Eloge funèbre de Jacqueline Chevé
M. le président. - Mes chers collègues, (Mesdames et Messieurs les sénateurs se lèvent) c'est avec une profonde émotion et un réel sentiment d'injustice que nous avons appris le décès de Jacqueline Chevé. Elle représentait le département des Côtes d'Armor où elle était née il y a 48 ans. Elle portait les valeurs de la laïcité dont notre République a toujours besoin. Élue il y a dix-huit mois, elle nous a quittés au lendemain du premier tour des élections régionales où elle avait obtenu un brillant résultat sur la liste menée par le président du conseil régional. Nous ne pouvions imaginer qu'elle menait son dernier combat politique ; nous savions qu'elle avait dû affronter la maladie pendant de longs mois avec la force de caractère, le courage et la discrétion que nous lui connaissions. Elle avait repris ses activités au sein de la commission des affaires sociales. Nous voulions tous croire qu'elle avait surmonté le mal qui la rongeait. Sans avoir eu le temps de donner toute sa mesure, notre collègue avait beaucoup apporté à notre institution où elle laisse un souvenir ému : tous ceux qui ont eu la chance de travailler avec elle ont apprécié ses qualités.
C'était une femme de coeur, d'engagement et de dévouement dans sa vie familiale et professionnelle. Très tôt, elle s'était engagée auprès des plus modestes. Elle débuta au sein d'une mission locale pour l'insertion des jeunes. En 2002, elle s'est consacrée à la protection des populations les plus fragiles dans la ville de Dinan. Enfin, elle fut la directrice du foyer logement de Lamballe.
L'inclinaison de Jacqueline Chevé vers les autres et son sens du concret la conduiront naturellement vers l'engagement politique. Elle fut une élue locale de proximité enthousiaste, dévouée et efficace jusqu'à son élection au Sénat. D'abord conseillère municipale de Loudéac, elle fut élue en 2004 conseillère régionale de Bretagne, où elle s'occupa de formation professionnelle. Dès avant son élection au Sénat, elle fut en 1997 l'assistante parlementaire de Didier Chouat, député de la troisième circonscription des Côtes-d'Armor. Elle remplit ses fonctions avec dynamisme durant cinq ans. En 2008, elle fit son entrée au Parlement par la grande porte, celle du Palais du Luxembourg, où elle fut brillamment élue le 28 septembre 2008 avec 57 % des voix. Nous avons vu à Loudéac les images qui montraient sa joie...
Elle avait entamé une brillante carrière politique mais elle nous a été enlevée bien trop tôt. Durant dix-huit mois, elle a démontré qu'elle appartenait à la génération des femmes parlementaires passionnées et modernes.. Espérons que cette trop brève présence lui a apporté des satisfactions à la hauteur de l'estime que nous lui portions.
Membre de la commission des affaires sociales, Jacqueline Chevé trouva immédiatement ses marques au Palais du Luxembourg. Plusieurs d'entre vous l'ont aidée. Par sa jeunesse, sa détermination, son dévouement, elee a représenté l'un des visages du Sénat. Élue de proximité, elle toujours gardé un contact étroit avec ses concitoyens : ainsi, elle posa des dizaines de questions au Gouvernement et intervint plus de mille fois pour ses administrés. L'action politique est toujours passionnante à condition d'aimer les gens, disait-elle.
Elle accordait aussi toute leur importance aux grands débats nationaux : elle intervint ainsi quelques jours avant sa disparition lors du débat sur le mal-être au travail.
Elle intervint aussi lors du projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales. En juin dernier, elle portait sur son site internet un jugement sévère mais lucide sur l'inflation législative, « qui déstabilise les citoyens et décrédibilise les hommes politiques... à force de confondre vitesse et précipitation ».
Jacqueline Chevé a transcendé ses épreuves en se mettant au service de ses concitoyens. Cela justifie l'extraordinaire hommage qu'elle reçut en mars dernier au palais de la culture de Loudéac, avec ses proches, en présence de très nombreux élus. À cette occasion, j'ai prononcé son éloge qui devait trouver un écho aujourd'hui.
J'exprime notre sympathie attristée à ses collègues du groupe socialiste, à tous ses amis, à ses proches, à sa famille. « Ne pleure pas celle que tu as perdue, mais réjouis-toi de l'avoir connue » : c'est un peu ce que nous avons ressenti à Loudéac.
Je vous propose de nous recueillir quelques instants à la mémoire de Jacqueline Chevé, rassemblés par les valeurs qui nous étaient communes. (Mesdames et Messieurs les sénateurs observent une minute de silence)
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - Le Gouvernement s'associe à l'hommage légitime que le Sénat rend aujourd'hui à Mme Jacqueline Chevé, sénatrice des Côtes-d'Armor, qui nous a quittés le 15 mars.
Nous conserverons le souvenir d'une femme dont la générosité, le sens du dialogue et le tempérament étaient de nature à rassembler. Guidée par le besoin d'agir et d'apporter sa pierre à une société plus juste et plus humaine, sa vie était tournée vers les autres, notamment les plus modestes. Militante associative, elle menait les combats les plus divers. Défendant les causes qu'elle trouvait justes, elle faisait preuve d'une infatigable ténacité dans les réalités sociales les plus difficiles. Chacun savait qu'il trouverait toujours sa porte ouverte. C'est cette vocation altruiste qui a forgé le lien qui l'unissait aux Côtes-d'Armor et à Loudéac qui lui a rendu un hommage émouvant, poignant, fort, rayonnant.
Elle s'était engagée en politique non pour assouvir une ambition, mais pour continuer à agir. Élue de sa commune, conseillère régionale, cette personnalité expérimentée est élue brillamment sénatrice des Côtes-d'Armor en septembre 2008.
Au sein de la commission des affaires sociales et de la délégation au droit des femmes, elle a poursuivi son combat.
Le 15 mars, la maladie a mis un terme à son engagement. Elle a laissé à ses amis et au Sénat le souvenir d'une femme engagée que ni les épreuves ni la maladie n'ont fait reculer.
J'adresse à sa famille, à son mari, à ses deux enfants, à ses collègues du groupe socialiste, aux habitants de Loudéac, des Côtes-d'Armor et de la Bretagne les condoléances très sincères du Gouvernement.
La séance est suspendue en signe de deuil.