Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.
Toxicité des solvants pour les femmes enceintes
M. Yves Pozzo di Borgo, en remplacement de Mme Anne-Marie Payet. - Le rôle nocif des solvants pour les femmes enceintes et leur enfant à naître a été confirmé par une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, réalisée auprès de 3 421 femmes enceintes, dont 3 005 avaient une activité professionnelle : elles ont toutes été suivies dès le premier trimestre de leur grossesse par des gynécologues et des échographistes libéraux afin d'évaluer les conséquences des expositions aux solvants sur la grossesse et le développement psychomoteur de l'enfant. Au début de l'étude, 30 % d'entre elles avaient déclaré être régulièrement exposées sur leur lieu de travail à au moins un produit contenant des solvants.
Cette étude révèle que le risque de malformations congénitales chez l'enfant, suite à l'exposition professionnelle de leur mère aux solvants, est multiplié par 2,5 par rapport à des femmes non exposées. Ces solvants, utilisés dans de nombreux secteurs professionnels -ils sont présents, par exemple, dans les peintures, et je m'interroge alors sur leur présence dans les appartements, les écoles, les crèches..., dans les vernis, les produits d'entretien mais aussi dans certains produits cosmétiques. Essentiellement absorbés par les voies respiratoires ou par la peau, ils ont la propriété de passer la barrière placentaire et, de ce fait, nuisent au foetus. L'étude met en évidence une relation entre la fréquence de l'exposition professionnelle aux solvants au début de la grossesse et l'apparition de malformations majeures. De l'ordre de 2 à 3 %, les malformations à la naissance sont principalement des fentes orales -becs de lièvre-, des malformations du rein et des voies urinaires et des malformations génitales du garçon. Les chercheurs préconisent d'identifier précisément les solvants mis en cause et les autres expositions dans les métiers concernés. Ils recommandent également de signaler le risque de développement anormal de l'embryon auprès des médecins du travail en début de grossesse pour les femmes exposées aux solvants, avec un changement de poste si nécessaire.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cette situation, compte tenu de la difficulté à agir sur la grande industrie ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. - La réglementation prévoit des mesures de prévention des risques professionnels liés aux agents chimiques dangereux ou cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (dits CMR) de catégorie 1 ou 2, pour l'ensemble des travailleurs. Des décrets ont transposé en droit national les directives européennes de 1998 et 2004 qui fixaient des prescriptions minimales. Le décret du 1er février 2001 va même au-delà en visant les agents toxiques pour la reproduction alors que la directive de 2004 limitait son champ d'application aux agents cancérogènes ou mutagènes.
Ces dispositions qui figurent dans le code du travail, visent à systématiser -sous la responsabilité de chaque employeur- l'évaluation du risque chimique en vue de supprimer ce risque ou de limiter l'exposition par des mesures de prévention adaptées à chaque situation de travail. Elles prévoient en priorité l'obligation de substituer aux agents chimiques dangereux des substances, préparations ou procédés moins nocifs. Cette obligation est renforcée pour les agents CMR de catégorie 1 ou 2 pour lesquels la substitution est obligatoire lorsque cela est techniquement possible. Si c'est impossible, l'employeur doit mettre en oeuvre tous les moyens de prévention et de protection pour réduire l'exposition. Par ailleurs, la réglementation prévoit qu'un travailleur ne peut être affecté à des travaux l'exposant à des agents chimiques dangereux que s'il a fait l'objet d'un examen médical préalable et qu'il ne présente pas de contre-indication.
En ce qui concerne les femmes enceintes, l'employeur doit les informer des dangers que peut représenter l'exposition à certaines substances chimiques pour la fertilité, l'embryon, en particulier lors du début de la grossesse, le foetus et l'enfant. En outre, il est interdit d'affecter ou de maintenir des femmes enceintes et des femmes allaitant à des postes de travail les exposant à certains agents chimiques, tels que les agents classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1 ou 2, les benzènes et certains dérivés d'hydrocarbures aromatiques. Le code du travail précise que l'employeur est tenu de leur proposer un autre emploi compatible avec leur état, sans diminution de leur rémunération. Si c'est impossible, le contrat de travail est suspendu et la salariée bénéficie d'une garantie de rémunération composée d'une allocation journalière prévue par le code de la sécurité sociale et d'un complément de l'employeur prévu par le code du travail.
Enfin, le plan Santé au travail II -2010-2014-, en cours de finalisation, aura pour objectifs principaux d'améliorer les efforts de connaissance en santé au travail déjà engagés et de conforter la prévention des risques professionnels, en particulier du risque chimique.
Cet ensemble constitue un arsenal juridique complet et efficace, sous réserve de son application. La responsabilité première en incombe aux entreprises mais les services de l'inspection du travail et la médecine du travail ont également un rôle majeur à jouer. Ils s'y emploient au quotidien.
En 2010, une campagne sur le risque chimique dans le secteur de la réparation automobile et le nettoyage sera organisée par tous les pays de l'Union européenne.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Merci d'avoir rappelé l'arsenal juridique permettant de protéger les femmes dans le cadre de leur vie professionnelle. Reste à traiter la question des produits domestiques.
ZUS de Romans-sur-Isère
M. Didier Guillaume. - Mme Fadela Amara connaît bien la commune de Romans-sur-Isère puisqu'elle s'y est rendue il y a quelques semaines. Elle y a été bien accueillie par les habitants, notamment par ceux des quartiers classés en zone urbaine sensible (ZUS) qui attendent des actions concrètes du Gouvernement pour réduire les injustices sociales : ZUS est un sigle barbare pour qualifier des secteurs dans lesquels les habitants sont fragilisés et le lien social déliquescent, des quartiers où les collectivités locales ne peuvent répondre aux besoins.
Romans-sur-Isère ne dispose que de ressources limitées : son potentiel fiscal 2008 est de 926 euros par habitant, soit un niveau de ressources parmi les plus faibles de France. Certains quartiers, en périphérie mais aussi en centre-ville, concentrent des populations dont les difficultés sociales sont plus importantes que dans certaines banlieues de grandes villes. Aussi, le principe d'une majoration de la dotation de solidarité urbaine (DSU), au profit de communes présentant de tels indicateurs de difficultés sociales, permettrait de mieux répartir l'aide publique. M. le Premier ministre a d'ailleurs demandé à M. Pierre André, sénateur, et à M. Gérard Hamel, député, de proposer une réforme de la politique de la ville. Nos collègues défendent, à juste titre, l'idée d'une majoration de la DSU au profit des collectivités les plus en difficulté.
S'agissant de la délimitation géographique du périmètre prioritaire ZUS de Romans, le découpage actuel a défini un périmètre trop réduit. Ainsi, le collège où se rendent les enfants n'y est pas inclus.
Serait-il possible d'intégrer dans la réforme à venir un dispositif de majoration de la DSU au profit des collectivités les plus en difficulté ?
Sans attendre une réforme globale, pourriez-vous réexaminer le champ du périmètre ZUS de Romans afin que celui-ci soit élargi, comme cela a été le cas dans d'autres communes, afin de soutenir tous les habitants en difficulté et d'encourager la mixité entre les secteurs d'un même territoire ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. - Je vous prie d'excuser Mme Amara retenue à une réunion interministérielle sur les maisons de la santé. Elle est très consciente des difficultés que vous rappelez et s'est rendue dans votre commune il y a quelques mois.
A l'initiative du Parlement, le comité interministériel des villes du 20 janvier 2009 a décidé de lancer une concertation préalable à la réforme de la géographie prioritaire. Cette décision est la conséquence de la modification, par l'article 140 de la loi de finances initiale pour 2008, de l'article 42 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. La liste des ZUS devra désormais être actualisée tous les cinq ans. La mission sur la révision de la géographie prioritaire confiée aux deux parlementaires Pierre André et Gérard Hamel a donné lieu à un rapport qui a été remis en octobre au Premier ministre. Cette contribution s'ajoute à la vaste concertation menée par le Gouvernement avec tous les acteurs de la politique de la ville. Au niveau national, les élus et les collectivités ont été appelés à donner leur avis sur le Livre vert relatif à la géographie prioritaire, et notamment sur les indicateurs. En outre, les préfets ont été invités par circulaire du 13 mars 2008 à mener une concertation au niveau local. Le Gouvernement souhaite que cette révision de la géographie prioritaire « conduise à une plus grande concentration des moyens de l'État en faveur des quartiers défavorisés, à une meilleure mobilisation des moyens de droit commun de l'État et à un renforcement de la solidarité intercommunale ».
La concertation a porté sur les principes du zonage ainsi que sur la définition des périmètres des zones prioritaires. Il ne s'agit pas, à ce stade de la réflexion, de retenir les périmètres éligibles à la politique de la ville et encore moins de déterminer les conditions qui permettront de bénéficier de la DSU. Mme Amara ne peut donc répondre à votre question concernant Romans mais sachez que pour cibler les zones prioritaires, la réforme tiendra compte des difficultés rencontrées par les populations des quartiers en donnant plus à ceux qui ont le moins.
Le Gouvernement est très attentif à la péréquation. Tout sera mis en oeuvre pour que la réforme renforce la solidarité entre les collectivités. Comme l'a annoncé le Premier ministre, un conseil interministériel des villes se réunira au printemps pour fixer un calendrier et annoncer les axes de la réforme afin de « mieux cibler les actions en direction des zones urbaines sensibles et de rénover les contrats urbains de cohésion sociale ».
M. Didier Guillaume. - Dans le cadre de cette réforme, il faudra tenir compte de la situation d'une poignée de communes qui sont en grande difficulté, même si elles ne regroupent pas des dizaines de milliers d'habitants. La péréquation devra donc être renforcée. Nous attendons la suite.
Mise en oeuvre du RSA
M. Alain Fouché. - Ma question porte sur la généralisation du RSA, qui est une des mesures les plus intelligentes en matière sociale qui ait été prise depuis des décennies.
Sa mise en oeuvre pose divers problèmes. Ainsi en est-il de la taxe d'habitation. Le RMI et le RSA expérimental entraînaient l'exonération systématique de cette taxe. Ce n'est plus le cas pour les bénéficiaires du RSA actuel.
L'allocation logement était auparavant majorée automatiquement en cas de perception du RMI. Dorénavant, cette majoration est calculée sur les revenus de l'année précédente, d'où des difficultés pour les familles qui n'ont pas de revenus suffisants pour payer leur loyer et pour qui cette allocation était indispensable.
