre le dernier recensement et l'élection : alors que le recensement en 2008 devait s'appliquer en 2014, l'inscription dans la loi du tableau permet de stabiliser les choses. Le minimum de quinze élus par département correspond à celui du plus petit département actuel, le territoire de Belfort. MM. Chevènement et Michel Dreyfus-Schmidt avaient souhaité élever ce nombre à quinze dans un souci de bonne gouvernance. Nous avons suivi leur logique.
Aucune région ne compte plus de 70 conseillers territoriaux par département.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est ridicule !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - A Metz, à la communauté urbaine, il y a 440 conseillers régionaux et 45 vice-présidents...
Votre commission des lois soutient les critères retenus par l'Assemblée nationale, en préconisant des nombres impairs dans chaque département, comme l'a demandé l'ADF. Il faudra alors délimiter les nouveaux « territoires », selon la formule souhaitée par M. Portelli.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cela va très loin !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Un redécoupage des cantons devenait de toute façon indispensable : les écarts allaient de 1 à 20 dans plus d'une vingtaine de département, et même de 1 à 45 dans l'Hérault. Ces cantons se feront dans la limite des circonscriptions législatives, conformément à la tradition républicaine et à la hiérarchie des normes.
La circonscription cantonale a toujours, depuis le Consulat, regroupé plusieurs communes et la circonscription législative plusieurs cantons.
Il n'a hélas pas été possible de se caler sur les intercommunalités, ne serait-ce que parce que cela aurait donné un pouvoir exorbitant aux préfets qui auraient pu par simple arrêté déplacer les limites des territoires, et donc des circonscriptions des députés.
La solennité de la procédure nationale retrouvée -une vraie commission, composée de très hauts magistrats- est conforme à l'importance que nous reconnaissons aux conseillers territoriaux.
Les écarts actuels seront considérablement réduits.
Mme Catherine Tasca. - Un conte de fées !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le tableau sera particulier pour Paris, la Corse, la Guyane et la Martinique, vu leurs spécificités statutaires.
Après déjà plus de 200 heures de débat, nous resterons à votre disposition pour répondre à toutes vos demandes de précisions. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois. - En première lecture, le 8 juin, l'Assemblée nationale a substantiellement modifié notre texte, qui atteint 97 articles, contre 67 adoptés par le Sénat et 40 dans le texte initial.
En première lecture, le Sénat avait respecté la logique du projet de loi tout en confortant la capacité des collectivités à assumer leurs compétences. Il a ratifié la création du conseiller territorial, dégagé des solutions consensuelles pour adapter les organes délibérants des EPCI et encadré les pouvoirs des préfets pour modifier la carte intercommunale.
Le Sénat a adapté la recomposition de la commission départementale de la coopération intercommunale et validé le principe d'un EPCI plus intégré : la métropole. Par réalisme, il a consenti à un nouveau dispositif de fusion des communes.
L'économie générale de ce texte a été respectée par les députés, qui l'ont complété de façon parfois substantielle.
Par analogie avec les conseillers généraux, l'Assemblée nationale a introduit un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Pour éviter un effet pervers dans la parité, les suppléants devront être d'un sexe différent. Des pénalités financières inciteront à respecter la parité.
Sur le plan municipal, il reste à mieux représenter les minorités.
Les députés ont limité le droit de veto institué en faveur de la commune la plus peuplée. Ils ont permis de modifier le périmètre de l'EPCI à la majorité des deux tiers.
L'Assemblée nationale a complété le dispositif des pôles métropolitains, avec une dérogation démographique pour les pôles frontaliers. Toutes les métropoles percevront la taxe sur le foncier bâti.
L'Assemblée nationale a clarifié la répartition des compétences entre niveau de collectivités, avec des domaines partagés comme le tourisme, la culture et le sport. Les financements croisés sont maintenus, avec des modalités renouvelées.
