Culture
M. le président. - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Culture ».
Interventions des rapporteurs
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances. - Les crédits de la mission « Culture » se montent à 2,88 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 2,92 milliards d'euros de crédits de paiement, en augmentation significative par rapport à 2009, et en dépassement des plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques. Ce dépassement résulte principalement de l'engagement pris par le Président de la République de pérenniser les moyens supplémentaires dévolus au patrimoine dans le cadre du plan de relance, soit 100 millions d'euros.
La mission tire donc son épingle du jeu dans un contexte de pénurie budgétaire ; je souhaite que les crédits supplémentaires permettent d'apurer les passifs accumulés au fil des ans. L'accumulation de ces « restes à payer » inquiète en effet et peut porter préjudice à la soutenabilité budgétaire des politiques du ministère. Les auditions m'ont appris qu'un plan d'apurement de ces passifs semblait porter ses fruits ; la commission des finances s'en félicite et souhaite la poursuite des efforts entrepris.
L'examen des crédits de la mission a pour toile de fond la mise en oeuvre du plan de relance -le taux de consommation des crédits est satisfaisant- et les suites de la RGPP. L'année 2010 verra la réorganisation de l'administration centrale du ministère, avec le passage de dix à trois directions -patrimoines, création artistique, médias et industries culturelles. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que cette réorganisation permettra de rassembler un plus grand nombre de services dans l'immeuble des Bons Enfants, ce que nous avons déjà préconisé ?
Nous souhaitons savoir si ces réorganisations se traduiront par une refonte de la maquette budgétaire et une fusion des missions « Culture » et « Médias ».
Quel est le bilan de la politique de gratuité des musées ? J'ai cru comprendre que son effet était réel mais limité et inférieur à ceux de l'expérimentation de 2008. Dans ce cas, comment renforcerez-vous ses effets ?
L'Inrap connaît des problèmes structurels dont nous ne sortirons pas par un énième rafistolage.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - C'est vrai !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Nous sommes fatigués de voter tous les ans une nouvelle loi sur ce sujet. Quelle est votre appréciation et ne faudra-t-il pas revoir la taxe locale d'équipement ?
Un bémol sur le patrimoine : nous avions critiqué les modalités de transfert de la maîtrise d'ouvrage au Centre des monuments nationaux car nous craignions la complexité des circuits financiers. En attendant l'enquête que nous avons confiée à la Cour des comptes, quelle est votre appréciation sur la maîtrise d'ouvrage culturelle ?
Les orientations résultant des entretiens de Valois tendent à clarifier les interventions de l'État en faveur de la création et à les articuler avec celles des collectivités tout en rapprochant les structures. Nous souscrivons à ces recommandations. Leur mise en oeuvre, pourtant, sera délicate et demandera du tact. Quelles suites leur donnerez-vous en 2010 ?
Je me félicite des efforts consentis pour les bourses d'étude aux étudiants des établissements d'enseignement artistique ; nous y reconnaissons la priorité que vous donnez à la promotion de la culture sociale.
L'article 52 prolonge et élargit l'application de la loi Libertés et responsabilités des collectivités, permettant à celles-ci de se porter candidates au transfert d'éléments du patrimoine. Quelle est la portée exacte des critères permettant au représentant de l'État de ne désigner aucune collectivité ? J'ajoute en toute immodestie que cet article s'inscrit dans la désétatisation du patrimoine que j'avais préconisée en 2002, même si la paternité sénatoriale de cette disposition appartient aussi à M. Richert.
La commission des finances recommande l'adoption de ces crédits et de l'article 52. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - Pour apprécier ce budget, je dispose d'une pierre de touche : fait-il progresser l'accès du plus grand nombre à la culture, démocratise-t-il la connaissance et la beauté ? C'est, plus que jamais, une ardente obligation. A cette aune, votre budget est un bon budget, monsieur le ministre, je peux le dire pour le rapporter depuis dix-sept ans, et je vais le démontrer.
Avec 419 millions, les crédits du patrimoine sont conformes aux déclarations du Président de la République à Nîmes. Dans le rapport de la mission d'information sur le patrimoine architectural, nous avions évalué les besoins entre 350 et 400 millions. Je le souligne car, c'est rare, nos espérances sont dépassées. On pourra ainsi rattraper le retard des grands chantiers et poursuivre les travaux d'amélioration mais l'état sanitaire du patrimoine bâti justifie que l'effort soit poursuivi.
Je dois faire état d'un souci : l'article 52 du projet de loi de finances élargit les conditions de transfert du patrimoine aux collectivités locales. Une première vague avait concerné 56 monuments à titre définitif et neuf à titre temporaire. Si les résultats ont été positifs en raison de l'effort important des collectivités pour des monuments qui ont pris une valeur symbolique, il est nécessaire de maintenir les équilibres entre l'effort des collectivités et l'intégrité du patrimoine transféré. Les amendements de la commission tendent à encadrer ces transferts.
Les 431 millions consacrés aux musées représentent un aspect essentiel de la démocratisation de l'accès à la culture. Il faudrait qu'au fronton de chacun on lise, comme sur celui du Musée de l'Homme, « N'entrez ici que par plaisir ». Démocratisation encore avec la gratuité expérimentée depuis un an. Continuez, cependant, à soutenir les musées des collectivités locales.
Les bibliothèques sont face au défi de la numérisation. Là aussi, comme la langue d'Esope, ce peut être la meilleure et la pire des choses. Il convient de s'adapter aux moyens des nouvelles générations pour accéder à la culture. Il faut savoir raison garder et ouvrir le livre à l'informatique -j'ai quelque mérite à le proclamer car je suis croyant mais non pratiquant. (Sourires) Il convient néanmoins de respecter le droit d'auteur et de protéger la création.
Les crédits à l'archéologie préventive colmatent les brèches. Les réformes votées, le rapporteur spécial l'a dit, n'ont pas suffi et il sera nécessaire de revoir son financement.
L'enseignement de l'histoire des arts va irriguer l'ensemble du secondaire et compléter l'accès à la culture et à la beauté de manière à faire des jeunes l'équivalent de l'honnête homme de jadis.
La pierre de touche n'est pas la pierre philosophale, mais la commission a donné un avis favorable à l'adoption de ce budget. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - La progression de 2 % des crédits de paiement du programme « Création » recouvre une stagnation, compte tenu de l'inflation. Il fait figure de parent pauvre du budget comme cela se vérifie particulièrement avec le spectacle vivant, malgré les difficultés qu'il traverse. La programmation pluriannuelle n'est pas rassurante et je m'inquiète d'un risque de désengagement de l'État au moment où les collectivités sont confrontées à des difficultés budgétaires. Il est vrai que les réformes structurelles avancent...
Les moyens nouveaux au spectacle vivant se limitent à une augmentation de 0,4 %, encore profitent-ils essentiellement aux opérateurs d'État, les institutions en région étant vouées à la stagnation. Nous comprenons bien l'intérêt de la Philarmonie de Paris pour rivaliser avec les plus grandes salles mondiales mais nous nous inquiétons que les grands projets parisiens concentrent l'essentiel des moyens.
Trois axes de réforme ont été définis après les entretiens de Valois. De nombreux professionnels craignent l'absence d'avancées concrètes. Si les arts plastiques bénéficient de crédits de paiement en hausse, ceux destinés au livre et à la lecture progressent peu. Un ajustement de la taxe sur les appareils de reprographie, de reproduction et d'impression est nécessaire. Nous formons le voeu que ce soit fait dans le collectif pour 2009.
Les dotations des bibliothèques diminueront en euros constants quoique la relation des Français au livre se soit distendue et que les bibliothèques connaissent un léger tassement de leur fréquentation. J'approuve l'extension des horaires d'ouverture mais cela signifie prendre aux finances des collectivités locales...
