Agriculture (Suite)

Interventions des orateurs (Suite)

M. Raymond Vall.  - L'examen du budget de l'agriculture intervient alors que notre agriculture traverse une crise sans précédent. Toutes les filières sont concernées. Dans nos campagnes, la détresse de beaucoup d'agriculteurs atteint son paroxysme. Le département du Gers, que vous connaissez, monsieur le ministre, marqué par le poids de ce secteur qui représente 20 % des emplois, n'échappe pas aux difficultés. Nous avons eu à affronter, à canaliser, à comprendre la colère, en particulier des jeunes agriculteurs et des producteurs de lait. Nous avons cumulé, cette année, tous les aléas, depuis la fièvre catarrhale ovine jusqu'à la maladie de l'esca, un vrai fléau pour la vigne (M. Gérard César le confirme) : il serait urgent d'appuyer l'effort de recherche pour l'éradiquer.

Les perspectives ne sont pas rassurantes. Le plan de soutien exceptionnel, annoncé par le Président de la République à Poligny, avait l'air prometteur. Mais, alors que les agriculteurs sont déjà très endettés et ont du mal à rembourser leurs échéances, on leur propose 1 milliard sous forme de prêts bonifiés. Endettez-vous pour vous désendetter... Le message est incompréhensible ! Et ce ne sont pas les 600 millions restants qui suffiront à les aider à éponger leurs pertes de 2009. Ils demandent des mesures fortes comme l'exonération complète de la taxe sur le foncier non bâti. J'espère, monsieur le ministre, qu'ils seront entendus.

On s'attendait à un budget pour 2010 qui s'attaque au caractère structurel de la crise. Or, les crédits de paiement stagnent. Cette stagnation, nous dit-on, cacherait en réalité une hausse. La programmation 2009-2012 prévoyait une diminution marquée des crédits en 2010 et en 2011 : ils augmentent de 10 % par rapport aux prévisions. De qui se moque-t-on ? Les majorations adoptées par l'Assemblée nationale sont certes positives mais correspondent à de simples mesures conjoncturelles.

Vous réduisez les crédits sur des actions qui, dans un contexte de crise et de mutation de grande ampleur, sont essentielles. Les moyens du plan de modernisation des bâtiments d'élevage reculent de 43 %. Sur le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et du plan végétal pour l'environnement, qui doivent aider les agriculteurs à rester compétitifs et à pérenniser leurs entreprises tout en relevant le défi des exigences environnementales, ce n'était vraiment pas le moment de baisser la garde ! La dotation aux Adasea diminue de 15 % : c'est condamner l'aide à l'installation. Dans mon département, il y a eu, de 2004 à 2007, 388 départs pour 134 installations et 26 % d'exploitants vont cesser leur activité dans les cinq ans.

Quant à la revalorisation de prime herbagère agro-environnementale, désormais cofinancée en grande partie par le budget européen, beaucoup d'interrogations persistent. Le Gers pourrait être exclu de l'indemnité compensatrice de handicap naturel par la nouvelle classification de l'Union européenne.

Le chef de l'État nous a fait part de son engagement à défendre sans faille une régulation rénovée. Après nous avoir dit pendant des années que le marché réglerait tout, je m'en réjouis. Nous savons, monsieur le ministre, combien vous êtes à l'écoute et combien vous vous battez, mais la majorité des membres du groupe RDSE ne pourra pas voter ce budget.

M. Jacques Muller.  - Cette mission appelle deux observations majeures. Tout d'abord, elle montre que la page du Grenelle de l'environnement est tournée -voyez l'absence d'efforts de recherche en faveur de l'agriculture intégrée, qui réduit les intrants et les charges. Si l'Inra considère que ce concept est fondamental pour une agriculture durable, il fait figure d'épouvantail pour certains professionnels et a été tabou ici pendant les débats du Grenelle. C'est aussi la faiblesse des crédits à l'agriculture bio alors que le déficit structurel de notre balance des paiements montre la nécessité de développer l'offre.

Deuxièmement, les crédits européens échappent une fois de plus au contrôle parlementaire ; ils sont pourtant trois fois plus élevés que ceux de la mission. M. Barnier avait annoncé une réorientation de 18 % des céréaliers vers les DPU des exploitations herbagères. Je me félicite de ce premier pas mais les modalités d'application sont opaques et se traduisent par une disparition implicite de la prime à l'herbe agro-environnementale. Qu'adviendra-t-il des 10 000 contrats qui arrivent à échéance ? Sous prétexte des nouveaux DPU revalorisés, on provoque un recul de l'éco-conditionnalité par rapport aux clauses des contrats passés avec les exploitations herbagères. Les zones de montagne seront défavorisées : c'est le monde à l'envers. Oui, le Grenelle de l'environnement est bien loin...

J'attire tout particulièrement l'attention sur le devenir de la politique conduite en zone de montagne vosgienne sous l'impulsion de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Haut-Rhin, qui a su associer tous les acteurs dans une démarche de concertation exemplaire pour une politique de revalorisation de l'espace rural. Réouverture des paysages, installation de jeunes agriculteurs, filières courtes, bonnes pratiques, ce plan de gestion a tenu toutes ses promesses : 90 % de la zone Natura 2000 sont contractualisés et le taux de renouvellement des contrats atteint 100 %. Tout le travail accompli depuis quinze ans est aujourd'hui remis en cause car, sans des crédits équivalents à la Phae, la moitié de la surface contractualisée risque de disparaître. Ce gâchis serait emblématique au seuil de l'année européenne de la biodiversité. Au nom des élus, des agriculteurs et des défenseurs de l'environnement, je me tourne vers vous, monsieur le ministre : vous ne pouvez-pas sacrifier cette belle opération sur l'autel d'une astuce budgétaire ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard César.  - Je suis en service commandé car M. Laurent, retenu par les obsèques d'une conseillère municipale, voulait vous questionner sur la fiscalité des liqueurs AOC. En France, les produits issus de l'agriculture sont soumis à une fiscalité variable selon leur mode d'élaboration : le pineau, le floc, le macvin, le pommeau...

M. Charles Revet.  - Bon produit ! (M. Didier Guillaume le confirme)

M. Gérard César.  - ... sont soumis à des fiscalités différentes alors que les produits industriels ont su faire évoluer la fiscalité à leur avantage. Depuis 2003, certains de ces derniers apéritifs sont taxés comme le vin, soit 63 fois moins que le pineau. L'indexation prévue par la loi de financement de la sécurité sociale s'est en effet traduite par une hausse des accises de 1,5 % en 2009 et de 2,8 % en 2010, laquelle représente à elle seule le double des taxes sur les produits concurrents. MM. Doublet et Laurent se battent contre l'iniquité de cette fiscalité. Ils multiplient les questions, demandent des rendez-vous, mais le dernier qu'ils ont eu au ministère s'est conclu par la promesse d'une nouvelle rencontre le 16 décembre.

Si l'aide aux vins de liqueur apportée en 2004, lorsqu'il était chargé du budget, par Dominique Bussereau, président du conseil général de Charente-Maritime, montre que leur demande est légitime, il n'y a plus eu d'avancée depuis lors. Nous perdons en crédibilité, la profession s'exaspère et envisage une grève de cette taxe qui rapporte 24 millions. Daniel Laurent a bien conscience que le pineau ne pèse rien à côté des apéritifs industriels, mais il faut apporter une réponse. Que lui direz-vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Didier Guillaume.  - L'ensemble de nos territoires connaît une crise sans précédent. Le cri d'alarme ne doit pas devenir lieu commun. Aucun secteur, aucune région n'est épargnée, déclarait le Président de la République à Poligny. L'agriculture se modernise, les agriculteurs nourrissent la France, entretiennent les paysages et accueillent les habitants des villes stressés : sans eux, plus de paysages, mais des friches ! Il faut leur redonner espoir. Ce budget aurait pu être le moyen de les remobiliser, ce n'est malheureusement pas le cas : il n'est pas à la hauteur des enjeux. Sur tous ces bancs, nous reconnaissons, monsieur le ministre, la sincérité de votre conviction et de votre engagement.

Mme Nathalie Goulet et M. Charles Revet.  - Tout à fait.

M. Didier Guillaume.  - Il faudrait pourtant plus de moyens pour assurer le renouvellement des générations, remédier à la baisse des revenus qui a atteint 20 % en 2008, et lutter contre la déprise foncière qui fait disparaître un département agricole tous les dix ans. Car cette crise structurelle appelle des solutions sur le long terme. Pourquoi ne vous en donnez-vous pas les moyens ? Les crédits de paiement du programme 154 ne sont pas à la hauteur pour renforcer la compétitivité des filières, tandis que ceux de l'enseignement technique agricole reculent de 1,2 %.

Le Grenelle de l'environnement avait fixé des objectifs ambitieux : réduction de moitié des produits phytosanitaires, 20 % de la surface agricole utile en bio d'ici 2020. Le monde agricole doit modifier ses pratiques, mais comment le pourrait-il sans moyens ni formation ? Il y a seulement 3 millions pour la conversion au bio ! Comment atteindre les objectifs dans de telles conditions ? Nous avons besoin d'une stratégie qui se développe sur le long terme. Ne leurrez pas les agriculteurs, améliorons l'organisation économique du secteur, réfléchissons à des mesures structurantes fortes et disons quelle agriculture nous voulons pour les années à venir. C'est ainsi que nous pourrons surmonter la plus grave crise agricole depuis des décennies.

Ce budget ne permettra pas de redynamiser le monde agricole ; les agriculteurs vont continuer à courber l'échine et à se battre, sans la certitude de pouvoir faire vivre leurs familles.

La loi de modernisation se profile. Nous sommes prêts à vous accompagner, monsieur le ministre, si elle n'est pas qu'une loi de plus. La France agricole a besoin de régulation. On parle de réorganiser les filières, mais les offices ont été abandonnés. Surtout, l'agriculture biologique peut être une des réponses à la crise, au moins dans certaines filières. Agriculture conventionnelle et agriculture biologique ne doivent pas être opposées, elles se nourrissent l'une de l'autre. Il faudra aussi répondre à cette question : comment mettre en place l'indispensable assurance récolte mutualisée dont les agriculteurs ont besoin ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Didier Guillaume.  - Enfin, loup et pastoralisme ne sont pas compatibles ; il faudra bien un jour faire des choix. (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet.  - Bien que très attaché à l'agriculture, je centrerai mon propos, en ma qualité de président du groupe d'études sénatorial sur le littoral et la mer, sur les enjeux de la mer. La France, qui possède la deuxième zone économique maritime du monde, a des responsabilités particulières pour elle-même mais aussi pour la planète, dans trois domaines à mes yeux indissociables : écologique, scientifique et économique. Le Grenelle de la mer a traité du premier de manière très approfondie mais les deux autres ne sont pas de moindre importance. La recherche française, avec notamment l'Ifremer, est une des plus performantes du monde, tandis que des milliers d'emplois pourraient être créés. Pour nourrir une population mondiale qui ne cesse de croître, les productions terrestres ont des limites ; on est loin en revanche d'avoir développé tout le potentiel des milieux marins. On me dit que les deux tiers de la production d'oeufs et de larves de l'Ifremer sont exportés ; ne pourrait-on mieux couvrir nos propres besoins alimentaires ? L'Inra a mis au point, pour les élevages, une alimentation à base de végétaux pour remplacer les farines animales. Nous ne couvrons que 20 % de nos besoins en poisson et crustacés ; est-ce acceptable ? Nous respectons les quotas de pêche en zone Europe, mais tous nos partenaires n'ont pas les mêmes scrupules.

