Protection des jeunes et nouveaux médias
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - La commission de la culture s'est beaucoup impliquée depuis deux ans dans le domaine qui nous intéresse aujourd'hui, en confiant à M. David Assouline un rapport d'information sur l'impact des nouveaux médias sur les jeunes et en participant à la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes. Le rapport de M. Assouline, présenté à la commission en 2008, fit l'objet d'échanges passionnants et fut adopté à l'unanimité. II comportait un grand nombre de propositions ambitieuses pour accompagner la « génération numérique », à l'heure où un jeune sur trois a un blog, un sur deux se sert d'une messagerie instantanée, deux sur trois jouent sur un ordinateur et plus de neuf sur dix naviguent sur internet et possèdent un téléphone mobile. C'est pourquoi j'ai souhaité, grâce à ce débat de contrôle, faire le point sur les mesures déjà prises par le Gouvernement et les suites qu'il entend donner à nos recommandations. Je crois utile de faire entendre la voix de la commission de la culture à la veille de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi), qui pourra servir de véhicule législatif à plusieurs dispositions dans ce domaine. A cet égard j'approuve les dispositions de l'article 4 visant à empêcher l'accès aux sites pédopornographiques.
Les 7 et 8 avril, le ministre de l'éducation nationale réunira à la Sorbonne des états généraux de la sécurité à l'école. Or nombre d'incidents qui se sont produits au cours des derniers mois sont liés à l'utilisation du téléphone portable, qui permet l'échange d'informations sur des jeux violents comme ceux du foulard et de la tomate, la circulation de films représentant des attaques d'enseignants, ou la prise de rendez-vous à la sortie des établissements par des bandes organisées. Je souhaite que les problèmes liés à l'utilisation des nouveaux médias soient étudiés dans le cadre de ces rencontres et je salue la constitution par le ministre de l'éducation nationale d'un conseil scientifique chargé de ces questions. Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, vous représentez aujourd'hui le Gouvernement, mais vos collègues chargés de l'éducation, de la communication ou de l'économie numérique et même de l'intérieur sont également concernés. Je ne doute pas que ce débat aura permis de renforcer l'indispensable coordination ministérielle.
Sans entrer dans le détail des constats et propositions figurant dans le rapport, je souhaite vous faire part de deux convictions. Tout d'abord, et même si nous avons centré ce débat sur leur protection des jeunes, il ne faut pas sous-estimer l'immense chance que représentent pour eux les nouveaux médias, qui élargissent l'accès à l'information et à la culture, servent de supports pédagogiques et d'outils de communication, grâce aux réseaux sociaux tels que Facebook et Twittter. Mais nous avons constaté la démission de la famille et de l'école, liée à l'ignorance des dangers que représentent ces nouveaux médias : addictions aux jeux vidéo, comportements violents, déviances sexuelles... C'est pourquoi il appartient aux responsables politiques d'agir pour que les bienfaits de ces nouvelles technologies l'emportent sur leurs dangers. Nous avons su le faire pour la télévision : je tiens à saluer l'action du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui a lancé une campagne de protection des mineurs à la télévision, et l'action de Mme Françoise Laborde qui préside un groupe de travail à ce sujet. Des propositions ont été faites sur les publications destinées à la jeunesse. A l'occasion de l'examen de la proposition de loi sur la simplification et l'amélioration du droit, notre commission se penchera sur la nécessaire réforme de la loi de 1949, inadaptée au monde numérique. Aujourd'hui les jeunes regardent le plus souvent la télévision sur leur ordinateur ; or, comme l'a encore montré un récent documentaire sur un jeu de téléréalité, la télévision exerce une forte influence sur les comportements.
Reste internet. Lors de la présentation de ses voeux pour 2010, M. Michel Boyon, président du CSA, a une nouvelle fois déploré que la loi ne permette pas de réguler les vidéos qui circulent sur des sites de partage lorsqu'elles ont des contenus illégaux, c'est-à-dire lorsqu'elles ont un caractère pornographique, un caractère attentatoire à la dignité de la personne humaine ou bien lorsqu'elles comportent des appels à la haine, à la violence, au racisme ou à l'antisémitisme. Je partage sa conviction qu'il faudra réguler ce domaine. Il ne faut pas s'abriter derrière la mondialisation pour se déclarer impuissant. Notre commission ouvrira ce chantier car la liberté sur internet ne doit pas exclure la protection des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs RDSE, UC et UMP)
M. David Assouline, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Dix-huit mois après l'adoption du rapport de la mission sur les jeunes et les nouveaux médias, je me félicite que nous débattions aujourd'hui d'un sujet qui suscite à la fois l'espoir et l'inquiétude. Dix-huit mois, c'est long ; dans le domaine des nouveaux médias c'est même une éternité. Mais cela permet de faire le point sur la politique du Gouvernement. Avance-t-on, et si c'est le cas, est-ce dans la bonne direction ? Que reste-t-il à faire ? J'avais rencontré Mme la ministre lors de cette mission et elle m'avait annoncé une Lopsi imminente et déterminante. Imminente, elle ne l'a pas été : c'est peut-être heureux... Déterminante, elle ne le sera pas, sauf si ce débat fait changer d'avis au Gouvernement : soyons optimistes !
Les jeunes sont les protagonistes de la révolution numérique : M. le président de la commission a cité tout à l'heure des statistiques éloquentes. Ils utilisent les nouveaux médias de manière combinée, regardant la télévision en même temps qu'ils « tchatent » avec leurs copains et envoient des SMS. On voit émerger une véritable « culture jeune ». Les nouveaux médias sont à la fois des outils de socialisation, des catalyseurs de compétence, des diffuseurs de culture, des sources de créativité et des supports pédagogiques efficaces. Autant de vertus susceptibles d'être remises en cause selon la manière dont on les utilise.
Les jeunes ressentent un sentiment de liberté du fait de leur maîtrise des nouveaux médias, mais cette liberté n'est absolument pas accompagnée ou mise à profit par les pouvoirs publics. Dès lors qu'on parle d'internet, on évoque les amis, le réseau social, les bloggeurs, les twitteurs, le dernier buzz, mais on constate l'absence frappante de la famille et de l'école qui laissent les jeunes abandonnés, sans repères, dans un monde multi médiatique omniprésent. Je suis pourtant convaincu que la République peut jouer un rôle d'émancipation et d'éducation des jeunes grâce à l'aiguisement de leur regard critique sur le monde numérique.
L'éducation aux médias est un impératif. Alors que la fracture numérique ne se creuse plus en raison notamment de l'effort d'équipement des collectivités territoriales, c'est une double fracture culturelle et intellectuelle qui menace aujourd'hui les enfants. II faut leur apprendre les bons usages de l'internet, comme on leur apprenait au siècle dernier à bien manier les livres et les concepts. Internet est une véritable révolution culturelle qui doit, de ce fait, être accompagnée de politiques ambitieuses. L'école a le devoir de donner aux élèves les moyens d'adopter une posture critique vis-à-vis des nouveaux médias, de l'information, de la publicité, et des contenus qu'ils diffusent. L'école doit démontrer que les médias, et notamment internet, ne transmettent pas un savoir indiscutable mais que la médiation est humaine et doit pouvoir être contestée. L'éducation aux médias devient, dans cette optique, un « impératif démocratique ».
J'avais fait la proposition de mettre en place des heures -évidemment prélevées sur le quota horaire annuel- dédiées à l'éducation aux médias au collège avec un travail en faible effectif. J'avais en outre proposé qu'on confie aux professeurs documentalistes une grande partie de cet enseignement. Ces capétiens sont en fait surtout des documentalistes et jamais des professeurs, parce que l'éducation nationale ne leur donne aucun rôle. J'avais rencontré à l'époque Xavier Darcos qui paraissait peu concerné par l'avenir de cette catégorie de personnel, laquelle se réduit comme peau de chagrin années après années alors qu'elle pourrait pourtant jouer un rôle important grâce à sa connaissance des médias. Qu'en pensez-vous madame la ministre ? Comment comptez-vous mettre en oeuvre l'éducation aux médias dans un contexte de réduction des moyens et des effectifs peu adaptée à nos besoins ?
