Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Enseignement public agricole
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG) L'enseignement agricole public est une voie de réussite ; les taux de succès aux examens et d'insertion professionnelle en témoignent. Ses excellents résultats dans la « remédiation » des élèves en situation d'échec et son lien avec les territoires en font un atout précieux quand l'on prétend lutter contre les inégalités et agir pour un développement durable.
Pourtant, du fait d'une insécurité budgétaire insupportable, des suppressions de postes et de la sous-évaluation dramatique du plafond des emplois, cet enseignement est en état de choc. Le non-remplacement de deux départs sur trois à la retraite des personnels administratifs fait craindre aux équipes un véritable abandon des établissements ; ces établissements qui perdent des classes, voient leur dotation globale horaire dramatiquement diminuée et leurs spécificités pédagogiques sacrifiées. Pour les familles, cela signifie la disparition de filières complètes, la suppression des options facultatives, le refus de leurs enfants en nombre. Un état des lieux consternant que, monsieur le ministre de l'agriculture, vous avez attribué à des « négligences politiques » devant l'intersyndicale de l'enseignement agricole public lundi dernier. L'extrême inquiétude de la communauté éducative agricole se manifeste, depuis septembre, par un mouvement de rétention administrative des notes suivie par la moitié des établissements et -fait inédit- par des blocages de centres de correction des examens ces jours derniers.
La question posée est celle de la survie du service public de l'éducation et de l'égalité entre les élèves. Les engagements que le Sénat avait pris n'ont pas été respectés dans le public et les 90 000 heures supplémentaires que vous avez injectées n'ont toujours pas été ventilées. Du vrai bricolage ! L'enseignement agricole public a besoin de véritables emplois. Comment comptez-vous tenir les engagements que vous avez pris devant l'intersyndicale avec un budget 2010 qui prévoirait plus de 700 suppressions de postes dans votre ministère où l'enseignement agricole représente 46 % des effectifs ? (Applaudissements à gauche)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche . - Madame la sénatrice, je souscris pleinement à votre appréciation de l'enseignement public agricole. De grande qualité (M. Charles Revet approuve), il a obtenu l'an dernier des résultats remarquables avec un taux de réussite au baccalauréat professionnel de 89 % et, surtout, un taux d'entrée dans la vie professionnelle supérieur à 80 %. Mon intention est donc, je l'ai dit à l'intersyndicale, de tout faire pour garantir son identité et sa force dans les années à venir. Pour faire le point, j'ai reçu en une semaine l'ensemble des syndicats représentatifs et constaté le désarroi de l'ensemble du corps enseignant et administratif. Pour y répondre le plus concrètement possible, j'ai proposé d'organiser des assises de l'enseignement public agricole début octobre.
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Ce sera l'occasion d'évaluer sereinement ses missions et ses objectifs à long terme pour déterminer les moyens nécessaires à son fonctionnement. Voilà le plan de campagne que je me fixe pour cet enseignement : préserver son identité et sa qualité au service de tous les élèves, conserver sa vocation d'aménagement du territoire qui lui est reconnue de longue date. Dans la phase préparatoire, je m'appuierai sur les travaux de grande qualité réalisés au Sénat, notamment les vôtres, madame, mais aussi ceux de M. Longuet (applaudissements à droite) et de Mme Ferrat. Collectivement, nous pourrons ainsi garantir un enseignement public agricole de qualité avec son identité et les moyens nécessaires à son bon fonctionnement ! (Applaudissements à droite)
M. Ladislas Poniatowski . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Madame la ministre de l'économie, j'imagine que vous avez été surprise, comme les parlementaires, de la demande faite par le président d'EDF d'augmenter de 20 % les tarifs de l'électricité.
M. Guy Fischer. - Scandaleux !
M. David Assouline. - Pour un scoop, c'est un sale scoop !
M. Ladislas Poniatowski. - Certes, il ne s'agit pas d'une augmentation brutale, car la hausse serait étalée sur trois à quatre années. Mais dans la conjoncture actuelle, une hausse de 4 % des tarifs par an sera déjà un coup dur pour de nombreuses familles.
Nous avons été d'autant plus surpris, voire choqués, de cette annonce qu'elle vient quelques jours à peine après le succès de l'emprunt obligataire qu'EDF a lancé auprès des particuliers...
