Bisphénol A
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à interdire le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires.
Discussion générale
M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi. - Utilisé depuis plus de quarante ans dans de très nombreux domaines, le Bisphénol A est une molécule de synthèse qui entre dans la composition de certains récipients à usage alimentaire comme les biberons, les revêtements de boîtes métalliques ou encore le petit électroménager. Produit aujourd'hui dans le monde à raison de 3 à 4 millions de tonnes par an, ce produit chimique agit comme un perturbateur endocrinien dont les premiers effets toxiques pour la santé ont été détectés il y a déjà plus de vingt ans. Depuis, sa responsabilité a été mise en cause dans de nombreuses maladies telles que l'obésité, le diabète, les troubles du comportement, les dysfonctionnements thyroïdiens, la diminution de la fertilité, les cancers du sein et de la prostate. II aurait également des effets néfastes sur le développement du cerveau des foetus et des nouveau-nés, population à risque. Des effets nocifs viennent également d'être découverts sur l'intestin. Au fil des études qui lui sont consacrées, la liste des méfaits du Bisphénol A continue décidément à s'allonger.
Loin d'être rassurantes, les études scientifiques se suivent et n'en sont que plus alarmantes, démontrant, s'il en était encore besoin, le caractère urgent de passer du champ scientifique pour entrer enfin dans celui du politique et de la prise de décision responsable.
C'est véritablement dans cet esprit de responsabilité, pour susciter un débat politique au sens le plus noble du terme, que s'inscrit le dépôt de cette proposition de loi demandant l'interdiction du Bisphénol A dans la composition des plastiques alimentaires. Notre texte n'entend pas seulement répondre aux inquiétudes des scientifiques et des médecins ainsi qu'à la préoccupation grandissante de nos concitoyens en interdisant le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires, principale voie de contamination C'est aussi un acte citoyen et politique dans la mesure où nous demandons au Parlement, et en premier lieu au Sénat, de faire un choix et de prendre une décision politique, et non pas une décision scientifique puisque l'unanimité scientifique n'existe pas.
En matière de santé publique comme dans tous les autres domaines, c'est bien le politique qui décide, pas le scientifique, n'est-ce pas madame la ministre ? Les scientifiques nous livrent des expertises, les politiques décident en responsabilité. Les vérités scientifiques ont toujours un caractère partiel, c'est le propre de la science. Aujourd'hui, les scientifiques nous disent, avec certitude pour les uns, avec des doutes pour les autres, qu'il y a de sérieux risques, pour ne pas dire davantage, pour la santé de l'homme, et particulièrement pour les bébés et les foetus.
De telles mesures, fondées sur le principe de précaution, ont d'ailleurs été adoptées par plusieurs pays. Le Canada envisage d'interdire le Bisphénol A, notamment dans les biberons et les gobelets pour enfants, à la suite d'études qui ont mis en évidence l'omniprésence de ce composé chimique dans notre environnement et sa dangerosité. En outre, les six plus gros fabricants de biberons américains ont renoncé, début 2009, à commercialiser les biberons au Bisphénol A. Plus récemment, l'agence sanitaire américaine, la Food and Drug Administration, qui avait déclaré le BPA sans danger en 2008, a conclu, sur la foi de récentes études, à des effets potentiels sur le cerveau et sur la prostate des bébés et des foetus, et elle a conseillé le recours exclusif à des biberons sans BPA.
En France, un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de février dernier, fait état d'« éléments nouveaux » et de « signaux d'alerte » après une exposition in utero et postnatale. Des centaines d'expérimentations animales et d'observations chez l'homme, justifiant que les autorités sanitaires sortent de leur attentisme, ont en effet montré les répercussions du Bisphénol A sur la santé. C'est ainsi qu'une étude réalisée en janvier 2008 auprès de 2 500 Américains a relevé des traces de Bisphénol A chez 93 % d'entre eux. La population qui absorbe quotidiennement des aliments contaminés, même à de faibles doses, est totalement imprégnée. Les études scientifiques alarmantes ne cessent de se multiplier. Récemment, deux études américaines ont démontré que les foetus seraient déjà exposés au Bisphénol A dans le ventre de leur mère. La première, menée à partir de cellules extraites du placenta de la mère, a permis d'établir que le Bisphénol A est capable de traverser aisément le placenta pour se retrouver dans l'organisme du foetus et qu'il serait responsable de problèmes de croissance du foetus, de naissances prématurées et de fausses couches. La seconde étude, menée auprès de 249 femmes enceintes, a mis en évidence les effets du Bisphénol A chez les enfants après une exposition prénatale au BPA. Les résultats de cette étude montrent en effet que les filles les plus exposées au Bisphénol A au stade du foetus étaient plus susceptibles d'avoir un comportement agressif et hyperactif à 2 ans.
Plus récemment, le professeur Patrick Fénichel, endocrinologue au CHU de Nice, a réalisé des dosages dans le sang du cordon ombilical d'une centaine de bébés et a trouvé du Bisphénol A dans 90 % des échantillons. Enfin, le Bisphénol A possède une structure proche de celle du Distilbène, produit qui avait été donné aux femmes enceintes dans les années 1960 et 1970 et qui a été à l'origine de nombreuses malformations.
Toutes ces raisons m'ont poussé, avec plusieurs de mes collègues, à déposer cette proposition de loi en juillet pour interdire le Bisphénol A dans la fabrication des plastiques alimentaires, et pas seulement dans les biberons. D'ailleurs, le Bisphénol A est un perturbateur endocrinien, présent dans notre environnement depuis quelques décennies, qui peut toucher tous les nouveau-nés, qu'ils soient nourris au biberon ou pas. L'interdiction des biberons à base de Bisphénol A n'est donc pas suffisante pour protéger les bébés.
Par conséquent, il faut agir vite, sans attendre nécessairement d'avoir la preuve scientifique : lorsque ces enfants arriveront à l'âge adulte, il sera beaucoup trop tard. Il s'agit d'une mesure de santé publique prioritaire. Les doutes sérieux que nous avons aujourd'hui doivent nous convaincre de prendre nos responsabilités, en application du principe de précaution. C'est le fondement même de ce principe contenu dans la Charte de l'environnement, laquelle a valeur constitutionnelle depuis 2005 : responsabiliser l'individu à défaut d'anticiper et de prévenir des risques qui restent impossibles à vérifier dans le présent mais dont la réalisation future est susceptible d'entraîner un préjudice sérieux et généralisé. En effet, l'absence de certitudes ne doit pas retarder l'adoption de mesures visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles. Et, dans le cas du Bisphénol A, les preuves ne manquent pas.
Considéré par certains comme un frein à l'innovation, le principe de précaution définit l'attitude que doit observer toute personne qui prend une décision concernant une activité dont on peut raisonnablement supposer qu'elle comporte un danger grave pour la santé ou la sécurité des générations actuelles ou futures, ou pour l'environnement.
