Élections au Parlement européen
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l'élection des représentants français au Parlement européen, présentée par M. Collin et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE.
Discussion générale
M. Jean-Michel Baylet, auteur de la proposition de loi. - Le RDSE vous propose de rétablir une circonscription unique pour les élections au Parlement européen, et de revenir ainsi sur la loi de 2003 voulue par M. Raffarin. Un an après les élections de 2009, nous pouvons tirer un bilan.
La loi de 2003 qui concernait les élections régionales, avait suscité une telle unanimité dans votre majorité qu'il avait fallu en passer par l'article 49-3. M. Jospin avait eu la même idée, mais il avait consulté les forces politiques et avait retiré un texte qui n'était pas consensuel ; les radicaux de gauche, qui étaient opposés à cette réforme, avaient salué son geste.
Les élections européennes sont toujours difficiles pour la majorité en place : la loi de 2003 devait diluer le scrutin dans huit circonscriptions. En 2009, 72 % des suffrages sont allés contre la majorité actuelle. Avec une circonscription unique, la répartition des sièges eût été différente.
En 2003, le ministre de l'intérieur, qui n'était pas encore à l'Élysée, nous expliquait avec des accents émouvants que cette réforme favoriserait la proximité des députés européens avec leurs électeurs, au détriment des vains débats intellectuels, et donnerait un ancrage territorial aux délibérations du Parlement européen. Sept ans et deux scrutins plus tard, on voit que les eurorégions ne correspondent à aucune réalité historique, sociologique, économique, géographique. Elles ne correspondent à rien. De surcroit, les Français de l'étranger ont été privés de vote européen par la loi de 2003. Bel exemple de démocratie, alors qu'ils vont être représentés à l'Assemblée nationale.
La représentation des Français au Parlement européen participe de la nature juridique de l'Union européenne, qui veut que soient représentés des peuples et non tel ou tel territoire.
Les élections au Parlement européen n'ont pas à dégager une majorité de gouvernement ; aucune souveraineté -hélas !- n'y est en jeu.
Parmi les cinq autres États réalisant un scrutin par circonscription -le Royaume-Uni, l'Italie, l'Irlande, la Pologne et la Belgique- aucun n'a retenu un découpage aussi éloigné de toute réalité humaine. Seul le système français est aussi artificiel. Ni la Roumanie, ni l'Espagne, ni les Pays-Bas n'ont un découpage comme le nôtre.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - De petits pays !
M. Jean-Michel Baylet, auteur de la proposition de loi. - La loi de 2003 a un effet absurde : elle transforme l'élection européenne en addition de campagnes régionales ! Certes, la décentralisation est commode pour une majorité désavouée dont le chef préfère ne pas avoir à s'impliquer personnellement, mais cela n'abuse personne. Les partis politiques ont toujours pris soin de constituer des listes géographiquement représentatives.
La constitution de listes nationales éviterait les parachutages et les tractations attentatoires à la volonté des électeurs.
Les groupes politiques du Parlement européen sont transnationaux ; les élus européens ont vocation à représenter les sensibilités politiques nationales, et non régionales.
Autre argument avancé en 2003 : la réforme ferait diminuer l'abstention. Le souci est noble : nos concitoyens nourrissent une défiance croissante à l'endroit de la politique, et l'abstention est un fléau auquel n'échappent que l'élection présidentielle et les municipales. Or, depuis 1979, elle n'a cessé de progresser pour les européennes, sauf en 1984... grâce à la présence d'une liste radicale de gauche ! (Sourires) Que l'on ne tente pas de nous faire croire que la circonscription unique empirerait les choses : les électeurs s'identifient à une liste menée par une personnalité d'envergure.
La complexité de son fonctionnement explique que l'Union européenne demeure cet « objet politique non identifié » dont parlait Jacques Delors. Elle ne mérite pas pour autant les caricatures qu'elle subit ; elle a besoin que les électeurs se reconnaissent dans leurs élus au Parlement européen.