M. Didier Boulaud. - C'est de la provocation !
M. Ladislas Poniatowski. - ...qui lui a rapporté 3,2 milliards alors que l'entreprise en escomptait seulement un milliard.
M. Guy Fischer. - C'est du pillage de l'épargne populaire ! Du racket !
M. Ladislas Poniatowski. - Par parenthèse, cela montre la bonne image de l'entreprise auprès des Français.
Pourquoi cette demande ? Auditionné il y a quelques jours par le groupe de l'énergie du Sénat en présence du Président Larcher, le président d'EDF a rappelé que sa société est endettée, que le prix de l'électricité est 30 à 40 % moins cher en France que dans les autres pays européens et qu'il doit réaliser d'importants investissements pour prolonger la durée de vie des centrales et en construire de nouvelles.
Madame la ministre, étiez-vous informée de cette demande ? Avez-vous l'intention d'y répondre favorablement, non à la hauteur demandée mais à un niveau supportable pour le portefeuille des Français ? L'UMP souhaite que soit lancé un débat national pour déterminer si les Français sont prêts à accepter une hausse des tarifs qui permettrait d'assurer tous les besoins en matière énergétique.
EDF doit en effet créer de nouvelles centrales, moderniser le transport et la distribution d'électricité et développer les énergies renouvelables tout en construisant des ports méthaniers. (Applaudissements sur les bancs UMP et certains bancs de l'Union centriste)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi . - Merci de cette question qui est tout à fait d'actualité. Nous avons eu la surprise, M. Estrosi et moi, d'apprendre cela par la presse. La variation des tarifs dépend d'une décision conjointe des ministres de l'économie et de l'énergie après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Celle-ci n'a été saisie d'aucune demande.
M. Jean-Pierre Sueur. - On est en pleine anarchie !
M. Jacques Mahéas. - C'est le grand bazar !
M. Didier Boulaud. - C'est le renard libre dans le poulailler libre !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Vous avez bien posé les termes du débat. Les tarifs de l'électricité en France sont inférieurs de 15 à 30 % à ceux des autres pays européens. Nos concitoyens bénéficient ainsi de l'avance de compétitivité acquise par un investissement massif dans le nucléaire durant les années 80.
M. Jean Bizet. - Il ne faut pas l'oublier !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Et le Gouvernement entend bien qu'ils continuent à en profiter. Cela étant, EDF devra investir pour répondre aux exigences du Grenelle de l'environnement et pour renouveler le parc électronucléaire dans des conditions de sécurité absolue. Or pour financer l'investissement, il y a les hausses tarifaires, mais il y a aussi les gains de productivité.
M. Guy Fischer. - Les suppressions d'emplois !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Les gains de productivité ne passent pas nécessairement par des suppressions d'emplois. Le rapport Champsaur, à la rédaction duquel vous avez collaboré, recommande d'ailleurs d'aller dans cette voie. Nous saurons le rappeler et veillerons à ce que les Français continuent de bénéficier des investissements passés. Tout se passera dans la clarté...
M. Didier Boulaud. - Une obscure clarté...
Mme Christine Lagarde, ministre. - ...et la vérité des prix... (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
Mme Françoise Laborde . - Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. Nous connaissons depuis mardi les résultats du baccalauréat. Notre satisfaction du taux de réussite, 78 %, soit une hausse de 3 %, est à relativiser : commence alors un parcours vers l'emploi semé d'embûches.
M. Paul Raoult. - C'est vrai !
Mme Françoise Laborde. - On annonce un taux de chômage des jeunes de 20 % en 2009 ; ils sont plus de 150 000 à sortir chaque année du système scolaire sans formation ni diplôme. La précarité est forte chez ceux qui travaillent déjà, avec 49 % de CDD ou de temps partiel. La pilule est amère pour les jeunes : ils s'investissent pour se retrouver sur un marché de l'emploi en pleine dépression.
Les préconisations du Livre vert élaboré par M. Hirsch et du rapport sénatorial sur la politique en faveur des jeunes vont dans le bon sens mais ne répondent pas à la question des moyens et de la création d'emplois. Le RSA ne bénéficie d'ailleurs pas aux moins de 25 ans ni aux chômeurs n'ayant jamais travaillé auparavant. (M. Yvon Collin le regrette) Quelles mesures d'urgence allez-vous prendre ?
