Médias
M. le président. - Le Sénat va maintenant examiner les crédits relatifs à la mission « Médias » et « Compte spécial : avances à l'audiovisuel public ».
Interventions des rapporteurs
M. Jean Arthuis, en remplacement de M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances. - C'est en remplacement de M. Claude Belot, rapporteur spécial, empêché, que je formulerai les observations de la commission des finances.
Les crédits des deux missions, en augmentation de 6 %, s'élèvent à 4,27 milliards d'euros. Les crédits du compte de concours financiers qui finance les organismes de l'audiovisuel public progressent de 4,17 %, en partie grâce à l'augmentation de 2 euros de la redevance audiovisuelle devenue contribution à l'audiovisuel public. L'augmentation de 11 % de la dotation de la mission « Médias » témoigne de la volonté de l'État d'accompagner les réformes en cours, car l'année 2010 a été marquée par la modernisation et la restructuration des médias. Les crédits destinés aux aides directes augmentent de 84 %, ce qui permettra d'appliquer certaines des préconisations formulées dans le livre vert des états généraux de la presse. En contrepartie de ce budget historique, nous attendons un effort de restructuration du secteur de la presse.
Les crédits de l'audiovisuel extérieur augmentent de 6,11 %. Une réforme est en cours depuis la création d'Audiovisuel extérieur de la France (AEF) le 4 avril 2008. Cette société holding détient désormais 100 % de RFI et de France 24, et 49 % de TV5 Monde. La commission des finances souhaiterait connaître les modalités de pilotage de TV5, dont 51 % sont détenus par les partenaires francophones d'AEF, ainsi que la clé de répartition des crédits d'AEF entre RFI, France 24 et TV5 Monde, afin de s'assurer d'un traitement équitable des différentes sociétés. Les crédits supplémentaires dédiés à AEF doivent permettre la poursuite de la modernisation.
Le budget de 2010 traduit également deux autres évolutions. Tout d'abord, depuis le 5 janvier 2009, France Télévisions ne dispose plus d'écrans publicitaires après 20 heures. La suppression totale de la publicité est programmée à compter de l'extinction de la diffusion par voie analogique, sauf pour les programmes régionaux et locaux ou les campagnes d'intérêt général. Jusqu'en 2008, la redevance audiovisuelle assurait les deux tiers du financement de France Télévisions et les recettes publicitaires, un tiers. Contrairement à toute attente, les chaînes privées n'ont pas bénéficié d'un effet d'aubaine. Le temps de diffusion de leurs écrans publicitaires a reculé au premier semestre de 23 % pour TF1 et de 14 % pour M6.
A l'inverse, la publicité a augmenté de 3,3 % sur France Télévisions, qui a annoncé un supplément de recettes de 105 millions d'euros. En conséquence, seuls 415 millions, sur l'enveloppe prévue de 450 millions d'euros, seront versés. Les 70 millions restants devraient être affectés à la réduction du déficit, qui atteindrait cette année 67,8 millions au lieu de 135,4 millions. L'efficience du nouveau modèle économique de France Télévisions fera l'objet d'un contrôle conjoint des commissions des finances et de la culture. Le retour aux bénéfices est prévu en 2012.
L'autre évolution est liée au déploiement de la TNT. 40 millions d'euros de crédits ont été inscrits dans le cadre de la mission « Médias ». Ce rattachement, plutôt qu'au compte de concours financiers dont les ressources sont issues de la contribution à l'audiovisuel public, paraît plus approprié. Lancée en mars 2005, la TNT couvre aujourd'hui 88 % de la population métropolitaine, l'objectif étant d'atteindre 95 % d'ici fin novembre 2011.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances a proposé l'adoption sans modification des crédits des missions « Médias » et « Compte spécial : avances à l'audiovisuel public ».
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - C'est l'ensemble du système d'aides publiques à la presse qui doit être refondé autour d'une stratégie claire, cohérente et mobilisatrice. Ce secteur n'attend plus une nouvelle mise sous perfusion, il réclame une cohérence d'ensemble, une vision pour l'avenir. La seule stratégie que j'ai pu relever dans les discours du chef de l'État, c'est l'exigence de rentabilité des entreprises de presse, avec les traditionnels plans sociaux pour combattre l'inefficience des coûts et le recours à la concentration comme solution miracle à la sous-capitalisation du secteur. Une stratégie viable pour la presse, c'est une stratégie qui mise sur une information de qualité, qui nourrit le débat citoyen d'une analyse critique, libre et indépendante. Cela ne se limite pas à la réduction des effectifs, mais suppose d'investir dans le développement de compétences nouvelles pour renouveler l'offre éditoriale. Mon diagnostic est qu'il ne s'agit pas seulement de réduire les coûts, mais de regagner un électorat.
Certains éditeurs souhaitent que le moratoire de 2009 sur les accords État-Presse-La Poste, qui prévoyaient une revalorisation progressive des tarifs du transport postal, soit reconduit en 2010 pour six mois ou un an. Les supports dont les ventes s'appuient sur l'abonnement postal, comme la presse magazine et la presse spécialisée, sont les premiers à réclamer cette prolongation. Les éditeurs de la presse quotidienne nationale veulent, quant à eux, préserver la crédibilité des accords Schwartz entre l'État, la presse et La Poste. Étant donné les difficultés rencontrées par la presse pour sa diffusion, j'estime indispensable de prolonger le moratoire pour six mois en 2010. Monsieur le ministre, où en sont les discussions sur ce sujet ?
L'augmentation de 7 à 9 millions d'euros de l'aide destinée aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires me semble très insuffisante. Il faut soutenir ces quelques journaux d'opinion, comme L'Humanité, qui suscitent peu l'intérêt des investisseurs privés ou des annonceurs mais sont indispensables au pluralisme de la presse. Une stratégie cohérente supposerait de cibler les aides publiques au profit de cette presse citoyenne. Votre prédécesseur avait annoncé que ce fonds serait doublé en 2009 afin de répondre à la détresse financière des titres les plus faibles. Qu'est-il advenu de cette promesse ? Si ce fonds a doublé, pourquoi cela ne se traduit-il pas dans ce budget, alors que l'effondrement du marché publicitaire se poursuit ? A l'évidence, il y a un manque de cohérence que des annonces non suivies d'effet peinent à dissimuler...
La reconnaissance juridique des rédactions serait le rempart le plus efficace contre les effets pervers des concentrations.
En ce qui concerne la modernisation, l'augmentation du fonds d'aide au développement des services de presse en ligne ne suffira pas. Un statut d'éditeur de presse en ligne a été inscrit dans la loi Hadopi I : allons au bout de la logique, demandons à Bruxelles un alignement du taux de TVA de la presse numérique sur celui de la presse imprimée. Cela sera plus légitime qu'une application du taux réduit de TVA dans la restauration !
J'ai inclus dans mon rapport des éléments sur le devenir de l'Agence France-Presse. Le défaut de stratégie est préoccupant : la rentabilité ne saurait conduire à la remise en cause d'un statut qui a permis à l'AFP d'asseoir durablement sa renommée internationale. Les performances financières récentes de l'AFP sont bonnes, pourquoi modifier le statut ! La direction avance deux arguments. L'État accepterait d'intervenir mais souhaiterait en échange pouvoir peser sur les décisions de gestion. Or, l'agence exerce certaines missions de service public mais n'a pas à devenir une agence d'État ! Selon la direction, l'AFP aurait besoin d'une dotation de 65 millions d'euros, 45 en capitaux propres et 20 en autorisations d'endettement, pour mener à bien sa politique de développement. Or l'intersyndicale a souligné la rentabilité très incertaine des acquisitions menées jusqu'ici ; elle ne veut pas que l'agence s'éloigne de son coeur de métier. Monsieur le ministre, comment comptez-vous garantir le financement des missions d'intérêt général -rayonnement international, francophonie, couverture géographique et linguistique exhaustive ? Comment comptez-vous répondre aux inquiétudes du personnel sur les risques d'étatisation ou de privatisation ? L'indépendance rédactionnelle doit constituer un principe de gouvernance.
Étant donné les réserves que j'ai émises, je serai personnellement défavorable à l'adoption des crédits du programme « Presse » de la mission « Médias ». La commission de la culture a donné, elle, un avis favorable à l'adoption des crédits.