Le préavis des locataires bénéficiant du RMI, et qui souhaitaient changer de logement, était ramené à un mois au lieu de trois. Il est maintenant automatiquement de trois mois, quels que soient leurs revenus.
Les personnes qui bénéficient de la CMU et qui perçoivent quatre mois de salaire seront radiées automatiquement du dispositif lors de son renouvellement, quel que soit le montant du salaire.
Tous ces points inquiètent les bénéficiaires du RSA, alors que la crise ne leur facilite pas la vie. La mise en oeuvre du RSA, que nous avions expérimentée dans la Vienne, est une réussite mais elle ne répond pas tout à fait aux exigences de soutien des personnes qui en sont bénéficiaires. Le RSA généralisé a pour objectif d'améliorer les conditions de vie et de retour à l'emploi. Il y a donc des aménagements à apporter, comme à toute réforme.
Sur tous ces points, pouvez-vous me préciser les intentions du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. - Vous connaissez particulièrement bien le RSA puisque la Vienne, dont vous présidez le conseil général, était l'un des quatre premiers départements à expérimenter ce dispositif. Lors de l'expérimentation, nous nous adressions uniquement à des allocataires du RMI. Nous avions donc maintenu le lien entre statut d'allocataire du RMI et exonération de la taxe d'habitation. Lors de la généralisation du RSA par la loi du 1er décembre 2008, que vous avez d'ailleurs largement améliorée, la population concernée incluait à la fois les allocataires du RMI et de l'API mais aussi certains salariés. Nous ne pouvions donc pas généraliser ces exonérations, sinon nous en aurions triplé le nombre et nous aurions provoqué des effets pervers bien connus : ainsi, à ressources égales, un Rmiste bénéficiait de divers avantages et non celui qui travaillait. Il fallait donc passer d'une logique de statut à une logique de ressources. Il reste quelques détails à régler. C'est pourquoi nous avons demandé à Sylvie Desmarescaux de faire le point sur toutes les aides connexes et sur le RSA afin d'améliorer ce qui peut l'être.
L'attribution de la CMU et les exonérations de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle dépendent des ressources et non du statut. Le fait de bénéficier du RSA ne rend pas systématiquement éligible à des droits connexes. Pour la taxe d'habitation, la réforme garantit que les personnes bénéficiant du RSA et dont le revenu fiscal de référence est nul sont exonérées. Dès lors qu'elles perçoivent un revenu professionnel, celui-ci est pris en compte pour le calcul de la taxe d'habitation et le gain de RSA doit être supérieur au coût de ladite taxe. Parfois, des personnes qui touchent des pensions alimentaires ont dû payer la taxe d'habitation. C'est pourquoi, comme nous nous y sommes engagés lors du dernier collectif, M. Woerth signera fin janvier une instruction fiscale pour énumérer les cas qui ne peuvent faire l'objet d'une loi mais pour lesquels les services fiscaux devront appliquer la jurisprudence antérieure.
Il n'est pas tenu compte des revenus d'activité ni des indemnités chômage dans le calcul de l'allocation logement, pour les bénéficiaires ayant des ressources inférieures au montant forfaitaire, correspondant à l'ancien montant du revenu minimum d'insertion. Le montant du RSA non imposable n'est pas pris en compte dans la base ressources pour le calcul de l'allocation logement.
L'article 5 de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit adoptée par l'Assemblée nationale le 2 décembre dernier prévoit que les bénéficiaires du RSA pourront, comme les allocataires du revenu minimum d'insertion, donner congé à leur bailleur avec un délai de préavis réduit à un mois.
Les bénéficiaires du RSA sont affiliés à la CMU de base tant qu'ils ne sont pas couverts par l'assurance maladie maternité à un autre titre. Ceux qui relèvent du RSA « socle » sont réputés éligibles à la protection complémentaire en matière de santé ; s'agissant des bénéficiaires du RSA « activité », leur droit à la CMU-C est soumis à l'étude des ressources perçues au cours des douze derniers mois.
Enfin, pour les titulaires de contrats aidés, nous avons pris des mesures de transition afin que la réforme se traduise effectivement par une progression de leurs ressources.
Nous sommes conscients que cette réforme de grande ampleur est très complexe et peut créer des situations délicates. Nous n'hésitons pas à la modifier par petites touches réglementaires pour que l'équité soit respectée et que le RSA améliore vraiment la situation des personnes concernées.
M. Alain Fouché. - Votre réponse me satisfait pleinement.
M. le président. - C'est moi qui suis à l'origine de ce dispositif, en 2005, il est bon de le rappeler de temps en temps. De même que je suis à l'origine des zones franches, dont le succès est manifeste.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Nous ne l'avons pas oublié.
Fiscalité des vins de liqueur à AOC
M. Daniel Laurent. - Suite au décès d'un élu de ma commune, je n'ai pu intervenir sur l'agriculture dans le cadre de la loi de finances. M. César avait bien voulu relayer nos préoccupations auprès du ministre de l'agriculture. Compte tenu de sa réponse, il m'a paru judicieux de vous interroger derechef.
Les produits issus de la vigne sont soumis à une fiscalité variable selon le mode d'élaboration. Les produits dits intermédiaires, comme le pineau des Charentes, le floc de Gascogne, le macvin du Jura et le pommeau de Normandie cher au président du Sénat, sont soumis à une fiscalité différenciée. En revanche, les produits industriels concurrents, élaborés sans contraintes d'origine ou de production, ont su faire évoluer la fiscalité en leur faveur. Depuis 2003, certains d'entre eux sont taxés comme un vin, soit 63 fois moins que le pineau, dont les ventes ont donc baissé de 15 % depuis trois ans.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a mis en place une indexation systématique des produits soumis à accises, contre laquelle nous nous sommes élevés en vain. En 2009, les accises ont augmenté de 1,5 % et en 2010 elles devraient encore augmenter de 2,8 % selon l'arrêté du 19 octobre dernier. La seule hausse 2010 de l'accise sur les produits intermédiaires équivaut au double de la taxation totale des apéritifs concurrents !
Vous comprendrez dès lors l'ire des viticulteurs et l'insistance avec laquelle nous nous battons à leur côté. Nous ne comptons plus nos questions écrites et orales, nos courriers aux ministres, nos rendez-vous ministériels. En 2004, lorsque M. Bussereau était ministre du budget, la profession avait obtenu des aides annuelles, preuve que sa demande est légitime. Mais depuis lors, plus rien. Le Président du Sénat est à nos côtés pour défendre ce dossier et nous lui en savons gré. Mais nous sommes en train de perdre toute crédibilité et la profession s'exaspère. Lors d'une réunion qui a rassemblé 160 viticulteurs et négociants le 15 janvier, tous ont décidé de reprendre le mouvement collectif de paiement partiel des droits, suspendu en 2004 : les opérateurs régleront aux douanes le minimum communautaire de taxation des produits intermédiaires, le solde sera déposé auprès de la Confédération nationale des producteurs de vins de liqueur AOC. Après 25 ans de démarches et de luttes, la détermination de la filière est entière et elle envisage d'autres actions plus dures.
Nous savons bien que le pineau des Charentes pèse peu face aux géants industriels mais vous comprendrez aisément l'urgence de résoudre ce problème.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. - Je vous prie d'excuser M. Woerth, aujourd'hui à Berlin, qui m'a prié de vous lire sa réponse.
Nous devons respecter des définitions issues de la réglementation communautaire. La fiscalité des boissons alcooliques issues de la vigne est différente, selon que l'alcool provient de la fermentation ou qu'il a été obtenu par distillation. Les boissons contenant de l'alcool provenant à la fois de la fermentation et de la distillation sont qualifiées de produits intermédiaires. Les produits comme le floc de Gascogne et le pineau des Charentes, élaborés par mutage de moûts à l'alcool distillé et titrant environ 18 degrés, sont contraints à des processus de fabrication découlant de traditions anciennes et formalisées par un cahier des charges fondant leur appellation d'origine. Ils répondent à la définition fiscale des produits intermédiaires et sont taxés à 223,29 euros par hectolitre. Les produits industriels, qui ne sont pas tenus aux exigences des appellations d'origine, ont modifié leur fabrication afin de bénéficier d'une fiscalité moins élevée. Ce sont des boissons fermentées dont le taux d'alcool est augmenté par divers procédés qui provoquent la concentration de l'alcool par élimination de l'eau. Ces produits conservent toutes les qualités organoleptiques des produits fermentés de base ; ils titrent moins de 15 degrés et ne font pas l'objet d'un ajout d'alcool distillé. Ils sont donc fiscalement assimilés à des vins et taxés à 3,55 euros l'hectolitre.
En l'état actuel de la réglementation communautaire, le classement fiscal de ces produits ne peut pas être remis en cause. Toutefois, conscient de la distorsion de concurrence provoquée par cette différence de classement fiscal, le Gouvernement a saisi la Commission européenne afin que la question soit abordée dans le cadre du comité des accises. Si l'on assimilait les procédés de concentration de l'alcool à une distillation, on pourrait réserver la fiscalité du vin aux seuls produits dont l'alcool provient exclusivement d'une fermentation et dont la teneur n'a pas été augmentée par des pratiques destinées à concentrer l'alcool.
L'administration continue de privilégier le dialogue avec la profession. Les producteurs de pineau des Charentes ont été reçus le 6 janvier par la direction générale des douanes et droits indirects. Ils seront tenus informés des travaux menés au sein des instances communautaires. On pourrait plafonner l'impact monétaire de l'indexation sur les boissons les plus fortement taxées. Une telle évolution, si elle était souhaitée, nécessiterait cependant une adaptation de la loi.
M. Daniel Laurent. - Ce plafonnement est une idée intéressante...
Les viticulteurs sont las de cette situation qui porte atteinte à la production nationale. Ils espèrent que vous parviendrez à la débloquer.
Enseignement de l'arabe
M. Yannick Bodin. - Le nombre d'élèves suivant des cours d'arabe dans l'enseignement public est en constante diminution. Alors que 15 000 élèves du secondaire étudient le chinois, 12 000 le portugais, 14 000 le russe, ils sont à peine 7 300 à suivre des enseignements de langue arabe. Encore faut-il préciser que 1 800 d'entre eux suivent les cours du Centre national d'enseignement à distance et que 1 500 résident à la Réunion et à Mayotte.
Pourtant, la demande est forte, autant pour des raisons culturelles qu'économiques. L'arabe est une des dix langues les plus parlées au monde et certains pays arabes, en plein développement économique, sont des partenaires commerciaux importants. Plusieurs pays européens, comme le Danemark, qui n'ont pas comme nous de relations historiques privilégiées avec les pays arabophones, développent cet enseignement dès le collège.