Si le secteur de la production cinématographique est florissant, la situation des exploitants de salle est contrastée : la fréquentation augmente en ville dans les grandes salles, mais se tasse dans les autres. Je regrette beaucoup que l'amendement de la commission sur les exonérations de taxe professionnelle n'ait pas été adopté samedi dernier. Nous y reviendrons dans le collectif et j'espère que vous obtiendrez des arbitrages favorables.
Il y a eu des avancées sur l'emploi culturel mais la convention collective concernant le cinéma et l'audiovisuel n'a toujours pas abouti. Il faut en sortir : on pourrait s'entendre sur les films fragiles sans que les salariés fassent office de variable d'ajustement mais en répartissant équitablement les efforts.
Enfin, je m'intéresse de près aux problèmes de numérisation, tant des oeuvres cinématographiques que des salles.
S'agissant des salles, il est urgent de lancer le fonds de mutualisation qui sera géré par le CNC. En effet, le développement d'un réseau à deux vitesses entraînerait la disparition des petites salles non numérisées ainsi que des effets pervers sur la programmation, la distribution et la diversité des films en salles.
Comment concevez-vous la coordination des interventions du CNC et des initiatives déjà lancées par des entreprises privées ? Il faut que chacun trouve sa place. Quel sera le calendrier de mise en oeuvre du fonds de mutualisation ?
En conclusion, la commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur celui des commissions)
Orateurs inscrits
Mme Françoise Laborde. - Ce budget présente une hausse globale de 5 % mais il comporte plusieurs facettes. Le Gouvernement a voulu valoriser le patrimoine. Les crédits de paiement qui y sont consacrés augmentent de 100 millions par rapport à 2009. Je ne peux que m'en réjouir même si cette évolution était très attendue après bien des années de restrictions. Assurément, le patrimoine est le socle de notre culture, il contribue au rayonnement de la France mais aussi à l'attractivité de notre économie touristique. Le groupe RDSE sera attentif à ce que cette augmentation budgétaire soit pérennisée sur plusieurs années, comme vous vous y êtes engagé.
Vous nous proposez, avec l'article rattaché 52, d'étendre la procédure de reprise des monuments du patrimoine historique de l'État par les collectivités territoriales. Nous sommes inquiets des conséquences de l'élargissement de cette procédure. Cela ne devra se faire ni au détriment de l'engagement de l'État dans la sauvegarde et l'entretien de notre patrimoine, ni aux dépens des collectivités territoriales repreneuses.
Les crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » diminuent de 10 millions. L'influence de la RGPP se fait sentir à la fois en termes d'emplois et d'organisation. Les personnels du ministère de la culture et des établissements publics, qui représentent 70 % des emplois, seront considérablement touchés par le non-remplacement d'un poste sur deux d'agent partant à la retraite. Selon une formule sibylline du ministère, « ces mesures permettront de respecter la trajectoire de diminution des emplois », soit 249 équivalents temps plein sur trois ans. En 2010, l'administration centrale devra réorganiser le nombre de ses directions qui passeront de dix à trois.
J'en viens au secteur associatif de la culture et de la communication. En dix ans, les deux millions de bénévoles qui font vivre la création artistique et la culture de proximité ont permis d'augmenter de 5 % le nombre des associations, soit 204 800 associations culturelles. L'État doit participer à ce mouvement, car les collectivités ne peuvent seules en subir la charge. Or, les acteurs du secteur associatif se retrouvent souvent impuissants face au désengagement de l'État, qui concentre son action sur certains territoires privilégiés et des établissements de grande taille, comme le démontre l'utilisation des crédits alloués aux directions régionales des affaires culturelles (Drac). L'État doit veiller à ce que la conception des politiques culturelles continue à s'élaborer avec le secteur associatif.
J'en viens à la préoccupante dégradation de l'industrie de la musique. Nous avons déjà eu ce débat à l'occasion de la discussion des projets de loi Hadopi 1 et 2. La relance de ce pan de l'économie culturelle ne peut passer que par la licence globale, comme je l'ai déjà dit à maintes reprises. Aujourd'hui, l'accès à la culture passe aussi par l'internet et le numérique, surtout pour les plus jeunes. La numérisation des fonds patrimoniaux en faveur des écoles et des bibliothèques est d'ailleurs lancée. Lors de son audition par la commission, M. Racine, président de la BNF, nous a suggéré d'élaborer une charte déontologique de partenariat, entre institutions publiques patrimoniales et partenaires privés. Certaines inquiétudes persistent sur le monopole des opérateurs et des moteurs de recherche commerciaux. Notre rôle de parlementaire est d'accompagner la marche du progrès et il est indéniable que ces nouveaux outils démultiplieront les conditions d'accès du plus grand nombre à la culture et à la richesse des collections culturelles. Reste, assurément, à encadrer les conditions de leur progression.
La question du numérique concerne également le cinéma, dont la production est plutôt florissante. La nécessaire numérisation des salles devra avoir lieu rapidement. La mise en place du fonds de mutualisation en faveur de la numérisation des salles de cinéma est déjà engagée par le CNC, même si pour les petites salles municipales, le cap sera plus difficile à franchir.
J'en arrive maintenant au sujet qui nous préoccupe tous : la réforme des collectivités territoriales. Comment allez-vous garantir le dynamisme des politiques culturelles des territoires ? Les ressources des collectivités sont remises en cause, notamment par la suppression de la taxe professionnelle. Vont-elles devoir réduire leurs budgets consacrés aux actions culturelles ? Une des fonctions de l'État est de corriger les inégalités entre les territoires. Or, je n'en vois pas la traduction dans ce budget. A contrario, n'y figurent que les grands projets franciliens, comme le Grand Paris, la Philharmonie de Paris, le Palais de Tokyo, le site historique de la BNF, le Centre national de conservation du patrimoine. Une seule exception : le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) de Marseille. J'aurais souhaité que ces efforts soient mieux répartis, notamment en direction des arts du spectacle vivant, qui permettent de démocratiser l'accès à la culture et d'aménager le territoire.
Même si je salue la progression de 2 % du programme « Création », ainsi que la pérennisation des ressources exceptionnelles extrabudgétaires de 2009, à hauteur de 15 millions, je regrette que la progression de l'action « spectacle vivant » soit trop timide, avec seulement 0,4 %, qui ne permettra même pas de compenser le taux d'inflation. Or, les coûts du spectacle vivant sont incompressibles. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que le spectacle soit privilégié dans le prochain budget.
J'en viens à l'éducation artistique et culturelle à l'école. Il ne suffit pas de prendre des engagements, monsieur le ministre, les moyens doivent suivre. Ces enseignements ont été confiés, dans un premier temps, aux professeurs d'histoire et de géographie. Mais le programme, déjà très chargé, ne permet pas de libérer du temps pour le consacrer à l'éducation artistique. Il faut donc prévoir un programme à part entière, avec des enseignants recrutés à cet effet. Garantir l'égalité d'accès à la culture pour tous est à ce prix.
Que sont devenues les préconisations des entretiens de Valois et les réformes qui devaient en découler ? Quels crédits y sont consacrés ? Certes, vous voulez soutenir une politique culturelle ambitieuse, mais il y a encore loin des engagements à la réalité.
Devant ces fortes disparités entre les différents programmes de la mission « Culture », la majorité de mon groupe ne votera pas ce budget. (Applaudissements à gauche)
M. Jack Ralite. - Sept minutes pour traiter du budget de la culture 2010 c'est mutiler le débat budgétaire, obliger à un survol ! Je proteste contre cet amenuisement de la délibération parlementaire et je me contenterai de quelques faits et idées, ce qui est assez douloureux. Voici le petit inventaire en huit points que j'ai dressé.
