Droits des personnes liées par un Pacs
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Discussion générale
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi. - Le pacte civil de solidarité, ou Pacs, créé par la loi du 15 novembre 1999, fête ses dix ans. Je ne reviendrai pas sur les débats houleux qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ni sur l'opposition farouche de la majorité sénatoriale, qui appartiennent au passé. Si le Pacs a constitué une avancée majeure pour les homosexuels, il ne leur est pas réservé : ils représentaient 25 % des pacsés en 2000, mais seulement 5,6 % en 2008.
En 2008 146 084 pactes ont été signés, soit 43 % de plus qu'en 2007. Au total, plus d'un million de personnes ont choisi cette forme d'union : le Pacs a répondu aux aspirations de couples qui, ne désirant pas se marier ou n'en ayant pas le droit, n'en souhaitent pas moins bénéficier d'un statut protecteur. Donnant des droits et des obligations en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d'impôts et de droits sociaux, plus souple que le mariage mais plus protecteur que le concubinage, il est devenu un troisième mode de conjugalité.
Deux étapes ont contribué au succès du Pacs : la loi de finances pour 2005 a instauré le principe de l'imposition commune dès la première année ; la loi sur les successions et libéralités du 23 juin 2006 a fait du Pacs un véritable statut du couple, intégrant l'état de la personne. La séparation de biens est devenue le régime patrimonial de droit commun et de nouveaux droits ont été accordés aux partenaires, qui se doivent désormais une aide matérielle et une assistance réciproques et sont solidaires des dettes de la vie courante. Un droit au maintien dans le logement a également été reconnu au partenaire survivant. Le statut du Pacs a donc été rapproché de celui du mariage.
Notre proposition se situe dans cette voie sans assimiler le Pacs au mariage, contrairement à ce qu'a écrit Mme le rapporteur. Le droit a accompagné l'évolution de la société et cette forme d'union est devenue de plus en plus stable. Nous ne disposons que d'un recul de dix ans, mais le ministère de la justice confirme la stabilité du Pacs, avec un taux de dissolution de 15 % pour un taux de divorces de 30 %. Un quart des ruptures sont le fait de couples qui souhaitent se marier. Il faut noter, toutefois, que le nombre des divorces a connu un pic en 2005 après la réforme de 2004, qui en a simplifié la procédure. Le mariage ne protège donc pas davantage de la rupture.
Contrairement à ce que prédisaient ses détracteurs, le Pacs a acquis un statut juridique à part entière et il est plutôt synonyme de stabilité. Il n'est pas devenu un mariage bis car il ne crée aucun droit en matière de filiation, d'adoption ou de procréation médicalement assistée. Indépendamment de mon opinion personnelle, je ne propose pas de modifier la législation en ce sens mais simplement de renforcer les droits des pacsés dans certains domaines. Dès 1999, nous avons demandé que les Pacs puissent être conclus en mairie, alors que cette procédure relève toujours des tribunaux d'instance. L'établissement d'un certificat de concubinage est assuré par un officier d'état civil : pourquoi n'en serait-il pas de même pour le Pacs ?
La loi sur les successions et libéralités de 2006 a prévu que le Pacs serait désormais mentionné sur l'acte de naissance. Cette disposition a été introduite dans la loi à l'initiative du Gouvernement et du garde des sceaux d'alors, Pascal Clément. Deux amendements, déposés par Robert Badinter et le groupe socialiste, et par vous-même, madame le rapporteur, qui prévoyaient que l'identité du partenaire figure également sur l'acte de naissance, ont été adoptés. Pascal Clément et le rapporteur, Henri de Richemont, craignaient que cela ne fasse du Pacs un nouvel acte d'état civil. Je n'ai pas l'habitude de considérer la parole du Gouvernement comme parole d'évangile, mais je considère que depuis lors le Pacs est également un acte d'état civil. (Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois, le conteste)
L'inscription du Pacs en marge de l'état civil, sans mention de l'identité du partenaire, était une des recommandations de la mission d'information de l'Assemblée nationale, dont le rapporteur était Valérie Pécresse, dans son rapport du 25 janvier 2006. Le législateur est allé plus loin et a dépassé les clivages politiques. Le 15 octobre 2008, le député et président du conseil général des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, a déposé une proposition de loi visant à permettre la conclusion du Pacs dans les mairies. Selon lui, bien que le greffe du tribunal d'instance ait des compétences administratives, il « n'en demeure pas moins un tribunal, donc un lieu inadapté à la signature d'une convention établissant et organisant la vie commune d'un couple ».
La mairie est un lieu plus accessible et plus proche des citoyens, surtout avec la réforme de la carte judiciaire qui prévoit la suppression de 178 tribunaux d'instance. Tous les actes importants de la vie y sont enregistrés : naissance, mariage, décès, certificat de concubinage, baptême républicain. Vous nous dites que les maires sont opposés à cette mesure, mais les mentalités évoluent.
Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois. - Ce n'est pas une question de mentalités.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question. - De plus en plus de mairies organisent des cérémonies de Pacs et, si la position du bureau de l'AMF est constante, les maires n'ont pas été consultés.
L'évolution de la nature même du Pacs impose de repenser les conditions de son enregistrement : nous proposons d'y procéder en mairie.
Et aussi de créer un Pacs in extremis, à l'image du mariage in extremis, en cas d'empêchement grave ou de péril imminent de mort. Vous indiquez, madame le rapporteur, que cet article serait satisfait grâce à la modification apportée par l'article 37 de la loi pénitentiaire à l'article 515-3 du code civil. Désormais, le procureur peut requérir du greffier de se transporter au domicile du partenaire qu'un empêchement grave interdit de se déplacer. Mais notre article 2 relève de la même logique que l'article premier : à la différence du droit nouvellement en vigueur, nous demandons que ce soit l'officier d'état civil qui se déplace et non le greffier.
Je n'évoquerai que d'un mot la question de la reconnaissance en France des partenariats conclus à l'étranger, puisque la loi de mai 2009 de simplification du droit a opportunément remédié à cette lacune de la législation. En revanche, le Pacs ne confère pas de droit pour l'acquisition de la nationalité française. La commission des lois de l'Assemblée nationale avait prévu, en octobre 1998, la prise en compte du pacte civil de solidarité dans l'examen d'une demande de naturalisation, avec une condition de durée du Pacs fixée à un an, proposition qui a finalement été rejetée par les députés. La proposition de loi que le groupe communiste avait alors déposée à l'Assemblée aux côtés de celle de nos collègues socialistes, prévoyait déjà que « l'étranger lié à un Français par un pacte civil de solidarité bénéficie de droits plus larges et soit considéré comme ayant des liens personnels en France de nature à lui ouvrir un droit au séjour et d'acquérir la nationalité française par déclaration un an après la conclusion du pacte ». Aujourd'hui, le droit applicable aux étrangers a été considérablement durci, notamment en ce qui concerne l'acquisition de la nationalité. Désormais, la condition de durée du mariage est fixée à quatre ans avant que le conjoint étranger d'un Français puisse demander sa naturalisation. Nous n'avons pas voulu être provocateurs en abaissant ce délai à un an : nous avons donc modifié notre proposition initiale en fixant la durée du Pacs à quatre ans.
La facilité de conclusion d'un Pacs, sans contrôle du ministère public alerté par l'officier d'état civil comme c'est le cas pour le mariage, laisserait à penser qu'après les mariages blancs et les mariages gris, nous verrions apparaître les Pacs blancs, et pourquoi pas les Pacs gris ! Ne partageant pas cette vision suspicieuse des unions entre Français et étrangers, nous proposons d'étendre le droit à l'acquisition de la nationalité française des conjoints aux pacsés.
La deuxième partie de notre proposition de loi étend certains droits sociaux aux partenaires. La question de la pension de réversion se pose depuis plusieurs années sans jamais avoir reçu de réponse. Le droit a créé des droits et obligations réciproques : le principe de solidarité entre les partenaires s'applique durant leur vie commune. Les partenaires sont ainsi soumis : à une obligation d'assistance impliquant une aide morale et psychologique ainsi que matérielle à l'égard du partenaire en difficulté ; à une obligation solidaire aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante ; à une obligation de vie commune. Enfin, le principe de présomption de pouvoir pour les biens meubles détenus individuellement leur est applicable. Pourquoi le principe de solidarité qui s'applique du vivant des partenaires ne se prolongerait-il pas après le décès de l'un d'entre eux ? Le Président de la République avait déclaré, durant sa campagne électorale : « Je suis pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d'instance, mais par la mairie. (...) Cette union civile, à la mairie, entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira, par exemple, jusqu'au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ». Cette évolution du droit, nous l'avions proposée lors de la création du Pacs et nous avons ensuite déposé des amendements en ce sens à l'occasion des projets de loi de financement de la sécurité sociale ainsi qu'une proposition de loi en mars dernier. En janvier 2006, la mission d'information de l'Assemblée nationale préconisait d'étendre la pension de réversion aux pacsés depuis au moins cinq ans. Dans son arrêt Maruko du 1er avril 2008, la Cour de justice des communautés européennes a considéré que le refus d'une pension de réversion à des partenaires de même sexe constituait une discrimination indirecte en raison de l'orientation sexuelle prohibée par la directive 2000/78. La Halde a rendu une délibération, le 19 mai 2008, qui va encore plus loin : s'appuyant sur la Convention européenne des droits de l'homme, elle a considéré que « les dispositions législatives issues du code de la sécurité sociale constituent une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle en excluant du droit pension de réversion les partenaires survivants ». Le Conseil d'orientation des retraites ou encore la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la Mecss, se sont prononcés le premier en faveur de l'ouverture d'un débat et la seconde pour l'extension de la réversion aux pacsés, sous la condition d'une durée de Pacs de cinq ans. Enfin le Médiateur de la République préconise une telle extension, en diminuant la condition de durée à deux années.