Tous les outils doivent être mis à contribution. Dans le cadre de la réforme de France Télévisions, j'avais souhaité qu'au lieu de supprimer la publicité sur la télévision publique on insère dans le cahier des charges du groupe l'obligation de diffuser une émission d'analyse de la publicité et de décryptage des médias. A l'heure où l'indépendance des médias traditionnels est contestée au point que les jeunes s'en détournent pour aller chercher sur internet une information sans tabous, à l'heure où l'on fait des émissions de télétrash pour contester la télétrash avec le désormais célèbre « Jeu de la mort » sur France Télévisions, il faut plus que jamais insister sur l'intérêt de ces émissions critiques sur les médias qui ont disparu de la télévision publique. Que contient le cahier des charges de France Télévisions sur ce sujet ? Pas grand chose. Qu'est-ce qui est fait concrètement ? Presque rien. Réveillons-nous ou les jeunes se détourneront définitivement de l'information traditionnelle et la transmission générationnelle risque de se gripper sérieusement.
Je proposais en outre qu'on instaure une signalétique positive sur certains programmes jeunesse suivant un cahier des charges précis : non- discrimination entre les genres, ouverture à un public élargi, diffusion de valeurs citoyennes... la signalétique ne doit pas servir qu'à interdire... Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
L'encadrement de l'utilisation d'internet est la priorité affichée du Gouvernement. Pour lutter contre les problèmes, luttons contre la source des maux, à savoir tous ceux qui diffusent de mauvais messages sur internet. J'avais fait certaines préconisations sur l'utilisation de listes blanches pour les jeunes enfants et de listes noires pour les adolescents. Il apparaît que les fournisseurs d'accès ont progressé sur ces questions grâce à la livraison de logiciels de contrôle parental de plus en plus efficaces intégrant lesdites listes.
Le problème majeur n'est cependant pas résolu : il est lié à la gestion des profils, les parents ayant des difficultés à créer des mots de passe spécifiques et à privatiser leurs sessions sur internet. Nous avons là un problème de culture et de communication. Les campagnes de prévention télévisuelle ont un intérêt, mais le renforcement des outils explicatifs à destination des parents est impératif. La mise en place de ces listes de sites est nécessaire, notamment pour la pornographie dont l'impact est particulièrement néfaste sur les adolescents. Où en est le Gouvernement sur cette question très pratique ?
J'avais également proposé de limiter l'utilisation des webcams par les mineurs dans les messageries instantanées, et d'imposer la diffusion d'un message de prévention et d'alerte en page d'accueil des plateformes de blogs et des sites de réseaux sociaux. Je n'ai rien vu venir...
On me dira que la Loppsi 2 répondra à certaines questions. Certes. Dans les lois Hadopi et sur les jeux en ligne, des dispositifs spécifiques ont aussi été adoptés. La proposition de la loi sur la vie privée à l'heure du numérique votée au Sénat, avec un Gouvernement freinant étrangement des quatre fers, est également une avancée dans la protection des jeunes. Sur internet, c'est le masque qui libère et la transparence qui enferme. Les pseudos et avatars sont extrêmement protecteurs, l'étalement de l'intimité sur les sites de réseaux sociaux et la diffusion à l'envi des données personnelles par les gérants des réseaux sociaux, qui en font un argument commercial majeur, sont extrêmement pernicieux.
Mais, quels que soient les textes à l'horizon, le Gouvernement est confronté à l'obstacle de son approche partielle et parcellaire du problème. Les questions sur les nouveaux médias méritent une politique globale et cohérente. Un projet de loi spécifique et ambitieux serait donc le bienvenu. La transposition du paquet télécoms pourrait par exemple s'accompagner de dispositifs pertinents, et notamment d'une modification de la loi sur l'économie numérique qui est en partie obsolète et ne protège pas la jeunesse. Y avez-vous réfléchi ? Est-ce l'un de vos axes de travail ou la transposition sera-t-elle faite a minima ?
Vous ne traitez pas des modalités de régulation d'internet. La télévision est très contrôlée mais de plus en plus dépassée par les usages numériques des jeunes. Or rien n'est fait sur ce sujet, alors même que la convergence numérique brouille tous les usages. Il est ainsi possible à un jeune d'accéder en VOD à un programme qui lui serait interdit ou qui ne pourrait être diffusé qu'à certaines heures sur la télévision. On pourrait multiplier les exemples de ce type sur les téléphones mobiles et sur internet.
Internet est aujourd'hui une jungle, avec tout ce que cela comporte de luxuriance d'informations, d'oxygène intellectuel et de diversité culturelle, mais aussi avec tous ses corollaires négatifs : dangerosité, difficultés d'accès aux lieux intéressants et loi du plus fort. Bref, à quand un organe de régulation efficace, un CSA de l'internet que j'ai appelé de mes voeux dans mon rapport et qui ne semble pas rencontrer d'écho ? Le CSA, lui, ne veut surtout pas qu'on lui confie cette mission... Qu'en pensez-vous ? Auriez-vous une perspective, un calendrier, voire une simple promesse qui pourrait engager le présent Gouvernement ? Mais le contrôle absolu n'existe pas et ses effets pernicieux sont majeurs. Les filous courent plus vite que les gendarmes du net et l'éducation devra, je le répète, être la priorité.
Nous vivons une révolution technologique et culturelle que l'on doit accompagner sérieusement et le Gouvernement n'a pas pris conscience de l'ampleur de cette transformation. Et si cette prise de conscience a eu lieu, elle n'est pas suivie de moyens suffisants. Or le chantier est gigantesque. Le Gouvernement va investir dans les réseaux via le grand emprunt, mais quid du service après-vente, de l'accompagnement de la révolution technologique ? Quels sont les moyens consacrés à la prévention et à la régulation des risques liés à internet ?
Quels seront les moyens consacrés à la prévention et à la régulation des risques liés à internet. Quels sera le montant des crédits consacrés à jeunesse ? Le Gouvernement augmentera-t-il ses investissements en la matière ?
Mme Françoise Laborde. - Internet est devenu le moyen de communication le plus sollicité. Comment peut-il profiter aux plus jeunes sans pour autant les mettre en danger ? Si les technologies d'information et de communication constituent un outil pédagogique et de communication bénéfique pour les enfants, les jeunes et leurs familles, elles posent néanmoins de sérieux dangers surtout pour les jeunes publics : images violentes et traumatisantes, dégradantes, pornographiques et pédopornographiques. Des actes apparemment légers peuvent avoir de terribles conséquences comme le « sexting ».
L'éducation aux nouvelles technologies a été intégrée dans le socle commun de connaissances de l'éducation nationale. Mais cet enseignement reste avant tout centré sur l'apprentissage matériel de l'outil internet. Il est pourtant indispensable de dissocier la maîtrise technique des outils numériques, de leur usage éthique et responsable. II s'agit de définir ce qu'il est convenu d'appeler la « néthiquette ». Faciliter l'accès à l'outil informatique, c'est permettre l'éveil des jeunes aux nouveaux médias, mais aussi de développer leur esprit critique. II faut aider les plus jeunes à décoder les messages reçus, à analyser les images, à se méfier des dangers potentiels des sites en ligne de rencontre et d'échange. Nous devons mettre en place une véritable éducation aux médias. L'État et la société doivent prendre leurs responsabilités face à la révolution numérique.