En France, les créations de postes ne suivent pas. Certains chefs d'établissements semblent réticents, aussi bien là où l'on craint que cette langue ne contribue à la ghettoïsation de l'établissement, que dans les lycées de centre-ville où l'on craint que l'ouverture de cette option n'attire des « populations à problèmes ». Cela concerne aussi la politique gouvernementale puisque le nombre de postes ouverts au concours du Capes est passé de vingt en 2002 à cinq en 2006. Dans le même temps, l'enseignement privé de l'arabe est en pleine croissance.
En comptant les associations privées, souvent financées par des États étrangers, et les lieux cultuels, qui dispensent un enseignement religieux prosélyte, 100 000 élèves apprendraient l'arabe en dehors de l'enseignement laïc, avec tous les risques de dérives communautaires.
Suite aux Assises de l'enseignement et des cultures arabes réunies à l'Assemblée nationale le 9 octobre 2008, votre prédécesseur, M. Darcos, avait annoncé la généralisation de la sixième bilingue dès 2009, la mise en place d'établissements pilotes pour éviter la dispersion des moyens, des regroupements inter-établissements, le développement des sections internationales et des langues orientales en 2009, ainsi que le renforcement de l'enseignement de l'arabe dans l'enseignement technique et professionnel, en particulier l'hôtellerie et la restauration.
Plus d'un an a passé, il semble que rien ne se soit produit. Monsieur le ministre, où en êtes-vous ? Que faites-vous pour que la langue et la culture arabes soient enseignées dans les établissements publics, par l'éducation nationale, seule garante de la défense des valeurs de la République ?
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. - La langue arabe est effectivement une clé dans notre monde multipolaire. Son enseignement n'est pas délaissé et l'éducation nationale lui fait une place de choix, puisqu'elle figure parmi les 22 langues étrangères que les candidats au baccalauréat peuvent choisir pour leurs épreuves. En 2009, 6 400 élèves ont étudié l'arabe dans les collèges et lycées publics, et environ 50 000 dans des associations, souvent confessionnelles. Quant à l'enseignement supérieur, l'arabe y est trop cantonné aux établissements d'élite, en particulier les grandes écoles. L'éducation nationale compte 203 enseignants de langue arabe, contre 236 en 2006 : je constate que des enseignants sont en sous service, témoin de la faible demande pour cet enseignement.
Comme vous, je souhaite que l'arabe soit enseigné dans l'éducation nationale, par des enseignants bien formés, plutôt que dans un cadre associatif où des groupuscules radicaux peuvent être influents et où les enseignants n'ont pas les moyens pédagogiques de l'éducation nationale.
C'est pourquoi le Président de la République a souhaité que l'on donne un nouvel élan à l'enseignement de l'arabe, en le renforçant dans l'enseignement technique et professionnel, dans l'enseignement général en langue vivante 3, en rééquilibrant les moyens entre académies et au sein des académies, en développant les sections bi-langues, ainsi que l'enseignement des langues et cultures d'origine à l'école primaire. Enfin, des postes seront créés, en fonction de la demande des familles.
Vous le voyez, le ministère de l'éducation nationale prend toute la mesure de ses missions !
M. Yannick Bodin. - Je note les éléments positifs de votre réponse, mais mon inquiétude demeure. Vous dites que l'enseignement de l'arabe n'est pas délaissé, mais dans mon agglomération il n'est pas possible de l'apprendre à l'école publique, ce qui conduit de plus en plus de jeunes à se tourner vers le privé confessionnel. Il y a urgence, pour que l'enseignement de l'arabe présente toutes les garanties républicaines et laïques ! Car des jeunes qui apprennent l'arabe dans des lieux de cultes, défendent ensuite à l'école publique des opinions qui sont peu compatibles avec l'enseignement laïc, comme le créationnisme, et des vérités révélées.
Je lance donc un cri d'alarme, monsieur le ministre : accélérez vos efforts pour l'enseignement de l'arabe à l'éducation nationale, il en va de la cohésion nationale !
Risques pour les jeunes de l'usage des nouvelles technologies
Mme Anne-Marie Escoffier. - Les nouvelles technologies de l'information sont devenues un outil commun, d'usage quotidien et même indispensable pour nombre de nos compatriotes, en particulier les jeunes, qui s'en servent avec une aisance déconcertante pour leurs parents et grands-parents. Face à des dérives qu'il ne faut ni diaboliser, ni sous-estimer, l'éducation nationale a mis en place en 2006 le brevet informatique et internet mais cet apprentissage paraît se cantonner aux aspects matériels de l'outil informatique, sans informer assez des contraintes juridiques et sociales d'internet. Face à l'engouement des jeunes pour internet, ne faut-il pas modifier l'enseignement dispensé par ce brevet, pour qu'il garantisse davantage contre le risque de violation de la vie privée ?
Je suis l'auteur, avec M. Détraigne, d'un rapport sur la protection de la vie privée à l'heure de la mémoire numérique, et d'une proposition de loi conséquente : monsieur le ministre de l'éducation nationale, quelles mesures comptez-vous prendre contre l'utilisation irréfléchie d'internet et pour garantir la vie privée des jeunes internautes ?
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. - L'éducation à la citoyenneté en ligne fait partie des missions de l'éducation nationale et j'ai pris connaissance du rapport d'information que vous avez cosigné avec M. Détraigne ainsi que de la proposition de loi que vous avez déposée.
L'éducation aux nouvelles technologies a été intégrée dans le socle commun des connaissances, que tout élève doit maîtriser à l'issue de la scolarité obligatoire. Elle vise à distinguer la maîtrise technique des outils numériques de leur usage éthique et responsable.
Le brevet informatique et internet, qui s'adresse à l'ensemble des élèves des trois niveaux école, collège et lycée, contient un enseignement technique, mais son objectif est bien de former des utilisateurs avertis, capables de percevoir les possibilités et les limites d'un traitement automatique des données personnelles. Le domaine 2 de ce brevet est axé sur « l'adoption d'une attitude responsable et citoyenne », pour que l'élève apprenne à connaître et respecter les règles élémentaires du droit relatif à sa pratique, à protéger sa personne et ses données, mais encore à faire preuve d'esprit critique face à l'information et à son traitement. Les documents adressés aux enseignants leur recommandent d'expliquer comment protéger sa vie privée, en ne diffusant sur internet que des renseignements en accord avec un responsable légal.
Les résultats sont satisfaisants : l'an passé, ce domaine 2 a été validé par 78 % des élèves de troisième et un enseignant sur trois s'est impliqué dans la validation des compétences de ce brevet par les classes de troisième, démontrant l'engagement dans l'éducation au numérique.
Ce brevet, intégré au coeur de l'enseignement, doit substituer à la stigmatisation des risques de l'internet une logique d'usage civique raisonné. Et c'est bien par cette approche que l'usage du numérique pourra se déployer, non seulement à l'école, mais aussi à la maison.
Quant à vos propositions, elles forment une bonne base pour améliorer notre système.
Mme Anne-Marie Escoffier. - Je crains que nous restions un peu théoriques. En visitant des écoles, j'ai posé la question à des élèves de sixième, de savoir s'ils étaient sur Facebook. Ils m'ont répondu qu'évidemment ils y étaient, et à la question de savoir comment ils faisaient pour lever la limite d'âge fixée à 13 ans, ils m'ont répondu sans aucune gêne qu'ils mentaient sur leur date de naissance. Sachant que Facebook vient de reconnaître son incapacité à protéger véritablement les informations que les internautes lui communiquent, on ne peut qu'être inquiets !
Internes de médecine générale
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je m'inquiète du nombre de postes d'internes en médecine générale non pourvus. Ils étaient 612 en 2009 ; en trois ans, 1 673 postes n'ont pas été choisis par les candidats.
Parallèlement, les effectifs d'enseignants, s'ils ont légèrement augmenté cette année, restent insuffisants pour accueillir et encadrer ces internes.
Quelles mesures entendez-vous prendre, madame la ministre, pour accroître le nombre d'enseignants et donner un statut plus incitatif à ceux qui encadrent les stages d'internes en médecine générale, afin d'enrayer la tendance à la désaffection de cette spécialité, préoccupante sur l'ensemble du territoire et en particulier dans les zones rurales ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Je suis heureuse de votre question sur un sujet qui constitue une de mes priorités depuis mon arrivée au ministère, et qui vient à point alors même que votre collège M. Juilhard vient de me rendre les conclusions de la mission que je lui avais confiée et qui, préconisant de promouvoir les maisons de santé pluridisciplinaires, insiste sur l'importance de la formation et de la promotion en matière de médecine générale pour faire vivre ces maisons.
La mise en place rapide de la filière universitaire de médecine générale répond à l'une des conclusions, peut-être la plus importante, des états généraux de 2008 sur l'organisation de la santé. Je travaille donc activement avec la ministre de l'enseignement supérieur pour déployer cette filière.
La loi de février 2008 en a fixé le cadre légal, renforcé par la loi Hôpital du 21 juillet 2009 qui programme chaque année pendant quatre ans, la nomination de vingt professeurs, trente maîtres de conférences et cinquante chefs de cliniques des universités de médecine générale.
En 2009, vingt-trois postes de chefs de cliniques universitaires en médecine générale ont été ouverts et dix professeurs universitaires de médecine générale ainsi que vingt-trois professeurs associés ont été nommés.
J'ai également souhaité que les efforts se portent sur la généralisation du stage de deuxième cycle de médecine générale, dont la durée sera redéfinie et les objectifs reprécisés, tandis que l'indemnisation des enseignants sera renforcée. Il s'agit de permettre aux étudiants de deuxième cycle de réaliser ce stage le plus rapidement possible pour découvrir cette spécialité et la choisir ultérieurement.
En 2009, 49 % des choix des futurs internes se soient portés sur la médecine générale, contre 37 % en 2004. Ce résultat encourageant montre que le mouvement est enclenché et conforte les actions que j'ai engagées en faveur de l'avenir de la médecine générale, qui reste une spécialité essentielle au coeur de notre système de soins.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je vous remercie, madame la ministre, de vos efforts et de votre détermination. J'espère qu'ils porteront tous les fruits que nous en attendons. Et puisque l'on parle de médecine générale, il n'est pas inutile de signaler aussi qu'au-delà de la question posée, se pose également le problème de l'accès au statut de praticien hospitalier, rendu difficile par les restrictions budgétaires au sein de l'AP-HP. Ceux qui veulent y accéder ne le peuvent pas toujours, et quand on le leur accorde, cela se paye de la suppression de dix postes faisant fonction d'interne, au risque de déstabiliser le fonctionnement des services hospitaliers. Je vous remercie donc, madame la ministre, de bien vouloir porter à cette situation une attention toute particulière, afin que votre politique s'applique non seulement dans les maisons de santé mais aussi à l'hôpital.
