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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Engagement de la procédure accélérée

Dépôt de rapports

Questions orales

Allocation logement temporaire

Vente du patrimoine immobilier d'Icade

RN 57

Aménagement de la RN 88

Recrutés locaux à Caracas

Redéploiement du Rased

Service civil volontaire

Prix de journée dans les Ehpad

Accueil des enfants de 2 à 3 ans en maternelle

La tenthrède cibdela janthina à La Réunion

Vétusté de la maison d'arrêt de la Santé

Regroupement de services à l'hôpital Ambroise Paré

Infirmiers libéraux

Revalorisation des retraites agricoles

Fermeture du bureau de douane de Bâle-Mulhouse-Aéroport

Conditions d'attribution de l'aide au retour à l'emploi

Travaux sur des bâtiments classés

Rappel au Règlement

Débat sur les pôles d'excellence rurale

Protection de l'enfance (Question orale avec débat)




SÉANCE

du mardi 23 juin 2009

120e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 19 mai 2009.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat les rapports suivants : le rapport sur l'application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit ; le rapport relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité prévu par l'article 6 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; le rapport relatif au plan indicatif pluriannuel des investissements dans le secteur du gaz prévu par l'article 18 de la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie ; le rapport relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production de chaleur prévu par l'article 50 de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier sera transmis à la commission des affaires culturelles, les trois derniers à la commission des affaires économiques. Tous les quatre seront disponibles au bureau de la distribution.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Allocation logement temporaire

M. Philippe Madrelle.  - Madame la ministre du logement, en raison du désengagement de l'État, les associations de l'insertion par le logement font face à de graves difficultés financières. De fait, l'allocation logement temporaire qui leur est versée, et dont le barème dépend de votre ministère, n'a pas progressé depuis 2004 et augmente seulement de 1,9 % en 2009. D'où leurs interrogations sur la pérennité de leurs missions alors qu'elles croulent sous les demandes du fait de l'extension de la pauvreté et de la précarité.

En Gironde, l'ALT concerne 1 066 personnes pour 557 logements. Les associations ont pour principale mission de proposer un hébergement social temporaire à des familles monoparentales, des personnes seules et des travailleurs précaires et personnes isolées présentant des troubles du comportement et de la personnalité avec, pour objectif, l'insertion durable. Rémunérées par l'ALT selon le type de logement offert, elles peuvent demander une participation aux personnes hébergées en fonction de leurs ressources. Ce système les conduit à rechercher les logements à faible loyer, de plus en plus rares, notamment dans l'agglomération bordelaise, où les loyers ont progressé de 15 % entre 2004 et 2007, et les contraint à se transformer en véritables gestionnaires d'immobilier puisqu'elles paient les charges, de plus en plus lourdes, et entretiennent les appartements. Autre conséquence de la pénurie de logements, la forte dispersion géographique des hébergements qui amoindrit l'efficacité des accompagnateurs sociaux. En conséquence de quoi, les associations enregistrent au moins 1 000 euros de pertes par an et par ALT, cette somme correspondant à la différence entre recettes et dépenses d'hébergement et de suivi social.

Pour que les associations puissent remplir leur mission d'insertion par le logement, l'ALT doit être recalculée en fonction du prix des logements du parc social toutes charges comprises, et revalorisée d'au moins 20 %. Elles ne se résoudront pas à abandonner ce dispositif qui est adapté pour répondre à l'urgence des personnes en souffrance. A preuve, plus de 50 % des hébergements débouchent sur le logement autonome ; l'accès au logement, nous en sommes tous conscients, est l'étape fondamentale de l'insertion. Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, de votre volonté d'accorder aux associations les moyens de lutter contre la précarité ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement.  - Monsieur le sénateur, merci d'avoir souligné que ces préoccupations ne m'ont pas échappé. J'ai obtenu, en effet, une revalorisation de 1,6 % de l'ALT en 2009 alors que cette allocation n'avait pas progressé depuis 2004. De plus, dans le cadre du plan de relance, trop souvent oublié, 5 000 logements seront loués en intermédiation locative. Je n'ai pas reçu de candidature d'association en Gironde, mais je suis prête à examiner tout projet.

Quant à l'accompagnement social, il est de la compétence des conseils généraux au titre du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Pour compléter cette action, des postes d'accompagnateurs sociaux ont été financés dans le cadre du plan de relance, dont treize pour la région Aquitaine, qui interviendront notamment pour les ménages hébergés en logements ALT.

M. Philippe Madrelle.  - Madame la ministre, très objectivement, les effets des mesures que vous venez d'énoncer ne se font pas sentir sur le terrain. Le logement d'urgence temporaire ne relève pas du conseil général, mais des associations qui, aujourd'hui en difficulté, viennent frapper à notre porte en Gironde et sont aidées via le FSL. Qui plus est, la direction des affaires sanitaires et sociales de Gironde a supprimé les crédits alloués à l'accueil des déboutés du droit d'asile dont la procédure de recours est en cours d'examen, ce qui accroît les tensions. Enfin, j'ajoute que l'hébergement d'urgence est sinistré dans notre département, diagnostic que je partage avec le maire de Bordeaux !

Vente du patrimoine immobilier d'Icade

Mme Odette Terrade.  - La vente de 34 000 logements de la société Icade, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, qui est prévue pour cet été a été annoncée par un communiqué de presse du 12 décembre dernier, sans concertation. Elle a provoqué un vif émoi parmi les parlementaires de tous bords qui vous ont interpellé, madame la ministre, ainsi que le ministre du budget sans obtenir de réponse satisfaisante. Cette vente de logements sociaux situés dans la région parisienne où la question du logement est particulièrement sensible, ressemble de plus en plus à partie de ping-pong, où l'un ne cesse de renvoyer la balle à l'autre, dont locataires et salariés, vendus avec les murs, feront les frais. Car, faut-il le rappeler, ces logements du parc social de fait ont été construits par la Scic, filiale de la Caisse des dépôts, avec de l'argent public.

De nombreuses communes avaient mis des terrains à disposition pour le franc symbolique afin de disposer de logements sociaux ou intermédiaires, lesquels ont été pour une grande partie conventionnés via des prêts de l'État. Alors que l'Autorité des marchés financiers les avait évalués à 1,426 milliard en 2006, Icade va les vendre 2,935 milliards. Comment une telle plus-value est-elle possible en si peu de temps, sur un patrimoine au reste moins important, puisqu'Icade a vendu, entre-temps, 10 000 logements ?

Alors que notre pays souffre d'un manque cruel de logements sociaux et que vous prévoyez dans la loi de mobilisation pour le logement de racheter 30 000 logements à des promoteurs privés, est-il admissible que des bailleurs sociaux payent une telle plus-value aux actionnaires privés d'Icade ?

S'ajoute à cela un conflit d'intérêts pour la Caisse des dépôts, partie prenante à cette cession à la fois comme vendeur, en tant que maison-mère d'Icade, et comme acquéreur, puisque la SNI, chef de file du consortium de candidats au rachat, est également une filiale de la Caisse, laquelle sera vraisemblablement, de surcroît, le principal prêteur des bailleurs candidats. Ainsi, la CDC va non seulement récupérer le produit de la cession au prix qu'elle se sera elle-même fixé mais va encaisser les intérêts sur les prêts. Ce qui fait dire à certains collègues, pourtant proches de votre sensibilité politique, que nous sommes face à un véritable scandale d'État.

Évidemment, les maires des villes concernées, en toute logique, souhaitent, comme nous, que ces logements soient rachetés par des bailleurs sociaux afin que leur destination reste sociale. Mais céder aujourd'hui le patrimoine d'Icade à des bailleurs sociaux, dans ces conditions, revient à faire financer deux fois ces logements par des fonds publics. Il est scandaleux qu'après avoir largement amorti la construction de ses immeubles grâce à l'accumulation des loyers, dont certains ont subi des hausses inadmissibles alors qu'ils étaient versés par des locataires aux ressources modestes, Icade ait pu, au détour d'une introduction en bourse, privatiser son patrimoine de manière à le revendre quelques années plus tard dans une opération purement spéculative et à un prix qui frise l'indécence, sans qu'aucune démarche transparente de concertation ait été engagée avec les élus.

Quelles réponses pouvez-vous apporter, madame la ministre, aux maires des communes d'Ile-de-France concernés, qui demandent un droit de regard sur cette vente intéressant directement la politique d'habitat de leurs villes ? Que comptez-vous faire, avec le ministre du budget, pour que les bailleurs sociaux puissent acquérir ces logements à un prix qui n'alimente pas le jeu d'une spéculation honteuse ? Quelles garanties pour les emplois des salariés ? Quelles mesures allez-vous prendre pour que ce parc social soit pérennisé et que soit garanti aux locataires actuels un maintien dans les lieux avec un loyer social, adapté à leur situation ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement.  - Dans le cadre du recadrage de son activité, Icade vend en effet 31 500 logements, à plus de 90 % en Ile-de-France. Un groupe de vingt bailleurs sociaux, menés par la SNI, s'est porté candidat. L'intérêt d'une vente en bloc est de pérenniser la vocation sociale de ces logements. Il s'agit de trouver une réponse globale, conciliant intérêts des locataires et intérêts patrimoniaux d'Icade.

L'opération entre dans le cadre du décret du 15 mai 2007, qui réglemente la cession aux bailleurs appartenant à une filiale de la CDC et ayant fait l'objet d'un conventionnement, afin d'éviter le déconventionnement des logements et de préserver leur vocation sociale sans hausse de loyer. Voilà qui doit répondre à vos préoccupations.

C'est ainsi que 18 500 logements conventionnés d'Icade peuvent être acquis par des PLS. En outre, le décret prévoit qu'au moins un tiers des logements doivent être loués à des ménages dont les ressources sont inférieures au plafond Plai, et un tiers au plus à des ménages dont les ressources sont comprises entre le plafond Plus et celui du PLS, ceci afin de maintenir leur vocation sociale et de garantir la mixité. Est également prévue une procédure de concertation entre les bailleurs, les communes et l'État, qui doit se traduire par une convention tripartite, cela afin d'assurer la cohérence de la politique sociale de la commune. Cette convention doit prévoir un loyer plafond inférieur au loyer réglementaire.

Le reste du parc est hors du champ d'application du décret. Les logements peuvent être acquis, ainsi que je l'ai indiqué aux maires concernés, par des prêts réglementés, Plai ou PLS, donnant lieu à un conventionnement qui impose le respect de conditions de ressources et de loyer.

Mme Odette Terrade.  - Je vous remercie de ces éléments de réponse détaillés, dont j'espère qu'ils seront suivis d'effet. Les locataires, qui ont déjà subi des augmentations de loyer importantes, et les élus peuvent compter sur notre vigilance.

Le groupe communiste, à l'Assemblée nationale et au Sénat, a demandé la constitution d'une commission d'enquête sur les conditions de cette cession. Quand il s'agit de l'argent public, nous estimons que la transparence doit être de mise.

RN 57

M. Claude Jeannerot.  - La route nationale 57, qui relie le nord de l'Europe à la Suisse, en passant par mon département, la Franche-Comté, est un axe européen, retenu à ce titre par l'État dans son propre patrimoine, contrairement aux 140 kilomètres de routes nationales d'intérêt local comme la RN 83, transférés au conseil général du Doubs au 1er janvier 2006.

La RN 57 constitue une infrastructure de tout premier plan pour l'ensemble du Doubs et du Haut-Doubs. Or, elle n'est plus dimensionnée pour pouvoir soutenir le développement de ce territoire. Sur deux points majeurs, les travaux et les études doivent être finalisés en urgence : le contournement de Besançon, capitale régionale, tout d'abord, avec l'achèvement de la voie des Mercureaux et le lancement du projet Beure-Planoise, inscrit au contrat de plan État-région 2000-2006. Des crédits de l'État sont nécessaires pour permettre d'achever rapidement les chantiers en cours et de lancer les derniers marchés. Le lancement immédiat des études opérationnelles et des marchés pour la section Beure-Planoise permettrait de terminer, à bref délai, le contournement de Besançon, attendu de longue date.

Ensuite, la relance d'un plan opérationnel de travaux sur le parcours de la RN 57 dans le Haut-Doubs constituerait une étape nouvelle pour cette liaison d'intérêt national et international. Les élus du département, toutes sensibilités confondues, se sont rassemblés le 22 novembre dernier, dans les rues de Pontarlier, pour demander un geste de l'État. Votre prédécesseur, M. Perben, avait, dans un courrier du 30 juin 2006, pris un certain nombre d'engagements, en particulier sur la réalisation du créneau entre La Main et La Vrine, afin qu'il soit réalisé en début de programme, mais également sur la déviation des Tavins, ajoutant que, pour soulager l'agglomération de Pontarlier de l'intense trafic qui la traverse, il demandait à ses services d'engager les études préliminaires pour définir, dans la concertation, le tracé de la déviation. Trois ans après, aucun signe concret ne nous a été donné. Après de tels préliminaires, on espérait un passage à l'acte. Hélas, il n'en est rien.

L'annonce par voie de presse du programme de modernisation d'itinéraires du réseau routier national (PDMI) a plongé les élus dans la stupéfaction et l'indignation. Nos espoirs ont été déçus : notre région ne bénéficie pas des investissements attendus.

Que compte faire l'État, monsieur le ministre ? Quand et comment financera-t-il l'achèvement du contournement routier de Besançon ? Quand les engagements pris en faveur du Doubs et du Haut-Doubs seront-ils respectés ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - La desserte de la Franche-Comté, du Doubs et de la ville de Besançon fait partie de l'un des plus grands chantiers français et européens, puisqu'une ligne à grande vitesse doit desservir le secteur à l'horizon 2011. Le Grenelle II a également été l'occasion d'évoquer la desserte entre le bassin Rhône-Saône et le bassin Rhin-Moselle.

L'aménagement du contournement de Besançon, et plus précisément, les travaux de la voie des Mercureaux sont en cours de réalisation. Les financements sont mis en place en fonction des possibilités techniques d'avancement du chantier, dans le respect du coût d'objectif final de l'opération tel qu'il a été arrêté avec l'ensemble des cofinanceurs, à savoir 160,9 millions en valeur septembre 2007.

Pour achever le contournement sud-ouest de Besançon, il faudra en outre assurer la jonction de la voie des Mercureaux avec la RN 57 au niveau du « Trou au loup » et aménager la section Planoise-Beure, deux opérations qui n'ont pu être inscrites au PDMI 2009-2013 au vu de l'avancement de leurs études préalables.

Il n'est pas possible aujourd'hui de définir la solution à retenir pour la section Planoise-Beure. Avec M. Borloo, nous avons donc demandé à nos services de poursuivre la procédure, sachant que l'aménagement devra prendre en compte les contraintes particulières liées aux milieux naturels et à l'urbanisation du secteur. Le moment venu, un accord financier avec l'ensemble des partenaires conditionnera le lancement des travaux.

En revanche, le préfet de région a été mandaté par mes soins pour négocier avec les collectivités territoriales afin de définir leur participation financière à l'aménagement de la RN 57, qui a été ajouté au PDMI. Cette opération pourrait donc être réalisée d'ici 2014.

M. Claude Jeannerot.  - Je suis loin d'être rassuré, monsieur le ministre. Vous avez bien voulu rappeler que le contournement de Besançon coûterait presque 170 millions d'euros à la République, mais les trois quarts ont été payés par les collectivités territoriales.

Lorsque 130 kilomètres de routes nationales ont été transférés au département du Doubs, dont je préside le conseil général, nous avions compris que le principe du décroisement s'appliquerait à compter de 2006 ; or, vous dites que les collectivités territoriales vont être sollicitées une fois de plus.

Le département du Doubs a déjà versé 50 millions d'euros pour la ligne de TGV et 50 millions pour l'opération des Mercureaux. Vu les tensions financières actuelles, il n'est pas raisonnable d'imaginer que les collectivités territoriales puissent contribuer à financer de nouveaux équipements de dimension nationale, voire européenne.

Aménagement de la RN 88

M. Jean-Marc Pastor.  - Ma question porte sur la mise à deux fois deux voies de la RN 88 entre Albi et l'autoroute A 75 à Séverac-le-Château.

Classée « grande liaison d'aménagement du territoire » dès 1993 à l'occasion du comité interministériel d'aménagement du territoire (Ciat) de Mende, la RN 88 est devenue une priorité nationale. Pourtant, sa mise à deux fois deux voies n'est réalisée que sur la moitié du trajet, malgré d'autres comités interministériels et la charte signée entre l'État et le syndicat mixte d'études et de promotion de l'axe Toulouse-Lyon.

Les collectivités ont eu droit à des engagements réitérés de l'État, mais attendent toujours son soutien concret.

Les voies de communication contribuent fortement au développement économique. Or, la région Midi-Pyrénées est notoirement l'une des plus enclavées, puisque Rodez, Figeac et Millau sont à plus de deux heures de Toulouse.

Le Président de la République a déclaré hier vouloir mettre l'accent sur l'aménagement du territoire et la réactivation des territoires ruraux. La mise à deux fois deux voies de la RN 88 est un bon cas pratique pour ce faire, puisque le maillage du territoire oublie aujourd'hui la région Midi-Pyrénées, au nord selon l'axe Lyon, Clermont et Bordeaux avec l'A 89, à l'est par Montpellier avec l'A 75, le TGV empruntant l'arc atlantique.

La RN 88 assure une liaison interrégionale entre Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes, mais elle relie également l'Espagne à l'Europe centrale. L'État ne doit donc pas s'en tenir à de volatiles autorisations d'engagement. Les élus locaux craignent qu'après avoir supprimé les contrats de plan État-régions et exclu les investissements routiers de l'État des nouveaux contrats de projet, qu'après avoir organisé le transfert de routes nationales aux départements et plaidé pour un décroisement des financements, l'État n'assume plus sa part et sollicite une nouvelle fois les collectivités locales, auxquelles il reproche par ailleurs d'augmenter les impôts ! Les élus redoutent d'être contraints non seulement de cofinancer, mais aussi de subir des remboursements erratiques après avoir avancé ce que l'État reconnaît devoir payer lui-même.