Conscients des progrès réalisés grâce au formidable outil internet, nous savons que sans une éducation appropriée les jeunes seront les premières victimes si l'on ne fait rien pour les protéger.
La semaine dernière, notre assemblée a voté à l'unanimité une disposition à ce sujet. L'article premier de la proposition de loi de Mme Escoffier et de M. Détraigne, visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique, confie à l'éducation nationale une mission de prévention et de sensibilisation des jeunes sur l'utilisation des services en ligne. Il s'agit d'un premier pas dans la bonne direction. Il était fondamental de protéger la vie privée face au développement des espaces sociaux sur internet, tels que Facebook ou les blogs personnels.
Mais nous devons poursuivre l'effort engagé et nous assurer que les moyens matériels seront au rendez-vous. Ne sacrifions pas une génération sur l'autel du progrès technologique. Ne soyons pas pour autant liberticides. Dans son rapport d'information fait au nom de la commission de la culture, David Assouline propose la création d'un organisme en charge de la protection de l'enfance sur les médias, qui se substituerait à l'ensemble des commissions existantes. Il souhaite également un renforcement de la coopération européenne et internationale sur la constitution de listes blanches et noires. Nous sommes d'accord avec les propositions de ce rapport : notre société doit rétablir l'équilibre entre répression et éducation, pour responsabiliser chacun d'entre nous dans l'usage que nous faisons d'internet. Nous attendons des propositions concrètes du Gouvernement. Comme le disait Rabelais, « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». (Applaudissements sur les bancs de la commission)
Mme Marie-Agnès Labarre. - A l'heure du développement des technologies numériques, il est important de s'interroger sur la nécessité de protéger les jeunes des risques qu'ils encourent face à ces nouveaux médias, susceptibles de véhiculer des contenus dangereux. Il est nécessaire que nous nous interrogions sur les moyens de mieux protéger les utilisateurs.
Les nouveaux médias sont une chance dans la mesure où ils permettent une plus grande circulation des informations, un accès facilité à la connaissance et créent de nouvelles opportunités de s'exprimer. Néanmoins, les dangers sont réels, notamment pour les jeunes. La Convention des droits de l'enfant consacre le droit à l'information, le droit au loisir et au jeu : les nouveaux médias en facilitent l'exercice. Mais la Convention consacre également le droit à une protection particulière des ces enfants. Or, il est difficile d'en définir le contenu. Les dangers sont pourtant bien réels. Il ne s'agit en aucun cas de diaboliser ces médias mais nous devons nous méfier « raisonnablement » d'internet.
Les risques de dépendance sont bien réels : les jeux vidéo et internet génèrent des formes d'addiction, et l'adolescent peut se retrouver psychiquement et physiquement isolé. Il faut donc agir de façon préventive. L'exposition des enfants à des contenus choquants, violents ou pornographiques est également courante : les protections sont faibles, et faciles à contourner. La diffusion et la récupération de données personnelles sur internet affectent la sphère de l'intimité. Ces données personnelles sont souvent utilisées à des fins publicitaires. Les jeunes sont exposés à des contenus qu'ils risquent d'assimiler à de l'information journalistique. Contre les risques de désinformation, nous devons en appeler à l'éveil de l'esprit critique. Or, les récents débats n'ont pas eu de suite. La prise de conscience a néanmoins eu lieu : en attestent la tenue d'un atelier organisé par la secrétaire d'État à l'économie numérique en novembre sur le droit à l'oubli numérique, ainsi que la proposition de loi sur le droit à la vie privée à l'heure du numérique dont nous avons récemment débattu. C'est pourquoi je doute des effets concrets de notre débat. Si la protection est un thème assez largement accepté, sauf par certaines entreprises qui y voient un obstacle à leurs intérêts financiers, les réponses concrètes ne sont pas à la hauteur des enjeux. L'élaboration de chartes professionnelles de bonne conduite n'est pas satisfaisante. Une charte est une déclaration de bonne intention, c'est tout. Nous approuvons la récente proposition de loi de nos collègues centristes et du RDSE, mais nous déplorons son caractère peu contraignant, d'autant que certains amendements l'ont vidée d'une partie de sa substance. Faut-il légiférer ? Le texte adopté par le Sénat prévoit des cours d'éducation civique pour les plus jeunes afin de les sensibiliser aux dangers d'internet. Il est certes nécessaire d'informer et de sensibiliser les jeunes à cette problématique. Mais les professeurs d'histoire et de géographie devront également être formés. En outre, le jeune n'a pas à se protéger lui-même de la technologie qu'il manipule. Cette protection relève aussi de l'hébergeur de contenus : le champ de leur action doit être encadré.
Les solutions actuelles sont par ailleurs insuffisantes : l'article 227-24 du code pénal interdit « le fait de fabriquer, transporter diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ». Dans les faits, ce principe n'est pas mis en application sur internet. Le système d'avertissement est bien trop faible sur certains sites : un simple message demandant à l'utilisateur de confirmer qu'il est majeur permet d'y accéder. De manière générale, le système d'avertissement et de signalement semble assez peu efficace sur internet dans la mesure où l'usage d'un ordinateur est individuel et discrétionnaire. Les logiciels de contrôle parental ont une efficacité limitée : ils bloquent l'accès à certains mots, mais il est possible de les contourner. De plus, leur mise en oeuvre demande une certaine maîtrise technique. On ne peut que souhaiter une véritable sensibilisation des parents. Enfin, les hébergeurs ne sont pas tenus de surveiller les contenus des sites qu'ils accueillent, hormis l'apologie de crimes et la pédophilie.
Il faut donc renforcer la réglementation sans porter atteinte à la liberté. Sous prétexte qu'il est difficile de protéger les jeunes utilisateurs, ne cédons pas à la tentation de tout interdire pour mieux prévenir. Ce serait une forme de censure intolérable : « La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à n'être pas soumis à celle d'autrui » disait Rousseau. Il est temps de choisir les règles auxquelles nous voulons soumettre l'usage d'internet, qui n'est actuellement pas assez encadré et qui bafoue de nombreux droits, du respect de la vie privée à la garantie des droits d'auteurs.
Nous peinons aujourd'hui à réguler les nouveaux médias ; mais nous devons penser aux conséquences de leur usage d'un point de vue moral comme de leur impact sur la vie publique. Quelques pistes peuvent être explorées. Pourquoi ne pas créer une autorité spécifique chargée de la protection des jeunes et lui donner les moyens de contrôle nécessaires ? Pourquoi ne pas définir précisément les contenus à interdire ? Pourquoi ne pas renforcer les obligations des hébergeurs ?
Parce qu'il n'y a pas de liberté sans responsabilité, donc sans éducation, il importe de sensibiliser les enfants dès l'école primaire, mais aussi les parents à l'usage de l'ordinateur et d'internet.
Mme Catherine Morin-Desailly. - L'initiative de la commission de la culture prolonge le travail déjà effectué, un an et demi après le rapport d'information de M. David Assouline. Le développement des nouveaux médias bouleverse nos repères et nos habitudes, comme nous l'avons relevé la semaine dernière lors de l'examen de la proposition de loi relative à la protection de la vie privée à l'heure numérique. Fin 2008, une Américaine de 49 ans, Lori Drew, s'était fait passer sur Myspace, avec l'aide de sa fille Ashley, pour un jeune garçon. Cet adolescent fictif avait flirté en ligne avec une amie de sa fille, avant de la rejeter quelque temps plus tard d'un e-mail lapidaire : « le monde serait meilleur si tu n'existais pas ». L'après-midi même, la jeune adolescente se pendait. Lori Drew a été condamnée pour des délits de fraude informatique et harcèlement liés au fait que son utilisation d'internet contrevenait aux règles d'utilisation de MySpace. Ce fait tragique met en exergue les dérives possibles des nouveaux médias.