Crise de la viticulture
M. Roland Courteau. - J'ai eu l'occasion, lors d'une réunion de la commission de l'économie, de m'adresser au ministre de l'agriculture le jour même où une manifestation parcourait, « dans un silence de cathédrale », pour reprendre les mots de l'un de ses leaders, les rues de Montpellier, au coeur d'une région frappée de plein fouet par une crise sans précédent de la viticulture. Il s'agissait de rappeler aux pouvoirs publics que l'effondrement des prix et l'augmentation des coûts de production placent les vignerons dans une situation intenable, bien souvent sous le seuil de pauvreté. Leurs revenus, qui entre 2004 et 2007, avaient déjà baissé en moyenne de 13 %, et de 22 % dans l'Aude, ont chuté, entre 2007 et 2008, de 60 % en Languedoc-Roussillon : 88 % dans l'Aude, 85 % dans l'Hérault, 76 % dans le Gard et 36 % dans les Pyrénées-Orientales. Ces chiffres pourraient vous être confirmés par mes collègues Marcel Rainaud et Robert Navarro, ici présents.
C'est dire que malgré les efforts des viticulteurs, l'effondrement est total et l'on voit se multiplier les terres en friche qui désolent nos campagnes. Ils espèrent donc que leur juste demande d'un plan de sortie de crise spécifique sera enfin entendue. Peut-être me répondrez-vous une fois de plus qu'un plan de soutien à l'agriculture a été mis en place. Je ne le sous-estime pas et reconnais son utilité pour certains secteurs en crise de l'agriculture, mais il n'est pas adapté à la situation catastrophique à laquelle doivent faire face les vignerons méridionaux : les chiffres que je viens de citer sont assez éloquents. Ceux dont je porte ici la voix sont ruinés, endettés jusqu'au cou, alors que le prix de leurs produits atteint à peine leur niveau de 1988 ou 1992. Depuis des années, certains sont au RMI, désormais RSA et fréquentent les Restos du coeur.
Il leur faut plus que le plan de soutien à l'agriculture. Un plan spécifique devrait prévoir, d'urgence, une mise en ordre dans la grande distribution, qui s'arroge des marges énormes sur leurs produits, la mise en place d'une aide à l'hectare, à l'image de celle dont bénéficient, avec les DPU (droits à paiement unique), d'autres secteurs, et dont ils sont jusqu'à présent privés. La vraie solidarité devrait aller à réparer cette injustice, dès 2011, dans le cadre de l'OCM (organisation commune de marché) vitivinicole. En attendant 2011, une aide exceptionnelle devrait être mise en place en 2010, par exploitation.
Le ministre de l'agriculture doit savoir que le conseil régional est prêt, Georges Frêche s'y est engagé, à apporter sa part de financement à cette aide pour 2010, pour peu que l'État en fasse autant. Le déblocage de la situation dépend donc du ministre de l'agriculture. Il s'agit de rien moins que de sauver des pans entiers de l'économie du midi, où des exploitants perdent aujourd'hui jusqu'à 1 000 euros à l'hectare en travaillant. Les vignerons ne demandent qu'à vivre dignement du fruit de leur travail : le niveau des prix ne le leur permet pas, d'où cet appel à la solidarité. Le conseil régional y a répondu : j'espère que le Gouvernement n'y sera pas sourd.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Je vous prie tout d'abord d'excuser Bruno Le Maire, qui préside actuellement les états généraux du sanitaire. Sachez que l'élue d'une région viticole que je suis ne saurait être insensible à votre question.
La situation du marché du vin est aujourd'hui contrastée. La faible récolte de l'année 2008 n'a pas permis la diminution significative des stocks du fait d'une diminution de la consommation intérieure et d'une baisse des exportations. Les prix sont restés stables pour les vins de table et les vins de pays alors que les prix des vins d'appellation sont globalement à la baisse.
La baisse des revenus induite par la baisse des cours n'a pas échappé au Gouvernement et le plan de soutien massif annoncé par le Président de la République le 27 octobre dernier, même si vous l'estimez insuffisant, en est l'illustration. Ce plan prévoit des prêts bancaires pour un montant de un milliard et un soutien de l'État à hauteur de 650 millions. Il contient des mesures répondant aux besoins des exploitants viticoles, parmi lesquelles la prise en charge de la taxe sur le foncier non bâti et des cotisations patronales dues au titre de l'emploi salarié.
Un plan de relance et de modernisation de la viticulture française a été mis en place pour mener à bien une réforme structurelle de la filière car on ne peut se contenter de mesures d'urgence, comme vous le rappelez vous-même. La France a en particulier mobilisé les crédits de l'OCM vitivinicole pour conduire des actions structurantes : restructuration du vignoble, investissements dans les entreprises de vinification et mise en marché, promotion sur les marchés des pays tiers. Une enveloppe de 227 millions sera mobilisable en 2010 au titre de l'enveloppe communautaire.
Nous pourrons prochainement mesurer les premiers effets du plan de relance et envisager d'éventuelles évolutions.
Enfin, M. Le Maire vient de confier à Catherine Vautrin -elle-même élue dans une grande région viticole- une mission sur les suites du plan de modernisation. Consacrée en particulier à l'offre en direction des marchés extérieurs, cette mission, qui sera lancée dans les prochains jours, débouchera très vite sur des propositions concrètes.
M. Roland Courteau. - Je vous remercie, mais le ministre de l'agriculture ne semble toujours pas avoir compris la situation dramatique subie par les vignerons du midi. Nous lui avons pourtant expliqué la spécificité de cette crise gravissime et l'insuffisance des mesures prises. On dénombre 25 suicides en Languedoc-Roussillon. Le monde viticole en connaît la raison !
Le ministre de l'agriculture n'a pas même fourni un début de réponse aux trois questions que je lui ai posées. J'en déduis que c'est « non ! » sur toute la ligne. Je rappelle que le conseil régional de Languedoc-Roussillon est prêt à fournir un financement si l'État en fait autant. Pourquoi refuser ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Nous n'avons pas refusé.
M. Roland Courteau. - Veut-on rayer d'un trait la viticulture dans l'ancienne plus grande région viticole du monde ? Sincèrement, j'avais un doute ; sincèrement, je n'en ai plus !
Contribution volontaire obligatoire de la filière bois
M. Jean-Claude Carle. - Je ne demande pas que l'on m'explique ce qu'est une contribution « volontaire obligatoire » : elle est volontaire pour avoir été proposée par l'interprofession, elle est obligatoire pour avoir été étendue par arrêté ministériel.
Reconnu représentatif en tant qu'interprofession au sens du code rural, l'organisme France bois forêt collecte la contribution volontaire obligatoire (CVO) versée par les exploitations forestières, les propriétaires forestiers et les scieries pour financer des actions de promotion et de communication sur le bois. En Haute-Savoie, cette contribution représente environ 150 000 euros par an.
Depuis les années 1980, les interprofessions de la filière se sont structurées par région ou par département, l'association Inter régions bois assurant une représentation nationale. Ces acteurs locaux, comme la FIB74 dans mon département, conduisent des campagnes, avec des moyens modestes mais une réelle efficacité.
Pourquoi la CVO n'est-elle pas au moins en partie redistribuée au niveau local, en passant par les interprofessions régionales ou départementales ? Favorisant les actions concrètes de proximité promouvant le bois localement comme source d'énergie et matériau de construction, sans parler des métiers de la filière bois, cette redistribution dissiperait les hésitations des professionnels à verser la CVO. Dans son rapport remis en avril au Président de la République, M. Jean Puech a suggéré une répartition partielle de la contribution entre les interprofessions régionales.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Je vous présente à vous aussi les excuses de M. Le Maire, bien que son absence me donne le plaisir de vous répondre. Le Gouvernement, monsieur Carle, a étudié votre question avec intérêt.
L'association France bois forêt regroupe la plupart des organisations professionnelles relevant de la production forestière et de la première transformation du bois d'oeuvre. Elle manifeste clairement la détermination des acteurs à développer en commun une ressource forestière encore sous-exploitée, face à une concurrence internationale toujours plus pressante.
France bois forêt a été reconnue comme interprofession de la filière par arrêté ministériel du 22 février 2008, après avis favorable du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois. Son accord interprofessionnel a été étendu par arrêté ministériel du 1er août 2008, ce qui lui permet de lever une contribution, dont le produit permet d'étudier l'offre et la demande, de conduire des programmes de normalisation ou de recherche appliquée, outre des campagnes de promotion dans l'intérêt de toute la filière.
Parallèlement, les interprofessions régionales conduisent des actions complémentaires de celles menées par France bois forêt. Les moyens collectés au niveau national servent partiellement à financer des projets concrets proposés par des interprofessions régionales, dont l'intégration en tant que comités de développement de France bois forêt relève de l'interprofession nationale, où un travail a été engagé.
A l'issue des assises de la forêt et du Grenelle de l'environnement, et à la suite du discours prononcé le 29 mai à Urmatt par le Président de la République, le bois bénéficie de toute l'attention du Gouvernement, car la France a besoin d'une filière organisée, notamment au travers d'une interprofession nationale forte et reconnue. Les interprofessions régionales doivent s'inscrire dans cette perspective.
M. Jean-Claude Carle. - Je vous remercie pour ces précisions et pour le rappel de l'engagement pris par le Président de la République et le Gouvernement en faveur de la filière bois, qu'il s'agisse de l'énergie ou de la construction.
Je souhaite toutefois que l'on aille plus loin dans la déconcentration des ressources, car les actions locales sont plus adaptées à la diversité des situations : les Landes ne sont pas comparables aux Alpes. Je maintiendrai donc la pression en faveur d'une déconcentration, gage d'efficacité accrue.
Plan de soutien aux scieries
M. Adrien Gouteyron. - Il s'agit toujours de la filière bois, mais cette fois des scieries.
La forêt française couvre 15 millions d'hectares : un tiers du territoire national et 13 % de la surface boisée de l'Union européenne. La filière forêt-bois emploie 450 000 personnes, soit 2,5 % de la population active, autant que l'automobile ou la sidérurgie. Pourtant, notre balance extérieure pour l'ensemble de la filière présentait un solde négatif supérieur à 6 milliards d'euros en 2008, soit le deuxième poste déficitaire, la ressource naturelle française étant mal exploitée.