Votre commission a cherché les convergences avec l'Assemblée nationale. Elle a supprimé, en un premier temps, plusieurs articles, mais s'est ensuite ralliée au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour les conseillers territoriaux.
A quelques détails rédactionnels près, nous avons repris les dispositions prévues par l'Assemblée nationale pour parachever le paysage intercommunal.
Votre commission a adopté conforme l'article 35 qui répartit les compétences des collectivités territoriales. En revanche, elle a modifié la limitation des cofinancements et supprimé l'article 35 quater.
Nous espérons valoriser ainsi les atouts, les richesses et la diversité de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. - La commission des finances s'est saisie en première lecture des articles ayant des incidences financières ou fiscales, notamment à propos des métropoles. Elle n'a pu faire prévaloir son souhait d'une grande réforme novatrice, pourtant urgente.
Nous souhaitions, d'une part, doter les métropoles d'un dispositif fiscal et budgétaire très intégré, qui les différencie nettement des communautés urbaines, et, d'autre part, favoriser une dynamique de rationalisation du découpage territorial par la voie des communes nouvelles.
A l'article 35, notre commission n'avait proposé aucune modification. La suite du débat est à l'origine de deux éléments nouveaux importants pour la commission des finances : le régime fiscal et financier des métropoles ; les nouvelles dispositions sur les financements croisés.
Globalement, la commission est très réservée. Le texte que nous examinons aujourd'hui nous propose finalement la création de métropoles qui se distinguent très peu des actuelles communautés urbaines. Il traduit un certain manque d'ambition, ce que nous regrettons.
Toutefois, la commission des finances présentera plusieurs amendements, dont certains tendent à limiter les avantages des métropoles par rapport à d'autres intercommunalités.
L'indexation de la part garantie de la DGF justifiera un amendement de compromis. En ce domaine aussi, je regrette le manque d'ambition : on revient même à un dispositif plus rigide que celui de la loi Marcellin de 1971 !
L'Assemblée nationale a modifié quatre dispositions financières. Nous approuvons la nouvelle rédaction de l'article 34 ter, relatif aux piscines. L'Assemblée nationale a voté un amendement relatif aux commissions locales chargées d'évaluer l'incidence des transferts de compétences entre un EPCI et ses communes membres; nous approuvons cette rédaction.
En revanche, nous souhaitons maintenir le principe de territorialité de la DGF, avec une règle péréquatrice. Je vous proposerai un amendement incitatif.
L'Assemblée nationale a aussi harmonisé les taux des taxes locales au sein d'un EPCI ; je vous proposerai un amendement améliorant l'aspect opérationnel du dispositif.
J'en viens aux domaines de compétences. Les régions ne pourront participer qu'aux opérations d'envergure régionale engagées par les départements et les intercommunalités. Nous avons pris acte des décisions prises par la commission des lois à propos des compétences, mais il convient de préciser les financements croisés.
Enfin, l'article 35 quater, introduit par l'Assemblée nationale, est supprimé par notre commission des lois. Il tendait à empêcher de cumuler les subventions départementales et régionales, sauf pour les projets des petites communes ou des petits EPCI. L'idée d'inciter les départements et les régions à négocier un cofinancement est intéressante mais la première phase 2012-2013 est trop contraignante. Je vous proposerai un amendement à ce propos.
Sous réserve de ces précisions, la commission des finances est favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie. (Applaudissements à droite)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, rapporteur pour avis. - Les députés ont décidé de limiter la compétence générale du département et de la région et d'encadrer les financements croisés.
Vu l'incidence des dispositions pour le sport et la culture, la commission s'est saisie du titre IV de ce texte en deuxième lecture. Régions et départements financent en effet 80 % des activités artistiques et culturelles hors Paris et assurent près des deux tiers des efforts financiers publics pour l'organisation des pratiques sportives. Nous apprécions donc le fait que la compétence partagée soit maintenue pour ces deux domaines. En effet, la culture et le sport sont indissociables des politiques sociales et de solidarité, de compétence départementale, mais ils font aussi bien souvent partie intégrante des politiques de formation professionnelle et de développement économique et touristique pour lesquelles les régions détiennent une compétence de principe.