M. Bernard Frimat. - Aucune !
Mme Françoise Laborde. - Pourquoi Pôle-Emploi ne donnerait-il pas priorité aux jeunes ? Pourquoi ceux-ci seraient-ils victimes d'une crise à laquelle votre politique n'apporte pas de réponse ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur ceux du groupe socialiste ainsi que sur quelques bancs CRC)
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie . - Si le problème de l'emploi des jeunes ne date pas d'aujourd'hui, ils sont les premières victimes de la crise (à gauche on estime que c'est de pire en pire) avec une augmentation de 35 % de leur taux de chômage. Nous ne pouvons pas nous contenter de mesures ponctuelles. (Exclamations sur les bancs socialistes) Un plan pour l'emploi des jeunes a été préparé qui inclut l'alternance, ce véritable passeport pour l'emploi.
M. Charles Revet. - Tout à fait.
M. Didier Boulaud. - Ils souhaitent une autre alternance !
M. Christian Estrosi, ministre. - Nous devons penser à une première expérience professionnelle. C'est l'objet des 30 000 emplois aidés, les contrats-passerelles financés à 90 % par l'État. Je salue l'ensemble des collectivités qui se sont engagées à contractualiser. M. Wauquiez a entrepris un tour de France...
M. Didier Boulaud. - C'est le moment !
M. Jacques Mahéas. - A vélo ?
M. Paul Raoult. - Ou à moto ?
M. Christian Estrosi, ministre. - A moyen terme, M. Hirsch a élaboré un Livre vert dont les 54 propositions sont le fruit de la concertation et sur lesquelles il faut maintenant engager une vaste consultation nationale. L'État ne peut pas tout mais chacun se mobilise et je sais que chacun ici est prêt à relever le défi. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
Rémunération des dirigeants d'entreprise
Mme Nathalie Goulet . - Les Français subissent de plein fouet les conséquences de la crise mondiale, notamment en matière d'emploi. Comment l'élue normande que je suis n'aurait-elle pas une pensée particulière pour les producteurs de lait si durement touchés ?
M. Yvon Collin. - Pas seulement en Normandie !
M. Paul Raoult. - Il n'y aura plus de quotas !
M. Didier Boulaud. - Appelez Barnier !
Mme Nathalie Goulet. - Nos concitoyens attendent des entreprises et de leurs dirigeants un comportement exemplaire -c'est une question de justice et de cohésion sociale. Les patrons les mieux payés des sociétés du CAC 40 perçoivent entre 2,4 et 4,7 millions d'euros l'an. Cela concerne aussi des entreprises qui ont reçu des aides de l'État et du Fonds stratégique d'investissement. Le Gouvernement a demandé aux entreprises de définir des règles du jeu. Elles se sont accordées jusqu'en octobre pour élaborer un code de bonne conduite.
L'Autorité des marchés financiers (AMF) a publié ce matin un rapport sur ce sujet.
Madame la ministre, quelle est votre position sur la question de la rémunération et sur le code de bonne conduite des dirigeants des entreprises françaises ? (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi . - Nous attendons tous des entreprises un comportement irréprochable en matière de rémunérations. Je leur ai demandé de se conformer au code de bonne conduite publié en début d'année par le Medef et l'Afep, dont l'AMF doit surveiller l'application.
M. Charles Revet. - Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. - D'après le rapport publié ce matin, la transparence s'est accrue depuis la mise en oeuvre de ce code, que toutes les entreprises appliquent, mais imparfaitement. Pour ce qui est du non-cumul d'un emploi salarié et d'un mandat social, du plafonnement des indemnités de départ et de la mise en place du comité des rémunérations, le taux d'application varie, selon les entreprises, de 70 à 88 %.
J'ai immédiatement demandé à Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF, de saisir chacune des entreprises qui n'appliquent pas parfaitement le code, aux présidents du Medef et de l'Afep d'enjoindre à leurs membres de le respecter, et à l'AMF de me remettre un nouveau rapport dans six mois.
Mme Nicole Bricq. - Faites une loi !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Après seulement six mois d'application, il serait prématuré de faire une loi.
Mme Nicole Bricq. - C'est ce que vous avez déjà dit l'année dernière !