Quelques chiffres : le budget augmente, mais pas dans tous les domaines. Le patrimoine, qui avait tant souffert précédemment, est le mieux loti. Les 100 millions du plan de relance sont renouvelés. Mais la création, si stratégique dans toute politique culturelle, marque le pas. On connaît l'expression d'Aragon : « Se souvenir de l'avenir ». Ce budget essaie de se souvenir, mais il renonce à l'avenir ! Fort heureusement, les personnels travaillant dans ce ministère récusent la phase deux de la fameuse RGPP, la Réduction toujours plus Gonflée de ce qui reste des Politiques Publiques. (Sourires) La grève du Centre Pompidou en est un symbole courageux et digne, comme le préavis pour une grève reconductible à partir du 2 décembre, à l'appel des sept syndicats du ministère de la culture.
J'en viens à l'esprit du budget. Les chiffres sont une chose, l'esprit une autre. Là, c'est l'avalanche. Pas un document de l'État qui n'avance une petite phrase salvatrice. M. Fillon, dans sa lettre à un conseiller d'État relative au centre Pompidou, écrit : « Faire mieux et moins cher ». « Il est plus particulièrement nécessaire de s'interroger sur (...) la nature et la structure des charges fixes et de leur degré de rigidité à la baisse ». Il va jusqu'à s'interroger : « Qui doit assurer le financement ? »
Le Président de l'Assemblée nationale a demandé aux présidents des commissions de réfléchir aux dépenses. Le 21 juillet, la commission des affaires culturelles a créé une mission sur l'optimisation des dépenses publiques et la suppression des structures publiques inutiles, ajoutant, sans craindre le ridicule « optimiser ne signifie aucunement réduire les moyens ».
Troisième point : le patrimoine a enfin du grain à moudre. Mais il faut « trousser » le document budgétaire. Le ministère, voulant se libérer d'une partie des monuments dont il avait la charge en direct, les a proposés aux collectivités territoriales, avec un pingre résultat. Cette année, le budget s'attaque aux opérateurs du ministère, à 82 structures qui étaient la conséquence de la politique d'autonomisation antérieure. Maintenant c'est fini ! Le contrôle des économies concerne aussi ces établissements. En outre, le pouvoir propose aux collectivités certains grands monuments du Centre des monuments nationaux. Si elles ont des difficultés à honorer leurs responsabilités, elles pourront toujours les vendre. Voilà la remise en cause du caractère inaliénable de ces monuments. Quand le rapport Jouyet-Levy avait souhaité cette possibilité pour les objets, sculptures et tableaux des musées, l'émotion avait été si grande qu'un rapport demandé à Jacques Rigaud avait conclu à leur caractère inaliénable. Pourtant, nous y revoilà. C'est une pratique inélégante, voire immorale.
J'en arrive aux oubliés du budget. Je vais souvent dans les régions. Au plaisir des découvertes que j'y fais, j'entends partout parler des carences et des béances des crédits. C'était vrai cette année et ce le sera encore plus avec ce budget qui supprime 4 millions pour les pratiques amateurs, 1,5 million pour les publics spécifiques, 1,5 million pour les pratiques et les nouvelles technologies, 1,5 million pour les politiques spécifiques en faveur du cinéma. On cherche vainement la prise en compte des entretiens de Valois, la crise de l'intermittence n'est pas abordée et l'archéologie préventive n'a pas l'élan financier dont elle a besoin pour appliquer la loi.
Cinquième point : ce budget chasse les emplois. Je viens d'évoquer le drame de l'intermittence et il n'est pas compréhensible qu'au pôle emploi Georges-Méliès de Saint-Denis, la partie concernant les professions du spectacle soit supprimée, alors que la Plaine-Saint-Denis, déjà véritable ville de l'image, accueillera bientôt la cité du cinéma de Luc Besson. Cette agence suivait 5 000 intermittents ! Le plan triennal de suppression d'emplois, selon la mathématique-guillotine « non-remplacement d'un départ en retraite sur deux » a prévu sur les budgets 2009 à 2011, 670 suppressions d'emplois. Mais ne va-t-on pas atteindre les 1 000 suppressions, par la logique même de la RGPP qui privilégie la réduction des charges fixes et les coupes claires dans les subventions de l'État allouées aux opérateurs, notamment les établissements publics ? Ce budget et la stratégie sarkozienne qu'il implique désosse les services.
J'en viens aux budgets boucs-émissaires. L'émotion parmi les personnels est d'autant plus grande qu'on suggère aux intéressés d'aller frapper aux portes des collectivités territoriales. Personne n'y manquera, mais c'est la porte du ministère qui devrait lever le loquet financier ! Il y a comme une espérance de détourner la colère. Ne vient-on pas de voter la réforme des collectivités territoriales qui amoindrit leur capacité financière ?
Oter la clause de compétence générale à différents échelons des collectivités territoriales, c'est fermer les possibilités de financement. Et le Président de la République de parler de « folie fiscale » des régions alors que c'est la politique nationale qu'il anime qui porte atteinte à leur liberté de lever l'impôt. Les intérêts des professionnels de la culture, des élus et des habitants sont convergents. Le Président de la République tente de bâtir un mur d'incompréhension entre eux. Stoppons-en la construction.
Dans le document budgétaire, le thème du grand emprunt et de la numérisation n'est pas traité avec l'ampleur que vous avez souhaité lui donner au deuxième forum d'Avignon, où vous avez prononcé un discours remarqué, reprenant les thèmes abordés, le lundi 16 novembre dernier, en réponse à une question orale que je vous avais posée. On trouve les bases de votre développement dans le rapport Jouyet-Levy, L'économie de l'immatériel, la croissance de demain, lequel a fait l'objet de réflexions importantes lors de la journée de travail des états généraux de la culture, au Sénat, le 13 mars 2007, sur la culture à l'ère du numérique, et dont Pierre Musso, professeur des universités, nota le rôle fondateur, le comparant en cela au rapport Nora-Minc de 1978 sur l'informatisation de la société française. Le numérique y est érigé au rang de « mythe national indiscutable », pour légitimer des politiques qui elles, ajoute-t-il, sont fort discutables. La naturalisation de la technologie l'érige en une sorte de fatum, comme extérieur à la société qui l'engendre et qui autorise toutes les instrumentalisations du pouvoir. La nouveauté, dans le rapport Jouyet-Levy, c'est la combinaison de cette fatalité avec celle de la financiarisation du monde. La finance y est présentée comme une composante en soi de l'économie de l'immatériel. Dans cette approche technico-financière, dit Pierre Musso, tout devient immatériel : les entreprises, les institutions, même les nations deviennent des marques ; les hommes eux-mêmes sont transformés en « actifs immatériels », un « capital humain », objet de gestion comptable, comme les savoirs et la culture.
Cette idéologie de l'immatériel nous est venue des services de l'OCDE avant d'être reprise au sommet de Lisbonne en 2000, où l'Union européenne s'est fixée l'objectif de devenir « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique ». Voici la chose appliquée à l'innovation, à la recherche, à la formation et à l'enseignement, au design, à la mode, à la publicité, aux marques, à « l'esprit d'entreprise » même et, bien sûr, à la création. Les auteurs du rapport précisent qu'il existe une autre catégorie d'actifs immatériels : « l'ensemble du champ des immatériels liés à l'imaginaire ». Voilà mis sur le même plan la création artistique et culturelle, la pub ou les marques.
En même temps que ce discours souligne l'importance de la culture, il la standardise en actifs comptables, en signes valorisables pour les soumettre à la finance. Plus que jamais, l'esprit des affaires prétend s'imposer aux affaires de l'esprit.
