Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à des questions d'actualité.

Conférence des déficits

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ce matin, les régions et départements de France n'ont pas souhaité participer à la conférence des déficits publics. Elles sont contraintes de voter leur budget en équilibre, avec cependant des compétences transférées par l'État, sans compensation financière, et des ressources peu évolutives.

En un an, les collectivités locales empruntent ce que l'État emprunte en une semaine !

En réalité, vous voulez régler le compte des collectivités. Les décisions sont déjà prises. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Voilà la vérité !

M. François Patriat.  - La suppression de la taxe professionnelle, le gel des dotations -qui détermine la qualité de notre gestion ?-, une réforme des collectivités locales avec perte de légitimité démocratique.

Nous souhaitons un vrai dialogue. Le Gouvernement a notifié à Bruxelles que nous aurons 40 milliards de prélèvements supplémentaires. Grâce à la croissance ? Ce sont les Français qui payeront ! (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Pour dialoguer, il faut participer aux réunions ! (Applaudissements à droite)

S'agissant de l'augmentation des prélèvements obligatoires, vous en avez été avertis dès janvier, et elle doit être financée par la croissance. (On cherche du regard la croissance, à gauche)

Veut-on réduire le déficit ? C'est une question de crédibilité et d'indépendance nationale.

Augmenter massivement les impôts ? Ce serait brider la croissance. Nous voulons au contraire réduire les dépenses, réformer notre économie pour favoriser la croissance.

Si vous étiez venus ce matin, vous auriez constaté en prenant notamment connaissance du rapport Champsaur-Cotis, que, depuis trente ans, tout le monde a participé aux déficits publics. (Exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Les champions du déficit, c'est vous !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Il faut une dynamique bien meilleure pour les collectivités territoriales. (Exclamations à gauche, applaudissements à droite)

Financement des retraites

M. Guy Fischer .  - Vous faite de l'affichage en lançant la réflexion sur les retraites. Vos recettes sont connues : la super austérité, à l'imitation de ce qui est imposé aux Grecs par le FMI.

M. Roland du Luart.  - Par M. Strauss-Kahn !

M. Guy Fischer.  - Vous renoncez à ce qui rassemble les Français : la retraite à 60 ans. Vous allez aller plus loin en pillant le FSV, en augmentant les cotisations des retraités jugés « trop riches ».

M. Alain Vasselle.  - Caricature !

M. Guy Fischer.  - Comme toujours avec vous, ce sont les salariés et les retraités qui mettront la main à la poche. Les financiers et les spéculateurs, qui ont supprimé 690 000 emplois en un an, seront encore épargnés.

Votre majorité a voté ce matin même contre la suppression du bouclier fiscal que nous proposions. (« Hou » à gauche)

Comment les riches contribueront-ils à la réforme des retraites ? (Applaudissements à gauche)

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique .  - Nous sommes attachés à la retraite par répartition. Il y a soixante ans, il y avait quatre actifs pour un retraité ; aujourd'hui, c'est deux pour un ; dans vingt ans, un pour un. Le COR dit qu'il faudra 40 milliards supplémentaires en 2020, 60 en 2030.

Le commissaire Charpin -qui avait remis en 1999 son rapport à M. Jospin- a répété qu'il faudrait allonger les années d'activité.

Prendre 45 milliards sur la fiscalité, c'est 3 points de PIB en moins, c'est matraquer les classes moyennes, c'est créer du chômage car 1 point supplémentaire de cotisations patronales fait perdre 50 000 emplois. Taxer les stock-options et les bonus ? Allons !

Le Gouvernement prendra ses responsabilités avec l'allongement de la vie active et la taxation du capital et des hauts revenus, hors bouclier fiscal ! (Applaudissements à droite)

Coordination européenne

M. Joël Bourdin .  - Je vous félicite, madame Lagarde, pour votre inlassable action d'ambassadrice de l'euro : vous avez réussi à convaincre la BCE ; la tâche était rude.

L'euro n'est pas tombé du ciel ; sa valeur et son utilité dépendent d'une convergence... qui n'a pas de réalité ! C'est freudien, comme dirait Onfray. (Sourires)

L'Espagne s'est laissé bercer par une politique inflationniste ; l'Allemagne a choisi la stabilisation des salaires ; la France est entre les deux.