M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - Le paysage audiovisuel français connaît une profonde mutation. La révolution numérique s'accompagne d'une action politique réformatrice sans précédent. La suppression de la publicité sur France Télévisions, la modernisation de l'audiovisuel extérieur de la France, la transposition de la directive, les lois Hadopi I et II sont autant d'adaptations aux mutations technologiques.
Le projet de loi de finances maintient l'effort en faveur de l'audiovisuel public, les crédits de l'audiovisuel public augmentent de 2,6 % et ceux de l'audiovisuel extérieur de 6,1 %. L'étau budgétaire a ainsi été en partie desserré, le développement de l'audiovisuel public français en sera plus harmonieux. France Télévisions n'a jamais obtenu des financements si élevés : la dotation totale est en augmentation de 2,4 %, conformément au contrat d'objectifs et de moyens. Ainsi les investissements en faveur de la création, plus de 380 millions d'euros, seront poursuivis. Le fameux risque du guichet unique ne s'est pas produit : les commandes ont été nombreuses et diversifiées, le nombre de producteurs n'a pas diminué. La réorganisation interne de France Télévisions aura un coût mais le groupe renforcera ainsi l'identité de chaque chaîne et gagnera en pouvoir de négociation. La diffusion de programmes culturels, y compris aux heures de grande écoute, pourra se poursuivre.
Les ressources d'Arte augmentent de plus de 4 % : la chaîne pourra à la fois poursuivre la réalisation du contrat d'objectifs et de moyens et faire face aux dépenses imprévues de la diffusion en haute définition. Toutefois, la chaîne n'a pas rempli ses obligations d'investissement dans les oeuvres de création en raison de ces surcoûts. Il conviendra d'assurer un financement suffisant.
La dotation à Radio France progresse de 4,3 %. Les défis des prochaines années seront le renouvellement de l'offre éditoriale et le passage au numérique. Le coût de la réhabilitation de la Maison de la Radio n'a pas été bien évalué au départ, mais les moyens pour 2010 sont satisfaisants. L'Institut national de l'audiovisuel est également financé par la contribution à l'audiovisuel public, en parfaite conformité avec le contrat d'objectifs et de moyens.
Le budget de l'audiovisuel extérieur progresse de plus de 6 %. Le financement par la redevance devrait être réservé aux organismes qui diffusent des programmes que le public voit gratuitement. Monsieur le ministre, comment justifiez-vous que l'audiovisuel extérieur soit de plus en plus financé par la contribution, plutôt que par des crédits budgétaires ? Quant au GIP France Télé numérique, grâce à l'action de notre commission, il sera enfin pris en charge par le budget général et la mission « Médias » ; 40 millions d'euros sont budgétés pour que le GIP puisse mener à bien la campagne d'information nationale et les actions locales, ainsi que la gestion du fonds de soutien.
Le Premier ministre a annoncé des financements complémentaires dans les zones d'ombre sans condition de ressources. Sur quelle mission budgétaire seront prélevés les crédits correspondants ? Le soutien à l'expression radiophonique locale est en augmentation de 9,5 %, afin de tenir compte de l'augmentation du nombre de radios associatives autorisées et de leur passage à la diffusion numérique. Combien de radios associatives le ministère subventionne-t-il ? Que pense le ministre de l'augmentation régulière de leur nombre ? L'audiovisuel privé souffre de la profonde crise du marché publicitaire. Je proposerai dans le collectif un amendement de modulation de la nouvelle taxe, comme me l'a suggéré le ministre du budget.
La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel de la mission « Médias » et des crédits de la mission « Avances à l'audiovisuel public ».
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - L'audiovisuel public est essentiel pour l'influence de la France et de la langue française ; la commission des affaires étrangères accorde une importance toute particulière à la réforme de 2007, qui commence à porter ses fruits : synergies entre supports, entre contenus, renforcement du pilotage stratégique... Je regrette que le Gouvernement n'ait pas encore transmis au Parlement le contrat d'objectifs et de moyens État-Audiovisuel extérieur de la France qui définit les orientations fixées à chaque société du groupe et évalue les financements nécessaires sur les années à venir. Quand le contrat nous sera-t-il transmis ? Il eût mieux valu en disposer avant cette discussion budgétaire.
Après une phase d'augmentation des crédits pour accompagner la réforme, nous nous trouvons dans une phase de retour sur investissement et les subventions diminueront en 2012 et 2013. Mais je ne suis pas certain que les économies et les gains d'audience suffisent !
Pour ce qui est de RFI, sans vouloir m'immiscer dans les relations sociales au sein de l'entreprise, je me dois d'insister sur les conséquences du conflit pour l'équilibre financier de l'entreprise : chaque mois de retard dans la mise en oeuvre du plan social entraîne une perte de 800 000 euros. Au même moment -est-un hasard ?- la BBC projette de s'installer à Dakar pour conquérir l'Afrique francophone. Pourra-t-on sortir rapidement de cette situation ?
Nonobstant ces observations, la commission des affaires étrangères est favorable à l'adoption des crédits.
Orateurs inscrits
Mme Françoise Laborde. - De nombreuses réformes ont été entreprises en 2009 pour moderniser le secteur des médias, qui connaît depuis des années une crise structurelle. Mais la boulimie législative du Gouvernement a plutôt déstabilisé la profession qu'elle ne l'a soutenue. En un an, nous avons voté les lois Hadopi 1 et 2, la réforme de l'audiovisuel public et la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques ; nous attendons le projet de loi sur l'AFP et la réforme de RFI. L'enjeu est crucial : il s'agit de soutenir un secteur qui est le principal support du débat républicain et joue le rôle d'un contre-pouvoir, du moins je l'espère.
Il est temps de dresser le bilan de la suppression de la publicité à France Télévisions. Depuis la loi du 5 mars 2009, le financement du groupe repose d'une part sur des crédits budgétaires, d'autre part sur une contribution à l'audiovisuel public qui a remplacé la redevance. Cette belle mécanique n'a pas fonctionné comme prévu, car l'asphyxie programmée de la régie publicitaire de France Télévisions n'a pas eu lieu. C'est une bonne nouvelle, car cela permet au groupe de s'affirmer dans le paysage audiovisuel français et de se recentrer sur ses missions de service public. Les sommes versées par l'État pour compenser la perte de revenus liée à la suppression de la publicité s'élèveront en 2010 à 458 millions d'euros, en légère hausse. La part du produit de la contribution à l'audiovisuel public qui revient à France Télévisions est fixée à 2,09 milliards d'euros. Les finances du groupe n'ont jamais été aussi assurées.
Mais le passage au tout numérique fait craindre un écran noir dans plusieurs zones de réception lors du basculement. Loin de garantir le service universel de télévision publique, la disparition de la plupart des émetteurs et l'abandon de la diffusion analogique nous expose au danger d'une fracture territoriale : c'est un comble !
L'effort financier le plus conséquent profite à la presse : les crédits publics qui y sont affectés augmentent de moitié. Les mesures prévues à l'issue des états généraux de la presse écrite, destinées à résoudre les problèmes structurels du secteur et à l'accompagner dans son évolution vers le numérique, ont commencé à être appliquées. Mais cette bouée de sauvetage ne suffit pas. Il faut refondre intégralement les aides à la presse, notamment à la presse d'opinion qui souffre de la concurrence des journaux gratuits et des nouveaux médias, de la concentration des capitaux, des problèmes de fiabilité des informations et du statut de plus en plus précaire des journalistes. Des aides importantes sont destinées aux coopératives, à l'impression, au portage, aux marchands de journaux. N'oublions pas les journalistes !
L'aide publique doit aussi favoriser les dispositifs les plus innovants ; le soutien accordé à la presse en ligne est cette année très important. La loi Hadopi 1 a institué un statut d'éditeur de presse en ligne et permis aux journalistes de bénéficier d'une exploitation multi-supports de leurs oeuvres.
Pourtant la presse traverse une crise profonde qui n'est pas seulement liée aux orientations budgétaires, mais plus généralement à la politique du Gouvernement. (Marques d'étonnement au banc du Gouvernement) D'après Reporters sans frontières, notre pays est tombé à la 43e place pour la liberté de la presse, après l'Uruguay et le Surinam. Dans un rapport publié en octobre, l'association dénonçait les mises en examen et placements en garde à vue de journalistes, les perquisitions à leur domicile et l'ingérence du pouvoir dans les médias. Cette situation est indigne d'une démocratie moderne : la liberté d'expression est en danger.
