Article 13 de la Constitution
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Discussion générale commune
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - (Applaudissements à droite) Les projets de loi organique et ordinaire soumis à votre examen doivent permettre la mise en oeuvre d'une procédure originale voulue par le Président de la République pour rendre notre démocratie irréprochable. Les parlementaires pourront se prononcer sur les nominations effectuées par le Président de la République. Les deux lectures dans les assemblées qui ont permis d'enrichir les deux textes, grâce en particulier à la commission des lois du Sénat, n'ont pas abouti à leur adoption définitive. Si la CMP a trouvé un accord sur le projet de loi ordinaire qui a retenu le texte voté par le Sénat, elle n'a pas surmonté le différend entre les deux assemblées sur le projet de loi organique. Votre commission des lois a maintenu ses positions. Elle a donc décidé aujourd'hui de supprimer l'interdiction d'une délégation de vote et a réinscrit la possibilité pour les commissions permanentes concernées de se prononcer à la majorité des trois cinquièmes contre certaines nominations effectuées par les présidents des deux assemblées. Le Gouvernement souhaite voir cette réforme mise en oeuvre le plus rapidement possible, d'autant que diverses nominations doivent être effectuées. L'absence persistante d'accord entre les deux assemblées le contraindra à utiliser la procédure prévue par la Constitution.
L'adoption de ces deux textes marquera un moment important de l'application de la révision constitutionnelle et de la revalorisation du travail parlementaire. (Applaudissements à droite)
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois et de la commission mixte paritaire. - Nous nous retrouvons pour une troisième lecture après l'échec de la CMP sur la loi organique, -le premier depuis les dernières élections présidentielles : les sept sénateurs se sont opposés aux sept députés mais nous nous sommes mis d'accord sur la loi ordinaire enrichie par les deux amendements de la commission des lois.
Sur la loi organique, le désaccord persiste sur l'article 3, introduit par les députés, qui interdit les délégations de mandats et sur l'article 4, que nous avons introduit, qui nous permet de saisir les commissions permanentes des nominations effectuées par le président du Sénat ou de l'Assemblée nationale.
L'article 3 modifie le fonctionnement du Sénat et l'oblige à modifier son Règlement. Il faut donc que cette loi organique qui concerne le Sénat soit votée dans les mêmes termes par les deux assemblées, si l'on s'en tient à la définition du doyen Vedel. En revanche, la jurisprudence du Conseil constitutionnel étant moins claire, nous serons heureux de l'entendre la préciser.
Plus grave est la modification de l'article 27 de la Constitution par l'Assemblée nationale. Cet article traite, entre autres, de la délégation du droit de vote, qui n'est explicitement interdite qu'à l'article 68 de la Constitution que lorsqu'il s'agit de destituer le chef de l'État. En réalité, les raisons de ce désaccord entre les deux assemblées sont à chercher ailleurs : le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé que les pouvoirs respectifs de l'Assemblée nationale et du Sénat seraient modifiés s'il arrivait qu'il y ait plus de votants au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
C'est pour cette raison que je maintiens nos deux amendements. (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous passons beaucoup de temps sur ce sujet infime. Certes, l'article 13 a son importance dans un système hyper-présidentiel mais il est d'application illusoire car réunir trois cinquièmes des votes dans chaque assemblée est quasiment impossible. En revanche, nous sommes d'accord avec la commission des lois : si les parlementaires peuvent déléguer leurs votes, on ne saurait le leur interdire en la matière. Du fait de cette guerre picrocholine, le chef de l'État pourra-t-il procéder à toutes les nominations d'ici 2012 sans que l'article 13 soit appliqué ? Serait-ce le moyen d'éviter tout risque de vote négatif de la par des parlementaires ?
M. Bernard Frimat. - Nous sommes sur un point d'apparence secondaire mais qu'il nous revient de traiter. Notre débat ne porte pas sur le fond de la révision constitutionnelle de 2008. Nous avions considéré que l'article 13 marquait un progrès puisque le Parlement pouvait se prononcer sur les nominations du Président de la République mais qu'il aurait fallu prévoir un trois cinquième positif et non négatif.