Je crois que protection de l'environnement et développement des activités économiques ne sont pas incompatibles sur les sites qui s'y prêtent. L'aquaculture peut permettre de créer de nombreux emplois, de couvrir nos besoins alimentaires, de répondre sur le long terme aux besoins mondiaux -à condition que nous n'y mettions pas nos propres limites. Les parcs d'aquaculture sont peu développés en France, leur superficie a même régressé. Les projets de classement des espaces littoraux et fluviaux me préoccupent. Certes, le classement Natura 2000 n'interdit pas l'activité économique, mais presque tous les projets sont bloqués du fait des recours. Je suggère qu'on définisse trois types de sites : ceux dont le classement est justifié, ceux qui peuvent être réservés à l'activité économique et ceux sans destination précise qu'on pourrait réserver pour un classement ultérieur. Je propose également que, sous réserve de compensation de surfaces, les classements antérieurs puissent être revus.

Nous devons en finir avec ce funeste paradoxe d'une Nation de marins qui a oublié la mer. Notre flotte de commerce était au quatrième ou au cinquième rang mondial dans les années 1980, elle n'est plus que trentième ; nous ne couvrons que 20 % de nos besoins ; nous avons une excellente position stratégique mais ce sont les ports étrangers qui assurent l'acheminement des conteneurs qui nous sont destinés ou en partance ; Anvers est le premier port français...

Je suis conscient que tous ces dossiers ne relèvent pas de votre ministère. Je plaide pour une plus grande cohérence de notre politique maritime, ce à quoi le Président de la République nous a demandé de travailler. Pour relever ces défis, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre soutien. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yannick Botrel.  - Vous en avez vous-même fait le constat, monsieur le ministre, la crise agricole est la plus grave de ces trente dernières années ; nous devrions dire « les crises » au regard de la diversité des filières durement malmenées -lait, fruits et légumes, céréales- tandis que l'aviculture est en panne d'investissement. Chaque situation de crise entraîne disparitions d'exploitations et nouvelles concentrations. D'après les centres de gestion, 20 % des producteurs de lait sont au bord du gouffre... Cette situation est encore aggravée localement par l'incertitude qui plane sur l'avenir d'Entremont-alliance et par des tensions dont personne ne souhaitent qu'elles conduisent à des dérapages. L'inquiétude est d'ailleurs partagée par les salariés de l'industrie agroalimentaire, dont la restructuration entraînera la suppression de nombreux emplois. Entre 2007 et 2008, 1 200 emplois ont déjà été supprimés dans les entreprises Gastronome, Doux et Unicopa ; et Aoste a fermé son site de Saint- Etienne... Sans compter les menaces qui pèsent sur les entreprises de services liées à l'agriculture. La crise économique devient sociale.

La réorganisation de la filière lait pourrait conduire à une concentration en quatre ou cinq grands groupes de transformation et autant de bassins de production ; elle pourrait se traduire par la désertification agricole de vastes régions où la masse critique de la production ne serait plus suffisante pour maintenir la collecte. Aucun élu ne peut s'y résoudre. La concentration des activités entraînera inévitablement une plus grande pression sur les milieux naturels, avec une augmentation des rendements et un redimensionnement des exploitations, ce qui ne va guère dans le sens des dispositions du Grenelle de l'environnement -réduction des produits phytosanitaires, respect de la qualité de l'eau, développement d'une agriculture plus responsable.

Toutes les productions légumières sont aujourd'hui touchées par la crise. La profession s'est structurée et organisée, au moins dans certaines régions ; les responsables professionnels s'interrogent cependant sur les distorsions de concurrence liées à des importations venant de pays ne respectant pas la même réglementation phytosanitaire que nous ; ils souhaitent une réglementation européenne s'appliquant de façon homogène à tous les pays producteurs.

Ce budget nous paraît en trompe-l'oeil et en deçà des attentes. Les circonstances auraient justifié un engagement plus déterminé du Gouvernement. Or les crédits de l'action « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » régressent, comme ceux de l'action « Gestion équilibrée et durable des territoires » ; les crédits de long terme sont réduits de manière drastique : moins 43 % pour le plan de modernisation des bâtiments d'élevage, moins 12 % pour le PMPOA, moins 13,8 % pour les investissements stratégiques des industries agroalimentaires. Comment, dans ces conditions, aider à la sortie de crise et préparer l'avenir ?

Le plan de soutien d'urgence de 650 millions d'euros, décidé en octobre 2009, n'est pas totalement opérationnel ; on a connu meilleure réactivité... Ce budget apporte des solutions ponctuelles à des filières en grande difficulté ; mais les agriculteurs attendent aussi des solutions pérennes. La future loi de modernisation les apportera-t-elle ?

Parce que les banques sont un vecteur de l'économie, le Gouvernement est allé à l'encontre de la doctrine libérale pour soutenir ce secteur en pleine crise financière. Or nous parlons aujourd'hui d'une activité économique essentielle à la sécurité alimentaire, à l'aménagement du territoire et à l'emploi. Quel modèle d'agriculture voulons-nous promouvoir pour demain ? La réponse à cette question est urgente tant le malaise est profond. (Applaudissements à gauche)

M. Antoine Lefèvre.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous abordons ce budget en pleine crise agricole et alors que les revenus des agriculteurs ont baissé de 20 à 60 % selon les filières. Après la crise financière, la crise agricole ! Votre tâche est difficile, monsieur le ministre, car le budget de 2010 doit tenir compte des décisions du bilan de santé de la PAC, poursuivre les efforts en faveur d'une agriculture durable, répondre aux situations d'urgence et dégager des économies. Les professionnels de toutes les filières sont extrêmement attentifs aux réponses que nous leur proposons. En tant qu'élus, nous sentons la détresse de beaucoup d'agriculteurs et entendons leurs préoccupations.

Je m'intéresserai à l'installation des jeunes agriculteurs pour m'inquiéter de la diminution des crédits alloués aux Associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (Adasea). En période de crise et de croissance des besoins alimentaires mondiaux, il nous faut soutenir les volontaires à l'installation. Dans mon département de l'Aisne, fortement agricole, nous avons compté une cinquantaine d'installations en 2009 contre 43 en 2008. Le nouveau parcours à l'installation, plus attractif, semble avoir eu un effet accélérateur au second semestre. Je présenterai un amendement, largement cosigné par mes collègues, qui prévoit de transférer 700 000 euros à cette action. Cette proposition est nécessaire mais raisonnable.

Monsieur le ministre, vous travaillez à un projet de loi de modernisation agricole qui prend cette année un caractère d'urgence et que nous souhaitons axé sur une certaine régulation, conformément au souhait exprimé par le Président de la République dans son discours de Poligny. Je vous remercie pour votre action inlassable afin de tenir les parlementaires informés...

M. Jean-Pierre Raffarin.  - C'est vrai !

M. Antoine Lefèvre.  - ... des progrès mais aussi des difficultés que vous rencontrez dans le cadre des sommets agricoles européens. Je souhaite la réussite de la réunion de vos homologues européens à Paris mi-décembre, dans la perspective d'une nouvelle politique agricole commune, et je salue votre volonté d'améliorer la transparence de la formation des prix agricoles. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.  - (Applaudissements à droite et au centre) Nous sommes nombreux à estimer que la crise que connaît l'agriculture française est la plus grave que ce secteur ait connu depuis 30 ans. Il en résulte un vrai désarroi, des souffrances personnelles et familiales et l'inquiétude des agriculteurs quant à la survie de leur exploitation à court et moyen termes. Face à ces difficultés, nous devons assumer nos responsabilités et demeurer vigilants, et le Gouvernement se doit d'agir.

Le rapporteur spécial et Didier Guillaume ont analysé cette crise comme structurelle. Yannick Botrel nous a rappelé qu'elle touche toutes les filières. Gérard Le Cam a évoqué plus particulièrement la crise du lait. Les producteurs de ce secteur nous ont demandé d'intervenir sur les marchés internationaux, avec la Communauté européenne, pour que les prix remontent. Ils souhaitent également que s'instaure une relation plus structurée avec les industriels, sous l'autorité de l'État. Enfin, ils appellent de leurs voeux une régulation européenne du marché du lait lorsque les quotas auront disparu.

Depuis, le prix du beurre et de la poudre s'est établi à un niveau de 30 % supérieur au prix d'intervention sur le marché. Une régulation européenne a été engagée et un groupe de haut niveau a été constitué à l'initiative du Parlement et de la Communauté européenne. Le ministre de l'agriculture espagnol et moi-même avons obtenu qu'il rende ses premières conclusions en janvier au lieu de juin 2010.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche prévoira qu'un contrat écrit, établi sous l'autorité des pouvoirs publics, fixe les obligations respectives des producteurs et des industriels. Une commission publique de conciliation veillera à leur mise en place. Nous ferons en sorte que le prix payé au producteur soit supérieur en 2010 par rapport à 2009, mais il ne revient pas à l'État de fixer le prix du lait. (M. Jean Bizet approuve) L'État a rempli sa mission. C'est aux organisations syndicales, que le Comité national des produits laitiers (CNPL) a invitées à se réunir, de prendre le relais.

Ce budget tient compte de la crise actuelle : pour la première fois, il dépasse le seuil des 5 milliards d'euros, dont 3,4 milliards pour l'agriculture, la pêche, l'alimentation et la forêt et 1,6 milliard pour l'enseignement et la recherche. Les crédits dépassent la programmation de 10 % pour les autorisations d'engagement et, avec le plan d'urgence, de 13,3 %. Ce manque de prévisibilité que regrette M. Bourdin s'explique par les crises spécifiques, qui nécessitent des décrets d'avance, par les accords européens de novembre 2008 pour le bilan de santé de la PAC, qui ont mobilisé 234 millions de crédits de paiement, par la taxe carbone, qui représentera 43 millions en 2010 pour le ministère de l'agriculture, et par les conséquences de la tempête Klaus.

L'augmentation des crédits de paiement par rapport à 2009 est faible car la réforme du service public de l'équarrissage et l'élimination des stocks de farine animale nous ont fait économiser 41,6 millions. Monsieur le rapporteur spécial, nous faisons tout notre possible pour que la dette de l'État soit effacée d'ici 2011 -11 millions ayant été remboursés par anticipation en 2009. Lors du vote du projet de loi de finances pour 2009, un amendement déposé par Françoise Férat a permis d'augmenter de 38 millions les crédits de l'enseignement agricole. Cette mesure de compensation n'avait pas été reconduite. Luc Chatel et moi-même souhaitons fortement soutenir l'enseignement agricole. Nous traduisons cette volonté par des actes. (M. Charles Revet approuve) Soixante ETPT ont été rétablis afin d'accueillir 400 élèves. Un amendement sénatorial, à l'initiative du président du groupe UMP, a permis d'engager 50 ETPT supplémentaires, ce qui assurera 150 emplois pour la rentrée 2010. Cet effort est donc réel, chiffré, conforme à notre volonté politique.

Le Président de la République a annoncé le 27 octobre un plan destiné à aider les agriculteurs de France a passer dans les meilleures conditions cette année noire pour l'agriculture française. Un milliard de prêts bonifiés seront accordés sur cinq ans et 650 millions seront consacrés au soutien budgétaire. Toutefois, nous ne souhaitons pas ajouter de l'endettement à l'endettement. Il faut apurer certaines difficultés.

Une somme de 210 millions d'euros servira à réduire les intérêts d'emprunt et les charges sociales des agriculteurs : qu'on ne me dise pas qu'on ne fait que majorer les dettes ! Au terme d'un arbitrage délicat, il a été décidé d'exonérer certains exploitants de la taxe sur le foncier non bâti, pour un montant de 50 millions d'euros. Il n'était pas envisageable de supprimer purement et simplement cette taxe qui rapporte 850 millions d'euros.

Le dispositif Agridiff sera abondé de 100 millions d'euros, afin de répondre aux difficultés des paysans si endettés qu'ils ne peuvent bénéficier des autres mesures.