J'attire plus précisément votre attention sur les scieries, qu'il faut impérativement moderniser, car le coût unitaire du mètre cube scié en France est très supérieur à celui de nos concurrents. Les seuls échanges de bois brut sont déficitaires de plus de 700 millions d'euros.
La Haute-Loire compte 53 scieries, qui emploient 400 personnes, après une baisse de 20 % en dix ans. Les petites entreprises ne s'adaptent que difficilement à l'évolution du marché, alors que le Grenelle de l'environnement a créé un fort appel.
En mai, le Président de la République a annoncé la constitution d'un Fonds stratégique d'investissement qui pourrait être doté de 100 millions d'euros pour faciliter l'émergence d'un tissu d'entreprises de taille suffisante pour structurer la filière. Constitué grâce à l'État et à des opérateurs privés, ce fonds aura pour coeur de cible toutes les entreprises de la construction en bois et de la valorisation énergétique. Les scieries en feront donc partie.
Où en est la mise en place de cette réforme ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Je vous présente également les excuses de M. Le Maire, qui a pris connaissance de votre question avec intérêt, tout comme l'ensemble du Gouvernement.
Alors que la France possède le troisième patrimoine forestier de l'Union européenne, sa filière forêt-bois était déficitaire de 6,2 milliards d'euros en 2008. La forêt française est notoirement sous-exploitée.
Songez que 60 % seulement de l'accroissement annuel est récolté !
Les entreprises de la filière bois, pour la plupart des TPE et PME, manquent de fonds propres pour se maintenir au niveau de compétitivité européen. Dans les scieries, les investissements à consentir sont comparables à ceux des industries lourdes, mais les marges sont faibles compte tenu de la taille des entreprises. A Urmatt en mai dernier, le Président de la République a demandé au ministre compétent de créer un fonds d'investissement : c'est chose faite depuis septembre. Le fonds bois vise à faire émerger des entreprises de taille suffisante pour structurer la filière. Le segment du sciage est prioritaire. Le fonds est doté de 20 millions d'euros, l'ambition étant d'atteindre 100 millions d'euros d'investissements. Les premières interventions auront lieu dès le premier trimestre 2010.
De 2007 à 2009, le ministère chargé de la forêt a également mené un plan triennal de soutien aux scieries, soit un effort exceptionnel de 25,2 millions d'euros de subventions, avec un fort effet multiplicateur : 284 millions d'euros d'investissements au total. En 2010, ce soutien sera poursuivi au même niveau. Les investissements apportant de la valeur ajoutée au sciage sont les premiers visés par ces aides.
M. Adrien Gouteyron. - Cette réponse me confirme que le Gouvernement a conscience de la gravité du problème. La création du fonds d'investissement est un élément important de la politique à mener au bénéfice de la filière. Les scieries méritent un effort tout particulier : ne serait-il pas utile de mieux informer les professionnels des possibilités d'aide ?
Financement de l'élimination des déchets
M. Simon Sutour. - Aujourd'hui, les collectivités financent le service d'élimination des déchets et ordures ménagères par la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom) ou la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom). La Reom est calculée par référence aux critères définis par la collectivité ; elle est réservée aux collectivités inférieures à 3 500 habitants, tandis que la Teom, qui dépend du taux de taxe foncière, est applicable partout.
Le transfert de la compétence « collecte et traitement des déchets et ordures ménagères » à des communautés de communes, agglomérations ou syndicats de communes a obligé bon nombre de collectivités à passer de la redevance à la taxe, avec un effet pervers : l'augmentation considérable de la facture pour les personnes, souvent âgées et à faible revenu, habitant une grande maison -une maison de famille...
De plus, l'accroissement des coûts de collecte et surtout de traitement, l'augmentation très sensible de la taxe générale sur les activités polluantes et demain peut-être la taxe carbone obligent les collectivités à augmenter les prélèvements. Les contribuables ont le sentiment qu'on les fait payer un prix excessif tout en leur demandant des efforts supplémentaires de tri sélectif.
Au nom de la solidarité et de l'équité, il serait intéressant de créer une Teom calculée pour moitié en fonction des bases du foncier bâti, pour l'autre moitié selon des critères choisis par la collectivité -la composition du foyer par exemple. Le système serait plus acceptable et plus compréhensible. Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Les communes, les EPCI et les syndicats mixtes peuvent instaurer soit une redevance -quelle que soit leur population- soit une taxe, dont la gestion est assurée par l'administration fiscale. Le financement par la taxe présente quelques inconvénients : son assiette, la taxe sur le foncier bâti, n'a pas de rapport direct avec le service rendu. Dans la redevance, les usagers paient le service pour les déchets ménagers dont ils sont responsables.
Une proposition du Grenelle de l'environnement visait à créer dans la Teom une part variable incitative fonction de la composition du foyer. Mais il apparaît que la mise en oeuvre demanderait un très gros travail à l'administration fiscale comme aux collectivités -ces dernières devraient fournir chaque année des éléments relatifs à 44 millions de foyers assujettis à la taxe foncière ! Sans compter que l'effet incitatif ne serait pas significatif.
La loi du 3 août 2009 prévoit cependant un cadre législatif autorisant les collectivités à mettre en oeuvre une tarification incitative. Redevance ou taxe devront dans les cinq ans prendre en compte la nature, le poids, le volume des déchets traités. Un groupe de travail sur le sujet sera prochainement mis en place, auquel vous pourrez apporter vos contributions.
M. Simon Sutour. - Le développement de l'intercommunalité a accentué le problème, fortement ressenti par la population. Je souhaite que l'article 4 du Grenelle II ne reste pas lettre morte et que le groupe de travail débouche sur des propositions concrètes.
Situation financière de Grigny
M. Bernard Vera. - Grigny est une des villes de banlieue auxquelles la collectivité nationale doit réparation, comme l'ont reconnu les gouvernements successifs. Ville la plus jeune de l'Essonne, elle est aussi la plus pauvre. La demande sociale et les exigences éducatives sont parmi les plus élevées de l'Ile-de-France, mais les ressources, parmi les plus faibles. En 2000, Grigny a signé avec l'État un grand projet de ville qui portait prioritairement sur l'enfance et la jeunesse. Des dépenses nouvelles ont été engagées d'un commun accord avec l'État, un plan de redressement pluriannuel a été établi par la Chambre régionale des comptes, fondé sur l'encadrement des dépenses et sur une subvention annuelle supplémentaire de l'État : elle a été de 4 millions d'euros, puis de 3 millions. Mais à partir de 2005, l'État n'a plus honoré ses engagements, abandonnant Grigny à ses difficultés. Le déficit du budget de fonctionnement ne cesse de se creuser, même si la ville a réussi à maintenir les services aux habitants tout en réduisant ses charges courantes. Les efforts de gestion ont été salués par la Chambre régionale des comptes qui note, dès 2006, que la commune « a perdu une recette cumulée de près de 5 millions d'euros en 2006 ». En 2007, la fiscalité locale est augmentée de 3 %, puis de 10 % en 2008, « le plus extrême qui peut être sollicité des habitants » selon la Chambre régionale.
Or, en septembre 2009, le préfet de l'Essonne décide unilatéralement d'augmenter les impôts à Grigny de 44,25 % pour la taxe d'habitation et de 50 % pour la taxe foncière. Les conséquences sont lourdes pour les habitants, qui ont déjà consenti d'importants efforts. La ville craint de voir partir certaines catégories de la population ; la cohésion sociale en serait affectée. Il est urgent de créer une structure de concertation pour étudier comment revenir progressivement à l'équilibre. Des pistes existent. Le nombre d'habitants est sous-évalué de 3 à 4 000 personnes, ce qui prive chaque année la commune de 3 millions d'euros de DGF. En outre, Grigny dépense chaque année 2 millions d'euros en frais financiers dus aux emprunts qu'elle est obligée de contracter : ne pourrait-elle accéder à des prêts à taux zéro ou à taux bonifié ? Qu'entendez-vous faire pour que s'ouvre une véritable concertation, pour déboucher sur un contrat d'objectifs traduisant une vraie ambition pour Grigny ? Seuls des moyens pérennes garantiront la transformation sociale et éducative.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - La détérioration des finances de la ville est très préoccupante. Depuis sept ans, le budget n'a plus été en équilibre. Et dans la spirale de l'endettement, le déficit dépassait 15 millions d'euros. Les observations et les injonctions de la Chambre régionale des comptes ont obligé le préfet à augmenter toutes les taxes locales, afin de sauver la ville de la faillite. Cela implique des efforts de la part des contribuables, c'est pourquoi le trésorier payeur général examinera avec bienveillance toutes les demandes d'étalement sans frais.
Les difficultés financières de Grigny, tout à fait exceptionnelles en France, ne peuvent être mises au seul compte de sa pauvreté. Elles résultent d'un double mouvement en ciseau : des taux de fiscalité locale inchangés depuis vingt ans et une insuffisante maîtrise des dépenses, selon la chambre régionale des comptes. Au reste, Grigny, affirme la Chambre régionale des comptes, est la ville la plus aidée de l'Essonne et bénéficie, au titre de la dotation de solidarité urbaine, complétée par la dotation de développement urbain en 2009, du fonds de solidarité de l'Ile-de-France et des aides de la politique de la ville, de pas moins de 8 millions chaque année ainsi que d'un programme de l'Anru de 370 millions sur dix ans.
Enfin, les communes, en vertu du principe de libre administration, ne pouvant être mises sous tutelle -c'est la loi-, il revient à la ville d'engager des réformes de fond pour maîtriser ses dépenses. Pour ce faire, elle peut compter sur l'aide du préfet, du trésorier payeur général -le maire a été reçu à plusieurs fois en préfecture- et de la Chambre régionale des comptes qui réalise actuellement un contrôle approfondi de sa situation financière. Monsieur le sénateur, cette ville, j'en conviens, doit mettre en oeuvre un plan de redressement sans plus tarder. Le préfet et le trésorier payeur général sont décidés à poursuivre la concertation avec les élus et le maire de Grigny.