De nombreux drames humains se sont produits par l'absence de prise en compte du principe de précaution : les tragédies du sang contaminé et de l'hormone de croissance n'auraient pas eu lieu si ce principe avait été respecté. C'est également le cas de l'amiante dont les dangers sont reconnus depuis 1906 mais dont l'usage en France n'a été interdit qu'en 1997, au prix d'un combat très rude contre les industriels du secteur. Pendant des décennies, en dépit de tout ce que l'on savait de la toxicité de l'amiante, on a continué à en mettre partout. Pourtant, au début du siècle, on enregistrait déjà un grand nombre de décès parmi les travailleurs de l'industrie de l'amiante. Les dégâts provoqués sur la santé ont été soigneusement étudiés et dénoncés dès les années 1960, en particulier aux États-Unis, de telle sorte que ni les industriels concernés ni les pouvoirs publics ne pouvaient les ignorer. Cette catastrophe sanitaire aurait pu, aurait dû être évitée. Mais personne, ni les industriels ni les pouvoirs publics ni les institutions de prévention, n'ont joué le rôle de veille sanitaire. Chacun supporte la responsabilité de ce scandale. Encore aujourd'hui, ce poison tue dix personnes chaque jour en France et 100 000 personnes mourront à cause de l'amiante d'ici quinze ans. Personne n'est à l'abri de ce fléau.
Pour toutes ces raisons, nous n'avons pas le droit de faire preuve d'attentisme, de rester les bras croisés face à un nouveau fléau sanitaire. S'agissant du Bisphénol A, il est intéressant de noter qu'au début, les instances de sécurité sanitaire, que ce soit aux États-Unis, au Canada, au Japon, dans l'Union européenne ou en France, ont toutes conclu à l'absence de risque du BPA pour les consommateurs, y compris les nourrissons. Mais dès avril 2008, le Canada a annoncé sa volonté de vouloir classer ce produit comme substance toxique pour la santé humaine et nuisible à l'environnement.
Le ministre de la santé canadien a en effet déclaré qu'il valait mieux jouer la sécurité que d'avoir des regrets, et les pouvoirs publics ont jugé préférable d'interdire le Bisphénol A, même si les données scientifiques ne l'imposaient pas.
Madame la ministre, il y a tout juste un an, en réponse à des députés qui réclamaient l'application du principe de précaution, vous aviez déclaré à l'Assemblée nationale, que des études « fiables concluaient en l'état actuel de la science à l'innocuité du Bisphénol A ». Vous faisiez référence à l'étude menée en novembre 2008 par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments qui évaluait les estimations d'exposition inférieures à 30 % de la dose journalière tolérable. Pourtant, à cette époque, la grande majorité des 670 études internationales répertoriées ne laissait plus aucun doute quant aux effets toxiques de cette substance chimique. Pourquoi, madame la ministre, ne pas l'avoir pris en considération ? Si les agences sanitaires affirment qu'il n'y a pas de preuve avérée, est-ce une raison pour attendre...
M. Jean Desessard. - Non !
M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi. - ...et ne rien faire, alors qu'il existe de multiples preuves chez l'animal et que ce qui est mauvais pour l'animal ne peut être bon pour l'homme. Ne faut-il agir qu'à partir du moment où l'on a une certitude, au risque d'aboutir à une catastrophe sanitaire ? C'est pourtant de votre responsabilité -et de la nôtre- de prendre des mesures de protection sans attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. C'est un devoir envers nos concitoyens et les générations futures. Parmi les prévisions, nous devrions toujours accorder la préférence à la prévision pessimiste. C'est là l'humilité de la sagesse. II ne s'agit pas de contrer le progrès médical ou technologique, mais de l'encadrer en adoptant des mesures de précaution.
M. Jean Desessard. - Très bien !
M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi. - Nous devons être les gardiens de l'humanité. C'est la conception du philosophe allemand Hans Jonas, selon laquelle « face à l'indétermination qui caractérise notre monde et à l'incertitude à l'égard du futur, nous devons dorénavant assumer nos responsabilités face à l'avenir, c'est-à-dire face aux générations futures. II faut se tenir responsable par avance, même pour l'inconnu ; c'est là, devant le caractère incertain de l'espérance, justement une condition de la responsabilité agissante ». Notre éthique de la responsabilité doit être guidée par la prudence, dont Aristote disait « qu'elle fait de celui qui la pratique non pas un peureux, mais au contraire un valeureux ».
Malgré les alertes de nombreux scientifiques, d'ONG de défense de l'environnement et d'associations, malgré les décisions de plusieurs maires de retirer des crèches les biberons contenant du Bisphénol A, malgré les diverses interventions de parlementaires, le Gouvernement n'a toujours pas choisi d'appliquer le principe de précaution pour cette substance toxique, pourtant au coeur d'un vif débat sanitaire. En juin dernier, madame le ministre, vous affirmiez dans cet hémicycle qu'une collectivité, ici ou là, pouvait interdire le Bisphénol A, mais que cette mesure n'était absolument pas fondée scientifiquement.
Pourtant, récemment vous n'avez pas hésité à appliquer ce principe de précaution. Tout d'abord, s'agissant de l'émetteur à ultrasons « Beethoven », vous avez déclaré : « Nous ne disposons d'aucune étude sur son effet. (...) Puisqu'il s'agit d'une question de santé, le principe de précaution doit être mis en oeuvre ». Ensuite, face au risque de grippe A, et ce malgré les très nombreuses critiques, vous avez affirmé clairement qu'il fallait pratiquer le principe de précaution. Cette recommandation était pourtant loin d'être basée sur des études sanitaires aussi concluantes que les études menées dans le monde entier sur le Bisphénol A.
Le problème du Bisphénol A est un problème de santé publique qui concerne la quasi-totalité de la population ; la contamination se fait dès le stade foetal pour se propager jusqu'à l'âge adulte et sur plusieurs générations. Il y a donc urgence. L'homme politique désire toujours que la science lui offre la maîtrise des moyens et des conséquences. Mais, en même temps, il sait que la science ne le délivrera jamais de l'obligation de choisir parce que les dieux sont multiples et les valeurs contradictoires. Il nous appartient aujourd'hui de choisir en conscience. J'en appelle au sens de la responsabilité de chacun pour interdire le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du groupe RDSE et sur certains bancs à droite)
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Le Bisphénol A est un composé chimique, synthétisé dès la fin du XIXe siècle et présent depuis plus de quarante ans dans de nombreux produits, y compris dans notre vie quotidienne. Constituant de base du polycarbonate et des résines époxydes, il est notamment utilisé en contact alimentaire dans les biberons, les bouteilles, les canettes, les fûts ou encore dans les boîtes de conserve. Il est fabriqué, commercialisé et contrôlé dans le respect des règles sanitaires en vigueur, particulièrement prudentielles dans l'Union européenne. L'ensemble des agences sanitaires l'ont ainsi évalué et l'Agence européenne de sécurité des aliments a fixé une « dose journalière admissible » de 0,05 mg par kilogramme de poids corporel.
Pourtant, certaines études scientifiques remettent aujourd'hui en cause l'approche toxicologique classique adoptée jusqu'alors. Le BPA fait partie d'une famille de molécules, les perturbateurs endocriniens, reconnus par le corps humain comme des hormones naturelles et qui influent en conséquence sur le système hormonal. De ce fait, ils ont des incidences potentielles, encore mal mesurées, sur la reproduction, le développement des cancers hormonaux-dépendants, le métabolisme ou le comportement. Ils pourraient même avoir des effets, à dose faible, voire très faible, en se « surajoutant » aux hormones naturelles.
Dans ces conditions, on peut légitimement se demander si l'approche toxicologique classique, tendant à définir une dose journalière tolérable, reste adaptée. Est-il toujours pertinent de fixer une dose plafond pour mesurer l'impact sanitaire de ces perturbateurs endocriniens ?