Comment le Gouvernement envisage-t-il de mettre au plus tôt cet itinéraire à deux fois deux voies ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - L'État souhaite accélérer l'aménagement que vous venez d'évoquer, pour assurer une liaison satisfaisante entre Toulouse et Rodez. Ce complément indispensable du maillage routier contribuerait grandement au désenclavement territorial.

Un programme spécial d'investissement, s'ajoutant aux programmes de modernisation des itinéraires, sera donc bâti pour financer la mise à deux fois deux voies de l'itinéraire reliant Albi à Rodez.

Le préfet de région vient d'être mandaté pour négocier à cet effet avec le conseil régional de Midi-Pyrénées, dont je connais l'investissement sur le plan ferroviaire, ce dont je le remercie, et les conseils généraux du Tarn et de l'Aveyron, qui devront participer au financement de ce programme aux côtés de l'État. Après discussion, une convention fixera la participation de chaque partenaire et les modalités de financement.

La rocade d'Albi et les aménagements de sécurité dans la traversée de Lescure-d'Albigeois figurent parmi les opérations prioritaires du mandat adressé au préfet de la région Midi-Pyrénées pour finaliser les PDMI. Des discussions se déroulent actuellement, dans de bonnes conditions, avec les collectivités territoriales.

Les travaux sur la section Tauriac-La Mothe devraient pouvoir débuter en 2010, la mise en service étant prévue pour 2013. Le moindre avancement des procédures concernant la déviation de Baraqueville -notamment pour l'aménagement foncier- interdit d'ouvrir avant 2011 ce chantier qui durera au moins quatre ans.

M. Jean-Marc Pastor.  - Je vous remercie pour cet aperçu. On verra... L'État ne semble pas avoir les moyens de concrétiser les annonces du Président de la République.

Il n'est pas convenable de solliciter continuellement le contribuable local, tout en critiquant les financements croisés, en réduisant les ressources des collectivités territoriales et parfois en stigmatisant celles-ci.

Les routes nationales ont été transférées aux départements au mois de novembre, avec force campagne de communication sur la clarification des compétences attribuées à chacun, mais les projets réalisés dans la foulée seront payés par les collectivités territoriales, non par l'État. Nous le regrettons.

Recrutés locaux à Caracas

Mme Claudine Lepage.  - J'attire votre attention sur la situation de recrutés locaux employés par les services de l'ambassade de France à Caracas, par le consulat, la mission économique, l'attaché de sécurité intérieure, l'attaché de défense et même le lycée français.

Alors que leurs collègues sont rémunérés en euros, ces personnes, parfois de nationalité française, perçoivent leur rémunération en bolivars, ce qui les défavorise. En effet, l'inflation comprise entre 30 % et 40 % par an dégrade considérablement leur pouvoir d'achat, alors que leur grille n'a jamais été revalorisée depuis 1995.

En outre, le strict contrôle des changes vénézuélien leur interdit en pratique d'utiliser cet argent hors du pays. Cette différence de traitement, légitimement considérée comme injuste, est potentiellement porteuse de tensions entre agents recrutés localement.

La loi locale vénézuélienne ne fait pas obstacle au versement des salaires en euros, qui ne coûterait rien à l'État français.

Cet exemple illustre à nouveau la position précaire d'agents recrutés localement par la France, véritables laissés pour compte alors qu'ils contribuent activement au bon fonctionnement de nos postes et à notre rayonnement international. Cette situation donne une image négative de notre pays, loin de l'égalité dont la République se prévaut.

Je souhaite que la rémunération du personnel recruté localement à Caracas soit versée en euros. En outre, les prestations sociales de cette catégorie de personnel devraient être améliorées dans l'ensemble des postes à travers le monde. Ces agents, souvent employés depuis de longues années en application du droit local, sont indispensables au fonctionnement des services extérieurs de la France et à son rayonnement.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.  - Nous avons conscience de la dégradation de la situation financière qui frappe nos agents de droit local recrutés à Caracas.

Avec une moyenne de 2 000 euros par agent local, les salaires exprimés en euros de nos agents vénézuéliens sont relativement élevés par comparaison avec le reste de notre réseau diplomatique et consulaire. Toutefois, il est vrai que, en raison d'un strict contrôle des changes, le revenu réel reçu en bolivars par nos agents se dégrade et nos agents locaux ont été informés qu'une solution était recherchée pour améliorer leur situation financière. Cela nécessite une concertation préalable avec Bercy ; elle est en cours et nous sommes mobilisés pour qu'une réponse soit apportée dans les meilleurs délais.

S'agissant de la protection sociale des agents de droit local dans le réseau diplomatique et consulaire, le ministère des affaires étrangères et européennes s'attache à dresser un état précis de la situation, afin d'identifier les pays où l'effort de mise à niveau devrait être porté en priorité.

Nous sommes donc non seulement pleinement conscients des difficultés rencontrées par nos agents de droit local à Caracas, mais mobilisés pour qu'une solution puisse être rapidement trouvée aux difficultés qu'ils rencontrent.

Mme Claudine Lepage.  - Je vous remercie de cette réponse encourageante. Lors de sa visite, en avril, M. Woerth s'était ému de la situation de nos agents au Venezuela. De manière générale, le sort des recrutés locaux est très difficile. On comprend bien que la situation ne soit pas la même en Allemagne et au Congo, mais comment admettre que des gens qui ont servi la France se retrouvent sans retraite ?

Redéploiement du Rased

M. Hervé Maurey.  - Je souhaite attirer l'attention du ministre de l'éducation nationale sur les inquiétudes grandissantes que suscite le redéploiement du réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (Rased). Ces équipes apportent depuis 1990 un soutien particulier aux élèves en échec ou en grande difficulté scolaire. Leur action, très appréciée sur le terrain, est tout à fait différente de l'aide personnalisée que les enseignants peuvent apporter aux élèves grâces aux deux heures libérées du samedi matin. En effet, cette aide personnalisée permet aux maîtres de répondre ponctuellement et en petit groupe aux difficultés rencontrées par leurs propres élèves, alors que les Rased répondent à des situations de blocage lourds par rapport à l'enseignement en général ou à des difficultés chroniques. Ils interviennent en étroite collaboration avec l'équipe pédagogique et les familles pour maintenir, autant que faire se peut, les élèves dans le système général.

L'aide personnalisée répond de manière pertinente à des difficultés ponctuelles, l'aide des Rased à des problèmes lourds.

Dans l'Eure, la suppression de postes Rased se fait au détriment de nombreuses écoles des petites communes. C'est pourquoi enseignants et parents d'élèves s'inquiètent. Va-t-on revenir sur la suppression partielle des Rased ? Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.  - Je vous prie d'excuser M. Darcos, retenu par une réunion avec les recteurs d'académie. Depuis la rentrée 2008, la durée de l'enseignement scolaire dans le premier degré est fixée à 24 heures hebdomadaires dispensées à tous les élèves, auxquelles s'ajoutent deux heures d'aide personnalisée en très petits groupes pour les élèves en difficulté. Ce sont donc 60 heures annuelles qui sont désormais consacrées par chaque maître à des actions directes auprès des élèves en difficulté. Autrement dit, l'équivalent de 16 000 postes d'enseignants entièrement dédiés à aider les élèves qui en ont le plus besoin.

Dans ce nouveau contexte, la contribution des enseignants spécialisés de Rased doit évoluer. Leur expertise professionnelle indéniable doit désormais être ciblée sur les élèves en très grande difficulté, en évitant une dispersion inutilement coûteuse.

L'Eure comptait 79 postes de maitres E (à dominante pédagogique) et 33 postes de maitres G (à dominante éducative). Sur ce total de 112 postes, 33 sont concernés par la nouvelle organisation des missions du réseau. Parmi ces derniers, dix-sept seront installés dans des écoles en poste surnuméraire tandis que seize seront redéployés. Dans votre circonscription, le réseau initial de 4 maîtres E et trois maîtres G a été réorganisé sur une nouvelle base de quatre maîtres E -dont deux surnuméraires- et deux maîtres G.

Les implantations des maîtres surnuméraires ont été définies par le niveau de difficulté scolaire de certaines écoles, soit un poste de surnuméraire à Bourg Lecomte dans la commune de Bernay et un poste surnuméraire à Louis Pergaud à Brionne. Cette réorganisation conduira à une concentration des actions des maîtres E surnuméraires sur les écoles qui en ont le plus besoin.

S'agissant des autres écoles de votre département, monsieur le sénateur, le ministère va redéfinir les missions des maîtres E et G et réorganiser la couverture géographique selon plusieurs critères : la prise en charge des élèves fragiles connus dès la rentrée ; les priorités définies en fonction des évaluations en CE1 et CM2 ; l'organisation d'aides regroupées dans le temps ; la mise en cohérence avec les dispositifs d'aide personnalisée. A cette réorganisation s'ajouteront des mesures de carte scolaire tenant compte des situations de redéploiement et de la difficulté scolaire avérée de certaines écoles. Les fermetures envisagées dans les écoles de Bourg Lecomte et Jean Moulin à Bernay ont été abandonnées à ce dernier titre ; le nombre moyen d'élèves par classe y sera à la rentrée inférieur à vingt.

Service civil volontaire

Mme Fabienne Keller.  - En avril dernier, j'avais inscrit au rôle des questions orales sans débat une question sur la relance du service civil volontaire ; le Président de la République venait de vous confier, monsieur le haut-commissaire, un second commissariat à la jeunesse avec, dans votre lettre de mission, l'extension de ce service civil volontaire. C'était sans compter l'initiative du groupe RDSE qui, dans le cadre des nouvelles prérogatives dont bénéficient les groupes politiques au sein de notre assemblée, avait inscrit un débat sur ce sujet le 10 juin dernier. Je ne reviens donc pas sur les différents éléments qui définissent un service civil et qui ont été longuement débattus, son caractère obligatoire ou non, sa durée, la rémunération des jeunes, les objectifs d'insertion professionnels.

Nous aurions pu évoquer aussi les dispositifs proches, comme le service militaire adapté outre-mer, les places en Épide ou les pompiers volontaires. Le 10 juin, vous avez évoqué la création d'ici plusieurs années de 50 000 places pour le service civil, soit 10 % d'une classe d'âge, ce qui semble un objectif à la fois ambitieux et réaliste, à mettre en rapport avec les 2 800 jeunes concernés actuellement. Pourriez-vous nous préciser dans quel calendrier et selon quelles modalités cet effectif de 50 000 volontaires pourrait être atteint ?

Le 10 juin, vous avez jugé inconcevable qu'il n'y ait que 185 jeunes en service civil mobilisés en faveur de l'environnement. De fait, nous connaissons tous les enjeux colossaux de la réduction des gaz à effet de serre de 20 % d'ici 2020. Au-delà de la question du financement, l'information de tous les occupants, propriétaires ou locataires sur la performance énergétique de leur logement, joue un rôle primordial pour créer la prise de conscience et accélérer les prises de décision. Lors de sa venue à Strasbourg, le 10 mai dernier, Mme Jouanno avait laissé entendre qu'elle réfléchissait à la création d'un service civil environnemental. Ma question est la suivante : comptez-vous dégager une véritable synergie entre le développement du service civil volontaire et la mise en oeuvre des grands chantiers environnementaux ? Quelles modalités envisagez-vous ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse.  - La question est vraiment d'actualité : cet après-midi se terminent les travaux de la commission de concertation dont j'espère qu'elle approuvera un service civil ambitieux, et je rencontre tout à l'heure Mme Jouanno.

Le Gouvernement est effectivement attaché aux deux dimensions que vous avez évoquées. Si l'on veut que le service civil ait une vraie influence sur la société, il faut qu'une proportion significative de la classe d'âge soit concernée. Beaucoup ici en sont d'accord mais il faut avancer graduellement. J'espère revenir bientôt avec des crédits de telle façon que, fin 2009, nous puissions envisager 10 000 volontaires. Je n'ai guère d'inquiétude alors pour le succès de ce service.

J'aurai encore moins d'inquiétudes si nous centrons ce service civil sur des causes qui le méritent et qui rendent un réel service au pays. Pour les jeunes, pas de doute, la cause la plus importante, c'est la sauvegarde de la planète et, donc, la dimension environnementale est centrale dans ce service civil. Il faut aider les ménages, les personnes âgées à faire un diagnostic énergétique, à obtenir les aides existantes puis à passer à l'acte. C'est un enjeu écologique, économique, qui, en même temps, offre aux jeunes une formation d'avenir. On peut favoriser ce genre de service civil avec des aides des collectivités locales et de l'Ademe, et j'espère bien que nous serons dépassés par l'ampleur du succès de ce service civil. Je vous remercie d'avance de votre soutien.

Mme Fabienne Keller.  - Merci de votre réponse et de votre énergie dans la mise en place d'un service civil adapté aux besoins. Je vous assure de mon soutien, un soutien partagé par beaucoup sur tous les bancs. Nous sommes conscients du coût budgétaire qu'aura le développement d'un tel service civil, surtout du fait de la rémunération des jeunes. Je vous remercie chaleureusement d'avoir compris qu'il y avait dans l'environnement un gisement de formations à des métiers d'avenir et je vous souhaite plein succès pour cet après-midi et pour les négociations budgétaires à venir.

Prix de journée dans les Ehpad

M. Didier Guillaume.  - Ma question porte sur le prix payé par nos anciens dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le 6 février, le Président de la République a évoqué les enjeux que représentaient la vieillesse et le cinquième risque. Mais les choses n'avancent que trop lentement, ce qui est gravissime pour nos personnes âgées. Aujourd'hui, les Ehpad abritent des hommes et des femmes qui ont connu la guerre et les privations. Ils y entrent en moyenne entre 82 et 85 ans ; ce sont souvent d'anciens commerçants, artisans ou agriculteurs qui, ayant travaillé à une époque où les cotisations sociales n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui, touchent aujourd'hui de très faibles retraites.

D'après un récent sondage du Parisien-Aujourd'hui en France, nos concitoyens s'inquiètent de la situation des personnes âgées et d'éventuelles maltraitances, ne serait-ce que psychologiques, dont elles seraient victimes. Ils s'aperçoivent que les maisons de retraites sont réservées à ceux qui ont beaucoup d'argent et que, pour les autres, même avec l'APA, les retraites ne suffisent pas à les payer.

J'ai regretté qu'hier au Congrès du Parlement, le Président de la République -dont j'ai pourtant partagé certains constats- n'ait pas évoqué l'enjeu que représente l'accompagnement de nos anciens. Dans le département que je préside, la Drôme, par exemple, un quart de la population a plus de 65 ans. Il manque donc des places en établissements !

Le financement des Ehpad est réparti en trois blocs : l'hébergement est à la charge des résidents, la dépendance à celle des départements et les soins à celle de l'assurance maladie. Pour les départements, les frais d'APA augmentent terriblement, d'autant que l'État n'en paye plus que 25 %, contre 50 % initialement, le reste étant à la seule charge des conseils généraux. Les frais de mise aux normes, notamment de sécurité, augmentent sans cesse et l'ensemble de ces charges et remboursements d'emprunt sont imputés sur le seul prix de journée. Or, ces travaux de mise aux normes profitent également à la dispense de soins. Ne pourrait-on, en conséquence, les répartir également sur le volet « soins » du financement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.  - Bien évidemment, le Gouvernement est conscient du vieillissement de la population et le Président de la République a parlé hier des retraites... Rappelons-nous que l'espérance de vie atteint maintenant 81 ans, ce qui est une bonne chose, mais ce qui nous oblige à prendre des mesures pour mieux accompagner les personnes âgées dans notre pays. C'est un devoir de solidarité.

Le tarif hébergement des maisons de retraite, à la différence du budget de soins et de dépendance de ces établissements, n'est pas, par principe, à la charge de la collectivité puisqu'il correspond aux charges de logement des intéressés. La politique des pouvoirs publics, c'est-à-dire des collectivités locales et de l'État, n'a pas pour but de se substituer aux usagers pour les charges qui leur reviennent. Elle doit, en revanche, permettre aux personnes âgées dépendantes d'accéder à des établissements de qualité en apportant le soutien financier nécessaire aux plus modestes et en accompagnant, au travers des mécanismes fiscaux et de l'aide directe à l'investissement, le développement et la modernisation des établissements.

A cet égard, l'État s'est montré particulièrement actif ces dernières années pour favoriser l'investissement dans les Ehpad et maîtriser le reste à charge. Ainsi, depuis 2006, ces établissements ont accès au prêt locatif social et bénéficient à ce titre de la TVA à taux réduit à 5,5 % sur les travaux, bénéfice qui a été étendu par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit opposable au logement. L'admission aux prêts locatifs sociaux permet également l'exonération de taxes foncières pendant 25 ans et ouvre le droit à l'allocation personnalisée au logement pour les résidents. Cela réduit le coût d'investissement, modère le reste à charge des résidents et garantit l'accès de personnes à revenus modestes dans ces établissements.

En outre, en écho aux recommandations de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a, pour la première fois, autorisé l'utilisation des crédits d'assurance maladie pour couvrir les frais financiers induits par les opérations de modernisation. Enfin, depuis 2006 et la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, près d'un milliard d'euros a été affecté aux aides à l'investissement destinés aux Ehpad.

L'effort de l'État -50 à 70 millions par an- a été multiplié par quatre par rapport aux montants antérieurement engagés au titre des contrats de plan État-région. Sur les trois dernières années, plus de 800 Ehpad ont été aidés pour un montant moyen supérieur à un million d'euros. De ce fait, la modernisation du secteur a été fortement accélérée et ces subventions ont permis de réduire le tarif acquitté par l'usager, puisqu'une subvention de 20 % réduit la facture de l'usager de plus de 100 euros par mois.

En tenant compte de l'effet de levier des subventions accordées et, en 2009, de l'effet additionnel du plan de relance, l'effort global représente, en quatre ans, plus de 5 milliards de travaux dans ce secteur. C'est également un soutien puissant pour le secteur du bâtiment.