L'Allemagne a été condamnée pour discrimination parce qu'elle ne prévoyait pas la réversion au partenaire survivant : vous objectez que l'Allemagne est un cas particulier puisque le Pacs n'y a été institué que pour les homosexuels, ceux-ci étant dans l'impossibilité de se marier. Mais plusieurs pays européens ont étendu leur législation en matière de réversion aux personnes liées par un Pacs, quel que soit leur sexe. Au Royaume-Uni, les régimes complémentaires professionnels accordent une réversion au partenaire survivant, droit parfois étendu aux concubins. Au Danemark, le régime de retraite complémentaire ATP et le régime complémentaire des fonctionnaires appliquent ce droit à la réversion, y compris aux concubins notoires. En Suède, c'est le régime national d'assurance vieillesse qui prévoit un tel bénéfice, y compris pour les concubins avec enfants, ainsi que le régime complémentaire professionnel des salariés du secteur privé. Enfin, aux Pays-Bas, un droit à la réversion est accordé par les régimes complémentaires professionnels, y compris aux concubins ayant déclaré leur concubinage par acte notarié. Pour tous ces pays, c'est l'existence d'une communauté de vie qui constitue le critère d'octroi de droits sociaux, et non la forme juridique de l'union choisie. L'exemple de l'Europe est donc très intéressant mais, comme toujours, vous ne le citez que lorsque cela vous arrange ! Vous citez dans votre rapport l'avis du 28 juin 2002 du Conseil d'État mais ce dernier n'interdit pas de traiter deux situations juridiques différentes de manière identique ; le législateur peut tout à fait prévoir une égalité de traitement. Quant à l'avis du 6 décembre 2006, il a été rendu avant l'entrée en vigueur de la loi sur les successions et les libéralités, loi qui crée des droits et obligations en faveur des pacsés quasiment identiques à ceux des personnes mariées. Le droit ayant été modifié dans un sens plus favorable aux pacsés, la question de l'extension de la pension de réversion ne doit plus être reportée, comme vous nous le proposez, à 2010, dans le cadre d'une réforme globale des retraites.
Enfin, comment le Gouvernement peut-il, lorsqu'il s'agit de violences conjugales, mettre sur le même plan les couples pacsés, concubins et mariés et refuser cette égalité pour les droits sociaux ?
Pour les congés à l'occasion d'événements familiaux, nous proposons d'accorder aux pacsés des droits plus favorables que ne le prévoit le code du travail ou même certaines conventions collectives.
Je ne peux que regretter la position de la commission des lois, qui invite à rejeter ce texte. L'enregistrement du Pacs en mairie ne ferait que prolonger une évolution du droit dont vous êtes vous-mêmes à l'origine, puisque le Pacs peut d'ores et déjà être considéré comme un acte d'état civil. Le droit à la réversion correspond à une évolution des attentes des pacsés, pour l'instant privés d'une juste contrepartie des obligations auxquelles ils sont soumis durant leur vie commune. J'appelle le Sénat à franchir une étape décisive dans l'histoire du pacte civil de solidarité. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois. - Depuis la création du Pacs, il y a maintenant dix ans, plus d'un million de personnes ont choisi cette forme d'union. En 2008, 146 030 Pacs ont été conclus, contre 273 500 mariages, soit environ un Pacs pour deux mariages. Ce pacte trouve son origine dans la volonté d'offrir à tous les couples, aussi bien hétérosexuels qu'homosexuels, un statut juridique davantage organisé que le simple concubinage. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires, en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d'impôts et de droits sociaux. Intermédiaire entre le mariage et le concubinage, il cherche à concilier la protection apportée par le premier avec la souplesse de formation et de dissolution que permet le second. Il ne constitue pas une première étape avant le mariage : il intervient au moment où d'autres couples privilégient le mariage. En outre, avec un recul de dix ans, il apparaît que le Pacs n'est pas incompatible avec une certaine stabilité. C'est pourquoi le législateur l'a fait évoluer ces dernières années afin de renforcer la position réciproque des deux partenaires. En particulier, il a fait du Pacs un véritable statut du couple, et y a renforcé le devoir de solidarité.
Ainsi, les partenaires se doivent aide à matérielle et assistance réciproques.
Néanmoins, le Pacs ne peut devenir un mariage bis.
Il reste un contrat limité pour l'essentiel à la sphère patrimoniale, destiné à régler les conditions matérielles de la vie commune. Malgré l'inscription en marge de l'acte de naissance de chaque partenaire, il ne peut être assimilé à un acte d'état civil. Il ne crée en particulier aucun droit en matière de filiation, d'adoption, de délégation d'autorité parentale, ni de recours à la procréation médicalement assistée : à cet égard, les partenaires sont dans une situation identique à celle de concubins.
Le Pacs obéit à un formalisme réduit pour sa conclusion, sa modification ou sa dissolution. Alors que l'institution matrimoniale subit des contraintes procédurales interdisant à toute partie d'en disposer librement, le Pacs est depuis l'origine à la libre disposition des partenaires, qui font simplement une déclaration au greffe du tribunal d'instance où ils souhaitent fixer leur résidence commune.
La proposition de loi tend à rapprocher le Pacs du mariage quant aux modalités de conclusion et pour l'acquisition de la nationalité et à renforcer les droits sociaux des partenaires. S'inspirant des préconisations du Médiateur de la République et de la Halde, il tend à instituer une pension de réversion et des droits à congé pour événements familiaux en faveur des partenaires.
Je tiens à souligner que de nombreux droits sociaux existent déjà, comme la couverture par l'assurance-maladie et l'assurance maternité en tant qu'ayant droit de son partenaire. De même, le décès d'un des partenaires donne droit à un congé de deux jours au survivant, qui peut aussi obtenir le capital décès versé par la sécurité sociale.
Un temps écartés de ce dispositif, les fonctionnaires de l'État en bénéficient depuis le 21 novembre, à condition que le pacte ait été conclu depuis plus de deux ans. Toujours dans la fonction publique, un fonctionnaire pacsé est prioritaire pour un emploi plus proche de son partenaire.
La commission des lois, qui a examiné cette proposition le 25 novembre, a constaté que deux demandes sont déjà satisfaites. La loi du 12 mai 2009 impose désormais l'application de la loi de l'État d'enregistrement du partenariat, lorsque celui-ci est conclu à l'étranger. En outre, la loi pénitentiaire promulguée le 24 novembre permet d'enregistrer le Pacs hors du greffe du tribunal d'instance en cas d'empêchement grave.
En revanche, l'article 5 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires confère expressément à l'ordre public local un caractère opposable à l'enregistrement par les autorités consulaires françaises d'un Pacs conclu à l'étranger. Il convient pour cette raison d'écarter l'article 2 du texte.
De façon générale, votre commission estime que les rapprochements intervenus entre Pacs et mariage n'imposent aucune assimilation entre ces deux formes de conjugalité. Comme le Conseil d'État l'a indiqué en 2002, les liens juridiques entre partenaires ayant été organisés différemment de ceux en vigueur dans le cadre du mariage, le principe d'égalité n'impose pas de traitement systématiquement identique. Il n'y a donc aucune obligation juridique à faire découler des droits jumeaux de ces deux dispositifs.
Rien n'impose d'aligner l'enregistrement des Pacs sur la procédure suivie pour le mariage, puisque l'enregistrement au greffe n'entrave pas le droit de s'engager dans le cadre d'un Pacs. En outre, imposer aux maires d'accomplir cette formalité constituerait pour eux une charge matérielle nouvelle difficile à supporter par les petites communes, (rires à gauche.) d'autant plus qu'elle s'ajouterait aux transferts récemment opérés dans des conditions difficiles, à commencer par la délivrance des titres d'identité ou par la mise en place dans les mairies de dispositifs destinés à favoriser l'accès aux droits et à la justice.
Les maires n'ont pas été consultés sur ce sujet depuis dix ans ? Le bureau de l'Association des maires de France, qui les représente, s'est prononcé en 2008 contre la conclusion de Pacs en mairie.
La souplesse inhérente au Pacs, souvent recherchée par des personnes estimant l'institution matrimoniale trop contraignante, justifie un traitement différencié par rapport au mariage, par exemple pour l'acquisition de la nationalité, car la facilité de conclusion et de rupture du Pacs s'oppose par nature à ce que des effets pérennes en découlent nécessairement.
Entre souplesse et protection, le Pacs repose sur un équilibre fragile : tout renforcement de la protection limite la liberté de chacun et peut imposer un contrôle plus poussé de l'autorité publique sur le partenariat conclu.
L'initiative de notre collègue pose toutefois la question légitime de savoir s'il faut renforcer encore la protection des personnes engagées dans un Pacs.
Les auditions ont mis en relief la faible protection des partenaires en cas de décès ou de séparation, car le survivant ou la personne délaissée est dans une situation moins favorable que celle d'un ex-conjoint. Il est donc légitime d'envisager une extension des droits sociaux liés au Pacs, qu'il s'agisse du bénéfice de réversion ou des droits à congé pour événements familiaux, mais cette évolution doit être replacée dans la réforme des retraites et du dialogue social.
Partageant l'opinion formulée en 2007 par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de votre commission des affaires sociales, la commission des lois estime légitime l'extension au partenaire survivant du bénéfice de la réversion, sous conditions de durée de l'union et surtout dans le cadre de la réforme globale du système actuel, annoncée pour 2010 par le Gouvernement. Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que ce sujet important sera traité l'année prochaine ?
Votre commission renvoie aux partenaires sociaux le soin de se pencher sur l'extension au Pacs du congé octroyé aux salariés en cas de mariage, seuls certains accords de branche ayant prévu en la matière des droits, souvent moins favorables. Il convient d'attendre ces négociations avant que le législateur ne statue.
Pour ces raisons, votre commission propose non pas de rejeter le texte, mais de ne rien adopter sur ce sujet. (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Tasca. - Dix ans n'ont pas suffi !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. - La proposition de loi présentée par Mme Borvo Cohen-Seat fournit l'occasion de débattre du Pacs, dispositif dont nous venons de fêter les dix ans d'existence.
Institué par la loi du 15 novembre 1999, au terme de vifs débats qui avaient passionné nos concitoyens, le Pacs rencontre un succès indéniable. Un peu plus de 22 000 ont été conclus la première année, mais leur nombre a augmenté de 25 % par an de 2002 à 2004, puis de 50 % en 2005. Au total, plus de 1 200 000 personnes ont choisi cette forme d'union, entrée dans nos moeurs aux côtés du mariage et du concubinage. Au cours de cette décennie, les profils des partenaires concernés se sont fortement modifiés : à l'origine, un quart des Pacs était conclu par des personnes de même sexe ; aujourd'hui, 94 % sont le fait d'hétérosexuels.
