Débat préalable au Conseil européen
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat préalable au Conseil européen des 25 et 26 mars 2010.
J'indique au Sénat que la Conférence des Présidents a décidé d'organiser ce débat sous la forme d'une série de dix questions et réponses réparties à la proportionnelle des groupes, avec réponse immédiate du Gouvernement. La discussion de chaque question est limitée à cinq minutes, réparties par moitié entre question et réponse. Puis le Gouvernement interviendra pendant quinze minutes.
La Conférence des Présidents a décidé d'attribuer quatre questions au groupe UMP, trois au groupe socialiste et une aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE.
M. Richard Yung. - Je partage les observations faites sur l'organisation de nos travaux, mais je donne acte au Gouvernement qu'il n'y est pour rien. Une fois n'est pas coutume...
La stratégie de Lisbonne devait améliorer l'emploi « quantitativement et qualitativement ». Je parlerai donc non de finances, mais de travail.
L'objectif d'améliorer le taux d'emploi n'a pas été atteint, malgré une évolution positive. En effet, le taux global reste insuffisant et comporte d'importantes disparités selon les pays où la catégorie socioprofessionnelle. Le second objectif -créer des emplois de meilleure qualité- est également loin d'être atteint, puisque le redressement du taux d'emploi est imputable pour l'essentiel aux contrats à durée déterminée, à l'intérim et au travail à temps partiel, au détriment des femmes, des jeunes, des seniors et des migrants.
Ces résultats médiocres ont pour cause l'infléchissement libéral de la politique européenne, privilégiant l'assouplissement du marché du travail et la baisse des coûts salariaux. Conséquence : il y a de plus en plus de travailleurs pauvres. De la « flexisécurité », seule la flexibilité a été conservée.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Richard Yung. - Au vu de ce bilan critiquable, que compte faire la France pour améliorer la qualité de l'emploi, relancer les discussions sur le temps de travail et sur le détachement de travailleurs ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. - D'abord, je vous remercie pour avoir travaillé à la réforme du Quai d'Orsay, notamment à une meilleure protection de nos concitoyens à l'étranger.
La stratégie pour la croissance et l'emploi à l'horizon 2020 n'a pas fait l'économie d'une réflexion qualitative. Les peuples européens attendant des réponses claires, la commission a proposé le 3 mars un objectif précis : que 75 % des Européens âgés de 20 à 64 ans aient un emploi.
La Commission est allée plus loin, en soulignant l'importance d'adapter le cadre législatif à l'évolution des formules de travail, à la qualité de l'emploi et aux nouveaux risques pour la santé et la sécurité au travail.
La qualité de l'emploi fait partie intégrante des objectifs de la Stratégie européenne pour l'emploi, avec des critères de définition portant ,par exemple, sur la sécurité de l'emploi et des revenus, la formation et les qualifications, les conditions de travail, l'égalité hommes/femmes et la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, la non-discrimination...
La contribution française à la définition de la stratégie « Europe 2020 » a mis l'accent sur le caractère indissociable de l'objectif d'augmentation du taux d'emploi et de celui de qualité des emplois créés, afin notamment de lutter contre le phénomène des « travailleurs pauvres ». Il en va de la cohésion de nos sociétés.
M. Aymeri de Montesquiou. - Lancée en 2000, la stratégie de Lisbonne visait à faire de l'Union européenne « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010 ». Cette promesse n'a pas été tenue et ne l'aurait pas été sans la crise. La Commission a dévoilé son nouveau plan pour la décennie à venir. Il sera au centre des débats du Conseil des 25 et 26 mars. Sitôt sa présentation par José Manuel Barroso achevée, le manque d'envergure et l'aspect incantatoire d'Europe 2020 furent flagrants. Une forte impression de « déjà vu » s'en dégage en effet. Il y a déjà dix ans, l'investissement de 3 % du PIB dans la R&D était un objectif central de la stratégie de Lisbonne ! On en est loin ! Les dépenses dans ce domaine n'ont progressé que très légèrement, passant de 1,82 % en 2000 à 1,9 % en 2008. Aujourd'hui, l'Union s'essouffle loin derrière les États-Unis et le Japon qui y consacrent respectivement 2,7 et 3,4 % de leur PIB.
Il y a de quoi être non seulement sceptique mais très inquiet ! L'Europe possède pourtant de nombreux atouts -une main-d'oeuvre qualifiée, une base technologique et industrielle puissante, un marché intérieur et une monnaie unique qui ont permis de résister aux pires effets de la crise, une économie sociale et de marché qui a fait ses preuves-, mais elle ne pourra en tirer avantage et rester compétitive face à ses concurrents traditionnels et aux économies émergentes sans investir massivement dans la recherche et les technologies. Il faut cibler la politique de R&D et d'innovation sur des objectifs multiples que nous devons tous concrétiser. La pression budgétaire ne doit pas nous faire renoncer mais nous inciter à rationaliser notre action. Certains de nos partenaires européens l'ont bien compris : ainsi l'Allemagne dont la dépense de R&D atteint 2,5 % ou encore la Finlande et la Suède -3,5 %.
