Armes à sous-munitions

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi tendant à l'élimination des armes à sous-munitions.

Discussion générale

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - Conçues pour disperser une grande partie d'explosifs, les armes à sous-munitions sont sournoises et lâches. La France a dès 2008 retiré du service ses armes à sous-munitions, qui sont stockées en l'attente de la mise en oeuvre de la convention.

Le président de Rohan a fait en sorte que soit examiné dans de bonnes conditions ce texte sur lequel Mme Garriaud-Maylam s'est investie de longue date.

La convention d'Oslo prévoit des peines lourdes pour ceux qui utiliseraient de telles armes. Leur destruction sera assurée d'ici 2016 par le ministère de la défense, pour un coût de 20 à 30 millions. Nous en conserverons toutefois un petit stock, pour que nos sapeurs puissent s'entraîner.

Ce projet de loi, conformément à la convention d'Oslo, n'interdit pas les actions de coalition avec les pays non signataires. La France est au rendez-vous de la responsabilité et de l'humanisme. (Applaudissements)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Ce texte traduit l'engagement de la France pour l'élimination d'armes qui ont causé des dommages considérables. En raison de leurs caractéristiques et de leur usage par certaines armées, ces armes ont eu des conséquences désastreuses et inacceptables sur la population civile, en particulier les enfants.

C'est avec une très grande satisfaction que la commission a accueilli ce projet de loi qui reprend les dispositions de la convention d'Oslo, et qui le fait rapidement. Nous avons été le vingtième État à ratifier la convention, neuf mois après sa signature. Si l'Assemblée nationale adoptait rapidement ce texte, il pourrait entrer en vigueur avant le 1er août.

Certains services pourront conserver un très petit nombre de ces armes, conformément à la convention, pour la formation au déminage et la mise en oeuvre de contre-mesures.

Nos amendements élargissent le champ des armes interdites. Nous apprécions que le Gouvernement se soit engagé à démanteler dès 2016 nos 35 000 obus et roquettes contenant quinze millions de sous-munitions.

Un article additionnel concerne la Cnema, instance particulièrement utile contre les mines antipersonnel, qui doit voir son champ d'action élargi aux armes à sous-munitions.

L'engagement de la France est d'autant plus significatif qu'elle est un acteur militaire de premier plan, engagé dans des actions de déminage. Le sud Liban a été gravement frappé en 2006 ; le Viêt-Nam subit encore les conséquences de l'usage de ces armes, trente cinq ans après la fin du conflit. La plupart des États qui possèdent de telles armes restent hélas à convaincre : États-Unis, Russie, Chine, Brésil, Israël, Turquie n'ont pas signé la convention, non plus que la Finlande, la Grèce, la Pologne ou la Roumanie...

Consciente du chemin qui reste à accomplir, je vous recommande l'adoption de ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Robert Hue.  - Nous arrivons au terme d'un long processus qui marque une avancée du droit international, au bénéfice des populations civiles. En septembre dernier, à l'occasion de la ratification de la convention d'Oslo, j'avais insisté sur les difficultés du processus et sur l'action des associations et ONG pour le faire progresser. Le résultat de ces efforts doit être apprécié à sa juste valeur. Notre pays a fait un grand pas et retiré les armes concernées bien avant la signature de la convention, témoignant ainsi de ses valeurs républicaines. L'exemple n'est pas négligeable, venant d'une grande puissance militaire, membre permanent du Conseil de sécurité.

Ce projet de loi va plus loin que la convention en élargissant sa définition de l'assistance aux activités illégales. Je regrette toutefois qu'il ne soit pas plus précis et plus contraignant par rapport à certains points de la convention. Nous pourrions créer un effet d'entraînement en allant plus loin et en visant les efforts d'investissement dans des entreprises fabriquant ou commercialisant ces armes. La convention ne prohibe ces instruments que de façon si implicite que l'interprétation en est sujette à caution. Il serait bon de lever cette ambiguïté : quel sens y a-t-il à poser une interdiction qu'on ne se donne pas les moyens de faire respecter ?

A la suite d'une action conjointe d'Amnesty international et de Handicap international, des grands groupes français se sont interdit d'investir dans ce secteur. La position des pays qui ont interdit ces financements ou sont en voie de le faire doit être un exemple : Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Allemagne, Suisse...