C'est pourquoi, malgré la sincérité apparente de ce budget et l'importance des aides à la presse qu'il prévoit, la majorité de mon groupe ne le votera pas. (Applaudissements à gauche)
M. Jack Ralite. - Je voudrais d'abord dire un mot de l'AFP, troisième agence d'information du monde derrière deux anglo-saxonnes. La réforme annoncée vise-t-elle à lui donner un nouvel élan et à consacrer son indépendance ou à l'affaiblir ? Le Président Louette assurait lors de sa nomination que le statut de 1957 permettait à l'agence de relever les défis de la modernisation. Mais le Gouvernement a imposé sa transformation en société nationale de droit commun à capitaux publics -jusqu'à quand ? Le personnel ne veut pas de cette réforme ; il combat la précarisation de son statut, et surtout il entend sauvegarder l'indépendance de l'agence. Nous leur exprimons notre entière solidarité.
M. Sarkozy a prononcé contre France Télévisions une double peine : l'étatisme, car l'exposé des motifs du projet de loi adopté en mars faisait de la télévision publique le grand éducateur du peuple, et l'affairisme, puisque la suppression de la publicité sur les chaînes publiques était censée profiter aux chaînes privées, autorisées à procéder à des coupures publicitaires supplémentaires en vertu d'une application fort libérale de la directive européenne S.M.A.... Le groupe France Télévisions était fragile avant la réforme, il l'est plus encore aujourd'hui. Le lobbying de TF1 a été efficace, comme on a pu le constater lors du dépôt de certains amendements à la première partie de la loi de finances. Face au dynamisme de la régie publicitaire du groupe, le Gouvernement a décidé de diminuer de 35 millions d'euros la compensation prévue. En outre la Commission européenne veut exercer un contrôle plus strict et peut-être remettre en cause la compensation. Les fournisseurs d'accès à internet protestent contre la taxe de 0,9 % qui leur est imposée. La direction prévoit de ne pas remplacer 900 salariés partant à la retraite ; la convention collective doit être renégociée au cours de l'année. La régie publicitaire pourrait être vendue très prochainement, et le contrat de plan conclu en juin entre France Télévisions et l'État a confirmé le déficit du groupe. Comme on voit, la maison est littéralement assiégée : la réforme sarkozienne n'avait pas les vertus qu'on lui prêtait.
J'ai rencontré des militants syndicaux du groupe ; on n'écoute pas assez les syndicalistes. L'un d'entre eux, Marc Chauvelot, qui est à France Télévisions comme un poisson dans l'eau et aime cette maison où il travaille depuis longtemps, m'a dit -je le cite- : « Le modèle économique de transition de France Télévisions ne fonctionne pas bien. Rien ne s'est passé comme prévu, et pour les années qui viennent rien n'est vraiment stabilisé. La régie publicitaire, qu'on croyait blessée à mort par l'annonce du 8 janvier 2009, a fait mieux que résister, dégageant 350 millions d'euros au lieu des 260 millions estimés. Ce phénomène s'explique par la stratégie commerciale de TF1, qui a voulu profiter de son monopole en prime time pour imposer des tarifs trop élevés, par le fait que les annonceurs ont maintenu leurs investissements, par la fierté des commerciaux de FTP qui ont voulu démontrer leur savoir-faire. En revanche la publicité régionale et le parrainage aux niveaux régional et national connaissent un grand retard. Or ce sont eux qui sont censés rester après 2011. »
Marc Chauvelot s'interrogeait également sur le modèle économique final du groupe : la compensation des pertes liées à la suppression de la publicité après 20 heures n'est pas assurée au-delà de 2011 ; rien n'est prévu pour compenser la perte des recettes publicitaires en journée. Il poursuivait ainsi : « Nous demandons d'abord le maintien du droit pour les antennes de France Télévisions de faire de la publicité avant 20 heures, ainsi qu'en outre-mer, car ces recettes équivalent à 10 % du budget de RFO et ne seront pas de trop pour permettre à RFO de jouer pleinement son rôle dans le déploiement de la TNT. Nous proposons que les 450 millions de compensation soient intégrés au budget général de l'État et -pourquoi pas ?- reportés à terme sur le niveau et l'assiette de la redevance, constituant une seule ressource publique fléchée. Il faudra revoir la définition des droits patrimoniaux sur les oeuvres, qui ne peuvent continuer à échapper à leurs premiers financeurs, les chaînes publiques. Il faut pérenniser les programmes de France 3 pour soutenir l'offre commerciale en région.
« Aujourd'hui, France 3, en déshérence, n'a pas de politique de développement. (...) Je plaide avec mes camarades pour le maintien d'un financement mixte, un panachage, une diversification des ressources qui garantisse sur le long terme un financement pérenne et dynamique. (...) Le temps de France Télévisions n'est pas celui du politique. C'est l'épreuve du réel qui doit nous guider ».
Je n'oublie pas les raisons d'un service public de radiotélévision, outil extraordinaire de culture et principal lien social, qui doit être fidèle à un certain nombre de principes. France Télévisions est confrontée à des défis nombreux et fondamentaux, celui de la diversité et du pluralisme, de l'indépendance, de la protection des auteurs et de leurs oeuvres et des nouvelles technologies. C'est un service public dont le financement reposerait exclusivement sur la redevance mise à niveau et sur une part publicitaire plafonnée, la nomination de son PDG relevant du vote de son conseil d'administration. C'est à nous de relever ces défis avec les téléspectateurs, les personnels et ceux qui font la télévision et la radio publiques, y compris RFI, actuellement si malmenée. (Applaudissements à gauche)
M. Louis Duvernois. - Depuis plus de vingt ans, existe en France un large consensus sur la nécessité de donner plus d'efficacité, de cohérence et de lisibilité à notre action audiovisuelle extérieure dont les moyens sont saupoudrés entre des organismes différents, et souvent même concurrents. La réforme voulue par le Président de la République s'inscrit dans cette perspective après la création, en 2008, de la société holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF), avec l'État pour unique actionnaire.
Si nous voulons être constructifs, soyons d'abord critiques et les plus objectifs possible. Le constat est simple. La France a disparu des radars sur la scène internationale. Aujourd'hui, les esprits sont majoritairement façonnés par CNN, BBC et Al Jazeera. Si la France veut retrouver toute sa place dans l'univers des médias internationaux, elle n'a d'autre choix que de rendre ses médias plus compétitifs. Mais le pilotage de l'État reste encore flou. La stratégie de l'audiovisuel extérieur serait dévolue au affaires étrangères et européennes, Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM), créée en mars 2009, qui a mission d'organiser la stratégie de la France dans tous les domaines, hormis la défense. Si, par contre, le programme 115 relève de la responsabilité de la Direction du développement des médias (DDM) pour le compte du Premier ministre, les décisions stratégiques ne sembleraient pas du ressort des affaires étrangères. Au ministère de la culture, on affirme pourtant « l'importance de l'audiovisuel extérieur ». La nomination en avril 2009 de Louis de Broissia -dont on sait la compétence- au titre d'ambassadeur chargé de l'audiovisuel extérieur ajoute à nos interrogations sur le pilotage géostratégique d'un État actionnaire en mal de repères. La lisibilité de la stratégie passe par l'identification du pilote de l'avion.
La Cour des comptes ne s'y est pas trompée qui a renvoyé au politique l'arbitrage entre les différents acteurs et s'est interrogée sur le retour sur investissements des fonds publics consacrés à l'audiovisuel extérieur, en augmentation de 6 % par rapport à 2009. En tant que représentant du Sénat au conseil d'administration d'Audiovisuel extérieur de la France, je ne peux que m'en féliciter. L'État actionnaire prend au moins la mesure de l'enjeu, à défaut de l'organiser dans les meilleures conditions. Des incertitudes pèsent sur la répartition, par la société holding Audiovisuel extérieur de la France, de sa dotation publique entre Radio France Internationale, France 24 et TV5 Monde. Le contrat d'objectifs et de moyens pour 2009/2013, qui devrait définir la clé de répartition, n'a toujours pas été signé entre l'État et AEF. Cette difficulté n'est pas étrangère à la délicate situation sociale de RFI, ni non plus au pilotage stratégique de la société holding qui pâtit de l'absence d'une concertation interministérielle opérationnelle. En 2004, la question d'un plan de réorganisation de RFI avait déjà été posée aux administrations de tutelle, sourdes à cette nécessité. Cette politique de l'autruche a fini par gangréner le climat social à RFI et on en voit aujourd'hui les résultats.