M. Bernard Frimat. - C'est toujours prématuré !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Dans six mois, si le code n'est pas mieux appliqué, nous étudierons la possibilité de légiférer. (Protestations sur les bancs socialistes, marques d'approbation sur les bancs UMP)
Baisse de la TVA dans la restauration
M. Jean-Jacques Mirassou . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Depuis la fin du mois de juin, les dirigeants de l'UMP ont adressé aux restaurateurs, à 120 000 exemplaires, un document vantant l'avènement de la TVA à 5,5 %. Cette décision y est présentée comme historique et le tout est assorti d'un bulletin d'adhésion à l'UMP ! (Protestations sur les bancs socialistes)
M. Josselin de Rohan. - Vous faites la même chose !
M. Jean-Jacques Mirassou. - On comprendra facilement l'émoi suscité par une telle méthode, qui invite les professionnels de la restauration à pratiquer une sorte de retour électoral sur investissement...
Madame la ministre, vous ne pouvez qu'être sensible à un investissement qui représente une perte de recettes fiscales de près de 2,5 milliards d'euros et sera payé in fine par le contribuable. Ce qui est véritablement historique, c'est le montant de la dépense consentie pour la création de 20 000 emplois, non garantie car aucune contrepartie n'a été exigée ni formalisée. (Protestations à droite) Le caractère non contraignant de l'accord laisse également dubitatif quant à ses retombées positives pour des consommateurs que l'on voudrait ériger en sentinelles vérifiant les prix pratiqués par les commerçants
On s'étonnera enfin que l'UMP dispose d'un fichier complet des restaurateurs français, dont la précision rappelle celle de l'administration ou des syndicats professionnels.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Saisissez la Cnil !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Il y a là une confusion des genres au service d'une opération électoraliste. Madame le ministre, compte tenu du fait que le Gouvernement a largement communiqué sur cette mesure, condamnez-vous l'initiative de l'UMP ?
Plusieurs voix sur les bancs UMP. - Non ! Non !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Pouvez-vous nous assurer que les fichiers de l'administration n'ont pas été utilisés ? (Protestations sur les bancs UMP)
M. Alain Gournac. - Il n'y a que les socialistes pour faire ça !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Enfin puisque, au mépris de l'éthique républicaine, vous assimilez le Gouvernement au parti majoritaire, pouvez-vous demander à Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP et ancien ministre du travail, d'inciter les quelques restaurateurs ayant adhéré à ce parti à montrer l'exemple en embauchant, en augmentant les salaires et en investissant pour améliorer les conditions de travail dans un secteur perpétuellement sous tension ? (Applaudissements à gauche)
M. Didier Boulaud. Qu'en pense le Nouveau Centre ?
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi . - Électoraliste ou pas, la baisse de la TVA était une promesse électorale du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Didier Boulaud. - De Chirac !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Cette promesse a été faite à tous les restaurateurs et bénéficiera à tout le pays grâce à un retour sur investissement. (Protestations véhémentes sur les bancs socialistes qui couvrent la voix de Mme la ministre)
M. David Assouline. - C'est scandaleux !
M. le président. - Laissez Mme la ministre s'exprimer.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Le Gouvernement s'est mobilisé pour cette cause, et je me suis battue avec nos partenaires européens pour obtenir une harmonie sur cette question au sein de l'Union européenne.
Le retour sur investissement consiste en une baisse des tarifs de 11,8 % sur sept des dix produits habituels qui composent un repas complet au restaurant.
M. Paul Raoult. - Ce n'est pas la question !
Mme Christine Lagarde, ministre. - 40 000 emplois, et non 20 000 seront créés par ce secteur.
M. Paul Raoult. - 40 000 en deux ans...
Mme Christine Lagarde, ministre. - Enfin, les restaurateurs se sont engagés à investir pour améliorer l'attractivité de leurs établissements. L'investissement se fera donc au service du pays, des clients et des employés de la restauration, et de l'attractivité de notre territoire. (Applaudissements à droite et au centre ; exclamations à gauche)
Loi pénitentiaire
M. Jean-René Lecerf . - La semaine dernière, en visitant une des prisons de notre République, j'ai demandé au hasard l'ouverture d'une cellule. J'y ai rencontré trois hommes d'une cinquantaine d'années, codétenus dans un espace de 9 m2 doté d'un coin toilette dépourvu de toute protection.
M. Paul Raoult. - Et sans eau chaude !
M. Jean-René Lecerf. - Il faisait très chaud et ces détenus n'avaient droit qu'à une douche tous les trois jours. En outre, considérés comme délinquants sexuels et confrontés aux brimades et à la violence des autres détenus, ils ne quittaient plus leur cellule.