Au Conseil Ecofin du 16 mars, certains ministres des finances se soient montrés réticents à considérer les dépenses comme un critère de mesure de la R&D et de l'innovation. Le Conseil a d'ailleurs appelé à une réflexion urgente sur un indicateur plus large. Est-ce à dire que l'objectif de 3 % pourrait ne pas être retenu ? Ce serait une régression par rapport à la stratégie de Lisbonne ! Enfermée dans trop de contraintes, Europe 2020 ne sera-t-elle donc qu'une nouvelle pétition de principe ? Je vous remercie de nous rassurer...
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Vous n'avez pas tort de dénoncer les objectifs par trop incantatoires. L'objectif de 3 % fixé par la stratégie de Lisbonne n'a pas été respecté, la moyenne européenne n'est que de 2 %... Si nous perdions le combat de l'innovation, il y aurait de quoi être inquiets...
La nouvelle stratégie devra pouvoir s'appuyer sur des actions concrètes : je pense, par exemple, à l'adoption d'un agenda stratégique de recherche axé sur la sécurité énergétique, les transports, le changement climatique, ou encore sur la santé et le vieillissement. Je pense également à l'amélioration de la compétitivité des entreprises européennes. La création d'un brevet européen unique sera particulièrement attendue, alors que la présidence de l'Office européen des brevets vient d'être remportée par le candidat français Benoît Battistelli. Je pense, enfin, à la mise en cohérence de tous les instruments financiers de l'Union : les fonds structurels bien sûr, mais aussi les programmes de la BEI, qui a joué un rôle majeur pendant la crise financière pour continuer à alimenter en crédits les PME.
Les dépenses européennes de R&D seront, au même titre que la PAC, la politique de cohésion ou les ressources du budget européen, un des grands enjeux des prochaines perspectives financières.
Pour sa part, la France est mobilisée pour l'innovation -c'est l'objet principal du grand emprunt. Enfin, hier soir, le président Van Rompuy a annoncé son intention de réunir un Conseil dédié à l'innovation. J'espère que tout cela sera suivi d'effets.
M. Jean Bizet. - La nouvelle stratégie européenne pour l'emploi et la croissance, la « Stratégie UE 2020 », qui sera au centre du Conseil européen de cette semaine, se veut une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Qui pourrait critiquer un tel programme ?
Mais elle souffre d'un grave handicap : elle succède à la Stratégie de Lisbonne dont la seule évocation a aujourd'hui un effet de repoussoir et ne suscite que scepticisme. Faut-il rappeler qu'elle visait à faire de l'Union européenne en 2010 la zone la plus dynamique et la plus compétitive du monde ? On ne sait aujourd'hui s'il faut en rire ou en pleurer.
Il est clair en tout cas que l'Union européenne ne doit pas et ne peut pas se tromper une deuxième fois sur un sujet d'une telle importance. C'est pourquoi il est indispensable de dégager les raisons de l'échec de la Stratégie de Lisbonne et de vérifier qu'on y apporte des réponses satisfaisantes. Pour ma part, je vois deux raisons majeures de l'échec de cette Stratégie : l'absence d'une gouvernance suffisante et le manque d'une réelle appropriation par chacun des États membres. Pour la gouvernance, j'ai cru comprendre que le Conseil européen en serait désormais chargé et qu'il aurait des débats réguliers sur ce sujet afin d'assurer un suivi continu. Cela paraît une bonne réponse.
Venons-en à l'appropriation nationale : la Stratégie de Lisbonne définissait des objectifs généraux alors que la nouvelle stratégie repose aussi sur des objectifs nationaux définis par chaque État-membre en fonction des situations nationales. Cela devrait favoriser l'appropriation nationale. Mais, en même temps, cela pose une question : comment le Gouvernement entend-il fixer les objectifs quantitatifs pour la France ? A-t-il prévu de mener pour cela un débat avec l'Assemblée nationale et le Sénat ?
On ne saurait en effet envisager une véritable appropriation nationale si l'exécutif arrêtait seul ces objectifs sans véritable débat parlementaire. On peut d'ailleurs poser la même question pour les objectifs européens de la nouvelle stratégie. Mme Merkel a écrit aux présidents de la Commission, du Conseil et du Parlement européen pour dire qu'elle ne pourrait souscrire aux objectifs proposés sans débat préalable au sein du Parlement allemand. Et il semble que, de ce fait, ces objectifs ne soient pas adoptés cette semaine.
La France ne devrait-elle pas agir de même ? J'irai plus loin : n'y aurait-il pas là un sujet idéal pour un travail parlementaire commun aux parlements français et allemand ? Ce serait une bonne application de la coopération plus étroite entre les parlements de nos deux pays que le Conseil des ministres franco-allemand appelait de ses voeux il y a quelques semaines.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Vous avez parfaitement raison de souligner que la stratégie européenne UE 2020 pour la croissance et l'emploi est une chose que nous devons prendre collectivement très au sérieux. L'Union européenne ne peut en effet, au sortir de la plus grave financière depuis 1929, se permettre d'échouer, et de reproduire les erreurs et les dérives bureaucratiques de la stratégie de Lisbonne. Pour cela, nous avons besoin d'une nouvelle gouvernance -c'est-à-dire d'une appropriation politique de la stratégie au plus haut niveau, celui des chefs d'État et de gouvernement. Cela signifie aussi de nouveaux objectifs et de nouvelles méthodes de travail.