La loi de 2003 n'était pas anticonstitutionnelle ? Certes, et elle a même eu le mérite de supprimer le cautionnement. Il n'en reste pas moins qu'elle favorise les plus grandes formations politiques. Il n'y aurait aucun sens à ne présenter de liste que dans une seule circonscription régionale !
Cette loi, en empêchant les petites formations politiques de présenter des listes, est attentatoire aux principes républicains.
Et, je le répète, il s'agit de représenter à Strasbourg la pluralité de notre paysage politique. Avec 44 % des voix, on a 60 % des sièges ; avec 56 % des voix, on n'a que 40 % des sièges. Est-ce normal ? Le rétablissement de la circonscription unique permettrait de mettre fin à de telles distorsions.
Les élections européennes doivent retrouver leur rang, dans une Europe que la crise appelle à être plus forte et plus solidaire. Je n'ose croire qu'on nous opposera qu'il serait malsain de changer de mode de scrutin : on le fait bien pour les régionales ! (Applaudissements à gauche et au centre)
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois. - La loi de 2003 a créé huit euro-régions. Vous voulez rétablir le système qui a prévalu de 1979 à 1999 ; la commission des lois propose de ne pas donner suite à cette proposition.
Le mode de scrutin est largement déterminé par l'acte du 20 septembre 1976, qui fixe les principes communs que chaque État membre doit adopter. La loi de 2003 y est conforme, puisqu'il est possible de créer des circonscriptions, « sous réserve que le système ne porte pas atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin ».
La liste unique se résumait à sa tête de liste qui seule était connue, et les élections se transformaient en un référendum sur des questions de politique nationale.
M. Jacques Mézard. - C'est fait pour cela, les élections !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il est vrai que la loi de 2003 n'a pas réussi à réduire l'abstention. Il est vrai aussi que les petites formations politiques sont handicapées.
M. Jacques Mézard. - Et alors ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Aucun lien statistique ne peut être établi entre le nombre de circonscriptions et le taux d'abstention. Ce n'est pas le mode de scrutin qui joue sur l'abstention. La séparation en circonscriptions a rationalisé notre représentation.
Mme Jacqueline Gourault. - Qu'est-ce à dire ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - En 1999, neuf listes étaient représentées à Strasbourg ! C'était absurde et contraire aux intérêts de la France. Enfin, le mode de scrutin de 2003 est conforme aux normes formulées par le Parlement européen lui-même, à l'attention des pays de plus de 20 millions d'habitants. La commission des lois est donc défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Le choix fait par la loi de 1977 était celui d'une circonscription unique. Le législateur de 2003 a conservé le mode de scrutin proportionnel mais créé huit circonscriptions.
Même s'il est vrai que certains des objectifs de la loi de 2003 n'ont pas été totalement satisfaits, le Gouvernement n'est pas favorable au retour à la situation antérieure. Les motifs qui ont conduit à l'abandon de la circonscription unique restent valables. Le président Giscard d'Estaing avait saisi le Conseil constitutionnel de l'élection au Parlement européen. Les conclusions du Conseil qui visaient l'indivisibilité de la République avaient porté certains juristes à penser qu'une circonscription unique s'imposait. On en a vu les défauts.
Le premier est la distance excessive entre les membres du Parlement européen et les électeurs, avec une surreprésentation des Parisiens et un nombre réduit de permanences électorales.
Deuxième défaut : l'absence de tout contrôle de l'électeur sur ses représentants, faute de pouvoir les connaître.
Troisième défaut : le poids excessif des enjeux hexagonaux dans une élection européenne. Les élections européennes ne servaient plus qu'à exprimer un vote d'humeur sur la politique du Gouvernement ; la légitimité des élus européens en était amoindrie, alors même que le Parlement européen voyait ses pouvoirs accrus. Il en résultait une image lointaine parisienne et abstraite de l'Union européenne.
Enfin, les représentants français étaient plus dispersés que ceux des autres pays dans les différents groupes du Parlement européen, ce qui était préjudiciable aux intérêts français.
En 2003, différents arguments ont été avancés.
D'abord, il s'agissait de donner un ancrage territorial et une responsabilisation accrue des parlementaires européens.
Deuxième argument : le caractère interrégional du scrutin devait éloigner les enjeux hexagonaux.