M. Bernard Vera. - Merci de cette réponse. Soit, Grigny est la ville la plus aidée du département. Mais c'est le moins que l'on puisse faire pour cette commune qui est à la fois la plus pauvre et la plus jeune de son département. La gestion de la ville, dites-vous, serait l'une des sources de la situation actuelle. Pourtant, la Chambre régionale des comptes reconnaît ses efforts considérables en matière de réduction des dépenses courantes et des dépenses de personnel. Si Grigny continue à réduire de manière aussi drastique ses dépenses que les années passées, le grand projet de ville sera remis en cause. Pour exemple, Grigny fait face à un surcoût scolaire du fait de sa population jeune et de l'expansion démographique rapide de la commune, comme en convient la préfecture. Pour accueillir tous les élèves, la ville a construit, avec l'aide de l'Anru, un nouveau groupe scolaire. Or celui-ci ne sera pas ouvert, la ville ne pouvant financer son coût de fonctionnement de 500 000 euros. Il y a là une forte contradiction dans la politique de la ville.
Dernière remarque : Grigny ne veut pas être assistée -elle est déjà dynamique- mais, avec le soutien de ses habitants, de ses élus, de parlementaires de droite comme de gauche, elle veut avoir les moyens de faire vivre des projets d'intérêt général et les services qu'elle a contractualisés avec l'État.
Je me réjouis que le préfet poursuive la concertation avec les élus de la ville, dont je suivrai l'évolution avec intérêt. Monsieur le ministre, Grigny mérite vraiment d'être soutenue : non seulement son projet est ambitieux et solidaire, mais elle recèle aussi un important potentiel humain et économique !
Futur hôtel de police de Gap
M. Pierre Bernard-Reymond. - Monsieur le ministre, c'est en 1994 que le préfet des Hautes-Alpes a fait connaître au maire de Gap, qui n'était autre que moi-même, l'intention de l'État de construire un nouvel hôtel de police. Élu sénateur, j'ai signé le dernier jour d'exercice de mon mandat local, le 19 février 2007, une convention d'échange de terrains avec l'État qui rend ce dernier propriétaire de l'espace sur lequel il avait jeté son dévolu afin d'y construire un hôtel de police regroupant tous les services départementaux de police. L'étude de faisabilité a été réalisée. Par lettre en date du 22 octobre 2007, Mme la ministre de l'intérieur m'informait que l'engagement des études de programmation dans les prochaines semaines permettait d'envisager le début des travaux en 2010. Il est aujourd'hui permis d'en douter, ce qui est regrettable compte tenu de l'exiguïté et de la vétusté des locaux actuels.
Monsieur le ministre, où en est ce dossier ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - A l'occasion du congrès de l'association nationale des élus de montagne, j'ai pu, il y a quelques semaines, constater de visu la situation. Les locaux qu'occupent les services de police de Gap dans la cité administrative Desmichels présentent un bon état général mais leur superficie est très insuffisante. L'étude de programmation relative à la construction d'un nouvel hôtel de police doit être réactualisée afin de tenir compte des besoins dus à la création du service départemental d'information générale et de la direction départementale du renseignement intérieur. De plus, un dernier point d'urbanisme reste à régler, celui du retrait d'un droit temporaire accordé à la copropriété voisine d'autoriser la présence de châssis en pignon du bâtiment adjacent. Par ces ouvertures, l'on a une vue directe sur la cour de service, ce qui est contraire aux règles de sécurité. Le syndic de copropriété, bien que la mairie lui ait demandé à plusieurs reprises l'obstruction de ces ouvertures, n'a pas donné de réponse. Peut-être le sénateur des Hautes-Alpes en obtiendrait-il une plus rapidement ?
Monsieur le sénateur, le ministre de l'intérieur sait l'intérêt que vous portez à ce dossier qui sera pris en compte, soyez-en certain, dans une programmation immobilière ultérieure en fonction de son état d'avancement et du contexte budgétaire.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Monsieur Marleix, je vous remercie d'avoir profité du congrès de l'Anem organisé à l'Argentière-la-Bessée pour faire un détour à Gap afin de vous renseigner sur le dossier de l'hôtel de police. Au reste, ce dossier avancerait plus vite si était enfin construite l'autoroute entre Grenoble et Gap, qu'on nous promet depuis plus longtemps encore que l'hôtel de police ! (M. Alain Marleix, secrétaire d'État, sourit) Si un petit détail d'urbanisme est vraiment la cause du retard considérable qu'a pris le dossier, promettez-moi, monsieur le ministre, que, ce détail une fois réglé, l'hôtel de police sera construit rapidement !
Législation sur l'action de groupe
M. Richard Yung. - Les victimes de dommages non corporels de faible montant commis par un même professionnel, par exemple un prestataire de services, sont actuellement mal protégées. Elles hésitent souvent à engager une action judiciaire en raison de la faiblesse des montants -10 à 20 euros- bien qu'elles soient pourtant des milliers, et parfois des dizaines de milliers, lésées par un opérateur téléphonique ou un fournisseur de télévision. L'action en représentation conjointe, souvent évoquée, n'est pas efficace. A preuve, une dizaine de cas seulement ont été diligentés depuis sa création. Il est donc urgent, compte tenu de l'augmentation rapide des litiges -plus de 50 % entre 2006 et 2007-, de créer une procédure de recours collectif s'inspirant de la législation québécoise de 1978. Hélas !, la question de l'action de groupe est un véritable serpent de mer depuis que M. Chirac l'a évoquée dans ses voeux en 2005. Beaucoup a été dit, notamment par M. Chatel en 2008 ; rien n'a été fait. Contrairement à l'exécutif, les parlementaires n'ont pas été inactifs, notamment Mme Bricq et moi-même qui avons déposé en 2005 une proposition de loi. Celle-ci, ai-je la faiblesse de penser, n'était pas totalement inintéressante à constater l'hostilité qu'elle a suscitée de la part du Medef comme de Que choisir ?
M. Béteille et moi-même menons actuellement une série d'auditions dans le cadre d'un groupe de travail sur les actions de groupe. Lors des dernières assises de la consommation, votre collègue, Hervé Novelli, s'est déclaré favorable à la mise en place d'une action de groupe, mais il a subordonné son introduction à plusieurs conditions, dont la sortie de la crise économique, la réorganisation du mouvement consumériste et la transposition de la directive européenne sur la médiation.
Ces préalables sont des faux-fuyants. Pourquoi n'avançons-nous pas ? Quels sont les blocages ? La société française doit avancer, comme la société européenne. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. - Je vous prie tout d'abord d'excuser Mme Lagarde qui m'a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Les litiges de consommation constituent un domaine privilégié des contentieux de masse. La demande croissante en produits et services, le développement de l'offre grâce aux nouvelles technologies, comme la téléphonie mobile, internet ou les cartes de crédit, ont complexifié et multiplié les contrats de consommation et les techniques de vente, et cela exige des moyens de résolution des litiges proportionnés et efficaces.
Les dispositifs dits « d'action de groupe » font actuellement l'objet de nombreuses réflexions aussi bien au niveau national qu'européen -à la direction générale de la concurrence et à celle de la consommation. Mais force est de constater que les effets pervers de ce système sont largement occultés, et les dérives que cette procédure connaît outre-Atlantique justifient d'agir avec prudence. Loin de favoriser le consommateur, la création d'une procédure d'action de groupe qui s'inspirerait de ce modèle pourrait fragiliser nos entreprises, qui seront en outre contraintes, pour se garantir d'un tel risque, d'augmenter leurs tarifs pour pouvoir éventuellement se défendre dans ces coûteuses procédures judiciaires. Le consommateur final serait donc perdant.
En outre, comme l'ont avancé MM. Chatel et Novelli, certains préalables ne sont pas remplis. Nous ne sommes pas sortis de la crise économique et ce n'est le moment d'ajouter à une inquiétude économique une inquiétude juridique qui serait mal comprise des salariés de nos entreprises. Le mouvement consumériste n'est pas organisé pour piloter des procédures aussi complexes sans risque d'effets de long terme défavorables aux consommateurs.
En revanche, le développement de la médiation civile serait davantage de nature à résoudre les petits litiges, pour lesquels la résolution extrajudiciaire est parfaitement adaptée, et moins coûteuse. Cet objectif est celui de la directive 2008/52 qui vise à « apporter une solution extrajudiciaire économique et rapide aux litiges en matière civile et commerciale » et dont les travaux de transposition sont en cours entre le ministère de l'économie et la Chancellerie.
M. Richard Yung. - Je vous remercie de cette réponse mais nous connaissons par coeur tous les arguments sur la fragilisation des entreprises. Il nous est tout à fait possible d'encadrer le dispositif et de ne pas tomber dans les excès des États-Unis. Vous invoquez l'argument de la crise actuelle mais il y aura toujours quelque chose pour empêcher d'avancer. C'est très bien de développer la médiation, mais rien n'empêche de mettre en place, parallèlement, un système d'action de groupe. Au plan européen existent deux projets de directives émanant, l'une de la direction générale de la consommation, l'autre de celle du marché intérieur, et nous ne comprenons pas bien comment elles s'articulent. Une chose est sûre : la France devra prendre une initiative.
Pôle emploi
M. Robert Navarro. - Un an après sa création officielle, plus d'un tiers du personnel de Pôle emploi -60 % en Languedoc-Roussillon- a arrêté le travail fin octobre pour protester contre la manière précipitée dont s'opère la fusion de l'Assedic et de l'ANPE. Depuis cette fusion, leur charge de travail s'est considérablement accrue : certains conseillers suivent jusqu'à 160 personnes, au lieu de 60 selon la norme fixée par le Gouvernement. Les difficultés techniques liées à cette fusion sont nombreuses, comme des logiciels incompatibles. Beaucoup d'agents n'ont eu qu'une formation insuffisante, de trois à neuf jours, contre six semaines à six mois auparavant. Il en est résulté une dégradation préoccupante de leurs conditions de travail.
Les agents de Pôle emploi ont certes obtenu le report de la mise en place de l'entretien unique, à une date toujours inconnue. Je vous demande ici de le reporter à la fin 2010 et de l'échelonner de manière réaliste.
En Languedoc-Roussillon, les agents demandent également le report du déploiement des sites mixtes au second trimestre 2010 pour Narbonne, Carcassonne, Béziers, Sète, Bagnols-sur-Cèze et Alès et, ensuite, une période de latence de six mois, afin que ces sites commencent à fonctionner et à se consolider pendant que les agents suivraient des formations adaptées. Pour l'instant, un simulacre de site mixte appelé « Accueil commun » et tenu par un binôme d'agents a été mis en place, pour faire plaisir aux injonctions du Gouvernement. Là aussi, écoutez ceux qui sont au contact de la réalité, qui la vivent et démontrent l'absurdité d'un tel calendrier.