Vous parlez également de la nécessaire appropriation nationale de la nouvelle stratégie, de la définition et du suivi des objectifs quantitatifs et indicateurs qui seront assignés à la France. Nous n'en sommes, au niveau européen, qu'à un stade encore très préliminaire, s'agissant de l'élaboration de ces outils ! La Commission a proposé le 3 mars de doter la stratégie d'un ensemble de cinq indicateurs généraux, valables pour toute l'Union européenne, et qui ont vocation à être déclinés pays par pays, en fonction de la situation de départ de chaque État. Mais le travail vient juste de commencer, et le Conseil européen de mars ne donnera que des premières orientations.
En revanche, je vous rassure, la représentation parlementaire sera totalement impliquée dans la définition et le suivi de la nouvelle stratégie. Nous avons besoin de construire une « équipe de France » soudée, associant le Gouvernement, le Parlement, les députés européens, dans tous les grands débats qui nous attendent, que ce soit la déclinaison de la nouvelle stratégie UE 2020 ou la préparation des prochaines perspectives financières.
L'idée d'un rapport parlementaire commun entre la France et l'Allemagne sur UE 2020 est excellente mais les Parlements sont souverains et je renvoie la décision à votre Assemblée. Je rappelle que l'agenda franco-allemand 2020 avait clairement « encouragé les Parlements à envisager des étapes supplémentaires pour une coopération plus étroite, qui pourraient notamment inclure la rédaction de rapports parlementaires en commun ». C'est le type même de coopération possible à l'occasion de la stratégie 2020.
Mme Annie David. - Une fois encore, l'Union européenne fait le grand écart entre les paroles et les actes en matière de régulation financière. Toutes les surenchères ont été faites pour dénoncer ce système fou de la spéculation déconnecté de la réalité. Mais à l'heure de prendre d'indispensables mesures, les dirigeants européens reculent à nouveau. Preuve en est le projet de directive visant à réguler les fonds spéculatifs, retiré pour ne pas froisser les marchés britanniques à l'aube d'élections législatives qui s'annoncent difficiles pour Gordon Brown...
Une question simple et légitime : les États européens souhaitent-ils vraiment un accord ? Pendant que les fonds spéculatifs emplissent les poches de quelques boursicoteurs, les peuples européens sont appelés à se serrer la ceinture, au premier rang desquels, nos amis grecs, qui doivent supporter réductions de salaires, de pensions, de services publics. Le sommet du 25 et 26 mars sera donc crucial pour la Grèce : soit les chefs d'États s'accordent sur une aide financière à des taux d'intérêt non prohibitifs -car les taux d'intérêt que la Grèce doit aujourd'hui payer pour emprunter sur les marchés et financer ses déficits sont insupportables, plus de 6 %, et contribuent à l'enfoncer dans la crise-, soit, devant l'égoïsme de ses partenaires, elle n'aura d'autre recours que de s'adresser au FMI, dont les taux d'emprunt sont plus favorables, marquant ainsi l'échec de la politique monétaire européenne. Le comble c'est que le président de la Commission y serait favorable ! Quant à l'Allemagne, sa position est encore plus inquiétante puisqu'elle évoque la possibilité d'exclure de la zone euro les pays jugés trop permissifs en matière de déficit, visant en premier lieu la Grèce mais également le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la France...
Les décisions qui seront prises lors de ce sommet seront donc cruciales pour le peuple grec, mais d'elles, découleront la conception que nous souhaitons donner à l'Europe.
Notre groupe considère qu'il faut rompre avec le dogme d'une Europe libérale qu'ont rejeté par référendum les Français, les Hollandais et les Irlandais. Ni l'Union européenne ni les gouvernements n'ont respecté la volonté des peuples ; ils ont continué à mettre en oeuvre des orientations aux conséquences désastreuses. Il faut porter aujourd'hui l'idée d'une Europe des peuples, remplacer le Pacte de stabilité par un Pacte de solidarité sociale qui permette de lutter contre la pauvreté et mette fin à la flexibilisation du marché du travail. N'est-il pas temps de redéfinir le rôle de la Banque centrale européenne, pour qu'elle intègre des objectifs de croissance et d'emploi ? A ce jour, les promesses du G20 sont bel et bien tombées aux oubliettes !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Je ne tire pas les mêmes conclusions que vous d'un constat que je partage largement. Vous avez raison, l'économie de marché ne doit pas se transformer en casino ; et ce sont la dérégulation, la cécité et la rapacité de certains qui ont conduit à la crise. Il est temps aujourd'hui de moraliser le capitalisme, comme l'ont dit le président Sarkozy et la chancelière Merkel, et d'organiser un système efficace de régulation.