La vie quotidienne de la « génération digitale » est faite de réseaux sociaux, de jeux en ligne, de partages de vidéos, de téléchargements et de chats ; elle n'écoute pas la radio et considère que la télévision est dépassée. L'enjeu est de taille alors que ces pratiques sont celles de jeunes gens à l'âge de la conquête de l'autonomie et de la construction de l'identité. Selon des études, 60 % des jeunes estiment important d'être connectés en permanence avec leurs amis ; sept sur dix utilisent internet à la maison et 65 % n'y ont jamais accédé à l'école. Peu d'entre eux ont une idée précise de l'impact de leurs pratiques, qu'ils maîtrisent moins qu'ils ne le pensent ou le disent ; 85 % d'entre eux souhaitent un contrôle renforcé sur internet -ils n'étaient que 67 % en 2000.
S'il ne saurait être question de nier les apports des nouveaux médias, il faut être attentif à leurs dangers potentiels, qu'il s'agisse de leurs conséquences sur la santé, de l'addiction ou de la déconnexion entre vie réelle et vie virtuelle. Le responsable du centre de lutte contre les addictions du CHU de Rouen m'a dit recevoir de plus en plus de jeunes en situation d'addiction sévère, celle-ci pouvant aller jusqu'au suicide. L'usage des nouveaux médias a aussi un impact sur le rapport aux valeurs au travers de la consommation de biens gratuits, de l'exposition à la publicité, du rétrécissement de la sphère privée. Un adolescent américain sur cinq et un jeune adulte sur trois ont déjà envoyé des photos ou des vidéos d'eux-mêmes nus ou à moitié nus par internet ou par téléphone, le plus souvent en toute conscience. Leur consommation des médias est très fragmentée ; ils ne semblent plus percevoir la valeur des biens.
Protection et prévention doivent être renforcées et une véritable régulation doit être instaurée. La Délégation aux usages de l'internet, créée en 2003, a déjà pris des initiatives intéressantes, telles que la charte NetPublic et le projet Confiance en collaboration avec la commission européenne ; le 9 février est devenue la « Journée pour un internet plus sûr ». On peut aussi citer le Forum des droits sur internet. Comme l'a souligné le président Legendre, le sujet, transversal, impose de faire travailler ensemble tous les ministères concernés.
De nouveaux dispositifs techniques peuvent aujourd'hui être mis à contribution pour protéger les mineurs. Un rapport de l'université d'Harvard en a évalué une quarantaine, qui commencent à prouver leur efficacité ; mais ils posent également des problèmes sur le plan du respect de la vie privée. Reste à savoir où placer le curseur.
Se pose aussi le problème de la régulation. En rapportant le texte sur la nouvelle télévision publique, j'avais évoqué le rôle que devrait exercer le CSA, dont, avec M. Michel Thiollière, nous avons renforcé les pouvoirs de contrôle. J'avais alors parlé d'un CSA de l'internet. Comme l'a noté la Défenseure des enfants, il faut adapter les règles de protection aux nouveaux écrans ; les programmes doivent faire l'objet de la même vigilance et de la même signalétique, quels que soient les supports sur lesquels ils sont regardés.
Je soutiens pleinement les propositions que notre mission a formulées. La protection des jeunes sur les nouveaux médias est à refonder d'un point de vue éducatif. Plutôt que de leur inculquer des compétences techniques, il faut développer l'esprit critique des jeunes et les responsabiliser dans leur utilisation d'internet. Cet objectif fait d'ailleurs partie du socle commun de connaissances exigé de chaque élève à l'issue de sa scolarité obligatoire. C'est dans cet esprit que j'avais souhaité, par amendement, lors du projet de loi Création et internet, intégrer dans la formation délivrée pour le Brevet informatique et internet une information des élèves sur les dangers du téléchargement illicite et du piratage des oeuvres. J'ai en outre proposé la semaine dernière, lors de l'examen de la proposition de loi Détraigne-Escoffier, que les collégiens bénéficient d'une information sur les dangers de l'exposition de soi et d'autrui sur internet, ainsi que sur leur droit d'accès, d'opposition, de rectification et de suppression des données personnelles. La formation des enseignants devrait en conséquence être adaptée.
Quant aux parents, ils doivent expliquer à leurs enfants qu'une information de qualité a un coût, que tout ne peut être mis sur le même plan, que Wikipédia n'est pas nécessairement la référence, qu'il faut recevoir l'information avec un esprit critique. Ce n'est pas l'outil qui est dangereux, c'est de laisser les enfants l'utiliser seuls ; il faut les accompagner, les aider à comprendre que ce qu'ils font sur internet a des conséquences et que c'est à eux d'en être maîtres -si l'information qu'ils postent aujourd'hui sur le web leur semble insignifiante, il n'en sera peut-être pas de même demain. Ce n'est pas par hasard si se développe aujourd'hui le commerce de l'effacement des informations personnelles sur internet -les « nettoyeurs du net ».
Les pouvoirs publics, de leur côté, doivent être vigilants sur la qualité et la diversité des contenus disponibles sur le net. La loi Hadopi, dont l'efficacité n'est pas encore démontrée, a fait prendre conscience que la gratuité est à double tranchant ; séduisante, elle pose aussi le problème du financement des contenus et des médias. A force de ne pas payer pour un film que l'on télécharge illégalement ou pour un journal, on risque de se retrouver avec des programmes médiocres et d'affaiblir le pluralisme.
De nouveaux modèles économiques d'offres légales doivent encore se développer, ce que les pouvoirs publics ne sauraient laisser à la discrétion des industries culturelles. La télévision publique a ici une vraie responsabilité.
Je suis convaincue que seule une combinaison de moyens technologiques et humains, à travers l'accompagnement parental, éducatif, social, législatif et politique, pourra réellement protéger les jeunes. Le débat n'est pas spécifique à la France. A la suite de la fusillade de l'an passé au lycée de Winnenden, les parlementaires allemands se sont eux aussi penchés sur la question. C'est aussi et surtout au niveau européen et international que des mesures doivent être prises. Comme le souligne le psychologue Yann Leroux, « les enfants ne s'éduquent pas seuls ; dans les mondes numériques comme ailleurs, ils ont besoin du soutien et de l'appui des adultes. » (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bruno Gilles. - Les nouveaux médias sont en pleine évolution. Nos jeunes sont indéniablement « branchés » : selon le Crédoc, 94 % des adolescents disposent d'un ordinateur à domicile ; seuls 9 % des 12-17 ans n'ont pas de mobile ; neuf adolescents sur dix sont connectés à internet chez eux.
Mais nos enfants manquent encore de sens critique : le bombardement d'images et d'informations, les pressions psychologiques, sociales et commerciales les mettent en situation de fragilité. Leur maîtrise quasi innée de ces nouveaux outils est à double tranchant : plus ils sont habiles, plus ils risquent d'être confrontés à des contenus préjudiciables.
Il y a aussi un risque d'addiction. Selon le rapport d'information de David Assouline, les adolescents passent 1 500 heures par an sur internet ! Sans parler des excès de télévision et de jeux vidéo, auxquels « 51 % des garçons de 15-17 ans déclarent jouer régulièrement en cachette la nuit » !
Un adolescent sur deux fait partie d'un réseau social sur internet. Les principales informations partagées par les jeunes sur la Toile sont : leur courriel pour 68 % d'entre eux, leurs photos pour 44 %, leur adresse postale pour 24 %. Avec l'âge, le risque s'aggrave : les adolescents se connectent de préférence depuis leur téléphone mobile ou chez leurs amis, à l'abri des adultes...