Troisième argument : les huit circonscriptions régionales forment des ensembles géographiques cohérents, et leur création a été consensuelle.
Enfin, ce mode de scrutin est strictement conforme au droit européen qui exigeait que les circonscriptions fussent assez grandes pour que le caractère proportionnel du scrutin fût conservé.
L'Allemagne a un dispositif mixte. En Europe, seuls deux États de plus de 20 millions d'habitants ont conservé la circonscription unique : l'Espagne, du fait des risques séparatistes, et la Roumanie, où les régions sont de création récente. En France, Verts, socialistes et UMP étaient hostiles à la circonscription unique, tandis que le parti communiste, le Front national et le parti de M. Chevènement y étaient favorables ; l'Union centriste était contre la régionalisation en 2004, mais pour en 2009.
M. Baylet dit que le taux d'abstention a augmenté depuis 1999. C'est vrai mais, comme le fait observer le rapporteur, les causes en sont à chercher ailleurs ; il suffit pour s'en convaincre de regarder ce qui s'est passé dans les autres pays de l'Union européenne. Si le taux d'abstention de 2009, à 59,9 %, est encore plus élevé que celui de 2004, à 57,4 %, rien ne prouve que le mode de scrutin soit en cause et que la circonscription unique aurait permis une forte mobilisation !
Les auteurs de la proposition de loi estiment que les circonscriptions régionales marginalisent les petits partis. Il est vrai que le nombre de listes représentées à Strasbourg est passé de neuf à sept, ce qui n'est pas très significatif. D'autre part, le cautionnement a été supprimé et le seuil réduit à 3 %. En conséquence, il y a eu une vingtaine de listes par circonscription, nombre comparable à celui des élections de 1994 et 1999.
La disparition de la circonscription unique n'a nullement marginalisé les petites formations.
Les circonscriptions seraient déconnectées des réalités locales ? Au contraire, il y a cohérence : les populations sont homogènes, les regroupements ne sont pas contestés. Si la division en sections initialement retenue avait prévalu, le problème pourrait se poser, mais tel n'est pas le cas.
La loi de 2003 n'a sans doute pas répondu à toutes les ambitions du législateur. Mais avec deux élections seulement, l'expérience est un peu courte. Revenir à la circonscription unique serait revenir à ses inconvénients, alors qu'aujourd'hui, notre représentation est moins émiettée.
Je vous invite à rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-France Beaufils. - Ce texte vise à mettre un terme à un découpage artificiel dont nous avions en son temps dénoncé les travers et qui n'a pas tenu ses promesses.
La pratique a montré que les européennes n'ont pas rapproché l'élu des électeurs. En Centre-Auvergne-Limousin, où j'ai mené une liste Front de gauche aux dernières élections européennes, quel écart entre Chartres et Limoges ! Il y a un fossé entre découper et rapprocher.
On soutenait aussi en 2003 que le découpage en huit circonscriptions ferait reculer l'abstention ; mais c'est la participation qui a reculé, de 42% en 2004 à 40,6% en 2009. Il faut dire qu'entretemps, les électeurs, qui avaient voté non au traité constitutionnel et ont vu le traité de Lisbonne adopté par le Parlement ont pu être refroidis...
La création de circonscriptions artificielles n'a pas déplacé le débat des enjeux internes aux enjeux européens, qu'il n'était du reste pas si simple que cela de distinguer tant le Gouvernement accompagne la politique ultralibérale et antisociale de l'Europe. La circonscription unique redonne son véritable sens à l'élection de parlementaires européens. Et nos représentants sont les représentants de la nation française tout entière.
Contrairement à ce qu'a dit le rapporteur, le droit communautaire n'impose nullement un découpage dans les États de plus de 20 millions d'habitants. La recommandation de 2002 sur laquelle s'appuie le rapporteur n'a aucune force contraignante.