Nous n'avons pas, monsieur le ministre, le même point de vue sur ce rapport. Et je crains que la portée de vos propos si lucides, repris par Le Figaro du 25 novembre, sur Google, que vous compariez à une plante en pleine croissance dont on peut se demander si elle ne tend pas à devenir carnivore, ne s'en trouve affaiblie. Vous rentrez d'une réunion européenne que vous avez provoquée. A quoi avez-vous abouti ? Quels usages entendez-vous faire de l'enveloppe de 753 millions que vous souhaitez voir dégagée, pour le numérique, du grand emprunt afin d'être entendu par le Président de la République ? Le rapport Rocard-Juppé traite de bien des projets industriels français et européens mais pas de celui qui pourrait assurer une numérisation, autrement qu'en vrac, des livres. Un partenariat public-privé n'est pas possible avec Google parce que c'est un monopole et que dans toute négociation, le monopole l'emporte, sauf mesures de régulation que je ne vois pas venir. Il faut, au niveau européen, une entente des bibliothèques, des éditeurs, des libraires, des lecteurs et des auteurs dont Google traite si mal les droits qu'il impose le secret dans les marchés qu'il a passés dans son propre pays et chez nous, hélas, à Lyon.
Un mot sur le traitement que votre budget réserve aux salariés, qui n'est pas une plainte mais qui porte plainte. Les économies faites sur tous mutilent ces concitoyens, du plus pauvre au cadre, qui ne respirent plus au travail et auxquels on vole leur imaginaire au point qu'ils ne peuvent plus être partenaires de la création artistique à laquelle vous êtes depuis toujours très attaché, monsieur le ministre. A votre juste qualificatif de « carnivore », je veux opposer la « tendresse », celle que symbolisa si longtemps celui dont la disparition, le 25 novembre 1959, attira une foule innombrable sur les grands boulevards, dans une conversation intime entre tous et chacun, j'ai nommé, Gérard Philipe. Camus disait que « mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde ». Gérard Philipe savait les nommer et n'aimait pas le malheur. Je lui laisserai le dernier mot, extrait d'un rôle qu'il interpréta à 23 ans, dans une pièce précisément de Camus : « Je ne suis pas fou et même je n'ai jamais été aussi raisonnable. Simplement je me suis senti tout à coup un besoin d'impossible. Les choses telles qu'elles sont ne me semblent pas satisfaisantes (...) Le monde tel qu'il est n'est pas supportable. J'ai donc besoin de la lune, ou du bonheur ou de l'immortalité de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde ». (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Jean-Jacques Pignard. - Le groupe de l'Union centriste votera bien évidemment un budget globalement satisfaisant. Il y en a eu tant de pires...
Nous saluons l'effort particulier en faveur du patrimoine, qui amplifie le plan de relance, comme nous nous réjouissons des avancées concernant la transmission des savoirs, la recherche culturelle, le livre ou le cinéma.
Sur la création, notre jugement sera plus réservé. Je concentrerai mon propos sur le spectacle vivant, qui appelle trois séries de questions. La première concerne la présentation budgétaire. Certes, les crédits augmentent de 0,4 %, mais on apprend dans le même temps que 5 % de ces crédits seront gelés. Vieille ficelle à laquelle vos prédécesseurs nous avaient habitués mais dont j'avais cru comprendre que le Président de la République ne voulait plus... Et nous revoici à nouveau dans un scénario qui s'apparente à la climatologie des fleuves sibériens : on sait qu'ils gèlent à l'automne, alors on espère le dégel du printemps, qui peut tarder jusqu'au coeur de l'été, non sans que les acteurs culturels, mobilisés, aient fait subir une dégelée à vos services déconcentrés. De deux choses l'une, monsieur le ministre, ou le gel reste la règle, et il n'est pas honnête d'afficher un budget en augmentation, où il n'est plus de mise, et évitons de jouer avec les nerfs des premiers concernés.
Ma deuxième interrogation va au déséquilibre entre Paris et la province, que je ne limite pas à l'espace rural, qui a toute ma sympathie, mais aux grandes métropoles qui entendent tenir toute leur place dans l'espace européen.
Je sais qu'il est des combats perdus d'avance. Roger Planchon, que j'ai longtemps côtoyé, m'a souvent conté ses charges répétées face à bien des ministres pour tenter de faire admettre qu'il n'était pas normal que sur les cinq théâtre publics que comptait le pays, un seul se trouve en province et que le théâtre national populaire de Jean Vilar, dont il était l'héritier, n'eût pas droit à cet honneur.
Mais le spectacle vivant, monsieur le ministre, ne peut vivre que main dans la main avec les collectivités locales. Le département du Rhône compte trois institutions nationales, le TNP, déjà cité, l'Opéra national de Lyon et l'Orchestre national de Lyon. Le premier est financé à 55 % par l'État, le deuxième à 16,5 %, le troisième à 12,5 %. Que leur arrivera-t-il si la compétence générale est retirée aux régions et aux départements ? Ce serait tout simplement la mort du spectacle vivant. Soyez vigilant, monsieur le ministre, et comptez sur notre groupe pour l'être avec vous.
Dernier point, enfin, les entretiens de Valois. Le spectacle vivant se trouve tout ragaillardi de cette initiative de votre prédécesseur, qu'il vous appartient de faire vivre. Mais pour avoir assisté, à l'Opéra de Lyon, à la première réunion décentralisée, je crains qu'il ne reste bien du travail. J'y ai trouvé cinq premiers rangs garnis de messieurs cravatés en costume -fort peu de dames-, préfets et directeurs, présidents, élus, maires, tous leurs coadjuteurs et tous leurs auxiliaires, qui ont à tour de rôle occupé le micro... si bien qu'après deux heures, il ne resta plus de temps pour entendre les saltimbanques décravatés des rangs arrière...
Depuis quinze ans que je suis vice-président du département du Rhône, délégué à la culture, j'ai pratiqué bien des comités de pilotage qui ne pilotent pas grand-chose, bien des comités suivis d'autres comités, dans lesquels il vaut d'ailleurs mieux être suivi que suivant. Voilà quinze ans que j'épluche d'interminables conventions, que je vois les créateurs s'épuiser à la recherche de labels comme à une course à l'échalote... Le spectacle vivant n'a pas besoin de réunions supplémentaires, il n'a besoin que d'une chose, c'est que la confiance s'instaure entre un créateur et un décideur public. C'est elle qui tient lieu de contrat. Roger Planchon est mort sans avoir obtenu son label. Mais avant lui, d'autres sont morts sans label qui restent, comme lui, dans la mémoire collective. Molière sur les places de Pézenas, Copeau dans les villages de Bourgogne, Dasté chez les mineurs de Saint-Etienne, morts sans savoir qu'ils étaient devant un public empêché et qu'ils donnaient dans l'émergence...
Vous qui, avant d'avoir été ministre, avez été -et êtes toujours- un créateur, dégelez vos crédits... mais aussi le conformisme qui guette une administration quinquagénaire. Conventionnez, puisqu'il le faut, mais conventionnez de façon moins conventionnelle. Labellisez, puisqu'il le faut, mais sans enfermer les créateurs dans un carcan. Le spectacle vivant a besoin d'argent, certes, mais tout autant de liberté. (Applaudissements et compliments au centre et à droite ; MM. Yvan Renar et Jack Ralite applaudissent aussi)
Mme Maryvonne Blondin. - Dans un cadre budgétaire difficile, certains secteurs pourraient devenir moins prioritaires. Cela ne doit pas être le cas de la culture qui garantit le lien social, favorise la construction identitaire, appelle au rassemblement et facilite le vivre ensemble. La culture doit être accessible à tous. Des efforts sont faits en faveur de certains programmes mais beaucoup d'actions ayant trait à l'accès à la culture voient leurs crédits baisser. Les collectivités territoriales doivent alors prendre le relais, si elles le veulent et tant qu'elles le peuvent !