Nos collègues députés ont également introduit la notion de « schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services ». La culture et le sport ne doivent pas nécessaire faire partie d'un tel schéma. Je souhaite toutefois que la coopération soit la règle. D'ailleurs, les EPCC, chers à M. Renar, ont vocation à organiser l'action conjointe des collectivités locales et de l'État.
Selon les secteurs et les territoires, il est souhaitable que les collectivités se répartissent les rôles en organisant leur action commune. Je préconise l'accord local, avec une éventuelle spécialisation de certaines collectivités dans certains domaines.
Les conseillers territoriaux doivent favoriser cette évolution. Il arrive d'ailleurs que des conseillers généraux siègent au conseil régional.
M. Jean-Jacques Mirassou. - C'est rare !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. - Dans ma région, des conseillers généraux socialistes ont été élus lors du dernier scrutin régional.
La réduction des subventions sportives et culturelles tient surtout aux difficultés induites par la conjoncture.
La coordination avec les métropoles me semble plus délicate ; les conseillers territoriaux devront être vigilants pour concilier le souhait d'affirmer des pôles européens forts et la nécessité d'éviter que les métropoles cannibalisent les territoires qui les entourent.
Le titre IV encadre désormais les financements croisés. La commission des lois a supprimé l'article 35 quater, qui aurait eu pour effet de limiter, voire supprimer, le cumul des subventions départementales et régionales en faveur de projets locaux. La commission de la culture approuve cette suppression.
Elle proposera de rendre obligatoire l'élaboration des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services et d'étendre la clause de compétences partagées aux subventions accordées par les collectivités territoriales au secteur associatif, qui est la vie même de nos territoires. (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Était !
Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, rapporteur. - Cette deuxième lecture va permettre d'engager la discussion sur le régime électoral des conseillers territoriaux.
Aucun des modes de scrutin proposés par le Gouvernement n'est favorable à la parité : triste anniversaire pour la loi de juin 2000 !
La parité a progressé dans les institutions élues au scrutin de liste. Ainsi, les conseils régionaux comportent 41 % de femmes, et même 45 % de vice-présidentes depuis 2008.
En revanche, les résultats sont décevants dans les élections au scrutin uninominal à deux tours : les conseils généraux, avec 12,3 % de femmes seulement, restent les assemblées les plus masculinisées du pays. Les sanctions financières ne semblent guère efficaces puisqu'il n'y a que 18,5 % de femmes parmi les députés. Il faut donc chercher une autre solution.
Le premier régime électoral proposé par le Gouvernement était complexe. En outre, il était moins favorable à la parité que l'actuel mode de scrutin régional, ce qui aurait pu conduire à une saisine du Conseil constitutionnel.
Le Gouvernement s'est donc rallié au scrutin majoritaire à deux tours, dans des conditions très contestables. L'effet négatif de ce scrutin est encore plus marqué pour la parité.
Notre délégation se fonde sur un constat : le scrutin de liste favorise la parité. Nous regrettons donc le choix du Gouvernement.
Nous ne privilégions pas la voie des sanctions financières car elles sont très insuffisantes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - On peut les renforcer.
Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Nous proposerons de substituer un scrutin binominal au scrutin uninominal, ce qui suppose de diviser par deux le nombre de cantons pour maintenir inchangé le nombre des conseillers territoriaux. La parité serait ainsi parfaite.
La délégation a adopté ses recommandations à l'unanimité. Elle n'a pas déposé d'amendements puisque la commission des lois ne voulait pas que ce projet de loi traite du mode de scrutin. Mais, dans l'hypothèse où un amendement proposerait de réintroduire le scrutin majoritaire pour l'élection du conseiller territorial, nous reprendrions notre proposition dans un sous-amendement.