La réponse est encore incertaine et, dans ce nouveau contexte scientifique, toutes les agences sanitaires ont abouti à des conclusions similaires. Pour sa part, l'Afssa a rendu un nouvel avis sur le BPA en janvier dernier : elle y évoque des « signaux d'alerte » et des « effets subtils sur le comportement », mais elle précise également que « la méthodologie des nouvelles études ne permet pas d'interprétation formelle des données qui remettrait en cause les précédentes évaluations du risque sanitaire ». Elle annonce enfin qu'elle souhaite définir rapidement une nouvelle méthodologie. Au niveau international, l'autorité européenne rendra un nouvel avis en mai prochain et plusieurs rencontres d'experts sont programmées courant 2010.
Sur le plan technique, la rédaction de cette proposition de loi pose des difficultés juridiques, notamment en termes de compatibilité avec le droit international et communautaire. D'autant qu'un dispositif du même ordre existe déjà dans le code de la consommation : le Gouvernement peut, par arrêté, suspendre la mise sur le marché d'un produit, procéder à son retrait ou le détruire, « en cas de danger grave ou immédiat ».
Pour autant, il semble légitime que le Parlement prenne position sur cette question, qui inquiète nos concitoyens, encore qu'il aurait peut-être été préférable d'utiliser la voie nouvelle, ouverte par la dernière révision constitutionnelle, d'une résolution, plus adaptée au sujet, car non normative.
Sur le fond, le champ d'application de cette proposition de loi -l'interdiction totale des plastiques alimentaires contenant du BPA- est extrêmement vaste, ce qui pose trois questions. Premièrement, par quel produit remplacer à court terme le BPA, dont l'usage est très fréquent ? Des difficultés d'approvisionnement pourraient créer des troubles non négligeables pour les consommateurs. Deuxièmement, ces produits de substitution ont-ils été suffisamment évalués eux-mêmes ? Il ne s'agirait pas que le remède soit pire que le mal.
Enfin, une interdiction aussi générale excéderait, dans les faits, les données des études scientifiques qui la sous-tendent, lesquelles ont identifié deux facteurs de risque déterminants : le chauffage intense du produit, qui favoriserait la dissémination du BPA dans les aliments, et la vulnérabilité des bébés, dont le système hormonal est encore immature. Dans son avis du 2 mars, l'Afssa indique d'ailleurs qu'une période critique d'exposition correspond à celle du développement des systèmes nerveux et reproducteur, c'est-à-dire in utero et jusqu'à l'âge de trois ans.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales s'est déclarée défavorable à l'adoption, en l'état, de ce texte. Jugeant nécessaire de pouvoir prendre en compte précisément les derniers éléments scientifiques, elle a déposé un amendement suspendant la commercialisation de biberons au Bisphénol A, jusqu'à ce que l'Afssa se prononce en fonction de la nouvelle méthodologie qu'elle prépare. Si nous votions cet amendement, la France serait le premier pays au monde à prendre une telle mesure, puisque le Canada, contrairement à ce que l'on entend ici ou là, n'a pas encore appliqué l'interdiction, que les autorités fédérales ont pourtant annoncée depuis presque deux ans.
Par ailleurs, notre commission a incité le Gouvernement à amplifier les mesures qu'il a déjà engagées pour diminuer l'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens. La multitude des sources d'exposition et des substances incriminées justifie une politique globale, incluant notamment un meilleur étiquetage, un dialogue avec les industriels et le développement de la recherche pour mieux évaluer les effets des produits et leur trouver d'éventuels substituts. En outre, il faut lancer des campagnes de communication, à la fois générales pour l'ensemble de la population, et ciblées sur des catégories particulières, comme les femmes enceintes, pour diffuser les bonnes pratiques d'utilisation.
Le Bisphénol A n'est que l'un des perturbateurs endocriniens et les plastiques alimentaires ne sont que l'une des sources d'exposition humaine. Le Gouvernement a d'ailleurs demandé à l'Inserm une expertise collective portant sur 55 produits, qui sera rendue en mai en ce qui concerne le BPA et, à l'automne 2010, pour les autres.
Dans le même souci, notre commission a saisi l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une étude sur l'impact sanitaire des perturbateurs endocriniens. Je propose enfin, même si je suis conscient des limites de l'exercice, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les mesures qu'il a prises et celles qu'il envisage à ce sujet.
Le Sénat écoute, le Sénat agit et il continuera de suivre cette question essentielle de santé publique, sans pour autant céder à des impulsions qui ne seraient pas fondées sur des éléments scientifiques suffisamment documentés. Si la vigilance est nécessaire, elle ne doit pas obérer les avantages du progrès ; si le principe de précaution est légitime, il doit constituer une réponse adaptée car la précipitation pourrait, au final, se révéler de bien mauvais conseil. (Applaudissements à droite)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Au ministère de la santé, j'ai toujours été attentive au problème du Bisphénol A : dès 2008 j'ai saisi l'Afssa qui a remis deux avis rassurants en octobre et novembre 2008 et qui, chargée d'une mission de veille, a remis un nouvel avis en janvier dernier, suivi d'un avis complémentaire ce mois-ci. Comme sur tous les autres sujets relatifs à la santé publique et à la sécurité des consommateurs, je resterai vigilante et prendrai toutes les mesures utiles au vu des études disponibles.
Le Bisphénol A (BPA) entre dans la fabrication du polycarbonate et de résines. Le polycarbonate est largement utilisé dans des objets qui entrent en contact avec les aliments et les liquides : biberons, vaisselle, récipients destinés au four à micro-ondes et boîtes pour la conservation des aliments. Les résines servent de revêtement de surfaces, notamment dans les canettes, les conserves, les conteneurs d'eau et les cuves à vin. Elles assurent également l'étanchéité de récipients en verre, ce qui garantit la salubrité de l'aliment.
On sait depuis l'origine que le BPA est un perturbateur endocrinien, mais on a toujours pensé que ses effets sanitaires étaient nuls, étant donné la faible migration de cette substance des contenants au contenu, faible migration que toutes les études confirment. Quel que soit le mode d'alimentation, l'exposition des nourrissons est très inférieure à la dose journalière tolérable (DJT) définie par l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Cependant des publications récentes, dont la méthodologie ne permet pas d'interprétation scientifique formelle, font état de signaux d'alerte après une exposition in utero et postnatale de bébés rats. Mais le métabolisme du Bisphénol A est très différent chez le rat et chez l'homme.
Certains voudraient interdire les biberons contenant du Bisphénol A. Mais ce n'est là qu'une des sources d'exposition des nourrissons. La plus importante est le lait, maternel -par le biais de l'exposition des femmes aux produits alimentaires en contact avec du BPA- ou maternisé -par le biais du BPA utilisé pour assurer l'étanchéité des boîtes de poudre de lait.
Il faut donc longuement peser les bénéfices et les risques d'une interdiction. Il existe tout d'abord un risque de contentieux au niveau européen et international. La clause de sauvegarde qui permet à un État membre de l'Union européenne de suspendre ou de restreindre provisoirement sur son territoire l'utilisation d'un matériau entrant en contact avec des denrées alimentaires suppose que le danger pour la santé humaine soit démontré. Or l'Afssa ne parle que de signaux d'alerte. Une interdiction, même par la voie législative, risquerait donc d'être annulée.
Surtout, nous ne sommes pas assurés de l'innocuité des substituts des produits contenant du Bisphénol A, en dehors des biberons en verre. Pour reprendre une expression de M. le rapporteur, il ne faudrait donc pas que le remède soit pire que le mal, à supposer qu'il y ait un mal !