Enfin, 170 millions d'euros ont été débloqués pour prendre en charge la taxe carbone et une partie des autres taxes.

Au plan de la méthode, je ne prendrai aucune décision qui enfreigne les règles européennes : c'est un changement majeur dans la conduite de mon ministère. 

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La Commission a avalisé hier le plan français : c'est la première fois qu'elle se prononce en dix jours sur un plan de soutien à l'agriculture.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - L'argent que nous donnons aux agriculteurs, l'un de mes successeurs n'aura pas à le leur reprendre dans quelques années parce que cette aide aura été déclarée contraire au droit communautaire ! (Applaudissements à droite)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Lorsque les règles européennes ne nous conviennent pas, je fais tout mon possible pour persuader nos partenaires d'en changer - je citerai à titre d'exemple le règlement technique de la pêche.

Cette politique porte ses fruits. J'ai exprimé la volonté que tous les exploitants qui perçoivent aujourd'hui la prime herbagère agro-environnementale continuent à toucher la même somme jusqu'en 2014. Cela pose un problème juridique et dans une moindre mesure un problème budgétaire. Les règles européennes n'autorisent pas le renouvellement des contrats : c'est la raison pour laquelle aucune somme n'y est affectée dans ce budget. J'ai fait une proposition à la Commission européenne, qui l'a repoussée tout en prenant acte de nos efforts pour trouver une solution. Elle nous a fait une contre-proposition que mes services étudient et qui me semble tout à fait acceptable : il s'agirait de remettre tous les compteurs à zéro et de reconduire tous les contrats, qu'ils arrivent à échéance en 2010 ou 2012, jusqu'en 2014. Si cet accord est ratifié et que M. le Premier ministre rende les arbitrages nécessaires, nous inscrirons 30 millions d'euros à cet effet en loi de finances rectificative. La poursuite des versements est indispensable à l'équilibre économique des exploitations et à l'aménagement des territoires en difficulté, notamment en montagne.

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - N'oublions pas les mesures prises à l'automne : une enveloppe de 30 millions d'euros a été annoncée lors du sommet de l'élevage pour prendre en charge les intérêts d'emprunt. Pas moins de 98 millions d'euros serviront à financer la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine : 30 millions provenant du budget communautaire, 60 millions inscrits en loi de finances rectificative et 8 millions de reliquat du budget de 2009. Nous avons fait le choix de faire procéder aux vaccinations par les services vétérinaires, afin d'assurer la crédibilité de l'opération et, partant, le maintien des prix à l'exportation.

M. Alain Vasselle.  - Et des tarifs des vétérinaires...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Les exploitants seront intégralement remboursés.

Une somme de 11 millions d'euros, inscrite au budget, servira à financer les actions de surveillance biologique du virus et de l'insecte. J'organiserai au mois de janvier des états généraux du sanitaire afin de mieux associer les éleveurs à ces campagnes de vaccination.

Toutes ces mesures relèvent de logiques différentes et seront financées par des biais divers. La loi de finances rectificative pour 2009 comprendra 170 millions d'euros pour la vaccination contre la FCO, les bonifications de prêts et l'allégement des cotisations sociales, qui seront ainsi immédiatement applicables. En tout, 320 millions d'euros seront inscrits par amendement gouvernemental au PLF pour 2010 afin de financer Agridiff, la prise en charge des intérêts d'emprunts et le remboursement de la taxe carbone. L'allégement des charges pesant sur les travailleurs occasionnels, qui coûtera 170 millions d'euros, est une mesure structurelle destinée à être perpétuée d'année en année ; il figurera donc dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, mais je ferai en sorte qu'il s'applique dès le 1er janvier 2010.

Je veillerai à la bonne application du plan de soutien. J'ai bien conscience des difficultés rencontrées sur le terrain, notamment auprès des banques ; je dois m'en entretenir lundi avec Nicolas Forissier, chargé d'une médiation sur ce sujet, et je suis prêt à écouter les exigences des exploitants. Plutôt que des prêts, certains réclament un report en fin de tableau : nous verrons si nous pouvons accéder à cette demande au cas par cas, grâce aux 100 millions d'euros alloués à Agridiff.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Beaucoup se plaignent des nouvelles contraintes environnementales. J'ai décidé de permettre le retournement des prairies permanentes comme des prairies temporaires, à condition que la surface en herbe reste identique. (Applaudissements à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Ne soyons pas obtus : du moment que la surface en herbe reste la même, l'environnement est préservé !

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le souhaitez-vous vraiment, madame la présidente ?

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Il nous faut de vraies réponses.

M. Alain Vasselle.  - Nous prenons tant de plaisir à écouter M. le ministre !

Mme Nathalie Goulet.  - Nous voulons encore entendre de bonnes nouvelles !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le peuple le regrettera...

Au-delà des mesures conjoncturelles, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche comportera des réformes structurelles. Je souhaite que les parlementaires de tous bords soient associées à son élaboration, y compris les sénateurs socialistes, monsieur Guillaume : ce sujet mérite que l'on dépasse les clivages politiques.

Le premier objectif de la loi sera de stabiliser le revenu agricole. Les relations entre agriculteurs, industriels et distributeurs seront régulées par la voie de la contractualisation. Je reviendrai tout à l'heure sur le mariage d'Entremont et de Sodiaal. Nous interdirons les rabais en période de crise, encadrerons la pratique des prix après vente et imposerons des contrats écrits pour la publicité hors lieu de vente. L'Observatoire des prix et des marges verra son champ de compétences étendu à toutes les filières et sera doté de pouvoirs plus contraignants.

Le deuxième objectif sera de renforcer la compétitivité de notre agriculture, tout en renforçant les garanties des exploitants. Un dispositif assuranciel, véritable révolution dans le monde agricole, permettra de compter sur un revenu minimal. (MM. Gérard César et Jean Bizet approuvent) Nous étendrons la dotation pour aléas à l'aléa économique. Nous porterons la subvention de la Commission européenne et du budget européen à 65 % pour l'assurance d'ici 2011. Et enfin, sur l'arbitrage personnel du Président de la République, nous travaillerons à la création d'une assurance universelle garantie par l'État.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Et voilà !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Intéressant !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'est une révolution pour l'agriculture française...

M. Adrien Gouteyron.  - C'est effectivement très important...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très inquiétant, voulez-vous dire !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - En matière de compétitivité toujours, nous encouragerons les organisations de producteurs à se fédérer, nous renforcerons le rôle des interprofessions, nous diminuerons le coût du travail occasionnel de 11,53 à 9,26 euros pour le rapprocher de celui de nos concurrents européens.

Autre objectif du projet de loi, préserver les terres agricoles. La France, première puissance agricole européenne, ne peut continuer de perdre tous les dix ans l'équivalent d'un département en terres agricoles !

Mme Nathalie Goulet.  - Juste !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - D'autant que l'on ne peut défendre les circuits courts de distribution et vouloir limiter l'impact de l'agriculture sur l'environnement tout en repoussant les terres toujours plus loin des grandes villes.

Ces mesures structurelles n'ont de sens, messieurs Bourdin et Le Cam, que si nous défendons pied à pied la régulation des marchés agricoles en Europe et dans le monde. (M. Jean-Marc Pastor acquiesce) Après notre relatif succès sur le marché du lait, je réunirai le G22 agricole à l'Assemblée nationale la semaine prochaine pour défendre une régulation plus forte sur tous les marchés agricoles.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Nous mettons beaucoup d'espoir dans cette rencontre !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il en va de même de la pêche, évoquée par MM. Merceron et Revet ainsi que par Mme Herviaux. Grâce aux travaux des assises de la pêche closes hier par le Premier ministre à Brest, nous serons le premier État européen à déposer sur le bureau de la Commission des propositions de réforme de la politique européenne de la pêche partagées par les associations et les professionnels de la mer.

Cette régulation doit être mondiale. Personne ne peut ignorer que la variation des prix agricoles de 30 à 50 % cette année a empêché des centaines de milliers de paysans de produire. Personne ne peut ignorer que des pays en développement ont vendu 10 millions d'hectares de terres agricoles à la Chine, à la Corée, l'Arabie Saoudite en 2008, 30 millions en 2009. Il n'y aura pas d'indépendance alimentaire si nous n'encadrons pas ce mouvement. J'ai fait des propositions en ce sens avec mon homologue brésilien au sommet de la FAO. J'ai également invité, dans le cadre de l'OMC, le Canada, un certain nombre de pays européens et africains à s'engager dans la voie de la régulation. Je suis convaincu que nous ne sommes qu'au début de ce débat et que les idées de la France trouveront un écho de plus en plus large ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à mes questions !

Questions et réponses

M. Alain Vasselle.  - Monsieur le ministre, les mesures conjoncturelles que vous venez de prendre ne sauraient répondre à une crise de nature structurelle, vous l'avez reconnu. Elles mettent l'accent sur les producteurs de lait, de fruits et légumes et les viticulteurs. Quid des producteurs de céréales, d'oléagineuses et de protéagineuses ? Soit, ils sont présentés comme des nantis. (M. Didier Guillaume ironise) Mais la réalité, selon le comité agricole de mon département, est qu'une exploitation agricole de polyculture et d'élevage de 300 ha va voir son revenu brut d'exploitation diminuer de 50 % par rapport à l'an dernier, sans oublier les effets de la redistribution des aides, décidée à contrecourant par M. Barnier à l'occasion du bilan de santé de la PAC, des régions céréalières vers les éleveurs de montagne. Comment compenserez-vous les surcoûts de production liés aux nouvelles contraintes environnementales ? Comment rétablir la préférence communautaire dont M. Sarkozy s'est fait le héraut ? A toutes ces réponses, les producteurs attendent des réponses concrètes !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je n'ignore pas les difficultés de la filière céréalière. La redistribution des aides de la PAC était une mesure courageuse et juste, mais le partage est plus difficilement acceptable pour les céréaliers depuis que les cours des céréales ont baissé. Première remarque, la question de la parité entre l'euro et le dollar constitue un problème majeur, les céréaliers exportant beaucoup, sur lequel nous avons peu de marges de manoeuvre. Le cours est de 170 dollars la tonne, soit seulement 120 euros. Cela n'est pas satisfaisant. Ensuite, il faut nous battre pour davantage de régulation, je le ferai au sein du G22 agricole la semaine prochaine. Vous pouvez compter sur ma détermination.

Enfin, la question assurantielle. Les céréaliers sont plutôt bien assurés avec un taux d'assurance de 30 %, par rapport à d'autres filières qui ne le sont pas du tout. Mais cela reste insuffisant. Nous ne pourrons avancer sur ce point tant qu'il n'existera pas de dispositif de réassurance public. D'où toute l'importance de l'arbitrage rendu par le Président de la République dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui permettra de porter le taux d'assurance de tous à 60, sinon 80 %.

M. Alain Vasselle.  - Merci de cette réponse très claire qui concerne tous les agriculteurs, y compris les céréaliers. Nous attendons avec impatience l'application de ces mesures dans l'espoir que l'année 2010 soit meilleure que 2009 !

M. Yannick Botrel.  - Monsieur le ministre, vous avez fait état d'un redressement relatif du prix du lait payé aux producteurs. Ces derniers ne partagent pas ce sentiment et les comptes de nombreuses exploitations sont encore négatifs. Sur le dossier Entremont Sodiaal, la tension est vive dans les Côtes d'Armor et en Bretagne : les producteurs ont l'impression d'être écartés de la discussion ; leurs inquiétudes sont partagées par les responsables politiques, compte tenu de l'importance de l'entreprise pour l'économie de la Bretagne. Monsieur le ministre, pourriez-vous faire un point sur le dossier Entremont et les perspectives de rapprochement avec le groupe Sodiaal ?