Avec la formule retenue, il faudrait qu'il y ait une crise au sein de la majorité pour remettre en cause les nominations. Beaucoup de constitutionnalistes se sont prononcés contre ce faux progrès.
Nous nous étions abstenus. Nous nous abstiendrons encore sur la loi organique.
Sur la loi ordinaire, il y a eu accord et nous voterons les conclusions de la CMP.
Nous sommes confrontés à une curiosité institutionnelle qui réjouira les professeurs de droit constitutionnel. La dernière fois qu'il n'y a pas eu accord entre les deux assemblées de même bord, ce fut en 1980. Il y a 30 ans, soit 50 % de mieux qu'Alexandre Dumas. (Rires)
Nous allons confirmer la position du Sénat. M. le ministre nous a dit que le texte repartira à l'Assemblée nationale qui confirmera sans doute sa position. Le Conseil constitutionnel tranchera en définitive. L'Assemblée nationale continuera à penser qu'elle a raison, mais le Conseil constitutionnel dira ce qu'il en est.
On admet la procuration pour la révision constitutionnelle, l'acte le plus important, et on veut l'interdire pour émettre un avis d'une commission.
Or, l'article 27 ne concerne jamais le fond, mais la forme. Le seul cas évoqué, c'est l'article 68 de la Constitution, concernant la mise en cause du Président de la République devant la Haute cour. Sinon, il ne s'agit que de cas de force majeure. Il ne peut revenir à une assemblée de priver un parlementaire de son droit le plus élémentaire. Nous soutenons le rapporteur. Nous nous abstiendrons sur l'ensemble mais notre position est très claire. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
Mme Françoise Laborde. - Si le projet de loi ne soulève pas de difficultés, nos deux assemblées sont en désaccord sur deux points du projet de loi organique. La situation est inédite. Nos appréciations précédentes restent valables. L'opacité qui a présidé à nombre de nominations a marqué pendant de longues années notre État. Cet article 13 annonçait un mieux. Mais avec une majorité des trois cinquièmes, le dispositif a été vidé d'une grande partie de sa portée.
J'en viens au désaccord entre nos deux assemblées. L'article 3 est supprimé par la commission, ce que nous approuvons. Seul l'article 68 sur la destitution du chef de l'État fait mention de l'interdiction de déléguer son vote. L'article 27 autorise la délégation pour des raisons de forme, pas du fond ! Il serait intéressant d'aller au-delà de la lettre de la Constitution.
En outre, l'accord du Sénat est institutionnellement requis. Si l'Assemblée nationale passait outre, le Conseil constitutionnel, saisi, dira son interprétation...
Nous approuvons également l'article 4.
Ce différend doit se résoudre sereinement. La majorité des membres du RDSE votera pour. Les autres s'abstiendront. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Hugues Portelli. - Bien évidemment, nous suivons notre rapporteur. Le débat porte sur la transparence des nominations. On voit mal quelqu'un n'ayant pas convaincu les assemblées être nommé. Le seul cas où la Constitution interdit explicitement toute délégation de vote, c'est à l'article 68. Pour les autres cas, il s'agit d'empêchements.
Je suivrai donc le rapporteur mais à titre personnel, je considère que quand on vote pour des personnes, on vote personnellement. Si un jour la Constitution dit que dans ce cas on ne peut donner procuration, j'en serai satisfait. En attendant, le Conseil constitutionnel devra se prononcer souverainement, et c'est ce que j'attends. (Applaudissements à droite)
Discussion des articles du projet de loi organique
L'article 3 demeure supprimé.
L'article 4 est adopté.
Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 207 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 104 |
Pour l'adoption | 182 |
Contre | 25 |
Le Sénat a adopté.
Discussion des articles du projet de loi ordinaire
Les conclusions de la commission mixte paritaire sont adoptées.