Au cours des mois prochains, nos connaissances sur les perturbateurs endocriniens vont progresser. Au niveau national, l'Inserm rendra en mai 2010 ses conclusions sur l'ensemble des perturbateurs endocriniens. L'Afssa réalise une étude d'imprégnation en Bisphénol A dans la population française ; les premiers résultats concernant les femmes enceintes seront disponibles dans trois mois, l'ensemble des résultats sur un panel représentatif de la population dans un an et demi ou deux ans. Au niveau international, l'Autorité européenne de sécurité des aliments rendra un nouvel avis en mai 2010, l'étude de la Food and Drug Administration américaine qui devrait permettre d'extrapoler du rat à l'homme en termes pharmacocinétiques sera disponible au printemps 2010, et l'OMS réunira ses experts sur ce thème en octobre 2010. Les études de toxicité chez les rongeurs de la FDA devraient être disponibles en 2012.
Je suis très attachée au principe de précaution : j'ai moi-même préparé la Charte de l'environnement lorsque j'étais ministre de l'écologie. Toutefois ce principe n'implique pas de prendre une décision d'interdiction à la moindre alerte, mais d'agir sur la base d'informations fiables. Encore une fois, les substituts pourraient être plus toxiques que les produits contenant du BPA ! Prenons le temps de recueillir l'avis des experts.
Mes services étudient la possibilité de modifier par voie réglementaire, sur la base de l'article R. 1342-3 du code de la santé publique, la limite autorisée de migration spécifique du Bisphénol A dans les aliments, actuellement fixée à 0,6 mg/kg. Nous diffuserons auprès de la population des recommandations destinées à limiter l'exposition quotidienne. Il faut tout d'abord éviter de chauffer les contenants en plastique afin de ne pas augmenter la migration du Bisphénol A du contenant vers le contenu. Il est également préférable de ne pas employer de biberons en polycarbonate trop usagés, présentant des rayures sur la surface ou une opacification de leur matière. Des biberons en verre sont d'ailleurs disponibles dans le commerce. Il n'est pas recommandé de modifier les préparations pour nourrissons, car les bénéfices d'une alimentation équilibrée sont plus importants que le risque potentiel lié à l'exposition au Bisphénol A.
Évitons la précipitation. Aucun pays n'a encore interdit le BPA, contrairement à ce que l'on entend dire. Les études dont nous disposons sont rassurantes, et nous en attendons d'autres. Cette proposition de loi ne me paraît donc pas proportionnée au risque. J'ai confiance en la sagesse de votre Haute assemblée, qui saura se donner le temps de la réflexion. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions ; Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également)
M. Jean Louis Masson. - Cette proposition de loi n'aurait pas lieu d'être si les services de l'État et ceux de l'Union européenne faisaient leur travail. Nul ne conteste qu'il y a un risque : Mme la ministre concède elle-même que l'Afssa décerne des « signaux d'alerte ». C'est bien le lieu d'appliquer le principe de précaution ! J'ai été stupéfait de vous entendre dire, madame, que le ministère recommande aux parents de ne pas chauffer les biberons des bébés, de vérifier qu'ils ne sont pas rayés, etc. Vous reconnaissez donc la réalité du danger ! Mais le Gouvernement a pris la fâcheuse habitude de renvoyer les problèmes à plus tard.
Au lieu de faire des réformes tous azimuts, le Président Sarkozy ferait mieux de s'occuper de dossiers de bon sens ! (Protestations sur les bancs UMP)
Dernier argument du ministre : il n'y aurait pas d'alternative. Mais il y a bien les biberons en verre ! Pourquoi, dès lors, ne pas interdire ceux qui contiennent du Bisphénol A ? Seraient-ce des intérêts financiers ou autres qui conduisent ainsi à différer les décisions ?
Il y a trente ans, ceux qui se méfiaient de l'amiante étaient traités de fous. Jeune député, j'ai entendu le ministre de l'époque vociférer que l'amiante avait toujours existé, qu'il n'y avait pas de raison que cela cesse. Et voilà que l'on tient le même discours sur le Bisphénol A... Si, il y a des raisons pour que cela cesse ! (Marques d'impatience) Pour les nourrissons, le b.a.-ba serait d'exiger des biberons en verre, comme autrefois ! (M. François Fortassin applaudit)
M. Guy Fischer. - Né en France avec la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, confirmé en 1995 par la loi Barnier, le principe de précaution s'est vu reconnaître en 2005 une place fondamentale dans notre hiérarchie des normes avec l'intégration de la Charte de l'environnement dans notre bloc de constitutionnalité.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je crois me souvenir que vous aviez voté contre... (Sourires)
M. Guy Fischer. - Vous me titillez déjà ? (Sourires)
Ce droit ne s'est pas construit sans heurts. Entre excès et inaction, il n'a pas encore trouvé sa place, notamment en matière d'alimentation. Et pour cause : le principe de précaution s'est développé dans un contexte de crise, sang contaminé ou vache folle. Selon le philosophe du risque François Ewald, qui est professeur au Cnam, cette construction est « une spécificité française ».
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il est formellement opposé au principe de précaution.
M. Guy Fischer. - Dans ce contexte, « le principe de précaution a d'abord été entendu comme principe de responsabilité de l'État », dit-il.
Il est indéniablement difficile d'agir dans l'incertitude. La précipitation risque d'alimenter la méfiance envers les scientifiques. L'opacité entourant la prise de décision sur la grippe A, les conflits d'intérêts entre experts et laboratoires pharmaceutiques n'ont guère rassuré nos concitoyens. Mais ne pas agir, comme pour l'amiante, c'est menacer leur santé ! Cette réserve est contraire à l'esprit du principe de précaution : selon la Charte, les autorités publiques doivent agir même si le dommage est incertain, y compris « en l'état des connaissances scientifiques ». Lors de l'embargo sur le boeuf britannique, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que « lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées ».
La majorité de la commission des affaires sociales estime qu'il n'y a pas lieu d'adopter ce texte, faute de consensus scientifique sur les risques de l'exposition au BPA. Pourtant, de nombreux collèges de spécialistes, dont la société internationale d'endocrinologie, soulignent l'effet potentiel des molécules de BPA sur la reproduction masculine ou féminine, l'obésité, la thyroïde, ou encore sur le cancer du cerveau ou de la prostate.
La proposition de loi permet d'agir de manière préventive, plutôt que d'attendre le dommage pour rechercher ensuite des responsables. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
Mme Patricia Schillinger. - Le BPA est présent dans de nombreux objets utilisés quotidiennement. Il se libère au contact de la chaleur, de l'acidité ou des graisses, contaminant ainsi les aliments, et peut agir sur l'équilibre hormonal. Le BPA serait facteur de nombreuses maladies : cancer du sein, de la prostate, diabète de type 2 et obésité, problèmes neuro-comportementaux et de reproduction, maladies cardio-vasculaires... Cette substance affecterait le système nerveux et hormonal du foetus, du nouveau-né et de l'enfant.
Cette proposition de loi interdit le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires au nom du principe de précaution. La toxicité du Bisphénol A a été soulignée par de nombreuses études, émanant de l'Institut de recherche agronomique, de l'Afssa ou encore de la FDA.
Or le gouvernement français s'est toujours opposé à l'application du principe de précaution sur le BPA, malgré les demandes du réseau Environnement santé. L'inquiétude est grande chez nos concitoyens : aux autorités de prendre des mesures nécessaires, notamment en direction des nourrissons et des femmes enceintes.
