Nouvelle-Calédonie et Mayotte (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et du projet de loi relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie.
Discussion générale commune
M. Christian Cointat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire - Nous arrivons au terme du processus législatif engagé pour adapter plusieurs dispositions de l'accord de Nouméa sur le transfert de compétences et l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et donner une première suite au referendum par lequel Mayotte a souhaité devenir un département d'outre-mer. Sur Mayotte comme sur le projet de loi ordinaire, tous les membres de la CMP se sont ralliés au texte de l'Assemblée nationale qui reprend, d'ailleurs, les grandes lignes de celui du Sénat. Mon propos se concentrera donc sur le projet de loi organique intéressant la Nouvelle-Calédonie.
Certains des transferts de compétences prévus par l'accord de Nouméa s'avérant complexes et lourds, nous avons voulu donner à la Nouvelle-Calédonie toutes les chances de réussite. Le vote final au Sénat en a été un parfait témoignage avec 308 voix favorables contre zéro.
Cette approche a été partagée par l'Assemblée nationale. Je rends hommage à son rapporteur, Didier Quentin, pour la pertinence de ses propositions, et je remercie tous les membres de la CMP pour leur participation constructive à l'élaboration du texte final, qui n'a suscité aucune opposition.
L'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, retenu les apports du Sénat en première lecture. Les modifications apportées sont essentiellement techniques, rédactionnelles ou de précision. D'autres constituent des améliorations substantielles, notamment en matière de soutien financier, comme le remplacement de la référence de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement par celle de l'indice du coût de la construction en matière de compensation de charges d'investissements, ou la consolidation de garanties financières pour le transfert du personnel de l'enseignement et des TOS.
Nous nous en réjouissons d'autant plus que l'Assemblée a su contourner l'article 40...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - On verra !
M. Christian Cointat, rapporteur. - Ces avancées se retrouvent bien évidemment dans le texte de la CMP.
Nos discussions ont porté essentiellement sur certaines propositions du Sénat qui avaient été supprimées par l'Assemblée, déséquilibrant le texte.
La CMP a ainsi réintroduit la possibilité, via des conventions entre l'État et la Nouvelle-Calédonie, de procéder à des ajustements après le transfert des compétences, avec une rédaction plus précise pour éviter le risque de confusion qui avait valu son rejet par l'Assemblée nationale.
Elle a également rétabli plusieurs dispositions visant à assurer une plus grande transparence financière, notamment en matière d'attribution d'aides ou de pratiques budgétaires, dans des rédactions améliorées.
La CMP a également réintroduit le droit pour 20 % des membres du Congrès de demander une commission d'enquête.
Elle a rétabli l'information du Congrès de tout projet de nomination des directeurs des établissements publics et des représentants de la Nouvelle-Calédonie au conseil d'administration et au conseil de surveillance des sociétés d'économie mixte, sous forme non plus d'information préalable mais a posteriori.
Enfin, l'article nouveau adopté par le Sénat pour améliorer le statut du Sénat coutumier, supprimé par l'Assemblée nationale, a finalement été réintroduit, avec quelques aménagements qui ne touchent pas à l'essentiel.
La CMP a en outre limité le cumul d'indemnités pour les élus et prévu la démission d'office en cas d'incompatibilités.
Tous les amendements présentés par les deux rapporteurs l'ont été de manière conjointe, tout comme les corrections qui leur ont parfois été apportées. La CMP a également adopté plusieurs amendements de MM. Yanno et Frogier, députés de Nouvelle-Calédonie, et un amendement de René Dosière, député de l'Aisne.