Ce succès s'explique sans doute par la voie médiane qu'il offre aux personnes souhaitant vivre en couple sans perdre la souplesse du concubinage, notamment en matière de rupture, tout en bénéficiant de certains droits reconnus aux époux.
En raison de l'attrait croissant exercé par cette organisation contractuelle de la vie de couple, le législateur a modifié certains aspects de la législation initiale, tout en préservant la spécificité de cette formule.
La loi de finances du 30 décembre 2004 a institué l'imposition commune immédiate des partenaires. La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions a permis aux partenaires de choisir entre la séparation patrimoniale et l'indivision. En outre, une convention de Pacs peut être conclue en forme authentique devant notaire. Le partenaire survivant peut avoir la jouissance du domicile commun pendant un an après la disparition du prédécédé. Les tiers sont mieux informés grâce à la mention portée en marge de l'acte de naissance.
Plusieurs dispositions législatives ont par la suite rapproché, sur certains aspects, le statut du pacsé de celui de l'époux : le partenaire survivant a été exonéré des droits de mutation liés au décès ; la représentation par le partenaire devant certaines juridictions a été autorisée ; le bénéfice de la suspension de la prescription entre partenaires a été étendu ; le partenaire s'est vu étendre les mesures relatives au conjoint de l'entrepreneur ; les partenariats enregistrés à l'étranger ont été reconnus ; la conclusion d'un Pacs en détention a été facilitée et le greffier autorisé à se déplacer en cas d'empêchement grave de l'un des futurs pacsés. Enfin, un décret publié il y a quelques jours a étendu aux partenaires, dès lors que le Pacs a été conclu depuis plus de deux ans, le droit au capital décès jusque-là réservé aux conjoints de fonctionnaires.
Ces aménagements successifs, qui visaient à favoriser le Pacs et les futurs partenaires, ne sont sans doute pas étrangers à l'engouement qu'il suscite : un Pacs pour deux mariages en moyenne, un Pacs pour un mariage à Paris.
La proposition de loi confie aux mairies la compétence pour enregistrer les Pacs en lieu et place des greffes des tribunaux d'instance. Le rapport de la commission de répartition des contentieux va dans votre sens. Certes, l'enregistrement des déclarations de Pacs ne constitue pas une attribution juridictionnelle, Toutefois, il m'apparaît difficile de confier cette tâche aux mairies. Le Gouvernement doit être à l'écoute des élus ; l'Association des maires de France a exprimé les réticences des communes à accepter cette tâche supplémentaire, essentiellement pour des raisons de moyens. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe ; exclamations à gauche) Je ne vous oppose pas un rejet de principe, mais la réflexion doit se poursuivre. Toute précipitation serait contre-productive, et les auteurs de la proposition de loi seraient les premiers à protester contre ce transfert de charge !
Les articles 2 et 3 concernent les Pacs conclus à l'étranger, ou dans des circonstances particulières, résultant d'empêchement grave. Pour cette dernière hypothèse, il serait prématuré de revenir sur le dispositif mis en place dans le cadre de la loi pénitentiaire. Concernant la conclusion d'un Pacs auprès des autorités consulaires, vous proposez d'écarter toute interdiction résultant de l'ordre public local ; la plus grande prudence s'impose au regard des conditions posées par la convention de Vienne du 24 avril 1963. Enfin, les partenariats conclus à l'étranger sont reconnus depuis la loi du 12 mai 2009.
Vous proposez à l'article 4 de faire produire au Pacs les mêmes effets que le mariage en matière de nationalité, mais sans aucun contrôle par le procureur de la République afin de lutter contre les Pacs frauduleux. Sans verser dans le soupçon généralisé, nous savons bien que le risque est réel, nous le vivons dans nos mairies.
Les articles 5 et 6 étendent la pension de réversion aux partenaires liés par un Pacs, sans d'ailleurs la conditionner à une durée de vie commune minimale. Ni le rapport des sénateurs Domeizel et Leclerc, ni celui du Conseil d'orientation des retraites ne vont dans ce sens : les devoirs et obligations des pacsés ne sont pas comparables à ceux des époux, comme l'a relevé à plusieurs reprises le Conseil d'État, notamment dans un arrêt « Villemain » de 2002.
Vous évoquez la décision « Maruko » de la Cour de justice des Communautés européennes du 1er avril 2008 rendue à propos d'un partenariat conclu en Allemagne. Dans ce pays les partenariats sont réservés aux personnes de même sexe : le législateur allemand a souhaité créer une institution parallèle au mariage. La démarche était tout autre en France. Vous avez évoqué certaines déclarations, en particulier du Président de la République. Si les choses doivent évoluer -et je n'y suis pas hostile- cela ne peut se faire au détour d'une proposition de loi, mais suppose un large débat public. A chaque jour suffit sa peine (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)
L'article 7 étend le bénéfice du congé pour événements familiaux. Nous devons respecter l'autonomie des partenaires sociaux en la matière, consacrée par la loi du 31 janvier 2007. Une telle extension supposerait à tout le moins leur accord préalable. A cette date, 35 accords de branche traitent de la question, ce qui prouve la dynamique conventionnelle en la matière.
Si les questions posées par cette proposition de loi sont légitimes, les réponses apportées ne paraissent pas, à ce jour, appropriées. La position du Gouvernement n'est pas parole d'évangile, certes, mais celle de la Halde non plus ! Nous souhaitons que le dialogue se poursuive, afin de permettre une évolution respectueuse du droit et conforme aux attentes de nos concitoyens.
La Chancellerie a souhaité que les dispositions protégeant les conjoints victimes de violences soient étendues aux partenaires pacsés, mais votre comparaison avec les droits sociaux est étonnante ! Je vous remercie pour votre contribution à un débat intéressant et utile, même si nous ne pourrons soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Muguette Dini. - Quelle est la nature du Pacs ? Comment doit-il évoluer ? Les chiffres sont éloquents : en dix ans, l'histoire du Pacs est celle d'une montée en puissance. Dans le même temps, sa nature s'est affirmée.
Ce texte aligne les principaux aspects du régime civil et social des pacsés sur celui des personnes mariées. Or le Pacs n'a jamais été conçu comme un mariage bis. Le Conseil d'État précise, dans une décision du 28 juin 2002, que la loi du 15 novembre 1999 « ne peut être interprétée comme assimilant de manière générale les partenaires liés par un Pacs aux personnes mariées ».
L'originalité du Pacs réside dans l'association de son caractère contractuel et de son encadrement institutionnel, qui en fait un outil particulièrement adapté aux évolutions sociologiques familiales. Le couple ne se réduit plus à une composante de la famille, mais se conçoit comme une entité indépendante.
Le Pacs est un contrat au formalisme réduit, que ce soit pour sa conclusion, sa modification ou sa dissolution. L'article 515-1 du code civil en fait un contrat essentiellement circonscrit à la sphère patrimoniale. Il ne confère pas au partenaire survivant la qualité d'héritier et il n'a aucun effet sur l'établissement de la filiation, ne permet pas l'adoption plénière, ni l'adoption simple, et ne crée aucun lien entre les partenaires et leur belle-famille. Le Pacs n'accorde qu'une place secondaire à la famille. Il consacre la notion du couple, ce qui explique son succès y compris auprès des hétérosexuels. Le Pacs n'offre pas une protection équivalente à celle du mariage. C'est la primauté de la liberté individuelle sur la protection de l'autre. Ainsi, pas plus qu'en droit, le Pacs n'est sociologiquement confondu avec le mariage.
Cette proposition de loi infléchit la nature du Pacs pour le rapprocher du mariage. J'ai dit pourquoi ce n'était pas sa vocation mais ce n'est pas pour autant qu'il ne doit pas évoluer. Il l'a déjà fait à plusieurs reprises. Nous ne sommes pas hostiles à toute évolution du Pacs mais toute évolution n'est pas souhaitable. Aussi nous réservons-nous un droit d'inventaire.
Les propositions qui sont faites sont d'inégale importance. Nous approuvons l'analyse qu'en fait notre commission lorsqu'elle constate que les petites mesures proposées seraient soit déjà satisfaites, soit inopportunes, et que les plus substantielles mériteraient une analyse approfondie.
L'enregistrement en mairie est inopportun et poserait de gros problèmes pratiques et financiers. Une éventuelle extension du congé pour mariage devrait être examinée par les partenaires sociaux. Sur l'acquisition de la nationalité, je partage les objections de notre rapporteur : les partenaires d'un Pacs ne sont pas contrôlés par l'autorité publique comme les époux. Veut-on renforcer ce contrôle ? Ce n'est pas suggéré.
Vu l'enjeu financier de la question des pensions de réversion, il n'est pas opportun de la trancher ici et maintenant. Une réforme globale est prévue pour 2010 ; on ne va pas en tronçonner l'examen.
Voilà pourquoi la majorité de l'Union centriste soutient les conclusions de la commission dont elle félicite le rapporteur. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Nicole Bonnefoy. - La loi sur le pacte civil de solidarité vient de fêter ses dix ans. Cette réforme courageuse a mis fin à une situation de non-droit pour les personnes ne souhaitant ou ne pouvant pas se marier. Son bilan est plus que positif : en dix ans, plus d'un million de Pacs ont été célébrés. De 2001 à 2007, le nombre de Pacs signés annuellement est passé de 19 000 à plus de 100 000, pour atteindre 146 000 en 2008. Cette même année, le nombre de mariages était de 273 500, en stagnation depuis plusieurs années. Cela montre que le Pacs répond bien aux nouvelles aspirations des Français. Il signifie juridiquement l'union de ses contractants à qui il offre à la fois la souplesse du concubinage et la protection du mariage.