Le principe de précaution peut être invoqué face à un danger potentiel pour la santé humaine, même si les données scientifiques ne permettent pas une évaluation complète du risque. Face à ce danger, différentes villes, dont Paris, Toulouse, Nantes, Lille et Besançon, ont supprimé les biberons au Bisphénol A dans les crèches municipales. Dans le même temps, la ministre de la santé affirme que le Bisphénol A ne présente aucun risque...
C'est au nom du principe de précaution que le Canada a interdit les biberons contenant du Bisphénol A en octobre 2008. Plusieurs États américains ont suivi, et de grands industriels ont supprimé le BPA de leur production.
Ces autorités ont donc pris des mesures radicales. C'est dans ce contexte que nous est présentée cette proposition de loi. On ne comprend pas pourquoi le ministère de la santé n'a cessé de temporiser, Mme Bachelot allant jusqu'à dire devant l'Assemblée nationale qu'il ne fallait pas confondre principe de précaution et principe d'émotion. On peut trouver étrange que le principe de précaution soit appliqué largement dans le cas de la grippe A et avec une grande réticence ici. On observe clairement les tiraillements entre les enjeux économiques et ceux liés à la santé publique. Serait-on plus enclin à utiliser le principe de précaution quand il est en faveur des industriels ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - D'importants industriels français sont disposés à produire une grande quantité de biberons en verre...
Mme Patricia Schillinger. - Je rejoins le rapporteur pour considérer qu'il ne faut pas se limiter au Bisphénol A car ce sont tous les perturbateurs endocriniens qui posent problème. Le Gouvernement doit amplifier les mesures visant à diminuer l'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens, sans attendre les résultats d'études supplémentaires. Celles qui ont été faites suffisent pour appeler à la prudence et justifient qu'on applique le principe de précaution. II faut aller au plus vite et empêcher la commercialisation de biberons contenant du Bisphénol A.
Celui-ci est présent dans la plupart des biberons en plastique et peut être dangereux pour la santé lorsqu'il est chauffé. De plus, ces biberons en polycarbonate sont présentés comme stérilisables ; ils supportent donc des chauffages répétés qui favorisent l'extraction du BPA. Des solutions alternatives existent puisque certains fabricants présentent déjà des biberons affichés « sans BPA », en verre, en polyéthylène ou autre.
L'interdiction des plastiques alimentaires contenant du BPA doit poser la question de son remplacement. Comment, en effet, garantir que les nouveaux produits ne seront pas plus dangereux que ceux qu'on interdit ?
Si les pouvoirs publics ne régissent pas de manière effective et rapide à l'encontre du BPA, ce sont les consommateurs qui exerceront une pression telle que l'administration française n'en sortira pas grandie, alors qu'elle est là pour protéger ses citoyens. (Applaudissements à gauche)
M. François Fortassin. - Depuis des années, de nombreuses études et publications scientifiques internationales montrent que le Bisphénol A constitue une véritable menace pour notre santé.
J'attire votre attention sur les incohérences de la défense : on nous dit que le danger n'est pas connu mais qu'il faut prendre des précautions et ne pas chauffer les produits contenant du Bisphénol ! Ce ne doit pas être aisé, quand quasiment toute la batterie de cuisine en contient. A moins de faire chez soi toute une chaîne du froid, comment fera-t-on ? En principe, on prend des repas chauds...
M. Nicolas About. - Il ne faut pas non plus manger trop gras !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Et le risque est grand de se brûler en mangeant !
M. François Fortassin. - J'applaudis des deux mains mais vous ne m'avez pas convaincu.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je le regrette.
M. François Fortassin. - Utilisez des arguments plus convaincants !
Autre incohérence : nous dire que l'on ne peut pas produire tout de suite des emballages alimentaires sans BPA. Comme s'il était impossible de ménager une période transitoire !
On veut à la fois protéger nos nouveau-nés si précieux qu'ils suscitent l'application du « principe d'émotion », et nos industriels qui ne seraient pas capables de produire des emballages alimentaires dénués de toute substance dangereuse. J'en connais un dans les Hautes-Pyrénées, honoré par le Sénat, qui fabrique des emballages alimentaires à partir des rafles de maïs, ce qui est donc sans danger.
Mme Muguette Dini présidente de la commission des affaires sociales. - A moins qu'il ne soit génétiquement modifié ?
M. François Fortassin. - Nous sommes ici en tant qu'hommes politiques et que citoyens, pas en tant que spécialistes, et encore moins en tant que défenseurs de lobbies industriels dont les laboratoires sont destinés à nous sauver sur le mode du « Dormez tranquilles, nous nous occupons du reste ! » (Applaudissements et rires à gauche)
M. Nicolas About. - Et la défense des viticulteurs ?
M. Alain Milon. - Lorsque nous avons étudié ce texte ce matin, en commission, nous nous sommes demandés s'il ne relevait pas plutôt du règlement et si l'article 34 ne devait pas lui être opposé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je ne l'ai pas invoqué par respect pour le Sénat.
M. le président. - Nous y sommes très sensibles.
M. Alain Milon. - A l'avenir, n'hésitez pas à le faire.
M. Nicolas About. - Cela nous fera gagner du temps.
M. Alain Milon. - Que ce soit sous forme d'antioxydant dans les plastiques et PVC ou de résine époxyde, le BPA est présent dans notre vie courante depuis des décennies. Mais ce sont les dernières analyses sur la toxicité du composé qui ont occupé les services de sécurité sanitaire. Le BPA est un perturbateur endocrinien, autrement dit, il interfère avec les fonctions du système hormonal. Si la majorité des pays avaient conclu précédemment à « l'absence de risque pour le consommateur dans les conditions d'emploi », de nouvelles études sont revenues sur cette appréciation. L'Afssa, qui avait conclu en 2008 à l'absence de risque pour le consommateur, parle désormais « d'effets subtils sur le comportement ». L'agence précise toutefois qu'il n'y a pas urgence et préconise un approfondissement des recherches et l'apprentissage d'une méthodologie adaptée à la détection de toxicité des perturbateurs endocriniens.
Des agences de sécurité alimentaire étrangères ont émis des avis contrastés. Cela conforte la position du groupe UMP quant à la proposition de loi : nous pensons qu'il faut attendre des avis plus certains avant toute mesure radicale. Il faut en outre élargir les recherches à tous les perturbateurs endocriniens. Sur ce point, nous attendons l'étude commandée par le Gouvernement à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. Ces enjeux doivent faire l'objet d'une mutualisation des connaissances scientifiques à l'échelle internationale.
La suppression pure et simple du BPA en France n'est pas, à ce jour, la meilleure des solutions ni la plus rationnelle. On risque de le remplacer par un autre composé chimique qui se révélerait encore plus toxique. C'est également une solution irrationnelle étant donné le principe de libre échange qui régit l'Union européenne puisqu'on n'empêchera pas ainsi l'arrivée sur le marché français de produits fabriqués avec du BPA dans un autre pays membre. On risquerait plutôt de pénaliser le marché national qui serait soumis à cette restriction, avec des problèmes d'approvisionnement et des coûts de production alourdis par le changement de matériau. Toutefois, en cas de danger grave ou immédiat, le Gouvernement doit pouvoir prendre un arrêté d'interdiction rapide.
Cet arrêté pourrait viser en priorité les nourrissons les plus fragiles.