Des progrès ont été accomplis dans cette voie, même si beaucoup reste à faire. Le G20, réuni pour la première fois à l'initiative de la France et sous présidence française, a décidé l'encadrement des rémunérations, l'interdiction des bonus garantis supérieurs à un an, l'étalement des rémunérations variables ; il a engagé la lutte contre les juridictions dites non coopératives. Tout cela était impensable il y a deux ans. Les participants se sont également engagés à mettre en oeuvre les accords de Bâle II au 1er janvier 2011.
L'Union européenne s'est dotée de son côté d'un nouveau cadre de supervision financière, avec notamment la création d'un comité du risque systémique. Il est exact que la directive relative à l'encadrement des hedge funds a été retardée pour tenir compte des difficultés de Gordon Brown en période préélectorale. Une législation sur les produits dérivés dits CDS doit voir le jour. Je suis convaincu qu'il faut mettre fin à l'impunité des spéculateurs ; c'est le sens des propositions qu'a faites hier la France.
M. Pierre Fauchon. - La crise grecque est une épreuve sérieuse, qui pourrait même être tragique pour la construction européenne. Comment en sommes-nous arrivés là, alors que les traités devaient nous mettre à l'abri de telles difficultés ? Le déficit grec, annoncé à 6 % du PIB, s'est avéré être de 12 %. La falsification des comptes devait durer depuis longtemps -n'était-ce pas un secret de Polichinelle ? Il y a pourtant un gardien des traités, la Commission ; il y a pourtant une Banque centrale. Est-il concevable qu'elles n'aient pas soupçonné le manque de sincérité des comptes grecs ? Et si elles avaient des doutes, ou des certitudes, pourquoi n'ont-elles rien dit, au risque d'aggraver le mal ? Si elles savaient, elles sont complices ; si elles ne savaient pas, c'est qu'elles n'ont pas fait leur travail. Et l'Eurogroupe ? A quoi sert-il ?
Il faut tout faire pour que de tels manquements ne se reproduisent pas. Qu'envisage-t-on pour garantir la sincérité des comptes dans la zone euro ? Faut-il changer le statut d'Eurostat ou renforcer ses moyens ? Donner de nouveaux pouvoirs à l'Eurogroupe ? Exprimer des regrets ? Prendre des sanctions ? Il faut en tout cas passer de la complaisance à la vigilance. Que compte faire le Gouvernement ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Je répondrai à votre colère par des arguments aussi concrets que possible. L'explosion de son déficit et de sa dette a entraîné des attaques spéculatives sur les cours des obligations souveraines de la Grèce, certainement encouragées par les incertitudes qui pesaient sur la qualité des statistiques publiques, qualité qui avait déjà été mise en cause en 2004. Les marchés financiers ont joué dans cette affaire un rôle extrêmement malsain, alimenté par le fonctionnement opaque des marchés des produits dérivés, l'absence de régulation et le comportement de prédateur des hedge funds.
Le Gouvernement grec a pris des engagements devant ses partenaires de l'Union, lesquels ont pris leurs responsabilités politiques lors de la réunion tenue le 11 février à l'initiative de M. Van Rompuy. Les chefs d'État et de gouvernement de la France, de l'Allemagne, du Luxembourg et de la Grèce ont demandé le 11 mars au président de la Commission la mise en place d'un système de régulation efficace des dérivés de crédit ; le 15 mars, les ministres de l'Eurogroupe ont identifié les instruments susceptibles d'appuyer une éventuelle intervention coordonnée des États membres. Le président Sarkozy et M. Zapatero ont appelé de leur côté les dirigeants de la zone euro à se réunir avant le conseil européen. Celui-ci insistera sur la nécessité d'améliorer la qualité des statistiques fournies par les États membres sur le fondement des propositions de la Commission.
M. Pierre Fauchon. - Ce n'est pas vraiment une réponse ! Je reste sur ma faim.
M. Roland Ries. - Les propositions de la Commission sur la stratégie 2020 seront au coeur du conseil des 25 et 26 mars. Dix ans après son lancement, la stratégie de Lisbonne, qui devait faire de l'Europe en 2010 l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, tout en favorisant l'emploi et la cohésion sociale, a échoué. La Commission et certains gouvernements expliquent cet échec par la crise. L'argument est hélas insuffisant, car l'échec est patent depuis 2005, depuis qu'ont été privilégiées la dérégulation et la libre concurrence au détriment du social et de l'environnement. L'idée originelle des socio-démocrates européens était à l'inverse de trouver le meilleur équilibre entre l'efficacité économique, la justice sociale et le développement durable. Certes, le nouvel objectif d'une croissance intelligente, durable et inclusive semble aller dans ce sens, mais il y a loin de la coupe aux lèvres. La Commission manque d'ambition pour le volet social et ne se donne pas les moyens d'atteindre l'objectif de réduction de la pauvreté qu'elle a fixé. Elle n'entend plus protéger les services publics. Quelle position la France défendra-t-elle au prochain conseil ? Le pilier social de la nouvelle stratégie n'est-il pas la condition de sa réussite comme de celle du projet européen ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Le volet social de la stratégie 2020 comporte des objectifs précis, dont l'emploi de 75 % des 20-64 ans.
Il faut associer tout le corps social à la réalisation de ces objectifs.