Le groupe CRC-SPG souhaite que vous teniez compte de ces remarques. Vu son importance, nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - La France doit avancer dans ce processus législatif pour éliminer ces armes perverses qui font tant de mal aux populations civiles. Je rends hommage aux ONG qui ont agi en ce sens. Vu le grand nombre de pays qui ont ratifié la convention, nous pouvons espérer une ratification avant le 1er août et, comme le rapporteur, j'espère que ce texte sera adopté auparavant.

L'utilisation massive de ces armes par les Américains au Viêt-Nam et, en 2006, par l'armée israélienne au Liban a suscité une prise de conscience. Nombre d'enfants en sont victimes parce que ces armes, qui ressemblent à des jouets, restent sur le terrain des années après la fin de la guerre.

La convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel est un modèle d'instrument juridique international contraignant. Je salue le choix de M. Jospin d'avoir inscrit dès 1999 notre pays dans cette logique que la reprise des essais nucléaires en 1995 avait stoppé. Je relève aujourd'hui la continuité de l'action de la France, d'un gouvernement l'autre.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est à marquer d'une pierre blanche !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Ce projet de loi est un texte positif très attendu. Il va parfois encore plus loin que la convention d'Oslo, pour les mesures d'assistance et de transparence.

Monsieur le ministre, je rends hommage à l'action du Gouvernement;

M. Didier Boulaud.  - Point trop n'en faut !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Vous pourriez m'écouter.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je vous écoute !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Le projet de loi prévoit des mesures précises pour le stockage et la destruction de ces armes. Nous souhaitons aller plus loin et interdire à toute entreprise de financer, en France ou à l'étranger, la production ou la commercialisation de ces armes. L'interdiction d'assistance, prévue dans le texte, doit être précisée. Je pense à nos liens avec certaines entreprises internationales. Pour respecter l'esprit de la lettre de la convention, l'interdiction de toute forme de financement doit être précisée, tout comme la notion de transfert et celle de courtage.

Je regrette que les États-Unis, la Russie, Israël ne soient pas parties à cette convention, ce qui en réduit la portée juridique et pratique.

Le Gouvernement peut-il assurer à la représentation nationale que la France n'acceptera pas de prendre part à des opérations militaires au cours desquelles nos alliés utiliseraient des armes à sous-munitions ? Je pense à notre action en Afghanistan. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Les armes à sous-munition ont causé, dans la vingtaine de pays où elles ont été utilisées, des dommages humanitaires insupportables. Un rapport de M. Plancade l'a rappelé.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armés.  - Il n'était pas seul : rendez à Joëlle ce qui est à Joëlle ! (Sourires)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - Merci.

M. François Fortassin.  - Je vous en donne acte.

Ces armes ont un large rayon d'action et elles restent en place longtemps. Plusieurs dizaine de civiles sont encore tués chaque année au Viêt-Nam, trente cinq ans après, tout comme des civils palestiniens, kosovars ou géorgiens.

Pour la première fois, à Oslo, la communauté internationale s'est dotée des moyens de progresser dans la suppression de telles armes. Ce processus rappelle celle concernant les mines antipersonnel. Dans les deux cas, les ONG ont été les premières à agir.

Dans les deux cas, hélas, les principaux producteurs et utilisateurs de ces armes ne sont pas signataires de la convention : États-Unis, Russie, Israël, Serbie...

M. Hervé Morin, ministre.  - Et la Chine !

M. François Fortassin.  - Le chemin sera donc long mais il est bon que la patrie des droits de l'Homme donne l'exemple. Notre pays a d'ores et déjà retiré 80 % de ces armes, donnant ainsi un signal fort de notre engagement, dont nous nous félicitons.

Le RDSE sera unanime à voter ce texte ; nous espérons que le Sénat fera de même! (Applaudissements)

Mme Bernadette Dupont.  - Nous saluons tous l'excellent travail et la détermination de Mme Garriaud-Maylam. Notre séance de ce matin a un tour solennel dont je me félicite. Il est trop fréquent que l'on doive attendre des années entre signature et ratification d'une convention, puis avant le vote d'une loi la transcrivant dans notre droit.