Le scrutin actuel donne enfin une prime aux formations importantes. M. Baylet en a fait la démonstration. Or, le pluralisme est un fondement de notre vie démocratique. C'est pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
Mme Jacqueline Gourault. - Le groupe Union centriste va voter cette proposition de loi. Contrairement à vous, monsieur le rapporteur, je ne crois pas que le scrutin national crée une distance entre l'élu et l'électeur, au contraire. Le lien entre l'électeur et l'élu tient plus à la personnalité de ce dernier qu'au mode de scrutin. Le raisonnement vaut pour les conseillers des collectivités : qu'ils soient régionaux ou généraux, ils sont aussi proches de leurs électeurs. J'en sais quelque chose : j'ai été les deux.
Et quels étranges découpages : je suis élue du Loir-et-Cher : le fin fond de l'Auvergne est bien loin de nous.
Mme Marie-France Beaufils. - Et la Corrèze !
Mme Jacqueline Gourault. - Je me sens plus proche des pays de la Loire...
Vous nous dites qu'il faut « rationaliser » la vie politique ; pour vous, rationaliser, c'est diminuer le nombre de candidats et de listes ! Les élections doivent être ouvertes à toutes les formations. Et les accords électoraux n'ont rien de suspect. Vous en avez bien passé...
Vos listes, monsieur le rapporteur, sont-elles à jour ? L'Allemagne, l'Autriche, la Bulgarie, l'Espagne, la Finlande, les Républiques baltes, la Grèce, la Hongrie, n'ont pas de circonscriptions électorales.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Deux pays seulement de plus de 20 millions d'habitants.
Mme Jacqueline Gourault. - Restent l'Espagne et l'Allemagne, qui n'ont pas notre tradition unitaire. L'Allemagne est un pays fédéral. Quant à l'Espagne...
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le scrutin est mixte en Allemagne.
Mme Jacqueline Gourault. - Le scrutin national est tout aussi lisible que celui qui prévaut aujourd'hui.
M. Bernard Frimat. - Judicieuse proposition de loi, que le groupe socialiste votera. Elle rejoint l'amendement que j'avais déposé le 3 mars 2003 demandant le maintien de la circonscription nationale.
Je conçois, monsieur le ministre, le déchirement, le drame personnel insupportable que peut être pour vous une élection sans découpage, où vous ne puissiez mettre votre patte... (Sourires) Mais il faut vous faire une raison, la démocratie doit pouvoir triompher...
M. Buffet plaide un dossier impossible. Les arguments présentés en 2003 par M. Gélard se sont étiolés. La lutte contre l'abstention ? Comme cela n'a pas fonctionné, vous nous opposez l'argument de la recevabilité, pour conclure que le scrutin n'est pas en jeu. Le rapprochement des élus de leurs électeurs ? Je ne vous soumettrai pas à un quizz... Ma circonscription va des deux Normandie au Nord-Pas-de-Calais en passant par la Picardie. Comme rapprochement de l'électeur, on repassera ! Et voyez ce qui se passe au Sénat et à l'Assemblée nationale, malgré la différence des modes de scrutin : il y a des élus que l'on ne voit jamais tant est fort leur désir d'arpenter le terrain auprès de leurs administrés...
Les circonscriptions interrégionales n'ont aucune réalité, aucune unité. Comme dans le football, c'est un mercato permanent. Des députés européens ont été élus dans une circonscription en 2004, et dans une autre en 2009... S'agit-il de faire faire un tour de manège à chacun ? Vous me direz que c'est la responsabilité des partis ; n'empêche...
L'échec est patent. Vos arguments ne valent plus. Le député européen, surtout, ne représente pas sa région. On aurait fait, dites-vous, une interprétation erronée de l'avis du Conseil constitutionnel ? Chacun peut se tromper, mais reste ce principe fondamental qu'est l'indivisibilité de la République !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Exactement !
M. Bernard Frimat. - Nous nous réjouissons de l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Jean-Pierre Chevènement. - La loi de 2003 n'a pas atteint ses objectifs. La critique est facile mais l'art est difficile. Vous prétendiez rapprocher les élus des électeurs et lutter contre l'abstention. L'échec est manifeste. L'abstention a atteint un taux record proche de 60 %. Faut-il tomber encore plus bas ?