La France soutient également la lutte contre la pauvreté entreprise par la Commission, afin de venir en aide à 20 millions de personnes menacées par la crise. L'ennui est qu'aucun consensus ne se dégage à ce sujet. La Commission veut établir une plate-forme européenne contre la pauvreté, mobiliser le fonds social européen, lutter contre les discriminations, notamment celles qui visent les personnes handicapées, favoriser l'intégration des migrants tout en plaçant les États-membres devant leurs responsabilités sur des sujets comme les familles monoparentales ou les minorités roms. La discussion ne fait que commencer.
M. Jacques Blanc. - Je me désole que la cohésion territoriale ne figure pas assez clairement parmi les objectifs de 2020. On nous parle de « croissance intelligente », de « croissance durable » et même de « croissance inclusive », (marques d'ironie) mais on évoque à peine la cohésion territoriale, ambition nouvellement affichée du traité de Lisbonne, qui nécessiterait un effort budgétaire. M. Fauchon a évoqué le cas grec. Quant à moi, j'aimerais savoir comment la France compte sauver l'Union pour la Méditerranée et donner les moyens à la Grèce de sortir de l'impasse : l'équilibre de l'Union européenne est en jeu. Ne laissons pas penser qu'un pays pourrait être exclu de l'union monétaire, quelle que soit sa situation ! Les déclarations récentes de la chancelière allemande nous ont inquiétés.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - M. Blanc a soulevé beaucoup de problèmes à la fois. En ce qui concerne la cohésion territoriale, la Commission a déclaré explicitement le 3 mars dernier : « La cohésion économique, sociale et territoriale demeurera au coeur de la stratégie Europe 2020 (...). La politique de cohésion et les fonds structurels constitueront des mécanismes primordiaux en vue d'atteindre les objectifs prioritaires d'une croissance intelligente, durable et inclusive au niveau des États membres et des régions ». Si l'on fait abstraction du sabir de la Commission... (sourires)
M. Pierre Fauchon. - Sublime !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - ...l'objectif affiché est clair.
La France est très attachée à la pérennité des fonds structurels, rapidement mobilisés lors de la tempête Xynthia. Le député Pierre Lequiller a fait à ce sujet des propositions intéressantes. Nous sommes au début des négociations sur les futures perspectives financières. J'ai insisté hier pour que la Pac soit considérée comme un pilier de la stratégie de croissance et d'emploi pour 2020, (M. Jacques Blanc s'en félicite) car elle crée des emplois et de la richesse dans toute l'Europe.
L'Union pour la Méditerranée est en bonne voie depuis l'adoption le 3 mars des statuts du secrétariat et l'installation du secrétaire général. Une réunion permettra dans quelques jours de développer les activités de l'Union dans le domaine de l'eau, de l'environnement et du développement urbain durable. Je ne peux passer sous silence le rôle de l'association régionale et locale que vous connaissez bien.
L'exclusion de la Grèce de l'union monétaire n'est que pure fantaisie.
M. Jacques Blanc. - Très bien !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - N'alimentons pas la spéculation par nos querelles. Je suis convaincu que la France et l'Allemagne trouveront une solution conjointe, car je connais la sagesse de nos peuples et la convergence de nos économies.
M. Jacques Blanc. - Vous nous rassurez !
M. François Marc. - Pour les millions d'Européens touchés par la précarité et la pauvreté, les conséquences sociales de la crise sont source d'angoisse. L'Europe est-elle à la hauteur ? Tant s'en faut. On ne peut que constater la défaillance de la surveillance budgétaire, l'insuffisance des discussions économiques et l'absence des mécanismes de sortie de crise. L'article 122-2 du traité consolidé permet pourtant de soutenir un pays en butte aux attaques des spéculateurs. Une véritable gouvernance économique devrait être fondée sur la solidarité politique, économique et financière des États.
Trois outils devraient être privilégiés : la mutualisation de la dette des États ; un emprunt européen par le biais de la Banque européenne d'investissement, les grands pays pouvant garantir ces émissions obligataires, et enfin l'élargissement des actifs acceptés comme contrepartie de la liquidité par la BCE, qui pourrait ainsi acheter les obligations des pays attaqués comme ce fut fait pour les banques privées.
Aucun accord n'a été trouvé sur les hedge funds : c'est une occasion manquée.
Quelles solutions concrètes le Gouvernement entend-il promouvoir ? Qu'entend-il par « gouvernement économique » et comment compte-t-il donner corps à cette notion ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Vous m'embarrassez doublement. D'une part, la crise financière n'est pas à l'ordre du jour du prochain Conseil européen : elle est du ressort de l'Eurogroupe. D'autre part, tout ce que nous disons peut être utilisé par les spéculateurs, et il faut éviter de donner une impression de cacophonie. N'attendez pas de moi que j'entre dans le détail d'une discussion intergouvernementale. Ce qui est certain, c'est que l'union monétaire telle qu'elle résulte du traité de Maastricht repose sur l'autodiscipline. Il est interdit de renflouer un État en difficulté : c'est le no bail out. Mais la crise a fait voler en éclat les critères de convergence -3 % de déficit et 60 % d'endettement. Ceux-là même qui avaient été renfloués par les États en ont profité pour attaquer la dette souveraine de certains pays, ce qui est extrêmement grave. Diverses solutions ont été proposées à court et moyen terme, je pense par exemple aux recommandations de M. Schäuble. Il faudra mettre en place un gouvernement économique commun. Les États européens, dont les habitudes et les histoires divergent, commencent à se rapprocher sous l'effet d'une crise sans précédent.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Sans doute la crise monétaire n'est-elle pas à l'ordre du jour du prochain Conseil européen, mais elle sera au coeur des discussions entre chefs d'État et de gouvernement. Depuis des semaines, certains s'interrogent sur la viabilité de l'euro ou évoquent l'exclusion de tel ou tel État. Les journalistes aiment le sensationnel, mais nous devons porter sur ce sujet un regard plus distant.