Une inégalité perdure entre couples mariés et couples pacsés. La proposition de loi qui vise à moderniser la loi du 15 novembre 1999 est le fruit d'une réflexion collective engagée depuis plusieurs années aux niveaux européen et national. Les lois de finances pour 2005 et 2006 ont renforcé la solidarité dans le couple et la loi du 21 août 2007 a modernisé le régime des droits de succession. Cette proposition de loi reprend les préconisations du Médiateur de la République et de la Halde. En 2007, le candidat Sarkozy s'était dit favorable à « une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d'Instance, mais par la mairie », une « union civile qui entraînerait une égalité fiscale, sociale, et patrimoniale totale avec les couples mariés ». Cette proposition de loi ne fait donc que concrétiser un ensemble de préconisations et de promesses formulées ces dernières années.
La commission s'est prononcée en faveur d'un système de réversion, en précisant, toutefois, que cette mesure ne pourrait être mise en oeuvre qu'en 2010, lors du débat sur les retraites. Sur l'extension au Pacs du congé de mariage, vous avez indiqué que cela nécessitait un débat avec les partenaires sociaux mais que vous n'y étiez pas opposés. Ce sont des avancées, qui doivent cependant être votées, de manière à ce que ces promesses deviennent des engagements.
La commission a refusé d'avancer sur certains points centraux, comme la possibilité de conclure le Pacs à la mairie. Cela, dites-vous, serait une charge nouvelle.
Mme Catherine Tasca. - C'est une plaisanterie !
Mme Nicole Bonnefoy. - De nombreux maires, de tout bord politique, ont déjà conclu des Pacs et ont demandé que cette pratique soit généralisée. Avec la réforme de la carte judiciaire, l'argument de la surcharge matérielle vaut aussi pour les tribunaux d'instance. Comment pourront-ils demain conclure 200 000 Pacs par an ? La mairie est le lieu le plus accessible et le plus proche du citoyen. Nous nous battons depuis dix ans pour que le Pacs soit reconnu comme une forme d'union à part entière. Alors pourquoi un acte aussi important ne pourrait-il pas être conclu à la mairie, lieu où sont déclarés tous les actes importants de la vie ?
L'article 4 de cette proposition de loi permet, après un délai minimum de quatre ans, l'accès à la nationalité française. Ce n'est que la correction d'une iniquité ! Je regrette que le seul argument avancé par la commission soit celui de la « possible » fraude et de l'absence de moyens pour les autorités publiques de la détecter en amont. Je sais que les thèmes de l'insécurité et de la suspicion collective sont récurrents actuellement, ne serait-ce que par le récent « mariage gris », mais je trouve fortement réducteur de balayer cet article à partir de cette seule dimension.
Intermédiaire entre le mariage et le concubinage, le Pacs ne doit pas faire office de mariage bis, mais il ne doit pas, pour autant, être une source d'inégalité entre les Français. Pour ces raisons, j'appelle l'ensemble des membres de notre assemblée à voter ce texte, qui s'inscrit dans la continuité d'un processus engagé depuis dix ans et qui répond aux attentes de nombreux Français. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Nous refusons de nous enfermer dans un comportement moralisateur et rétrograde qui placerait cette proposition de loi dans le champ de la polémique. Le Pacs a dix ans ; son succès ne s'est pas démenti : le nombre de contrats conclus ne cesse d'augmenter chaque année. Le Pacs correspond à une évolution de notre société.
Appartenant à un groupe de progrès dont je suis fière de porter les idées progressistes, je n'ai pas de raisons de m'opposer à un mode de conjugalité spécifique. Cela concerne la vie privée, et ce domaine est sacré. Je ne suis pas pour autant disposée à admettre que l'on mette en concurrence Pacs et mariage, comme on peut le voir sur internet, en présentant les avantages comparatifs de l'un et de l'autre comme s'il s'agissait de deux marchandises. Il s'agit peut-être d'une information impartiale mais je veux croire que les deux êtres qui s'unissent ainsi le font sur des bases autres que l'intérêt administratif.
Je suis bien d'accord pour blâmer les Pacs et les mariages blancs -dont j'aimerais bien que la fonction publique ne les encourage pas pour ses agents en quête de mobilité ! Moi aussi, j'accorde une place prépondérante à l'engagement qui fonde le Pacs.
Pourquoi refuser à ceux qui l'ont conclu un droit que l'on accorde à ceux qui ont contracté un mariage ? Je suivrai, sur ce point, les conclusions du rapporteur, qui rappelle l'avis rendu en 2002 par le Conseil d'État qui estimait que les liens ainsi noués étant de nature différente, le principe d'égalité n'impose pas égalité de traitement « dans tous les cas ». Je ne vois en effet rien de choquant à ce qu'un contrat qui n'emporte pas les mêmes conséquences que le mariage -le voeu de fidélité, par exemple- n'emporte pas les mêmes droits. L'écart d'une année, par exemple, pour la naturalisation, traduit le risque d'instabilité attaché au Pacs. Cela étant, je suis prête, sur ce point, à me rallier à la proposition de loi, qui instaure une durée commune de quatre ans : dès lors que 30 % des mariages débouchent sur un divorce, on peut considérer que l'instabilité est la même dans les deux cas.
En revanche, j'estime que l'on ne peut pas aligner les avantages sociaux, comme le droit à pension de réversion ou le congé pour événement familial. Des accords de principe sont intervenus, reste à leur donner une traduction législative.
Au-delà, je vois dans ce débat un problème plus fondamental. De deux choses l'une, ou bien l'on considère que le Pacs et le mariage constituent des formes d'engagement clairement distinctes et emportent, au regard des devoirs respectifs qu'ils impliquent, des droits spécifiques, ou bien l'on estime qu'ils sont de plus en plus semblables, auquel cas l'un ou l'autre doit être supprimé. Il faut alors s'interroger sur la question du mariage entre personnes du même sexe, que certains de nos voisins européens ont déjà intégré dans leur droit. Si la chose ne me heurte pas a priori, j'estime cependant qu'il importe de s'interroger sur les conséquences qu'elle entraîne en matière d'adoption, de procréation, de bioéthique.
Je ne voudrais pas que ce texte fût le cheval de Troie d'aspirations que l'on ne pourrait être conduit à satisfaire qu'au terme d'un large débat. Il n'a de fait rien d'anodin et a soulevé, au sein du groupe RDSE, de nombreuses interrogations : les plus progressistes lui sont favorables ; d'autres, dont je suis, plus réticents ou plus sages, s'y opposent ; le plus grand nombre, enfin, s'abstiendra, conscient de la nécessité de rendre ces dispositions à une réflexion plus large. (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur plusieurs bancs au centre et à droite)
Mme Isabelle Pasquet. - Il faut se souvenir du contexte qui présida à la création du Pacs. Disant cela, je n'entends pas nous replonger dans les échanges parfois violents et les manifestations souvent haineuses qui ont accompagné son adoption par les parlementaires mais rappeler le sentiment d'un grand nombre de nos concitoyens qui, pour une fois, se sentaient entièrement reconnus par la République. Ceux et celles qui décidaient d'organiser ensemble leur vie, sans faire le choix du mariage, ou parce que celui-ci leur était légalement impossible, obtenaient certaines formes de protections, sortaient, couples hétérosexuels comme homosexuels, de la clandestinité et se voyaient reconnaître un droit à la différence.
La République, qui proclame trois nobles principes au fronton des écoles et des mairies « Liberté, égalité, fraternité », les a, en 1999, traduits une nouvelle fois dans les faits, en décidant d'accorder à toutes et tous sa protection, sans distinguer le genre ou la sexualité, et mettait enfin la législation en adéquation avec les modes de vie. Les équilibres généraux de notre société en ont-ils été bousculés ? Non. Le nombre de mariages n'a d'ailleurs pas diminué.
Dix ans après, nous sommes convaincus qu'il faut aller plus loin dans l'égalité des droits et le respect des choix de chacun dans son couple.
Je comprends mal ce qui a été répondu à M. Fischer sur l'amendement que nous avions déposé, comme nous le faisons depuis deux ans, au projet de loi de financement de la sécurité sociale, visant à obtenir un simple rapport sur le coût financier de l'extension du droit à pension de réversion aux couples ayant contracté un Pacs. Reconnaissant que de nombreuses études allaient déjà dans le sens de l'extension, vous estimiez qu'il était urgent d'attendre, ajoutant : « la législation peut évoluer, et nous verrons alors quelle sera l'incidence sur la nature juridique et contractuelle du Pacs ». Étrange réponse que de convier le législateur à attendre que la loi évolue d'elle-même ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'amuse)
Le droit à pension de réversion et le droit à congé pour événement familial sont des mesures d'égalité. Et il ne s'agit pas, monsieur le ministre, de confondre Pacs et mariage. Car il ne s'agit pas de s'attacher à la forme de l'union ou à la sexualité des partenaires mais à leur volonté de se reconnaître mutuellement des obligations -la solidarité et l'entraide matérielle- qui doivent en toute logique trouver leur continuité dans des droits, notamment lors du décès de l'un des partenaires. Notre rapporteur ne s'y est pas trompée, qui souligne que le partenaire « délaissé » ou survivant est dans une situation sans doute moins favorable que celle d'un conjoint divorcé ou survivant, et qu'« il n'est donc pas illégitime de souhaiter une amélioration de sa situation ».
Devons-nous laisser des hommes et des femmes qui survivent à leur partenaire se débattre dans les difficultés au prétexte qu'ils n'auraient pas fait le choix, ou pas pu faire le choix, de se marier ? C'est inacceptable.
La convergence des droits est socialement juste, elle est même indispensable pour faire avancer notre société vers l'acceptation de la différence.
La France a contracté des obligations européennes et internationales qui s'imposent à elle. L'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales exclut toute restriction à la jouissance des droits et libertés qu'elle reconnaît fondée sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions, l'origine, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. La loi n'interdit pas de traiter différemment des situations différentes, m'objecterez-vous. Mais c'est ici la loi qui organise la différence des situations ! Aux couples pacsés hétérosexuels, elle répond que pour avoir des droits supplémentaires, ils doivent se marier, et aux couples pacsés homosexuels, elle interdit le mariage. Belle logique !
Notre pays, monsieur le ministre, encourt le risque d'une condamnation prochaine par les instances européennes. Je m'étonne qu'après avoir été si prompt à réformer la majoration de durée d'assurance au motif que la Cour de cassation avait ouvert une brèche, vous ne décidiez pas de tout faire pour nous prémunir de ce risque.