Après quelques minutes de conversation, l'un éclatait en sanglots, un autre me confiait avoir été violé lors d'une douche, ce que me confirmait la direction.
Devant le Congrès, le Président de la République a déclaré : « La détention est une épreuve dure. Elle ne doit pas être dégradante. Comment espérer réinsérer dans la société ceux qu'on aura privé pendant des années de toute dignité ? »
M. Guy Fischer. - Paroles...
M. Jean-René Lecerf. - La surpopulation carcérale anéantit les efforts de l'administration pénitentiaire qui souhaite faire de la prison une école de la réinsertion plutôt qu'une école de la récidive.
M. Jacques Mahéas. - On est d'accord.
M. Jean-René Lecerf. - Au terme de l'actuel programme de construction, nous disposerons de 64 000 places. Faut-il accroître encore les capacités, au risque de devoir consacrer l'essentiel des moyens au seul recrutement de surveillants ? (Murmures approbateurs à gauche)
Il faudra bien sûr rénover des établissements, remplacer ceux que l'on aurait dû fermer depuis longtemps. Mais l'urgence n'est-elle pas aujourd'hui d'adopter définitivement la loi pénitentiaire...
M. Jean-Pierre Bel. - Absolument.
M. Jean-René Lecerf. - ....de donner la priorité aux alternatives à l'incarcération, aux aménagements de peines...
M. Guy Fischer. - C'est le bon sens.
M. Jean-René Lecerf. - ....de développer le bracelet électronique et, partant, de recruter des conseillers d'insertion et de probation ? (« Bravo » et applaudissements sur tous les bancs).
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés . - En me nommant garde des sceaux, le Président de la République a rappelé l'importance qu'il attachait à la question pénitentiaire. L'état de nos prisons est déplorable, sur le plan qualitatif et quantitatif. Les réponses sont multiples : la construction d'établissements, pour lutter contre la surpopulation ; la lutte contre la vétusté, pour préserver la dignité humaine ; une diversification des conditions d'enfermement, pour tenir compte de la diversité de la population carcérale : 20 % de cas psychiatriques lourds, 50 % de personnes souffrant d'atteintes psychologiques graves, jeunes, primo-délinquants...
Les peines substitutives, plus rapides, sont plus adaptées que l'enfermement pour certains types de délinquance.
M. Guy Fischer. - C'est évident.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. - Elles doivent être considérées comme un élément complémentaire. L'essentiel est que la peine prononcée soit effectivement exécutée, pour être exemplaire.
Je souhaite que le projet de loi pénitentiaire, adopté par le Sénat en mars dernier, soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le plus rapidement possible. Les réponses n'ont que trop tardé. Nous devons concilier la protection de nos concitoyens contre la délinquance et la protection de la dignité humaine et la capacité de réinsertion des détenus. C'est essentiel pour l'avenir de notre société. (Applaudissements à droite et au centre)
Emplois de vie scolaire
M. Yannick Bodin . - Après l'annonce de la suppression de 16 000 postes dans le budget 2010, de 3 000 postes dans les Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), 30 000 emplois de vie scolaire (EVS) n'ont pas été reconduits au 1er juillet, alors que ces personnels ont rempli leur mission à la satisfaction générale. Recrutés en contrats aidés en 2006 dans le cadre du plan Borloo de cohésion sociale, il leur avait été promis une formation et une aide à la réinsertion. Il n'en a rien été : aujourd'hui, ils se retrouvent à leur point de départ, c'est-à-dire au chômage. Et Xavier Bertrand ne leur a pas adressé de bulletin d'adhésion à l'UMP !
M. Didier Boulaud. - Très bien.
M. Yannick Bodin. - Ces contrats doivent être reconduits, le temps de leur donner une véritable orientation, de valoriser leur expérience et de prévoir un accueil spécifique au Pôle-Emploi, comme promis.
Vous avez tenté de minimiser les choses en évoquant le maintien des Auxiliaires de vie scolaire (AVS) auprès des élèves handicapés. C'est confondre les différents contrats, monsieur le ministre !
Devant le Congrès, le Président de la République a qualifié l'investissement dans l'éducation d'« incontournable ». Comment atteindre les objectifs fixés quand le taux d'encadrement diminue chaque année ? Ce sont 50 000 postes qui auront été supprimés dans l'éducation nationale entre 2007 et 2010 : une véritable hémorragie !