M. Adrien Gouteyron.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je ne nie absolument pas que le prix du lait ne soit pas satisfaisant. Mais à chacun ses responsabilités. Celle du ministre de l'agriculture est de plaider auprès de la Commission européenne pour qu'elle intervienne sur les marchés et fasse remonter les prix. Ce fut difficile, mais nous avons obtenu qu'elle le fasse. Les prix ont commencé de remonter, il faut maintenant les fixer à un niveau équitable pour les producteurs, au moins supérieur aux prix de 2009. Cela ressort de la responsabilité des industriels et des organisations syndicales.

J'ai étudié le dossier Entremont de près en ne perdant jamais de vue l'intérêt des 6 000 producteurs et également des 4 600 salariés en Bretagne. Lorsque je me suis rendu auprès des producteurs en juillet, j'ai pris l'engagement de trouver une solution industrielle en septembre 2009. J'y ai travaillé tout le mois d'août. La seule proposition sérieuse que j'ai reçue est celle du groupe Sodiaal, l'autre étant la mise en liquidation judiciaire qui est inacceptable.

Les discussions se sont engagées : un accord d'exclusivité a été signé début octobre et renouvelé en novembre. Très récemment, le groupe Lactalis a dit qu'il pourrait déposer une offre : c'était la première fois qu'il se manifestait. Attendons la nouvelle offre afin que les parties intéressées puissent choisir entre celle de Sodiaal et celle de Lactalis. Mais je tiens à rappeler que ce dossier est parfaitement transparent et les producteurs ont voté à plusieurs reprises sur le projet de Sodiaal pour Entremont.

D'ici la fin de l'année, je souhaite une perspective industrielle claire et définitive pour la reprise du groupe Entremont : nous le devons aux producteurs et aux salariés du groupe.

M. Yannick Botrel.  - Monsieur le ministre, vous avez confirmé implicitement que l'augmentation du prix du lait ne bénéficie pas directement aux producteurs. Il y a encore du chemin à faire pour que les relations soient équitables entre producteurs et transformateurs. Les pouvoirs publics et le Gouvernement ne peuvent se dédouaner de leurs responsabilités en la matière.

Sur le dossier Entremont, vous faites état d'un certain nombre d'informations dont je prends acte. Mais les producteurs laitiers ont l'impression de ne pas être associés aux discussions en cours. Je ne sais pas à quoi correspondent les votes dont vous avez fait état, mais ils sont loin de rassurer les agriculteurs concernés.

M. Daniel Soulage.  - L'année 2009 restera une année noire pour toute l'agriculture française. Le secteur des fruits et légumes est encore aujourd'hui en crise, malgré le plan exceptionnel de soutien à l'agriculture présenté le 27 octobre par le Président de la République et malgré votre engagement et votre détermination.

Le secteur des fruits et légumes est un des piliers du développement de nos territoires mais il aura beaucoup de mal à retrouver sa place et son dynamisme. Les actions conjoncturelles, bien qu'importantes, ne suffiront pas. Il faut agir sur les structures et en particulier réorganiser la filière.

Vous avez déclaré lors de votre intervention en commission des affaires économiques que vous iriez au bout de la réforme programmée : mise en place d'appellations d'origine protégée (AOP) par produit et création d'un organisme fédérateur, la Gouvernance économique des fruits et légumes (Gefel), qui représentera cette profession.

En matière d'AOP par produit, sept sont constituées sur quinze prévues. En revanche, la représentativité des comités économiques n'ayant pas été renouvelée, les territoires ne sont pas représentés en tant que tels, si bien que les petites productions locales restent en ordre dispersé. Les discussions avec les collectivités sont plus difficiles, les financements professionnels disparaissent et, avec eux, les possibilités d'action tant en matière de centres de recherche que de promotion de produits.

Vous faites beaucoup pour cette filière, monsieur le ministre : la création d'AOP et le regroupement sont d'excellentes initiatives. Le nouvel organisme devra fédérer toute la production. Pourtant, ceux qui ont rallié le nouveau cadre ne représentent que le quart de la production regroupée dans la précédente organisation. Il faut absolument reconnaître les organisations territoriales. Votre prédécesseur a commencé en décembre 2008 en reconnaissant les organisations économiques de la Bretagne et de la Corse. Vous avez poursuivi avec l'arrêté du 10 novembre qui leur permet de se doter de moyens financiers importants grâce à la mesure « d'extension des règles ». Il faut absolument poursuivre sur tout le territoire. Seuls les Bretons et les Corses disposent de moyens financiers pour la recherche et la promotion de produits : c'est une bonne chose mais il faudrait que les autres régions fassent de même.

Avec la crise, la famille professionnelle se déchire, ce qui complique votre mission déjà délicate. Nous savons que vous êtes déterminé : nous avons confiance en vous.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je partage votre analyse : la filière des fruits et légumes vient de connaître une année extrêmement difficile. Elle connaît des problèmes à la fois conjoncturels et structurels. Il faut lui redonner de l'air, ce qui a été fait avec le plan d'urgence, mais aussi lui permettre de redevenir compétitive.

Si nous voulons gagner en compétitivité, il faut avancer dans deux directions : d'abord, l'offre doit être mieux structurée. Je me félicite que la filière ait proposé de renforcer les associations de producteurs : nous irons au bout de cette réforme car c'est la meilleure façon de bien défendre les productions. Même sur des produits de base, la filière bretonne s'en sort bien car elle est très bien organisée. Il convient, en second lieu, de réduire l'écart de compétitivité entre la France et les autres pays européens en matière de coût du travail qui représente entre 40 et 60 % du coût final du produit. Si les écarts sont trop importants, la filière ne peut pas s'en sortir. Dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, nous proposerons de réduire le coût du travail occasionnel pour toutes les filières agricoles : on passera de 11 à 9 euros de l'heure de travail. Nous nous rapprocherons ainsi de nos voisins européens comme l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne qui sont autour de 6 à 7 euros de l'heure.

Je suis ouvert à toutes les propositions qui permettront d'améliorer la compétitivité de la filière pour le coût du travail permanent, sous réserve que nous restions dans le cadre du droit du travail français et des règles européennes.

M. Daniel Soulage.  - Je souhaiterais que l'exemple breton soit suivi par le reste du pays. Il faut mettre sur pied des organisations territoriales dans chaque région.

M. Didier Guillaume.  - En 2008, la filière des fruits et légumes a subi la plus forte baisse de revenus du secteur agricole : moins 37 % !

En dehors des crises sanitaires ou climatiques, les prix payés aux producteurs sont scandaleusement bas : ils sont souvent inférieurs à leurs prix de revient. Ce n'est pas acceptable.

Vous pointez le coût du travail saisonnier comme un facteur de distorsion de concurrence avec les autres pays européens. Vous avez, à juste titre, proposé des mesures pour y remédier.

Mais la fin de cette crise ne passe pas uniquement par la réduction du coût du travail. Lors des questions d'actualité en septembre, je vous avais déjà posé une question et, lorsque vous êtes venu il y a quelques semaines avec le Président de la République dans la Drôme, vous vous êtes adressé à la filière fruits et légumes. En France, les agriculteurs ne fixent pas leurs prix : c'est la seule profession dans ce cas là. Il y beaucoup trop d'écart entre le prix payé au producteur et celui acquitté par le consommateur. En concertation avec les représentants de cette filière, j'ai donc demandé avec mon groupe politique la création d'une commission d'enquête sur l'organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix.

Nous ne pouvons nous résigner à la mort de la filière fruits et légumes qui a encore beaucoup d'avenir. Les arboriculteurs ne veulent pas vivre de subventions, de subsides, mais de prix rémunérateurs, capable de faire vivre une famille.

Pensez-vous que l'enveloppe d'urgence de 15 millions, avec un taux de spécialisation réduit de 50 à 30 %, sera suffisante pour permettre aux producteurs de fruits et légumes de passer cette crise ?

Pouvez-vous donner votre avis sur la mise en place d'une assurance récolte obligatoire ?

Pouvez-vous faire un point d'étape sur le plan de lutte contre la sharka, et nous dire comment le Gouvernement compte, aux cotés des collectivités, le prolonger en 2010 ?

En tout état de cause, ne faut-il pas repenser de fond en comble la formation des prix agricoles ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il n'y a pas de solution miracle, mais une accumulation de bonnes décisions et de bons choix politiques qui permettront d'apporter des réponses aux filières en crise.

S'agissant de la filière des fruits et légumes, il y a un problème d'organisation et de compétitivité, comme je l'ai dit à M. Soulage.

En ce qui concerne la commercialisation, des progrès restent à faire pour valoriser les produits. Dans les grandes surfaces, les fruits et légumes sont traités comme les derniers des produits : mal valorisés, mal étiquetés et les origines rarement indiquées. Nous devrons aussi nous attaquer aux marges. Sur la carotte, elles sont véritablement excessives. Nous renforcerons donc l'Observatoire des prix et des marges dans la loi de modernisation.

Nous devrons aussi remédier à un certain nombre de pratiques : en période de crise, les remises, rabais, ristournes sont inacceptables. Les efforts doivent être équitablement répartis car il n'est pas logique que seuls les producteurs trinquent. Nous proposerons donc dans la loi d'interdire ce genre de pratiques en période de crise.

Trop de contrats restent verbaux : il faut leur substituer des contrats écrits. D'ailleurs, tout le monde dans la filière des fruits et légumes y est favorable, aussi bien les producteurs que ceux qui commercialisent les produits car cela permettra de clarifier certaines pratiques. Enfin, la publicité sur les lieux de vente mérite aussi d'être encadrée.

En prenant toutes ces décisions structurelles et conjoncturelles, nous arriverons à mieux valoriser les produits de cette filière, ce qui garantira un revenu plus stable et plus juste aux producteurs.

Pour la sharka, nous apportons des réponses et maintenons le dispositif en 2010, ce qui permettra de rembourser les producteurs. Enfin, nous encourageons l'assurance récolte dans un cadre public.

M. Didier Guillaume.  - Vos réponses vont dans la bonne direction. La filière qui me tient le plus à coeur est aussi l'une des plus touchées et les jeunes ne peuvent plus s'installer. J'y insiste, l'Observatoire des prix et des marges est indispensable. Il ne doit plus être possible de vendre à perte ni de voir sur un étal des pommes vendues cinq à six fois le prix de départ. Nous y serons très attentifs dans la loi de programme.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Les épisodes climatiques extrêmes que l'on observe depuis quelques années résultent-ils du réchauffement climatique ? Ils ont en tout cas des effets dévastateurs sur les revenus d'exploitants confrontés en outre à des facteurs pathogènes émergents, à la refonte de la PAC et aux fluctuations des marchés. Grippe aviaire, effondrement des prix, tempête Klaus, beaucoup d'exploitants sont au bord de la faillite. Pourquoi les entreprises agricoles sont-elles les plus exposées et les moins protégées des entreprises ? Fonds de garantie des calamités agricoles, assurance récolte et épargne de précaution défiscalisée, ces mécanismes sont encore trop limités. L'assurance récolte reste concentrée sur les productions les moins risquées. Vous avez obtenu un cofinancement communautaire jusqu'à 65 % des primes, ce dont je me félicite, mais il aurait été plus équitable que cette assurance soit obligatoire et mutualisée. La dotation pour aléas n'a pas vraiment fonctionné et, en ces temps de crise, peu d'exploitants ont la capacité d'épargner. Nous devons améliorer ces outils et réfléchir à un système de garantie ambitieux et juste. Quelles sont vos propositions ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Vous venez d'un département que je connais bien.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Ligardes...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Condom...