Madame la ministre, j'espère que vous ne ferez pas semblant de ne pas le voir : les personnels ne demandent pas l'arrêt de la réforme, mais d'abord un calendrier réaliste. Les difficultés de mise en place du référent unique ne sont pas uniquement liées à la crise, comme vous le soutenez, mais aussi à la réforme elle-même, au train à la fois improvisé et forcené de sa mise en oeuvre et à la multiplication des ordres et contre-ordres qui déstabilisent le personnel. M. Charpy a promis que les conditions de travail des salariés feraient l'objet d'un « examen régulier ». Mais il n'empêchera pas la dégradation desdites conditions de travail, il se contentera de la constater. La belle affaire ! Ce n'est pas non plus par un questionnaire que l'on préviendra le stress au travail. N'avez-vous pas d'autres mesures à proposer ?
Dernière question : les cotisations à l'assurance chômage indûment prélevées sur les salariés issus de l'Unedic. Pôle emploi, établissement public administratif, relevant de l'autoassurance, cette cotisation ne devrait plus être prélevée, comme l'a jugé le tribunal d'instance de Paris suite à une requête de la CFDT. Que comptez-vous faire pour que Pôle emploi respecte les droits des salariés sur ce point également ?
J'aimerais que votre réponse m'épargne la diversion peu élégante infligée à l'une de mes collègues de l'Assemblée nationale qui posait une question semblable : préférait-elle en revenir à la division des tâches entre plusieurs conseillers ? C'était une manière de ne pas répondre à sa question.
Je vais même prendre les devants : les demandeurs d'emploi préfèrent être traités en être humain par deux personnes différentes dans deux lieux différents, que d'être expédiés à la va-vite par un seul employé stressé ; ils préfèrent un service dans deux endroits différents, plutôt que pas de service du tout. On ne peut pas traiter de manière à la fois démagogique et arrogante les difficultés des personnes sans emploi et celles du personnel chargé de les aider. Simple question de respect et de décence.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. - Permettez-moi tout d'abord d'excuser M. Laurent Wauquiez qui m'a chargée de vous apporter ces éléments de réponse.
La mise en place de Pôle emploi s'est faite dans un contexte difficile puisque la crise a entraîné une augmentation de 25 % du nombre de demandeurs d'emploi depuis un an et que c'est évidemment une charge de travail supplémentaire pour les agents. Pourtant, dans ce contexte tendu, les chantiers dont l'achèvement était prévu pour la fin de l'année 2009 ont bien été menés à leur terme, et c'était une gageure. Ainsi, quasiment tous les sites mixtes ont été installés : ils sont 850 aujourd'hui, et les 50 autres seront déployés au cours des prochaines semaines. Par ailleurs, l'harmonisation et l'amélioration des statuts des agents, en accord avec le principe du « meilleur des deux statuts », sont également achevées avec la nouvelle convention collective. Enfin, et c'était la priorité du Gouvernement, malgré des tensions en cours d'année, la qualité du service aux demandeurs d'emploi a été préservée : contrairement à ce qui s'était passé pendant la crise de 1993, il n'y a eu aucun retard d'indemnisation, ni de fermetures d'agences pendant plusieurs jours. Le taux d'inscription dans les cinq jours après l'identification du demandeur d'emploi est supérieur à 90 %.
Au 5 janvier, tous les sites du Languedoc-Roussillon avaient été déployés en sites mixtes conformément à la définition qui en est donnée nationalement : accueil du public par des équipes mixtes sur un seul et même site. Tous les directeurs des sites mixtes sont nommés et en poste. Ainsi, les équipes de direction des sites de Narbonne, Carcassonne, Béziers, Sète, Bagnols-sur- Cèze et Alès sont en poste depuis la fin de 2009. La mise en place finale des sites mixtes sera réalisée au cours du premier trimestre 2010, notamment pour l'accueil des demandeurs d'emploi.
Pour remédier à la surcharge de travail générée par l'augmentation du chômage, la direction de l'établissement a décidé d'accroître la vigilance régionale et départementale par un suivi quotidien des dossiers en instance d'instruction et la mutualisation de leur traitement entre régions afin de réduire les délais de réponse aux demandeurs d'emploi. L'embauche de renforts a permis de créer et de piloter des plateformes de traitement centralisées. Au total, Pôle emploi a recruté 61 personnes titulaires sur des contrats à durée indéterminée et 235 personnes en contrats à durée déterminée en Languedoc-Roussillon entre janvier et octobre 2009.
Les directions et les agents en contact avec le public ont bénéficié de formations. Les réponses aux questions les plus complexes sont apportées par des conseillers spécialistes. Les agents recevront une formation complémentaire au cours de 2010, sur le placement pour les agents ex-Assedic et sur l'indemnisation pour les ex-ANPE.
Cette réforme de Pôle emploi est difficile. Si ce n'était pas le cas, on ne l'aurait pas repoussé pendant plus de vingt ans. Dans un contexte difficile, le Gouvernement est mobilisé pour continuer la rénovation et la modernisation de Pôle emploi, avec une priorité : améliorer le service aux demandeurs d'emploi.
M. Robert Navarro. - Merci pour votre réponse, madame la ministre. Les personnels ne sont pas opposés à la réforme mais ils souhaitent bénéficier de délais supplémentaires et d'une formation adaptée.
Écotaxe poids lourds en Alsace
M. Roland Ries. - L'Alsace expérimentera dans quelques mois, et au plus tard le 31 décembre 2010, l'écotaxe poids lourds, comme cela avait été demandé par le regretté Adrien Zeller, président du conseil général d'Alsace. Les reports de trafic constatés depuis l'instauration d'une écotaxe sur les autoroutes fédérales allemandes impliquait la mise en place d'une taxe équivalente en Alsace pour viser les véhicules de plus de 12 tonnes, comme l'ont fait les Autrichiens et les Suisses.
Il n'est pas question de remettre en cause le bien-fondé de cette écotaxe, car elle permettra de favoriser le report modal, mais il convient de s'interroger sur sa mise en oeuvre. En effet, à chaque fois qu'un pays membre a instauré une telle taxe, les camions ont dû s'équiper d'un nouvel appareil. Or, l'un des buts de l'Europe n'est-il pas de lutter contre le morcellement des législations et des techniques ? Ne serait-il pas pertinent que la France adopte un système compatible avec celui d'un autre pays membre de l'Union européenne ? Celui en vigueur en Allemagne me semble d'autant plus indiqué qu'une union technologique franco-allemande constituerait un argument de poids lorsque la Commission se penchera sur l'harmonisation de tous les systèmes dans l'Union.
J'aimerais également connaître votre sentiment sur la rationalisation et la simplification du prélèvement de l'écotaxe. Quelle réponse peut-on donner à ceux qui arguent de la grande complexité du mode de calcul et de prélèvement de cette écotaxe ? Une seule voie pourra très bien être taxée différemment selon qu'elle dépende de telle ou telle collectivité. Ainsi en serait-il pour la N59 et ses voies départementales satellites qui desservent le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, les Vosges et la Meurthe-et-Moselle. Quelle solution proposer aux professionnels du secteur qui s'inquiètent ?
J'en viens aux modalités du prélèvement de cette écotaxe. Compte tenu de l'apparition prochaine de la taxe carbone, que répondre à ceux qui demandent, au nom d'une rationalisation des calculs de coûts de transports, un prélèvement unique de ces deux nouvelles taxes ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat. - L'instauration de la LKW Maut en Allemagne a entraîné un report important de trafic de poids lourds sur l'autoroute A35 en Alsace. Pour l'éviter, une éco-redevance pour les poids lourds a été instituée, à titre expérimental, sur l'axe nord-sud de la région Alsace et sur les routes susceptibles de subir un report de trafic.
La loi de finances pour 2009 a prévu la suppression de l'éco-redevance spécifique à l'Alsace, dès l'entrée en vigueur de l'éco-redevance nationale. Des études détaillées ont été menées en 2005 et en 2006 pour mettre en place la redevance alsacienne. L'éco-redevance devrait ainsi couvrir quelque 190 kilomètres de routes et produire une recette brute d'environ 30 millions par an. Les deux conseils généraux concernés ont décidé que 54 kilomètres de routes départementales seraient également soumises à la redevance alsacienne. Le projet de décret est actuellement soumis à l'avis du Conseil d'État.
Compte tenu de la complexité technique du dispositif, de la volonté de ne pas multiplier sur le territoire national plusieurs dispositifs qui ne seraient pas interopérables et de l'impossibilité juridique de se rattacher au système allemand, le Gouvernement a décidé de ne mettre en place qu'un seul et unique dispositif technique. Il a donc choisi d'intégrer la mise en oeuvre provisoire et anticipée de l'éco-redevance alsacienne dans le contrat de partenariat public-privé relatif au recouvrement de l'éco-redevance nationale. Ainsi, il y aura bien un unique partenaire, retenu au terme d'une unique procédure, qui sera appelé à mettre en oeuvre les éco-redevances alsacienne et nationale. Le processus de dialogue compétitif devrait aboutir à un contrat de partenariat au second semestre 2010. Le type de technologie, les délais de conception et de déploiement du dispositif de collecte de l'éco-redevance permettront d'affiner le calendrier global du projet et de sélectionner le partenaire. Des pourparlers se sont engagés avec les quatre candidats restés en lice. La conception du dispositif de recouvrement par télépéage, son financement, son déploiement et son exploitation seront donc confiés au même opérateur titulaire de ce contrat unique. Il aura recours pour l'Alsace aux mêmes technologies, produits et systèmes logiciels et au même cadre contractuel que pour toute la France. Le contrat prévoira la mise en oeuvre anticipée de l'éco-redevance sur le territoire alsacien, ce qui permettra en outre de tester le fonctionnement du nouveau dispositif à l'échelle d'une région avant son extension à la totalité du territoire national. L'éco-redevance alsacienne fera l'objet d'une véritable collecte. II ne s'agira pas, comme certains l'ont cru, d'une éco-redevance « à blanc ».
En ce qui concerne l'interopérabilité avec l'Allemagne, les spécifications du système actuellement en vigueur en Allemagne, propriété de l'opérateur Toll Collect, ne relèvent pas du domaine public. Le système allemand étant « propriétaire », il n'est pas possible d'y faire fonctionner des équipements embarqués autres que ceux utilisés par Toll Collect. De même, la recherche d'une interopérabilité technique entre les deux systèmes, qui autoriserait le fonctionnement d'équipements allemands dans le système français, présuppose la conclusion d'accords contractuels entre les deux opérateurs et une modification des clauses liant l'opérateur Toll Collect à l'État allemand.