« Un pays qui croit en l'avenir est un pays qui investit dans l'éducation », avez-vous dit, monsieur le ministre. Que comptez-vous faire pour que ces 30 000 personnes ne retombent pas dans le chômage de longue durée, valorisent leur expérience et trouvent, comme promis, un emploi durable ? (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Frimat. - Très bien.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement . - La vraie question est la suivante : votre politique -« toujours plus de moyens »- a-t-elle obtenu des résultats ? (Protestations à gauche)
M. Bernard Frimat. - Répondez à la question !
M. Didier Boulaud. - Sept ans que vous êtes au pouvoir !
M. Luc Chatel, ministre. - A voir le nombre de jeunes qui sortent chaque année du système éducatif sans qualification, la proportion de bacheliers par classe d'âge, la réponse est non !
M. Didier Boulaud. - Ce sont vos emplois !
M. Bernard Frimat. - Vous êtes gêné pour répondre !
M. Luc Chatel, ministre. - Nous, nous répondons : plus de services, revalorisation de la condition des enseignants. (Brouhaha à gauche) Accompagnement éducatif individualisé pour les orphelins de 16 heures (protestations à gauche), deux heures de soutien scolaire, d'aide personnalisée dans le primaire : voilà des réponses aux attentes des enfants et des parents !
En matière d'EVS, permettez-moi de rétablir une vérité : le Gouvernement y croit et c'est pourquoi il les a pérennisés. Je ne peux pas vous laisser dire qu'il y en aura moins à la rentrée.
M. Didier Boulaud. - Il y en aura 30 000 au chômage !
M. David Assouline. - Le plus grand plan social de la rentrée !
M. Luc Chatel, ministre. - Mais les EVS sont des contrats à durée déterminée... (« Ah ! » à gauche)
M. Didier Boulaud. - Nous y voilà !
M. Luc Chatel, ministre. - ...qui poursuivent un objectif d'insertion. Nous avons ouvert un certain nombre de concours de la fonction publique à ces contrats. J'ai demandé à l'inspection générale une mission d'évaluation pour voir si les missions de formation et d'insertion sont bien remplies. Reste qu'il y aura à la rentrée le même nombre d'EVS et d'AVS qu'auparavant.
Pour assurer, enfin, l'accompagnement, indispensable, des enfants handicapés, l'Assemblée nationale a adopté, la semaine dernière, un amendement du Gouvernement qui donnera au monde associatif la possibilité de prendre le relai de ces emplois, afin qu'il n'y ait pas de rupture.
M. Yannick Bodin. - Ce n'est pas le sujet.
M. Didier Boulaud. - Et les Rased ?
M. Luc Chatel, ministre. - Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé pour le service public de l'enseignement puisqu'il a décidé de pérenniser les emplois de vie scolaire. (Applaudissements à droite)
M. Paul Raoult. - On va voir la catastrophe à la rentrée !
M. Didier Boulaud. - Darcos a bien fait de se sauver !
Moines de Tibéhirine
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept moines trappistes de Tibéhirine étaient enlevés en Algérie, dans des circonstances non encore élucidées. Un mois plus tard, le GIA algérien revendiquait l'enlèvement et demandait l'ouverture de négociations pour la libération de certains des leurs, emprisonnés. Fin mai, l'annonce de la mort des sept moines suscitait l'émotion et l'indignation dans le monde entier.
L'Algérie, rappelons-le, s'était enfoncée, dès le début des années 1990, dans une spirale de violence. Les moines de Tibéhirine ont refusé de partir et ont continué de délivrer un message de paix et de fraternité, entre musulmans et chrétiens, entre Algériens et Français.
A la même période, le territoire français connaissait de multiples attentats et tentatives d'attentats revendiqués par le GIA, qui déterminaient la création du dispositif Vigipirate, encore en place aujourd'hui.
L'information judiciaire ouverte en 2003 a permis de mener des investigations et de mettre en place une coopération internationale. Treize ans après les faits, la déposition faite auprès du juge antiterroriste Trevidic par le général Buchwalter à l'époque attaché de défense à l'ambassade de France à Alger, relance l'enquête.