La Grèce finance sa dette à un taux d'intérêt de plus en plus élevé.
Mme Annie David. - Eh oui !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - En quoi est-ce anormal ? Hors de la zone euro, les taux d'intérêt seraient certainement plus élevés encore ! La Californie, au bord de la faillite, paye aussi des taux d'intérêt très élevés : elle ne va pas pour autant abandonner le dollar.
L'accent mis sur les malheurs de la Grèce a eu un effet positif : la baisse de l'euro, aujourd'hui surévalué.
Que penser des débats au sein du Conseil sur l'aide à accorder à la Grèce ? Deux choses importent : qu'il apparaisse clairement que les partenaires de la Grèce lui apporteront l'aide nécessaire en cas d'opération spéculative, et que l'on pèse sur la Grèce pour qu'elle remette en ordre ses finances et améliore son appareil statistique. Au-delà, toute controverse sur un fonds monétaire européen ou une aide du FMI est secondaire.
Une modification des traités ne serait pas comprise par nos concitoyens ; il faudrait de toute façon des années pour obtenir une ratification par les Vingt-sept. Le Gouvernement partage-t-il cette analyse et estime-t-il qu'un consensus peut apparaître ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Je partage beaucoup de vos analyses, même si je me dois d'être très réservé à ce stade de la discussion entre les États. La crédibilité des finances publiques doit être restaurée. Le gouvernement grec s'est engagé à réduire son déficit public dès cette année ; le conseil Ecofin en a pris acte le 16 mars. Depuis, les marchés ont réagi positivement, et la Grèce est toujours parvenue à se refinancer.
La déclaration politique des chefs d'État et de gouvernement du 11 février, rappelle la « responsabilité partagée pour la stabilité économique et financière dans la zone euro ». La nature du soutien éventuel que pourrait apporter l'Union européenne à la Grèce est en cours de discussion. Jean-Claude Juncker a délivré un message clair : « Si cela s'avérait nécessaire, l'accord est prêt dans la zone euro pour que de façon coordonnée et sous la houlette de la Commission, une aide bilatérale soit accordée », tout en répétant que les autorités grecques n'avaient pas demandé d'aide. Les choses sont en cours ; laissons les chefs d'État et de gouvernement se mettre d'accord.
Intervention du ministre
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Avec le Traité de Lisbonne et la mise en place de ses nouvelles institutions, l'Europe est entrée dans une nouvelle phase de son histoire. La succession ininterrompue de crises depuis décembre -Grèce, Haïti, avions ravitailleurs- l'a fait rentrer dans le monde réel.
Les chefs d'État et de gouvernement se pencheront, au Conseil européen des 25 et 26 mars, sur deux dossiers majeurs : l'économie et l'emploi, avec la stratégie dite UE 2020, et le climat.
Un seul sujet compte : comment sortir au plus vite de la crise, qui frappe avant tout l'Europe occidentale ? L'économie française, après avoir mieux résisté que d'autres en 2009, retrouvera en 2010 un taux de croissance positive, autour de 1,4 %. Mais la Chine dépassera 10 %, l'Inde 7 %, le Brésil 5 %. Les autres pays ne nous attendent pas ! Il nous faut gagner ces points de croissance supplémentaires pour sortir de la zone de dépression. L'Europe n'a pas le droit à l'échec.
La méthode impulsée par le président du nouveau Conseil européen, véritable gouvernement économique de l'Europe, est radicalement nouvelle. C'est aux chefs d'État et de gouvernement à prendre en main la nouvelle stratégie, qui doit s'inspirer d'une approche « du haut vers le bas », et non aux Conseils de faire remonter, du bas vers le haut, des documents bureaucratiques complètement ficelés ! Désormais, les chefs d'État et de gouvernement s'empareront politiquement des sujets, fixeront les objectifs et les méthodes.
Le Conseil des affaires générales, où je représente la France, « assure la cohérence des travaux des différentes formations du Conseil. Il prépare les réunions du Conseil européen et en assure le suivi en liaison avec le président du Conseil européen et la Commission ». Il a ainsi eu hier sa rencontre mensuelle avec le président Van Rompuy.
Au lieu de faire un point complet sur tout, il est plus efficace de consacrer les premières années à certains thèmes précis de la stratégie. Ainsi, le Conseil européen d'automne devrait être consacré à la recherche et à l'innovation.