Une remise en ordre était inéluctable. On en est là. Le régime minceur budgétaire fait florès. L'Allemagne se distingue Quand va-t-on organiser réellement la coordination européenne ? Quand les gouvernements parleront-ils enfin d'une seule voix ? (Applaudissements au centre et sur les bancs UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Jean Monnet le disait : l'Europe se construit et avance dans la crise. (On estime à gauche que cette condition est remplie)

L'actualité nous impose d'examiner le problème posé par le manque de gouvernance commune. Nous ferons demain, avec le président Van Rompuy, des modifications : créer un mécanisme d'alerte qui prenne en compte les déficits, la dette et la compétitivité; prévoir des sanctions, ce qui peut se faire à traités constants.

Stabilité et croissance, cela signifie lutter contre les déficits publics et tenter de pratiquer la croissance ensemble. Ceux qui ont des déficits de paiement trop graves doivent les réduire ; ceux qui ont des surplus doivent aussi faire un bout du chemin.

Crise de l'euro

Mme Françoise Laborde .  - Notre monnaie unique a été confrontée à bien des attaques mettant en question la zone euro et l'appartenance de la Grèce à l'Union européenne. Notre capacité de trouver une solution est au coeur du débat. La récente décision allemande sur l'interdiction de ventes à découvert ne facilite pas les choses.

Pour surmonter cette crise de méfiance sans précédent, il faut des solutions nouvelles, à commencer par une coordination des politiques européennes.

Le rapport Collin-Bourdin de 2009 tirait déjà la sonnette d'alarme ; l'avez-vous lu ? Nous appelons à une plus grande solidarité européenne. (Applaudissements à gauche, MM. Bourdin et Cleach applaudissent aussi)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Nous avons précisément travaillé à ces questions lors de la nuit du 7 mai. (« Le 4 août ! » sur les bancs socialistes)

Le fonds de stabilité financière doté de 440 milliards est un bon instrument. Auparavant, nous pouvions soutenir la Hongrie -hors zone euro- et même l'Ukraine, mais pas la Grèce !

Hier, nous avons approuvé un projet de texte sur les fonds spéculatifs, sur lequel France et Allemagne sont en parfait accord.

Les ventes à découvert sur les valeurs financières ? La France les interdit depuis septembre 2008 ! L'Allemagne fait de même depuis hier. S'agissant des ventes à découvert sur les dettes des États, il faut une concertation supplémentaire.

La solidarité et la détermination pour défendre notre monnaie commune sont intactes et fortes. (Applaudissements à droite)

Salaires des enseignants à Mayotte

M. Adrien Giraud .  - De nombreux mouvements de grève des enseignants mahorais ont eu lieu depuis 2007, pour réclamer une indexation des salaires -supprimée par décret en 1978- qui tienne compte de la différence d'évolution des prix entre Mayotte et le continent.

Quand le Gouvernement rétablira-t-il cette indexation ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique   - Mme Penchard, actuellement à la Réunion, m'a prié de vous répondre.

Le dispositif d'intégration des enseignants mahorais n'a pas atteint les objectifs d'attractivité souhaités. Un accord a été signé le 8 avril 2009 avec les syndicats, ce qui a sensiblement amélioré la grille indiciaire.

Ces mesures représentent un effort important et peuvent créer un différentiel avec les niveaux de salaire du secteur privé.

Nous ne voulons pas risquer de déstabiliser pas l'économie locale en indexant la rémunération des agents publics. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Chômeurs

M. Pierre-Yves Collombat   - Le chômage et le sous-emploi sont la première préoccupation des Français, bien avant les retraites ; je vous laisse imaginer où se situe la burqua ! Depuis 2009, on estime à plus de 600 000 le nombre de chômeurs supplémentaires, sous M. Jospin, ce chiffre était celui des créations d'emplois !

Selon l'OCDE, le taux de chômage en France est plus élevé que celui de ses partenaires.

Ma première question s'adressait à Mme Lagarde, mais elle nous a quittés : comment le Gouvernement entend-il relancer l'emploi en comprimant la demande et les emplois publics ? Seconde question, pour M. Wauquiez : nos concitoyens veulent travailler plus pour gagner plus. Quel conseil pratique leur donnez-vous ? (Rires et applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Boulaud.  - Votez Sarkozy !