Selon l'association e-enfance, 53 % des 13-18 ans sur Facebook déclarent avoir été exposés à des images choquantes. Près d'un sur deux s'est vu proposer un rendez-vous avec un inconnu ; 20 % l'ont accepté ; 29 % ont eu des propositions sexuelles ; chez les filles de 13-14 ans, la proportion est de 43 %. Au total, 90 % des 13 à 18 ans ont été confrontés à des situations à risque.
Les jeunes n'ont souvent pas conscience qu'ils peuvent être observés par le monde entier. Outre les risques liés à la pédophilie, ils peuvent être la proie de publicités déguisées, se laisser tenter par des achats en ligne non sécurisés.
Les jeunes sont de plus en plus souvent exposés à des scènes de violence. Selon le Réseau éducation médias, les jeux vidéo sont d'une violence « sans pitié et explicitement décrite ». A la télévision, dès le début de la journée, se multiplient les émissions perturbantes par leur thématique ou la violence de leurs images. Or les enfants regardent ces programmes, constate Michel Boyon, président du CSA.
Les contenus visibles à la télévision le sont sur internet, ainsi que d'autres images très violentes : exécutions, automutilations, films interdits, etc. De nombreuses études indiquent clairement qu'il y a une corrélation entre la violence des jeunes et leur exposition répétée à la violence.
Les images pédopornographiques et pornographiques sont dévastatrices pour la construction de la personnalité. Or, sur internet, un enfant sur trois risque de voir de telles images sans le souhaiter. Ils y ont également accès à la télévision. De même, rien n'empêche un vendeur ou un loueur de vidéo de procurer à un mineur de moins de 12 ans un film interdit aux moins de 18 ans...
Quelles parades mettre en place pour protéger nos jeunes ? La vigilance des parents et des éducateurs doit s'accroître, mais leur contrôle devient bien difficile. Si 95 % des enfants font état de consignes parentales, plus d'un sur deux a le sentiment de pouvoir faire ce qu'il veut sur internet sans que ses parents le sachent. D'ailleurs, 65 % avouent ne pas respecter au moins une des règles édictées par leurs parents...
S'il n'y avait qu'une seule règle à inculquer aux enfants, ce serait celle de l'anonymat. Les systèmes de « contrôle parental » existants sont facilement contournés par des jeunes à l'ingéniosité redoutable. Ces systèmes doivent donc être perfectionnés et étendus à la téléphonie mobile et à la télévision.
C'est à l'État d'édicter des règles de protection des mineurs ; il doit également garantir la qualité culturelle. La tâche n'est pas simple. La diffusion d'images pédophiles sur internet progresse constamment. Les systèmes de filtrage sont encore insatisfaisants. A l'instar de nombre de nos voisins, il conviendrait d'exiger la suppression des sites pédophiles et donc d'impliquer en amont les hébergeurs et a fortiori les fournisseurs d'accès, sous peine de sanctions. Il faut parallèlement renforcer la coopération internationale, nombre de ces sites étant hébergés à l'étranger.
Les cahiers des charges des chaînes de télévision devront être plus stricts sur les contenus diffusés. Selon Mme Versini, Défenseure des enfants, de nombreuses émissions sont sous-classifiées et les chaînes peu réceptives aux observations... Il faut exiger des chaînes de référence qu'elles présentent une vision du monde moins violente et sordide. Nous avons besoin de chaînes qui suscitent la réflexion. Promouvoir une programmation destinée au jeune public est l'un des meilleurs moyens de lutter contre les dangers des nouveaux médias.
Les dispositifs prévus ne deviendront efficaces que si un organisme unique, doté de pouvoirs et de moyens suffisants, intervient pour contrôler le respect des règles et inventer de nouveaux systèmes pour protéger les mineurs. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Serge Lagauche. - Ils sont la génération MSN, Facebook, peer-to-peer : Internet est la nouvelle cour de récréation de nos enfants. Une ouverture sur le monde qui n'est pas sans risques. Les enfants sont aussi vulnérables seuls devant un écran d'ordinateur que seuls dans la rue : exposition à des images choquantes, pressions psychologiques, blogs diffamatoires, divulgation des informations personnelles, fausses identités virtuelles, rendez-vous suspects, cyber-prédateurs, consommation excessive...
Les parents ont rarement conscience de ces dangers : 53 % d'entre eux pensent que leurs enfants ne courent aucun risque, et 51 % des adolescents se connectent sans aucun contrôle parental.
La répression et l'interdiction trouvent rapidement leurs limites. La supervision du monde en ligne est difficile. Il est facile pour les enfants d'échapper à leurs parents en se connectant à l'extérieur du foyer familial.
La majorité des moins de 15 ans s'adressent à leurs parents ou à leurs amis pour savoir ce qu'ils peuvent mettre en ligne. Mais pour plus d'un parent sur trois, internet est justement l'une des principales sources de conseils, et ils sont 15 % à demander conseil à leurs propres enfants !
De nombreuses structures oeuvrent à la protection et l'éducation des jeunes face aux nouveaux médias. Toutefois, leur action est souvent disparate. Au sein du ministère de l'éducation coexistent plusieurs entités dont les missions recoupent celles d'organismes satellite. II faut une politique publique cohérente en direction des jeunes. La protection, c'est d'abord la responsabilisation des individus. L'internaute, même jeune, doit être acteur de sa propre protection. L'article premier de la proposition de loi « Droit à la vie privée à l'heure numérique », votée par le Sénat en première lecture le 23 mars dernier, pourrait constituer un premier pas vers une éducation nationale des jeunes sur les nouveaux médias.
Cet article pourrait consacrer l'engagement de l'État dans l'accompagnement et la responsabilisation des jeunes internautes, notamment pour l'utilisation responsable des réseaux sociaux et des applications interactives. Mais est-ce possible alors que les moyens de l'éducation nationale diminuent fortement ? Comme l'a noté notre collègue M. Assouline dans son rapport, ni la circulaire Haby, ni la place des médias dans le socle commun de compétences, ni la formation en IUFM n'ont intégré dans le cursus scolaire l'éducation critique aux nouveaux médias. Comme lui, j'estime nécessaire de redéfinir le rôle du Centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information (Clemi) et de stabiliser ses moyens.
De son côté, le Brevet informatique et internet ouvert aux élèves des collèges est généralement limité à la maîtrise des outils de base. Les dangers et l'utilisation responsable de cet outil ne sont éventuellement abordés -d'ailleurs succinctement- qu'en fin de collège et au lycée. En outre, la préparation de ce brevet ne fait pas l'objet d'horaires spécifiques dans les programmes. Je reprends donc deux propositions de M. Assouline : la mise en place d'un module d'éducation aux médias, avec dix heures en quatrième et en seconde ; l'utilisation prioritaire des nouveaux médias comme support pédagogique en éducation civique.
Enfin, les usages les plus contemporains d'internet sont trop souvent plus familiers aux élèves qu'à leurs enseignants. De surcroît, ceux-ci ne disposent pas toujours de matériels pédagogiques leur permettant d'enseigner la protection des données personnelles. Dans le cadre de la mastérisation, la validation d'un Certificat informatique et internet serait très utile. Pour l'élaborer, la Cnil pourrait fournir son expertise.
La mise en place d'une éducation critique aux nouveaux médias dans la formation des citoyens de demain est un réel impératif démocratique : comme l'a écrit M. Assouline dans son rapport, « l'école doit démontrer que les médias ne sont pas les seuls transmetteurs d'un savoir indiscutable, mais que la médiation est humaine, multiple et doit pouvoir être discutée et contestée ».