J'entends bien l'argument de M. Buffet. L'abstention aurait des causes exogènes. Ce qui est sûr, c'est que la désaffection des citoyens pour l'Europe de Maastricht et de Lisbonne tient au fait que l'Europe, loin de nous protéger contre la mondialisation, l'a relayée -on l'a vu lors du référendum de 2005. Joffre disait qu'il ne savait pas qui avait gagné la bataille de la Marne, mais qu'il savait qui l'avait perdue. Vous y êtes ! Le nouveau mode de scrutin est pire que l'ancien. Les circonscriptions n'ont aucune réalité : quoi de commun entre un habitant de Dunkerque et un habitant d'Alençon ? Il y a là un démembrement du peuple français.
Et que dire de la nomadisation des candidats, pour satisfaire tel ou telle ? Ils sont plus inconnus encore que les candidats élus sur des listes nationales, qui étaient souvent des poids lourds. Seuls les élus de l'Ile-de-France bénéficient d'une visibilité. Les Parisiens parlent aux Parisiens... Nous voilà revenus au temps de Philippe-Auguste ! Ailleurs, on les ignore, ce sont des provinciaux, même si parfois on délègue une figure nationale : voyez M. Mélenchon, sénateur de l'Essonne, élu à Toulouse.
Sans parler de l'injustice qui frappe nos concitoyens de l'étranger. Sans domicile en France, ils passent à la trappe.
La loi de 2003 nous poussait vers une Europe des régions. Mais quid du principe d'indivisibilité de la République ? Le Président français devrait entendre la leçon de la cour constitutionnelle de Karlsruhe, dans sa décision du 30 juin 2009 : l'Union européenne est une organisation internationale qui ne peut se prévaloir de la même souveraineté que les États qui la composent ; en l'absence d'un peuple européen, le Parlement européen ne peut avoir la même légitimité que les parlements nationaux. Voilà une belle leçon de cartésianisme donnée par nos voisins allemands. Chaque pays a son histoire et son identité : l'Allemagne est fédérale et la France une République unitaire, qui appelle la circonscription unique.
Winston Churchill aurait été d'accord avec moi pour dire que le scrutin dans une circonscription unique est le pire, à l'exception de tous les autres. (Sourires)
M. Buffet a malicieusement rappelé le texte que j'avais rapporté en 1998, au nom du gouvernement de M. Jospin, lequel avait alors eu la sagesse, sous l'impulsion des Verts et des communistes, de le retirer. Je ne peux pas démissionner tous les jours... (Rires)
Revenons à la simplicité : à la circonscription unique. (Applaudissements à gauche)
M. Robert del Picchia. - Je suis très attaché à la défense du droit des Français de l'étranger à l'élection. J'ai déposé une vingtaine de propositions de loi pour remédier aux carences de notre législation sur ce sujet.
Depuis 2003, nos compatriotes expatriés ne peuvent plus voter à l'étranger dans les ambassades et les consulats. Je ne mets pas en cause la réforme, mais on prévoyait à l'époque une circonscription dotée d'un siège qui leur serait réservée.
En 2004, sur 450 000 électeurs inscrits, moins de 14 000 procurations ont été émises, contre 50 000 auparavant.
Les Français de l'étranger sont représentés au Parlement, ils peuvent voter à toutes les élections, sauf aux européennes. La proposition de loi ne change rien à leur situation. Ils sont pourtant très mobilisés pour l'Europe. N'oubliez pas que nos compatriotes établis dans l'Union européenne ont voté oui à 81 % au référendum sur la Constitution européenne ! Pourquoi les pénaliser ?
J'avais proposé en 2004 de les rattacher à une des huit circonscriptions, puis en 2008 de leur attribuer les deux sièges supplémentaires prévus par le traité de Lisbonne. Rien n'a abouti, alors qu'en nombre d'inscrits ils sont le septième département français...
Les huit circonscriptions sont pertinentes, mais je regrette qu'aucun aménagement n'ait pu être trouvé au profit des Français de l'étranger ; c'est pourquoi je voterai contre cette proposition de loi.