Je partage votre analyse. Jacques Blanc évoquait tout à l'heure la situation des éleveurs de Lozère : pas un seul ne bénéficie d'un dispositif assurantiel ; en cas de besoin, il faudra abonder le fonds pour calamités agricoles, prendre sur le budget, ce qui ne satisfait personne, et le ministre devra gérer l'urgence au lieu de tracer des perspectives d'avenir. La solution réside dans un dispositif assurantiel universel, dans le Gers comme en Lozère...

Mme Nathalie Goulet.  - Et l'Orne !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avons ensuite mis sur pied un dispositif de subvention fiscale en 2011 afin d'alléger les charges des exploitants. On étend la dotation aux aléas économiques. J'ai bien conscience que cela ne concerne que les exploitants en mesure d'épargner 23 000 euros, le plafond étant de 150 000 euros, et je n'en connais pas dans le Gers.

Enfin, j'insiste sur le caractère novateur voire révolutionnaire de la réassurance publique avec laquelle nous pourrons débloquer la situation de toutes les filières et dont la création sera aussi importante que l'avait été la mise en place de la MSA. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Je vous remercie de votre réponse. Quand des exploitants voient les volumes et les prix baisser de 40 %, ils sont au bord de la faillite s'ils ne bénéficient pas d'une solidarité familiale. Il faut donc péréquer pour combler des écarts gigantesques. On ne peut rien à la nature des sols, mais on peut mutualiser l'assurance et introduire un élément pondérateur. Le temps des disettes que l'on connaissait sous Louis XV et Louis XVI est définitivement révolu.

M. Yann Gaillard.  - La forêt fait partie de vos attributions. Une fois n'est pas coutume, le programme 149 qui en traite connaît une augmentation : les autorisations d'engagement progressent de 26,8 %. Pourtant, si on déduit les sommes exceptionnelles qui ont permis de venir au secours des sinistrés des landes après la tempête Klaus, le financement des actions de fond baisse de 6 %. Notre forêt est la troisième d'Europe par sa surface, mais la première par sa qualité et en diversité. Elle mérite toute l'attention des pouvoirs publics. Dans le prolongement du Grenelle de l'environnement, des assises de la forêt et des déclarations du Président de la République, les promesses n'ont pas manqué, mais le soutien pécuniaire doit être en phase avec les objectifs que sont l'augmentation de 40 % des récoltes d'ici 2020, la biodiversité, la lutte contre le réchauffement climatique et le redressement de la balance des paiements. Pour que les forestiers puissent gravir toutes ces marches, il faut qu'ils disposent des moyens nécessaires.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avions initialement prévu une baisse du budget de la forêt (37,4 millions en autorisations d'engagement et 23,9 millions en crédits de paiement) en raison de la fin des aides aux chablis, des efforts de productivité demandés à l'ONF et des amendements adoptés au projet de loi de finances pour 2009. Toutefois, compte tenu du caractère stratégique de la forêt, souligné par le Président de la République, et des conséquences de la tempête Klaus, des crédits ont été débloqués au collectif et j'ai veillé tout au long de l'année à ce qu'ils arrivent directement aux forestiers qui en avaient besoin. Cet effort est maintenu en 2010. S'y ajoutent des fonds européens. Nous pourrons ainsi mener les actions prévues tout en renforçant la présence physique. Je partage la politique que vous défendez d'une meilleure valorisation de la forêt qui couvre le tiers du territoire français. C'est un atout pour la France -je viens de recevoir les entreprises concernées par l'apport du bois à l'environnement- et une filière importante pour notre économie.

M. Yann Gaillard.  - Je vous remercie de cette réponse à laquelle je n'ajouterai qu'un détail. Les forestiers, les communes forestières, aimeraient bien récupérer plus qu'ils ne versent pour la taxe additionnelle des chambres d'agriculture sur les terrains boisés. Je sais bien que les chambres d'agriculture sont des puissances respectables, mais si vous pouviez nous aider...

Mme Nathalie Goulet.  - Bonne idée !

M. Jean-Claude Danglot.  - Face au développement d'une aquaculture industrielle intensive, certains pays monopolisent les quotas de pêche (90 % pour la Norvège sur le cabillaud !), ce qui met en péril la pêche artisanale.

Le manque de quotas pour la sole et le cabillaud contraint les bateaux de Dunkerque et d'Etaples de rester à quai depuis plusieurs mois, laissant les marins et leurs familles sans ressources et sans couverture sociale. Plusieurs centaines d'emplois induits sont menacés.

Le Président de la République avait annoncé que la présidence française de l'Union européenne serait l'occasion d'un dialogue fort avec la Commission et il avait souhaité un assouplissement du système des quotas. Or Bruxelles préconise aujourd'hui des quotas individuels transférables, qui n'auront d'autre conséquence qu'une concentration des flottes au détriment des entreprises les plus fragiles. Les professionnels proposent trois mesures : la mise en place d'un régime côtier, la réservation de la bande des douze miles nautiques aux navires de pêche artisanale et une gestion fondée davantage sur l'effort de pêche. Au lieu de cela, le plan du Gouvernement entend adapter la flottille aux quotas en cassant des bateaux. Ce n'est pas acceptable. Quelles actions entend-il mener, notamment auprès de la Commission, pour sauver la pêche artisanale et permettre aux professionnels de vivre de leur métier ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je me bats avec la même détermination pour les intérêts de la pêche française que pour ceux de notre agriculture. Je serai à Bruxelles dans quelques jours pour la négociation annuelle des totaux autorisés de capture, et me suis au préalable concerté avec les professionnels, les scientifiques et les ONG. Jusqu'à présent, seule la France a réfléchi à l'avenir de la politique commune de la pêche. Nous tenons au maintien des quotas et sommes opposés aux quotas individuels transférables, qui entraîneraient un transfert d'activité vers la pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale, qui fait partie de l'identité de notre littoral. Nous refusons les quotas d'effort, qui concentreraient la pêche sur les espèces les plus valorisées. Nous plaidons pour une réforme de la gouvernance et pour le développement durable. Nous serons enfin attentifs à l'aspect social, aujourd'hui cruellement absent de la politique européenne de la pêche.

M. Jean Boyer.  - J'associerai à ma question Jean-Paul Amoudry. Le présent budget garantit l'exécution des contrats relatifs à la prime herbagère agro-environnementale (Phae) en cours, mais pas de financer de nouveaux engagements ni de renouveler les anciens. Or, ceux-ci doivent représenter de 7 000 à 10 000 contrats ; et les nouveaux installés peuvent vouloir se tourner vers ce type de soutien. Il y a là une rupture d'égalité entre les agriculteurs. Une nouvelle prime à l'herbe, octroyée sur la base du premier pilier de la PAC, prendra le relais jusqu'à la mise en oeuvre d'une mesure identique pour tous ; mais son montant devrait varier de 20 à 80 euros par hectare en fonction du taux de chargement et de la surface en herbe, le chargement minimal étant de 0,5 à 0,8 unité de gros bétail (UGB) à l'hectare.

Ces nouveaux critères vont écarter des zones typiques d'élevage dans les départements de montagne fragiles qui ont des taux de chargement très faibles, 0,43 UGB dans les Alpes du sud, la Corse, la Lozère ou la Haute-Loire. Comment le Gouvernement financera-t-il le soutien à tous les agriculteurs qui bénéficiaient de la Phae ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je comprends l'inquiétude des départements de montagne. Je veux les rassurer. Nous avons trouvé un système qui préserve les intérêts de toutes les exploitations, où qu'elles se trouvent, y compris celles dont le taux de chargement est autour de 0,5 UGB. Le versement sera maintenu pour chaque exploitant. Nous avons eu plusieurs échanges avec Bruxelles pour sécuriser juridiquement la Phae et sommes en train d'expertiser la proposition de la Commission de la remise des compteurs à zéro et de la reconduction des contrats jusqu'en 2014 ; 30 millions d'euros seront dégagés en loi de finances rectificative pour financer le nouveau dispositif.

M. Jean Boyer.  - Je salue votre remarquable connaissance des dossiers et me félicite de la sécurité que vous apportez aux agriculteurs. Il faut en effet prendre en compte les territoires les plus fragiles, qui sont à 0,5 UGB alors que la référence est à une UGB.

M. Gérard Le Cam.  - Selon une enquête récente, les produits issus de l'agriculture biologique seraient 72 % plus chers que ceux de l'agriculture conventionnelle. Les professionnels mettent en avant la faiblesse des subventions et relèvent que 60 000 exploitations concentrent en France 80 % des aides européennes. Ils insistent sur la nécessité de répercuter dans les prix les coûts techniques et sociaux des productions intensives.

Début 2009, M. Barnier a annoncé que 18 % des aides directes seraient orientées en 2010 dans quatre directions : consolidation de l'économie agricole et de l'emploi sur l'ensemble du territoire, instauration d'un nouveau mode de soutien pour l'élevage à l'herbe, accompagnement d'un mode de développement durable de l'agriculture et création d'outils de couverture des risques climatiques et sanitaires. Cela risque d'être insuffisant. Lors des discussions du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement comme les sénateurs ont dit leur volonté de promouvoir une agriculture biologique respectueuse des objectifs du développement durable et décidé d'en tripler la surface d'ici 2012 pour atteindre 6 % de la surface agricole utile. Les agriculteurs « bio » ont aujourd'hui des difficultés à lancer leur activité et à la maintenir, tandis que les consommateurs sont découragés par le niveau des prix. Que compte faire le Gouvernement pour promouvoir le développement de l'agriculture biologique ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le Gouvernement fait le maximum pour soutenir l'agriculture biologique, c'est un axe structurant de sa politique. Nous tiendrons l'objectif de triplement de la surface cultivée en « bio » d'ici 2012. Trois millions d'euros sur cinq ans viendront soutenir la structuration et la conversion des exploitations et 2 millions iront à des projets de recherche et d'innovation. La loi de modernisation, dont l'alimentation sera le fil directeur, fixera comme objectif pour 2012 la présence de 20 % de produits « bio » dans la restauration collective de l'État. D'autres objectifs en matière de consommation pourront être définis.

La formation dans les lycées agricoles se focalise de plus en plus sur le bio.

Nous avons déplafonné les aides à la conversion et dégagé une enveloppe supplémentaire de 12 millions par an sur trois ans. Le crédit d'impôt a été doublé pour atteindre 4 000 euros. Enfin, 50 millions supplémentaires ont été décidés dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Dans un marché porteur, ce plan devrait montrer toute son efficacité dans les années à venir.

M. Gérard Le Cam.  - Merci pour ces précisions. Les élus locaux sont en effet confrontés au problème du coût pour la restauration collective. Avec le bio, de nombreux ménages parviennent à tirer un revenu correct d'une surface réduite : c'est encourageant. J'espère que nous atteindrons nos objectifs et mettrons fin à la course à l'agrandissement et à la concentration.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) achètent et revendent chaque année environ 80 000 hectares des terres, soit 22,9 % du marché, tout en conservant 18 000 hectares pour les collectivités publiques. C'est une véritable puissance économique. Les crédits qui leur sont attribués demeurent stables.

Sans contester l'action des Safer, je m'interroge sur leur représentativité, et sur le droit de préemption qui leur permet d'acheter à la place de l'acquéreur initial pour revendre à un autre, dont le projet leur paraît répondre mieux aux enjeux d'aménagement locaux. Qui est garant de ces enjeux, les Safer ou ceux qui portent un projet précis ? Qui a la légitimité pour trancher en cas de litige ? Le Gouvernement envisage-t-il de modifier la loi pour renforcer la transparence et l'équité dans la vente des terres agricoles et éviter les trop nombreux conflits d'usage ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il n'est pas prévu de modifier le statut des Safer, qui participent à la régulation des terres agricoles, en concertation avec les autorités locales. Nous ne pouvons accepter une déprise agricole si rapide sans réagir au niveau global. L'un des objectifs de la loi de modernisation agricole sera d'évaluer notre capital agricole, avec la création d'un Observatoire national des terres agricoles.