Mais le Gouvernement a parfaitement conscience que les enjeux les plus importants du vieillissement sont encore à venir et que notre système de protection sociale n'est pas adapté pour y faire face. C'est pourquoi une réflexion est engagée afin de mieux prendre en charge la perte d'autonomie. Augmenter le nombre de places en établissements médicalisés et réduire le reste à charge des usagers nécessitent d'identifier de nouveaux financements pérennes et innovants dans un contexte difficile. Plusieurs hypothèses techniques sont actuellement à l'étude qui font appel simultanément à la solidarité nationale, à la solidarité familiale et à la responsabilité individuelle afin de manifester concrètement la solidarité que nous devons à nos aînés.

M. Didier Guillaume.  - Je peux être d'accord avec tout ce que vous venez de dire mais, si les gestionnaires ont reçu des aides, au bout du compte, nos personnes âgées et leurs familles, elles, ont vu le prix de journée augmenter. Si aucun effort supplémentaire n'est fait, nous allons dans le mur car, en cette période de crise et de chômage, les enfants ne peuvent pas davantage payer que leurs parents. Un effort de solidarité est nécessaire de la part de l'État. Dans mon département de la Drôme lorsque nous signons une convention tripartite avec les Ehpad et l'assurance maladie, nous sommes confrontés à ce dilemme : faut-il augmenter le prix de journée, ou le diminuer pour le rendre accessible aux plus modestes mais au risque de ne pas être conformes aux normes imposées ?

C'est un sujet de société. J'espère que le Gouvernement fera route vers le cinquième risque. Nous devons la solidarité nationale à nos anciens.

Accueil des enfants de 2 à 3 ans en maternelle

Mme Samia Ghali.  - Selon tous les rapports de l'éducation nationale, les élèves de ZEP scolarisés tôt réussissent mieux en CP. Selon les personnels de la protection maternelle et infantile, la scolarisation précoce est indispensable à l'éveil et au développement de l'enfant dans les familles où l'intervention sociale est nécessaire.

Les pouvoirs publics ont longtemps privilégié une approche souple et pragmatique. Or, si les enfants de moins de 3 ans étaient près de 37 % à être scolarisés en 2002, ils ne sont plus que 22 % aujourd'hui. Même dans les quartiers les plus défavorisés, les familles se heurtent à des refus. Pour ces populations en grande difficulté, l'école publique et gratuite assure pourtant l'éveil et les premiers apprentissages.

Il faudrait renforcer formation des personnels et le ratio d'encadrement pour mieux accueillir ces enfants à l'école maternelle. Or votre réponse a été d'expérimenter, depuis septembre, dans le département du Rhône, la prise en charge payante des enfants de 2 à 3 ans dans des jardins d'éveil. Début avril, vous avez annoncé l'expérimentation de 8 000 places payantes en jardins d'éveil. Dans quels locaux ? Dans quelles conditions ? Avec quel encadrement, quels personnels ? A quel coût pour les familles et les collectivités territoriales ?

Mère d'un enfant de 20 mois, je connais les problèmes de garde d'enfants. Il faut davantage de places en crèche ! Par principe et par économie, vous abandonnez la scolarisation des enfants de moins de 3 ans. La généralisation de structures payantes, ne répondant pas aux exigences du service public de l'éducation, nous inquiète.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.  - Le Président de la République m'a confié la mission de développer 200 000 offres de garde supplémentaires pour accompagner notre natalité, la plus forte d'Europe. Selon la Dress, le coût des modes de garde a baissé de 4,5 % par an entre 2002 et 2007, soit 24,37 % en cinq ans, grâce à la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), le crédit d'impôt pour les familles modestes, les aides fiscales.

L'école maternelle à 3 ans est une exception mondiale. La plupart des études -y compris celles commanditées par Mme Royal !- démontrent qu'il est néfaste de scolariser trop tôt les enfants, exception faite des quartiers difficiles où les enfants ne sont pas pris en charge. L'accompagnement n'est pas le même que dans les modes de garde traditionnels. Un enfant de 2 ans est un bébé ! Dans un jardin d'éveil, contrairement à l'école maternelle, il n'est pas obligé d'être propre.

Ce sujet a fait l'objet d'un rapport sénatorial de Mme Papon et de M. Martin, et d'une large concertation avec les acteurs de la petite enfance et les collectivités locales. Loin de concurrencer la maternelle, les jardins d'éveil visent à diversifier les modes de garde. Plus souples à mettre en oeuvre, ils reposent sur la mutualisation des moyens : une mairie, mais aussi une association ou une entreprise, pourra mettre en place un jardin d'éveil si elle dispose de locaux. Le coût moyen d'une place sera de 8 000 euros par an, contre 13 000 en crèche. Tout le monde y gagne : les collectivités locales, la Cnaf, les parents, qui paient en fonction de leurs revenus, les entreprises.

L'encadrement sera resserré, avec des groupes de douze à 24 enfants ; il y a aura trois encadrants, avec la possibilité de deux mi-temps supplémentaires. Le fonctionnement sera évalué annuellement.

D'ores et déjà, les candidatures se bousculent. Je vous enverrai la méthodologie, téléchargeable sur les sites de la Cnaf ou du ministère. Ce dispositif est un atout pour les collectivités locales et pour les familles. Il répond à l'exigence d'un encadrement privilégié pour les tout petits.

Mme Samia Ghali.  - Je suis mère de quatre enfants -l'aîné a 18 ans, et passe son bac en ce moment même (sourires), le dernier a 20 mois. Si je suis d'accord avec vous sur le fond, je crains les inégalités entre communes riches et communes pauvres. Certains quartiers de Marseille ne risquent pas d'accueillir des jardins d'éveil...

Certes, à 2 ans, mieux vaut être gardé par une nounou ou aller en crèche. Mais quid d'un enfant né, par exemple, en mars ? Vaut-il mieux qu'il soit scolarisé à 2 ans et demi, ou qu'il attende devant la télévision d'avoir 3 ans et demi ?

Le Président de la République veut renforcer l'école de la deuxième chance ; donnons déjà des moyens à celle de la première chance ! En ne scolarisant un enfant qu'à 4 ans, on accumule les retards.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Bonne chance à votre fils qui passe le bac ! (Sourires) Vous avez quatre enfants, j'en ai trois : nous avons toutes deux l'expérience des modes de garde !

Les secteurs déficitaires, notamment en milieu rural ou dans certains quartiers, seront aidés par la Cnaf, à hauteur de 3 200 euros, pour développer les modes de garde. Dans la convention d'objectifs et de gestion signée avec la Cnaf, l'État apporte 1,3 milliard d'euros. Avec Fadela Amara, nous avons prévu une ligne budgétaire de 30 millions pour le développement des modes de garde dans 215 quartiers prioritaires. Les appels à projets sont lancés ; je suis prête à regarder avec vous les secteurs qui vous intéressent.

La tenthrède cibdela janthina à La Réunion

Mme Anne-Marie Payet.  - La tenthrède cibdela janthina a été introduite à la Réunion pour lutter contre la vigne marronne, implantée par un curé métropolitain qui espérait produire lui-même son vin de messe. Porté par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et financé par la région, ce projet est lancé en février 2008 après une étude concluant que la larve de tanthrède se nourrit exclusivement de feuilles de vigne marronne, sans risque de propagation aux autres végétaux. Débarrassées de cette peste végétale, les zones concernées -Bois Blanc et la Rivière de l'Est, sur la commune de Sainte-Rose- seraient progressivement colonisées par les plantes endémiques. Mais Cabi Bioscience, organisme de recherche spécialisé dans la lutte biologique, préconise des tests complémentaires avant un lâcher dans le milieu naturel, ce qui a conduit la région à émettre un avis réservé.

Il est notamment regrettable que les apiculteurs de La Réunion n'aient pas été consultés.

Certains apiculteurs réalisent jusqu'à 40 % de leur production à partir du nectar de la vigne marronne. Or, leurs pertes potentielles n'ont pas été chiffrées et aucun programme de compensation n'a été prévu. Si l'abeille venait à disparaître de ces régions, l'impact sur l'agriculture serait d'autant plus considérable que 60 % de la production légumière et fruitière dépend de la pollinisation par ces insectes.

En 2009, la biodiversité n'a pas retrouvé sa place. Les larves de tenthrèdes détruisent la vigne marronne beaucoup plus vite que prévu et les terres nues sont très vite recolonisées par d'autres espèces envahissantes. Les tenthrèdes adultes, avides de nectar, concurrencent les abeilles. Dans les zones concernées, la récolte de miel de baies roses de certains apiculteurs a chuté de plus de 80 %. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre, notamment pour remplacer le programme d'introduction de la tenthrède par un programme d'éradication ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Michel Barnier, qui se trouve à Luxembourg pour le conseil des ministres européens de l'agriculture et de la pêche, vous prie d'excuser son absence.

La vigne maronne, introduite à La Réunion vers 1840, est l'une des espèces exotiques les plus envahissantes. La lutte contre cette plante a été rendue obligatoire par un arrêté ministériel du 31 juillet 2000. En complément de la lutte mécanique et pour limiter le recours aux herbicides, une solution biologique a été recherchée afin de préserver l'environnement et la santé, ainsi que la biodiversité et les équilibres biologiques. Un programme de recherche financé par le conseil régional a montré que la tenthrède cibdela janthina ne menaçait ni l'agriculture ni l'environnement. Selon les tests, ses larves ne s'attaquent pas aux principales plantes d'intérêt agricole, horticole ou patrimonial, et aucune interaction négative avec d'autres espèces n'a été décrite. En janvier 2008, après avis favorable du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel, cet insecte a été lâché en milieu naturel.

La tenthrède est actuellement présente sur 20 000 hectares au sud et à l'est de l'île. A Bois-Blanc, les deux tiers des pieds de vigne maronne sont détruits et peu d'adultes de tenthrèdes sont encore observables. Ces insectes devraient donc disparaître au fur et à mesure de la régression de la vigne marronne. En outre, selon une récente étude de terrain, la pollinisation s'est bien effectuée en leur présence. A la demande du préfet, le Cirad a proposé aux apiculteurs de mener dès que possible une série d'expérimentations afin d'observer les interactions entre tenthrèdes et abeilles dans les activités de butinage. En forêt, la vigne maronne devrait être remplacée par des espèces indigènes dont plusieurs ont un intérêt mellifère reconnu, permettant ainsi de produire un « produit pays » labellisé.

Mme Anne-Marie Payet.  - Le Cirad a déclaré il y a quelques jours qu'il y avait eu une incompréhension dès le départ : il ne savait pas que la vigne maronne servait à la production du miel local. En outre, selon les observations préalables effectuées à Sumatra, les tenthrèdes ne devaient pas s'attaquer aux espèces botaniques d'intérêt apicole ou agricole, contrairement à ce qui se passe actuellement à La Réunion pour les petits pois et les fleurs de citrouille.

Il faut protéger la filière apicole de La Réunion, dont le professionnalisme a été reconnu par une médaille d'or au salon de l'agriculture. En outre, la vigne marronne doit être remplacée par d'autres espèces car des pestes végétales encore plus difficiles à éradiquer, tel le tabac boeuf, commencent à s'implanter.

Vétusté de la maison d'arrêt de la Santé

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je vous prie d'excuser l'absence de Roger Madec, retenu pour des raisons indépendantes de sa volonté.

Le XIVe arrondissement de Paris abrite l'une des prisons les plus médiatiques de notre système judiciaire, la maison d'arrêt de la Santé, qui reste cependant l'une des plus délabrées de France. Construite en 1867, elle n'est plus conforme aux normes d'hygiène et de sécurité. Dans cette petite structure, qui regroupe un centre de détention et un quartier de semi-liberté, les conditions de vie sont inacceptables.

Le bâtiment a subi une détérioration irréversible, qui s'est accélérée ces dernières années. Deux blocs sur quatre ont dû être fermés en 2006 pour raisons de sécurité. Depuis, aucune rénovation, transformation ou reconstruction n'a été entreprise. Cette grande vétusté a pour conséquence une insalubrité croissante : les murs s'effritent, les plafonds s'écroulent. La maison d'arrêt tombe en ruine. Du fait du manque de locaux adaptés, il n'est pas possible de proposer un programme de formation, comme la loi le préconise. Il en est de même pour le travail et les activités sportives en extérieur. Les détenus ne disposent que d'une salle de musculation.

La restructuration de la Santé est à l'étude depuis 2000. Des travaux de rénovation, estimés à 150 millions d'euros, ont été programmés pour 2008, mais après un audit mené dans le cadre de la révision générale des politiques publiques la rénovation a été reportée à 2013-2016. Dans cette attente, les conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire se détériorent. Les grèves du mois de mai dernier témoignent d'un profond malaise, dû à la pénibilité de leur travail.

Depuis trente ans, les rapports sur les prisons françaises se suivent -rapports d'enquêtes parlementaires de 2000, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, de l'Observatoire international des prisons-, sans grand effet sur les conditions de détention. La France est régulièrement condamnée à ce sujet par la Cour européenne des droits de l'homme, et critiquée dans les rapports de l'ONU et du Comité européen de prévention de la torture. Depuis 1991, ce dernier y dénonce des « traitements inhumains et dégradants ». Hier à Versailles, les parlementaires réunis en Congrès ont entendu le Président de la République s'indigner sur l'état de nos prisons, qu'il a qualifié de honte pour notre République -ce qui nous rappelle le titre du rapport de la commission du Sénat, Prisons : une humiliation pour la République.

Le ministère de la justice ne finance que 771 000 euros sur les 150 millions du projet de réfection. On est bien loin des promesses du Gouvernement, qui souhaitait en 2005 la réhabilitation de la Santé ! Quelles sont les dispositions prévues pour honorer les engagements de l'État en ce sens ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - J'ai déjà répondu plusieurs fois à des questions concernant la maison d'arrêt de la Santé. La description que vous en faites est juste.

Cet établissement, d'une capacité originelle de 1 204 places, comprend deux quartiers distincts : le quartier haut et le quartier bas. Toutes les cellules sont équipées de wc et de lavabos, mais les douches sont collectives. Du fait de la détérioration irréversible du bâtiment, trois blocs de détention ont dû être fermés, réduisant la capacité de détention à 455 places. L'établissement abrite actuellement 573 détenus. Le projet de rénovation a été évalué fin 2008 et des études de faisabilité sont en cours. Dans l'immédiat, il s'agit d'identifier les actions à mener pour garantir le fonctionnement de la partie du site encore en activité et préserver la capacité d'accueil.

Il a été question de fermer cette maison d'arrêt au profit de l'agrandissement de l'établissement de Fleury-Mérogis. J'ai toutefois souhaité la maintenir, dans l'intérêt des tribunaux environnants, ainsi que pour les audiences tardives au palais de justice de Paris et dans le cas de procès lourds, importants.

Des travaux ont été engagés en 2008 et 2009 : 771 000 euros pour l'extension et la rénovation du quartier de semi-liberté, puis dans le cadre du plan de relance 100 000 euros pour des études, 36 000 pour la rénovation électrique, 36 000 pour la sécurisation, 64 000 pour la protection contre les risques d'incendie. Le suivi médical des détenus se fait au sein de l'unité de consultation et de soins ambulatoires de l'établissement, qui dépend du centre hospitalier Cochin -l'administration pénitentiaire n'a plus la compétence sanitaire depuis la loi de 1994. L'établissement offre de nombreuses activités socio-éducatives aux détenus, grâce à l'intervention et au dynamisme de nombreux intervenants extérieurs : cours organisés par l'éducation nationale, depuis l'alphabétisation jusqu'à la préparation du baccalauréat et aux études supérieures ; ateliers d'arts plastiques, conférences d'histoire de l'art par des intervenants du musée du Louvre ; concerts, ateliers de théâtre, atelier vidéo piloté par des intervenants du Musée Carnavalet, initiation à l'informatique, activités sportives, formation bureautique. Le pôle emploi et une association d'insertion professionnelle tiennent une permanence. Les détenus peuvent ainsi préparer leur future réinsertion professionnelle. Et ils peuvent travailler, mais j'admets que le nombre des activités se heurte aux contraintes du bâtiment ; les travaux de rénovation n'y changeront pas grand-chose. Les établissements nouvellement construits intègrent la nécessité d'une activité professionnelle et comprennent donc de grands ateliers, mais ce ne peut être le cas des locaux existants de la Santé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les chiffres que vous annoncez sont loin des 150 millions d'euros nécessaires à la réfection totale de la maison d'arrêt telle que prévue en 2005... C'est peut-être la dernière fois que nous vous voyons ici dans le cadre de vos fonctions ministérielles, nous serons donc attentifs à l'action que mènera votre successeur et je forme des voeux, madame Dati, pour votre action européenne.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je vous en remercie. Vous avez à coeur comme moi l'amélioration des conditions de vie en prison, nous avons travaillé ensemble en ce sens et je conserverai un bon souvenir de nos débats. Dans le cadre européen, j'espère que nous pourrons nous retrouver pour faire progresser ces sujets !

M. le président.  - Mme la garde des sceaux nous donne encore ce matin le témoignage de son assiduité à nos séances et de son écoute ; nous l'en remercions.

Regroupement de services à l'hôpital Ambroise Paré

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le projet de regroupement des services de réanimation chirurgicale et médicale de l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne a été programmé pour 2012. Un nouveau bâtiment doit être construit afin d'accueillir ces deux services dans de parfaites conditions de sécurité et d'hygiène, conformément aux recommandations du décret de 2002 sur les règles d'exercice de la réanimation. Les locaux actuels de la réanimation chirurgicale et de la réanimation médicale ne sont pas aux normes.

Et pourtant en janvier dernier, l'AP-HP a décidé de fusionner les gardes de réanimation médicale et chirurgicale d'Ambroise Paré, autrement dit de regrouper de manière anticipée les services dans les locaux actuels. Cette décision a choqué le personnel, qui refuse de travailler dans des conditions contraires à la qualité des soins et à la sécurité des patients. Le président du comité de lutte contre les infections nosocomiales d''Ambroise Paré a jugé lui aussi la décision « tout à fait incongrue ». Le 13 avril dernier, l'Agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France a émis un avis défavorable à ce regroupement anticipé qui selon elle va « dans le sens d'une dégradation des conditions de prise en charge des patients, uniquement en chambres à deux lits, et des conditions d'hygiène hospitalière par l'impossibilité d'isoler les patients susceptibles d'être porteurs de bactéries multirésistantes aux antibiotiques ».