Initialement conçues pour détruire des concentrations de blindés, ces armes dispersent des explosifs sur une large surface. Elles ont été utilisées au Vietnam et au Laos, au Liban, au Kosovo, en Géorgie, en Irak. Les explosifs restent actifs longtemps après la fin des conflits, ce qui apparente ces armes aux mines antipersonnel.

La France est-elle engagée dans le nettoyage des terres ainsi polluées ?

Ce texte dépasse les objectifs fixés par la convention, dont il précise nombre de points. Il témoigne de la vision globale de la France pour le désarmement.

L'intégration dans l'Union européenne suppose l'appartenance à une communauté de valeurs. Il est donc indispensable que nos partenaires signent tous la convention. Le sol du Kosovo est contaminé. L'Espagne poursuit-elle, à la tête de l'Union européenne, l'action qu'y avait menée la France ?

En adoptant ce projet de loi, notre pays adresse un message symbolique à la communauté internationale : on peut être une puissance militaire et se situer en amont de la politique de désarmement. C'est pourquoi l'UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Muller.  - La France a signé et ratifié la convention d'Oslo. C'est tout à son honneur, d'autant que de nombreux pays ne l'ont pas fait. Le rapport d'information de Mme Garriaud-Maylam et de M. Plancade était remarquable. Les ONG ont su attirer l'attention du Gouvernement sur les dommages que causent ces armes. Ce projet de loi va indéniablement dans la bonne direction.

Il ne me semble toutefois pas encore assez précis, comme si l'on souhaitait ne pas effaroucher certains fabricants d'armes et certains États avec qui nous intervenons ou avec qui nous entretenons des relations privilégiées. Cette lacune est importante. Je regrette aussi que ne soit pas étudiés le financement de la production et le commerce de ces armes. Certains États signataires ont d'ores et déjà formulé une telle interdiction, ou s'apprêtent à le faire, tout comme certains de nos établissements financiers.

Faute de ces clarifications, la question reste encore posée de la volonté réelle de notre pays d'agir pour la suppression complète de telles armes. Que va faire la France ? On pourrait donner l'exemple en amoindrissant encore le stock subsistant.

Ce texte va dans la bonne direction, malgré ces insuffisances de précision. Dans un tel domaine, la France doit être aux avant-postes : c'est le sens de nos amendements (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. Jacques Muller.  - L'étude d'impact annexée au projet de loi mentionne quatre industriels produisant des composants aux armes à sous munitions. Pouvez-vous préciser leur identité, ainsi que la nature des produits concernés ? Que prévoit-on pour faciliter la reconversion vers des activités civiles de leurs activités actuelles de production d'armes ?

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Muller et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 8

Après les mots :

d'Oslo

insérer les mots :

y compris les opérations de transit

M. Jacques Muller.  - Il faut éviter toute ambiguïté dans l'interprétation de la notion de « transfert ».

Dans la Convention d'Oslo, la définition du terme « transfert » à l'article 2 ne précise pas explicitement que le transit des armes à sous munitions par les États parties est interdit en vertu de la convention. Rien ne nous interdit d'être plus précis.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - Défavorable. Il est en contradiction avec la convention d'Oslo : le transfert n'inclut pas le simple transit.

M. Hervé Morin, ministre.  - Il s'agit d'une part marginale de l'activité desdites entreprises, monsieur Muller. Il n'est donc pas utile de prévoir un dispositif particulier de reconversion. La DGA examinera la question si nécessaire.

Sur l'amendement, l'avis est le même que celui de Mme le rapporteur. Comment contrôler le transit aérien, par exemple ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Cet amendement est important. S'il est trop difficile à mettre en oeuvre, que faire pour le trafic de drogue ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce n'est pas la même chose !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Nous devons faire respecter des principes. Ne baissons pas la garde.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vos arguments sont juridiques mais nous ne pouvons y adhérer. Ce n'est pas parce qu'on ne peut pas contrôler le transit des avions qu'il ne faut rien faire. C'est une affaire de volonté politique. La France doit rester à l'avant-garde.