Parce que ce texte va dans le bon sens et fait évoluer le droit pour accompagner l'évolution de nos moeurs et le regard que nous portons individuellement et collectivement sur autrui, nous le voterons. (Applaudissements à gauche)
M. Patrice Gélard. - Je rends hommage à Mme Borvo Cohen-Seat pour avoir, dix ans après la création du Pacs, déposé ce texte. Si elle a utilement retracé les évolutions qui se sont produites, en en soulignant toute la complexité, je suis pourtant en désaccord avec les solutions qu'elle préconise et je rejoins en cela les propos du rapporteur, complétés par ceux du ministre.
Nous n'avions pas vu, en 1999, la différence essentielle entre le Pacs et le mariage. Le Pacs règle des problèmes patrimoniaux (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, approuve) quand le mariage est une institution de la République, qui requiert d'ailleurs la présence d'un officier d'état civil, tandis que nous avions pu envisager un temps, en 1999, un simple enregistrement du Pacs chez le notaire.
Le gouvernement de l'époque s'y était refusé à cause du coût des actes. Pour rendre le Pacs accessible à tous, on faisait intervenir le greffier du tribunal d'instance.
Entre le mariage et le Pacs, il y a des différences essentielles : lors d'un mariage, il y a toute une série d'obligations et d'engagements qui ne s'appliquent pas aux partenaires d'un Pacs. Mme Borvo Cohen-Seat a mis le doigt sur un véritable problème : le Pacs ne résout pas le problème du mariage homosexuel. Il ne règle que les problèmes patrimoniaux.
Deuxième erreur de cette proposition de loi : 94 % des pacsés sont hétérosexuels et la majorité ne souhaite pas passer devant M. le maire. Imposer cette cérémonie irait donc à l'encontre de la volonté de la majorité. En revanche, il est vrai qu'un certain nombre de maires procèdent à des enregistrements de Pacs, comme pour les parrainages civils. Nous n'avons pas à intervenir. Il n'en reste pas moins que la plupart de ceux qui signent un Pacs ne demandent pas à passer devant un officier d'état civil pour procéder à un simulacre de mariage. Ce serait une erreur d'assimiler progressivement le Pacs à un mariage : le mariage est une institution alors que le Pacs est un contrat que l'on peut facilement détruire.
Cette proposition de loi est extrêmement intéressante parce qu'elle pose de vraies questions, notamment sur les pensions de réversion. Nous allons avoir des pacsés préalablement mariés ou l'inverse. Va-t-on procéder comme pour les mariages où la pension de réversion est attribuée au prorata des années de vie commune ? Je n'ai pas la réponse mais la question que vous soulevez va très loin : dans un couple marié ou pacsé, le problème est le même lors de la disparition d'un des conjoints. Celui qui reste est confronté à une baisse de revenu qui est compensée, mais pas toujours. Dans le régime général de la sécurité sociale, la pension de réversion n'est versée que si le revenu du conjoint survivant est inférieur à un plafond. Dans le régime de la fonction publique, en revanche, la pension de réversion est versée automatiquement.
Je suggère que le Sénat mène une étude sur les dispositifs en vigueur à l'étranger. Les exemples scandinaves ont été invoqués mais je ne suis pas convaincu car, dans ces pays, c'est la personne dépendante qui perçoit la pension de réversion. Cela peut donc être un frère, une soeur, un enfant d'un parent. L'assistance est privilégiée, ce qui n'est pas le cas chez nous.
Quand nous avons adopté la loi sur le Pacs, plusieurs parlementaires ont soulevé le problème des fratries.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Tout à fait !
M. Patrice Gélard. - Les ministres successifs ont dit qu'un jour, ils nous proposeraient une solution pour ces frères ou soeurs qui se retrouvent démunis.
Je remercie Mme Borvo Cohen-Seat d'avoir soulevé tous ces problèmes. Mais M. le ministre et Mme le rapporteur nous ont dit que nous reparlerions de toutes ces questions au cours de 2010.
Enfin, en ce qui concerne les congés, notre rapporteur a rappelé que cette question relevait des conventions collectives dans le privé. Dans le secteur public, on est aussi généreux à l'égard de ceux qui ont signé un Pacs qu'à l'égard des couples mariés. Dieu sait si un grand nombre de fonctionnaires de l'éducation nationale ont eu recours au Pacs !
Il me semble donc indispensable de disposer d'une étude comparative avant d'avoir le grand débat sur les retraites en 2010. Tant que le mariage restera une institution, on ne pourra pas assimiler le Pacs à un mariage. C'est pourquoi notre groupe se ralliera à la position de notre rapporteur. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel. - Je remercie Mme Borvo Cohen-Seat d'avoir déposé cette proposition de loi : c'était une bonne façon de fêter les dix ans du Pacs, notamment au Sénat où il y a eu le plus de réticences à l'époque. Il s'agissait en effet de faire une loi pour des couples qui ne pouvaient ou qui ne voulaient pas se marier mais qui souhaitaient aussi éviter les incertitudes de l'union libre même si, grâce au doyen Gélard, le concubinage est entré dans la loi.
Mais le Pacs n'est pas seulement un contrat patrimonial : si ce n'était que ça, on aurait suivi la proposition de certains députés de droite de l'époque qui voulaient instaurer un acte notarié. Il y a un aspect symbolique non négligeable. Il s'agit d'une véritable union entre deux personnes : un article rappelle d'ailleurs que les signataires ont des droits et des devoirs. Le Conseil constitutionnel a bien marqué cet aspect symbolique en reprenant la version de la présidente de la commission des lois de l'époque, Mme Tasca, disant que le Pacs était un toit et un lit. Si c'est un lit, il ne s'agit pas que de droits patrimoniaux mais aussi d'une union sexuelle entre deux personnes de mêmes sexes ou de sexes opposés.
Qui, après ce déluge de critiques, aurait cru que le Pacs serait entré dans les moeurs ? Faut-il rappeler les critiques de l'époque ? Certains ont proféré des énormités, comme « le Pacs est un contrat de bon plaisir » ou « le Pacs se conclura au sein des services vétérinaires ». Aujourd'hui, toutes ces critiques ont disparu. La réalité, c'est que le Pacs n'était pas un mariage pour les homosexuels mais une institution pour tout le monde. Aujourd'hui, la majorité des pacsés sont de sexes différents. Le Pacs n'était pas destiné à abolir le mariage ni « un contrat kleenex », comme le disait une députée célèbre. Le Pacs se révèle aussi stable que le mariage, malheureusement pour les mariés et pour les enfants qui naissent.
Le Pacs, ce n'est pas seulement pour ceux qui habitent les villes, pour les bobos. Non, on en trouve sur tout le territoire, même dans les départements ruraux comme le mien. Dans les petites communes, les couples pacsés vivent ensemble et tout le monde trouve cela normal, même si le terme n'est pas approprié.
A l'époque, certains auraient voulu aller plus loin mais toute loi est un compromis entre le Gouvernement et sa majorité. Nous avons fait ce qu'il était possible il y a dix ans avec le soutien des trois groupes de la majorité plurielle. Depuis, la droite a amélioré ce texte, loi après loi ! Aujourd'hui, vous faites la fine bouche, mais votre attitude est surprenante ! (On le conteste à droite) Mais si ! Vous l'avez amélioré sur des points essentiels : l'imposition commune au bout d'un an, ou les droits de succession, après une bagarre terrible avec le ministre des finances. Vous avez également prévu son inscription en marge des actes des états civils, ce qui était demandé par les notaires. Aujourd'hui, vous ne voulez pas aller plus loin, alors que Nicolas Sarkozy a dit : « Je suis donc pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d'instance mais par la mairie. C'est logique ! Cette union civile à la mairie entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés qui ira, par exemple, jusqu'au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ». Aujourd'hui, vous refusez de suivre le Président de la République lorsqu'il est dans la bonne voie. Lorsqu'il ne l'est pas, en revanche, vous le suivez aveuglément, comme pour la suppression de la taxe professionnelle (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'exclame) ou le débat sur l'identité nationale qui se réduit à un débat sur la présence de l'islam, ce qui est honteux !
Aujourd'hui, j'ai entendu de belles paroles, mais c'était le bal des hypocrites. Vos discours - ceux de Mmes Dini et Escoffier- ne tiennent pas la route. Ils sont totalement incohérents : ne dites pas que ce n'est pas le moment ! Commençons par voter un cadre général ; les décrets d'application suivront. En fait, vous n'avez pas changé : vous ne comprenez pas les attentes de la société. Soyez certains que ce qui est proposé aujourd'hui sera voté demain : le Pacs comprendra un certain nombre de droits sur la parentalité, notamment le statut des beaux-parents, que d'ailleurs Mme Morano a proposé mais que la majorité a refusé, ainsi que l'adoption par les couples pacsés. Comment refuser à 90 % des couples pacsés hétérosexuels la possibilité d'adopter alors qu'ils peuvent le faire individuellement ? On nage dans la contradiction la plus totale ! (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Tasca. - Quelle hypocrisie !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Il n'est prévu aucune obligation à l'égard des enfants dans le Pacs !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Ce débat est l'occasion pour moi de vous alerter sur les problèmes que posent le Pacs et les autres pactes d'union civile au niveau international. Plusieurs pays ont institué de tels contrats, plus ou moins alignés sur le mariage. Il faut veiller à ce que l'application de notre droit ne provoque pas des discriminations, qu'il s'agisse des étrangers liés à des Français par un Pacs ou des partenaires ayant conclu à l'étranger un pacte d'union civile.
Les conjoints unis civilement sont protégés par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui proclame le droit à mener une vie familiale normale. Le partenaire étranger d'un Français doit donc pouvoir obtenir un visa ou un titre de séjour. Or ces dossiers sont gérés de manière opaque, parfois sans grande considération. Le délai de réponse est souvent aussi long que pour les autres demandeurs, alors que la priorité devrait revenir aux partenaires liés civilement : l'article 3 de la directive européenne de 2004 relative au droit de libre circulation et de séjour des citoyens de l'Union et des membres de leur famille oblige la France à « favoriser l'entrée et le séjour du partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée ». A ma question écrite du 1er octobre, M. le ministre de l'immigration a répondu qu'il privilégiait l'examen au cas par cas des dossiers, le Pacs constituant un élément d'appréciation de la situation personnelle du demandeur. Je ne plaide pas pour l'égalité de traitement des couples mariés et pacsés, mais la position du ministère me paraît loin de garantir les droits des partenaires unis civilement.