Lors de la présentation de ses voeux aux acteurs culturels, le Président de la République a reconnu le rôle éducatif de la culture. Il a insisté pour que l'on « donne, dans les familles et à l'école, de l'appétit pour les enseignements artistiques ». Il ne suffit pas d'avoir de l'appétit, encore faut-il présenter un plat convenable... J'espère que votre ministère prendra la pleine mesure de cet enjeu car le député Yves Censi, rapporteur du budget de l'éducation nationale, ne fait pas référence à l'éducation artistique et culturelle au lycée.
En matière d'enseignement supérieur, j'ai déjà évoqué l'établissement public de coopération culturelle de Bretagne, créé grâce à la volonté et l'aide financière des collectivités territoriales et soutenu par la Drac malgré l'absence d'un décret cadre. De même, si l'augmentation de 1,5 % du budget en faveur du livre et de la lecture est positive, l'accès pour tous est surtout garanti par les bibliothèques municipales et intercommunales, dont le maillage territorial est fortement aidé par les départements.
Les pratiques amateurs permettent de toucher le public le plus large possible. Or elles sont mal en point, ce que révèle l'inquiétude des 30 000 associations adhérentes de la Coordination des fédérations et associations de culture et communication (Cofac) -autant d'acteurs soutenus par les collectivités territoriales. Les structures associatives, indispensables à la diffusion culturelle de proximité, souffriront de la baisse des crédits d'accès à la culture, qui passent de 59,7 millions en 2009 à 49,4 millions en 2010. Les handicapés, les prisonniers et les enfants scolarisés en ZEP seront parmi les plus touchés.
La rue est un espace de démocratisation de la culture. J'espère que vous en tiendrez compte, monsieur le ministre, dans le soutien au spectacle vivant, qui doit être réparti équitablement sur le territoire. Je salue votre volonté de déconcentrer l'action du ministère, comme en témoigne l'augmentation sensible de la dotation en faveur des Drac. Toutefois, je vous rappelle que décentralisation et déconcentration ne sont pas synonymes. Si vos efforts sont sincères, faites le même geste en faveur des collectivités et des associations. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Dumas. - Le 13 janvier dernier, à l'occasion de ses voeux au monde de la culture, le Président de la République a déclaré : « Pour la culture, il doit y avoir d'autant plus d'initiatives et de projets qu'il y a ce besoin de sens et de repères. » On ne peut que souscrire à cette vision dans une société mondialisée où les références culturelles passent aussi rapidement qu'elles sont apparues. Dans ce contexte, les valeurs intemporelles portées par la culture préservent un patrimoine commun et sont génératrice de lien social.
Ce budget traduit une politique culturelle ambitieuse. Dans un contexte de restriction budgétaire, il consacre des priorités fortes avec une augmentation de 3,9 % des crédits de la mission. Cette hausse profite particulièrement au programme « Patrimoines », dont les crédits s'accroissent de près de 13 %. Il s'agit d'atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de consacrer 400 millions d'euros d'ici 2012 à l'entretien et à la restauration des monuments historiques. 100 millions d'euros supplémentaires viendront s'y ajouter grâce au plan de relance de l'économie.
La préservation et l'embellissement du patrimoine historique permettent en outre à des artisans d'exercer leur métier et contribuent à l'attractivité et au rayonnement de notre pays. Les rapports alarmants s'étaient multipliés ces dernières années, dont celui de notre collègue Philippe Nachbar en 2006. Les retards de nombreux chantiers vont ainsi pouvoir être rattrapés. Ces initiatives, bienvenues dans cette période économique tendue, serviront le développement de ce « poumon » de notre économie touristique. Chaque euro de dépense publique investi dans la restauration de notre patrimoine historique permet de rapporter 20 euros à l'ensemble de notre économie.
Les musées nationaux profiteront de l'augmentation de 21 % de l'action « Patrimoine des musées de France ». La mesure de gratuité pour les moins de 25 ans contribue à donner aux jeunes le goût des arts et à démocratiser l'accès au patrimoine culturel. Monsieur le ministre, quels sont les premiers résultats de cette mesure prise en avril dernier ?
La création, et plus particulièrement le spectacle vivant, bénéficie elle aussi de moyens financiers en progression, destinés à soutenir quelque 800 lieux de création, de production et de diffusion. Notre groupe soutiendra également la poursuite du mouvement engagé dans le cadre des entretiens de Valois pour la clarification des missions des structures du spectacle vivant et une structuration de l'emploi culturel.
Des moyens conséquents et ambitieux sont également prévus pour le troisième axe de la mission, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dont l'éducation est le vecteur majeur. Notre incomparable patrimoine doit être accessible à chacun et l'enseignement artistique doit favoriser la valorisation des potentiels créatifs. L'art est une nécessité, une chance pour nos enfants. Le Président de la République l'a rappelé le 14 octobre dernier : dans le cadre de la réforme du lycée, un enseignement transversal d'histoire des arts sera créé, un référent culture désigné dans chaque établissement, des films classiques seront projetés et des spectacles de théâtre, des concerts auront lieu.
Je me permets d'y ajouter une des propositions du rapport que j'ai rendu le 19 octobre dernier au Premier ministre : redonner un caractère obligatoire à l'enseignement du dessin pour tous les élèves. Monsieur le ministre, où en est ce projet ? Comment envisagez-vous l'enseignement de l'histoire des arts ? Aboutira-t-il à une évaluation au baccalauréat ?
Au Sénat, maison des territoires français au sein de notre Parlement, nous ne pouvons que nous féliciter de l'approfondissement de la déconcentration de la politique culturelle grâce à l'augmentation des crédits alloués aux Drac. Nous nous réjouissons également de la reconnaissance du rôle majeur des collectivités territoriales dans la politique culturelle. Ce projet de loi de finances leur ouvre la possibilité, en collaboration avec les services de l'État, de gérer et de rénover leur patrimoine local.
Puisque la transmission est aujourd'hui également numérique, je vous assure, monsieur le ministre, de l'entier soutien de notre groupe pour l'entrée en vigueur, dès les premiers jours de 2010, de la courageuse loi Hadopi que vous avez défendue brillamment.
Je conclurai sur un sujet qui me tient beaucoup à coeur, la nécessité d'engager une politique volontariste de défense, de promotion et de valorisation de nos métiers d'art et savoir-faire traditionnels. Le rapport que j'ai rendu au Premier ministre a permis d'identifier les difficultés concrètes de cette filière prestigieuse mais méconnue, qui est pourtant une extraordinaire source de richesse humaine, culturelle et économique. Il propose un grand nombre de mesures très simples et peu coûteuses à mettre en oeuvre. Le Premier ministre en a immédiatement validé certaines, dont le doublement du nombre des maîtres d'art, qui pourraient transmettre leur savoir-faire à plusieurs élèves. Actuellement, seuls 89 de nos artisans d'excellence possèdent ce titre prestigieux, et ils ne peuvent transmettre leurs connaissances qu'à un seul élève pendant trois ans.
Le Premier ministre a également validé le lancement d'une campagne de promotion de ces métiers. Ces carrières, qui souffrent de la désaffection générale pour les métiers manuels, apportent pourtant de grandes satisfactions personnelles et professionnelles aux jeunes et constituent l'une des dernières formes d'ascenseur social. Pour être efficace et attractive, cette campagne devra utiliser des codes visuels et les outils de communication que les jeunes maîtrisent et comprennent.