Évitons d'adresser à l'opinion un message très négatif quant à l'accès des femmes aux responsabilités politiques. (Applaudissements)
M. Nicolas About. - En première lecture, l'Union centriste avait le sentiment que le texte permettait de simplifier, clarifier et moderniser notre organisation territoriale. Bien qu'imparfait, le régime électoral des conseillers territoriaux allait dans le bon sens. Cinq mois plus tard, nous sommes déçus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ça va s'arranger !
M. Nicolas About. - Je l'espère, tout en craignant que ce ne soit pas grâce à vous. Nous sommes déçus que le seuil démographique retenu vide la « métropole » de son intérêt ; déçus qu'à force de vouloir complaire à tous, ce texte manque d'ambition ; déçus que les conservatismes, les frilosités, les intérêts partisans l'emportent sur l'ambition de changement.
Mais déception ne signifie par renoncement. Nous proposerons donc un mode de scrutin mixte, seul moyen d'assurer la représentation pluraliste des territoires et des régions. Nous verrons alors qui veut vraiment le changement. (Exclamations sur les bancs CRC) Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à être convaincus que c'est nécessaire : le 20 octobre dernier, le Président de la République affirmait lui aussi que
« Le pluralisme des idées politiques justifie que l'on réserve une place aux différents courants de pensée, fussent-ils minoritaires, dans les conseils généraux et régionaux ».
Nous déposerons également un amendement au tableau de répartition des conseillers territoriaux par région et par département qui corrige les anomalies de représentation entre départements au sein d'une même région. Cette répartition repose sur un principe clé, l'équité régionale.
Voulons-nous des assemblées régionales pléthoriques ingérables, au prix d'investissements très coûteux ?
Le statut de métropole doit permettre de rivaliser avec de grands pôles européens, comme Barcelone, Francfort ou Milan. Nous proposerons donc un seuil de 650 000 habitants.
Nous proposerons aussi de clarifier la répartition des compétences car nos concitoyens doivent savoir qui fait quoi. Il faut éviter les saupoudrages.
Nous voulons rendre à ce texte ses ambitions initiales, afin d'être à la hauteur des attentes. Notre vote dépendra du sort fait à nos propositions. (Applaudissements au centre)
M. Jean-Michel Baylet. - La sagesse populaire proclame : « Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! ». C'est ce que fait le Gouvernement dont le projet est mauvais car il est mal intentionné.
D'abord, parce que les cabinets n'aiment pas la décentralisation dans notre état jacobin qu'on pourrait aussi bien dire capétien, colbertiste, napoléonien, gaulliste ou énarchique. Dans votre logique, la décentralisation est octroyée, comme aurait dit Louis XVIII, accordée ou au mieux consentie.
Deuxième vice inhérent à votre projet : vous ne recherchez pas une meilleure administration locale, mais un bouc émissaire pour endosser vos responsabilités !
Vous êtes en guerre contre le canton, avec sa poste, sa perception, son collège, ses services publics condamnés ou transférés par dogmatisme libéral. La critique du mille-feuille administratif tend à dissimuler la mauvaise gestion de l'État. En réalité, les collectivités fourmis tentent de compenser les défaillances de l'État cigale !
Mais l'essentiel tient à votre conviction que l'État -et sa haute fonction publique- est le seul à défendre l'intérêt général. En 1982 et 1983, la mode était de citer l'exemple belge, dont nous avons pu apprécier depuis le caractère exemplaire. Lors d'un débat auquel j'ai participé, le président Mitterrand a souligné le rôle irremplaçable des 500 000 élus locaux bénévoles qui retissent quotidiennement, modestement et inlassablement le lien social.
Nous refusons la création du conseiller territorial qui pourrait, selon les circonstances, voter différemment au conseil régional et au conseil général.