En outre, en vertu d'un arrêt du Conseil d'État du 4 mars 2009, l'administration n'a pas à motiver son refus de visa à un partenaire pacsé. Cela autorise tous les abus car il est difficile de vérifier si la situation du couple a réellement été prise en compte. Il me semble d'autant plus important que les refus soient motivés que c'est déjà le cas pour les conjoints, enfants et ascendants des ressortissants de l'Union.
M. Jean-Pierre Michel. - Bravo !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Il faudrait aussi clarifier notre position sur la reconnaissance des partenariats enregistrés à l'étranger. L'article 515-7-1 du code civil, introduit par la loi de simplification du droit du 12 mai 2009, dispose que « les conditions de formation et les effets d'un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l'État de l'autorité qui a procédé à son enregistrement ». L'article 3 de la proposition de loi est donc satisfait : la France reconnaît les effets juridiques d'une union civile conclue à l'étranger tant qu'ils ne contreviennent pas à l'ordre public français, autrement dit tant qu'ils n'excèdent pas les droits reconnus aux pacsés. Cette précision est importante car les droits reconnus aux partenaires varient considérablement d'un État à l'autre, au sein même de l'Union européenne.
Il y a quelques semaines, on m'a transmis la correspondance d'un couple uni par un partenariat civil britannique avec l'administration fiscale française. Cette dernière notifiait aux intéressés que l'article 515-7-1 du code civil ne leur accordait pas le bénéfice des exonérations d'impôt sur les successions auxquelles les couples français pacsés ont droit, sans leur donner aucune précision sur l'étendue réelle de leurs droits. C'est fort regrettable : l'administration a un devoir d'information envers nos concitoyens et leurs partenaires étrangers, avant même qu'ils ne contractent une union civile.
Afin d'améliorer l'information de l'administration et du public, il faudrait mener une étude de la législation comparée sur les effets des unions civiles dans les différents pays de l'Union européenne et diffuser ses résultats auprès des consulats et des administrations.
Je regrette que la présente proposition de loi n'aborde la dimension internationale de la législation sur le Pacs qu'à propos de l'acquisition de la nationalité. Le plus urgent, pour les couples mixtes unis par un partenariat civil, est de clarifier le droit actuel et les procédures qui en découlent en matière d'immigration ou de droit social. Il importera ensuite de veiller à la bonne information des administrations concernées qui, faute d'instructions claires, opposent parfois des réponses contradictoires aux administrés. (Applaudissements à droite)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous fêtons les dix ans du Pacs, qui a beaucoup évolué depuis sa création : ce cadre juridique de la vie de couple qui paraissait marginal et destiné seulement aux homosexuels, beaucoup de couples l'ont choisi plutôt que le mariage. Les réformes successives ont rapproché les deux régimes sans les confondre. Le chemin vers l'égalité a été tortueux et a mis en évidence bien des incohérences et des discriminations.
Je reconnais que le Gouvernement a fait des efforts : la loi Tepa de 2007 et la loi de finances pour 2008 ont mis fin à certaines injustices fiscales, notamment dans le domaine des successions. Un décret récent a étendu le bénéfice du capital-décès au partenaire survivant. Je me félicite de ces avancées, mais la route est encore longue.
Cette proposition de loi vise à combler les failles du régime actuel, volontairement oubliées par le législateur et le Gouvernement : j'en remercie ses auteurs. Leurs propositions justes et équilibrées se fondent sur le principe d'égalité.
Les opposants à toute évolution du Pacs avancent souvent un argument que l'on retrouve dans le rapport : il n'existe aucune obligation juridique de traiter de la même manière le Pacs et le mariage, ni d'en faire découler les mêmes droits. Or cette obligation existe bel et bien : c'est le principe d'égalité. Ce n'est pas par largesse ou par ouverture d'esprit que le législateur a offert aux couples pacsés dans de nombreux domaines les mêmes droits qu'aux couples mariés : c'est parce qu'il est contraint de se conformer à ce principe.
Permettez-moi d'illustrer cette obligation par un exemple. La Halde a récemment considéré que le refus d'étendre le bénéfice des pensions de réversion aux partenaires survivants était une forme de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Selon elle, « les obligations pesant sur les conjoints et les partenaires sont suffisamment comparables, au regard de l'objet poursuivi par la pension, pour rendre injustifiée toute différence de traitement en la matière ». Dans un arrêt du 1er avril 2008, la Cour de justice des communautés européennes a également jugé ce refus discriminatoire et contraire à la directive en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. La commission des lois elle-même a pris position en faveur de l'extension du régime, sous quelques réserves qui paraissent légitimes.
L'égalité des droits sociaux doit être une priorité du Gouvernement et ne saurait attendre la réforme des retraites. En repoussant cette mesure à 2010 et en adoptant de temps à autre des mesures éparses, le Sénat morcelle l'évolution inévitable du Pacs. Seule une réforme exhaustive garantirait le principe d'égalité. C'est l'objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis et que les sénateurs Verts voteront avec une grande satisfaction. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Nous reviendrons sur le sujet des pensions de réversion lors du grand débat sur les retraites. Nous pourrons alors envisager les implications concrètes de la mesure proposée.
Mme Bonnefoy et M. Michel ont cité les propos du Président de la République ; mais ce dernier ne faisait pas seulement référence au Pacs. Un large débat est nécessaire.
Mme Catherine Tasca. - On voit le cas que M. Sarkozy fait de ses promesses de campagne !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Mme Escoffier s'est inquiétée du nombre de « Pacs blancs » ; mais la possibilité de fraudes ne justifie pas l'alignement du Pacs sur le mariage.
Le mariage et le Pacs ont chacun leur utilité car ils répondent à des aspirations distinctes. Pour ce qui est du mariage homosexuel, la commission des lois n'a pas choisi d'en débattre aujourd'hui, mais le débat sur cette question est public et suscite beaucoup de controverses.
J'ai écouté très attentivement l'intervention de Patrice Gélard. Le Pacs se distingue du mariage, et il ne faut pas chercher à rapprocher à tout prix ces deux formes d'union dans tous leurs aspects. Cela n'empêche pas, néanmoins, de lui apporter certaines améliorations, pour les pensions de réversion par exemple. Vous élargissez la réflexion à bon escient en tenant compte des exemples étrangers.
Madame Pasquet, Xavier Darcos vous a indiqué, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qu'aucun rapport ne préconisait l'alignement strict des régimes.
Madame Garriaud-Maylam, l'absence de motivation ne concerne pas spécifiquement les demandes des partenaires pacsés, mais les motivations peuvent être connues en cas de recours devant la commission ad hoc et, s'il y a lieu, devant le conseil d'État. Le Pacs est pris en considération pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire, accordée de plein droit au partenaire. Nous sommes en train de travailler sur la question fiscale. Les partenaires britanniques bénéficient des mêmes règles que les pacsés français s'ils résident sur notre territoire, et cela depuis la loi du 12 mai 2009.
Madame Boumediene-Thiery, vous avez cité une jurisprudence communautaire s'appliquant spécifiquement au partenariat de vie allemand, qui comprend une obligation de solidarité. Il nous faut y réfléchir, mais la question est trop vaste pour être traitée au cours de l'examen de cette proposition de loi.
La discussion générale est close.
M. le président. - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Discussion des articles
Article premier
I. - L'article 515-3 du code civil est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel » sont remplacés par les mots : « à la mairie de la commune dans laquelle » ;
2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « au greffier » sont remplacés par les mots : « aux services d'état civil de la mairie » ;
3° Dans le troisième alinéa, les mots : « Le greffier enregistre » sont remplacés par les mots : « Les services de l'état de civil de la mairie enregistrent » et le mot : « fait » est remplacé par le mot : « font » ;
4° Dans le quatrième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal » sont remplacés par les mots : « à la mairie ».
II. - L'article 515-7 du même code est ainsi modifié :
1° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de mariage ou de décès, les services de l'état civil de la mairie enregistrent la dissolution et font procéder aux formalités de publicité. »
2° Dans le quatrième alinéa et dans la deuxième phrase du cinquième alinéa, les mots : « au greffe du tribunal d'instance du lieu de son enregistrement » sont remplacés par les mots : « à la mairie » ;
3° Dans le sixième alinéa, les mots : « Le greffier enregistre » sont remplacés par les mots : « Les services de l'état civil enregistrent » et le mot : « fait » est remplacé par le mot : « font » ;
4° A la fin du septième alinéa, les mots : « au greffe » sont remplacés par les mots : « à la mairie » ;
5° Dans le neuvième alinéa, les mots : « au greffier du tribunal d'instance » sont remplacés par les mots : « aux services de l'état civil de la mairie ».
Mme Bernadette Dupont. - Ce texte propose que l'enregistrement du Pacs soit effectué par le service de l'état civil des mairies. Or le coût de gestion d'une telle disposition serait trop important pour les petites communes. En outre, les officiers d'état civil ne sont pas habilités à recevoir et enregistrer des contrats. Le fait que le Pacs soit mentionné sur l'acte de naissance n'en fait pas pour autant un acte d'état civil. Le Pacs est une simple convention sous seing privé, qui peut être librement modifiée et dissoute unilatéralement. S'il présente certaines similitudes avec le mariage, il en diffère sur de nombreux points et certains couples le choisissent justement pour sa souplesse.
Surtout, le mariage est un engagement. Les contractants se doivent fidélité, secours et assistance, et endossent la responsabilité d'élever les enfants qui naîtront de leur union. Tous ceux d'entre nous qui ont reçu des consentements et déclaré ces couples « unis par le mariage » savent que ce moment est solennel et sincère. On ne peut prendre le risque que le Pacs, lien facile à défaire, soit assimilé au mariage, fondateur de la famille et socle de notre société. C'est ainsi que l'a voulu le code napoléonien. Le groupe UMP n'adoptera pas l'article premier. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Roger Madec. - Cette proposition de loi entrera en vigueur un jour car la législation ne peut demeurer longtemps en décalage avec l'évolution de la société. Le Pacs comporte des lacunes et crée des discriminations : il faut améliorer ce texte. Les temps changent et les mentalités progressent, même si certaines résistances subsistent ici.