Nous ignorons l'ampleur du risque pour le corps humain mais nous pouvons cependant prendre des mesures de précaution car, comme l'a dit Mme la ministre, le « signal d'alerte » est déjà déclenché. Nous pouvons lancer une campagne d'information, en particulier auprès des femmes enceintes et des parents, sur les risques du BPA. Les étiquetages peuvent être améliorés, avec une marque distinctive pour la présence de BPA. Il peut être aussi recommandé aux fabricants de biberons et d'autres produits pour bébés de se passer de ce produit.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera les amendements de notre rapporteur. (Applaudissements à droite)
M. Jean Desessard. - Ce problème du BPA n'est pas nouveau : nous proposions déjà de l'interdire dans la loi qui a suivi le Grenelle de l'environnement. Les auteurs de la proposition de loi n'avaient pas, alors, voté notre amendement...
M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi. - Je ne devais pas être présent ! (Sourires)
M. Jean Desessard. - ...mais nous nous félicitons néanmoins de cette initiative. Nous n'oublions pas ce qu'on nous disait à l'époque : il était délicat d'interdire ce produit à la sauvette, toutes les garanties étaient prises, des colloques devaient avoir lieu... Mais vient le moment où il faut avoir le courage d'agir ; à Paris, les élus Verts ont adopté le voeu que toutes les crèches de la capitale se débarrassent des biberons contenant du BPA !
Mme Christiane Hummel. - Vous le remplacez par quoi ?
M. Jean Desessard. - Devons-nous rester les bras ballants ? Le Canada et les États-Unis viennent quasiment de l'interdire, n'est-ce pas le signe que l'industrie est prête à faire face ? Monsieur le rapporteur, vous dites qu'il n'y a pas de produits de substitution : vous ne faites donc pas confiance au polyéthylène ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. - C'est interdit dans la fabrication des biberons !
M. Jean Desessard. - L'Afssa a fini par changer de position, mais sans recommander le retrait du BPA ; pourtant, le Gouvernement continue de nier le danger et refuse de se décider, se contentant de recommander de nouvelles études ! Quatre études sur cinq établissent le danger, que vous faut-il de plus ? Madame la ministre, sur 34 études expérimentales réalisées sur des rats, des souris ou des singes, 32 ont conclu à des effets négatifs du BPA ! L'Afssa a recommandé de ne pas chauffer les biberons directement, ce n'est pas sérieux ! C'est hypocrite, puisque les études démontrent aussi que 94 % de la population incorpore du BPA. Une étude américaine sur 249 enfants démontre que plus la présence de BPA est forte chez la mère, plus son enfant risque des troubles du comportement. Une autre étude a même démontré les effets négatifs du BPA sur la fécondation in vitro. (Exclamations et moqueries à droite) Mais je m'informe des études les plus récentes, mes chers collègues ! Près de 500 études concluent au danger du BPA, quelles autres preuves attendez-vous ? Pourquoi ne prenez-vous pas aux sérieux les études qui vous dérangent, comme avec l'amiante ?
Il faut définir des règles de déontologie, en particulier sur les commissions d'experts, qui doivent être contradictoires. Leurs analyses nous éviteront bien des débats stériles, et bien du temps perdu !
Vous l'avez compris, nous voterons ce texte ! (Applaudissements à gauche sur les bancs du RDSE)
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
M. Antoine Lefèvre. - (Applaudissements à droite) Ce sujet est récurrent, nous l'avons abordé à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, au sein du groupe de travail relatif aux OGM, au sein du groupe de travail sur la prévention et la lutte contre l'obésité, ou encore lors de la loi sur l'hôpital. Il y a eu une première décision de l'Union européenne en 2002, puis l'appel de Paris en 2004, déclaration sur les dangers sanitaires de la pollution chimique où figuraient 164 recommandations et mesures à mettre en oeuvre dans le domaine de la santé environnementale, en particulier le retrait du BPA.
Le 18 avril 2008, le gouvernement canadien a décidé d'interdire les biberons de bébés munis de tétines en plastique rigide fabriquées à partir de BPA. Parallèlement, un rapport préliminaire du gouvernement américain estimait que ce produit pourrait provoquer des problèmes hormonaux et neuronaux.
L'an passé, les États-Unis ont constaté que 93 % de leur population était imprégnée de BPA. Les six plus gros fabricants américains de biberons ont décidé de cesser de vendre les produits contenant du BPA.
Il faut dire que les décisions aux États-Unis ont parfois été prises sous la pression de l'opinion publique.
Lors de la discussion du texte HPST, le rapporteur estimait que nous avions besoin de données plus approfondies sur le Bisphénol A. Aujourd'hui, il pense que la proposition de loi doit être plus nuancée. Et surtout, qu'il faut mieux informer la population sur les plastiques. Et encourager l'industrie à chercher des alternatives, comme aux États-Unis. Si les industriels jouent le jeu, la commercialisation de produits de substitution pourrait commencer avant deux ans ! Nous soutenons la position du rapporteur en faveur d'une suspension plutôt que d'une interdiction. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente. - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous examinerons les articles de la proposition de loi initiale.
Articles additionnels avant l'article unique
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sont interdites la fabrication, l'importation, l'offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise à la vente ou la distribution à titre gratuit de plastiques alimentaires produits à base de Bisphénol A dont l'usage est destiné aux enfants en bas âge.
Un décret précise les modalités d'application du présent article.
M. Guy Fischer. - Nous voterons la proposition au nom du principe de précaution. Nous n'avons pas voulu par cet amendement liminaire affaiblir la portée de l'article unique, mais éviter qu'un amendement de suppression de l'article fasse tomber le nôtre. La commission des affaires sociales juge la rédaction trop globale et préfère des mesures ciblées. Fort bien ! Nous proposons donc à la majorité sénatoriale de prendre une position claire sur les produits concernant les enfants en bas âge.
M. Gérard Dériot, rapporteur. - Vous ne définissez pas précisément le bas âge. En outre, une suspension de la commercialisation me semble préférable à une interdiction, je l'ai dit : sinon, il faudrait une nouvelle disposition législative pour lever, le cas échéant, cette interdiction. Enfin, le résultat sera le même dans les deux cas : les bébés seront protégés ! Retrait ou rejet.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Dans l'attente des résultats des travaux engagés, nous avons demandé à l'Afssa des études complémentaires, nous avons lancé une évaluation approfondie des produits de substitution en matière de plastiques alimentaires et nous veillons à un examen attentif du dossier par les autorités européennes compétentes sur la sécurité alimentaire et sur la composition chimique des produits. Défavorable.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
Article unique
Sont interdites la fabrication, l'importation, l'offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit de plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A (n° CAS 80-05-7).
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Dériot, au nom de la commission.
I. - Rédiger ainsi cet article :
La fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A sont suspendues jusqu'à l'adoption, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.
II. - En conséquence, dans l'intitulé de la proposition de loi :
Après les mots :
tendant à
rédiger ainsi la fin de cet intitulé :
suspendre la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A
M. Gérard Dériot, rapporteur. - Une interdiction complète des plastiques alimentaires serait très difficile à appliquer, alors que deux facteurs de risque sont déterminants : le chauffage intense des produits et la vulnérabilité des bébés. Nous proposons donc une mesure temporaire de suspension de la commercialisation portant sur les biberons produits à base de Bisphénol A, jusqu'à ce que l'Afssa se prononce : nous en saurons plus très rapidement.