Le texte qui vous est présenté se veut équilibré, consensuel et aussi complet que possible. Son ambition est de permettre aux Calédoniens d'exercer leurs nouvelles compétences avec succès. Aux Calédoniens désormais de prendre leurs responsabilités, à l'État de les soutenir. De tels transferts de compétences sont sans précédents. Notre crédibilité est en jeu. Gagnons ce pari sur l'avenir, croyons au futur comme Louis Aragon qui disait : « J'ai réinventé le passé pour voir la beauté de l'avenir ». (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. - Nous arrivons au terme de l'examen de deux textes qui marquent une étape importante pour la Nouvelle-Calédonie et pour Mayotte. Je salue la qualité et le professionnalisme des débats qui ont permis d'aboutir à ce résultat.
Les projets initiaux étaient le fruit d'un long travail entre l'État et les partenaires, qui a permis d'aboutir à un consensus. Au cours de ces longs préparatifs, le Gouvernement a eu le souci de respecter les engagements pris devant le comité des signataires, le 8 décembre dernier.
Les textes, tels qu'ils ressortent de vos travaux, respectent les équilibres politiques et institutionnels qui marquaient ces projets. Les travaux parlementaires les ont enrichis, tant sur la départementalisation de Mayotte que sur le statut de la Nouvelle-Calédonie et les modalités des transferts de compétences. Je remercie M. Cointat et la commission des lois pour ce travail réalisé, je le mesure, dans un délai serré. (M. le président Hyest le confirme)
Pour les transferts de compétence à la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement vous avait proposé un texte fidèle à ses engagements. Il a, comme d'ailleurs ses partenaires, toujours été guidé par l'objectif de qualité du service rendu à nos compatriotes : c'est la garantie de la réussite des transferts. C'est pourquoi il a pris des engagements fermes sur les modalités des transferts, aussi bien pour le financement des lycées que pour la mise à disposition globale et gratuite des personnels de l'enseignement.
La représentation nationale a souhaité aller plus loin sur les compensations financières. A certains égards, ces modalités placent la Nouvelle-Calédonie dans une situation très différente de celle des autres collectivités. Soucieux de l'équité entre les collectivités et de la contrainte budgétaire que nul ne saurait méconnaître, le Gouvernement a exprimé, lors des débats, son point de vue sur de telles orientations. La représentation nationale a cependant estimé que de telles dispositions se justifient par la situation singulière de la Nouvelle-Calédonie, qui est inscrite dans notre Constitution.
Désormais, nous pouvons les uns et les autres aller plus avant dans nos engagements.
Pour la Nouvelle-Calédonie, le vote des lois de pays concernant l'éducation et la circulation aérienne et maritime devra intervenir dans les délais prévus, comme chaque partie s'y est engagée le 8 décembre dernier.
Concernant Mayotte, l'article adopté permet au Gouvernement d'engager la préparation des textes qui organiseront la départementalisation progressive et adaptée, comme en ont décidé nos compatriotes mahorais. (Applaudissements à droite ; Mme Anne-Marie Payet applaudit aussi)
Mme Éliane Assassi. - Depuis la signature de l'accord de Nouméa, le 5 mai 1998, la Nouvelle-Calédonie se situe, de façon irréversible, dans un processus de décolonisation et d'accession à la pleine souveraineté. Des conditions ont été fixées : la France doit les respecter. C'est sur cette base, à la fois forte et fragile, que la Nouvelle-Calédonie construit petit à petit son organisation institutionnelle et il est de notre devoir de l'accompagner et de la soutenir.
La loi organique du 19 mars 1999 met en oeuvre cet accord, et c'est pourquoi nous l'avions soutenue. Or, beaucoup de retard a déjà été pris. Le Congrès n'a pas usé, en 2004, de son droit à demander de nouveaux transferts et les modalités mises en oeuvre depuis 2006 par l'État pour permettre de procéder à ces transferts suite au renouvellement du Congrès en mai 2009 nous laissent craindre que le Gouvernement français cherche à trouver une solution qui serait en retrait d'un processus pourtant irréversible. Le haut-commissaire aurait dû mettre en place un groupe de travail dès janvier. Il ne l'a pas fait. Les Calédoniens ont été mis devant le fait accompli en avril, quand le projet leur a été transmis : ils ont cruellement manqué de temps pour l'examiner. De là bien des résistances et des oppositions. L'enjeu est pourtant de taille : ces transferts sont la condition essentielle de réalisation de l'accord de Nouméa.