La mairie est le symbole des grandes étapes de la vie. Les registres paroissiaux ont été transférés à l'état civil en 1792 : nous pouvons imaginer les débats qui ont eu lieu à l'époque, alors que seul comptait auparavant le mariage religieux ! En outre, on compte 36 000 communes, mais seulement 473 tribunaux d'instance. Pourquoi le Pacs ne serait-il pas traité comme les autres actes d'état civil ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Parce qu'il n'en est pas un.
M. Roger Madec. - Selon vous, cela créerait une charge de travail considérable pour les petites communes. Pensez-vous vraiment qu'on y fera la queue pour se pacser ? Cet argument est fallacieux. En revanche, après la réforme de la carte judiciaire, il n'y aura plus en 2015 qu'un seul tribunal d'instance à Paris : s'il y a surcharge, ce sera aussi le cas des greffes.
Un candidat à l'élection présidentielle bien connu de la majorité a déclaré qu'il fallait que l'union civile puisse être conclue en mairie. Il est temps de mettre cette promesse électorale en pratique. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Tasca. - Je me réjouis de l'inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour. Depuis sa création, le Pacs s'est imposé comme l'une des modalités d'union entre deux personnes. Sa création procédait d'un constat simple : certains couples, tels les couples homosexuels, ne pouvaient prétendre à se marier. Ce combat a été porté par des associations et par quelques parlementaires, dont Jean-Pierre Michel et moi.
L'absence de reconnaissance de ces couples constituait une discrimination. Nous avons mené sur ce sujet une réflexion juridique, et surtout politique, guidée par l'esprit de justice et d'égalité. Il n'était ni juste ni responsable de laisser des hommes et des femmes, parce qu'ils ne voulaient pas du mariage ou parce que le mariage ne voulait pas d'eux, en dehors du droit. Alors que la famille est affaiblie et le sens des responsabilités amoindri, il était urgent de faire bénéficier ces couples d'une protection juridique. Loin de l'image communautariste qu'on a voulu lui donner, ce texte participait du combat républicain de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. C'est le sens que lui ont donné plus d'un million de Français, démentant ainsi celles et ceux qui l'avaient caricaturé.
Les propos virulents qui avaient accompagné la loi de 1999 ont aujourd'hui laissé place à un débat plus apaisé. Par la force des choses, la droite s'est aujourd'hui ralliée au Pacs. J'espère que, conformément aux engagements de campagne du chef de l'État, elle y apportera rapidement les améliorations nécessaires. L'argument du temps ne joue pas ici.
En tant que présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale lors du vote du Pacs, j'avais souhaité que celui-ci fasse l'objet d'un suivi : cette proposition de loi y contribue. Dix années après, elle cherche légitimement à renforcer les droits des pacsés.
L'article premier transfère des tribunaux d'instance aux mairies la compétence d'enregistrer les Pacs. Le législateur ne peut pas négliger la réforme de la carte judiciaire qui a raréfié et éloigné les tribunaux d'instance. Quelle entité serait mieux placée que la mairie -à laquelle nos concitoyens sont attachés et qu'ils identifient parfaitement pour tous les actes de l'état civil- pour célébrer une telle union ? L'argument de Mme le rapporteur sur la charge éventuelle que cela serait pour les petites municipalités ne peut être qu'une boutade, compte tenu de l'importance des charges transférées aux collectivités locales ces dernières années, sans compensation. Il est difficile d'entendre cet argument, d'autant qu'il n'est pas avéré, compte tenu du faible nombre de pactes civils célébrés à la campagne. En revanche, l'économie serait réelle pour les citoyens concernés qui n'auraient pas à se rendre dans un tribunal d'instance qu'on éloigne de chez eux. Enfin, la célébration du Pacs au tribunal d'instance judiciarise la procédure alors que l'objet du Pacs vise avant tout à reconnaître de manière républicaine l'engagement que prennent deux personnes l'une envers l'autre. Les mairies sont les mieux placées pour les actes républicains par excellence que sont le mariage, le Pacs et les déclarations de concubinage.
L'article 4 permet l'acquisition de la nationalité française par les étrangers pacsés. Si la République reconnaît la légitimité d'un couple pacsé, comment pourrait-elle, simultanément, nier l'attachement à la Nation française du conjoint étranger ? En cette période où le Gouvernement fait planer des doutes sur les fondements de l'identité française, ne pas faire du Pacs une voie d'accès à la nationalité française constitue précisément une atteinte à notre identité. Ne pas reconnaître l'appartenance à notre Nation d'une personne à qui on reconnaît, de manière officielle, un attachement à l'un de nos ressortissants n'a aucun sens. Le texte de 1999 a permis l'entrée dans la légalité. Celui-ci franchit un pas de plus vers l'égalité de droits des citoyens. Nous voterons cet article ainsi que l'ensemble de la proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi. - Tous les arguments ne sont pas acceptables. Au doyen Gélard, je rappelle que dès lors qu'on mentionne sur la fiche d'état civil qu'une personne est pacsée et avec qui elle l'est, le Pacs vaut acte d'état civil. Le Pacs n'aurait pas à être enregistré ou célébré en mairie au motif que, à la différence du mariage, il n'est pas une institution ? Le concubinage notoire, qui est enregistré en mairie, serait-il donc une institution ?
Vous donnez là l'image du mauvais usage que vous faites des droits du Parlement. Certains d'entre vous ne sont pas opposés à des aspects de cette proposition de loi. Certains autres ont souligné qu'il fallait pousser davantage l'examen. Avec dix ans de recul ! Probablement voulez-vous que l'initiative vienne d'en haut, du Gouvernement, d'une proposition de loi de la majorité ? Mais cette promesse électorale du Président de la République, vous n'êtes pas pressés de la voir mise en oeuvre, contrairement à d'autres promesses. Vous vous gardez bien de déposer là-dessus la moindre proposition de loi, de faire la moindre évaluation, la moindre étude d'impact, sur le coût de la réversion par exemple.
Enfin que vous l'admettiez ou non, et comme l'ont jugé la Cour européenne des droits de l'homme et la Halde, vous discriminez bel et bien des gens en fonction de leur orientation sexuelle, des gens qui, actuellement, n'ont pas accès au mariage.
Je demande un scrutin public sur cet article premier.
M. Jean-Pierre Michel. - Le groupe socialiste votera cet article premier, article qui, entre tous, pourrait être adopté tout de suite car il ne pose aucun problème et n'impose ni de revoir la loi sur les retraites ni de consulter les partenaires sociaux. Et il est d'autant plus justifié que les tribunaux d'instance se raréfient.
Non, madame Dupont, il ne s'agit pas d'une célébration par le maire !
Voix à droite. - Heureusement !
M. Jean-Pierre Michel. - Il s'agit d'aller voir l'officier d'état civil et de lui faire enregistrer un Pacs. Les maires qui voudront faire une cérémonie continueront à être libres de le faire... Certains collègues de l'UMP sont favorables à cet enregistrement en mairie. Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, a déposé en 2008 une proposition de loi en ce sens, qui fut approuvée sur tous les écrans par Nadine Morano, secrétaire d'État à la famille.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Le Pacs est un contrat, ce n'est pas un acte d'état civil. D'après le code civil, les seuls actes d'état civil enregistrés dans les registres d'état civil sont les actes de naissance, de mariage et de décès. Beaucoup de pacsés, par souci de discrétion, ne voudraient pas aller en mairie. Un maire, officier d'état civil n'a pas qualité pour remplacer le greffier d'un tribunal. Les tutelles sont enregistrées au tribunal car le greffier est qualifié pour faire toutes vérifications. Il n'est jamais bon de mélanger les genres. (Applaudissements à droite)
M. Patrice Gélard. - La Halde n'est ni une juridiction, ni le législateur. Seul le juge et le Parlement peuvent dire le droit. (Applaudissements à droite)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le président de la commission parle de vérifications. Mais de quelles vérifications s'agit-il ? Il n'y a pas à contrôler les déclarations des pacsés. Il faut enregistrer leur pacte, c'est tout. A-t-on même le droit d'aller plus loin ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Il faut bien vérifier si le candidat au Pacs n'est pas marié !
A la demande du groupe CRC-SPG, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 141 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté. (M. del Picchia applaudit)
Article 2
L'article 515-3 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, en cas d'empêchement grave, le procureur de la République du lieu d'enregistrement du pacte civil de solidarité peut requérir l'officier de l'état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l'une des parties pour l'enregistrement du pacte civil de solidarité. En cas de péril imminent de mort de l'un des futurs partenaires, l'officier de l'état civil peut s'y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République auquel il doit ensuite, dans le plus bref délai, faire part de cet enregistrement hors de la maison commune. »
« Mention en est faite dans la déclaration de pacte civil de solidarité. »
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« À l'étranger, l'enregistrement de la déclaration conjointe d'un pacte liant deux partenaires dont l'un au moins est de nationalité française et les formalités prévues aux deuxième et troisième alinéas ainsi que celles requises en cas de modification du pacte sont assurés par les agents diplomatiques et consulaires français. Les partenaires ne peuvent se voir opposer de considérations d'ordre public local. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le Pacs restera donc enregistré au greffe du tribunal d'instance, mais l'obligation de comparution personnelle empêche souvent de conclure un Pacs. (Mouvements d'indignation à droite et au banc des commissions)
M. Christian Cointat. - On ne va pas se contenter d'une déclaration par correspondance !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La loi pénitentiaire a réglé cette question pour les personnes en prison, mais il reste le cas des personnes malades ou handicapées. (Mme le rapporteur estime que le texte s'applique aussi à ces cas) Il peut exister des accommodements mais rien d'officiel : la loi doit expressément prévoir un déplacement du greffier.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - L'article 15 ter de la loi pénitentiaire est entré en vigueur.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je ne parle pas des prisons.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Le caractère très général des termes utilisés rend ce dispositif applicable aux personnes hospitalisées, conformément à l'interprétation souple de la Chancellerie.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Pourquoi ne pas le graver dans la loi ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Mais la disposition figure déjà dans le texte promulgué ! Il est inutile de la répéter.