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après les mots :
plastiques alimentaires
insérer les mots :
, de matériel médical et de matériel de puériculture,
M. Jean Desessard. - Parmi nos amendements, celui-ci est le plus large, il porte, au-delà des produits alimentaires, sur le matériel médical et de puériculture. On trouve des traces de Bisphénol A dans les biberons, mais aussi dans la vaisselle pour bébés, les prothèses, etc. Or les biberons transparents sans Bisphénol existent ; aux États-Unis ou au Japon, les boîtes de conserve à base d'oléo-résine sont utilisées, le surcoût étant de 2 centimes d'euro par récipient. En octobre 2009, l'étude de Braun mettait en évidence les troubles du comportement chez l'enfant de deux ans ainsi que l'imprégnation maternelle pendant la grossesse. Quant aux prématurés, leur exposition au BPA est environ dix fois plus élevée que celle des enfants de plus de 6 ans. Ainsi dès leur naissance, les enfants sont déjà intoxiqués !
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Remplacer les mots :
plastiques alimentaires
par les mots :
matériel médical et de matériel de puériculture
II. - En conséquence, procéder au même remplacement dans l'intitulé de la proposition de loi.
M. Jean Desessard. - La commission estimant irréaliste notre première proposition, nous en présentons une autre qui exclut les plastiques alimentaires mais vise le matériel médical et de puériculture. Les scientifiques préconisent du matériel médical sans Bisphénol A.
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Remplacer les mots :
plastiques alimentaires
par les mots :
matériel médical
II. - En conséquence, procéder au même remplacement dans l'intitulé de la proposition de loi.
M. Jean Desessard. - On soupçonne le Bisphénol A d'être à l'origine de nombreux grands problèmes de santé, cancer du sein, cancer de la prostate, diabète de type 2 et obésité, baisse de la fertilité, problèmes neuro-comportementaux... De plus, une étude a fait état des risques d'une coexposition à d'autres perturbateurs endocriniens si le matériel médical n'est pas garanti sans Bisphénol A. L'augmentation des maladies chroniques liées aux facteurs environnementaux doit nous inciter à des mesures résolues.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Remplacer les mots :
plastiques alimentaires
par les mots :
matériel de puériculture
II. - En conséquence, procéder au même remplacement dans l'intitulé de la proposition de loi.
M. Jean Desessard. - Cette interdiction s'impose : suivons l'exemple donné par de nombreux maires. A Paris, les biberons fabriqués à base de Bisphénol A ont tous été retirés des crèches municipales.
M. Gérard Dériot, rapporteur. - Je ne relèverai pas certaines contradictions entre vos amendements. Mais faute d'une définition précise du matériel médical et de puériculture visé, le champ d'application est infini, depuis les scanners jusqu'aux lunettes du chirurgien, en passant par les boîtes de rangement des jouets... La question est pertinente mais la réponse plus complexe.
Clairement définis, les dispositifs médicaux sont soumis à des règles plus strictes. Quels substituts trouver ? Cette proposition, scientifiquement peu fondée, demande du temps. Ne remplaçons pas un produit utilisé par un autre moins étudié et puisqu'il convient de défendre les plus fragiles, saisissons l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques et demandons un rapport au Gouvernement.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je suis plutôt favorable à l'argumentation de M. Dériot pour l'amendement n°7.
M. Guy Fischer. - C'est bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cependant, il y a un risque réel de contentieux européen car le risque doit être clairement démontré, ce qui n'est pas le cas. Une suspension peut être appropriée jusqu'à ce que l'on dispose de produits de substitution. Je m'en remettrai à la sagesse du Sénat, en insistant sur mes réserves. En revanche, l'élargissement proposé par les amendements nos3 à 6 pose problème. Le matériel médical n'est pas défini juridiquement : « dispositif médical » serait plus approprié, mais cela répond-il à l'intention de l'auteur des amendements ? Il faut d'abord étudier les avantages et les inconvénients. L'emploi de polycarbonates peut être justifié dans certains cas et les remplacer n'a de sens que si l'on a des produits à l'innocuité avérée. Or on n'a mené au niveau européen que six études sur le Bisphénol S en 2000. Enfin, les amendements concernant le matériel de puériculture pourraient concerner...
Mme Catherine Procaccia. - Les poussettes !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - ...les chaises hautes, les produits destinés à la relaxation ou à l'hygiène... Il est difficile de donner un avis favorable à ces quatre amendements dangereux ou au mieux inefficaces.
Mme Patricia Schillinger. - Nous voterons l'amendement de la commission bien qu'il soit a minima, parce qu'il obligera l'Afssa à clarifier la situation.
M. Guy Fischer. - La rédaction est plus claire que celle que nous avions proposée, mais elle n'englobera pas les emballages des plats allant au micro-onde. Le rapporteur souligne pourtant les risques d'un chauffage intense des aliments. Nous aurions donc préféré une interdiction plus globale mais voterons l'amendement qui marque néanmoins une avancée.
Mme Catherine Procaccia. - L'amendement du rapporteur est sage. Puisqu'on n'a pas établi toutes les incidences du Bisphénol, décidons une suspension en espérant disposer bientôt de produits de substitution. Mais si l'on découvre qu'il a une incidence sur les enfants, alors il ne faut pas se contenter d'en interdire la vente car je sais d'expérience que les familles réutilisent les biberons : il faudra gérer les stocks et ne pas s'occuper que des ventes.
M. Jean Desessard. - On ne peut pas voter contre l'amendement de la commission, mais on ne peut pas non plus se contenter d'une rédaction aussi restrictive. Cette formulation minimale ne protège pas les embryons alors que les perturbateurs endocriniens peuvent provoquer de gros dégâts entre la cinquième et la septième semaine de grossesse pendant lesquelles se forment les organes génitaux. Une contamination peut provoquer alors des troubles qui n'ont rien d'anecdotique, allant d'un sexe indéterminé à la régression pénienne. Cet amendement n'est pas à la hauteur du problème. J'ai vu un reportage sur l'amiante...
M. Gérard Dériot, rapporteur. - C'est autre chose !
M. Jean Desessard. - Avec l'amiante aussi, on disait qu'il n'y avait pas de danger, qu'on ne savait pas par quoi le remplacer et qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Mais il y a eu des morts ! Et l'on reprend les mêmes arguments pour le Bisphénol, alors que les études montrent ses dangers. Encore une fois !
L'amendement n°7 est adopté et devient l'article unique.
Les amendements nos3, 4, 5 et 6 deviennent sans objet.
Article additionnel
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement, notamment avec le recours des agences mentionnées aux articles L. 1323-1 et L. 1336-1 du code de la santé publique, remet, au plus tard le 30 septembre 2010, sur le bureau de chaque assemblée, un rapport évaluant la nocivité pour les enfants en bas âge comme pour le reste de la population, de l'exposition au Bisphénol A contenu dans les plastiques alimentaires.
M. Guy Fischer. - Nous entendons continuer à appliquer le principe de précaution. Certes, il est plus facile de légiférer quand on est éclairé à défaut d'être apaisé. Or le rapporteur estime que nous ne disposons pas d'assez d'informations et notre groupe partage cette appréciation, d'où ce rapport que le Gouvernement, aidé de l'Afssa et de l'Afsset, établira avant fin septembre. La ministre a en partie répondu sur ce point.
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par M. Dériot, au nom de la commission.
Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les deux mois qui suivent la publication par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de son expertise collective sur les perturbateurs endocriniens et au plus tard le 1er janvier 2011, un rapport présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l'exposition humaine à ces produits est adressé par le Gouvernement au Parlement.
M. Gérard Dériot, rapporteur. - J'ai évoqué cet amendement dans la discussion générale. Ce rapport complètera notre information et incitera à prendre les mesures nécessaires.