Madame le ministre, je ne peux que me féliciter de la décision du Président de la République de lever le secret défense sur les documents relatifs à cette affaire et je regrette que certains, de l'autre côté de la Méditerranée, crient parfois à la provocation. L'enquête doit avoir lieu en toute transparence, mais il importe que sa progression ne porte pas atteinte aux actions de coopération menées par nos compatriotes en Algérie, dans les domaines économiques, sociaux et culturels. J'ai à coeur, en tant que représentante des Français établis à l'étranger, de relayer leurs inquiétudes.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur les progrès de l'enquête et la coopération judiciaire franco-algérienne ? Il ne s'agit pas de rouvrir de vieilles blessures, ni d'alimenter la polémique, mais nos compatriotes, tout comme le peuple algérien, ont le droit de savoir.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés . - L'assassinat des moines de Tibéhirine a suscité, en France mais aussi en Algérie, une émotion considérable, qui dure encore. Depuis, nombre d'investigations ont été menées par les magistrats chargés de l'instruction. Des témoignages ont été recueillis. Les plus récents feront l'objet d'une investigation supplémentaire. L'important est de connaître la vérité. C'est pourquoi les magistrats bénéficient et continueront de bénéficier de tous les moyens nécessaires, y compris dans le cadre de la coopération internationale. Une commission rogatoire internationale a été adressée aux autorités algériennes qui coopèrent avec nos magistrats. Le Président de la République l'a dit : tous les moyens seront mis en oeuvre pour faire la lumière sur ce qui s'est passé, y compris, si nécessaire, par la levée du secret défense. Nous ferons tout, j'y suis déterminée, pour savoir dans quelles conditions les moines ont été assassinés.
Il n'est pas question de défiance, ni de provocation à l'égard d'un pays ami, mais cela est notre devoir que de faire la transparence que réclament les victimes, les familles, nos peuples et la vérité. (Applaudissements à droite)
Crise de l'ostréiculture
M. Jean-Luc Fichet . - La situation de l'ostréiculture sur l'ensemble du littoral atlantique du bassin d'Arcachon aux côtes normandes et tout particulièrement en Bretagne, est plus qu'alarmante. Des centaines d'ostréiculteurs ont manifesté dès juin à Nantes, à la Trinité-sur-Mer et aujourd'hui à Caen pour alerter l'opinion et les pouvoirs publics.
En Bretagne, la conchyliculture représente quelque 10 000 hectares de concessions, 70 000 tonnes de production et 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. La production d'huîtres est essentielle pour notre économie en général, et l'économie bretonne en particulier. Cette production d'avenir fait vivre les 11 millions de km2 de la façade maritime de notre pays.
Or l'ostréiculture française connaît depuis les années 1990 une mortalité excessive d'huîtres creuses. Au cours de l'été 2008, plus de 60 % de la production de juvéniles a été décimé. Cette crise est la plus importante depuis leur introduction en France, à la fin des années 1960.
Les ostréiculteurs craignent une nouvelle année noire. Ils demandent des actions collectives associant l'État, les collectivités territoriales, les scientifiques et les professionnels, pour des réponses de long terme. Car cette crise, combinée à une politique gouvernementale qui pèse sur le pouvoir d'achat, fait craindre de voir bientôt, à Noël, les huîtres remplacées par de simples oranges...
En 2007, une charte de coordination a été signée entre votre ministère, l'Ifremer et le Comité national de la conchyliculture. Malgré la qualité des travaux de l'Ifremer, pôle de recherche d'excellence qui ne doit pas être remis en cause, les producteurs, désespérés, ne voient venir aucune réponse. Or, il est urgent et vital que tout soit mis en oeuvre pour que cesse cette surmortalité.
La question est cruciale, à l'heure du Grenelle de la mer, qui n'arrive d'ailleurs qu'en session de rattrapage, le Grenelle de l'environnement semblant l'avoir oubliée.
Quelles solutions entendez-vous proposer, monsieur le ministre, pour éviter une nouvelle année noire ?
Comment comptez-vous aider les chercheurs ? Quelles réponses rapides allez-vous apporter ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche . - Je veux vous rassurer : nous ferons tout, monsieur Fichet, pour qu'à Noël vous ayez à la fois des oranges et des huîtres... (Rires et applaudissements à droite)
La profession ostréicole est confrontée à deux difficultés. La première est la surmortalité des huîtres creuses juvéniles. J'ai demandé aux préfets de me faire rapport sur la situation exacte des différents bassins et de ses conséquences économiques. Vous savez qu'une aide importante a été apportée l'année dernière au secteur. J'ai également saisi l'Ifremer, dont je salue à mon tour l'excellence, auquel j'ai demandé un rapport sur les causes de la surmortalité constatée, avec l'objectif d'introduire à terme dans les parcs des variétés plus résistantes.