M. Jacques Muller.  - Dans cet amendement, la liste des moyens de transit n'est pas précisée. Le transit sur le territoire et sur mer, on peut le contrôler. Il faut verrouiller le dispositif autant qu'il est possible.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Muller et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 11

Remplacer les mots :

le courtage

par les mots :

l'intermédiation

M. Jacques Muller.  - Le projet de loi ne définit pas la notion de courtage, qui n'existe pas en droit français. Un projet de loi relatif aux opérations d'intermédiation a été déposé en 2006 mais n'a toujours pas été adopté. La notion de courtage doit être remplacée par celle d'intermédiation qui rend compte de toute la chaîne.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - La commission partage l'objectif de cet amendement. Mais la notion de courtage est définie en droit français, pas celle d'intermédiation. Le Gouvernement entend-il inscrire le projet de loi déposé en 2006 à l'ordre du jour ? La commission s'en remet à la sagesse.

M. Hervé Morin, ministre.  - Aujourd'hui, seul le courtage est défini en droit français. Si notre droit évolue pour définir l'intermédiation, il sera toujours temps de modifier le présent texte.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - Au vu de ces explications, je demande le retrait.

M. Jean-Louis Carrère.  - Compte tenu de la bonne volonté de la commission et de l'engagement pris par le Gouvernement, il serait sage de retirer cet amendement : on y reviendra lorsque le texte sur l'intermédiation sera adopté.

L'amendement n°5 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est interdit le financement, direct ou indirect, de toute entreprise de droit français ou de droit étranger dont l'activité comprend les actions interdites susmentionnées.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - La convention d'Oslo interdit d'inciter ou d'encourager à s'engager dans les activités qu'elle proscrit. Investir n'est-il pas le meilleur moyen d'inciter ou d'encourager ? La Belgique et le Luxembourg ont déjà interdit ces financements. La Suisse, l'Allemagne et les Pays-Bas devraient rapidement le faire. Faisons de même !

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Hue, Mme Demessine et M. Billout.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces interdictions s'appliquent également au financement direct ou indirect et en connaissance de cause, d'une entreprise de droit français et étranger engagée, en tout ou partie, dans une des activités interdites mentionnées à l'alinéa précédent.

M. Robert Hue.  - Nous souhaitons inscrire clairement l'interdiction de tout financement direct ou indirect des entreprises engagées dans ce type d'activité. Les textes sont systématiquement contournés par certains groupes : il y a beaucoup d'argent derrière ! Certains pays s'engagent dans cette voie. Ne soyons pas en retrait. Le geste politique serait fort, qui est attendu par les ONG.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - L'intention est louable, mais ces amendements interdiraient à toute entreprise française de nouer des relations avec des entreprises qui produiraient de telles armes même de façon marginale. Ce n'est pas faire offense à la Belgique ou au Luxembourg de dire qu'ils n'ont pas les mêmes intérêts économiques que la France.

M. Robert Hue.  - Et l'Allemagne ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - La notion de financement indirect pose en outre des problèmes de contrôle, par exemple des fonds de pension.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je ne veux pas me retrouver en situation d'accusé. Le ministère a beaucoup fait avec le Quai d'Orsay sur le sujet. Notre pays doit être exemplaire mais je ne peux être que défavorable à ces amendements. Ce n'est pas insulter la Belgique et le Luxembourg de dire qu'ils n'ont pas de partenariats importants avec des industries d'armement étrangères.

M. Robert Hue.  - Et l'Allemagne ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Vous me rappelez régulièrement que 250 000 à 300 000 salariés travaillent dans le secteur de l'armement en France.

Il ne fait pas être plus royaliste que le roi. Quarante pays seulement ont ratifié la convention d'Oslo et aucun pays de l'Union ne prévoit de telles contraintes, sauf la Belgique et le Luxembourg. Refusera-t-on demain tout accord industriel avec un pays qui n'a pas signé la convention, comme la Pologne ? Ne handicapons pas notre industrie de l'armement.

M. Jean-Louis Carrère.  - Je suis étonné. Votre argumentation me rappelle le devenir du Grenelle de l'environnement. (M. Hervé Morin, ministre, s'exclame) Vous avez renoncé, et là aussi ! Veut-on, oui ou non, éradiquer les armes à sous-munitions ? La France doit jouer un rôle de leadership et convaincre ses partenaires de s'aligner sur ses positions. Pas de marchandage, s'il vous plaît !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Notre industrie d'armement emploie 300 000 personnes, c'est vrai. Doit-on cependant continuer à nouer des partenariats avec des entreprises israéliennes ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Arrêtez de parler d'Israël !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Vous savez qu'Israël est un gros producteur et utilisateur d'armes à sous-munitions.