M. Richard Yung. - La régionalisation de 2003 a signifié pour les Français de l'étranger la perte de leur droit de vote aux européennes. Cette proposition de loi, monsieur del Picchia, les réintègre dans leur droit : je comprends donc mal votre raisonnement.
Les Français de l'étranger peuvent certes voter pour les listes de leur pays de résidence, mais ils peuvent vouloir voter pour une liste française : la procédure de vote par procuration n'est pas toujours aisée...
Nous avons soulevé le problème à de multiples reprises. On nous a toujours opposé une fin de non-recevoir. Nous proposons le rattachement des Français de l'étranger à l'Ile-de-France, ou encore à Nantes, ou bien la création d'une subdivision de la circonscription de l'outre-mer. L'autre possibilité serait de leur attribuer les deux sièges supplémentaires qui échoient à la France : le Gouvernement ne le veut pas.
Je voterai donc cette proposition de loi.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Ce texte a le mérite de soulever une vraie question. La faible participation aux élections européennes est un fléau. Ne pas y remédier c'est favoriser l'euroscepticisme, loin de la vision généreuse des pères fondateurs.
La présence de candidats peu connus, l'emprise des appareils, ont nourri le désintérêt. En 2003, le gouvernement Raffarin a mis fin à la circonscription unique.
Mais cela n'a pas suffi à rétablir un taux de participation acceptable, tandis qu'on privait de leurs droits les Français de l'étranger qui ne peuvent plus voter dans les consulats, mais seulement dans leur commune d'inscription en France, ce qui n'est guère pratique, soit par procuration ; mais celle-ci dépersonnalise l'acte électoral. J'ajoute que si les Français de l'étranger résidant dans l'Union européenne peuvent voter pour les listes de leur pays de résidence, ce n'est pas une raison pour les priver du droit de voter pour une liste nationale.
Le Président Sarkozy a accordé, dès 2012, une représentation à l'Assemblée nationale aux Français de l'étranger : pourquoi s'arrêter en si bon chemin et les priver de représentants européens, alors qu'ils sont à l'avant-garde de la construction européenne ?
Il aurait fallu créer davantage de circonscriptions. En 1997, M. Barnier proposait une circonscription spécifique parmi 21. M. Haenel faisait de même en 2001. J'ai moi-même cosigné la proposition de loi de M. Cointat visant à un rattachement à la circonscription Ile-de-France. Car la représentation des Français de l'étranger est une urgence. La liste unique, cependant, n'a jamais permis l'élection d'un représentant des Français de l'étranger : je voterai contre cette proposition de loi.
M. Bernard Frimat. - Quel tissu de contradictions !
M. Antoine Lefèvre. - Les arguments des auteurs de la proposition de loi me laissent perplexe. M. Gélard avait raison : les circonscriptions interrégionales donnent à l'élu un ancrage territorial.
Les membres du Parlement européen sont les représentants des peuples, d'où une répartition des sièges en fonction du nombre d'habitants : ils représentent les citoyens, non les nations.
Sans ancrage territorial, l'élu n'aurait aucun moyen de faire connaître son action. Le mode de scrutin actuel répond à un impératif de cohérence, européen et national. Le groupe UMP votera contre.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Il est vrai que la suppression de la circonscription unique s'est faite au détriment de nos compatriotes de l'étranger. Pour y remédier, plusieurs solutions sont envisageables : le rattachement à l'une des huit circonscriptions, défendu par une proposition de loi adoptée en 2007 à l'unanimité par la commission des lois de l'Assemblée nationale ; la création d'une circonscription nouvelle ; l'attribution des deux sièges supplémentaires dont disposera la France. Le Gouvernement n'a pas encore tranché. Un récent conseil a prévu que les deux sièges supplémentaires attribués à la France par le traité de Lisbonne pourraient être pourvus en cours de mandat. Le protocole doit être adopté aujourd'hui même, à la suite de quoi une loi en tirera les conséquences, tant pour la période transitoire que pour les élections de 2014.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.
Article 3
L'amendement n°1 n'est pas défendu.
L'article 3 est adopté.
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
(Applaudissements à gauche)
La séance, suspendue à 18 heures 25, reprend à 18 heures 30.