Nous serons très attentifs au respect des engagements pris. D'autant que les propos tenus par le Président de la République dans sa lettre aux Calédoniens et ceux de l'ancien secrétaire d'État à l'outre-mer, M. Estrosi, qui laissent penser à leur fort attachement au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, ont été largement relayés et repris par le rassemblement UMP. Ces positions, en contradiction totale avec l'esprit et la lettre de l'accord de Nouméa, éclairent donc d'une lumière particulière ce projet de loi organique et le rallongement à deux ans du délai donné au Congrès pour décider des transferts de compétences.
Sur Mayotte, notre opinion n'a pas changé. Mais si nous respectons le vote des Mahorais, qui a marqué leur souhait de devenir département français, nous craignons que le rattachement à ce texte ne dénonce l'intention de reproduire en Nouvelle-Calédonie le scénario des Comores et que l'on ne tente de remettre en cause l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.
L'accord de Nouméa interdit expressément, dans son point 5, qu'une partie de la Nouvelle-Calédonie accède seule à la pleine souveraineté ou conserve seule des liens différents avec la France, au motif que les résultats de la consultation électorale y auraient été différents du résultat global constaté pour l'ensemble. Nous espérons qu'il sera respecté et aurions préféré que le Gouvernement présente un projet de loi organique distinct et se passe de donner des signes équivoques.
En vertu de notre attachement indéfectible aux accords de Nouméa et parce que la question de Mayotte n'est pas résolue, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG. M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également)
La discussion générale commune est close.
M. le président. - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, statue par un seul vote sur les articles et l'ensemble du texte.
Le vote sur les articles est réservé.
Vote sur le projet de loi organique
M. Bernard Frimat. - Étant donné la position du groupe socialiste, j'ai préféré m'en tenir à quelques remarques finales.
C'est dans cette atmosphère confidentielle de fin de session, dans la torpeur d'un après-midi d'été orageux, que nous sommes appelés à voter sur les conclusions d'une troisième CMP mettant un point final à trois procédures accélérées. Seul le Grenelle I n'en aura pas été victime, mais il faut dire que c'est un texte sans aucune portée normative. La méthode est détestable.
Est déplorable, aussi, la manière dont nous avons dû travailler sur ce texte. Car le projet qui nous a été initialement présenté était un chef-d'oeuvre d'à peu près. Et je complimente le rapporteur ainsi que l'administrateur de la commission des lois qui l'a épaulé pour le travail remarquable qui a été accompli. Une bonne partie aurait dû être réalisée en amont ! J'ajoute que les étapes de consultation promises n'ont pas été tenues. Dont acte. Nous savons que les choses ne changeront pas, et que nous vivons désormais sous le régime ordinaire de la procédure accélérée. La seule chose qui nous a permis d'échapper au vote conforme, c'est que notre assemblée avait été saisie en premier ! (On s'amuse sur plusieurs bancs) Bientôt, il ne restera plus aux groupes qu'à détacher l'un de ses membres dans chaque hémicycle, pour enregistrement.
Cet abaissement du Parlement est intolérable. A quoi sert le Sénat, s'interrogeait le président Larcher ? A rien, sinon qu'il forme une amicale sympathique de gens qui parlent tous à peu près correctement le français.
Sur ce texte, le danger essentiel a été évité, grâce au rapporteur et au soutien des membres de la commission. Dans une société où l'on affectionne les masques, certains se retranchent derrière le masque des deux tiers pour tenter de revenir sur les accords de Nouméa.
Mon groupe est très attaché à l'accord de Nouméa qui, par deux fois, a aidé la Nouvelle-Calédonie à retrouver la paix.