La seconde difficulté est spécifique au bassin d'Arcachon. J'ai reçu hier pendant deux heures le président du syndicat des ostréiculteurs, en présence des autorités locales. La responsabilité du Gouvernement est de conjuguer une sécurité sanitaire absolue et le développement économique de la filière. J'ai aujourd'hui même demandé par lettre à la Commission de Bruxelles que soit défini un test sanitaire plus compréhensible, aussi efficace que celui sur les souris. J'ai également proposé que soit développé un test alternatif dans l'ensemble de l'Union, de sorte que la même réglementation sanitaire s'applique partout.
En attendant, nous avons réduit de 72 à 48 heures le délai entre les prélèvements et l'annonce des résultats des tests, afin que les ostréiculteurs puissent réagir plus rapidement si nécessaire.
Le Gouvernement suit la situation avec une grande attention. Il apportera des solutions concrètes aux difficultés que rencontre la profession, et ce dans tous les bassins. (Applaudissements au centre et à droite)
Passeports biométriques
M. Laurent Béteille . - Ma question s'adresse à M. Hortefeux, mais je ne doute pas que M. Marleix le suppléera comme il convient.
M. David Assouline. - Le spécialiste du charcutage !
M. Laurent Béteille. - Elle porte sur les difficultés rencontrées par les mairies dans la délivrance des passeports biométriques. Le délai de constitution des dossiers est passé dans le meilleur des cas à vingt minutes, contre dix antérieurement, et peut être largement dépassé en cas de problèmes pour la prise des photographies ou des empreintes, spécialement des enfants. Il faut relever aussi que la préfecture met six semaines à retourner les dossiers dans les mairies et en rejette un nombre non négligeable, notamment pour des photographies jugées non conformes.
Le matériel n'est, de plus, pas toujours opérationnel et il est parfois défectueux -il est resté longtemps en panne dans la mairie que j'administre.
M. Didier Boulaud. - Chez moi aussi, c'est un bazar sans nom !
M. Laurent Béteille. - J'ajoute que pour les Français établis hors de France, ces difficultés sont décuplées par l'éloignement.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer quelles mesures concrètes vous comptez prendre pour améliorer le dispositif et faire en sorte que les services d'état civil puissent travailler sereinement au service de nos administrés ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Paul Raoult. - Excellente question !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales . - Je vous prie d'excuser M. Hortefeux, en déplacement dans la région Paca.
La France a mené à bien, dans les délais prescrits, le programme de mise en place des passeports biométriques. Le dispositif a permis de réels progrès. Les délais ont d'abord été considérablement réduits, puisque les dossiers sont désormais acheminés entre les mairies, les préfectures, l'Agence nationale des titres de sécurité et l'imprimerie par voie électronique.
M. Didier Boulaud. - Le système ne fonctionne pas.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Les 212 consulats de France sont désormais équipés. Les contraintes ont été d'autre part allégées, l'usager pouvant désormais se rendre dans n'importe laquelle des 2 000 communes équipées pour faire établir son passeport. Le taux de rejet des photos est passé de 3 % pour le passeport électronique à 1 %. Un organe de support a été mis en place pour assurer le remplacement des matériels défectueux dans les douze heures en moyenne.
Les choses se passent bien dans la majorité des départements, neuf d'entre eux seulement éprouvant des difficultés, dont le vôtre, j'en conviens. En cette période de départs en vacances, le nombre de demandes a fortement augmenté, comme celui des renouvellements de cartes nationales d'identité ; de nombreux usagers ont en outre attendu l'ouverture du programme pour déposer leur demande de passeport.
Pour faire face à ces difficultés, une enveloppe spécifique a été allouée aux préfectures, dont celle de l'Essonne, pour financer le recours à des vacataires ou à des heures supplémentaires. Une formation des personnels a d'autre part été dispensée dans chaque mairie, afin de réduire le délai de constitution des dossiers. Tous les moyens sont mobilisés pour améliorer encore le service rendu à nos concitoyens.
M. Didier Boulaud. - Encore un succès du ministère de l'intérieur ! Et c'est la même chose avec les nouvelles plaques minéralogiques !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Gouvernement veillera avec le préfet de l'Essonne à ce que la situation rentre rapidement dans l'ordre dans ce département. (Applaudissements à droite)