A l'échelle du département, il faut renforcer les commissions chargées d'émettre un avis sur les transferts de terres agricoles. Je proposerai de créer des commissions départementales associant autour du préfet tous les acteurs, propriétaires mais aussi associations et élus locaux. Rendre constructible une terre agricole peut multiplier son prix par vingt, par cent ! Nous devrons y répondre dans la loi de modernisation agricole.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Merci de cette réponse claire. Je me félicite de la mise en place de ce nouvel Observatoire et de commissions qui réuniront tous les partenaires, car il y a un vrai problème de représentativité.

M. Pierre Jarlier.  - Nos agriculteurs de montagne traversent une crise sans précédent. Le projet de loi de finances a bien prévu les crédits nécessaires pour honorer les contrats Phae en cours mais pas pour le renouvellement de ceux qui arrivent à échéance en 2010. Si la réorientation d'une partie des aides du premier pilier a permis de créer un droit à paiement en soutien à la production à l'herbe, cette nouvelle aide ne doit pas se substituer à la Phae : l'État reprendrait d'une main ce que l'Europe donne de l'autre !

Dans le Cantal, sur 5 000 exploitations, 3 700 perçoivent la Phae, qui représente plus de 10 % des aides publiques aux agriculteurs cantaliens ; 2 500 sont des exploitations laitières dont les revenus ont chuté avec la crise. La perte de la Phae pourrait leur être fatale.

Monsieur le ministre, vous avez assuré les agriculteurs de votre soutien et engagé une consultation auprès de la Commission européenne pour trouver une solution mais les crédits prévus restent insuffisants pour assurer le renouvellement des conventions. Dans quel délai pourrez-vous proposer une solution garantissant le maintien de la Phae ? Cette aide restera-t-elle bien distincte des nouvelles aides européennes à la production herbagère ?

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Les éleveurs de montagne pourront ériger une statue aux sénateurs qui, comme MM. Jarlier, Boyer et Blanc, ont défendu la Phae : s'ils n'avaient pas tiré la sonnette d'alarme, nous n'aurions pas recherché une solution avec la Commission européenne, ni demandé à Matignon les crédits nécessaires ! Je souhaite que nous trouvions une solution avant la fin de l'année afin de rassurer les éleveurs.

M. Jacques Blanc.  - Très bien.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le maintien d'une agriculture de la diversité est un choix politique et un axe directeur de notre action. Nous ne voulons pas d'une agriculture identique dans toute l'Europe, avec de grands ensembles industriels concentrés dans quelques grands bassins de production ; au contraire, nous défendons une agriculture compétitive, qui surmonte les difficultés d'un environnement difficile pour produire des produits de qualité qui méritent d'être valorisés : les AOC du Cantal en sont la meilleure preuve. (M. Jacques Blanc applaudit)

M. Pierre Jarlier.  - Merci de votre réponse, notamment sur le délai. Il ne doit pas y avoir d'amalgame entre la nouvelle prime à la production herbagère européenne et l'encouragement, par la Phae, à des modes d'exploitation respectueux de l'environnement.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ma question porte sur les crédits affectés à la prévention des incendies de forêt. Lors de sa création, en 1987, le Conservatoire de la forêt méditerranéenne (CFM) disposait d'un budget de 100 millions de francs, soit 22,8 millions d'euros. Il était alimenté par des ressources propres : une taxe nouvelle sur les briquets et une taxe additionnelle sur les tabacs.

Depuis, ses crédits ont fondu : 9 millions pour le prochain exercice, comme en 2009. Comme l'observait déjà la Cour des comptes en 2000, ils financent désormais essentiellement les missions de surveillance et l'investissement à la charge de l'État et seulement à la marge des actions intéressant directement les collectivités : les investissements de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) -pistes, pare-feux, coupures agricoles- et leur entretien, le préfinancement de l'exécution d'office du débroussaillement d'office.

La plupart des communes forestières ne peuvent financer le débroussaillement d'office et faire face aux obligations des plans de prévention des risques incendies de forêt.

Comment expliquez-vous le détournement des fonds du CFM ? Pensez-vous réorienter ce qu'il en reste vers le financement d'opérations menées en partenariat avec les communes, notamment celles soumises à un plan de prévention ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous garantissons, avec le CFM, que les moyens les plus efficaces sont engagés pour lutter contre les incendies de forêt. La baisse des crédits que vous avez évoquée devrait être compensée par les nouveaux moyens des Feader. Les préfets de la zone défense sud mobilisent les crédits nécessaires dans le cadre des plans de prévention des risques incendies de forêt, de concert avec les collectivités locales concernées. Nous veillerons à ce que tous les moyens disponibles soient utilisés pour prévenir les incendies de forêt dans le sud de la France.

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'aurais souhaité être aussi satisfait de votre réponse que mes collègues, mais elle me laisse sur ma faim. L'action des préfets ne répond pas aux attentes des communes, qui supportent des charges exorbitantes. Ces crédits ne doivent pas servir à faire reluire les carrosseries des véhicules des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), mais ils doivent être investis dans la protection. S'il est difficile de récupérer des crédits déjà attribués, il est souhaitable qu'ils soient au moins employés conformément à leur destination originelle. J'y reviens chaque année : cette fois encore les murs de Jéricho ne sont pas tombés, monsieur le ministre, mais je compte sur vous.

M. Jean Bizet.  - Les filières agricoles françaises sont en difficulté. Elles ont souffert notamment de la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs, du poids des charges liées en partie aux nouvelles contingences environnementales et de certains choix de mécanisation faits par les agriculteurs, et n'ont pas échappé à la crise mondiale.

Face à la crise du lait, la Communauté européenne a été digne et maladroite à la fois. Son intervention sur les marchés -dont vous avez été le principal instigateur, monsieur le ministre, et je vous en félicite- s'est conjuguée avec des mesures gouvernementales fortes. Mais la crise a mis en lumière l'internationalisation du marché laitier, et les exportations françaises sont en baisse. Certes, la France est sortie politiquement renforcée de la mise en place de ce plan européen, mais notre filière est économiquement affaiblie.

Nous ne réalisons plus que 4 % de la production mondiale de lait : cette filière doit se restructurer pour rester présente sur le marché. Ce changement sera certainement difficile à expliquer dans nos campagnes, mais nous veillerons à ce qu'il s'effectue dans le respect des hommes et des femmes du monde rural. La France est peut-être le pays des 365 fromages, mais elle doit moderniser sa filière laitière.

Vous avez déjà en partie répondu à ma question quant à l'évolution à court terme du prix du lait. Pouvez-vous nous indiquer où en est l'élaboration du document qui régira les nouveaux rapports entre producteurs et transformateurs ? Qu'en est-il du contentieux entre l'État et la grande distribution ? A plus long terme, comment envisagez-vous la restructuration de la filière ? Pourra-t-elle s'effectuer sans trop de dommages pour les millions de salariés employés par les entreprises de transformation, qui contribuent à un excédent de 9 à 10 milliards de notre balance commerciale ? (M. Auguste Cazalet applaudit)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Monsieur Collombat, je vous transmettrai dans les meilleurs délais une réponse écrite à la dernière partie de votre question.

Monsieur Bizet, je souhaite aborder l'avenir de la filière lait avec la plus grande lucidité. Mois après mois, la France perd des parts de marché au profit de l'Allemagne. C'est inacceptable : nous devons agir pour que la production reste en France et pour que les industries laitières s'approvisionnent auprès des agriculteurs français. L'effort de compétitivité doit être accompli à l'échelle des bassins régionaux. Vous êtes bien placé pour savoir que la production de lait en Bretagne n'a rien à voir avec celle de Savoie ou du Pays basque.

Au plan national, la régulation se fera à l'aide de contrats entre les producteurs et les transformateurs fixant des volumes, des prix et une durée. Au plan européen, les instruments d'intervention seront renforcés et de nouveaux outils seront créés. Il faudra réfléchir à des volumes de production à cette échelle car la suppression des quotas ne doit pas nous empêcher d'agir pour éviter la surproduction.

M. Jean Bizet.  - Monsieur le ministre, j'apprécie la clarté de vos propos. Il ne faut pas que la contractualisation s'apparente à une intégration. L'État doit être garant, mais pas gérant. Et nous devons rassurer les agriculteurs quant au nouveau système de régulation.

Nous débattrons le 12 janvier prochain de la loi LME. L'État doit respecter son engagement de fermeté vis-à-vis de la grande distribution. Les dérives continuent : il faut instaurer de nouveaux rapports de confiance entre celle-ci et les producteurs.

M. Auguste Cazalet.  - Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'installation des jeunes serait une priorité, mais la réalité est parfois tout autre. L'aide à la cessation d'activité est un moyen d'aider les jeunes, mais les aides sont réduites à la portion congrue. L'aide à la transmission a été supprimée, ainsi que les congés de formation et les préretraites.

Vous m'objecterez que les crédits affectés à l'aide à l'installation n'ont pas diminué, mais je constate une diminution considérable des crédits des Adasea. Ces associations bénéficiaient de 28 millions en 2003. Leur dotation a diminué régulièrement depuis, pour ne plus représenter que la moitié de ce montant, soit 14 millions d'euros dans ce projet de loi de finances. Pourquoi un tel acharnement contre ces structures ? La FNSEA, l'Assemblée permanente des chambres d'agricultures, les Jeunes agriculteurs et les Adasea ont dénoncé dans un communiqué commun l'abandon de la politique d'accompagnement à l'installation, qui condamne le renouvellement des générations. Cette décision est totalement inacceptable dans les circonstances actuelles. Comme d'autres collègues, je présenterai un amendement pour défendre ces associations, dans l'espoir que vous révisiez le financement qui leur est attribué par ce projet de loi de finances.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je suis d'autant plus sensible à cette question que j'ai été le député d'un département qui connaît le problème de l'installation des jeunes agriculteurs. Le budget global de l'installation des jeunes est maintenu à 155 millions, ce qui représente un effort important de l'État. Les Adasea doivent participer, dans une mesure raisonnable, à la RGPP. Leur dotation doit évoluer non en fonction d'une déclaration forfaitaire d'ETPT, ce qui entraîne une reconduction automatique, mais selon le nombre de dossiers traités.

Cela me paraît un principe de bonne gestion.

Ensuite, le mouvement de fusion des Adasea avec les chambres d'agriculture n'est pas illogique quand les deux structures sont si proches. Avec deux ou trois personnes travaillant sur les dossiers, au lieu de cinq, le dispositif est plus opérationnel. D'après mes observations, cela ne pose pas de difficultés sur le terrain.

Enfin, les Adasea qui se sont positionnées sur le marché concurrentiel obtiennent de bons résultats, ce qui explique également la baisse des crédits. Celle-ci ne correspond donc en rien à un désengagement de l'État, mais plutôt à une rationalisation des activités de soutien à l'installation des jeunes.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, vous avez employé des mots magiques, ceux de RGPP et de rationalisation ! Les Adasea, que vous avez quelque peu caricaturées dans votre réponse, mènent un travail efficace dans nos départements auprès des jeunes, y compris ceux qui ne sont pas issus de familles d'agriculteurs, avec un taux de réussite de 95 %. En quelques années, les crédits sont passés de 28 à 14 millions, c'est indubitablement une diminution, quand bien même les autres crédits restent stables ! Pardonnez-moi mais s'il y a des économies à faire, ce n'est pas sur le dos des Adasea !