Alors que le plan de sauvegarde de l'emploi à RFI, conçu pour maîtriser ses déficits récurrents, est encore en cours de négociation, va-t-on enfin doter RFI des moyens de se développer et de sortir de l'engrenage dans lequel l'actionnaire unique l'a conduit ? Va-t-on l'aider à stopper son déficit chronique ? A relancer ses audiences ? Le contrat d'objectifs et de moyens en préparation prévoit-il de développer la diffusion de RFI en FM ? Alors que notre monde bascule dans l'univers des nouvelles technologies, pensez-vous, monsieur le ministre, accompagner RFI dans sa mutation du multimédia ?
S'agissant de France 24, une idée du Président Chirac reprise par le Président Sarkozy, quels moyens seront mis à disposition de la société holding pour que cette chaîne puisse devenir mondiale et donc compétitive sur le marché d'informations internationales ? Alors que la France préside l'Union pour la Méditerranée, peut-elle sincèrement se contenter d'une chaîne qui ne diffuse que dix heures d'arabe, langue stratégique aux côtés, naturellement, du français et de l'anglais notamment.
TV5 Monde, chaîne multilatérale francophone et société partenaire d'Audiovisuel extérieur de la France qui possède 49 % de son capital, a un rôle essentiel auprès des communautés françaises expatriées sur les cinq continents, des francophones et des francophiles Sa remarquable offre éducative pour apprendre et enseigner le français sur son portail permet de traverser les murs de l'école pour partir à la rencontre de l'actualité politique et culturelle. L'enveloppe dédiée aux programmes de TV5 Monde ne cesse pourtant de se dégrader en raison d'une gouvernance financière complexe et dont les clés de répartition entre « frais communs » de fonctionnement assurés par les partenaires francophones et « frais spécifiques » français ne nous avantagent guère. La variable d'ajustement de la part française du budget de TV5 Monde est donc nécessairement l'enveloppe dédiée aux programmes. Depuis 2007, la progression insuffisante de la subvention française a entraîné la diminution de l'enveloppe consacrée aux programmes français qui, de 15,6 millions en 2007, chuterait à 12,1 millions en 2010 si le premier arbitrage financier était maintenu. Toujours est-il qu'il manque au prochain budget deTV5 Monde 2,9 millions pour maintenir le niveau de sa programmation d'oeuvres françaises. Ce manque nous empêche, en outre, de répondre aux obligations légales contrôlées par le CSA. Ces 2,9 millions, c'est 20 % du budget actuel des programmes français. Si ces acquisitions sont déterminantes pour la production française et leur diffusion à l'international, pourquoi la chaîne ne trouve-t-elle pas, monsieur le ministre, les moyens de les financer par redéploiement ou augmentation de ses ressources propres ? Si les arbitrages budgétaires refusent les 2,9 millions demandés, un coup d'arrêt est donné à l'exposition de la création française à l'international. La décision, là encore, n'est pas seulement d'ordre budgétaire, elle relève d'un réel choix politique qui engage l'avenir. Monsieur le ministre, nous attendons des engagements.
La présence médiatique de la France à l'extérieur ne saurait se limiter à l'audiovisuel. L'agence France Presse, seule agence d'information mondiale non anglophone, diffuse ses services en six langues. Elle produit des dépêches, des photos, des infographies, de la vidéo et des documents multimédias d'une forte notoriété et d'une crédibilité incontestée. Son statut actuel -une entreprise sans capital et sans actionnaires- est certes original, mais inadapté au contexte compétitif actuel et il la prive de financements suffisants. L'agence étant en outre dans l'impossibilité de financer sur ses fonds propres la croissance par acquisition qui lui serait indispensable, c'est le principe même de sa gouvernance actuelle qui est remis en question.
A la demande de la puissance publique, qui lui procure 40 % de ses ressources d'abonnement, l'AFP a formulé une proposition de réforme de son statut, la transformant en société nationale à actions, dont le capital serait détenu par l'État ou d'autres entités publiques, avec une participation minoritaire des personnels ; parallèlement serait créée une entité indépendante chargée de garantir l'indépendance rédactionnelle de l'Agence. Que pense le Gouvernement de cette proposition, efficace compromis entre l'impératif absolu d'indépendance et la nécessité de doter l'AFP d'un actionnaire stratégique de long terme. Entendez-vous donner suite à cette proposition dans un projet de loi en 2010 ? (Applaudissements à droite)
M. Pignard. - Je salue tout d'abord l'effort financier sans précédent du Gouvernement, puisque trois programmes sur quatre de la mission « Médias » voient leurs autorisations budgétaires augmenter : 48 % pour la presse ; 9 % pour le « soutien à l'expression radiophonique locale » et 5 % pour la « contribution au financement de l'audiovisuel ». Il est toutefois regrettable que le programme « Action audiovisuelle extérieure », lui, perde 14,5 % de ses attributions
En ce qui concerne l'audio-visuel, les défis sont particulièrement nombreux. Le mode de financement traditionnel et, pour certains, principal, des médias est touché de plein fouet par une double crise. Une crise structurelle, d'abord, avec la fragmentation des audiences due à la multiplication des supports médiatiques et à la croissance exponentielle d'internet. Une crise conjoncturelle, ensuite, qui s'ensuit de la réduction des dépenses des annonceurs, amorcée en 2008 et aggravée par la crise.
Si les acteurs ont fourni de réels efforts, il nous faut continuer d'accompagner la réforme de la communication audiovisuelle. Comme M. Thiollière, je veux saluer le plus important financement dont France Télévisions ait jamais bénéficié. Le groupe, entreprise unique désormais, après avoir achevé sa réorganisation interne globale en adoptant une organisation matricielle, doit entreprendre la renégociation des conventions collectives et accords d'entreprise en 2010, rendue indispensable par les évolutions de ce secteur. La réduction du périmètre de la mission « Avances à l'audiovisuel public » va dans le bon sens : le produit de la contribution à l'audiovisuel public, l'ancienne redevance, sera intégralement versé aux organismes de l'audiovisuel public, et ne pourra plus financer à hauteur de 15 millions le GIP France Télé Numérique via le programme « Passage à la télévision tout numérique », conformément à la position du Sénat. La suppression de la publicité sur le service public, perçue comme satisfaisante par l'ensemble des téléspectateurs, incite France Télévisions à poursuivre la réflexion sur l'encadrement des parrainages. Autre motif de satisfaction, le groupe envisage un retour à l'équilibre budgétaire dès 2011, soit un an plus tôt que prévu. Enfin, concernant le suivi et l'amélioration des programmes, France Télévisions a réuni pour la première fois cette semaine le Conseil des téléspectateurs et a installé le comité pour la diversité en juillet dernier. La rénovation de la redevance, largement impulsée par le Sénat, porte ces fruits. Même avec les 2 euros supplémentaires que nous avons votés, son niveau reste nettement inférieur à celui de nos voisins européens. (M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, approuve) La contribution à l'audiovisuel public a été enfin indexée sur l'indice des prix à la consommation. Qui se plaindrait aujourd'hui de cette réforme, nécessaire au financement de l'audiovisuel public, que notre assemblée défendait de longue date ?
Toutefois, des inquiétudes persistent concernant le basculement vers le numérique. Le passage à la télévision numérique terrestre est prévu fin novembre 2011, veillons à ce qu'il n'y ait aucun laissé-pour-compte du numérique. Nombre d'élus m'ont déjà fait part de leur peur de l'écran noir... La télévision mobile personnelle cherche toujours son modèle économique, même si la mission confiée à M. Viguier a permis d'avancer. La radio numérique terrestre, prévue pour la fin de l'année 2009, fera son apparition sur les ondes avec un semestre de retard, signe des interrogations sur le financement, notamment des radios associatives. Nous aborderons ce thème lors de la table ronde du 15 janvier prochain organisée par le groupe d'étude « médias et nouvelles technologies ».
La réforme de l'audiovisuel reste à réussir, notamment sur la redevance. Le Premier ministre avait promis, à la suite de nos amendements, la constitution d'un groupe de travail sur la modernisation de la redevance. Nous espérons qu'il verra le jour rapidement. Plus généralement, il faut améliorer l'information sur la contribution à l'audiovisuel public pour la faire mieux accepter. Combien de Français savent à quoi sert cette taxe ? Cet effort pédagogique serait plus efficace encore si nos concitoyens voyaient sur leurs écrans la différence entre le service public et les chaînes privées.