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 3
Après l'article 515-7 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les conditions de formation et les effets d'un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l'État de l'autorité qui a procédé à son enregistrement. »
M. Richard Yung. - Cet article reprend une disposition de la loi de simplification. Nous en avions discuté avec le Médiateur de la République.
Sur le plan fiscal, le ministre du budget m'a fait parvenir un courrier le 30 novembre, pour confirmer que les droits de succession et l'impôt sur le revenu des personnes ayant conclu un Pacs à l'étranger seraient liquidés en France dans des conditions identiques à celles applicables aux partenaires d'un pacte conclu sur le territoire national.
L'aspect fiscal est donc réglé mais autant le graver dans le marbre.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'article reprend un amendement que nous avions présenté avec succès à la loi de simplification du droit.
La promulgation de ce texte aurait dû être accompagnée par des instructions envoyées à toutes les administrations concernées par le nouvel article 515-7-1 du code civil, ce qui ne semble pas avoir été le cas. A ce jour, je n'ai reçu aucune réponse aux courriers que j'ai envoyés aux ministres dont l'administration est concernée. Et de nombreux couples se voient opposer une fin de non-recevoir lorsqu'ils demandent la reconnaissance de partenariat conclu l'étranger. La situation est grave !
Je réitère donc notre souhait de voir le nouvel article du code civil effectivement appliqué. Le Gouvernement mettra-t-il rapidement un terme à cette carence ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Avant la loi de simplification du 12 mai, il était impossible de se prévaloir en France d'un partenariat conclu à l'étranger, ce qui imposait aux intéressés de défaire le lien initial pour en conclure un dans notre pays.
Cette difficulté a disparu grâce à un amendement voté au Sénat, qui a introduit l'article 515-7-1 dans le code civil. La disposition législative proposée est donc sans objet.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - M. Yung a confirmé que M. Woerth avait résolu l'aspect fiscal. L'application concrète du nouvel article relève non d'une nouvelle loi, mais de l'instruction administrative. Nous ferons le nécessaire.
L'article 3 n'est pas adopté.
Article 4
Après le deuxième alinéa de l'article 21-2 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger ou apatride qui conclut un pacte civil de solidarité avec un partenaire de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter de l'enregistrement du pacte civil de solidarité, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les partenaires depuis l'enregistrement du pacte civil de solidarité et que le partenaire français ait conservé sa nationalité. »
M. Richard Yung. - Il s'agit d'un sujet important.
Les représentants des Français établis à l'étranger sont saisis de situations douloureuses de personnes ayant conclu un Pacs devant une autorité consulaire mais à qui on refuse la nationalité française. L'argument fondé sur la règle générale d'acquisition de la nationalité n'est pas convaincant : conclure un Pacs avec un citoyen français rapproche de la France.
Le deuxième argument, sécuritaire, stigmatise les couples binationaux. La vilaine expression « mariage gris » exprime une suspicion systématique.
L'argument du formalisme ne tient pas : il y tout un formalisme autour du Pacs, avec l'exigence de produire un certain nombre de documents...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Oui, il faut un document d'identité !
M. Richard Yung. - Franchement, si des gens étaient restés pacsés quatre ou cinq ans uniquement pour obtenir la nationalité française, ce serait faire preuve d'une belle patience ! Nous soutiendrons cet article. (M. Jean-Pierre Michel applaudit)
L'article 4 n'est pas adopté.
Article 5
I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « son conjoint survivant », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité ».
II. - L'article L. 353-2 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « son conjoint », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité » ;
2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « son conjoint », sont insérés les mots : « ou son partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité » ;
3° Dans le dernier alinéa, après les mots : « du conjoint », sont insérés les mots : « ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ».
III. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 353-3 du même code est ainsi rédigée :
« La pension de réversion est répartie entre les différents conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité au prorata de la durée respective de chacun des modes de vies communes mentionnées à l'article L. 353-1, dûment constatées avec l'assuré. »
IV. - Le deuxième alinéa du même code est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du précédent alinéa ».
Mme Jacqueline Panis. - Le Pacs permet d'ores et déjà aux partenaires de jouir de nombreux droits sociaux : octroi de la qualité d'ayant droit pour les prestations d'assurance maladie et maternité, congé de deux jours et versement du capital décès en cas de décès de l'un des partenaires, cinq jours et droit de priorité dans la fonction publique.
Il paraît toutefois légitime de renforcer ces droits sociaux. Si le Pacs avait à l'origine une visée essentiellement patrimoniale, les évolutions législatives lui ont attribué certains effets personnels. Aujourd'hui, le Pacs est une convention équilibrée entre le besoin de protection et la volonté de souplesse.
Le rapport d'information de 2007 de la Mecss recommande l'extension du bénéfice de réversion aux partenaires pacsés, à une double condition : une certaine durée d'union, et une réforme plus globale du système. Nous partageons cette position, qui est celle de notre rapporteur. L'étude comparative proposée par M. Gélard sera utile. Au vu de ces observations, le groupe UMP n'adoptera pas l'article 5.
Mme Isabelle Pasquet. - Le choix du Pacs implique le devoir de solidarité et d'assistance réciproque. C'est lors du décès de l'un des partenaires que ce besoin se fait le plus sentir ! Nous saluons les évolutions progressives de la législation -extension du droit au maintien dans le logement, alignement en matière de droits à succession et de mutations, ou versement du capital décès- qui témoignent d'un alignement progressif des droits.
Le droit à pension de réversion reste toutefois fermé, tout comme la rente viagère au titre de la contamination à l'amiante. Des progrès restent à faire pour ne pas ajouter à la peine les difficultés financières et matérielles qui suivent un décès. Même les opposants au Pacs, comme l'Unaf, reconnaissent que le partenaire survivant peut se retrouver dans une grande fragilité financière.
Nous proposons une mesure juste, appuyée par le Médiateur de la République et le Conseil d'orientation des retraites. Le rapport de MM. Domeizel et Leclerc préconisait déjà une telle extension en 2006. Mme Troendle estime dans son rapport que « l'octroi du bénéfice de la réversion au partenaire survivant ne serait pas illégitime ». Mais vous voulez attendre le rendez-vous de 2010 sur les retraites, argument soulevé par M. Darcos pour repousser notre proposition d'un rapport sur le coût d'une telle extension. Pourtant, quand il s'agit de réduire les droits, le Gouvernement et sa majorité n'attendent pas !
Enfin, nous proposons un partage au prorata du temps vécu ensemble, ce qui limite considérablement les risques de Pacs de complaisance.
M. Roger Madec. - L'extension du bénéfice de la pension de réversion serait une avancée majeure. La signature en mairie est importante mais symbolique ; ici, nous sommes dans le concret. Nous remédierions à une injustice, nous répondrions aux observations de la Halde et de la Cour de justice européenne. Nous nous mettrions au niveau de nombre de pays européens. La France, pays des droits de l'homme, ne peut rester à la traîne de la société ! J'espère que le grand débat sur les retraites sera l'occasion de régler enfin cette question. (M. Jean-Pierre Michel applaudit)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - (Marques d'impatience à droite) L'article 40 nous interdisant d'étendre le droit à pension de réversion, nous avons dû nous contenter de demander un rapport sur le coût d'une telle mesure -amendement que vous avez refusé. Il s'agit pourtant d'une mesure de justice sociale et de bon sens. La France risque une condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes : selon la Halde, la France méconnaît les dispositions de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.
L'argumentation de Mme Troendle ne nous convainc pas. Le Conseil d'État ne s'est pas opposé à une modification législative visant à revenir sur cette situation juridique différente. Son avis de 2002 ne peut tirer les conséquences des évolutions législatives intervenues depuis. La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations proscrit les discriminations indirectes. Or priver du droit à pension de réversion le partenaire survivant d'un Pacs liant deux personnes de même sexe au motif qu'il faudrait conserver une spécificité au mariage, auquel ils n'ont pas droit, constitue une discrimination indirecte.
Nous voterons évidemment cet article et espérons que nos collègues le feront aussi, dans l'intérêt des pacsés.
L'article 5 n'est pas adopté, non plus que l'article 6
Article 7
L'article L. 3142-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou la conclusion d'un pacte civil de solidarité » ;
2° Dans le sixième alinéa, après les mots : « le mariage », sont insérés les mots : « ou la conclusion d'un pacte civil de solidarité ».
Mme Isabelle Pasquet. - Il est vrai que les conventions collectives de branches peuvent prévoir des règles plus favorables aux salariés, y compris en l'absence de dispositions législatives. C'est d'ailleurs le cas pour une partie des 4 millions de salariés actuellement couverts par un accord de branches traitant du Pacs, et des 2 millions de salariés pour lesquels accords de branches ou conventions prévoient explicitement des congés pour événements familiaux liés par un Pacs. Mais cela nous met loin des 22 millions de salariés que compte notre pays.
Je ne comprends pas l'argument qui oppose à cet article les nouvelles règles concernant la négociation collective. Avant qu'intervienne la réforme voulue par le président du Sénat, seuls les projets de loi doivent être soumis à négociation avec les syndicats.
Comme nous ne partageons pas l'analyse sur l'absence de consensus en la matière, nous cherchons les raisons du faible nombre de conventions garantissant explicitement des droits pour les partenaires pacsés. Les conventions collectives sont le fruit d'une évolution des rapports de force et de négociations dans les entreprises et l'on ne peut minorer l'impact de la crise et du chômage sur les négociations. C'est pourquoi nous sommes convaincus qu'il faut appuyer les partenaires sociaux pour qu'ils puissent se référer à la loi au moment d'engager des négociations de branches. Il ne serait pas acceptable que, sous prétexte de respecter le dialogue social, on prive une grande partie des salariés d'une évolution favorable qu'ils sont très nombreux à attendre.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet article met fin à une discrimination entre salariés du privés et fonctionnaires : ceux-ci ont droit à cinq jours de congé pour événement familial.
L'article 7 n'est pas adopté, non plus que l'article 8.
L'ensemble des articles ayant été repoussés, la proposition de loi n'est pas adoptée.