La Commission a rendu publique le 3 mars dernier une communication sur la stratégie UE 2020, qui a été examinée hier à Bruxelles. J'en retiens tout d'abord qu'il n'y a pas de divergence de fond, en Europe, sur le contenu de la future stratégie. La stratégie de Lisbonne a échoué : gardons-nous de reproduire les mêmes erreurs.
La Commission a proposé d'assigner à la stratégie cinq objectifs : un taux d'emploi de 75 % en 2020 pour les 20-64 ans ; un investissement en R&D de 3 % du PIB européen en 2020 ; les objectifs climatiques et environnementaux de Copenhague ; un taux de 40 % d'accès à l'enseignement supérieur en 2020 ; enfin, la réduction de 25 % du nombre d'Européens sous les seuils nationaux de pauvreté.
Ces objectifs ont le mérite d'assigner un cadre précis et mesurable à la future stratégie ; sur le fond, ils conviennent à la France. Il reste toutefois beaucoup à faire pour les rendre opérationnels.
Ces objectifs ont vocation à être déclinés, pays par pays, et adaptés à la réalité économique et sociale de chaque État membre ainsi qu'à sa position de départ. Il faudra donc s'accorder sur la méthode de répartition de ces objectifs au niveau national, et s'assurer que la somme des 27 objectifs nationaux permet d'atteindre la cible européenne.
Certains objectifs poseront des difficultés à des États fédéraux qui ne disposent pas des leviers nécessaires et devront les décliner au niveau régional. Il faudra également homogénéiser la mesure mais aussi les modalités d'utilisation et d'interprétation des objectifs.
Enfin, la Commission n'a, à ce stade, pas proposé d'objectif mesurant la compétitivité « externe » de l'Union par rapport à ses concurrents industrialisés ou aux grands émergents.
M. François Marc. - Eh oui !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - Or c'est un sujet fondamental.
Les chefs d'État et de gouvernement devraient, à ce stade, n'avoir qu'un premier échange sur ces cinq objectifs.
Il faudra absolument éviter que la stratégie UE 2020 ne s'enlise dans des débats trop technocratiques, au risque de perdre en route nos concitoyens. Nous devons adopter une approche simple et pragmatique, et conserver une ligne claire avec des mots, des idées, des concepts compréhensibles par tous.
Je ne suis pas certain que les termes de « croissance durable, intelligente et inclusive » parlent à tout le monde et suscitent l'enthousiasme !
La stratégie de Lisbonne avait échoué car elle ne reposait que sur la contribution des politiques nationales à la croissance et à l'emploi. Le changement majeur consiste à reconnaître le fait que les institutions européennes, et les politiques européennes qu'elles définissent, apportent une contribution propre à la réussite de la future stratégie. Un plus. Cela vaut pour toutes les politiques européennes, y compris la politique agricole commune, laquelle est loin de faire l'unanimité des Vingt-sept, ce qui est pour nous très difficile.
Cette reconnaissance de la contribution des politiques européennes à la croissance doit nous permettre d'examiner -enfin !- certaines questions majeures pour l'avenir de l'Europe, comme la mise en place d'une véritable politique industrielle et d'une politique énergétique. Ceci doit nous conduire également à réexaminer de façon précise le fonctionnement de certaines politiques européennes, et je pense ici à la politique de la concurrence.
Le Président de la République l'a rappelé le 4 mars à Marignane : nous devons résister à l'idée facile selon laquelle les emplois pourraient être créés simplement dans les services et que l'on pourrait abandonner l'industrie. C'est bien l'emploi industriel et la création de valeur ajoutée dans l'industrie qui font la richesse d'un pays. Nicolas Sarkozy a raison de poser la question : « le jour où l'industrie sera partie, pour qui les services travailleront-ils ? » Les risques d'une désindustrialisation sont aujourd'hui compris par tous en France. C'est pourquoi il nous faut une véritable politique européenne tournée résolument vers l'industrie, l'innovation et le développement durable, qui encourage les nouvelles sources de croissance et privilégie les investissements qui apporteront les emplois et la croissance à long terme. C'est l'objet du Grand Emprunt, qui met l'accent sur l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation. C'est aussi la raison pour laquelle nous insistons pour que soit inscrite, dans les conclusions du Conseil européen, la mention d'une ambitieuse politique industrielle, qui promeuve l'innovation et l'excellence technologique.
L'Union européenne devrait, en outre, favoriser l'émergence d'acteurs européens compétitifs à l'échelle mondiale, ce qui impose de réexaminer notre politique de la concurrence, jusqu'alors évanescente. La stratégie européenne doit inclure un important volet externe qui assure la promotion des intérêts et positions européennes sur la scène internationale. II est temps, le Premier ministre l'a dit à Berlin le 10 mars, d'ouvrir une discussion sur la politique de change afin que la parité de l'euro ne constitue pas un frein à la croissance, comme c'est aujourd'hui le cas face au dollar et face au yuan. La France, qui présidera à compter de la fin 2010, à la fois le G-20 et le G-8, compte bien, prendre ce problème à bras-le-corps, et poser la question d'un nouveau Bretton-Woods. II y va de l'avenir de la compétitivité européenne.