La réussite de cette éducation critique suppose d'ouvrir le débat aux parents, d'améliorer les synergies entre le monde de l'éducation et celui des internautes, enfin d'améliorer l'information du grand public, ce que certains pays européens ont fait. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur le banc de la commission)
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Dans le rapport intitulé Les nouveaux médias : des jeunes libérés ou abandonnés ?, remis en 2008 au nom de la commission des affaires culturelles, M. Assouline a demandé : « les nouveaux médias exposent-ils nos jeunes à des dangers majeurs tels que la perte de repères, la dépendance cybernétique ou la dissolution du sens critique ? Ou la révolution numérique va-t-elle rendre radieux l'avenir de nos enfants en facilitant leur apprentissage et en favorisant la démocratie à travers le droit donné à chacun de s'exprimer sur la toile ? » Deux ans plus tard, la question se pose dans les mêmes termes. La relation fusionnelle entre les jeunes et les médias représente-t-elle une chance ou un danger ? L'outil ne risque-t-il pas de devenir le maître ? Certains parents disent l'enfermement de leurs enfants jusqu'à la dépression. Le professeur Bodel, chef du service d'addictologie de l'hôpital Beaujon, a constaté que la dépendance aux médias était de plus en plus fréquente.
Le débat organisé au Sénat est donc opportun à un moment où un jeune sur trois possède un blog, un sur deux utilise une messagerie instantanée, deux sur trois jouent sur l'ordinateur et plus de neuf sur dix naviguent sur internet et possèdent un téléphone mobile. Nous évoquons aujourd'hui la troisième activité la plus importante dans la vie de nos enfants, après le sommeil et l'école !
Certes, le développement d'internet permet un accès nouveau à la communication mais nous devons protéger nos enfants face à des contenus choquants et contre la cybercriminalité, qu'il s'agisse de délits spécifiques à internet ou d'infractions antérieures à cet outil. Aujourd'hui, des faits divers sordides sont encore monnaie courante. Parfois, des mineurs sont abusés sur internet par des adultes ; dans d'autres cas, des mineurs exercent entre eux des pressions psychologiques insoutenables par la diffusion de films dégradants tournés sous la contrainte ou non. J'ajoute que les dispositifs de contrôle parental ne suffisent pas à protéger les enfants contre l'accès direct à des images violentes ou pornographiques. Enfin, l'addiction à des jeux de rôles violents joués en réseau reste d'actualité, tout autant que la protection des données personnelles de mineurs.
Au minimum, les images violentes créent de l'angoisse et encouragent l'agressivité de groupe. En un premier temps, la propension à l'agressivité augmente, mais l'effet s'estompe. Toutefois, les enfants qui vivent dans un environnement violent sont les plus sensibles. Surtout, l'influence néfaste est contrebalancée lorsqu'un temps d'échange avec les parents est ménagé. Ainsi, la vulnérabilité est accrue lorsque la famille et l'école ne jouent pas leur rôle.
Madame la ministre, je connais votre action en ce domaine, et je salue la campagne d'information Où est Arthur ? mettant en garde les parents contre les dangers courus par leurs enfants sur internet, mais il reste beaucoup à faire. Qu'en est-il des quinze propositions formulées dans le rapport de la commission des affaires culturelles ?
A la question écrite que je vous avais posée en mai 2008 quant à la protection des mineurs face à internet, vous aviez répondu que vous conduisiez une action déterminée en ce sens comportant trois priorités : le blocage des sites pédopornographiques, l'amélioration des logiciels de contrôle parental, la sensibilisation des parents. Quel est le bilan de ces actions ?
L'enfant a besoin d'être éduqué, aimé et entouré. Il requiert une protection particulière contre cette forme insidieuse de maltraitance. La place de l'enfant dans la publicité ne signifie pas qu'il soit célébré et respecté, au contraire. Le prétendu enfant roi est d'abord une victime lorsqu'il est condamné à trôner des heures durant devant internet, sans aucune surveillance, après son retour de l'école. Comme s'il s'agissait là d'une nouvelle forme de garde à domicile !
La sécurité des enfants sur internet ne peut être dissociée de l'éducation familiale. Certes, l'État doit s'efforcer de protéger ses membres les plus vulnérables mais, contrairement à M. Assouline, j'estime qu'aucune politique et aucune structure ne peuvent remplacer les parents, protecteurs naturels de leurs enfants. (Applaudissements à droite)
Mme Claudine Lepage. - Qui songerait à contester le formidable potentiel des nouveaux médias ? Personne ! Cependant, de nombreuses voix mettent en garde contre le revers de la médaille de cette révolution numérique. Dans son excellent rapport consacré à l'impact des nouveaux médias sur la jeunesse, notre collègue M. Assouline a parfaitement relevé l'ambiguïté de notre relation avec les nouvelles technologies, en particulier internet.
Quelque 95 % des jeunes de 12 à 17 ans sont internautes et surfent en moyenne sur la toile douze heures par semaine ; 70 % de ceux qui n'ont pas 11 ans utilisent internet, 44 % des petits de 6 à 8 ans étant aussi concernés. En outre, plus d'un adolescent sur deux aurait un profil Facebook... L'immersion totale de la nouvelle génération dans la culture numérique suffit à nous interpeller sur les bienfaits et les dangers de cet usage.
Les atouts des nouveaux médias sont indiscutables, ne serait-ce que pour l'accès au savoir, la socialisation et l'intégration dans la vie publique.
Sur le plan pédagogique, l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication créée une motivation supplémentaire chez l'élève en améliorant l'indispensable plaisir d'apprendre. L'acquisition de nouvelles compétences doit aussi être soulignée, malgré les plaintes justifiées des enseignants à propos des « copier-coller » détectés dans nombre de copies.
Les nouvelles technologies ont aussi des vertus pour les élèves isolés, par exemple ceux dont la famille est établie à l'étranger et qui n'ont pas d'autre choix pour suivre un enseignement français.
Du point de vue de la construction psychique de l'adolescent, les nouveaux médias jouent un rôle très positif. Derrière son écran d'ordinateur, l'adolescent se socialise tout en restant à l'abri. L'appartenance à des réseaux sociaux, la tenue d'un blog lui renvoient une image valorisante, développent sa confiance en lui ; il est reconnu socialement notamment par nombre de ses amis. Tout cela est très intéressant -à condition, bien sûr, que sa socialisation ne s'arrête pas là !
Pourtant les dangers existent. Celui qui suscite le plus de craintes est l'exposition des jeunes à des contenus inappropriés, à caractère violent ou pornographique ainsi qu'aux sollicitations à caractère sexuel. Le phénomène du « sexting » croît de façon inquiétante. Ce nouveau « jeu » consiste en la diffusion, consentie ou non, via les téléphones mobiles, d'images personnelles à caractère sexuel. Il pose la question de la responsabilisation des adolescents, car, comme le relève un récent rapport publié par l'Internet Safety Technological Task Force et l'université de Harvard, les adolescents agissent en toute connaissance de cause. Ils envisagent parfaitement que les images seront sans doute partagées avec d'autres personnes que les destinataires initiaux et sont conscients de l'impact négatif que peuvent avoir ces photos. Ce qu'ils ne perçoivent pas, en revanche, ce sont les conséquences sociales de tels comportements.
Le même raisonnement peut être appliqué à la divulgation d'informations personnelles sur les réseaux sociaux. Le « profil » peut servir de véritable exutoire. En outre, via, le « mur », des conversations de nature privée sont tenues en public : la distinction entre vie intime et sphère publique est balayée. La spécialiste américaine des réseaux sociaux, Danah Boyd, le dit ainsi : « A l'occasion d'une fête, des petites conversations peuvent se nouer à droite, à gauche, elles sont couvertes par la musique. Avec les réseaux sociaux, on peut toujours éteindre la musique... ».