Nous avons adressé avec M. Thiollière un courrier à Mme Lagarde et M. Woerth dans lequel nous regrettons que, contrairement à ce que nous avions voté, le terme de redevance n'ait pas été remplacé par celui de contribution à l'audiovisuel public dans les documents fiscaux.
Enfin, concernant la taxe sur le chiffre d'affaires de la publicité des chaînes privées, je déplore, même si le débat à bien eu lieu en première partie, le rejet de l'amendement prévoyant l'adaptation de cette taxe et sa progressivité.
Pour conclure, l'État a tenu les engagements pris lors des états généraux de la presse. L'augmentation significative des crédits à la presse, nécessaire en cette période de crise aigüe, confortera le pluralisme du secteur. Cela devrait rassembler nos collègues enclins au scepticisme ! Inutile, je crois, d'ajouter que nous voterons les crédits de cette mission ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Serge Lagauche. - Ce budget, le premier après la réforme de l'audiovisuel public, constitue un rendez-vous de vérité. Lors de l'examen du projet de loi, nous avions insisté sur le contexte économique défavorable à une telle réforme, le système de financement hypocrite et pervers qui lie la télévision publique à la santé de la publicité sur les chaînes privées, et avions prôné la rénovation de la redevance audiovisuelle pour compenser la suppression de la publicité. Aujourd'hui où en sommes-nous ? Le Président de la République avait promis une compensation à l'euro près des pertes de recettes publicitaires. Or, non seulement les crédits du programme 313 diminuent pour passer de 473 à 457,9 millions entre 2009 et 2010, mais ils sont encore ponctionnés de 40 millions pour le GIP France Télé Numérique ! Le mode de financement du GIP est bien clarifié selon les voeux du Parlement, mais aux dépens de l'audiovisuel public ! Outre que le Gouvernement ne respecte pas ses engagements, il ampute de 35 millions le surplus de 105 millions de recettes publicitaires de France Télévisions au motif que ce résultat est supérieur aux prévisions tout en demandant au groupe de lui présenter des comptes à l'équilibre !
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation financière d'Arte France qui doit faire face à un surcoût de diffusion de 9,15 millions en 2010 et de 22 millions, hors diffusion outre-mer, sur toute la durée du contrat d'objectifs et de moyens 2007-2011, sans qu'Arte ne gagne d'argent sur l'arrêt de l'analogique. Les 3 millions supplémentaires que vous allouez à la chaîne en 2010 sont insuffisants : Arte, qui a déjà prélevé sur son fond de roulement l'an dernier, n'aura d'autre choix que de prendre partiellement sur ses programmes, ce qui pénalisera la création audiovisuelle et son développement sur les nouveaux médias.
La situation à RFI, après son absorption en 2009 par AEF, est très préoccupante en matière de ressources humaines. Après la suspension du premier plan social le 28 septembre par la Cour d'appel, le deuxième plan social, toujours de 206 suppressions d'emploi, a été présenté le 23 octobre. Il ne propose pas les mesures de reclassement exigées par la Cour d'appel et seraient, aux dires de tous les syndicats, moins la CFDT, « plus illégal que l'ancien ». Le déficit de RFI n'est pas lié à la masse salariale, mais à un sous-financement chronique. Surtout, dans le même temps, France 24 et AEF, dont la Cour des comptes a déjà pointé le coût exorbitant, procédaient à de nombreuses embauches, qui n'étaient pas ouvertes aux salariés volontaires de RFI. Compte tenu du peu de rigueur budgétaire de la holding, nous ne pouvons que nous étonner de la hausse de 6 % de ses crédits pour 2010 qui n'est assortie d'aucune contractualisation -plan stratégique, pourtant prévu par la convention de subvention de mai 2008, et convention d'objectifs et de moyens qui devait démarrer en 2009. Dans ce contexte, l'observation de la Cour des comptes selon laquelle AEF a fait montre « d'une absence de vision d'ensemble, des choix stratégiques différés, un coût global croissant et l'absence de mesure satisfaisante de la performance » en 2008 est toujours d'actualité. Bien sûr, il revient également à l'autorité de tutelle de reconnaître sa part dans cette gouvernance défaillante...
Inutile de préciser le sens de notre vote, mes propos le laissant présager aisément ! (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également)
Mme Claudine Lepage. - La création de la holding AEF en avril 2008 visait à rendre notre politique audiovisuelle extérieure plus cohérente, plus lisible et plus efficace.
Cette structure détient 100 % du capital de Radio France internationale et de France 24, ainsi que 49 % de celui de TV5 Monde. Elle doit permettre une meilleure coordination de ces entités pour favoriser le rayonnement de notre culture, de notre pays et de notre vision du monde. Comment ne pas approuver cette intention ? Mais que donne-t-elle en définitive ?
Les crédits de la mission sont en hausse, ceux d'AEF augmentent de 4,1 %, mais la réforme n'a pas tenu ses promesses. TV5 Monde a été créée à l'initiative de la France, mais aux côtés de la Suisse, de la Belgique, du Québec et du Canada. Lorsque la réforme a été annoncée, nos partenaires ont craint une absorption pure et simple par la holding. Le compromis trouvé après des mois de zizanie préserve l'autonomie de TV5 Monde mais nous ne sommes pas passés loin de la rupture.
Venons-en à RFI.
Troisième radio internationale après BBC World Service et Voice of America, émettant dans une vingtaine de langues, RFI a connu le plus long conflit de l'audiovisuel public. Depuis des mois, ses salariés combattent un plan social supprimant 206 emplois sur 1 100 et fermant ses bureaux allemand, albanais, polonais, serbo-croate, turc et laotien. Jamais la direction n'a voulu négocier. Elle a même fait remplacer les techniciens grévistes par des non-grévistes sur l'antenne en français, attisant ainsi la colère du personnel. Outre cet insupportable autisme, comment accepter que RFI licencie au moment où France 24 embauche ? Pourquoi AEF a-t-il inscrit à son budget 1,5 million d'euros pour payer les dirigeants de RFI, dont la masse salariale est jugée excessive ?
Fin septembre, la cour d'appel de Paris a suspendu le plan social, remplacé par un plan de départs volontaires, donc il serait prématuré de dresser le bilan. Il importe d'éviter l'enlisement du conflit, dans l'intérêt des salariés mais aussi des auditeurs, Français établis à l'étranger ou francophones et francophiles à travers le monde. Si des départs contraints étaient nécessaires, un médiateur devrait favoriser les reclassements.
Le comité d'entreprise a saisi le Conseil d'État en référé pour obtenir toute la lumière sur le contrat d'objectifs et de moyens d'AEF, qui doit décrire les ressources de RFI pour 2009 à 2013. Le comité d'entreprise estime qu'aucun licenciement économique ne peut être justifié tant que l'on ignore les ressources d'AEF. Il y a six mois, Mme Albanel avait annoncé la signature imminente de ce contrat, dont le président de Pouzilhac déclare qu'il suivra le retour de RFI à l'équilibre. Pourtant, le contrat d'objectifs et de moyens n'a-t-il pas justement pour objet ce retour à l'équilibre financier ? Le dialogue de sourds nous éloigne du climat de confiance propice à la sortie de crise.
Nous voterons contre les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. David Assouline. - Il ne faut surtout pas baisser la garde à propos de l'audiovisuel public. On nous dit que la réforme aurait réussi, que la fin de la publicité après 20 heures serait un succès, que des recettes publicitaires supérieures aux attentes seraient un signe encourageant.
La vérité, c'est que l'ambition du média global et la mutation du numérique nécessitent beaucoup de moyens, alors que France Télévisions est en déficit. Il faudra investir massivement avant de recueillir des bénéfices. Entrer dans la concurrence internationale et affronter les opérateurs privés coûtera cher. Malgré le guichet unique et le média global, la rationalisation n'aura pas de résultat immédiat.
La commission Copé estimait nécessaire d'investir 200 millions d'euros, mais on navigue à courte vue. L'État a même ponctionné 35 millions sur la centaine de millions procurés par les recettes publicitaires inattendues !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - L'État n'a plus d'argent.
M. David Assouline. - C'est une mauvaise politique car des investissements coûteux sont indispensables pour que la rationalisation puisse demain produire ses effets. Si les recettes imprévues sont constatées l'année prochaine, il ne faudra pas que l'État s'aventure à les ponctionner car ces quelques gouttes à l'aune de son propre déficit compromettent la création.
Pour l'image de la France, il est temps que le conflit de RFI cesse.