M. Dominique de Legge.  - Le service public de l'équarrissage, créé après la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine en 1996, a été réformé en 2005, après concertation avec les fédérations professionnelles. A cette occasion, a été notamment instaurée une participation financière des éleveurs. La loi de finances pour 2009, par son article 140, a opéré un changement radical en ouvrant à la concurrence la collecte des cadavres d'animaux en ferme. Pour parer au risque d'un double paiement, il faudrait introduire aux articles L. 226-3 du code rural et L. 1609 du code général des impôts le principe d'une exonération de cotisation interprofessionnelle ou de taxe d'abattage pour les éleveurs qui ont conclu un contrat d'enlèvement. Ce nouveau dispositif fragilise la pérennité et l'équilibre du financement de l'ancien service de l'équarrissage. Les sociétés privées ne pourront, en effet, proposer des contrats abordables aux éleveurs de montagne. Une solidarité entre les territoires est donc nécessaire. Monsieur le ministre, où en sont les discussions avec les filières professionnelles porcine et bovine, Inaporc et Interbec ? Quels mécanismes de solidarité comptez-vous mettre en place ? Cette question sera-t-elle réglée dans la future loi de modernisation agricole. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La réforme de l'équarrissage, lancée en 2007, est un sujet complexe et délicat. Seul un système collectif et mutualiste peut répondre au double objectif de sécurité sanitaire et d'équilibre financier. Chaque filière, désormais dotée de sa structure de gestion, sera en mesure d'honorer le contrat avec les équarrisseurs entré en vigueur en juillet dernier. Après six mois, la réforme est globalement satisfaisante. Les nouveaux marchés arriveront à terme en juillet 2011. Concernant votre question, il faut bien distinguer la cotisation de l'éleveur et le nombre d'opérateurs. Il est envisageable que les éleveurs continuent de payer une cotisation unique et mutualisée à leur interprofession, comme Inaporc et Interbec, avec lesquelles nous négocions. Celles-ci doivent tirer bénéfice d'une concurrence accrue avec le renouvellement des contrats en 2011. Le système collectif mis en place par ces deux filières présente de nombreux avantages, à commencer par la baisse de 15 % du coût à la charge des éleveurs. Tout éleveur qui essaierait de se débrouiller seul devrait assumer un coût d'équarrissage beaucoup plus élevé. Cela dit, il faudra faire le point, notamment en 2011. Nous avons pris la bonne voie : celle de la mutualisation et de la sécurité sanitaire totale.

M. Dominique de Legge.  - Soit, mais il reste un décalage entre le dispositif voté en loi de finances pour 2009 et la situation actuelle. J'ai pris bonne note, monsieur le ministre, que vous en aviez parfaitement conscience. Nous suivrons avec attention ce dossier.

Mme Odette Herviaux.  - Monsieur le ministre, je me réjouis que vous vous refusiez à prendre des décisions qui ne seraient pas euro-compatibles. C'est là une différence avec vos prédécesseurs, mais la responsabilité est peut-être à rechercher dans certaines promesses inconsidérées et plusieurs d'entre nous ont fait allusion à certains discours... A ce propos, le discours de Poligny du Président de la République n'a pas rassuré le monde agricole, inquiet de la baisse de ses revenus, des incertitudes planant sur la future PAC et de l'approche « dérégulatrice » prônée par la Commission. La nomination d'un nouveau commissaire à l'agriculture, qui connaît parfaitement notre modèle agricole, nous permettra peut-être d'avancer.

Ma question concerne le secteur agro-alimentaire. Depuis deux ans, l'État se retire du soutien aux investissements des PME. C'est aux régions, dans le cadre du plan de développement rural hexagonal, d'apporter un complément au financement du Feader. Les crédits du fonds pour les investissements stratégiques des industries agroalimentaires s'élèvent seulement à 7,5 millions en autorisations d'engagement, contre 14,5 millions en 2009. Cette coupe est incompréhensible en temps de crise. Certes, l'État a continué de financer quelques projets de grandes entreprises via le Fisiaa en 2007 et 2008, mais pour des montants relativement faibles. En 2009, le Fisiaa a été rouvert aux PME mais l'État est présent dans le seul domaine de la communication -je pense aux Assises de l'agroalimentaire. Tout le reste est cofinancé par les départements. Le Gouvernement poursuivra-t-il ce désengagement ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - L'avenir de l'agriculture française se joue en Europe : les crédits de mon ministère sont de 2 milliards quand ceux provenant du budget européen et distribués à nos agriculteurs s'élèvent à 10 milliards... Si nous voulons être à la tête de la modernisation de la PAC, ce qui est ma volonté comme en témoigne l'organisation de la réunion du G22 agricole, nous devons être irréprochables en matière de respect des règles européennes. Que la commission ait validé le plan de 1,6 milliard rapidement est le résultat du bon travail en amont que nous avons conduit. La nomination d'un nouveau commissaire à l'agriculture est une bonne chose. Dacian Ciolos connaît parfaitement les enjeux de l'agriculture et les différentes visions de l'agriculture en Europe qu'il aura à coeur de concilier pour construire une véritable politique agricole commune. Nous nous sommes déjà entretenus plusieurs fois au téléphone. Il sera, pour la France, un partenaire équitable et coopératif.

L'industrie agroalimentaire est stratégique pour la France : elle a dégagé 9 milliards d'excédent commercial ! Pour renforcer sa compétitivité, j'ai rencontré, la semaine dernière, mon homologue espagnol afin de mettre au point des propositions.

Mme Odette Herviaux.  - J'insiste sur la nécessité d'aider tous les acteurs d'une même filière, les producteurs, mais aussi les industries agroalimentaires qui constituent la colonne vertébrale de l'économie de certaines régions très agricoles.

Examen des crédits

Mme la présidente.  - Amendement n°II-217, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

1 082 296883 796

1 082 296883 796

TOTAL

1 082 296

1 082 296

SOLDE

- 1 082 296

- 1 082 296

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cet amendement technique tire les conséquences de certains transferts de compétences aux collectivités territoriales. Les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » sont ainsi diminués de 1 082 296 euros en raison de transferts prévus par les articles 82 et 104 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : il s'agit de la rémunération des agents des services d'aménagement foncier qui ont opté pour l'intégration ou le détachement dans la fonction publique territoriale. Les dépenses afférentes sont compensées par l'attribution d'une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, votée dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances.

Par coordination, le plafond des autorisations d'emplois du ministère figurant à l'article 39 du projet de loi de finances pour 2010 fera l'objet d'une réduction de 25 ETPT.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - La commission ne s'est pas prononcée sur cet amendement déposé hier soir, mais j'y suis favorable : il s'agit d'une mesure de coordination, financièrement neutre.

L'amendement n°II-217 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-124 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Gouteyron, Amoudry et Carle, Mme Bruguière et MM. Huré, Faure, Juilhard, Laménie, B. Fournier et Alduy.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

60 000 000

20 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

60 000 000

20 000 000

TOTAL

60 000 000

60 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

M. Jacques Blanc.  - Je salue les mesures courageuses mises en oeuvre par le précédent ministre de l'agriculture M. Barnier en faveur de la production herbagère. Mais les moyens offerts par ce budget ne sont pas à la hauteur des objectifs. Il faut continuer à soutenir les exploitants dont le contrat arrive à échéance, ainsi que les jeunes nouvellement installés.

On évoque un droit à paiement unique pour l'herbe, mais ce dispositif ne doit pas se substituer à la Phae. Le niveau du DPU reste incertain, et les exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0,5 UGB/ha en seront exclues.

Certes, le Gouvernement n'a pas une entière liberté de manoeuvre, puisque l'Europe finance la Phae à 75 % : il faut rendre à l'Europe ce qu'on lui doit. Mais j'invite M. le ministre à négocier avec nos partenaires pour que les agriculteurs continuent à être subventionnés et que l'instauration d'un DPU ne se solde pas par une perte nette.

Il faut avoir la volonté politique de maintenir des activités agricoles diversifiées dans les zones de montagne, car c'est une condition nécessaire de la préservation des paysages et du développement durable. Monsieur le ministre, j'espère que vous saurez rassurer les agriculteurs, en particulier ceux du Massif central, en confirmant vos promesses.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-133, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

60 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

60 000 000

TOTAL

60 000 000

60 000 000

SOLDE

0

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est défendu.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - La commission s'en remet à l'avis de M. le ministre qui, je suppose, ne se dédira pas.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable. Les amendements sont légitimes au fond, mais j'ai pris l'engagement de maintenir les aides existantes jusqu'en 2014 et d'obtenir pour ce faire l'accord de la Commission européenne. Les sommes nécessaires seront inscrites dans la loi de finances rectificative.

M. Jacques Blanc.  - Cet engagement devrait rassurer les exploitants et l'ensemble du monde agricole, d'autant plus qu'il est assorti de délais. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Vous le pouvez.

M. Jacques Blanc.  - Pour être éleveur en montagne, il faut beaucoup d'audace et de ténacité ! Ces gens méritent d'être aidés. L'amendement est retiré.

L'amendement n°II-124 rectifié est retiré.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le nôtre est maintenu.

L'amendement n°II-133 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-65, présenté par M. César, au nom de la commission de l'économie.

Modifier comme suit les crédits des programmes : 

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

11 250 000

11 250 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

11 250 000

11 250 000

TOTAL

11 250 000

11 250 000

11 250 000

11 250 000

SOLDE

0

0

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Plusieurs orateurs ont relevé la baisse des crédits destinés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage. A l'heure où la crise du lait frappe de nombreuses exploitations, cette baisse paraît peu judicieuse. Nous proposons de la réduire de moitié, afin de permettre aux éleveurs qui croient en l'avenir de continuer à investir.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - D'après les informations dont nous disposons, les 30 millions d'euros prévus dans ce budget suffisent à satisfaire les demandes, dont le nombre a fortement baissé après des années de hausse ; cette somme est d'ailleurs à peu près conforme à la programmation pluriannuelle. S'y ajoutent les 38 millions d'euros du plan de performance énergétique pour aider les exploitants à investir. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - On observe une bosse dans les demandes de subventions au titre du plan pluriannuel de modernisation des bâtiments d'élevage : ce plan, dont l'utilité est indéniable, a coûté plus de 200 millions d'euros les deux premières années, mais depuis lors le nombre de demandes a fortement baissé. Les 30 millions d'euros inscrits au PLF suffiront à satisfaire les demandes. Les 38 millions du plan de performance énergétique permettront eux aussi de moderniser les bâtiments d'élevage. Retrait, sinon rejet.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Même avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Je me fie aux engagements de M. le ministre et retire l'amendement.

L'amendement n°II-65 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-132, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

2 500 000

2 500 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

2 500 000

2 500 000

TOTAL

2 500 000

2 500 000

2 500 000

2 500 000

SOLDE

0

0

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement va dans le même sens que les trois suivants, et j'espère qu'ils trouveront une issue favorable. Il faut maintenir les crédits des associations départementales pour l'aménagement des structures et des exploitations agricoles (Adasea), qui apportent une aide substantielle à l'installation et à la formation des jeunes agriculteurs. J'ai noté que M. le ministre avait subrepticement revu à la baisse les objectifs dans ce domaine : on n'espère plus que 6 000 installations au lieu de 7 000. Les aides à la transmission des exploitations sont également en diminution.

Il faut lutter contre la concentration des installations, tendance naturelle dans certains secteurs, mais dénoncée par toutes les organisations professionnelles qui préfèrent voir s'installer de jeunes agriculteurs indépendants. Voilà pourquoi il faut aider les Adasea.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-125 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Gouteyron, Amoudry, Faure et Huré, Mme Bruguière et MM. Juilhard, Laménie, B. Fournier, Couderc et Alduy.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

1 800 000

1 800 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

1 800 000

1 800 000

TOTAL

1 800 000

1 800 000

1 800 000

1 800 000

SOLDE

0

0

M. Jacques Blanc.  - Chacun reconnaît le rôle positif des Adasea, en particulier pour accompagner l'installation des jeunes et l'amélioration des pratiques agricoles.