Le personnel soignant se trouverait dans l'impossibilité de respecter les règles minimales d'hygiène visant à éviter les infections nosocomiales et la propagation des bactéries résistantes aux antibiotiques. Un groupe de cinq experts doit rendre ses conclusions lors du prochain comité d'hygiène et de sécurité de l'établissement, le 3 juillet prochain. La direction de l'hôpital maintient néanmoins le cap, sa directrice s'est même déclarée prête à « passer outre » cet avis. Or, aucun engagement ferme n'a été pris sur la construction d'un nouveau bâtiment. Monsieur le ministre, ce regroupement anticipé va-t-il être abandonné ? Et quelles garanties pouvez-vous nous donner que le nouveau bâtiment de réanimation verra bien le jour ?

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.  - Actuellement, les unités de réanimation médicale et chirurgicale se trouvent dans deux ailes distinctes de l'hôpital et à des étages différents. Le regroupement en une seule unité à vocation médico-chirurgicale répond au souci d'utiliser au mieux les moyens disponibles, sans attendre l'achèvement des travaux de construction, qui n'aura pas lieu avant 2011. Mme la ministre de la santé et des sports a demandé au directeur de l'ARS d'Ile-de-France un avis à ce regroupement anticipé, lequel a été tout à fait positif. Les conditions de prise en charge des patients ne seront pas altérées, puisque le regroupement se fera au sein de l'unité actuelle de réanimation médicale, parfaitement adaptée au traitement des infections lourdes. Vous regrettez qu'il y ait seulement des chambres doubles. Mais en cas d'infection grave, il sera tout à fait possible de fermer un lit et d'isoler le patient atteint. La configuration prévue permettra aussi, en cas d'épidémie nosocomiale, d'isoler et de transférer les patients entre les différentes unités de réanimation médicale et de soins continus.

Le regroupement anticipé favorisera le partage et le rapprochement des compétences médicales, notamment en matière de sécurité sanitaire. Les équipes médicales sont expertes dans la gestion des protocoles d'isolement préventif. Les conditions techniques et d'organisation devront bien sûr être clairement précisées.

La ministre de la santé a fixé des objectifs d'expertise et de sécurité sanitaire à l'ensemble des établissements hospitaliers du territoire. Sachez qu'elle est particulièrement attachée à la qualité de l'offre de soins et a demandé à l'ARS de suivre avec attention le bon déroulement de ce regroupement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Et le nouveau bâtiment ? Le regroupement anticipé est dangereux. Il ne suffit pas d'isoler le patient atteint pour éviter la propagation d'une infection nosocomiale ! Le personnel est déterminé ; certains envisagent de démissionner. Ils contestent la méthode comme l'objectif -la rentabilité financière. De tels regroupements deviennent la règle et cette vision de court terme met en danger le système hospitalier et en particulier l'hôpital de proximité. Le départ vers Georges-Pompidou du service de cancérologie pose le problème de l'équilibre et donc de la survie d'Ambroise-Paré, dont l'activité a pourtant été presque maintenue lorsque l'établissement a perdu 25 % de ses lits pour cause de désenfumage. C'est que cet hôpital répond à de nombreux besoins locaux ! Je suggère à Mme Bachelot de m'y accompagner pour s'en rendre compte.

Infirmiers libéraux

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je veux attirer l'attention du Gouvernement sur le dispositif de régulation démographique de l'offre globale de soins infirmiers entré en vigueur le 19 avril dernier. Ce rééquilibrage est issu de l'arrêté du 17 octobre 2008, portant approbation de l'avenant à la convention nationale des infirmiers libéraux conclu le 4 septembre 2008 entre d'une part, l'Uncam et d'autre part, Convergence infirmière, l'Union nationale des infirmiers, l'Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux et le Syndicat national des infirmiers libéraux. Il s'agit de réguler le nombre des professionnels exerçant en libéral sur le territoire national.

Il prévoit, dans les zones surdotées, un conditionnement de l'accès au conventionnement selon lequel toute nouvelle installation n'est possible « qu'à condition de compenser le départ d'un collègue » et, dans les zones très sous-dotées, des mesures d'incitation à l'installation et au maintien telles que le soutien matériel pour l'équipement du cabinet et la prise en charge des cotisations d'allocations familiales ; mesures portées dans le contrat santé solidarité signé entre le professionnel et l'assurance maladie.

Selon le récent classement réalisé par la mission régionale de santé du Centre, le Loiret, que j'ai l'honneur de représenter au Sénat, comprend 37 zones, parmi lesquelles aucune surdotée ou très sous-dotée. En conséquence, il est exclu du dispositif d'incitation alors même qu'il constitue l'un des départements les moins bien dotés : la densité y est de 52 infirmières pour 100 000 habitants, contre 85 en moyenne. Ainsi, l'accès aux soins est considéré normal malgré d'importants déséquilibres et la situation critique des cantons de Patay, Briare, Châtillon-sur-Loire, Châtillon-Coligny et de Château-Renard, classés en zone « sous-dotée », où l'insuffisance du nombre d'infirmiers y est flagrante.

Monsieur le ministre, quels sont les modes de calcul qui ont conduit à l'exclusion du Loiret de ce dispositif ? Quelles mesures prendra le Gouvernement afin de remédier à cette situation et favoriser l'installation et le maintien d'infirmiers dans ces cinq cantons ?

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.  - Par l'avenant à la convention nationale des infirmiers libéraux, les quatre syndicats de professionnels se sont engagés à réguler l'installation des infirmiers libéraux, dont la densité, de un à sept selon les départements, a pour conséquence de fortes inégalités d'accès aux soins. Cette démarche responsable s'est accompagnée, souligne Mme Bachelot, de revalorisations importantes des tarifs.

L'arrêté du 29 décembre 2008, après concertation avec les quatre syndicats d'infirmiers libéraux, a retenu pour critères de zonage le nombre d'infirmiers exerçant en ambulatoire et au sein des services de soins infirmiers à domicile, le taux d'activité des infirmiers, la structure de la population par âge et les caractéristiques géographiques de chaque canton ; critères à partir desquels chaque mission régionale de santé, en concertation avec les professionnels, a établi la classification.

Concernant la région Centre, les cinq cantons que vous évoquez ont été considérés sous-dotés et seules les quinze zones très sous-dotées, situées dans le Cher, l'Eure-et-Loir, l'Indre, l'Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher, bénéficieront du dispositif incitatif. Cependant, ce zonage n'est pas figé et évoluera selon les données de recensement de la population. Surtout, ce dispositif conventionnel fera l'objet d'un suivi attentif et d'une évaluation par les partenaires conventionnels et les pouvoirs publics. Cette évaluation tiendra compte des données locales qui n'ont pas été nécessairement retenues dans les critères actuels de classification.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce nouveau dispositif de régulation est très positif. Lors des débats sur la loi portant réforme de l'hôpital, certains sénateurs de gauche ont d'ailleurs soutenu le contrat de santé solidarité présenté par Mme Bachelot pour assurer une meilleure répartition territoriale des médecins. Concernant les infirmiers, je prends acte de cette réponse du Gouvernement avec une certaine déception. Tout de même ! Il est difficile d'expliquer aux élus et habitants de cantons où le manque d'infirmiers est notoire qu'ils ne pourront bénéficier du dispositif incitatif parce qu'ils ont le malheur de ne pas être classés en zone très sous-dotée. Pour autant, ce zonage, m'avez-vous indiqué, pourra évoluer et fera l'objet d'un suivi. Je formule le voeu que celui-ci soit rapidement mis en oeuvre afin de mieux prendre en compte les spécificités locales. Nous devons privilégier une vision plus large pour les zones sous-dotées. Puisse ce dispositif de solidarité, mis en oeuvre en bonne concertation avec les professionnels et prometteur faire l'objet d'une évaluation dès les prochains mois afin d'y apporter les améliorations nécessaires !

Revalorisation des retraites agricoles

M. Jean Milhau.  - Début 2008, le Président de la République s'est engagé à réduire « les poches de pauvreté » dans lesquelles se trouvaient certains retraités de l'agriculture. En effet, malgré des coups de pouce successifs depuis 1994, les retraites des conjoints, veuves et retraités ayant eu une carrière incomplète, étaient particulièrement faibles, pour ne pas dire indécentes. Selon les estimations de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole au 30 juin 2007, 91 % des veuves d'agriculteurs touchaient moins de 400 euros par mois, soit un montant inférieur au minimum vieillesse de 621,27 euros !

Face à cette situation et conformément aux conclusions du groupe de travail, un dispositif de revalorisation a été adopté en loi de financement pour 2009 afin de garantir un montant minimum de retraite égal, pour une carrière complète, à 633 euros par mois pour les chefs d'exploitation et les veuves et à 503 euros par mois pour les conjoints et les aides familiaux. Cette mesure, qui s'applique aux retraités ayant au moins 22,5 ans de carrière dans l'agriculture depuis le 1er janvier 2009, sera étendue à ceux qui totalisent au moins 17,5 années de carrière agricole à compter du 1er janvier 2011. Toutefois, la majoration cumulée au total des pensions versées ne peut dépasser un plafond de 750 euros par mois.

Cette mesure, qui avait suscité beaucoup d'espoir dans nos départements ruraux, se révèle très décevante dans son application. Tout d'abord, la prise en compte de la bonification pour enfant dans le calcul du plafond de 750 euros est injuste car cet élément constitue une compensation plus qu'un revenu. Ensuite, les majorations sont loin d'être à la mesure des attentes. Dans le Lot, sur 5 322 demandes traitées à ce jour, 52 % d'entre elles ont abouti à l'allocation d'une majoration de 24,53 euros par mois et 28,3 % à une majoration inférieure ou égale à un euro par mois... Malgré les efforts consentis pour revaloriser les petites retraites agricoles, notamment par M. Barnier, comprenez la déception des agriculteurs ! Quand le minimum garanti se situe à peine au-dessus du seuil de pauvreté, un vrai geste envers les retraités agricoles consisterait à prendre pour objectif le plafond de 85 % du Smic, au reste inscrit dans la réforme des retraites de 2003 pour tout salarié bénéficiant d'une retraite à taux plein. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il dans ce sens ? Comptez-vous assouplir les règles d'attribution et de calcul de la majoration décidée en 2008 afin d'augmenter le nombre de bénéficiaires en même temps que les sommes servies ?

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.  - Le Gouvernement a tenu l'engagement pris par le Président de la République en février 2008 avec l'adoption de deux mesures de revalorisation des retraites dans la loi de financement pour 2009.

Premièrement, la création d'un montant minimum de retraite, que vous évoquez, et qui s'applique depuis le 1er janvier 2009. Deuxièmement, l'extension à toutes les veuves du bénéfice de la réversion de la retraite complémentaire obligatoire de leur conjoint, qui s'appliquera à compter du 1er janvier 2010.

Le montant minimum de retraite permet de garantir aux agriculteurs, aux veuves et aux conjoints un montant de retraite égal au minimum vieillesse pour les retraités à carrière complète et proportionnel à la durée de cotisation pour les carrières incomplètes.

Cette mesure d'équité qui répond à une forte demande des associations de retraités, donne à tous ceux qui ont pris leur retraite avant 2002 les mêmes droits qu'aux autres et améliore le niveau de vie des veuves, dont la pension n'était jusque-là revalorisée qu'à partir de 32,5 années de cotisations, beaucoup n'ayant jamais bénéficié des améliorations précédentes.

Depuis le 1er janvier 2009, cette mesure bénéficie à ceux qui justifient de 22,5 années de carrière dans l'agriculture. A compter de janvier 2011, la durée de cotisation sera abaissée à 17,5 années. D'ores et déjà 176 000 personnes en ont profité. La revalorisation moyenne est de 30 euros par mois, elle est de 50 euros pour 20 % des bénéficiaires et de plus de 100 euros pour 6 % d'entre eux.

Cette mesure étant accordée sous condition de ressources et de durée de carrière, certains agriculteurs ont effectivement bénéficié de revalorisations moindres, parce qu'ils ont eu des carrières agricoles de plus courte durée ou qu'ils ont des pensions, tous régimes confondus, plus élevées que la moyenne nationale.

En tout état de cause, Michel Barnier a demandé à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole de dresser un bilan de cette mesure, au vu duquel des améliorations pourront être proposées. Dans ce cadre, le relèvement du plafond de ressources de pensions et l'exclusion de la bonification pour enfant de ce plafond de ressources pourront être étudiés.

M. Jean Milhau.  - Je souhaite que de telles mesures puissent être mises en oeuvre le plus rapidement possible. Imaginez les difficultés financières auxquelles se heurtent ceux qui ne peuvent bénéficier de ces dispositifs lorsqu'ils doivent être accueillis en établissements pour personnes âgées.

Fermeture du bureau de douane de Bâle-Mulhouse-Aéroport

Mme Patricia Schillinger.  - Le projet de réorganisation administrative de la douane du Haut-Rhin suscite bien des inquiétudes. Lors d'un comité mixte paritaire spécial, la quasi-fermeture du bureau de Bâle-Mulhouse a ainsi été décidée : sur les neuf agents travaillant à l'aéroport, deux seraient mutés à Mulhouse, le reste des effectifs étant absorbé par le bureau de Saint-Louis, tandis qu'une présence douanière serait maintenue à l'aéroport par deux à trois agents, détachés, à tour de rôle, dudit bureau. Les horaires d'ouverture seraient réduits, le bureau fermant à 17 h 30 au lieu de 19 heures.

Ce projet risque de mettre à mal l'efficacité du service douanier de proximité. Il alourdit la charge de travail des douaniers en les obligeant à réaliser la même masse de travail, sur une plage horaire réduite, avec des effectifs moindres. On aurait tort de penser que la dématérialisation des opérations permettra de se passer d'un service de proximité. Les opérateurs pourraient bien en effet se lasser et préférer, au vu de la lenteur croissante de la procédure, un dédouanement ailleurs que sur le sol français.

J'ajoute que ce projet aura un impact néfaste sur les conditions de travail des agents. Cela fait maintenant plusieurs années que le bureau de Saint-Louis absorbe régulièrement les effets des fermetures ou des réorganisations successives de postes. Or ce mouvement s'effectue sans qu'il soit véritablement procédé, ni à une redéfinition des missions du bureau de Saint-Louis, ni à une réorganisation approfondie des effectifs, d'où un certain nombre de tensions et de rivalités entre le personnel arrivant et le personnel déjà en poste.

Quelle est, monsieur le ministre, la position du Gouvernement sur ce sujet ? Quelles sont les véritables intentions de la direction générale des douanes concernant le bureau de Bâle Mulhouse ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre afin de préserver un service douanier efficace, offrant des conditions de travail décentes à ses agents ?

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Je vous prie de bien vouloir excuser M. Woerth, qui ne peut pas être là pour vous répondre.

La réforme du dédouanement est très importante pour l'activité économique de notre pays, car elle contribue à améliorer la compétitivité des entreprises, confrontées à une recherche permanente de réduction des coûts et des délais, sachant que les importations et exportations sont au coeur des processus industriels et commerciaux.

Les opérateurs du commerce international souhaitent légitimement dédouaner le plus rapidement possible, dans une relation de confiance avec l'administration des douanes. Il a ainsi été demandé au directeur général des douanes et droits indirects de s'engager dans la définition d'un nouveau schéma de dédouanement, adapté aux besoins de sécurité des consommateurs et de compétitivité des entreprises, soucieux du respect des équilibres géographiques et des conditions d'accomplissement des missions de contrôle.

Le processus de modernisation du dédouanement doit accroître la qualité du service rendu aux entreprises grâce à une dématérialisation des formalités douanières avec l'outil Delt@ et les téléservices du portail Prodouane ; une professionnalisation accrue des agents des douanes, avec la constitution au sein des bureaux principaux d'une cellule dédiée à la gestion des procédures de dédouanement et la désignation d'un référent douanier unique, interlocuteur privilégié des entreprises ; la promotion d'une nouvelle relation avec les entreprises les plus fiables.

Le nouveau schéma d'organisation du bureau de Bâle-Mulhouse-Aéroport vise à une meilleure répartition des tâches de gestion et de contrôle, en conservant un pôle de service public douanier adapté aux enjeux économiques et de nature à garantir une offre de service de qualité. Le transfert envisagé de la gestion des procédures au bureau de Saint-Louis-autoroute, loin de remettre en cause les facilités existantes, doit permettre aux opérateurs de bénéficier d'un accompagnement renforcé.

La direction régionale des douanes de Mulhouse a mis en place un processus d'accompagnement des professionnels du dédouanement de la plate-forme de Bâle-Mulhouse en maintenant une présence douanière pour les formalités qui n'auront pas encore pu être dématérialisées. Enfin, une brigade de surveillance des douanes de 28 agents est implantée sur le site pour assurer le contrôle des flux de voyageurs. Ce service pourra également participer, dans le cadre de la complémentarité des services, à l'accomplissement de certaines opérations de dédouanement pour les particuliers.

La politique de contrôle, quant à elle, sera pilotée, à la direction régionale, par un pôle spécialisé et relayée sur le terrain par la cellule de supervision des contrôles nouvellement créée au bureau de Saint-Louis-autoroute et qui aura pour mission de programmer, de cibler et d'assurer le suivi des contrôles menés sur le site aéroportuaire, dans le but de fluidifier le trafic des opérateurs, en adaptant la pression de contrôle au niveau de confiance accordé aux entreprises.

L'administration des douanes, enfin, accorde une attention particulière à la situation individuelle des agents concernés par des redéfinitions de structures. Un dispositif adapté d'accompagnement social a été finalisé, en concertation avec les organisations syndicales des douanes.

Mme Patricia Schillinger.  - Cette réponse me laisse insatisfaite. Le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure des implications économiques de cette réorganisation pour l'Alsace et des problèmes humains que pose le transfert des agents à Saint-Louis. N'oubliez pas que nous avons déjà perdu le bureau de Héningue et que celui de la commune d'Hégenheim, dont je suis maire, doit disparaître d'ici à la fin de l'année. Vos projets demandent à être revus.