Quelques mots de la redevance. Nous souhaitions un transfert progressif de la publicité vers la redevance, dont le produit alimente l'audiovisuel public indépendamment des aléas du budget général. Je crains que l'ampleur du déficit ne porte un jour atteinte à ce lien direct. Depuis 2005, le manque à gagner du produit de la redevance, induit notamment par l'exonération de la résidence secondaire, occasionne des difficultés supplémentaires pour le ministère de la culture.
Il faut envisager le passage à la télévision publique sans aucune publicité, mais avec un financement qui échappe aux aléas budgétaires. C'est important pour l'indépendance de France Télévisions, assurée aujourd'hui par la redevance ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Je remercie les rapporteurs et les orateurs.
Commençons par les crédits de la presse. Tout comme M. Assouline, je suis persuadé que la presse écrite est indispensable à l'information du citoyen, à la diffusion et donc à l'existence de courants d'opinion. Elle est irremplaçable en démocratie.
Avec 413,3 millions d'euros, le projet de loi de finances consolide le soutien exceptionnel décidé à l'issue des états généraux de la presse écrite car l'État est déterminé à soutenir ce creuset du débat démocratique.
L'ambition du Gouvernement se décline en deux objectifs essentiels, l'accompagnement de la modernisation du secteur et du renouvellement de son modèle économique d'une part, le soutien à la diffusion de la presse, afin de conforter son pluralisme et son indépendance, de l'autre.
Conforter la situation économique de la presse est le meilleur moyen de garantir son indépendance. C'est pourquoi le Gouvernement soutient les initiatives structurantes qui permettront le développement de la presse écrite sous toutes ses formes. Les crédits d'aide à la presse iront prioritairement appuyer la modernisation du secteur, au travers d'une démarche de contractualisation. L'aide aux services de presse en ligne est ainsi redéployée, avec 20,2 millions d'euros, encore renforcée par l'extension du régime de provision fiscale pour investissement de l'article 39 bis A du code général des impôts ; pour conforter le principe de neutralité technologique, le régime en faveur du mécénat de presse s'appliquera aux éditeurs de presse en ligne. Le rapporteur spécial a rappelé à juste titre les efforts de l'État pour l'aide au développement et à la modernisation des points de vente de presse ; les modalités de calcul et d'attribution de l'aide ont été modifiées et les procédures d'instruction ont été réexaminées afin d'optimiser la gestion d'un fonds doté de 13,3 millions d'euros.
M. Duvernois a évoqué le sort de l'AFP. La dotation des abonnements de l'État se monte à 113,4 millions d'euros. L'évolution de son statut, comme l'a relevé M. Arthuis, est indispensable pour lui donner les moyens de son développement. L'agence fait face, comme toutes les entreprises de presse, à une mutation profonde, qui l'oblige à un tournant stratégique pour conforter sa vocation mondiale. La responsabilité des pouvoirs publics est de la doter des meilleurs atouts. C'est le sens de la réflexion que nous menons actuellement, dans le respect du pluralisme, de l'indépendance éditoriale, des missions d'intérêt général d'une agence unique au monde.
Le Gouvernement renforce son soutien au pluralisme et à la diffusion de la presse toute en les calibrant. Un plan massif d'aide au développement du portage a été mis en place en 2009 sur trois ans, qui sera doté en 2010 de 70 millions d'euros. En complément, 12 millions seront consacrés au dispositif d'exonération de charges patronales pour les vendeurs, colporteurs et porteurs de presse. L'aide au transport postal de la presse sera dotée de 242 millions d'euros en 2010, dont 83 figurent au programme « Presse » et 159 au programme « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Économie ». Dès la clôture des états généraux de la presse écrite, la question s'est posée du moratoire de l'application des nouveaux tarifs postaux. La priorité a été de reporter d'un an la hausse des tarifs prévue par les accords de juillet 2008. La compensation du manque à gagner pour La Poste s'est traduite par l'inscription de 25,4 millions d'euros dans la loi de finances rectificative en 2009 et de 28 millions pour 2010. La prolongation du moratoire se traduirait par une nouvelle compensation de l'État à La Poste ...
L'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, l'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces et l'aide à la presse hebdomadaire régionale verront leurs dotations portées à près de 12 millions d'euros. Vous l'avez dit, monsieur Assouline, l'effort a été sans précédent en 2009 ; il sera poursuivi en 2010.
Depuis un an, l'État a mis en place un plan de soutien véritablement historique, qui n'est pas, comme l'a relevé le président Arthuis, une incitation à l'assistanat, mais une aide à la nécessaire refondation du secteur. C'est une chance que les éditeurs doivent saisir. Mais il s'agit d'une première étape. Il faut un acte II des états généraux qui donne la priorité aux lecteurs, à la qualité de l'information, aux métiers et aux valeurs des journalistes, aux coûts de production de l'information -comme les déboires du photojournalisme français nous le rappellent amèrement aujourd'hui.
Je souhaite conduire cette deuxième étape autour de trois axes. Le développement de la presse numérique, d'abord : l'État soutient l'émergence d'une véritable politique de recherche et développement au bénéfice de toute la profession et encourage l'initiative collective prise en septembre par les éditeurs. Deuxième axe, la formation, au travers de l'engagement de développement de l'emploi et des compétences signé en juin dernier ; une conférence nationale des métiers du journalisme, destinée à faire évoluer le cadre de la formation professionnelle des journalistes, sera organisée en 2010. Dans le domaine de la défense des valeurs du journalisme, enfin, enjeu majeur s'il en est, l'État a souhaité que la profession s'organise pour rédiger elle-même un code déontologique : celui-ci vient d'être rendu public par un groupe de sages animé par M. Bruno Frappat et est désormais entre les mains des partenaires sociaux. Je m'emploierai à ce qu'il soit reconnu et appliqué rapidement.
L'aboutissement de cet acte II doit être, in fine, une aide aux lecteurs. C'est l'objet de la mission confiée à M. Aldo Cardoso et à l'Inspection générale des finances, dont le rapport sur la bonne gouvernance des aides publiques doit m'être remis début 2010. Cette démarche est justifiée par la croissance significative des concours à la presse et la profonde mutation de l'éco-système du marché de l'information.
Comme vous le constatez, le soutien du Gouvernement à la presse est massif et ciblé comme jamais. Il contribue à doter la presse française de tous les atouts qui lui permettront de consolider ses positions face à la concurrence des médias internationaux.
Il me semble que la conclusion pourrait être la même pour l'audiovisuel. Le budget 2010 de l'audiovisuel public et extérieur est en augmentation de 91 millions d'euros, soit de 2,5 %. Cette progression, rendue possible par l'indexation de la redevance sur l'inflation et son augmentation de 2 euros décidée l'hiver dernier, permettra de mener à bien des réformes majeures et de poursuivre une politique de soutien actif à la création.
La réforme de l'audiovisuel extérieur, engagée dès l'été 2007 à l'initiative du Président de la République, était indispensable. Le constat était partagé d'une politique audiovisuelle extérieure manquant de cohérence et d'efficacité. Cette réforme est aujourd'hui bien avancée : la constitution du groupe de l'audiovisuel extérieur autour de la holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF) est achevée. Dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens, la stratégie des dirigeants d'AEF consiste à réaliser de forts investissements dans chacune des sociétés, avant une phase de retour sur investissements grâce à une meilleure coordination entre les sociétés et au développement de leurs ressources propres. En 2010, la forte augmentation des crédits témoigne du soutien de l'État à cette stratégie : 315 millions d'euros iront à l'audiovisuel extérieur de la France, soit une hausse de 6 %. J'espère, monsieur Duvernois, avoir répondu à vos interrogations.
France 24, chaîne d'information née en 2006, va se déployer progressivement au niveau mondial et en plusieurs langues ; TV5 Monde, à laquelle je suis très attaché, s'engage dans la deuxième année de son plan stratégique, avec l'ambition de conforter sa diffusion sur les cinq continents, où elle est une vitrine de la culture et des valeurs de la France et de la francophonie. La relance des audiences de RFI passera par le développement de la diffusion FM et sur les nouveaux médias. Je suis très attentif à ce qui se passe à RFI. Je sais que la réforme engagée est douloureuse et j'ai à coeur que chaque salarié de RFI soit accompagné dans cette période difficile. Mais tout le monde convient que cette réforme est indispensable à la survie d'une société qui traverse une crise existentielle, dont les remèdes ont été trop longtemps différés. Malgré les difficultés, la réforme avance. Le processus de consultation du comité d'entreprise est achevé, et la période des départs volontaires s'achève demain ; le nombre de licenciements par désignation devrait être limité. La relance de RFI doit intervenir dès le début de 2010 ; nous devons porter ensemble cette exigence.