D'autres mesures sont à étudier, référent sur les métiers d'art au sein des Drac, création d'un diplôme supérieur des métiers d'art, ouverture du « 1 % artistique » aux entreprises des métiers d'art. Cette filière d'excellence, outre son poids économique, est l'un des piliers de notre patrimoine culturel. Elle nous est enviée ! Elle véhicule des valeurs simples et saines d'authenticité, de passion, d'exigence, d'amour du travail bien fait, si importantes à promouvoir aujourd'hui auprès de nos jeunes. Monsieur le ministre, votre budget traduit une politique ambitieuse tournée vers l'avenir. Nous partageons vos priorités et voterons vos crédits. (Applaudissements à droite)
M. David Assouline. - Ce budget comporte de grandes faiblesses et nous ne le voterons pas. Votre arrivée récente au Gouvernement, monsieur le ministre, vous a empêché de rectifier le tir mais vous pourriez, dans l'avenir, faire preuve d'audace et « renverser la table », car le budget de la culture est chaque année le même ! Or la politique culturelle exige de vraies priorités et une volonté de « mettre le paquet » dans certains domaines. Il n'est pas acceptable que les crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » reculent. La France a un gros effort à faire en matière d'éducation culturelle, totalement absente des programmes scolaires. Les visiteurs étrangers sont toujours ébahis d'un pareil retard. Peut-être est-ce un problème de pilotage, le ministère de la culture et celui de l'éducation nationale attendant chacun que l'autre prenne l'initiative ? Il faudra bien que ceux qui y ont le plus intérêt fassent le premier pas, afin que chaque enfant goûte à la culture.
Il y a consensus à propos des actions en faveur de l'accès à la culture, notamment pour les plus défavorisés. Mais les crédits là aussi sont en baisse. Bien sûr, ce n'est pas ce que vous dites, les uns et les autres, à vos électeurs. Les handicapés, les élèves de ZEP, les associations de lutte contre l'exclusion, ceux qui appliquent le plan espoir banlieue, tous attendent ces actions cofinancées par les collectivités. Or les crédits correspondants reculent. L'État ne veut plus financer et avec la réforme de la taxe professionnelle, les collectivités ne le pourront plus. Ce domaine sera la variable d'ajustement, plus ou moins selon la motivation de chaque collectivité.
Le financement des professions et industries culturelles suscite bien des questions. Le budget ne comporte pas le moindre rattrapage, on n'atteint même pas le niveau de 2006. Or, c'est un secteur fondamental à cause de la révolution numérique. Mais les crédits Hadopi ne suffiront pas pour appliquer cette loi -qui est une loi de circonstance. Peut-être aurons-nous de meilleures nouvelles du côté du grand emprunt ? J'engage le ministère à promouvoir une offre légale bon marché et suffisamment étoffée pour lutter contre le piratage et satisfaire une demande de plus en plus forte.
M. Serge Lagauche. - Ce budget est plutôt honnête par rapport à ceux des années passées : vous rompez avec la présentation fallacieuse généralisée, même si les annulations de crédits de 2009 rendent les hausses de cette année plus flatteuses... Les crédits du patrimoine, en progression de 100 millions d'euros, absorbent toute la hausse de votre budget. Cet effort n'est cependant qu'un rattrapage très partiel, après neuf années dramatiques. L'enveloppe du patrimoine a reculé de moitié durant cette période. Et l'on ne retrouve même pas le niveau de 2008. En raison des lois de finances rectificatives, les Drac n'ont aucune visibilité sur leur dotation annuelle et elles sont souvent en cessation de paiements dès la mi-année. Les commandes sont annulées et des entreprises très spécialisées sont contraintes de licencier, parfois de fermer.
Le groupement des monuments français estime à 400 millions d'euros les autorisations d'engagement, 400 millions aussi les crédits de paiement, qui seraient annuellement nécessaires pour la restauration et l'entretien des monuments historiques. Cette année, les crédits dépassent ce niveau, mais pas les autorisations, ce qui limitera la capacité d'investissement du ministère dans les années à venir.
Autre source d'inquiétude, l'article 52 accroît considérablement la possibilité, pour l'État et le Centre des monuments nationaux, de transférer aux collectivités territoriales qui en font la demande, la propriété du patrimoine monumental de l'État. Le transfert pourra être partiel et aboutir à une « réutilisation éventuelle dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural ». Faut-il entendre par là une transformation en hôtel ou en parc d'attraction qui respecterait simplement le bâti ? Les établissements publics de l'État pourront procéder au transfert de propriété à la place du Centre des monuments nationaux ! Et bien sûr, aucun bilan de la première vague de transfert !
Une politique patrimoniale nationale est indispensable et l'État doit veiller à la péréquation, à travers le Centre des monuments nationaux, entre des monuments dont l'entretien et la restauration est plus ou moins « rentable ». Notre rapporteur Philippe Nachbar a raison de craindre un dépeçage du patrimoine monumental !
L'archéologie préventive est dans une situation précaire. Depuis 2003, toutes les modifications légales sont inspirées par une vision très libérale : il faut laisser le plus vite possible la place aux constructeurs et aménageurs et établir un financement qui leur convienne. Il aurait suffi de modifier le calcul de la redevance pour résoudre les difficultés de mise en oeuvre de la loi de 2001. Au lieu de quoi le Gouvernement a préféré ouvrir le marché des fouilles aux opérateurs privés. Et il multiplie les exonérations injustifiées de la redevance pour diagnostic. Un relèvement du taux a été voté dans la loi de février 2009, qui aurait dû suffire pour financer l'Institut national de recherches archéologiques préventives. Mais la dotation budgétaire est supprimée pour 2010 ! C'est donc une opération quasiment blanche pour l'Inrap. Il est déjà fragilisé par une situation financière intenable : la délocalisation à Reims n'arrangera rien. Mme Pécresse et vous-même étiez prêts à reconsidérer ce projet, mais le Premier ministre l'a confirmé en octobre dernier. Je ne peux croire qu'il ait cédé à la demande de Mme Vautrin pour des motifs électoralistes, à quelques semaines des régionales.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce budget.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Je remercie les orateurs de l'intérêt qu'ils portent au budget de la mission « Culture » dans toutes ses facettes. Je suis satisfait de la qualité de ce budget : les crédits de la mission, de 2,082 milliards d'euros, sont en hausse de 3,8 %. Le budget du patrimoine est en forte hausse, de plus de 10 % ; celui de la création est consolidé ; celui de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture augmente également ; enfin les crédits du personnel du ministère tiennent compte de l'application de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire parti à la retraite sur deux.
M. le rapporteur spécial s'est interrogé sur la soutenabilité des engagements budgétaires du ministère. J'ai poursuivi la politique d'apurement des passifs engagée par mon prédécesseur ; le niveau des restes à payer n'est plus une préoccupation majeure, y compris au sein du programme « Patrimoine ». La réduction des passifs passe aussi par la maîtrise des engagements ; en 2008, seuls 226 millions d'euros ont été engagés pour la restauration des monuments, contre 305 millions en moyenne les années précédentes. Aujourd'hui il ne serait pas opportun de réduire fortement les restes à payer, qui sont la condition du maintien de l'activité des entreprises : le volet culturel du plan de relance l'a montré.
La priorité accordée aux monuments historiques permet d'envisager de nouveaux engagements et d'honorer nos engagements antérieurs. L'enveloppe de 400 millions d'euros sera maintenue tout au long de la mandature : il n'y aura pas de gel. Les crédits d'entretien sont en hausse de plus de 80 %, afin de rendre possible une vraie politique préventive. Les crédits destinés à la restauration des monuments historiques qui n'appartiennent pas à l'État progresseront de 17 %. Enfin, les crédits déconcentrés représenteront 65 % des dépenses nationales.