Conditions d'attribution de l'aide au retour à l'emploi

Mme Colette Giudicelli.  - Si la philosophie du dispositif d'aide au retour à l'emploi est vertueuse, dans la mesure où elle doit assurer aux salariés brusquement privés d'emploi un revenu de remplacement leur permettant d'attendre dignement d'en retrouver un, il apparaît que cette allocation est versée alors même que la perte d'emploi résulte d'un licenciement pour motif personnel, y compris s'il découle d'une faute grave, d'une faute lourde, ou d'une sanction entraînant une mise à la retraite d'office.

C'est ainsi que des agents licenciés par une collectivité locale qu'ils ont lésée financièrement, en vertu de sanctions disciplinaires, souvent confirmées par les tribunaux administratifs, peuvent se voir verser cette indemnité. Il ne s'agit pas là de rumeurs ou d'interprétation partiale, mais bien d'actes graves et répétés, reconnus comme tels par les instances disciplinaires et juridictionnelles.

La gabegie de l'argent public, très pénalisante pour les collectivités de petite taille, est de surcroît récompensée par le versement d'une indemnité ! J'aimerais, monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur cette question. Ne vous semble-t-il pas opportun de revenir sur le dispositif, pour éviter qu'il ne bénéficie à des personnes coupables d'avoir lésé des collectivités ?

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - L'article L. 5422-1 du code du travail dispose qu'ont droit à l'allocation d'assurance chômage les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi et qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure.

Les cas de perte involontaire d'emploi concernent toutes les formes de perte d'emploi qui ne résultent pas de la volonté manifeste de l'agent.

Le caractère volontaire ou non du chômage est donc apprécié en fonction de la rupture du contrat de travail : si elle incombe à l'employeur, le chômage est toujours considéré involontaire, même après un licenciement pour faute du salarié. En effet, les allocations pour perte d'emploi constituant un revenu de remplacement et non des indemnités de licenciement, leur versement est dû en raison de l'activité antérieure.

Le versement de l'allocation chômage doit procurer à l'intéressé un moyen de subsistance, dans l'attente d'un nouvel emploi. L'éventuelle sanction de l'agent intervient via le licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire. Dans certains cas, l'indemnité de licenciement est supprimée.

Ainsi, tous les cas de licenciement ouvrent droit au versement de l'allocation chômage.

D'autre part, l'article L. 5424-1 du code du travail ouvre aux agents publics un droit à un revenu de remplacement, attribué dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités qu'aux salariés du secteur privé. Ces modalités sont désormais définies par la convention chômage du 19 février 2009, applicable à compter du 1er avril, sans modifier la réglementation antérieure. Il est ainsi précisé que « sont involontairement privés d'emploi ou assimilés les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte notamment d'un licenciement ».

Ces dispositions ont toujours été corroborées par le juge administratif au plus haut niveau, le Conseil d'État ayant notamment considéré, dans l'arrêt ville de Marseille rendu le 25 janvier 1991, que « Les motifs disciplinaires ayant entraîné la perte d'emploi ne sont pas de nature à eux seuls à exclure le caractère involontaire de cette perte d'emploi. La révocation présentant un caractère définitif doit être considérée comme incluse dans les hypothèses possibles de perte involontaire d'emploi ouvrant droit au bénéfice de l'allocation chômage ».

Je ne suis pas sûr de vous avoir répondu...

Mme Colette Giudicelli.  - Vous l'avez fait, et je vous en remercie.

Ma question portait sur la fonction publique, sujet que vous connaissez bien mieux que moi.

Son statut semble protecteur au point d'être parfois irritant. En l'occurrence, je m'étais engagée à vous interroger à la suite d'une affaire concernant un fonctionnaire de catégorie A. Bien que nos agents soient de grande qualité, certains ont un comportement déshonorant.

Travaux sur des bâtiments classés

M. Yves Détraigne.  - Je ne doute pas que vous ayez évoqué avec Mme Albanel les obligations qui pèsent parfois sur une commune devant réaliser sur ses bâtiments des travaux d'entretien ou de sauvegarde.

Le maire d'une commune de mon département m'a saisi, car il doit remettre d'urgence en état la toiture de son église classée, ainsi que la couverture de la mairie. S'agissant de l'église, les Bâtiments de France ont répété ce qu'ils avaient indiqué l'année dernière, à savoir que ce dossier prioritaire ne pourrait être traité, les aides de l'État étant épuisées. Il faudra donc renouveler cette demande en 2010, pour la troisième année consécutive. Quant à la mairie, non classée mais située dans le périmètre de l'église, l'architecte des Bâtiments de France impose à la municipalité le devis le plus onéreux en invoquant une « meilleure intégration dans le milieu proche ». Or, cette commune compte 173 habitants...

Le patrimoine municipal est donc mieux entretenu lorsqu'il ne comporte pas de monument classé, car la politique des Bâtiments de France conduit à repousser souvent des travaux indispensables ! Les collectivités territoriales ne comprennent pas que l'État impose des décisions sans assumer leurs conséquences.

Comment le Gouvernement entend-il mettre un terme à des pratiques guère compatibles avec les finances de l'État et des collectivités territoriales, qui handicapent celles-ci et nuisent à l'entretien de leur patrimoine ?

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Les crédits consacrés aux restaurations des monuments historiques varient fortement depuis plusieurs années, oscillant d'un exercice à l'autre entre 305 et 380 millions d'euros. Conscient des difficultés que rencontre actuellement le secteur des monuments historiques, le Gouvernement a mis en place, depuis la fin 2008, plusieurs mesures budgétaires d'envergure en ce domaine.

Conformément aux annonces faites le 4 décembre par le Président de la République, le patrimoine est au coeur du plan de relance économique, avec une enveloppe supplémentaire de 100 millions, en sus des crédits alloués dans la loi de finances initiale pour 2009.

S'exprimant le 13 janvier 2009 à Nîmes, le chef de l'État a souhaité pérenniser cette enveloppe exceptionnelle, afin que 400 millions d'euros soient désormais alloués chaque année à la conservation des monuments historiques.

Pour 2009, le ministère de la culture n'a retenu que des opérations susceptibles d'être réalisées, démarrées, accélérées ou achevées en 2009 grâce aux crédits complémentaires.

Le dossier que vous évoquez ne répondait pas à l'ensemble de ces critères, notamment quant à la date de démarrage des travaux. J'invite par conséquent le maire à renouveler sa demande à la direction régionale de Champagne-Ardenne pour la programmer en 2010.

L'architecte des Bâtiments de France intervient également aux abords des monuments historiques en application des articles L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine. Il s'assure qu'un projet de construction ou d'aménagement situé à moins de 500 mètres et dans le champ de visibilité d'un monument n'est pas de nature à porter atteinte à celui-ci. Son avis s'impose au maire, qui peut toutefois en saisir le préfet de région. Mme Albanel affirme son soutien au travail patient des architectes des Bâtiments de France sur le terrain pour préserver la qualité des espaces bâtis et paysagers et les abords de monuments, tout en sachant que certaines décisions peuvent ne pas être toujours bien comprises, malgré leur motivation architecturale et historique. Dans le cadre de la fusion des services départementaux et régionaux du ministère, elle a demandé à ses directeurs régionaux de veiller à ce que les avis soient discutés de façon plus collégiale et que le public en soit informé.

De manière générale, investir dans la qualité architecturale et l'insertion harmonieuse des constructions récentes dans le tissu ancien est profitable à tous et participe à l'attractivité de notre territoire.

M. Yves Détraigne.  - Je vous remercie pour cette réponse, bien qu'elle ne soit pas totalement satisfaisante, car il faut modifier notre réglementation.

Le patrimoine est peut-être une priorité pour le ministère de la culture, mais Mme Albanel m'a envoyé hier un courrier pour m'indiquer les sommes qui allaient être consacrées aux halles du Boulingrin. Situées à Reims, celles-ci ont été classées en 1990 alors que la municipalité voulait les détruire. Les crédits arrivent aujourd'hui, 19 ans plus tard ! Que feront le maire et ses 173 habitants pour la toiture de l'église, s'ils doivent attendre 19 ans ? Quels que soient les plans de relance, nous touchons là aux limites d'un système à revoir de fond en comble pour le rendre conforme aux moyens de l'État et des collectivités territoriales.

La séance est suspendue à midi et quart.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance reprend à 15 h 5.

Rappel au Règlement

M. Raymond Vall.  - Après le Congrès, la chaîne Public Sénat a organisé un débat auquel étaient conviés des représentants des différents groupes politiques de notre assemblée, à l'exception du RDSE, pourtant seul groupe de l'opposition à s'être exprimé à Versailles. Pourriez-vous m'indiquer les raisons de cette exclusion ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. le président.  - Le président du Sénat en référera à celui de la chaîne mais je ne doute pas que cet oubli sera réparé avant le prochain Congrès... (Sourires)

Débat sur les pôles d'excellence rurale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les pôles d'excellence rurale.

M. Jean Boyer, au nom du groupe de l'Union centriste, auteur de la demande d'inscription à l'ordre du jour.  - L'idée des pôles d'excellence rurale (PER) a été lancée en 2005 à la suite de la loi relative au développement des territoires ruraux. Ce dispositif a été initié par M. Sarkozy, alors ministre de l'économie et des finances, pour faire pendant aux pôles de la compétitivité destinés aux villes. Il s'agissait de donner un élan et un soutien aux projets émanant des territoires, de renforcer le rôle des collectivités territoriales et de développer des réseaux au sein des territoires et entre ces derniers.

Membre de la commission nationale de présélection, j'ai eu la chance d'être associé à cette aventure dès son début ; j'ai pu constater le formidable engouement que ce dispositif a suscité. Au total 791 dossiers ont été déposés et 379 retenus, soit bien au-delà des prévisions, pour un montant d'investissement de 1,2 milliard d'euros.

Alors que la date d'échéance de l'engagement des crédits est proche, il m'est apparu nécessaire de faire un bilan exhaustif des premiers PER. Une évaluation a été menée par le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux. Au Sénat, un groupe de travail a été constitué au sein de la commission des affaires économiques sous la présidence de M. Pointereau, qui rendra ses conclusions d'ici quelques mois ; il doit tirer le bilan des deux premières vagues de labellisation et proposer des voies d'amélioration pour les futures campagnes. Nous avons en outre déjà débattu du sujet en 2007 à l'initiative du président Émorine et lors des dernières discussions budgétaires.

Il est trop rare que monde rural rime avec excellence ; il est important qu'on reconnaisse, qu'on revendique cette excellence, d'autant que les PER sont la traduction concrète de la priorité politique accordée aux zones de revitalisation rurale (ZRR)...

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

M. Jean Boyer.  - ...qui sont, comme chacun le sait ici, caractérisées par la faible densité d'une population par ailleurs en déclin et une forte proportion d'emplois agricoles. Je suis élu d'un canton entièrement classé en ZRR, et j'ai partagé la fierté de ses habitants lorsque le label nous a été décerné. L'appellation doit être conservée, même si on a pu juger ici ou là que certains projets manquaient d'excellence ; il suffit parfois d'un détail pour mobiliser les populations et préserver des emplois. L'impact psychologique peut faire la différence. On compte sept PER dans mon département, dont celui de la Chaise-Dieu qui a permis la restauration des bâtiments abbatiaux du XVIIe siècle et le développement des activités du site hors la période du festival de musique. Un autre pôle, autour de la filière bois, connaît une réussite remarquable, qu'il s'agisse de l'utilisation du bois en écoconstruction ou du développement des énergies renouvelables.

On oublie trop souvent que les territoires ruraux sont attractifs et gagnent 50 000 habitants chaque année. La première génération de PER a permis une nouvelle dynamique, l'accélération de certains projets ou le lancement de projets en gestation sur le thème du patrimoine, un travail collectif, une amélioration de l'image des pays. Plus d'un milliard d'investissement a été réalisé ; 6 000 emplois ont été créés et près de 30 000 préservés. Il y a maintenant des projets d'investissement en attente dans le monde rural. Si 22 PER ont été abandonnés, 357 sont aujourd'hui engagés. Les résultats qualitatifs sont aussi au rendez-vous, d'autant que les territoires ruraux connaissent aujourd'hui un regain d'attractivité, territoires qui, en période de crise, apportent une contribution essentielle à une croissance durable. Le Président de la République a rappelé hier au Congrès la nécessité de poursuivre l'action en faveur du monde rural, qui joue un rôle de plus en plus important dans notre société. Avec les PER, élus, acteurs publics et acteurs privés ont travaillé ensemble et différemment.

Les PER sont organisés autour de quatre thèmes : la valorisation des patrimoines naturels et culturels, la valorisation des bioressources, le développement des services et de l'accueil et la diffusion des technologies en direction des entreprises.

Ces thèmes, tout à fait pertinents, ont permis de concrétiser un grand nombre de projets. Dans le seul département de la Haute-Loire, les PER couvrent l'intégralité des thèmes de l'appel à projets.

Le bilan du Conseil général de l'agriculture souligne que ces thèmes, qui ne sont pas encore obsolètes, doivent être maintenus. Je partage cet avis, même s'il faut les ajuster et donner plus de place aux services à la personne, aux maisons médicales par exemple. Pour maintenir et restaurer l'attractivité du monde rural, il faut une offre de soins de qualité sur l'ensemble du territoire.

Pour toutes ces raisons, je souhaite qu'une nouvelle génération de PER pérennise ce dispositif. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'un nouvel appel à projets pourrait être lancé en 2009 avec l'objectif de soutenir des projets de mutualisation de services publics innovants. Ce thème ne serait pas le seul. Le Premier ministre avait déjà évoqué le thème de l'agroalimentaire, lors de l'inauguration du 22e salon des productions animales à Rennes début septembre, et dans le cadre du Grenelle de l'environnement le développement durable et les énergies renouvelables devraient aussi être retenus. La priorité de l'action publique en territoire rural, c'est l'accès aux services publics.

Vous avez annoncé que, préalablement au lancement d'un nouvel appel à projets, les crédits alloués à la première vague devaient être utilisés en totalité. Pouvez-vous nous indiquez à quel niveau nous en sommes aujourd'hui ?

Je souhaite être rassuré sur la possibilité d'accorder une certaine souplesse dans le versement des fonds aux PER qui n'auraient pas respecté les délais, pour des raisons justifiées. En décembre 106 PER avaient un taux d'engagement inférieur à 60 %. Or la circulaire du 9 août 2007 précisait que les travaux devront dans tous les cas être achevés en décembre 2009. Beaucoup craignent de perdre des crédits à la fin de cette année si toutes les actions ne sont pas encore engagées. Dans certains cas, le retard peut être du à des législations précises et contraignantes comme la loi sur l'eau ou les règles d'urbanisme, pour lesquelles les délais d'instruction sont incompressibles. Au-delà de cette tolérance pour les PER retardataires, ne pourrait-on, à l'avenir, allonger le délai de réalisation de trois à quatre ans ?

J'ai déjà eu l'occasion de souligner, dans cet hémicycle, la complexité administrative des dossiers de PER, qui décourage les meilleures volontés. De même, la multiplicité des fonds concourant à leur financement rend celui-ci particulièrement obscur pour les porteurs de projets. La procédure d'attribution des offres est également trop contraignante. Il faut faire évoluer les règles de gestion des contributions, et les rendre plus souples. Plus que jamais, l'État doit s'efforcer de respecter ses engagements : il en va de la crédibilité de ces outils du développement local pour demain.

Une ligne budgétaire spécifique pour les PER aurait le mérite de la clarté par rapport à un fonds ministériel mutualisé, peu visible pour les porteurs de projets. En outre, si ces pôles ont mobilisé des fonds de l'État et des collectivités, les montants versés ont souvent été décevants par rapport aux enveloppes prévues au départ. Il a parfois fallu renégocier des plans de financement, certains aspects n'ayant pas été pris en compte lors du montage de l'opération et, dans certains cas, tous les financements n'ont pas encore été réunis.

Le délai accordé pour le montage des dossiers a été trop court. En tant que membre de la Commission nationale de présélection, j'ai pu noter la différence entre des projets visiblement prévus de longue date et des dossiers montés à la hâte pour profiter de l'aubaine. Il est indispensable de laisser au moins six mois aux porteurs de projets pour présenter leurs dossiers, afin que les partenariats entre les différents acteurs publics et privés soient clairement définis, et que le plan de financement soit réaliste. Au cours de cette phase de soumissionnement, les porteurs de projets doivent bénéficier de conseils et d'ingénierie pour les aider à monter leur dossier.

Je remercie les deux ministres qui, à l'époque, décidant de labelliser plus de pôles qu'initialement prévu, ont été à l'écoute du monde rural. Nous attendons avec impatience une deuxième génération de PER, qui fasse écho au dynamisme des territoires ruraux. J'adresse aussi mes remerciements au groupe de travail dont le capitaine vient d'un département et d'une ville, Vierzon, où l'on fabriquait autrefois des locomotives mais où maintenant on « fabrique » des sénateurs qui se battent pour les territoires ruraux. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Gérard Le Cam.  - Monsieur le ministre, vous avez annoncé, fin 2008, vouloir lancer un nouvel appel à projets de pôles d'excellence rurale pour soutenir la mutualisation de services publics innovants -comme les relais de service publics ou encore les maisons de santé- ainsi que le développement durable des territoires.

Ces pôles ont connu, lors de leur lancement, un vif succès comme en témoignent les 800 dossiers déposés en 2005. Ils étaient destinés à soutenir des initiatives locales, créatrices d'emplois et innovantes, autour de partenariats public-privé. Sur le territoire, 379 projets ont reçu le label en 2006. Dans le département des Côtes d'Armor quatre projets ont été labellisés concernant notamment l'amélioration de l'offre de soins, la production de biocarburants, l'agriculture durable et les nouveaux marchés, le cheval en Penthièvre. Le temps a manqué pour préparer les différentes actions parce que les difficultés s'accumulent parfois -coordination, permis de construire, normes, comités de défense contre les projets ; tout cela pénalise les finances et la bonne volonté des acteurs locaux. Les objectifs des PER correspondent à des faiblesses réelles du territoire et ils traduisent la volonté de compenser des politiques insuffisantes.