Vous m'avez interrogé, monsieur le président Arthuis, sur la répartition de la dotation entre France 24, RFI et TV5 Monde. Chaque entité est aujourd'hui rattachée à la holding AEF, qui gère l'enveloppe globale. Quant aux modalités de financement du capital, détenu à 45 % par AEF et à 55 % par nos partenaires francophones, un accord a été conclu en avril dernier avec ces derniers, dénommé « l'entente », qui doit permettre de reprendre le contrat stratégique de TV5 Monde, tout en tenant compte de son statut particulier.
AEF fait l'objet d'un financement mixte, et il est prévu cette année que la diminution des ressources du budget général sera compensée par l'augmentation des ressources de la contribution à l'audiovisuel public. Conformément à la volonté de nombreux parlementaires lors du vote de la loi de finances rectificative pour 2009, le GIP France Télé Numérique, qui gère tout le passage au numérique, a été sorti du champ des bénéficiaires de la contribution à l'audiovisuel public. Ce GIP est donc, en 2010, financé par des crédits budgétaires inscrits à la mission « Médias », ce qui a mécaniquement conduit à augmenter le financement d'AEF par le compte de concours financiers, en contrepartie d'une diminution à due concurrence de la part issue du budget général.
Deuxième grande réforme, celle de la télévision publique.
La suppression progressive de la publicité sur les services nationaux de France Télévisions, qui libère la télévision publique de la pression de l'audience commerciale, ainsi que la rénovation de son organisation en entreprise commune donnent désormais au groupe les moyens de son ambition éditoriale, comme l'appelait de ses voeux le Président de la République.
Le projet d'avenant au contrat d'objectifs et de moyens 2009-2012 a été transmis pour avis aux commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et des finances. Le modèle économique de France Télévisions a été complètement revu.
Chacun peut se féliciter du nouveau modèle de financement de France Télévisions. Le service public a désormais les moyens de ses ambitions. La réforme lancée par le Président de la République lui apporte une sérénité certaine, dans un contexte économique et publicitaire difficile.
J'ai bien noté que les commissions en charge des finances et de la culture souhaitent conduire, en 2010, un contrôle conjoint du plan d'affaires 2009-2012. Le Gouvernement et plus particulièrement mes services répondront bien sûr à toutes leurs interrogations et demandes.
Troisième priorité : le soutien réaffirmé à la création audiovisuelle. Le rôle de l'audiovisuel public a été renforcé par la réforme de la publicité. France Télévisions contribuera en 2010 à hauteur de 385 millions au financement de la création audiovisuelle et d'ici à 2012, ce montant sera porté à 420 millions, soit 20 % de son chiffre d'affaires. A quoi s'est ajoutée la modernisation des décrets Tasca pour l'ensemble des chaînes privées. Les obligations de production des chaînes historiques sont ainsi consolidées et concentrées sur les oeuvres patrimoniales. C'est un relais important.
La dotation de l'Institut national de l'audiovisuel dont le rôle dans la préservation de notre mémoire audiovisuelle est si précieux sera en hausse de 1,2 %. J'ai tenu à proposer, dans le cadre du grand emprunt, que 753 millions soient consacrés à la numérisation, notamment de notre patrimoine audiovisuel, vaste chantier entamé par l'INA qui a déjà effectué un travail remarquable.
Autre réforme d'importance, celle du soutien de l'État aux radios associatives. Le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale apporte, depuis 1982, à près de 600 radios associatives des aides de fonctionnement, d'installation et d'équipement.
Les crédits du programme 312, monsieur Thiollière, correspondent aux subventions accordées dans le cadre du Fonds de soutien : deux subventions de fonctionnement, une subvention d'équipement et une subvention d'installation dont le bénéfice est réservé aux radios nouvellement autorisées par le CSA.
Pour l'exercice 2008, 596 radios ont bénéficié d'une subvention de fonctionnement d'un montant moyen de 34 400 euros et 548 ont perçu une subvention sélective à l'action radiophonique, pour un montant moyen de 8 000 euros.
J'en viens au passage à la télévision tout numérique. Je ne reviendrai pas sur ses avantages. Le Gouvernement a débloqué des moyens importants -277 millions sur la période 2009-2011- afin de financer une campagne nationale d'information au bénéfice de l'ensemble de la population et un fonds d'aide au bénéfice des foyers les plus démunis.
Le Premier ministre a décidé qu'un complément de financement sera apporté dans les deux prochaines années pour financer l'acquisition d'un matériel satellitaire pour l'ensemble des foyers en zone d'ombre. Ainsi, 100 % de nos concitoyens bénéficieront de la télévision numérique, qu'elle soit diffusée par les ondes hertziennes ou par satellite. Ces sommes, quand elles seront précisément déterminées, feront l'objet d'un financement complémentaire en gestion, éventuellement dans le cadre d'une loi de finances rectificative, et seront versées au GIP France télé numérique.
Au total, ce sont donc 333 millions de crédits qui permettront de financer, avec l'aide des chaînes de télévision historiques, l'ensemble des opérations, notamment de communication et d'accompagnement. Aucun de nos concitoyens ne sera oublié.
Voilà les défis qu'il nous revient de relever. L'État a choisi de soutenir, d'encourager, d'accompagner tous ces acteurs dans leur mission : pour rendre pleinement vivante notre démocratie.
Examen des crédits et des articles additionnels rattachés
Les crédits de la mission médias sont adoptés.
Les crédits du compte spécial avances à l'audiovisuel public sont adoptés.
Articles additionnels après l'article 54 ter
M. le président. - Amendement n°II-73, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
I. - Après l'article 54 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État s'engage à verser chaque année à France Télévisions le montant exact prévu par la loi de finances de l'année précédente au titre de la compensation forfaitaire de la suppression de la publicité tel que prévu par le troisième alinéa du VI de l'article 28 du chapitre IV de la loi n°2009-258.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
« Médias »
M. Ivan Renar. - Je sens que je vais aller à rebrousse poil.
Nous souhaitons que soit garanti le montant de la compensation forfaitaire de la suppression de la publicité pour France télévisions tel qu'il a été prévu dans la loi de finances de 2009, soit 450 millions, pour compenser les pertes de revenus que ne manquerait pas de provoquer la suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures, sachant que la publicité assurait en 2008 un tiers des financements de France Télévisions. Le Gouvernement avait juré ses grands dieux que ce montant ne serait pas remis en cause et voilà qu'une fois de plus ; les déclarations de bonnes intentions sont contredites : le montant de la compensation forfaitaire devient une sorte de plafond, que l'on peut réviser à la baisse. C'est inadmissible.
Sans doute, France Télévisions a perdu moins que prévu en dégageant 120 millions de recettes publicitaires supplémentaires par rapport aux prévisions, ce qui justifierait une diminution de 35 millions de sa dotation. Mais outre que je me demande si l'on aurait augmenté cette dotation dans le cas inverse, il n'est pas inutile de préciser que cette manne inattendue est due en partie au comportement des chaînes privées qui, convaincues de leur supériorité, ont maintenu des tarifs trop élevés dans un contexte de crise économique : ce n'est donc pas un profit supplémentaire, car France Télévisions reste déficitaire de 135 millions d'euros. En lui ôtant ces 35 millions, l'État la maintient en difficulté alors que les défis de la télévision du futur sont plus aigus que jamais. Car ces 450 millions de compensation ajoutés au 360 millions de recettes publicitaires lui permettent tout juste de se maintenir au niveau de 2008, alors qu'elle était déjà sous-financée, comme le souligne le rapport 2009 de la Cour des comptes qui montre que l'année 2008 a été marquée par une diminution rapide et brutale des recettes de France Télévisions et que dès 2007, la situation du groupe s'était tendue. Ainsi la « surperformance » de la régie publicitaire de France télévisions aura tout juste permis de revenir à la situation exacte d'avant la loi de mars 2009, c'est-à-dire à une grande fragilité économique et un sous-financement de la télévision publique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Vous dites qu'il y a une baisse des garanties, mais seules des difficultés financières de son actionnaire pourraient fragiliser France Télévisions. Or nous venons de voter en loi de finances un déficit prévisionnel du budget de l'État de 117,5 milliards d'euros.