Seules les compétences régaliennes ne doivent pas être transférées en 2014 : cela ne fait plus débat. Le transfert a été décidé, il doit être mis en oeuvre. Pour éviter la censure du Conseil, nous avons trouvé un compromis : dans quatre domaines, le transfert ne se fera que dans deux ans. Je félicite le rapporteur d'être parvenu à ce résultat.
L'examen à l'Assemblée nationale a été satisfaisant pour les conditions financières accordées à la Nouvelle-Calédonie. Il faut croire qu'il règne au palais Bourbon un microclimat pour l'application de l'article 40 ! (Sourires) Comment expliquer, sinon, que ce qui a été refusé ici soit soudain accepté là-bas ? Certains esprits pervers, dont je ne suis pas, penseront que c'est la personnalité de leurs auteurs qui rend certains amendements recevables. Ainsi, nos collègues députés Gaël Yanno et Pierre Frogier pourront revendiquer localement les succès ainsi acquis... Plus sérieusement, soit ces propositions, venues du Congrès de Nouvelle-Calédonie, n'étaient pas acceptables et il fallait les rejeter dans les deux assemblées, soient elles l'étaient, et la courtoisie la plus élémentaire aurait justifié qu'elles soient validées au Sénat.
Le Gouvernement s'est engagé à fournir des protocoles dans six mois. Nous y serons très attentifs. Si les dispositions prévues par l'accord de Nouméa ne sont pas respectées, au prétexte de diverses arguties, cela signifiera peut-être que certains y sont opposés au fond.
Christian Cointat a dû livrer une bataille contre les deux députés UMP de Nouvelle-Calédonie au sujet du Sénat coutumier. Il a réussi, avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, à faire admettre à leurs collègues que cette position n'était pas tenable.
M. Christian Cointat, rapporteur. - Ces deux députés ont finalement voté pour.
M. Bernard Frimat. - Et avec quel enthousiasme ! (Sourires)
Le respect des identités de la Nouvelle-Calédonie est très important, et il explique le succès de l'accord de Nouméa, dont l'État a assuré la continuité. J'espère que, dans deux ans, nous pourrons constater que tout a été transféré et que l'on ne nous opposera pas d'arguties pour justifier un nouveau délai.
M. Laurent Béteille. - Ces deux textes marquent une étape importante pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte. Le changement de statut décidé par nos compatriotes mahorais est consacré et le statut de la Nouvelle-Calédonie est modernisé en profondeur en prévision des transferts de compétences prévus par l'accord de Nouméa. Ces deux textes sont marqués par un souci de consensus et nous les avons examinés dans cet état d'esprit.
Je souhaite rendre hommage à Mme la ministre pour sa capacité d'écoute et d'ouverture à certaines propositions des sénateurs et des députés concernant les transferts de compétences. Tout comme vous, nous voulons que ces derniers réussissent car ils garantissent la stabilité politique dont les Néo-calédoniens ont besoin. Notre commission des lois a fait un travail tout à fait remarquable et je félicite notre collègue rapporteur, Christian Cointat. La commission s'est efforcée de retenir le plus possible de suggestions présentées par le congrès de Nouvelle-Calédonie et a adopté un grand nombre d'amendements proposés par le rapporteur et par notre collègue Simon Loueckhote.
Profondément attachée à l'outre-mer, notre assemblée a amélioré la clarté et la solidité juridique de ces deux projets de loi sans en remettre en cause les grands équilibres. Le groupe UMP apportera donc son plus ferme soutien aux conclusions de la CMP. (Applaudissements à droite et au centre)
M. le président. - Je mets aux voix le texte élaboré par la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte. En application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public est de droit.
Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 315 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs UMP, au centre et sur les bancs socialistes)
Vote sur le projet de loi ordinaire
M. le président. - Je mets aux voix le texte élaboré par la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances.
Les conclusions de la CMP sont adoptées.
La séance, suspendue à 17 h 15, reprend à 17 h 20.