Par exemple, l'amélioration de l'offre de soins et la construction de trois maisons de santé répondent à un grave souci des élus locaux. Maire d'une commune proche de ce PER, je vais devoir accueillir la semaine prochaine un médecin roumain, car il est devenu impossible de faire venir des médecins français dans nos secteurs et ce n'est pas la loi HPST qui va régler le problème, loin s'en faut ! Construire des maisons de santé, c'est bien, à condition que des professionnels veuillent bien s'y installer demain !

« Le cheval en Penthièvre », un projet d'animation équestre autour du haras national de Lamballe tente de compenser l'affaiblissement progressif des effectifs des haras nationaux et la politique d'abandon du Gouvernement. A intervalle régulier, des menaces de fermeture définitive pèsent sur les deux seuls haras bretons subsistants : Lamballe et Hennebont.

Les pôles n'auraient pas besoin d'exister s'il n'y avait eu auparavant toutes ces politiques d'abandon de la ruralité. Le texte de loi relatif aux territoires ruraux voté en 2005 n'avait pas apporté de solutions efficaces. L'ensemble des projets labellisés, représentant un investissement global de 1,2 milliard, devait permettre de créer 35 000 emplois dont 13 000 directs, la participation de l'État étant de 235 millions. Dans votre bilan, monsieur le ministre, vous vous félicitez d'avoir mis en place « un outil concret au service de la relance grâce aux investissements et aux créations d'emplois », alors que lors du conseil des ministres du 13 mai, vous annonciez la création de seulement 6 000 emplois directs sur les 13 000 prévus. Moins de la moitié ! Aujourd'hui qui peut assurer que ces territoires ruraux connaissent la relance et le nouveau dynamisme tant souhaité lors de la mise en place de ces pôles ? De nombreux PER en sont encore au stade de la mise en place ! Comment le Gouvernement peut-il présenter un bilan si positif ?

Comme vous souhaitez lancer une troisième vague d'appel à projets, il est nécessaire de mettre en lumière les limites de cette politique. L'Union nationale des acteurs et des structures du développement local a émis quelques réserves sur le mode de sélection des projets. Au lieu d'encourager la coopération entre les territoires, ce système les met en concurrence. Il serait bon de définir de nouvelles modalités de sélection des projets candidats car le but est d'aménager le territoire harmonieusement et de manière solidaire.

Les pôles d'excellence rurale ne prennent en charge que l'investissement, non le fonctionnement des équipements réalisés. Leur rôle risque ainsi d'être trop ponctuel et de laisser à terme la charge totale des projets aux collectivités locales.

Cette labellisation s'ajoutant à de nombreuses procédures existantes comme les pays, les projets européens Leader Plus animés par les groupes d'action locaux ou le volet territorial des contrats de plan État-région, risque de perdre en lisibilité. La sélection des pôles, par l'État, est faite au détriment des collectivités territoriales, alors que ces dernières sont sollicitées pour compléter le plan de financement, notamment les régions, collectivités chefs de file pour l'aménagement du territoire et le développement économique. Les délais de mise en oeuvre des projets paraissent inadaptés aux contraintes locales : à ce jour, 357 PER ont effectivement engagé leur projet d'investissement, mais seuls 100 l'ont fait en totalité.

Il parait prématuré d'engager une nouvelle vague d'appel à projets tant que les projets labellisés n'auront pas été menés à terme. Je m'interroge aussi sur la gouvernance des différents pôles, PER ou pôles de compétitivité : l'imposition des partenariats publics-privés donne une place prépondérante aux entreprises privées, ce qui accentue la disparité entre les territoires. Ceux qui sont dotés d'entreprises dynamiques et pouvant investir dans les partenariats vont profiter de cette aubaine, au détriment des territoires qui ne le sont pas. La ruralité a besoin d'une égalité de traitement dans de multiples domaines. Complémentaire des zones urbaines, elle mérite mieux que des pôles d'excellence rurale. L'excellence est un « éminent degré de qualité, en un genre ». Sans vouloir atteindre ce niveau ponctuel et créer quelques arbres pour cacher la forêt, nous demandons le maintien des services de proximité et des services publics dans leur globalité : soins, sécurité, écoles, poste, communications, déplacements, soutien aux activités économiques, touristiques et agricoles. Nous sommes loin du compte et ce ne sont pas la réforme territoriale et la volonté de l'État de contraindre les dépenses des collectivités locales qui contribueront au renouveau des espaces ruraux. Il faut faire plus et mieux.

M. Rémy Pointereau.  - Le président Emorine a souhaité que la commission établisse cette année un bilan des pôles d'excellence rurale et formule des propositions. Un groupe de travail a été constitué, qui m'a fait l'honneur de me choisir pour présider ses travaux. C'est à ce titre que je voudrais remercier M. Boyer pour cette occasion qui m'est fournie de présenter quelques réflexions que je peux tirer des auditions que nous avons menées depuis notre installation, début avril.

Le développement se fonde de plus en plus sur la mise en valeur des atouts propres à chaque territoire et non sur des décisions centralisées déclinées uniformément. La France a su conserver un espace rural riche qui attire de nouveaux résidents. Pourtant la situation est très variable d'une région à l'autre : de nombreux territoires se sont retrouvés au fil des années livrés à eux-mêmes, à l'écart des grandes infrastructures de transports et des réseaux numériques. Sans locomotives à Vierzon, il nous reste à attendre l'arrivée du TGV.

Mme Nathalie Goulet.  - Et nous donc !

M. Rémy Pointereau.  - L'agriculture et l'artisanat restent les moteurs traditionnels de l'économie rurale. Une nouvelle économie résidentielle, fondée sur les services aux habitants et aux touristes, modifie les termes du développement rural. Du fait même de cette diversité, et compte tenu de la multiplicité des niveaux de décision, le territoire apparaît comme une échelle pertinente pour l'élaboration de l'action publique

Le territoire dont je parle c'est d'abord le bassin de vie, l'espace vécu quotidiennement par nos concitoyens comme par les entrepreneurs qui travaillent ensemble. La grande qualité de la politique des pôles d'excellence rurale, c'est qu'elle a favorisé les projets qui prennent en compte cette échelle. L'initiative et la conception du projet sont locales ; le contenu du projet est fondé sur la mise en valeur des ressources naturelles et patrimoniales ; la gouvernance associe les acteurs locaux, aussi bien publics que privés. Voilà une vraie nouveauté par rapport aux anciennes politiques d'aménagement du territoire fondées sur des schémas et des plans décidés d'en haut. Les PER ont fait confiance à l'intelligence territoriale : la capacité des territoires ruraux à être les acteurs de leur développement en menant des actions fondées sur leurs atouts propres. Qui, mieux que les entrepreneurs ou les élus locaux, peut voir que dans telle vallée une petite industrie agroalimentaire ne demande qu'à se lancer ; que, dans tel département, la géothermie et la biomasse permettent de développer de nouvelles activités ; qu'ailleurs, les ressources touristiques peuvent faire naître des projets de formation innovants ?

Parmi les enseignements que notre groupe de travail a tirés des auditions qu'il a menées, je retiens surtout l'investissement des acteurs locaux dans les projets dont ils ont eu l'idée et qu'ils animent tout au long de leur déroulement Tous nous ont signalé le dynamisme qui s'est manifesté lors des deux appels à projet de 2006 et 2007 : plus de 700 dossiers déposés en un temps record, dont 379 retenus. Il y avait eu le même enthousiasme lors de la création des pôles de compétitivité. Les pays, les communautés de communes, les parcs naturels régionaux ont montré leur capacité à monter des projets, malgré toutes les difficultés qu'imposait la brièveté du délai.

L'intelligence territoriale, cela ne doit pas signifier que l'État abandonne son rôle dans l'aménagement du territoire, dans la solidarité nationale et dans les grandes impulsions. L'État conserve un rôle essentiel : au lieu de faire, il fait faire. Il fixe des orientations mais fait confiance aux initiatives locales pour la définition précise des projets et pour leur mise en oeuvre.

La première génération des PER a privilégié la promotion des richesses patrimoniales, la valorisation des bioressources, l'offre de services, l'excellence technologique. L'État a orienté leur activité vers des priorités qui paraissaient pertinentes et il a apporté une reconnaissance, par un label qui fait connaître l'ambition du pôle. Il a mobilisé des financements et ses services. La Diact, ancienne Datar, a joué son rôle toujours moteur dans la modernisation des politiques d'aménagement du territoire Les préfectures ont été au contact des responsables de pôles et des maîtres d'ouvrage, en collaboration avec le Cnasea, aujourd'hui Agence de services et de paiement.

Les représentants de ces organismes, notamment le délégué interministériel Pierre Dartout, nous ont confirmé que les PER demeuraient un axe majeur de la politique de développement des territoires ruraux. Nous allons rencontrer les 10 et 17 juillet des acteurs locaux qui ont bénéficié du label PER. L'État s'est mobilisé, les PER bénéficient d'un soutien au plus haut niveau puisque le Président de la République fut à l'origine des PER lorsqu'il était ministre de l'intérieur en 2005. Monsieur le ministre Falco, vous êtes vous-même un excellent avocat des PER dont vous avez dressé un bilan positif au cours du conseil des ministres du 13 mai dernier.

Initiatives locales et soutien de l'État, ces facteurs de succès ne doivent toutefois pas masquer certaines limites du dispositif, qui pourrait être encore plus efficace. Début avril, vous nous avez fait l'honneur, monsieur le ministre, de répondre à notre invitation J'ai été particulièrement sensible à vos propos sur la nécessaire souplesse qu'il convient d'observer dans la gestion de ces pôles. Certains auront sûrement besoin de quelques mois de délai après la fin de l'année. N'abandonnons pas en route des initiatives prometteuses. Pourriez-vous confirmer cette volonté de souplesse ? Il s'agit d'un vrai sujet d'inquiétude pour un certain nombre de pôles. La question des modes de financement fait également l'objet de réflexions : des porteurs de projets manquent de visibilité sur l'origine et sur la disponibilité des fonds. Ne faudrait-il pas des fonds spécifiques ciblés PER ?

Il convient enfin de réfléchir aux thématiques futures. Vous savez à quel point les services publics et au public, dont vous êtes venu débattre ici-même le 26 mars dernier, sont un enjeu majeur en zone rurale. Le vieillissement crée des besoins particuliers en zone rurale où la population est souvent plus âgée et où les problèmes de déplacement sont plus aigus. Voilà un gisement d'emplois ! Le soutien aux personnes fragiles devant représenter un quart des créations d'emploi d'ici à 2015 selon le Centre d'analyse stratégique.

Les pôles d'excellence rurale sont l'un des moyens qui permettent à des territoires ruraux de se prendre en charge pour organiser leur développement mais ils ne peuvent tout faire. Les projets qui naissent localement doivent pouvoir compter sur des infrastructures de qualité, sur un marché de l'emploi local adapté, sur une réglementation qui leur facilite la vie. Notre soutien aux PER doit donc être compris comme une volonté de contribuer à un développement plus équilibré des territoires grâce à la conjugaison de toutes les dimensions de l'action publique afin de donner à chacun d'entre eux les chances d'exploiter ses atouts. Nous aurons l'occasion d'en reparler cet automne, lors de la remise de notre rapport. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Raymond Vall.  - Je remercie MM. Emorine, Boyer et Pointereau pour la création de ce groupe de travail et pour leur action. Nos relations avec le ministre Falco ont toujours été fructueuses. (Applaudissements sur les bancs RDSE) Nous nous sommes jetés à corps perdu dans cette bataille pour l'emploi et pour la compétitivité du territoire national, puisque vous avez voulu susciter et soutenir des projets innovants, créateurs d'emplois dans des territoires jusqu'alors délaissés. C'est tout l'intérêt de cette initiative, qui a redonné espoir aux territoires ruraux qui ont eu le sentiment d'avoir été oubliés, voire sacrifiés par l'explosion du nombre de pôles de compétitivité.

Quelques constats viennent tempérer cet enthousiasme. C'est ainsi que nous avons constaté un déficit d'engineering, un délai de réponse, la faiblesse de la coopération avec les chambres consulaires. Il faudra bien sûr tirer les enseignements de ce qui s'est passé. Il serait inconséquent que l'État labellise un projet qu'il reconnaît comme efficace et que, dans le même temps, il y ferme les services publics ! Il faudra donner plus de temps, encourager le choix d'une échelle territoriale correspondant à un bassin de vie ou d'emploi qui devra s'organiser en intercommunalité réunissant de 15 à 20 000 habitants. L'État devra subventionner le maintien des services publics sur ces territoires. (Vifs applaudissements sur les bancs RDSE) C'est la dernière chance pour la survie de la ruralité !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Très bien !

M. Raymond Vall.  - Monsieur le ministre, merci de votre écoute. Je souhaite que vos réponses nous donnent des raisons d'espérer ! (« Bravo » et applaudissements sur les bancs RDSE, ainsi que sur certains bancs au centre et à droite)

M. Paul Raoult.  - Je suis d'accord avec la plupart de ces propos lyriques : dans la majorité des zones rurales, ces projets ont apporté élan et espoir. Beaucoup de territoires s'y sont investis. Le parc de l'Avesnois, que je préside, compte deux projets : l'un autour de la pierre bleue et du bois, l'autre autour du maroilles. Le succès du film Bienvenue chez les Ch'tis laisse espérer un développement de la production de ce fromage, aujourd'hui plus faible dans le Nord qu'en Picardie. Or il y a un mois, une fois les bâtiments construits et les équipes en place, le projet « maroilles » a déposé le bilan... Comment tirer les leçons de cet échec qui me désespère ?

Tout d'abord, un manque d'ingénierie en zone rurale.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Paul Raoult.  - Nous manquons de matière grise, de gens qualifiés, capables de porter un projet à terme. Les frais de fonctionnement font reculer les communes et communautés de communes. Pour développer une activité économique concurrentielle, impliquant des entreprises privées, il faut de l'expérience et de la technicité.

En outre, les projets sont souvent portés par des intercommunalités à la capacité financière trop faible par rapport aux masses financières engagées, ce qui les expose à des problèmes de trésorerie, en attendant le versement des subventions. Il faudrait réunir plusieurs communautés de communes autour d'un même projet, mais on se heurte à des difficultés institutionnelles...

Il faut impliquer plus en amont les départements et les régions, obtenir leur appui, notamment en matière d'ingénierie et de financement. Il s'agit de projets d'intérêt général : les collectivités ne peuvent se contenter de distribuer des subventions pour des projets dont l'initiative appartient à l'État et aux communes !

La France n'a pas une longue tradition de partenariat public-privé ; il y a même une méfiance réciproque entre les deux secteurs. Il faut s'assurer de la pertinence d'un projet économique dans un monde de concurrence exacerbée, trouver les bons techniciens, les bonnes niches. Le décollage économique prend du temps, et exige des fonds de trésorerie. Peut-être faudrait-il des études de marché plus rigoureuses ?

Sans défaitisme, tirons les leçons des échecs. Peut-être faut-il promouvoir des projets plus simples, comme les relais de service public en zone rurale ou les maisons médicales ? L'idée de pôles d'excellence rurale doit être approfondie pour créer des dynamiques territoriales, associant tous les partenaires. L'émergence de projets territoriaux autour des économies d'énergie, dans l'esprit du Grenelle, serait positive, et pour l'environnement, et pour l'emploi.

Il faut une expression politique forte. Comment définir les conditions du développement local en milieu rural ? Comment passer d'une politique visant l'égalité et la cohésion des territoires à une politique de mobilisation des territoires comme facteurs de croissance, au risque d'accentuer les déséquilibres ? Peut-on à la fois viser l'efficacité et l'égalité dans la répartition des revenus ? Gare à ne pas laisser certaines régions de côté.

Se développent des régions rurales périurbaines purement résidentielles, sans mixité sociale, où l'on refuse les entreprises et les usines, concentrées dans des secteurs souvent urbains, pour rester « entre soi ». C'est une évolution dangereuse pour la cohésion territoriale et sociale : prenons garde à cette dissociation de la production et du revenu !

Enfin, je remercie nos collègues d'avoir organisé ce débat. Il aura été un point d'étape utile sur l'avancement de ces projets dont dépend l'avenir de nos régions rurales, et dont il faut assurer le succès. (Applaudissements à gauche et sur certains bancs au centre et à droite)

M. Claude Biwer.  - Les zones rurales attendaient l'équivalent des pôles de compétitivité en zone urbaine. Instaurés en 2005, les pôles d'excellence rurale ont connu un grand succès : sur 800 projets présentés, 379 ont été labellisés, entraînant plus d'un milliard d'investissements et créant ou maintenant au moins 30 000 emplois.

Ces PER ont permis de soutenir des initiatives de développement dans des domaines aussi divers que les bioressources, les services au public, les patrimoines naturels, culturels ou touristiques, et les entreprises innovantes. En Meuse, quatre projets ont été labellisés. Je remercie encore le Gouvernement d'avoir pris en compte celui que j'ai porté pour le Syndicat transfrontalier à vocation touristique qui rassemble des collectivités et associations de Meuse, de Meurthe-et-Moselle et de Belgique.

Ces pôles ont donné aux élus un outil pour encourager le développement économique de leurs territoires ruraux, mais leur mise en oeuvre ne fut pas toujours aisée. Le formalisme administratif et des délais un peu trop serrés ne nous ont pas toujours permis de démarrer en temps et en heure tous les projets envisagés. Votre administration nous a accordé des délais supplémentaires : je vous en remercie. Par ailleurs, les entreprises ont eu tendance à ne pas répondre à nos appels d'offres, sans doute parce que leurs carnets de commandes étaient, alors, bien remplis -ce qui a bien changé depuis que la crise économique et financière sévit.

Nous avons également rencontré des problèmes de financement. L'État n'a pas mobilisé des crédits supplémentaires mais procédé à un fléchage de crédits existants. En outre, les PER ne financent que les dépenses d'investissement et n'assurent pas le fonctionnement des équipements construits. Il faudrait peut-être combler cette lacune. Enfin, dans le cadre du plan de relance, il serait opportun de poursuivre l'expérience en labellisant de nouveaux projets ou, mieux encore, en autorisant des tranches supplémentaires pour les pôles en cours d'exécution. Monsieur le ministre, si vous preniez une initiative en ce sens, vous seriez certainement soutenu par l'ensemble de notre assemblée. Je vous remercie par ailleurs d'avoir accepté certaines modifications aux PER initiaux, parfois hâtivement bâtis. Enfin, je serai volontaire pour prolonger par de nouveaux projets le PER du Nord-Meusien transfrontalier.