M. le président.  - Vos questions ne peuvent s'adresser qu'à un seul ministre !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi .  - Il y a un chiffre que vous n'avez pas donné, celui de la croissance sur la période ! (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous avez Lagarde, nous avions Strauss-Kahn !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Elle était assez forte sous M. Jospin, qui ne l'a pas utilisée au maximum.

Selon l'OCDE, c'est en France que le chômage s'est le plus détérioré ? En fait, il a augmenté en France de 30 %, contre 150 % en Espagne, 100 % aux États-Unis et 50 % au Royaume-Uni ; la France est, avec l'Allemagne, le pays qui a le mieux résisté sur le front du chômage.

Vous êtes-vous préoccupé d'emplois ? (Exclamations sur les bancs socialistes) Avez-vous soutenu les mesures en faveur de l'emploi ? (« Non ! non ! » à droite) Voilà la réalité ! Les socialistes se sont enfermés dans une politique d'opposition systématique, à la différence des partenaires sociaux. S'il y a un conseil à donner à nos compatriotes, c'est de ne surtout pas suivre les propositions du parti socialiste ! (Vives exclamations sur les bancs socialistes ; applaudissements à droite)

Négociations sur le Mercosur

M. Jean Bizet .  - L'annonce par la Commission de Bruxelles d'une relance des négociations avec le Mercosur intervient au plus mauvais moment, et risque d'être catastrophique pour notre agriculture. On ne peut s'accorder avec le Mercosur -avec qui le déficit commercial de l'Europe atteint déjà 20 milliards et où les producteurs ne sont pas tenus aux mêmes normes que les nôtres- qu'après l'obtention d'un accord équilibré et global à Doha. Était-il raisonnable de reprendre ces négociations ? Que compte faire le Gouvernement pour que les intérêts européens ne soient pas, une fois de plus, sacrifiés ? (Applaudissements à droite)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le gouvernement français est opposé à la reprise des négociations commerciales avec le Mercosur, dont les exportations de viande vers l'Union européenne ont doublé en cinq ans alors même que certains pays de la zone augmentaient les droits de douane visant nos produits.

Il n'y a pas de raison de négocier avant l'obtention d'un accord sur l'OMC. Nous étions deux États à le penser il y a trois semaines ; lundi dernier, nous étions dix ; nous sommes quinze aujourd'hui ! (Applaudissements à droite)

Certains pays européens se félicitent que la reprise des négociations puissent bénéficier aux pays du Mercosur : que l'Union européenne se préoccupe d'abord de ses agriculteurs et de ses citoyens, et que l'agriculture ne soit pas systématiquement la variable d'ajustement ! (Vifs applaudissements à droite)

Revenus des agriculteurs

Mme Odette Herviaux .  - Lundi dernier, avant même la discussion sur la loi de modernisation de l'agriculture, le Président de la République recevait les représentants de différents secteurs agricoles pour évoquer la modération des marges ; belle opération de communication qui anticipe le débat parlementaire ; pourtant, nous ne sommes pas une chambre d'enregistrement ! Demain, le Président de la République se rendra dans le Lot-et-Garonne pour assurer le service après-vente de la loi LMA, avant même la fin de nos débats. Votre présence à ses cotés nous privera d'une journée de débat programmée depuis longtemps. Mais nous sommes habitués à ces pratiques électoralistes...

En quoi l'accord sur la modération des marges, prétendument imposée à la grande distribution, peut-il améliorer la situation des consommateurs et des producteurs ? La grande distribution cédera-t-elle à la menace d'une taxe ou fera-t-elle comme les banques l'an dernier ?

M. le président.  - Votre question.

Mme Odette Herviaux.  - Si la situation des agriculteurs n'était pas si dramatique, il y aurait de quoi rire !

M. le président.  - Votre question.

Mme Odette Herviaux.  - Je vous demande solennellement de nous dire en quoi cet accord profitera vraiment aux agriculteurs, eux qui symbolisent si bien la valeur travail. (Applaudissements à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Ils ne croient plus au Père Noel !

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche .  - Vous n'allez pas reprocher au Président de la République de se préoccuper des agriculteurs quand ils connaissent une crise comme l'actuelle ! 