Vous vous interrogez également sur un éventuel prélèvement unique de l'éco-redevance et de la future contribution climat énergie (CCE). L'éco-redevance couvre les coûts d'usage de l'infrastructure : il correspond donc à la seule distance parcourue sur le réseau taxé. En revanche, la CCE ne taxe que la consommation de carburant. Les modalités de prélèvement de l'éco-redevance poids lourds ne peuvent donc pas être les mêmes que celles de la CCE. II ne saurait y avoir d'équivalence entre un kilomètre parcouru sur le réseau soumis à éco-redevance et la production d'une tonne de CO2.
M. Roland Ries. - Merci pour ces explications et ces précisions, madame la ministre. Pour ce qui concerne l'interopérabilité européenne, la route est encore longue... (Sourires) La construction européenne pourrait aussi porter sur des dossiers très concrets, comme celui-ci.
Propriétaires-bailleurs de la loi Demessine
M. Thierry Repentin. - De nombreux propriétaires-bailleurs ayant réalisé un investissement immobilier en résidences de tourisme rencontrent d'importantes difficultés. Plusieurs grands quotidiens régionaux se sont fait l'écho de ces problèmes qui se posent tout particulièrement dans les zones touristiques. Le dispositif précité, dont l'objectif était de promouvoir la construction de résidences dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), accorde aux investisseurs privés la possibilité d'acquérir un bien hors taxes avec une réduction d'impôts échelonnée sur six ans à condition que le logement situé en résidence de tourisme soit confié avec un bail à un gestionnaire pendant au moins neuf ans. Cet outil de défiscalisation a été perçu par de nombreux investisseurs comme un moyen de se constituer un patrimoine susceptible de compléter leur retraite tout en leur laissant la possibilité de reprendre leurs biens au terme du bail de neuf ans.
En réalité, des gestionnaires de ces résidences ont retardé, voire suspendu très rapidement les règlements des loyers aux propriétaires, en leur imposant parfois une réduction de 50 à 60 % de leur montant initial, malgré une activité touristique correcte.
Dans certains cas, la valeur des biens acquis a fortement chuté, quand elle n'est pas totalement nulle lorsque les chantiers ont été interrompus. Les propriétaires n'ont alors d'autre alternative que d'accepter les conditions des gestionnaires afin d'éviter une requalification fiscale lourde de conséquences : remboursement de la TVA sur le logement et reprise de la réduction d'impôts.
D'après les données fournies par une association de propriétaires, 200 résidences et plus de 20 000 familles seraient concernées. Face à cette situation, les parlementaires membres de l'Association nationale des élus de la montagne (Anem), ont introduit diverses dispositions dans la loi de finances pour 2010. Ainsi le délai de reprise de la réduction d'impôts pour l'acquisition de résidences de tourisme dans les ZRR en cas de rupture de l'engagement de location lié à la défaillance de l'exploitant a été porté à trois ans. En outre, la reprise de la réduction d'impôt est supprimée lorsque les copropriétaires, au terme d'un délai de douze mois pendant lesquels la recherche d'un gestionnaire s'est avérée infructueuse, substituent au gestionnaire défaillant une ou plusieurs entreprises qui assument les mêmes prestations sur la période de la location restant à courir.
Toutefois, les propriétaires concernés aimeraient savoir ce qu'il en est de la possibilité qui leur est offerte de reprendre leur logement grâce à une société adaptée. En outre, le délai de carence d'un an pour retrouver un nouveau gestionnaire leur semble trop long. Ils souhaitent également prévoir une clause concernant la recette dans le calcul du loyer. Enfin, ils réclament une instruction fiscale qui préciserait qu'en cas de faillite d'un gestionnaire, le propriétaire puisse basculer en régime « Loueurs de meublés non professionnels » ou en « Bénéfices industriels et commerciaux » pour la durée restante de l'engagement fiscal initial, tout en gardant le bénéfice de la réduction d'impôts sur les revenus acquis à la date de la faillite.
Sur ces différents points complexes, je souhaite avoir, madame la ministre, votre sentiment pour répondre à l'inquiétude grandissante d'un certain nombre de ménages qui se trouvent dans une situation très difficile.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat. - Je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre du budget qui, en déplacement à Berlin, ne pouvait être là pour vous répondre.
En cas de défaillance du gestionnaire, les difficultés des contribuables, investisseurs en résidence de tourisme dans le cadre du dispositif Demessine, sont réelles. De nombreuses mesures ont été prises afin d'y remédier.
Concernant l'impôt sur le revenu, le bénéfice des réductions d'impôt est subordonné à un engagement du contribuable de louer le logement de manière effective et continue pendant au moins neuf ans à l'exploitant de la résidence de tourisme. En cas de non-respect de l'engagement de location, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année de la rupture de l'engagement ou de la cession du logement. Cela étant, il est admis que la période de vacance entre l'ancien et le nouvel exploitant du logement puisse, dans certains cas limitativement énumérés de défaillance de l'exploitant précédent, être supérieure à un mois, sans toutefois excéder douze mois.
Le dispositif Demessine a été modifié dans la loi de finances pour 2010 afin d'améliorer la situation des investisseurs. L'article 23 permet sous certaines conditions d'étaler sur trois ans la reprise de la réduction d'impôt. L'article 86 précise que l'indexation d'une part minoritaire du loyer sur le chiffre d'affaires de la résidence ne fait pas obstacle à l'imposition des revenus locatifs dans la catégorie des revenus fonciers, et donc au bénéfice de la réduction d'impôt Demessine. Il appartiendra aux parties de fixer cette part variable, dans le cadre légal ainsi défini, sachant que la part fixe devra rester majoritaire.
Enfin, l'article 87 introduit une nouvelle exception à la remise en cause de la réduction d'impôt lorsque les copropriétaires substituent au gestionnaire défaillant une entreprise qui assurera les mêmes prestations sur la période de location restant à courir. Cette faculté leur est ouverte à la double condition que la candidature d'un autre gestionnaire n'ait pu être retenue après un délai d'un an et qu'ils regroupent au moins 50 % des appartements de la résidence. Ce délai de carence ne saurait être réduit car il convient de donner toutes ses chances à la reprise de la gestion professionnalisée de la résidence de tourisme par un nouveau gestionnaire, dans l'esprit de la loi Demessine, avant d'envisager une gestion directe par les propriétaires.
Ces nouvelles dispositions feront l'objet de commentaires détaillés dans une instruction administrative, qui fera elle-même l'objet d'une large consultation.
Le Gouvernement n'est pas favorable au basculement sur un autre régime d'imposition qui conserverait le bénéfice de la réduction d'impôt. Cela donnerait aux bailleurs un cumul d'avantages fiscaux et les autoriserait à donner eux-mêmes leur logement en location, alors que la mise en location par l'intermédiaire d'un exploitant est l'un des principes de base du dispositif Demessine qui repose sur la professionnalisation de l'accueil touristique, gage de qualité.
M. Thierry Repentin. - M. Woerth est d'autant plus aisément excusé que son absence nous donne le plaisir d'entendre Mme Létard clarifier la situation. C'est bien la défaillance du gestionnaire -voire du promoteur- qui met les bailleurs concernés en difficulté.
Il faudrait faire un bilan de cette loi car on peut se demander si l'on ne prétend pas en utiliser les dispositions même dans des communes dont le caractère touristique est sujet à caution, ce qui expliquerait les défaillances en cause.
Ariane et le lanceur chinois
M. Michel Boutant. - En mars dernier, l'opérateur européen de satellites Eutelsat a confirmé le choix d'une fusée chinoise Longue Marche pour le lancement de son satellite de télécommunications W3B. Cette décision pose des problèmes d'ordre commercial -elle favorise un concurrent du lanceur européen-, d'ordre stratégique, puisque le spatial est un domaine de souveraineté et d'ordre social, puisque Arianespace fait vivre la filière spatiale française, source de milliers d'emplois.
Quelle a été la position de l'État actionnaire lors de la prise de la décision d'Eutelsat ? Quelles sont les mesures envisagées pour soutenir l'industrie spatiale française et européenne ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'état chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat. - Eutelsat a annoncé, en mars 2009, le choix de la fusée chinoise Longue Marche pour le lancement du satellite W3B. Auparavant, Eutelsat avait confié 24 de ses 40 lancements à Arianespace.
Eutelsat est, depuis 2001, une société anonyme, cotée à la bourse de Paris. II est ainsi tout à fait compréhensible qu'elle diversifie ses fournisseurs de services de lancement, ne serait-ce que par crainte de voir ses satellites cloués au sol en cas d'accident et d'interruption des lancements sur une longue durée. Il semble aussi que le lanceur Longue Marche serait moins cher qu'Ariane.
La décision d'Eutelsat ne met nullement en péril l'équilibre économique d'Arianespace dont le succès commercial est réel. En témoignent un carnet de commandes très rempli et le fait que la société a pu doubler le prix des lancements en trois ans. Sept lancements ont eu lieu en 2009 et autant sont programmés en 2010.
La décision d'Eutelsat témoigne également de la vitalité de l'industrie spatiale européenne rendue possible par son autonomie technologique en la matière. Le développement de technologies européennes indépendantes des américaines a permis d'augmenter la compétitivité et la maturité de l'industrie européenne, garantes de la souveraineté européenne dans ce domaine stratégique. C'est ainsi qu'Eutelsat a fait fabriquer 39 de ses 40 satellites par les industriels européens Astrium et Thales Alenia Space. Cette politique d'autonomie technologique donne aux constructeurs européens accès à un marché plus large : Thales Alenia Space, constructeur du satellite W3B, a la maîtrise de ses technologies et propose des satellites qui peuvent être mis en orbite par tous les lanceurs.
L'État est particulièrement attentif au développement de l'industrie spatiale française et européenne. Ce soutien s'est manifesté tout au long de la présidence française de l'Union et a pris corps à l'occasion du conseil ministériel de La Haye en novembre dernier, où plus de 10 milliards ont été investis dans la filière spatiale européenne, dont 2,3 pour la France. Avec l'aéronautique, l'espace devrait être financé à hauteur de 2 milliards dans le cadre de l'emprunt national. Le 14 décembre, le Président de la République a souhaité que soient engagés les travaux préparatoires pour la génération de lanceur à venir Ariane 6.