Cessons de faire preuve de naïveté et faisons évoluer la politique commerciale européenne. Les grands pays émergents -Chine, Inde, Brésil- et même la nation par excellence du libéralisme, les États-Unis, tous défendent leur industrie. Quand les Chinois construisent des autoroutes en Pologne, acceptent-ils la réciproque ? Je pense aussi à la scandaleuse annulation du contrat liant le Pentagone à EADS, au bénéfice de son concurrent américain.
Nous devons donc ouvrir les yeux sur la réalité des échanges mondiaux et imposer une véritable réciprocité dans les échanges commerciaux, en particulier dans l'accès aux marchés publics. Comme l'indique Nicolas Sarkozy, « la pire situation pour l'Europe serait celle où son marché serait ouvert quand les autres lui sont fermés. » Il faut davantage de loyauté dans les échanges commerciaux. Il est temps que la Commission prenne ce sujet à bras-le-corps, fasse régulièrement rapport au Conseil de la situation et propose des mesures concrètes pour mettre un terme aux situations d'inégalité auxquelles nos entreprises sont confrontées. Je m'emploierai à convaincre nos partenaires du bien-fondé de cette démarche.
Il ne faut surtout pas donner l'impression qu'il est nécessaire d'attendre 2020 pour obtenir les premiers résultats concrets de la future stratégie. Les peuples européens ne nous le pardonneraient pas. Il faut des avancées dès maintenant.
II reste, bien entendu, de nombreux sujets de travail pour l'Europe dans les mois à venir, à commencer par la gestion des questions climatiques après l'accord de Copenhague, qui enregistre des avancées majeures : l'objectif du seuil des 2 degrés Celsius à ne pas dépasser et la diminution de 50 % des émissions de Co2 en 2050 par rapport à 1990 ; la création d'un cadre spécifique pour l'adaptation aux changements climatiques ; le principe de l'enregistrement des objectifs et actions de réduction d'émissions des principaux pays émetteurs -développés et en développement. A l'heure actuelle, 114 pays ont notifié leur soutien à l'accord de Copenhague, dont 43 au sein de l'annexe I à l'accord (pays développés) et 72 au sein de l'annexe Il (pays en développement). L'Accord de Copenhague a franchi une étape importante en obtenant le soutien écrit des deux tiers des pays du monde, représentant 80 % des émissions, avec le ralliement de la Chine et de l'Inde début mars. Nous avons pour objectif une augmentation significative des ressources financières pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique, à court et moyen terme avec la création d'un groupe sur les financement innovants et l'instauration rapide de mécanismes pour lutter contre la déforestation et favoriser le déploiement des technologies propres.
Trois mois après Copenhague, le calendrier des négociations dans les différents processus se met progressivement en place, dans un climat beaucoup plus positif que celui qui avait marqué les premières semaines de l'année. Mais rien n'est terminé, et de grandes échéances sont encore devant nous. Nous devons préparer les grandes échéances internationales de 2010, notamment la prochaine session de négociations à Bonn en juin et à Mexico début décembre.
Nous devrons également maintenir le rôle de leader de l'Union européenne sur la scène internationale et renforcer sa crédibilité. Je vous rappelle les paroles du Président de la République : « on ne peut pas continuer la fiction qui consiste à penser que 192 pays et leurs représentants peuvent négocier un texte. »
Nous devons également avancer sur le front du financement rapide en faveur des pays les plus vulnérables et les moins avancés, et aussi le financement à long terme des pays en développement pour les aider à lutter contre le changement climatique ; l'accord de Copenhague mentionne le chiffre de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020.
Nous devons maintenir la pression pour que les pays acceptent des engagements qui permettent d'atteindre effectivement l'objectif de 2° C. Ceci implique de mettre en place des mécanismes de vérification efficaces. Nous demeurons convaincus de la nécessité d'une Organisation mondiale de l'environnement.
Enfin, l'Europe, si elle veut se faire respecter sur la scène internationale, doit mettre en place un mécanisme d'inclusion carbone. Le risque de fuites de carbone demeure et il n'existe pas encore de régime de contrôle des engagements. Les leçons de Copenhague ont porté : la vertu et l'exemplarité ne suffisent pas. Nous attendons donc que soient mises en oeuvre les dispositions du paquet climat-énergie et nous souhaitons convaincre nos partenaires les plus réticents de l'importance de mettre simultanément sur la table de négociation, en sus de nos engagements -parmi les plus contraignants au monde- des instruments de dissuasion, sans lesquels les autres grands blocs n'accepteront pas cette politique. Nous avons besoin d'un instrument de pression et sans ce fameux mécanisme de taxe carbone aux frontières nous serions les seuls à être vertueux et à surtaxer nos entreprises.
M. François Marc. - Il fallait y penser avant !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. - La nuit est fort avancée. Nous avons eu un débat vif et passionnant ; beaucoup de questions restent ouvertes et justifieraient un débat plus approfondi. Elles méritent mieux qu'un tel débat nocturne. Mais le Gouvernement est à la disposition du Parlement. (Applaudissements à droite et au centre)