Je tenterai, une fois de plus, de vous persuader de l'intérêt de créer des zones franches rurales. (Mme Nathalie Goulet approuve) Le cahier des charges des PER prévoyait que ceux-ci devaient concerner les zones de revitalisation rurale dont vous avez déclaré ici-même, voici quelques semaines, qu'elles bénéficient des mêmes atouts que les zones franches urbaines. Or si les premières bénéficient des mêmes facilités fiscales que les secondes, il leur manque l'essentiel : l'exonération des cotisations sociales patronales. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi visant à autoriser les élus à transformer une zone de revitalisation rurale en zone franche. Ainsi les entreprises, les artisans, les commerçants et les professions libérales pourraient bénéficier de ces allégements. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour m'aider à faire aboutir cette proposition qui compléterait à merveille le dispositif des PER.

Avec les outils de développement de notre territoire, les projets s'intégrant dans les PER représentent une véritable politique industrielle dans les zones rurales. Nous vous encourageons à poursuivre et développer cette ouverture intéressante, à laquelle nous nous associons. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance, suspendue à 16 h 05, reprend à 16 h 20.

M. Jacques Blanc.  - Bravo à notre collègue qui a souhaité que nous fassions le point sur les pôles d'excellence rurale. Je suis heureux de votre présence ici, monsieur le ministre, et je ne doute pas que demain vous poursuivrez votre action forte au profit de l'espace rural. (Sourires)

La décision fondatrice fut prise par le gouvernement Raffarin et M. Estrosi ; c'était un choix politique opéré avec détermination. Après la création des pôles de compétitivité, il s'agissait de prendre en compte les projets innovants dans les territoires ruraux, de renforcer les coopérations et les partenariats, de créer des emplois, promouvoir les richesses naturelles, culturelles, touristiques, de valoriser les bioressources, améliorer les services et l'accueil des nouvelles populations, développer les productions artisanales et industrielles.

Nombre de territoires ont pris la mesure des évolutions et ont décidé de ne pas subir, mais d'inventer et de mieux utiliser leurs ressources humaines et naturelles, en complément de l'agriculture qui demeure un pilier. Territoires accueillant de nouveaux résidents, territoires périurbains qui risquent de perdre leur âme, comportements et modes de vie en pleine mutation, découplage entre le lieu de travail et le lieu de vie...

Le Gouvernement a entendu que les retombées de la recherche et de l'enseignement supérieur profitent au milieu rural. Le sénateur de la Lozère ne peut que se féliciter d'une telle démarche ! Nous nous sommes mobilisés pour créer un pôle d'excellence, dont l'éventail des activités démontre toute la richesse de notre zone de montagne et de revitalisation rurale. Nature et découverte des gorges du Tarn ; accès aux sports et aux loisirs des handicapés -nous sommes sur le sujet le premier grand pôle en Europe ; valorisation des bioressources par cogénération à partir de la biomasse ; valorisation des laits de la montagne à Margeride ; télémédecine en zone rurale, tourisme équestre en Margeride-Aubrac, chasse et pêche, création d'un écosite, etc.

Nous créons notre chance et nous ne nous bornons pas à « exploiter » l'espace rural. Hier le Président de la République a évoqué la nécessité d'inventer de nouvelles réponses et un nouveau développement durable : celui-ci passe par le maintien de la vie dans des lieux voués il y a peu à la désertification et dont on redécouvre aujourd'hui la valeur.

Il faut prendre en main son destin. Si nous ne l'avions pas fait, en Lozère, où en serions-nous ? Le comité interministériel de 1993, sous le gouvernement Balladur, a créé la première génération de pôles, en ce qui nous concerne un pôle d'accueil sanitaire et social ; le plan Delevoye a ensuite financé des opérations d'aménagement. M. de Villepin lui aussi est venu nous voir. Nous avons collectivement pris conscience que notre sort dépend de notre capacité à créer nous-mêmes les atouts de notre développement, à inventer des modèles nouveaux. Mais nous avons pour ce faire besoin de soutien, la fiscalité locale en Lozère n'y suffirait pas... Je considère les financements accordés comme des investissements d'avenir, non une assistance.

Monsieur le ministre, vous aussi êtes venu nous rendre visite et je vous en remercie. Vous nous avez soutenus : c'est que nous espérons obtenir cette semaine le classement des Causses-Cévennes au patrimoine mondial de l'Unesco !

A présent, nous devons préparer le pôle de la troisième génération, consacré au développement durable et ses composantes sociales, économiques, environnementales : thermalisme de santé et de bien-être, espaces à protéger dans le cadre de l'écotourisme, création de services à haute valeur ajoutée et accueil des nouvelles populations, handicapés par exemple. C'est un vaste chantier.

M. Boyer a proposé quelques mesures afin que les projets qui ont accusé des retards ne soient pas pénalisés ; en effet, l'État demande la consommation des crédits avant le 31 décembre mais bloque certains chantiers !

Une ère nouvelle se prépare. Je suis certain, monsieur le ministre, que vous en serez un acteur important. Il nous faudra démontrer que notre pays est capable de réaliser l'équilibre dans l'aménagement du territoire, cette cohérence territoriale qui avec le traité de Lisbonne est devenue un objectif européen. Il faudra à mon sens maintenir les mesures en faveur des ZRR, telles que les exonérations de charges sociales sur les activités de services à la personne. Je sais que vous continuez demain votre action au service d'une grande ambition, l'équilibre entre les grandes métropoles et l'espace rural, à une époque où nos compatriotes ont besoin, pour se réconcilier avec eux-mêmes, de se ressourcer dans un espace naturel protégé. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Martial Bourquin.  - Je remercie à mon tour M. Boyer d'avoir proposé ce débat sur les pôles d'excellence rurale. Avec environ 390 projets labellisés, dont quatre dans le Doubs, nous pouvons, en effet, dresser un premier bilan de cette initiative.

Tout d'abord, les porteurs de projets craignent, du fait de la récession, que le désengagement de l'État et des acteurs privés et, surtout, l'absence de fonds européens à partir de 2013 ne ruinent la pérennité de leur financement. Je souhaite, donc, que l'État garantisse des emprunts aux pôles en difficulté ou leur attribue des subventions relais afin d'éviter licenciements et restructurations que M. Raoult vient d'évoquer. Il serait intéressant de disposer d'une étude d'impact des pôles sur l'emploi, y compris hors de leurs frontières car nous devons prendre garde à ce que cette politique de valorisation des pôles, labels qui correspondent à d'importants investissements, ne nuisent pas, paradoxalement, à des projets, portés par de plus petits acteurs, mais eux aussi créateurs d'emplois. Monsieur le ministre, nous devons avoir pour seule obsession d'aider les plus faibles ! Les territoires les plus fragiles sont aujourd'hui en grande difficulté. A ce propos, je regrette que les subventions ne puissent financer les dépenses de fonctionnement, en particulier le recrutement et la formation des personnels. Ces subventions de fonctionnement ne seraient qu'une juste contrepartie des économies réalisées par l'État sur le dos du monde rural avec l'abandon des services postaux ou encore la fusion des directions départementales de l'agriculture et de l'équipement.

Ensuite, parce que l'excellence n'est pas une fin en soi, ces labels d'excellence rurale, j'y suis très attaché, doivent être démultipliés, franchisés et adaptés à des projets plus modestes ou portés par des collectivités territoriales de plus petite taille. Le progrès et l'excellence sont une chance à condition d'être partagés. Parce que le monde rural n'est pas uniforme, il ne faut pas retenir les seuls critères de compétitivité et d'innovation, mais aussi la mutualisation des expériences et des moyens. L'enjeu pour les communes aujourd'hui n'est pas de développer des projets d'excellence mais, pour la plupart des élus de mon département, confrontés à la baisse des dotations, de faire tourner leur commune et d'accueillir des services publics vitaux pour la population qui ne soient pas seulement dématérialisés.

Monsieur le ministre, les pôles d'excellence rurale sont une bonne initiative. Mais, alors que le traitement de la fracture territoriale relève de l'urgence, le monde rural attend des signes forts ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre)

Mme Nathalie Goulet.  - Je veux témoigner des excellents résultats de la filiale équine du Pays d'Argentan Pays d'Auge Ornais, Papao, labellisée pôle d'excellence rurale. Dans l'Orne, ce secteur représente 2 200 emplois, dont 13,8 % pour les haras, sans oublier les Percherons, 40 % des salariés agricoles et 13 % de la surface du département. Au plan financier, le pôle bénéficie d'une dotation de plus de 810 000 euros, 98 % de l'aide est accordée aux opérateurs privés -éleveurs, entraîneurs, centres équestres, hippodromes et autres- auxquels les sept comités de pilotage ont attribué plus de 890 000 euros de subventions pour un montant prévisionnel de travaux de plus de 6 millions, soit un euro de subvention pour 7,6 euros de travaux. En somme, un plan de relance avant l'heure qui finance également des actions de communication !

Hélas !, il y a un « mais ». A la veille des Jeux équestres mondiaux de 2014 en Basse-Normandie, de la restructuration des haras nationaux et notamment celui du Pin, de la réforme de la carte territoriale -peut-être s'agira-t-il seulement d'une réformette ?-, quel avenir pour les pays porteurs de ces projets ? A la veille d'un Grenelle II qui pourrait transformer nos territoires ruraux en réserve d'Indiens qui n'auront même plus besoin de chevaux (sourires), comment simplifier les financements croisés de l'État et de l'Europe ? Permettez-moi de suggérer quelques pistes pour améliorer cette excellente initiative des pôles : une meilleure coordination des acteurs, l'allocation de fonds à l'ingénierie, notamment, au recrutement et à la formation des personnels. Il faut aussi relever le plafond de l'aide et l'ouvrir à d'autres bénéficiaires tels les vétérinaires. Certes, le traitement des dossiers administratifs est une tâche chronophage. Pour autant, l'Orne dépense ses crédits sans difficulté...

Le dossier est important, nous devons revoir la copie pour le rendre plus performant. Merci à M. Boyer d'avoir proposé ce débat ! (Applaudissements)

M. Antoine Lefèvre.  - Sur 700 projets de pôles d'excellence rurale depuis 2006, 379 ont été labellisés en juin parmi lesquels L'Europôle de compétitivité et d'excellence professionnelle du trot de La Capelle dans l'Aisne. Ce projet, comme celui autour du maroilles, témoigne du dynamisme de nos territoires...

Mme Nathalie Goulet.  - Et le petit camembert !

M. Antoine Lefèvre.  - Bien qu'il ne soit pas aussi important que celui de l'Orne, il a toute sa place parmi les pôles.

Mme Nathalie Goulet.  - Certes !

M. Antoine Lefèvre.  - Un récent audit préconise une relance de ce dispositif trois ans après son lancement par M. Estrosi.

Monsieur le ministre, permettez-moi de déplorer le caractère excessivement procédurier du système, notamment dans l'attribution des fonds. Ainsi dans l'Europôle de la Capelle, la création du centre d'entraînement, la plus importante des quatre opérations avec la création de cinq nouveaux emplois, ne pourra être conclue dans les délais avant le 30 juin prochain. De plus, l'aide acquise au titre du FNADT constitue le seul cofinancement public de cette opération. Plusieurs candidats se sont manifestés et plusieurs parcelles achetées pour ce centre. Cependant, la perspective de l'ouverture du marché des jeux en ligne et le contexte économique difficile retardent la décision d'investissement. Proroger les délais d'engagement et d'achèvement de six mois au moins serait opportun d'autant que plus de 10 % des projets PER n'ont pu respecter la première échéance et que ce programme est particulièrement innovant et structurant pour notre territoire. Davantage de souplesse est nécessaire à l'heure où vous lancez un nouvel appel à projets, qui confirme l'intérêt porté aux PER, doté, comme le premier, de 235 millions. Merci monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien m'apporter ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Par l'inscription à l'ordre du jour de cet important débat sur les pôles d'excellence rurale, dont je remercie M. Emorine, la Haute assemblée marque, encore une fois, son attachement aux questions de la ruralité. Les territoires ruraux, chacun le constate, sont au coeur des réflexions et des priorités du Président de la République. (M. René-Pierre Signé en doute)

La crise économique est celle d'un capitalisme financier qui avait perdu son enracinement dans la production, l'entreprise et le territoire. Le Président de la République est déterminé à ne laisser aucun territoire au bord du chemin ; il est persuadé que la France peut sortir plus forte de la crise si elle investit utilement, notamment dans ses territoires. L'aménagement du territoire et la ruralité figurent donc parmi les six domaines prioritaires d'investissement d'avenir identifiés par le Président de la République et pouvant bénéficier d'un grand emprunt. (M. René-Pierre Signé ironise)

Les territoires ruraux connaissent de profondes transformations, brillamment rappelées par M. Jacques Blanc : terres d'exode pendant plus d'un siècle, ils bénéficient aujourd'hui d'une attractivité indiscutable et générale, attestée par le dernier recensement.

M. René-Pierre Signé.  - Pas le rural profond !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Nos concitoyens viennent y chercher un environnement de qualité, mais aussi des transports efficaces, du travail, des services publics accessibles et de qualité, le même accès que les urbains à l'internet et à la société de l'information. Surtout, 60 % de nos concitoyens estiment que les zones rurales se développeront à nouveau dans les dix à vingt prochaines années.

M. René-Pierre Signé.  - Ce sont surtout les villes qui se développent.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Il faut donc équilibrer préservation et développement.

Les pôles d'excellence rurale (PER) n'épuisent pas l'action des pouvoirs publics en faveur des territoires ruraux. J'ai parlé ici le 26 mars des services publics en milieu rural. M. Biwer voudra bien me permettre de renvoyer à un prochain débat l'examen des zones de revitalisation rurale (ZRR), tout en précisant que j'ai sollicité l'inspection des finances, celle des affaires sociales, ainsi que les corps d'inspection des ministères de l'agriculture et de l'écologie pour assurer la mission d'évaluation mentionnée dans la loi de 2005. Les conclusions me seront remises le 30 septembre.

Les PER sont emblématiques de la ruralité positive, entreprenante, appuyée sur ses valeurs et les richesses des territoires. Ils ont introduit la rupture fondamentale du label d'excellence, marque de qualité et gage d'avenir pour des campagnes longtemps associées à un déclin et à un immobilisme sans rapport avec la réalité.

Quel est le bilan des PER ? Je salue votre décision de faire réaliser par la commission des affaires économiques un bilan, assorti de propositions d'amélioration. Le 8 avril, je me suis exprimé devant le groupe de travail constitué à cet effet sous la conduite de Rémy Pointereau : nul doute qu'il faudra s'appuyer sur son rapport pour élaborer la nouvelle génération de PER.

Jean Boyer a posé les questions essentielles. Qu'il s'agisse des pôles ou des orientations pour l'avenir, je retiens une très grande convergence entre les vues exposées au nom des groupes de cette assemblée et les conclusions auxquelles arrive ma modeste personne. Le succès des PER n'est pas contesté ; un consensus apparaît pour prolonger cet élan dès 2010 et pour améliorer la procédure.

Parmi les points forts des PER, le premier tient à la mobilisation des forces vives des territoires autour d'initiatives soutenues par les élus locaux. En quelques mois, près de 800 projets ont émergé dans toute la France, 379 ont été sélectionnés. Certains départements comme la Lozère, le Cantal, la Corrèze ou la Meurthe-et-Moselle totalisent huit PER.

S'ajoute un engagement fort de l'État, que M. Pointereau a bien voulu souligner, avec un engagement financier, une enveloppe de 235 millions d'euros et le soutien des préfectures. Monsieur Biwer, les crédits de l'État pour les PER, en particulier les 117 millions d'euros de Fnadt, ont été votés en lois de finances comme crédits spécifiques. Comme l'ont dit MM. Pointereau et Boyer, il faut regrouper les fonds d'État en une source de financement unique, même si le fonds mutualisé interministériel a déjà rassemblé 176 millions d'euros. Simplifions la gestion pour les porteurs de projets ! Deux ans après leur démarrage effectif, 357 PER ont engagé leur projet d'investissement, dont 137 à 100 %. Seulement 22 PER, soit 6 %, ont été abandonnés.

Bien sûr, les PER sont concrètement au service de la relance. Plus d'un milliard d'euros d'investissements auront été réalisés fin 2009, grâce aux 160 millions d'euros versés par l'État, après les 45 millions de l'an dernier. Quelque 6 000 emplois directs ont déjà été créés depuis 2008 et 30 000 seront crées ou maintenus à l'issue de l'opération, dont 11 600 emplois directs.

M. René-Pierre Signé.  - Combien ont été détruits ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Condition de l'éligibilité des PER, le partenariat public-privé a également modifié et dynamisé les méthodes de travail au plan local. Monsieur Biwer, cette association des entreprises est souvent difficile, mais une fois le partenariat noué, il apporte une dimension économique indispensable.

Monsieur Jean Boyer, l'évaluation qualitative confirme un effet positif des PER sur les projets locaux. Ils revalorisent l'image des territoires, dynamisent les filières économiques ou contribuent à reconvertir les zones fragilisés. Nous devons faire vivre dans la durée ce véritable label positif.

De même, l'analyse menée par Odit-France sur dix-sept PER « tourisme » montre leur effet positif sur l'attractivité, lorsqu'ils sont articulés avec des projets de territoire, ce qui est le cas à la Chaise-Dieu, mais pas partout ailleurs. La seconde condition tient aux compétences permettant d'inscrire les projets dans la durée, ce qui manque parfois. Cette observation rejoint celle de Mme Goulet sur l'ingénierie : la solidité des porteurs de projet et leur capacité d'ingénierie sont déterminantes pour la réussite d'un PER. L'État devra s'assurer de cette capacité d'ingénierie et l'appuyer.

Les évaluations montrent aussi beaucoup de résultats remarquables, parmi les PER développés autour de la filière bois, qu'ils concernent la construction ou l'énergie renouvelable. Aujourd'hui, 79 PER sont consacrés aux bioressources. En accord avec M. Jacques Blanc, j'estime que le développement durable est indispensable aux futurs PER.