En ce qui concerne l'amendement n°2 rectifié bis, une série d'études et d'analyses scientifiques sont en cours dans le monde. L'Inserm, l'Afssa et l'Autorité européenne de sécurité des aliments y travaillent également. Plusieurs réunions d'experts sont programmées dans les mois à venir, notamment par le Canada en octobre. L'ensemble de ces agences et organisations publieront alors des comptes rendus sur la nocivité potentielle du BPA. Il serait donc préférable, comme le demande la commission des affaires sociales, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la politique qu'il mène globalement pour diminuer l'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens, dont le BPA. Je souhaite donc le retrait.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'idée du rapport est excellente et j'y souscris. J'aurais également eu tendance à être favorable à l'amendement de M. Fischer mais je rejoins votre rapporteur : il est en effet préférable de disposer d'un rapport plus étendu. Je souhaite donc le retrait de l'amendement n°8.
M. Guy Fischer. - On ne peut pas ne pas voter l'amendement de M. le rapporteur. De plus, j'ai eu le plaisir d'entendre Mme la ministre dire qu'elle était favorable à mon amendement. (Sourires) Je le retire donc, d'autant que cette proposition de loi marque une réelle avancée.
L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.
M. Jean-Louis Carrère. - L'amendement de M. Fischer prévoyait un rapport pour le 30 septembre alors que celui de M. le rapporteur le renvoie au début de l'année prochaine. S'il y a vraiment un risque, il faut aller le plus vite possible.
M. Gérard Dériot, rapporteur. - Nous souhaitons tous que ce rapport soit publié le plus rapidement possible, mais le dernier colloque des différents experts mondiaux aura lieu en octobre. Laissons donc au Gouvernement le temps de disposer d'un maximum d'informations scientifiques avant de publier son rapport.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - J'ai dit, mais vous n'étiez pas là, que la réunion des experts de l'OMS aura lieu en octobre. Nous ne pourrons donc pas publier un rapport avant le début de l'année prochaine.
Mme Patricia Schillinger. - Nous voterons cet amendement qui vise l'ensemble des perturbateurs endocriniens qui sont d'autant plus dangereux qu'ils agissent à de très faibles doses. Il serait indispensable de revoir les normes d'exposition.
L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.
Interventions sur l'ensemble
Mme Françoise Laborde. - Le Bisphénol A est une substance qui entre dans la fabrication des plastiques servant de contenants alimentaires. Diverses études scientifiques ont démontré qu'il faisait partie des perturbateurs endocriniens impliqués dans de nombreuses pathologies, telles que le cancer, l'épidémie de diabète, les risques cardio-vasculaires et certains cas d'obésité sévère, ce composé chimique constitue un véritable danger pour notre santé. Nous en sommes convaincus sur tous les bancs de cet hémicycle.
Mes collègues Yvon Collin et François Fortassin, mais d'autres aussi, l'ont déjà dit : il y a urgence et des décisions doivent être prises. L'initiative de mon groupe vous y invite.
L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a, le mois dernier, reconnu qu'il y avait des signaux d'alerte, et a notamment recommandé de ne pas chauffer les biberons contenant du Bisphénol A.
A partir du moment où l'effet a été avéré sur le système hormonal des enfants, des municipalités n'ont pas attendu les conclussions du débat sur le seuil de la dose journalière admissible pour prendre leur décision. On ne peut que se féliciter de cette attitude prise au titre du principe de précaution.
Certes, sur proposition de la commission, notre assemblée a préféré limiter le champ d'application de la proposition de loi à la suspension de la commercialisation des biberons fabriqués à base de Bisphénol A. Bien que nous regrettions que le texte ne concerne pas l'ensemble des plastiques alimentaires, comme nous le proposions, nous ne pouvons que nous féliciter de cette première et indispensable étape.
Si le texte est en retrait par rapport à notre proposition de loi, il n'en demeure pas moins qu'il marque un réel progrès car les bébés, particulièrement vulnérables, sont les premières victimes du Bisphénol A. C'est aujourd'hui une certitude scientifique et c'est pourquoi il fallait une réponse politique.
Le groupe du RDSE votera à l'unanimité le texte modifié par le Sénat. Nous espérons que l'ensemble des groupes politique l'adoptera également. Nous pourrons ainsi être fiers d'être le premier pays au monde à interdire la commercialisation des biberons fabriqués à base de Bisphénol A et à reconnaitre ainsi qu'il s'agit d'un grave problème de santé publique auquel la France ne reste pas insensible. Nous servirons alors d'exemple. Nous espérons que le Gouvernement inscrira rapidement ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en vue d'une adoption rapide et définitive. Pouvez-vous nous apporter des garanties, madame la ministre ? Le temps presse. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Patricia Schillinger. - Le groupe socialiste ne peut qu'être favorable aux initiatives qui font primer la santé des personnes sur les intérêts industriels. Le principe de précaution doit toujours s'appliquer lorsque des menaces sur la santé publique sont fortement suspectées.
Demander des études supplémentaires pour justifier une inertie totale n'est pas acceptable lorsque de nombreuses études déjà existantes devraient plutôt appeler à une certaine prudence. A trop attendre, le risque de voir se reproduire des drames sanitaires s'accroit nécessairement.
Le BPA est un perturbateur endocrinien, comme le Distilbène. Ces molécules ont la particularité d'agir à très faibles doses et d'avoir un impact sur un individu mais aussi sur ses descendants. II n'est peut-être pas le plus dangereux, mais il est vraisemblablement impliqué dans les grands problèmes de santé actuels. Cette molécule devrait donc être évitée, puisque nous en consommons quotidiennement et qu'il est impossible d'y échapper.
Comme le préconise l'Afssa, il faudra que les produits de remplacement soient soumis « à un processus rigoureux d'évaluation des risques ». Nous devrons commencer à le faire pour le BPA. Ensuite, il faudra prévoir une réglementation plus stricte de tous les plastiques.
Cette proposition de loi interdisait le Bisphénol A dans les plastiques alimentaires. L'amendement du rapporteur suspend, quant à lui, la commercialisation des biberons contenant du BPA. Il s'agit bien évidemment d'une mesure a minima qui n'a de sens qu'à condition que ce modeste premier pas amène les pouvoirs publics à réagir pour diminuer les risques de l'exposition humaine à de tels produits.
Le groupe socialiste votera le texte ainsi modifié.
M. Jean Desessard. - La commission a réduit la portée de la proposition de loi initiale. Ce texte est désormais a minima. Comme, malgré tout, il s'agit d'une avancée, les sénatrices et les sénateurs Verts le voteront.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance demain, jeudi 25 mars 2010, à 9 heures.
La séance est levée à 19 h 30.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 25 mars 2010
Séance publique
À 9 HEURES
1. Proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, présentée par M. Patrice Gélard (n° 267, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 325, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 326, 2009-2010).
2. Proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs finals domestiques d'électricité et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d'électricité, présentée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues du groupe UMP (n° 183, 2009-2010).
Rapport de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 323, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 324, 2009-2010).
À 15 HEURES
3. Questions d'actualité au Gouvernement.
4. Proposition de loi relative à la protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services, présentée par M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 193, 2009-2010).
Rapport de Mme Annie Jarraud-Vergnolle, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 319, 2009-2010).
5. Proposition de loi autorisant l'adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, présentée par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 168, 2009-2010).
Rapport de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 334, 2009-2010).