Nous ne voulons pas de cet hybride de carpe et de lapin dont l'électeur ne sait plus pour quoi il l'a élu. Nous n'en voulons pas ! Son mode d'élection n'est donc pas notre affaire, mais la vôtre.
L'UMP qui se croyait hors d'atteinte rêvait d'un mode de scrutin à l'anglaise. Et puis il a y eu les élections régionales... Les radicaux sont traditionnellement favorables au scrutin uninominal à deux tours mais ils n'arbitreront pas les querelles tactiques internes à la majorité.
C'est le raisin qui fait le vin, pas le pressoir. Vos cuvées 2011 et 2012 seront mauvaises, parce que votre projet pour la France est mauvais.
La fourmi n'est pas prêteuse ; les radicaux de gauche ne vous feront aucun crédit ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Bel. - Cette réforme va à contre sens de notre histoire contemporaine, celle de la décentralisation, cette grande idée, cet acte fondateur du début des années 1980. Pour moderniser la France, pour changer la vie publique, il fallait ramener le pouvoir de décision au plus près du terrain, faire confiance à l'intelligence des territoires, parier sur la démocratie locale. Ces évidences ont amené le gouvernement Raffarin à graver dans le marbre de la Constitution que l'organisation de la République est décentralisée. On n'en est plus là avec ce texte élaboré à la hâte et retouché dans l'improvisation.
Les élus locaux, en plein désarroi, ne sont plus sûrs de rien tandis qu'ils sont régulièrement désignés comme responsables de toutes les difficultés et de tous les déficits. Au lieu de dialoguer, on stigmatise ; au lieu de construire, on dénigre ; au lieu d'avancer, on démolit. On laisse communes et intercommunalités sans garantie de ressources ni perspectives, on s'en prend aux financements croisés pourtant si utiles. On imagine un processus insidieux qui dénaturera à la fois le département et la région, en créant un élu génétiquement modifié, le conseiller territorial, intrinsèquement cumulard et schizophrène -voilà ce qui décourage les élus.
Mais vous vous obstinez. Sans la moindre étude comparative, vous proclamez avoir raison seuls contre tous. Vous mettez le Parlement sur la touche, vous bâclez la concertation. Vous allez à l'envers, en commençant par rogner les ressources avant de dessiner les finalités. Vous attendez des économies, qui seront négligeables. Vous réformez dans le vide, sans fixer de cap, sans donner de sens. Plus personne ne comprend rien à la manière dont fonctionneront ces assemblée pléthoriques.
Pourquoi vous obstiner encore ? Uniquement pour changer les règles du jeu électoral ? Ce ne serait qu'une supercherie, obscure dans sa formulation mais limpide dans son résultat : c'est un hold up politique que vous nous demandez d'avaliser.
Au lieu de simplifier, vous rendez tout confus et complexe. Les prétendues économies substantielles seront infimes, indécentes au regard de ce qui sera perdu en terme d'efficacité. Vous prétendez à la justice, mais votre projet ne comporte aucune avancée en termes de péréquation.
La clause de revoyure pour les finances locales est escamotée, le débat sur les compétences est inachevé, la réforme du mode de scrutin n'est plus consensuelle. C'est M. Raffarin qui le dit !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - M. Raffarin a vraiment dit cela ?
M. Jean-Pierre Bel. - Nous vous invitons à en tirer la conclusion qui s'impose et à ne pas voter ce mauvais texte. (Applaudissements à gauche)
Prochaine séance, demain, mardi 29 juin 2010 à 9 h 30.
La séance est levée à 23 h 55.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 29 juin 2010
Séance publique
A 9 HEURES 30
1. Questions orales.
A 15 HEURES ET LE SOIR
2. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (n°527, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois (n°559, 2009-2010).
Texte de la commission (n°560, 2009-2010).
Avis de M. Jacques Legendre, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°573, 2009-2010).
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n°574, 2009-2010).
Rapport d'information de Mme Michèle André, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n°552, 2009-2010).