Nous comprenons les contraintes budgétaires, mais il faut une dynamique entre les chambres d'agriculture et les Adasea. Certaines chambres ont les moyens financiers de faire face, mais d'autres pas, comme celle de la Lozère, car elles ont de très faibles ressources. Elles ne peuvent augmenter leurs cotisations car elles sont déjà au plafond.

Il faut donc permettre aux chambres d'agriculture d'être à même de remplir leurs missions vis-à-vis des Adasea.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

Mme la présidente. - Amendement n°II-116 rectifié ter, présenté par MM. Lefèvre, Frassa, P. André et Trillard, Mme Malovry, MM. Dulait, Bizet et Milon, Mme Henneron, MM. Doublet, Laurent, J.P. Fournier, Juilhard, Gouteyron, Pierre, Couderc et Chauveau, Mme Bruguière, MM. Bécot et Faure, Mmes Des Esgaulx et N. Goulet, M. de Montesquiou, Mme Papon, MM. Martin, Carle, Fouché et Lardeux, Mme Hummel, M. Pinton, Mmes Bout et Panis, M. Pointereau, Mme Troendle, M. Mayet, Mme Sittler, MM. Cléach, Beaumont, Laménie, Zocchetto et Détraigne, Mme Desmarescaux, MM. Deneux, Vasselle et Paul et Mlle Joissains.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

700 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

700 000

TOTAL

700 000

700 000

SOLDE

0

Mme Catherine Troendle.  - Comme l'a dit M. Lefèvre lors de la discussion générale, il convient d'abonder de 700 000 euros les crédits affectés à l'installation agricole au bénéfice des Adasea. Cet amendement a l'avantage d'être plus raisonnable que les deux précédents.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-155 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Charasse, Plancade et Tropeano.

M. Michel Charasse.  - Cet amendement poursuit exactement le même objectif que celui qui vient d'être présenté : il vise à soutenir les jeunes agriculteurs en prélevant 700 000 euros sur des dépenses administratives dont on nous dit qu'elles ne sont pas véritablement indispensables, d'autant plus que lorsqu'on informatise, il faut en tirer les conséquences au niveau des dépenses de fonctionnement. Si l'on ne gagne pas d'argent quand on recourt à l'informatique, ce n'est pas la peine d'engraisser les sociétés américaines qui fabriquent les ordinateurs !

Avec ces 700 000 euros, nous permettront à des jeunes d'entrer dans ce métier de souffrances qu'est l'agriculture. Il ne faut quand même pas les décourager ! Plus les paysans sont malheureux, plus les jeunes veulent s'installer !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Nous avons quatre amendements qui poursuivent le même but mais l'un propose d'augmenter la dotation de 2,5 millions, l'autre de 1,8 million et les deux derniers de 700 000 euros. Sur le fond, M. le ministre s'est déjà exprimé. Le nombre d'installations a plutôt tendance à diminuer. Vouloir à tout prix augmenter les crédits quand on n'est pas sûr d'en avoir besoin, ce n'est sans doute pas nécessaire, d'autant que M. le ministre a dit que s'il y avait un rebond d'installations, il abonderait les crédits.

En outre, suite à la RGPP, le rapprochement entre les Adasea et les chambres d'agriculture se confirme. Nous examinerons tout à l'heure un amendement pour augmenter les dotations versées aux chambres d'agriculture, ce qui devrait leur permettre de mieux aider les jeunes à s'installer. Avant de me prononcer, j'aimerais entendre le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je vous confirme mon avis défavorable sur ces quatre amendements. L'installation des jeunes reste un objectif essentiel : pour preuve, la dotation pour les prêts à l'installation des jeunes augmente de 4,5 millions.

Il faut également garder un point de contact dans les chambres d'agriculture pour que les jeunes qui souhaitent s'installer puissent avoir un interlocuteur qui les conseille et qui les aide à monter leur projet. Mais il serait possible de mieux s'organiser comme l'ont fait un tiers des chambres d'agriculture qui se sont déjà rapprochées ou qui ont même fusionné avec les Adasea. On économiserait ainsi l'argent public.

A partir du moment où nous gardons ce point de contact dans les chambres d'agriculture, je suis prêt à augmenter les moyens de fonctionnement des chambres d'agriculture. Mais on ne peut avoir le beurre, l'argent du beurre... et la crémière! (On s'amuse) Prendre de l'argent dans le programme 215 me poserait un réel problème. Je demande énormément aux services de mon ministère. Nous avons ainsi versé le 1er octobre 70 % des aides de la PAC. Cela ne s'est pas fait d'un claquement de doigts ! Je ne me vois pas expliquer aux agents de mon ministère qu'ils doivent travailler plus et plus rapidement tout en diminuant leurs crédits.

M. Michel Charasse.  - Mais ce n'est rien du tout, 700 000 euros !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Plutôt que sur le programme 215, je m'engage à prendre 700 000 euros sur le programme 154 pour les Adasea pour solde de tout compte.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - M. le ministre vient d'accepter de donner plus aux Adasea : je ne peux qu'être d'accord avec lui. Je suis donc défavorable aux amendements.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Dans une vie antérieure, j'ai été président d'une chambre d'agriculture et, dans une vie encore plus antérieure, j'ai été président des jeunes agriculteurs de mon département. (Sourires)

Compte tenu des problèmes qui se posent à l'agriculture, il faut que les chambres d'agricultures et les Adasea se rapprochent pour offrir un meilleur service aux agriculteurs. M. le ministre vient de prendre un engagement. Je souhaite donc le retrait de ces amendements.

Mme Nathalie Goulet.  - Je tiens à saluer les efforts de M. le ministre en faveur de l'enseignement agricole.

Dans la contribution des jeunes agriculteurs à la loi de modernisation, il est demandé de faciliter l'installation. La proposition de M. le ministre devrait donner un signal très positif à ces jeunes qui s'engagent dans cette voie difficile.

M. Michel Charasse.  - Mes amis du groupe RDSE avaient souhaité une augmentation des aides à l'installation des jeunes agriculteurs de 700 000 euros. Le ministre vient de donner son accord pour ce montant, mais en procédant d'une autre manière. Je considère donc que cet amendement est satisfait si le ministre nous confirme bien que nous pourrons annoncer ce soir à celles et ceux qui nous ont saisis de cette question qu'il y aura bien 700 000 euros de moyens supplémentaires mis en oeuvre dans le cadre de l'exécution du budget pour 2010. (M. Bruno Le Maire, ministre, le confirme)

L'amendement n°II-155 rectifié bis est retiré.

M. Jacques Blanc.  - Je souhaitais vous sensibiliser sur cette question : vous avez répondu à notre attente. Je souhaite quand même que l'on n'oublie pas les chambres d'agriculture qui n'ont pas beaucoup de moyens.

L'amendement n°II-125 rectifié est retiré.

Mme Catherine Troendle.  - La raison l'a emporté : je vous en remercie, Monsieur le ministre.

L'amendement n°II-116 rectifié ter est retiré.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je salue le geste de M. le ministre, même s'il eût été aussi simple d'adopter l'un ou l'autre des amendements rajoutant 700 000 euros. Notre amendement avait pour objet de maintenir les crédits au niveau de l'année dernière.

Pour le principe, je le maintiens, tout en soulignant qu'un pas positif a été franchi.

L'amendement n°II-132 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-66, présenté par M. Fortassin, au nom de la commission de l'économie.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

200 000

200 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

200 000

200 000

TOTAL

200 000

200 000

200 000

200 000

SOLDE

0

0

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - M. Fortassin est à l'origine de cet amendement en faveur des associations foncières pastorales qui ont besoin, pour fonctionner, de ces 200 000 euros.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Elles jouent en effet un rôle important dans certaines régions et mettent des terres à la disposition d'éleveurs. Avis favorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - J'aurais préféré prendre ailleurs car je ne saurais trop insister sur les efforts demandés à mon administration mais comment résister à M. César et à son argumentation ?

L'amendement n°II-66 est adopté.

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés, ainsi que le compte spécial.

Articles additionnels avant l'article 51

Mme la présidente.  - Amendement n°II-64, présenté par M. César, au nom de la commission de l'économie.

Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le II de l'article 1604 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au titre de l'exercice budgétaire 2010, une part du produit de la taxe est reversée par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 4 % minimum de la recette fiscale totale régionale, déduction faite des versements au fonds national de péréquation des chambres d'agriculture. Cette part est portée à 7 % minimum à compter de l'exercice 2011 et 10 % minimum en 2012. »

II. - Les sixième à dernier alinéas de l'article L. 221-9 du code forestier sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Une part du produit de la taxe perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois est reversée par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 33 % de la recette fiscale, déduction faite des versements au fonds national de péréquation et d'action professionnelle des chambres d'agriculture mentionnés au deuxième alinéa du présent article et à l'article L. 141-4.

« Cette part est portée à 43 % en 2011.

« Ces crédits sont affectés à la réalisation d'un plan pluriannuel régional de développement forestier établi et mis en oeuvre par les acteurs de la production forestière et par les chambres d'agriculture. Le contenu de ce plan et les modalités de sa validation par l'autorité administrative sont fixés par décret. »

III. - Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, après les mots : « pour 2009 » sont insérés les mots : « et pour 2010 ».

IV. - En conséquence faire précéder cet article de l'intitulé :

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Nous souhaitons aider les chambres d'agriculture dont les missions s'accroissent : une augmentation de la taxe de 1,5 % est extrêmement raisonnable.

M. Michel Charasse.  - Pour une fois que M. César propose d'augmenter les taxes que paient les agriculteurs...

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - L'amendement maintient le taux de la taxe mais augmente la part destinée aux chambres régionales d'agriculture. C'est conforme à ce qui a été négocié au sein de la profession comme aux voeux du Gouvernement. Avis favorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis favorable pour les raisons indiquées par les deux rapporteurs.

L'amendement n°II-64 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-134, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement avant le 31 mars 2010 un rapport sur les conditions de mise en oeuvre sur le territoire national de la prime à la surface herbagère et sur les conséquences de sa décision de non renouvellement des contrats de prime herbagère agro-environnementale sur la situation économique des exploitations notamment celles situées en zones de montagne.

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Jean-Pierre Sueur.  - A l'occasion du bilan de santé de la PAC, le Gouvernement avait décidé d'augmenter les aides destinées à l'élevage à l'herbe et aux zones fragiles en prélevant 760 millions sur les aides découplées dont 700 millions auraient servi à revaloriser les droits à paiement unique, l'augmentation de la modulation des fonds des deux premiers piliers devant libérer 584 millions pour la prime à l'herbe agro-environnementale. Or, contrairement à ce qui avait été annoncé, le Gouvernement a décidé de remplacer les contrats Phae par une nouvelle prime à l'herbe sur laquelle nous n'avons que peu d'informations. C'est plutôt une mauvaise nouvelle parce que les zones d'élevage extensif seront défavorisées et que l'on introduirait de nouveaux critères. L'entretien des prairies risque d'en souffrir. Vous vous êtes engagés à ce que les exploitants ne perdent pas un euro mais, comme pour la taxe professionnelle, cela suscite plutôt la méfiance. La revalorisation de l'indemnité compensatrice de handicap naturel devrait permettre de maintenir l'équilibre économique de ces zones ; là encore, il y a des doutes et des inquiétudes, d'où cette demande de rapport.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - L'intention est louable mais la date du 31 mars est d'autant plus prématurée que nous venons de prendre des crédits à l'administration centrale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On peut sous-amender...

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Je suis prêt à inclure une enquête sur place et sur pièces dans mon prochain rapport mais je suis défavorable à l'amendement.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable : j'ai pris des engagements et les actes plaideront mieux qu'un rapport.

L'amendement n°II-134 n'est pas adopté.