Ce budget s'inscrit dans le contexte de la réorganisation de l'administration centrale du ministère, qui doit être achevée le 13 janvier prochain. Cette nouvelle organisation, qui reposera sur quatre entités -trois directions générales et un secrétariat général- renforcera la lisibilité des politiques du ministère et ma propre capacité d'impulsion et de pilotage.
Le ministère réfléchit, en liaison avec le ministère du budget, à une refonte de la maquette budgétaire de la mission. Sans renoncer à une présentation qui prenne en compte les politiques transversales, l'objectif est que les trois directeurs généraux et le secrétaire général puissent être responsables de programmes sur un champ budgétaire correspondant pour l'essentiel au périmètre administratif de leur structure. Je proposerai donc pour le projet de loi de finances pour 2011 une nouvelle architecture du budget du ministère, dont la première caractéristique sera la fusion des missions « Culture » et « Médias », car la révolution numérique transcende cette distinction. Je pense également à la création d'un programme spécifique consacré aux fonctions de soutien, qui regrouperait la totalité des crédits de masse salariale et les moyens de fonctionnement du ministère. Le Parlement sera bien évidemment consulté.
M. le rapporteur spécial m'a interrogé sur la gratuité dans les musées et les monuments pour les 18-25 ans et pour les enseignants : à la fin du mois de septembre, 1,4 million de visites gratuites avaient été enregistrées. Mais l'impact de ces nouvelles mesures sur la fréquentation est difficile à évaluer. Depuis l'entrée en vigueur de la gratuité, les 18-25 ans représentent 7 % des visiteurs des collections permanentes des musées nationaux et 6 % de ceux des monuments nationaux. La situation varie d'un établissement à l'autre et d'un mois à l'autre. On ne peut donc pas à ce stade parler de « lune de miel ». J'ai demandé des études complémentaires pour approfondir l'analyse et assurer le succès de ces mesures.
La redevance d'archéologie préventive a connu une montée en puissance chaotique depuis les lois de 2001 et de 2003. Les difficultés initiales ont produit les déficits qui grèvent aujourd'hui la situation financière de l'Inrap et que les subventions ponctuelles du ministère de la culture n'ont pas suffi à résorber. Au fil des années, le rendement de la redevance s'est amélioré sans atteindre, hélas, les objectifs fixés en 2001. La refonte de la fiscalité de l'urbanisme prévue en 2011 nous obligera à réformer cette taxe ; j'ai demandé à ce sujet une enquête de l'Inspection générale des finances. L'objectif est d'assurer à l'Inrap et à la politique de l'archéologie préventive des ressources pérennes. En attendant, le ministère de la culture a débloqué 15 millions d'euros pour permettre à l'Inrap de remplir ses missions et pour renforcer les moyens du Fonds national pour l'archéologie préventive.
La réforme de la maîtrise d'ouvrage a pour but de confier aux propriétaires l'entière responsabilité de la conservation de leurs monuments. En ce qui concerne les monuments historiques qui relèvent de mon ministère, nous avons fait le choix de responsabiliser les acteurs de proximité : les établissements publics qui ont en charge la conservation d'un monument historique dont l'importance et les surfaces nécessitent des travaux constants, comme Versailles et le Louvre, disposent d'équipes permanentes et se sont vus confier la maîtrise d'ouvrage. De la même manière le Centre des monuments nationaux, qui s'est vu remettre l'entière responsabilité de la conservation de 75 monuments, a atteint une taille critique qui autorise la mise en place en son sein d'une équipe de maîtrise d'ouvrage. Les directions régionales des affaires culturelles assurent quant à elle la maîtrise d'ouvrage des travaux des autres monuments historiques affectés au ministère de la culture répartis sur le territoire national, en particulier des cathédrales. Enfin j'ai décidé de réunir les équipes du Service national des travaux et de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels au sein d'un nouvel opérateur qui sera opérationnel au plus tard à la fin du premier semestre 2010. Ce nouvel établissement public conduira de grandes opérations de construction et de conservation.
J'en viens à la politique en faveur de la création, et d'abord au soutien au spectacle vivant. L'enjeu est de maîtriser les financements de l'État dans les années à venir, tout en continuant d'aider toute la création dans ce domaine, y compris la création émergente. Il s'agit de mieux produire et de mieux diffuser. La politique du spectacle vivant est devenue partenariale et nous ne pourrons faire évoluer ce secteur qu'en harmonie avec les collectivités territoriales, qui en sont les principaux financeurs. Nous avons d'abord complètement réécrit les cahiers des charges des principaux réseaux soutenus par l'État. Depuis la rentrée, des conférences du spectacle vivant se tiennent dans chaque région avec les collectivités et les représentants des professionnels, faisant suite aux entretiens de Valois. Elles doivent permettre d'établir des diagnostics partagés et d'envisager des rapprochements afin de rendre plus efficaces les politiques de diffusion, de production et de professionnalisation. Sur ces bases, nous pourrons rédiger les feuilles de route qui redessineront, à court et moyen termes, les interventions de l'État dans chaque région.
D'une manière plus générale, M. Lagauche s'est interrogé sur la « stagnation » des crédits du programme « Création » et le « risque de désengagement de l'État », mais également sur la concentration des financements sur les institutions parisiennes. Je le redis, jamais le budget alloué au spectacle vivant n'a atteint un niveau aussi élevé. Un « désengagement de l'État » n'est donc pas à l'ordre du jour. Je note en revanche des difficultés de la part de certaines collectivités locales, départements et communes et je ne peux que souhaiter que la politique culturelle ne constitue pas, comme trop souvent, une variable d'ajustement.
Sur la concentration des moyens budgétaires sur les établissements parisiens, je nuancerai le propos de M. Lagauche. Plus de la moitié des mesures nouvelles consacrées aux établissements publics est inéluctable, car il faut bien payer les pensions des retraités de l'Opéra et de la Comédie française. Le reste va à l'actualisation de la subvention de l'Opéra qui doit permettre de sécuriser son évolution financière sur plusieurs années.
Je souhaite mettre l'accent sur la consolidation de la dotation exceptionnelle de 15 millions au bénéfice des dépenses d'intervention en Drac : ce signe du soutien du Gouvernement aux interventions en région nous permettra d'avancer dans les réformes avec plus de sérénité.
Enfin, vous noterez, monsieur Lagauche, que les autorisations d'engagement consacrées aux travaux en région augmentent de 18 %. Quant à celles consacrées aux grands projets -Philharmonie, Palais de Tokyo-, elles sont maîtrisées car nous allons proposer au Parlement des solutions pour lisser dans le temps ces investissements structurants pour la vie artistique de tout le pays.
Vous connaissez la grande attention que je porte au livre, première marche de l'accès à la culture. Je veux d'abord rassurer votre Haute assemblée sur les bibliothèques. Eu égard au contexte économique, leur budget est maintenu en 2010 pour poursuivre les actions engagées par le ministère en leur faveur, en veillant à articuler les efforts de l'État avec ceux des collectivités. La baisse de la pratique de lecture doit être relativisée au regard de l'explosion de l'offre culturelle et notamment de la concurrence d'internet et des « nouveaux écrans ». La proportion de lecteurs et même de gros lecteurs reste élevée chez les jeunes. Et si l'on continue de vouloir parler de « désacralisation » du livre, il faut aussi accepter d'y voir la conséquence d'une démocratisation réussie.