Un accord a été signé lundi entre producteurs et distributeurs sur une réduction des marges de la distribution en période de crise, notion déterminée par des critères objectifs. Quand elle est constatée, cet accord s'applique automatiquement. Nous avons prévu à titre complémentaire une taxe dont nous discuterons ensemble la semaine prochaine.

Il importe de clarifier les relations entre distributeurs et producteurs. Nous le ferons, avec un encadrement des pratiques commerciales de distribution de l'agriculture.

M.le Président.  - Veuillez conclure.

M Le Maire, ministre de l'alimentation.  - Vous aurez ainsi un renforcement réel du revenu des agriculteurs. (Applaudissements à droite)

Apprentissage

M. Jean-Claude Carle .  - Je salue votre volonté de faire de l'apprentissage la filière de l'excellence et de la réussite.

Je salue le sens de la responsabilité des PME, qui ont compris que l'apprentissage répondait au mieux aux besoins des jeunes. L'argent de l'apprentissage doit aller vers ceux qui le font. Quelles conclusions seront tirées du rapport sur l'apprentissage ? Un apprenti en marche fait plus avancer la France qu'un intellectuel ou un pédagogue assis. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi .  - Vous êtes un des plus fins connaisseurs des questions de l'alternance et de l'apprentissage. (Exclamations ironiques à gauche) Le Sénat est depuis longtemps sur le front de l'apprentissage, le président Larcher le premier.

Huit apprentis sur dix trouvent un emploi dès leur sortie de formation. L'apprentissage est une formation concrète qui permet aux jeunes de faire leurs preuves immédiatement. Comme il est rémunéré, c'est un puissant ascenseur social dont bénéficient les plus modestes.

Il faut parvenir à une plus forte proportion d'apprentis, ce qui suppose une promotion active dans le cadre de l'éducation nationale. Il faut valoriser le statut des apprentis par rapport aux autres étudiants. L'alternance est une voie d'excellence, nous comptons sur vous pour la défendre. (Applaudissements à droite)

Cumul des mandats

M. Jean Louis Masson .  - Au cours d'un récent colloque à Sciences Po, MM. Balladur et Jospin se sont clairement prononcés contre le cumul des mandats, principale cause de l'absentéisme parlementaire. (Exclamations sur tous les bancs) La limitation des cumuls doit cibler en priorité les fonctions exécutives des grandes collectivités territoriales, qui sont des occupations à plein temps, comme un mandat parlementaire. (Rires et exclamations sur les bancs UMP) Cela s'applique aussi aux ministres qui doivent être au service de toute la France, et non les porte-paroles d'une ville ou d'un département. (Applaudissements sur certains bancs à gauche)

M. Balladur a bien résumé la situation dans le Figaro du 7 mai en relevant le manque d'enthousiasme de la gauche comme de la droite pour limiter les cumuls. Selon lui, il ne faut pas compter sur la bonne volonté des élus, mais sur la loi. Je partage son point de vue. (Rires et exclamations à droite)

Avez-vous l'intention de limiter les cumuls abusifs ou faudra-t-il attendre un changement de majorité ? (Rires à gauche)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales .  - En dehors des conférences de Sciences Po, vous avez été assidu aux débats sur la reforme des collectivités locales ; vous n'ignorez donc pas que le conseiller territorial sera à la fois conseiller régional et général. (« Cumul obligatoire ! » sur les bancs socialistes)

Ce sera un seul mandat, avec possibilité de se faire remplacer par un suppléant.

Le Gouvernement ne propose pas de texte contre le cumul des mandats. Une modification majeure ne doit en aucun cas dénaturer le rôle du Sénat, qui représente les collectivités territoriales.

Le Gouvernement n'est pas hostile à l'ouverture d'une réflexion sur la question ; elle pourrait s'inscrire dans le cadre de l'examen à venir du texte sur le statut de l'élu et l'élection des conseillers territoriaux. (Applaudissements au centre et sur les bancs UMP)

M. le président.  - Le jeudi 17 juin, à l'issue des questions au Gouvernement, je prononcerai une courte allocution pour commémorer les 70 ans de l'appel du Général de Gaulle. (« Très bien ! » sur les bancs UMP)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 16 h 15.