Ce déferlement d'informations intimes accessibles au plus grand nombre présente le risque d'intimidation ou de harcèlement, d'autant que les réseaux sociaux regroupent, le plus souvent, des adolescents qui entretiennent déjà des relations sociales non virtuelles et non exemptes de conflits ! Il ya là également une mine d'or pour les publicitaires, les enfants internautes devenant des « cibles marketing » de choix. Les informations personnelles servent à affiner le ciblage de cette population si réceptive... Sony a été condamné par la justice américaine pour avoir recueilli illégalement sur des sites d'artistes, sans l'accord exprès des parents, des données personnelles d'enfants. Certains éditeurs de contenus pour la jeunesse font preuve d'un grave manque de responsabilité : ils accueillent des encarts publicitaires qui renvoient à des pages assurément non adaptées aux mineurs.
L'ouverture à la concurrence et la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne vont susciter l'afflux d'une multitude de sites de jeux d'argent. Certes, le projet de loi confirme l'interdiction pour les mineurs de participer à ces jeux, mais le péril demeure car les méthodes de protection des mineurs sur internet donnent un résultat très illusoire.
La vidéo à la demande a rendu obsolète la réglementation mise en place par le CSA. En effet, comment appliquer un dispositif de protection qui repose sur des contraintes horaires de diffusion ? La loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision prévoit une réglementation ad hoc ; mais rien n'a encore été proposé. Où en est-on ?
De multiples organismes, étatiques, indépendants ou associatifs participent à la protection des mineurs face aux risques des nouveaux médias. Il revient au CSA de veiller à la protection de l'enfance à la télévision et à la radio et sa compétence s'étend à la diffusion sur internet ou téléphone mobile des émissions télévisées ou radiophoniques. Mais c'est une goutte d'eau dans l'océan des contenus diffusés sur internet !
Il est temps de combler le retard pris ; on ne peut que souscrire à l'idée de David Assouline de créer un organe de corégulation « enfance et médias », compétent pour l'ensemble des médias, écrits, télévisuels, cinématographiques ou électroniques. L'efficacité exige une réponse globale et la démarche concertée est à privilégier désormais. Et au regard du caractère transfrontalier d'internet, une approche internationale est souhaitable. La proposition de la Défenseure des enfants, Dominique Versini, d'instaurer un « petit ONU de l'internet » est très intéressante.
Au niveau européen, diverses démarches de la Commission visent à responsabiliser les opérateurs et sensibiliser les jeunes. En 2009, un accord a été signé avec une vingtaine de sociétés afin qu'elles s'engagent à rendre les réseaux sociaux plus sûrs. Le bilan, après quelques mois, est relativement prometteur, mais beaucoup reste à faire, notamment pour bloquer l'accès, au-delà « des amis », aux informations personnelles des mineurs. Tout cela doit bien sûr s'accompagner d'une prise de conscience des jeunes. Dans le cadre de la « Journée pour un internet plus sûr » en février dernier, la Commission lance un appel aux jeunes internautes : « Tu publies ? Réfléchis ». En effet, il importe de les avertir de toutes les implications, y compris à long terme, de la diffusion d'informations personnelles. Combien d'employeurs accèdent à des données « inadéquates » en quelques clics ! Cette sensibilisation des jeunes sera le meilleur rempart contre les risques inhérents aux nouvelles technologies. L'école doit éduquer, alerter... mais les parents aussi. Or, selon une récente étude menée par l'association e-enfance et par Ipsos, 53 % des parents pensent que leurs enfants ne courent aucun risque sur internet, 78 % considèrent qu'ils ne communiqueront pas de données personnelles de façon non protégée et 43 % reconnaissent ne pas donner systématiquement de règles à leur enfant pour l'usage d'internet. Cette insouciance est inquiétante ! En outre, l'installation d'un système de contrôle parental requiert des connaissances techniques minimales et les compétences des jeunes en la matière dépassent souvent de très loin celles de leurs parents.
La responsabilisation des parents est donc essentielle : il faut les sensibiliser puis les informer. Ne nous y trompons pas : ce n'est pas internet qui est dangereux, mais l'usage que l'on en fait. Mme Viviane Reding, lorsqu'elle était commissaire européenne chargée de la société de l'information et des médias, déclarait fort justement : « L'internet est devenu indispensable à nos enfants et il est de notre responsabilité à tous de le rendre plus sûr. » (Applaudissements à gauche)
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. - Il y a deux ans, je fis mon premier déplacement de ministre au centre de gendarmerie de Rosny-sous-Bois, service qui chasse les pédophiles sur internet. En effet, je mesurais combien les évolutions dans le secteur des médias représentaient un danger pour les enfants. On m'avait prévenue que je verrais des images difficilement soutenables, ce fut le cas : elles mettaient en scène des enfants tellement petits, presque des bébés, que c'en était terrifiant. J'ai compris que ce combat devait mobiliser l'ensemble de la société.
Nos enfants passent 900 heures par an à l'école et 1 200 devant des écrans ; chaque ménage détient en moyenne huit écrans, de télévision, d'ordinateur ou de console de jeux. La consommation de ces biens a explosé, les modes de vie, de pensée, d'être sont bouleversés Avec internet, tout va plus vite et plus loin. Nous avons besoin d'agir non seulement au niveau national mais au plan international.
Je me suis rendue à Londres, en Norvège. Dans le cadre de la présidence française de l'Union, j'ai discuté avec mes homologues européens et constaté un intérêt commun pour ce sujet. Il ne s'agit en aucun de remettre en cause les nouveaux médias, a dit fort justement Mme Lepage. Peut-on aujourd'hui s'opposer à l'usage de l'automobile ? Non, on ne peut pas revenir en arrière ! Mais dotons-nous d'un code, comme nous l'avons fait pour la route.
Nous avons été complètement dépassés par internet. Vous avez tous cité les chiffres : pas moins de 96 % des jeunes surfent tous les jours sur internet mais surtout, 80 % des parents ignorent que leur enfant anime un blog, 72 % estiment laisser leur enfant surfer seul sur internet, sans parler de l'utilisation de la webcam. Aujourd'hui, le danger n'est plus à l'extérieur mais à l'intérieur de la maison, pire encore, dans la chambre à coucher même lorsqu'y trône un ordinateur relié à internet.
Mme Brigitte Bout. - Eh oui !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Des jeunes se déshabillent devant leur webcam, moyennant finances ! La webcam mais aussi les comportements d'addiction mettent en péril la santé de nos enfants.
Internet est, au départ, un fabuleux outil d'échanges. Quelle magie que de communiquer avec le monde, de chercher des informations à l'autre bout de la planète, de « tchater » ! Mais quelle catastrophe lorsqu'une gamine de 11 ans est en contact avec un prédateur pédophile qui se fait passer pour un adolescent de son âge ! (Marques d'approbation sur les bancs UMP) D'où l'importance de sensibiliser les parents. D'autant que les modérateurs, sur certains services de « tchat », ne jouent quasiment pas leur rôle. Parfois, ce sont même des machines ! Parfois, ils abandonnent leur tâche à l'heure du déjeuner, au moment même où le pédophile se connecte... Outre l'absence de frontières sur la toile, le problème est le caractère éphémère de certains sites, notamment de pédopornographie dont l'existence est de quelques heures. Nous devons donc protéger nos enfants des effets pervers d'internet.