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce n'est pas le sujet ! Voulez-vous empêcher EADS de signer des accords avec des entreprises américaines ? DCNS de travailler avec la Pologne ? Vous m'avez tous interrogé sur le programme A400M de transport militaire ; faut-il l'arrêter ? Et le programme d'observation satellitaire européen Musis ? Faut-il y mettre fin ?

M. Hervé Morin, ministre.  - En interdisant les financements directs et indirects, on arrête tous les partenariats possibles et imaginables ! Le seul partenariat que nous ayons avec Israël, c'est sur les drones, et il est marginal. Restons dans le domaine du possible.

M. Robert Hue.  - Nous voyons apparaître des questions fondamentales qui posent le problème de notre industrie d'armement et du commerce des armes. Appelons un chat un chat ! M. le ministre estime qu'il ne faut pas handicaper notre industrie de l'armement. Voyons si nous pouvons l'orienter autrement. (M. Jean-Louis Carrère approuve)

M. Hervé Morin, ministre.  - Il ne s'agit pas du commerce des armes mais de programmes européens que nous appelons tous de nos voeux pour réduire les coûts.

A chaque fois qu'un parlementaire communiste m'interrogera sur la situation de DCNS ou de la SNPE, je lui rappellerai vos propos...

M. Robert Hue.  - C'est du chantage !

M. Jacques Muller.  - Il s'agit de notre amendement central. Le texte ne peut passer sous silence les activités financières. Le marché de l'armement est très lucratif et est en plein développement. Prenons nos responsabilités, ce qui est possible : d'autres pays l'ont fait, comme d'ailleurs de grandes banques françaises comme la BNP, Axa ou la Société générale.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Carrère.  - Je ne balaie pas d'un revers de main les arguments du ministre. Il suffit que les partenaires de nos industriels sortent des activités interdites. Demandons-leur de faire un effort. Pourquoi devrions-nous être les seuls à agir ? Avec un groupe comme EADS, on doit pouvoir trouver une issue.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Muller et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 20, première phrase

Remplacer les mots :

cinq cents

par les mots :

quatre cents

M. Jacques Muller.  - Il faut encore réduire le nombre des armes à sous-munition détenues par nos forces à des fins d'entraînement ou de contre-mesures. Ce serait un signe important.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - L'étude d'impact jointe au rapport précise qu'il existe 200 types d'armes à sous-munition, détenues à 90 % par les pays non signataires de la convention ; ce nombre risque encore d'augmenter. En conserver 500, c'est donc très peu : il faut bien former nos armées. Il nous paraît même faible au regard des 5 000 mines antipersonnel dont nous disposons. Retrait.

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous avons recensé 218 types d'armes à sous-munition. Nos démineurs sont confrontés sur le terrain à ces armes, il faut bien les entraîner et les former.

M. Jacques Muller.  - Il s'agissait d'amendements d'appel, pour amener le ministre à nous donner ces précisions en séance publique.

L'amendement n°6 est retiré, ainsi que l'amendement n°7.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Muller et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 53, première phrase

Remplacer les mots :

un Français

par les mots :

une personne physique ou morale française

M. Jacques Muller.  - La convention ne précise pas si sont visées les personnes physiques ou les personnes morales. Le projet de loi laisse entendre qu'il ne s'appliquerait qu'aux premières. Il faut impérativement être plus précis.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Hue, Mme Demessine et M. Billout.

Alinéa 53, première phrase

Après les mots :

par un Français

insérer les mots :

ou une personne morale

M. Robert Hue.  - Il faut en effet combler un vide juridique.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - Le projet de loi déroge déjà au principe de territorialité de la loi pénale. Le régime juridique qu'il prévoit est le même que celui pour les mines antipersonnel. L'amendement 3 ne peut être retenu, qui ne dit pas que seules les personnes morales françaises sont concernées. Les mots « un Français » couvrent-ils les personnes physiques et morales, monsieur le ministre ? Nous suivrons le Gouvernement sur le 8.