M. David Assouline. - Ce n'est pas à cause de France Télévisions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Qui peut soutenir que la réforme n'était pas une nécessité ? Des marges de progression existent dans l'organisation de France Télévisions et les organismes publics ne peuvent pas être à l'écart des exigences de performance, s'agissant de l'argent public. France Télévisions gardera les deux tiers des 105 millions de recettes supplémentaires.
M. David Assouline. - Ce n'est pas dans le contrat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La commission des finances et la commission des affaires culturelles suivront de près les efforts de France Télévisions dans le retour à l'équilibre, puis à l'excédent en 2012. Il n'y a pas péril en la demeure : retrait ou avis défavorable. (M. Robert del Picchia approuve)
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - France Télévisions reçoit une dotation supplémentaire pour assurer le financement des missions de service public. Les recettes publicitaires ont dépassé les prévisions de 110 millions d'euros, sur lesquels l'État ne prélève que 35 millions. La réévaluation de la dotation publique s'explique par l'écart important entre les trajectoires prévues et réalisées. Avis défavorable.
M. David Assouline. - Les arguments du président de la commission et du ministre m'inquiètent. Qui nous dit que ce prélèvement ne se reproduira pas ? Nous avons débattu de la réforme de l'audiovisuel public, que nous avons parfois combattue.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Quel conservatisme !
M. David Assouline. - Le seul argument de la majorité qui nous a rassurés est la pérennisation de la dotation annuelle de 450 millions jusqu'en 2012. Aujourd'hui, vous nous annoncez que celle-ci peut être révisée. Plus grave, le président de la commission justifie cette modification par l'ampleur du déficit de l'État, qui justifierait ce prélèvement de 100 millions d'euros.
Vous créez un précédent en réduisant la dotation pour un motif politique. J'avais bien annoncé un risque de privatisation et d'ouverture du capital de France Télévisions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - N'importe quoi.
M. David Assouline. - C'est ce que vous avez en tête, vous n'avez pas baissé les armes. Notre vigilance ne faillira pas et nous voterons l'amendement du groupe CRC.
M. Serge Lagauche. - La régie publicitaire de France Télévisions a bien travaillé. Si l'on va dans ce sens, nous garderons la publicité afin que France Télévisions puisse abonder le budget de l'État ! Nous voterons l'amendement du groupe CRC.
L'amendement n°II-73 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-74, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
I. - Après l'article 54 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les troisième et cinquième phrases du VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont supprimées.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :
« Médias »
M. Ivan Renar. - Monsieur Arthuis, je vous propose de nouvelles économies pour éviter la catastrophe que vous nous annoncez, c'est-à-dire le naufrage du navire État à cause de France Télévisions.
Nous souhaitons que la publicité soit maintenue en journée sur les chaînes publiques car la situation financière de France Télévisions est fragile. Si cette dernière a fait face cette année, de manière inattendue, à la suppression de la publicité en soirée, rien ne garantit que la conjoncture demeure favorable en 2010. Au contraire, la reprise du marché publicitaire des chaînes privées se dessine. La situation s'est simplement révélée moins catastrophique que prévu pour 2009, et le modèle économique choisi relève plus de la transition que de la stabilité. En outre, la compensation forfaitaire de l'État n'est pas garantie au-delà de 2011, alors même que la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques devrait diminuer de 350 millions d'euros les recettes de France Télévisions.
La télévision publique a été soumise ces dernières années à des objectifs contradictoires et changeants, avec, pour conséquences, des résultats économiques et financiers préoccupants et une absence d'horizon stratégique pour France Télévisions. Le seul but est d'atteindre l'équilibre financier en 2011, et non des objectifs qualitatifs et le déploiement de missions de service public. Un dernier coup vient d'être porté à France Télévisions avec le projet de cession de sa régie publicitaire à un groupe privé, Lagardère, passé maître dans la concentration des médias. Quant au maintien intégral de la publicité sur RFO et les Télés Pays, c'était initialement le choix du Président de la République. Seule la pression des opérateurs privés comme le groupe Bourbon à la Réunion cher à M. Jégo expliquent la décision prise. En l'absence d'un marché concurrentiel développé, elle revient à leur accorder un monopole privé alors que la publicité assure un dixième du budget de RFO. En conséquence, nous demandons un moratoire sur la suppression de la publicité en journée sur France Télévisions et outre-mer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Avis défavorable. Je m'étonne d'entendre des sénateurs du groupe CRC se faire les apôtres de la publicité !
M. Ivan Renar. - Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - N'oubliez pas que les entreprises qui achètent des espaces publicitaires les financent grâce à leurs marges, qu'elles cherchent à préserver en délocalisant. (Exclamations sur les bancs socialistes)
Le plan d'affaires prévoit des recettes ainsi qu'une maîtrise des dépenses. La garantie que vous évoquez était destinée à compenser une perte de publicité. Là, il y a un surcroît de recettes...
M. David Assouline. - Ce n'est pas dans la loi.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il n'y a pas eu de compression des recettes de France Télévisions. La commission est défavorable à ce moratoire.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Je vous prie de m'excuser, monsieur Assouline, l'heure tardive m'a conduit à oublier de vous mentionner comme rapporteur lors de mon intervention.
Avis défavorable, car cet amendement revient sur des dispositions de la loi, votée cette année, qui prévoit une réforme ambitieuse de l'audiovisuel public. Il s'agit de libérer celui-ci de la dépendance des marchés publicitaires, d'une logique commerciale et court-termiste afin de garantir une télévision publique de qualité.
La loi a été votée et promulguée, il serait prématuré de revenir dessus. Défavorable.
M. David Assouline. - Lors de l'examen de ce texte, précisément, le Sénat avait voté contre la suppression de la publicité outre-mer parce que la situation dans ces territoires n'est pas comparable à celle de la métropole. Il existe un monopole privé et c'est à lui que nous faisions un cadeau. Le Sénat l'avait bien compris. La CMP a rectifié notre vote mais la proposition de M. Renar, pour la partie concernant l'outre-mer, faisait consensus dans notre Assemblée.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - Je ne comprends pas le sens de cet amendement. Nous avons été très nombreux à saluer la suppression de la publicité comme un événement culturellement très positif, qui mettait fin à la dictature de l'audimat. Je voterai résolument contre le n°II-74.
M. Serge Lagauche. - Nous n'avons jamais été favorables à une suppression totale de la publicité : nous sommes pour un équilibre entre redevance et publicité !
M. Ivan Renar. - La vertueuse indignation du président Legendre me surprend : nous ne rétablissons pas toute la publicité, nous la maintenons partiellement, par un moratoire. Si la puissance publique assumait ses responsabilités, la question ne se poserait pas ! A la commission Copé, il n'y avait pas de tabous -seulement des interdits. Nous avions proposé une redevance portée au niveau en vigueur chez nos voisins... A présent, nous gérons la situation : il faut bien que France Télévisions puisse remplir ses missions de service public. La publicité, pour nous, est à consommer avec modération.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est une addiction, une aliénation !
L'amendement n°II-74 n'est pas adopté.
Prochaine séance, lundi 30 novembre 2009, à 10 heures.
La séance est levée à 1 h 35.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du lundi 30 novembre 2009
Séance publique
A 10 HEURES,
14 HEURES 30 ET LE SOIR
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (n°100, 2009-2010).
Examen des missions :
Recherche et enseignement supérieur (+ articles 54 quinquies et 54 sexies)
MM. Philippe Adnot et Christian Gaudin, rapporteurs spéciaux (rapport n°101, annexe n°23)
MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Léonce Dupont, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (avis n°104, tome VII)
MM. Michel Houel et Daniel Raoul, rapporteurs pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (avis n°105, tome VII)
Action extérieure de l'État
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n°101, annexe n°1)
M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action extérieure de l'État : Moyens de l'action internationale - avis n°102, tome I)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action extérieure de l'État : rayonnement culturel et scientifique - avis n°102, tome II)
M. Yves Dauge, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (avis n°104, tome I)
Défense
MM. François Trucy, Jean-Pierre Masseret et Charles Guené, rapporteurs spéciaux (rapport n°101, annexe n°8)
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Défense - Environnement et soutien de la politique de défense - avis n°102, tome IV)
MM. Xavier Pintat et Daniel Reiner, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Défense - Équipement des forces - avis n°102, tome V)
MM. André Dulait et Jean-Louis Carrère, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Défense - Préparation et emploi des forces - avis n°102, tome VI)