Dans ce combat, notre premier allié est l'éducation nationale. L'obtention du B2i, ou Brevet internet informatique, est nécessaire, depuis 2008, pour réussir le brevet des collèges. En outre, le Sénat a adopté la semaine dernière une proposition de loi qui, en son article premier, prévoit une formation à l'usage responsable des outils en ligne lors des cours d'éducation civique. Ensuite, les associations de protection de l'enfance, notamment « Jeux Vidéo Info Parents » qui apporte des informations complètes sur plus de 500 jeux. Je pense également à la Délégation aux usages de l'internet qui propose des foires aux questions, des kits de sensibilisation, un numéro vert destiné aux parents ou encore un « serious game » dont la vocation est de sensibiliser les enfants et adolescents à la protection de la vie privée. Sur ce dernier sujet, Mme Kosciusko-Morizet a dessiné, après concertation avec de nombreux acteurs d'internet, des pistes pour faire progresser la cause essentielle du droit à l'oubli : la pédagogie, les outils de protection des données personnelles ou encore les voies de recours en cas de problème... Enfin, suite aux travaux de la mission Zelnik, les efforts consacrés au développement d'une offre légale de contenus en ligne avec, par exemple, « une carte musique » vont également dans le sens d'un internet plus civilisé pour les jeunes et d'un internet comme mode d'accès à la culture.
M. David Assouline, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Quel rapport ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Pour que ces actions portent leurs fruits, nous devons réinvestir les parents d'une mission essentielle, celle de la protection de leurs enfants. En 2008, j'ai demandé aux fournisseurs d'accès de proposer un logiciel de contrôle parental gratuit à tous leurs abonnés. Si 95 % des parents connaissent l'existence d'un tel outil, 40 % seulement l'utilisent. Nous devons donc mieux communiquer sur ces logiciels et la nécessité de les activer en permanence. A ce sujet, j'ai chargé, l'an dernier, l'agence française de normalisation de mettre au point une norme expérimentale d'évaluation des logiciels de contrôle parental. Celle-ci a été publiée en janvier et servira de base à l'élaboration de la norme française durant le second semestre 2010. Avec l'éducation nationale, nous avons également élaboré une plaquette pédagogique destinée aux parents d'élèves du primaire, intitulée Huit conseils pour protéger vos enfants sur internet, imprimée à 4,5 millions d'exemplaires. Afin de susciter le débat sur l'usage d'internet dans les familles, nous avons diffusé le clip Où est Arthur ? sur l'ensemble des chaînes télévisées. Ce spot, d'origine allemande, a également été diffusé au Luxembourg et le sera prochainement dans les autres pays de l'Union. Cette large diffusion complète les actions d'éducation aux médias existantes, notamment sur le service public de l'audiovisuel. Je tiens à saluer la qualité du travail des médiateurs de France Télévisions et celle de certaines émissions telles que Toutes les télés du monde, de la chaîne Arte. Hors antenne, nous soutenons les initiatives qui contribuent à former le regard des jeunes sur les médias, comme le programme Télémaques, créé par l'association Savoir au présent, auquel plus de 9 000 jeunes ont participé l'an dernier. Pour piloter ces actions d'éducation aux médias, j'ai choisi de confier à Mme Vincent-Deray, ancien membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel et auteur du rapport Famille, éducation aux médias, la création d'une fondation publique-privée qui devrait voir le jour durant le second semestre 2010. Afin de lutter contre les dangers d'internet et de proposer une éducation positive aux médias, nous nous appuierons également sur l'existant, notamment la classification en vigueur pour les oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, madame Morin-Desailly, sera étendue à la télévision de rattrapage et à la vidéo à la demande. Le CSA adoptera, sous peu, un projet de délibération à ce sujet qui fera l'objet d'une consultation.
En matière d'internet, la prévention doit s'accompagner de la répression. Je citais, au début de mon intervention, l'exemple de la division de lutte contre la cybercriminalité de la gendarmerie nationale de Rosny-sous-Bois. Nous devons bloquer, comme le prévoit la Lopsi dans son article 4, les sites de pédopornographie. La plateforme de signalement de l'Intérieur a permis d'enregistrer 20 000 alertes mettant en cause des sites à caractère pédopornographique, hébergés à l'étranger en 2009. En outre, depuis un an, policiers et gendarmes sont autorisés à utiliser des pseudonymes permettant de se faire passer pour des mineurs. Ils ont ainsi traité une vingtaine de dossiers et déféré les coupables devant la justice. Le Gouvernement s'en réjouit et prévoit la formation d'un plus grand nombre de policiers et de gendarmes à ces cyber-patrouilles.
La loi du 21 juin 2004 punit de cinq ans de prison la diffusion, l'enregistrement ou la transmission d'images de mineurs présentant un caractère pornographique. Mais nombre d'infractions de ce type sont commises depuis l'étranger. La coopération internationale n'ayant pas suffi jusqu'à présent, nous avons l'obligation morale d'adapter la loi. Le Gouvernement veut aussi prendre des mesures pragmatiques pour empêcher l'exposition non intentionnelle à de tels sites, qui emploient souvent des adresses que l'on peut confondre avec celles de sites légaux. Nombre de pays européens bloquent l'accès à ces sites ; le Président de la République s'y était engagé, ce sera bientôt chose faite. La France a aussi souhaité la création d'une plateforme de signalement européenne qui sera opérationnelle en 2011 et qui permettra d'échanger les listes de sites bloqués : car internet ne connaît pas de frontières ! Dans un excellent rapport de l'ONU, Mme Najat M'jid Maala appelait de ses voeux une coopération au niveau mondial : je crois aussi qu'il faudra créer une police internationale de l'internet.
Monsieur Assouline, les collectivités territoriales ne sont pas les seules à oeuvrer à la réduction de la fracture numérique : le Gouvernement entend consacrer 2 milliards d'euros issus de l'emprunt national à l'extension du réseau à très haut débit sur tout le territoire.
Vous souhaitez la création d'un CSA de l'internet. Mais il s'agit d'un réseau mondial, sur lequel n'importe qui peut publier des contenus. Il est impossible de le réguler a priori, contrairement à la télévision où il n'y a qu'un nombre limité d'émetteurs autorisés. Il faut donc renforcer le contrôle a posteriori : après la loi pour la confiance dans l'économie numérique, la Loppsi 2 y contribuera.
Le Gouvernement travaille à la transposition du paquet télécom, qui doit avoir lieu avant 2011 et qui imposera de modifier la loi pour la confiance dans l'économie numérique et la loi informatique et libertés.
S'il s'est opposé à la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique, c'est parce qu'elle comprenait plusieurs dispositions inopportunes, comme la transposition partielle du paquet télécom, les mesures relatives aux fichiers de polices incompatibles avec celles qui ont été adoptées par les députés, ou encore l'obligation de nommer des correspondants Informatique et libertés, dont on a mal mesuré l'impact.
Quant aux webcams, il paraît bien difficile d'en encadrer l'usage, le plus souvent domestique. (M. David Assouline le conteste) L'important est de sensibiliser les parents aux risques présentés par ces appareils.
En revanche, je suis favorable à la création d'une signalétique positive pour les programmes de télévisions, comme il en existe déjà pour les jeux vidéos, car certaines émissions présentent un réel intérêt pour les enfants et devraient attirer l'attention des parents. La fondation pour l'éducation aux médias pourra y oeuvrer.
En ce qui concerne le blocage des sites pédopornographiques, la Commission européenne envisage de le rendre obligatoire à l'échelle de l'Union, ce dont je me réjouis : seuls, nous n'arriverons à rien.
Comme la télévision au siècle dernier, l'internet est en train de bouleverser nos modes de vie et de représentation et nous fait entrer dans une nouvelle ère, qui n'est plus seulement celle de l'image. A chaque tournant de notre histoire, à chaque découverte mirifique, nous avons réagi par la sidération avant d'inventer une nouvelle codification juridique et culturelle. II est temps aujourd'hui de sortir du silence et de l'inaction. Rendons-nous maîtres de notre propre création : c'est tout l'honneur de l'homme. Renforçons la sécurité de nos enfants sur les nouveaux médias en sensibilisant les parents aux risques qu'ils présentent et en adaptant nos moyens technologiques et notre législation. (Applaudissements à droite)