M. Hervé Morin, ministre.  - Il faut évidemment que les personnes physiques et morales soient concernées. Pour le Gouvernement, les mots « un Français » couvrent les deux. Avis défavorable puisque ces amendements sont satisfaits.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Je crains qu'un tribunal ne considère que seules les personnes physiques soient concernées. Nous ne retirons pas notre amendement.

M. Hervé Morin, ministre.  - La loi française prévoit depuis 2004 que toutes les incriminations s'appliquent aussi bien aux personnes physiques et morales.

M. Jacques Muller.  - Soyons précis et facilitons le travail des juges.

L'amendement n°8 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°3.

L'article premier est adopté.

L'article premier bis est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Muller et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France encourage les États non parties à la présente Convention à la ratifier, l'accepter, l'approuver ou y adhérer, dans le but de susciter la participation de tous les États à la présente Convention.

La France notifie aux gouvernements de tous les États non parties à la présente Convention ses obligations aux termes de celle-ci, promeut les normes qu'elle établit et met tout en oeuvre pour décourager les États non parties à la dite Convention d'utiliser des armes à sous-munitions.

M. Jacques Muller.  - Les obligations positives contenues dans l'article 21 de la convention relatives à l'interopérabilité méritent d'être Nous voulons une transcription complète de cet article. La France est rarement seule sur un théâtre d'opérations.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Il s'agit d'un voeu pieu. La loi permet ou interdit mais ne doit pas en rester aux pétitions de principe. Comment sanctionner les réfractaires ? Chassons de nos lois toutes ces déclarations votives qui ne mènent à rien !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur.  - Même avis. Le Gouvernement a déjà fait beaucoup, c'est tout à son honneur. Le ministre des affaires étrangères a donné des instructions précises pour que nos ambassadeurs fassent leur possible pour convaincre les États où ils sont en poste de signer la convention d'Oslo. Retrait.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Les lois sont effet destinées à être appliquées. Que le Président de la République et le Gouvernement entendent M. de Rohan et cessent d'encombrer notre calendrier de lois qui n'ont d'autre objet que médiatique ! (Applaudissements à gauche)

M. Didier Boulaud. - C'est peine perdue !

M. le président. - Voilà que s'ouvre un champ immense de réflexion ! (Sourires)

L'amendement n°9 est retiré.

Les articles n°s2, 3, 4 et 5 sont adoptés.

Vote sur l'ensemble

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Nous voterons ce texte qui est la continuation d'un processus auquel nous avons beaucoup apporté, quelles que soient les insuffisances qui subsistent.

M. Robert Hue.  - Le débat a été intéressant et nous a permis d'évoquer l'industrie d'armement et le commerce des armes. Ce texte marque une avancée significative. Nous devons rester vigilants et inciter les grandes puissances à signer la convention. Je salue le travail des ONG qui a permis d'aboutir à ce texte d'une grande portée. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Muller.  - La convention d'Oslo est un progrès indéniable pour l'humanité même si seulement 103 pays l'ont signée et 24 l'ont ratifiée. Nous regrettons de ne pas avoir suffisamment clarifié le texte sur le financement et sur l'implication des personnes morales.

Nous voterons néanmoins ce texte essentiel mais abstenons-nous de donner des leçons aux autres pays. D'autres ont fait mieux que nous.

M. Jean-Louis Carrère.  - Je suis très sensible à l'engagement pris de substituer bientôt le terme « intermédiation » à celui de « courtage ». Je vote avec enthousiasme ce texte.

M. Robert del Picchia.  - Je voterai aussi avec enthousiasme et je félicite notre commission et le ministre.

On parle de l'encombrement de l'ordre du jour. Mais il faudrait aussi s'interroger sur les amendements discutés en commission et qui reviennent tels quels en séance publique.

M. Didier Boulaud.  - Vous verrez quand vous serez dans l'opposition !

M. Jean-Louis Carrère.  - Un grand démocrate !

M. Hervé Morin, ministre.  - Je suis fier de ce texte qui marque un immense progrès. La France est la première puissance militaire à s'engager, elle montre l'exemple. Sa voix compte et porte, appuyée par ses capacités de défense. Ce texte est un objet de fierté pour tous. (Applaudissements à droite et au centre)

L'ensemble du projet de loi est adopté à l'unanimité.