C'est pourquoi j'ai souhaité que mes services renforcent leurs liens avec le milieu associatif, et soutiennent les expériences en faveur d'un accès plus large à toutes les formes de lecture pour tous les publics. Deux exemples : l'opération « Premières pages », organisée dès cette année, avec la Caisse nationale d'assurance familiale, les Caisses départementales et trois départements, offrira à chaque foyer accueillant un enfant un livre pour celui-ci et un guide pour les parents ; des expérimentations d'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques ; la liste des collectivités locales candidates à cette expérimentation est déjà nourrie.
Vous avez évoqué, monsieur Lagauche, la nécessité de renforcer les moyens du Centre national du livre. Le CNL doit en effet disposer de moyens pour renforcer son soutien à l'ensemble de la chaîne du livre, développer la lecture et participer à une politique de numérisation ambitieuse. Au-delà de la taxe sur les éditeurs, ses ressources reposent aujourd'hui sur une taxe sur les appareils de reproduction ou d'impression, dont le rendement sera accru par son extension aux consommables, qui ira avec une diminution de son taux, ramené de 2,25 % à 1,25 % conformément aux préconisations du rapport Kancel, avec un rendement d'environ 35 millions par an. Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.
Vous avez parlé, monsieur Lagauche, du cinéma et du problème de la petite et moyenne exploitation cinématographique. Notre pays dispose d'un parc de plus de 5 400 écrans, unique en Europe par sa diversité, sa qualité, sa proximité d'avec tous les publics. C'est un atout majeur pour le cinéma français. Si la fréquentation est globalement en progression cette année, certaines salles des villes petites et moyennes ne profitent pas de cette embellie et perdent des entrées. C'est inquiétant alors que s'annonce l'enjeu décisif d'équiper en numérique toutes nos salles. J'ai demandé au Centre national du cinéma et de l'image animée d'étudier avec les exploitants toutes les mesures envisageables. Les subventions aux salles de cinéma sont déjà une des priorités du budget 2010 du ministère, notamment les aides ciblées sur les exploitants petits et moyens, qui augmentent de 13 %. C'est préférable à la baisse des taux de location des films, qui affaiblirait la filière de la distribution.
La numérisation représente pour la plupart des salles un investissement important mais c'est aussi ce qui va leur permettre de diversifier leur programmation vers le documentaire, les projections en relief, et la retransmission de spectacles vivants. Un plan de numérisation a récemment été élaboré par les pouvoirs publics et les professionnels pour mobiliser les soutiens financiers qui permettront à l'État d'être l'un des moteurs de ce plan. Il y aura un Fonds de mutualisation dont la gestion pourra être assurée par le CNC. Ce projet a été soumis à l'Autorité de la concurrence, qui devrait rendre son avis prochainement, et notifié il y a quelques semaines à la Commission européenne. L'objectif est qu'il soit opérationnel en 2010 après avoir obtenu le feu vert des autorités de la concurrence.
Vous avez enfin évoqué la question des conventions collectives dans le cinéma et l'audiovisuel. Celle de l'audiovisuel fait partie des premières signées. Pour celle de la production cinématographique, les progrès ont été lents : les sujets de la grille des salaires minimaux et du traitement spécifique à appliquer aux films dits « fragiles », qui sont d'une grande complexité -car il en va du maintien de la diversité de la production- sont actuellement en discussion. Lors du dernier Conseil national des professions du spectacle, j'ai indiqué à l'ensemble des parties à la négociation qu'il était de leur responsabilité, désormais, de conclure rapidement cette convention collective, et je crois avoir été entendu. La très étroite coordination entre les administrations du ministère du travail et du ministère de la culture devrait répondre aux demandes de garanties que les partenaires sociaux formulent, tant pour la sécurité juridique des tournages que pour les salaires et les conditions de travail.
M. Nachbar a souligné l'importance de l'enseignement de l'histoire des arts, sujet sur lequel je me suis entretenu récemment avec mon collègue Luc Chatel. Je veux que cet enseignement acquière le plus rapidement possible ses lettres de noblesse, c'est-à-dire qu'il ne soit pas considéré comme quelque chose « en plus » mais bien comme une matière à part entière, et évaluée comme telle. Je souhaite que cet enseignement soit sanctionné au baccalauréat, par un contrôle continu pour ne pas alourdir les épreuves.
MM. Nachbar et Gaillard ont soulevé la question de l'article 52. La reprise du processus engagé par la loi de 2004 et son élargissement à tous les monuments de l'État et de ses établissements publics constitue un des éléments d'une politique nationale du patrimoine. Nationale, parce que le soutien du patrimoine n'est plus uniquement du ressort de l'État mais également des collectivités locales et des propriétaires privés. Si je suis attaché à une présence forte de l'État sur le territoire, je le suis également à la valorisation de notre patrimoine. Dès lors, pourquoi l'État n'offrirait-il pas la possibilité aux collectivités locales qui le souhaitent et qui nourrissent des projets intéressants, de se voir transférer des monuments lui appartenant ? Comme en 2004, le transfert se fait à titre gratuit et sur la base du volontariat des collectivités territoriales. En revanche, contrairement au processus de 2004 qui ne concernait qu'une liste limitée de monuments affectés au ministère de la culture, il n'y a pas eu de sélection préalable des catégories de monuments qui pourraient faire l'objet d'un transfert. Depuis 2004 la situation a également changé, dans la mesure où les immeubles de l'État ne sont plus affectés aux ministères et établissements publics, mais relèvent tous du ministre en charge du Domaine qui les met à disposition des administrations utilisatrices. C'est pourquoi la loi précise d'une part que ce transfert de propriété n'est pas de droit, et indique les motifs pour lesquels il pourrait être refusé. Un amendement de l'Assemblée nationale a prévu en outre que l'avis du ministre de la culture serait requis, pour apprécier l'importance du maintien du monument dans le patrimoine de l'État.
M. Gaillard a rappelé les principes qui avaient guidé la commission Rémond et conduit à la liste des monuments proposés aux collectivités territoriales. Certains de ces critères d'analyse seront certainement repris pour motiver un refus. Les monuments d'envergure nationale, notamment les biens de la couronne et les biens nationalisés du clergé, ou les lieux de mémoire de notre histoire, entrés dans le patrimoine de l'État du fait de l'histoire nationale et qui appartiennent à la Nation, au peuple tout entier, ne pourront pas être cédés, car ce serait méconnaître un des fondements de notre République. Mais je compte sur la clairvoyance des collectivités territoriales pour ne pas demander le transfert d'un monument qui ne pourrait que leur être refusé et dont la revendication pourrait choquer l'opinion publique.
Je ne serai pas non plus favorable à des revendications de parties de monuments qui entraîneraient des découpages entre plusieurs propriétaires et des difficultés ultérieures sans fin de gestion et de conservation.
S'il serait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales d'interdire pour l'éternité des temps la cession, un encadrement est nécessaire.
De mon point de vue, si le monument transféré n'est pas affecté à un usage culturel, il ne faut pas s'interdire d'envisager une utilisation à d'autres fins. C'est en intégrant les monuments dans la vie de la cité, en les ouvrant à des usagers qui y pénétreront pour des motifs étrangers à leur caractère patrimonial, que nous familiariserons le public avec la qualité patrimoniale, lui donnerons une autre vision du monument historique, qui prendra une place dans sa vie quotidienne. Si le public concerné est un public d'enfants ou de jeunes, c'est autant de générations qui s'attacheront au patrimoine et qui s'éveilleront à la qualité architecturale.
C'est aussi l'enjeu du développement durable qui m'amène à vous faire cette observation : réutiliser intelligemment le patrimoine est au coeur de la démarche du ministère de la culture et représente un défi architectural et technique aussi intéressant que de construire du neuf. (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 20 h 15.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 22 h 15.