Les PER « services à la personne » ont connu un franc succès, puisque 52 ont réalisé des projets innovants pour l'accueil de la petite enfance, les services aux personnes dépendantes et les maisons médicales. Moins nombreux hélas en matière de services publics, ils constituent des expériences à généraliser.

Messieurs Pointereau, Jacques Blanc et Jean Boyer, je suis d'accord avec vous pour considérer l'économie résidentielle et de service comme la seconde thématique indispensable pour un nouvel appel à projets.

On compte également quelques très belles réalisations parmi les PER à dimension technologique.

Les territoires ruraux doivent être fortement incités à faire émerger des activités économiques structurées ; les groupements d'entreprises devront être rendus éligibles aux PER comme ils le sont aux pôles de compétitivité. Milieu urbain et monde rural sont complémentaires ; unité et coordination font le développement d'un territoire : on ne peut opposer pôles de compétitivité et PER. Je rejoins M. Vall sur le rôle de l'innovation technologique pour la valorisation des ressources des territoires.

Pour l'avenir, il nous faut tracer les grandes lignes des futurs PER dans le cadre du grand débat annoncé hier par le Président de la République et nous préparer à définir pour l'automne les contours d'un nouvel appel à projets. Oui, il y a aura une suite aux PER, le Président de la République et le Premier ministre en sont d'accord. S'il ne doit pas y avoir de période de latence entre les deux générations de PER, les PER existants doivent être conduits à leur terme : je confirme notamment à MM. Boyer, Biwer et Pointereau que les demandes de prolongation de délais pour cas de force majeure seront regardées d'un oeil bienveillant, voire la réaffectation des crédits d'une opération qui ne se réaliserait pas vers une autre. Il faut de la souplesse et du pragmatisme. Aujourd'hui, cinq préfectures -Maine-et-Loire, Ardèche, Meurthe-et-Moselle, Dordogne et Lozère- rencontrent des difficultés pour engager avant le 30 juin les dernières opérations de leurs PER, qui sont quasiment tous engagés à plus de 80 %. Monsieur Lefèvre, le pôle du trot à La Capelle sera engagé au 30 juin à 97 %, seuls restent à engager 24 715 euros sur le centre d'entraînement ; mais la préfecture ne peut fournir les pièces à la place du maître d'ouvrage...

Je tiens à ce que la réflexion sur la future génération de PER s'engage en concertation avec les parlementaires et au vu des retours d'expérience des territoires. Je demande à la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires d'organiser à l'automne un grand congrès des acteurs des PER. Trois thèmes sont à mes yeux incontournables : le développement durable, les services et les clusters d'entreprises. Je partage l'analyse de MM. Pointereau et Boyer : le délai du premier appel était trop court, même si on sait que l'urgence est souvent un puissant aiguillon. Je propose de procéder en deux temps : une première phase, par exemple de trois mois, pour répondre sur une idée de PER, suivie d'une première sélection des projets ; puis une seconde, qui pourrait aller jusqu'à six mois, au cours de laquelle les porteurs du projet seraient accompagnés par l'État pour affiner leur projet, monter leur dossier, définir le tour de table financier et nouer avec le privé les partenariats nécessaires. La labellisation interviendrait à l'issue de cette seconde phase.

Je m'engage en outre à mettre en place des circuits de financement plus simples et plus souples. Enfin, si je suis ouvert à l'idée de M. Biwer que des PER de la première génération puissent présenter de nouvelles opérations ou tranches d'opérations dans le futur appel à projets, je ne pense pas qu'il faille leur réserver des crédits.

Les territoires ruraux sont plus que jamais des réservoirs de croissance et d'emplois...

M. René-Pierre Signé.  - On ne les aide pas !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - ...pour peu qu'on favorise la définition de stratégies locales et qu'on soutienne des projets de développement harmonieux : croissance verte, économie résidentielle et services, réseaux d'entreprises. C'est tout l'enjeu de pôles d'excellence renouvelés. Que ce retour du rural à la pointe de l'excellence dans notre pays serve nos territoires et leurs populations. (Applaudissements au centre et à droite)

Le débat est clos.

La séance est suspendue à 17 h 5.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 17 h 10.

Protection de l'enfance (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat de Mme Claire-Lise Campion à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille sur la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question.  - La loi relative à la protection de l'enfance du 5 mars 2007 a été adoptée dans un consensus rare. Son enjeu est crucial : mieux détecter les situations de maltraitance et surtout les prévenir. Porté par M. Philippe Bas, alors ministre délégué à la famille, ce texte avait fait l'objet d'une concertation préalable, notamment au travers d'assises départementales qui avaient rassemblé autour d'une même table les professionnels de la protection de l'enfance, tous mobilisés et animés par une volonté commune. L'Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance, que j'ai signé, attestait de l'urgence de la situation et de cette volonté partagée. N'oublions pas que la protection de l'enfance concerne plus de 270 000 mineurs par an. Vingt-cinq ans après la création de l'aide sociale à l'enfance décentralisée, il était nécessaire de faire le point des pratiques innovantes et d'abandonner les réflexes hérités de l'après-guerre, parfois encore bien présents.

Ce texte n'est pas la loi fondamentale que nous appelions de nos voeux mais il présente des avancées organisationnelles et méthodologiques importantes. Désormais, la définition de l'enfant en danger permet de couvrir une population plus large, englobant non seulement le mineur maltraité, victime de violences physiques, sexuelles, psychologiques, ou de négligences lourdes, mais aussi celui en situation de « risque » pour sa santé, sa sécurité, sa moralité et qui représentent aujourd'hui la majorité des enfants aidés.

Il ne s'agit pas de les « placer » mais de les accompagner, au sein de leur famille. La loi accorde une part importante à la prévention la plus précoce, d'abord en direction des parents. On n'agit plus à leur place mais avec eux. C'est donc très en amont d'une situation de crise ouverte, qu'il est indispensable de leur donner des repères et des outils pour qu'ils puissent exercer librement leurs responsabilités. Cela peut se faire par le biais de réseaux d'écoute et d'accompagnement des parents, ou par des aides à domicile. Et lorsque la séparation est nécessaire, l'objectif du retour dans la famille doit être maintenu et favorisé, car c'est là qu'est la place de l'enfant.

Dans cette optique, la loi du 5 mars 2007 a entériné des dispositifs alors expérimentaux; tels que l'accueil de jour. En recevant les familles dans un service aux locaux adaptés, ce mode de prise en charge est une alternative au placement. Associer les parents à toute mesure de protection de l'enfance empêche qu'une trop grande distance ne se crée et n'hypothèque la possibilité d'une réintégration familiale. L'accueil séquentiel est également une alternative intéressante puisque les retours temporaires en familles peuvent être organisés sur le modèle des gardes alternées. Tout le mérite de la loi est d'avoir pris en compte ces nouveaux besoins et cette réalité sociale, du moins sur le papier ! Elle a également permis de revisiter les pratiques des professionnels, de leur permettre de faire preuve de créativité et de réactivité. Le législateur a rappelé les dispositions essentielles de la Convention internationale des droits de l'enfant que la France a votée aux Nations Unies en 1989 et ratifiée en 1990.

La loi de mars 2007 est nécessaire et cette réforme doit être menée à son terme. Or, le bilan, deux ans après sa promulgation, n'est pas satisfaisant. Le nombre d'enfants bénéficiant d'une protection ne diminue pas et la judiciarisation des situations est constante. Certes, la loi a entériné et généralisé des pratiques déjà instaurées dans certains départements et basées essentiellement sur la prévention. Quatre décrets sur onze ont été publiés créant notamment les cellules de recueil, d'évaluation et de traitement des informations préoccupantes et les observatoires départementaux de la protection de l'enfance. Mais contrairement à ce que vos services annoncent, ce ne sont pas 70 cellules de recueil et d'évaluation qui ont été mises en place, mais 42 d'après les sources de l'Oned, 28 restant à l'état de projet. De plus, seuls 50 départements ont signé un protocole entre le président du conseil général, le préfet, le procureur de la République et l'éducation nationale. Le projet pour l'enfant en partenariat avec l'Aide sociale à l'enfance (ASE) été très peu mis en place.

Constat identique, malheureusement pour le bilan de santé à l'école à trois ans qui permettrait pourtant un signalement précoce des enfants en difficulté. Quant au bilan du quatrième mois de grossesse, institué afin d'identifier d'éventuelles difficultés psychosociales, il n'est pas effectif. Dans le même temps, la majorité des professionnels ne bénéficient pas de formations adaptées à la nouvelle loi, ce qui maintient le recours à l'autorité judiciaire plutôt qu'aux actions contractualisées avec les familles. L'État a réuni une seule fois le Comité de suivi de la loi de protection de l'enfance et depuis plus rien !

Nous ne partageons donc pas, madame la secrétaire d'État, votre autosatisfaction et regrettons, comme le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, l'absence d'autocritique du Gouvernement. Le manque de financement est la raison principale de ce mauvais bilan. Nous avions attiré à l'époque l'attention du Gouvernement sur le manque de clarté à ce sujet. L'article 27 de la loi de mars 2007 crée un Fonds national de financement de la protection de l'enfance. Ses crédits devaient être de 150 millions sur trois ans, d'après un amendement gouvernemental obtenu in extremis sous la pression des parlementaires, parce qu'aucun financement n'avait été prévu à l'origine. Ce fonds devait être alimenté par deux versements, un de la Cnaf, arrêté en loi de financement de la sécurité sociale et un de l'État, arrêté en loi de finances. Lors de l'examen de cet amendement, nous avions dénoncé ce choix : la branche famille n'a pas vocation à financer la protection de l'enfance, d'autant qu'elle est largement déficitaire depuis plusieurs années ! Et, au-delà même du principe, l'intervention de la Cnaf nécessite de prélever des fonds dans des domaines qui, cette fois, relèvent bien de sa compétence. Il était prévu qu'elle finance 30 millions pour la première année. Suite à la non-création du fonds, ils n'ont jamais été affectés, et sont aujourd'hui redistribués sur d'autres lignes budgétaires... Alors que les collectivités territoriales et le secteur associatif attendaient que l'État démontre sa volonté politique de faire de la protection de l'enfance une priorité en dégageant des crédits, vous ne les avez jamais prévus dans les projets de loi de finances successifs.

Pourtant, un projet de décret avait été soumis au comité des finances locales le 5 février 2008. Récemment questionnée à ce sujet, vous avez annoncé le 23 février 2009, l'avoir signé tout comme votre ministre de tutelle, M. Hortefeux. Toutefois, interrogé sur la date de publication de ce décret, votre cabinet n'a pu donner aucun délai. Le Gouvernement est complètement velléitaire dans ce domaine...

Outre l'absence de financement de la loi, un désengagement général de l'État fait peser un coût supplémentaire sur les finances des départements. D'abord par la non-compensation du transfert de compétences issu de la décentralisation : les départements ont pleinement assumé ce transfert, et notamment pour la prévention et la lutte contre la maltraitance. Couvrant l'essentiel de la dépense, ils sont allés bien au-delà de l'engagement initial de l'État. Alors que celui-ci s'élevait à 2,8 milliards par an, la dépense cumulée des départements atteint aujourd'hui 5,6 milliards. Ces collectivités ne sont plus capables de pallier la défaillance de l'État qui, par ailleurs, réduit les crédits dans ses propres domaines de compétence. Ainsi, pour 2009, le soutien apporté par l'État aux enfants en danger est marginal, ramené à 6 millions. Pour la protection des enfants et des familles, le budget 2009, doté de 221 millions, diminue de 12 % par rapport à 2008 ! La médecine scolaire, la pédiatrie, la neuropsychiatrie sont sinistrées dans la plupart de nos territoires,

En agissant ainsi, vous remettez en cause l'ensemble de la politique de protection de l'enfance et faites peser des charges supplémentaires sur les départements. Par simple circulaire il a été décidé que les mineurs suivis en assistance éducative et les jeunes majeurs, n'étaient plus accueillis dans les structures de la protection judiciaire de la jeunesse dépendant financièrement de l'État. La direction régionale d'Ile-de-France de la PJJ va donc réduire de 240 à 76 les places d'accueil de la région et des établissements fermeront dès septembre. Les professionnels de ces équipements seront répartis sur d'autres missions comme, par exemple, celle d'auditer... les établissements de protection de l'enfance. Ainsi, l'État se désengage puis revient dire aux départements comment mettre en oeuvre leur compétence de protection de l'enfance !

La révision générale des politiques publiques transfère de fait de nouvelles charges aux conseils généraux sans respecter le principe de péréquation, ce qui est inacceptable. Ces collectivités territoriales financent désormais les mesures civiles sans aucune modification législative ou règlementaire alors que l'augmentation du nombre d'enfants bénéficiant d'une action éducative en milieu ouvert est plus importante que celle des enfants placés. En Seine-et-Marne, le coût est estimé à 500 000 euros. En Essonne, l'addition de la prise en charge des jeunes majeurs et de celle des mesures au civil coûtera 1 475 000 euros.

Je pourrais aussi citer l'article 68 de la loi Boutin sur lequel s'appuient les DDASS pour orienter les mères avec leurs enfants des CHRS, de la compétence de l'État, vers les centres maternels, de la compétence des conseils généraux. Et je pourrai citer la complète carence de la pédopsychiatrie, chaque jour constatée à l'ASE, et le coût qui, in fine, lui revient.

Comment les conseils généraux pourraient-ils, de surcroît, financer à la place de l'État, les nouvelles mesures phares de la loi de mars 2007 ? Pour l'Essonne, sa mise en place a déjà coûté plus de 1,3 million pour la période 2008-2009 et nous avons estimé que la compensation à percevoir devrait être de 3,1 millions pour trois ans. Tous les départements ne sont pas capables d'avancer un tel montant !

En 2008, toujours en Essonne, 2 968 informations signalant un enfant en danger ou en risque de l'être, ont été recensées par la cellule départementale, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2007.

La loi renforce la prévention sanitaire dans le cadre de la médecine scolaire avec l'organisation de visites médicales étendues aux classes d'âge de neuf et quinze ans, ce qui nécessite de recruter un personnel médical important. La loi étant promulguée, les présidents de conseils généraux, chefs de file de la protection de l'enfance, ont la responsabilité de la mettre en oeuvre dans leur département. L'obstination de l'État à ne pas honorer ses engagements financiers, peut indirectement mettre en cause leurs obligations pour défaut d'application. C'est pourquoi, je soutiens le recours devant le Conseil d'État de Claude Bartolone, président du conseil général de Seine-Saint-Denis qui entend ainsi que soit reconnue la responsabilité de l'État pour non-application de l'article 27 de la loi du 5 mars 2007.

Je déplore que l'inaction de l'État crée de nouvelles disparités sur le territoire national dans la prise en charge des enfants en danger. La décentralisation ne comporte pas en elle-même d'effet correcteur des inégalités et, en l'absence de redistribution, celles-ci continueront de s'accroitre. L'État ne peut se dédouaner de sa fonction de régulateur. Nous souhaitons qu'au-delà des belles déclarations et des initiatives législatives, les financements suivent, et que la péréquation soit effective. Le décret créant le Fonds de financement doit être signé et publié dans les meilleurs délais. Tous les enfants ont le droit à un soutien sur la totalité du territoire national. On ne peut que déplorer l'absence de politique de l'enfance au niveau national, comme le fait le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies (Mme la secrétaire d'État s'indigne) qui vous a auditionnée, le 27 mai. Il relève que notre pays en effet, n'a pas de politique spécifique en sa faveur sauf en matière pénale et il s'inquiète particulièrement de la situation des adolescents, de la gestion de la délinquance et du durcissement de la justice des mineurs.

Autres sujets inquiétants soulevés par le comité, la pauvreté dont souffrent de trop nombreux enfants et la situation préoccupante des mineurs étrangers isolés en zone d'attente. Les exigences d'accueil de la Convention internationale des droits de l'enfant ne sont pas respectées. Les conseils généraux concernés ne peuvent assurer à eux seuls l'accueil des 4 000 à 5 000 jeunes qui arrivent en France chaque année.

Nous retrouvons là les deux conceptions qui s'affrontaient déjà à l'époque de la discussion du projet de loi sur la protection de l'enfance. Ce texte se télescopait, en effet, avec celui relatif à la prévention de la délinquance qui s'inscrivait dans la continuité de la loi sur l'égalité des chances du 31 mars 2006, à l'origine du contrat de responsabilité parentale. D'un côté, on fait de l'enfant un être en devenir pour lequel il s'agit de trouver les moyens de l'épanouissement ; de l'autre, la préoccupation principale est une protection de la société fondée sur le déterminisme, la répression et la traque du délinquant en devenir. Il semble que cette dernière conception ait prévalu : les décrets sont sortis rapidement et les crédits débloqués sans difficultés. Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance mis en place le 28 juin 2007, soit trois mois après la promulgation de la loi, a été abondé de 35 millions en 2008 et en 2009. A n'en pas douter, la délinquance juvénile est une priorité gouvernementale - oserai-je dire une obsession ?

Le Premier ministre a ainsi annoncé un énième plan national de prévention de la délinquance pour septembre 2009. Il a déclaré vouloir mettre pleinement en oeuvre la loi sur la prévention de la délinquance de mars 2007, beaucoup trop négligée. Je regrette qu'il ne se préoccupe pas autant de la protection de l'enfance, uniquement évoquée à l'occasion d'affaires médiatisées sous le coup de l'émotion comme celle d'Outreau.

Cette méthode est significative de votre conception de la politique de prévention, de protection et d'insertion des jeunes. Nous ne prétendons pas nier la réalité de la délinquance juvénile ni laisser impuni un délinquant, mais apporter des réponses bien plus larges que la seule répression et l'accablement des familles. La protection de l'enfance ne peut s'effacer derrière la prévention de la délinquance. Il n'y pas de lien nécessaire entre un jeune en difficulté sociale, éducative ou matérielle, et un délinquant -mais un mineur délinquant est un enfant à protéger.

Le débat qui va s'engager doit être constructif. La défense des enfants ne peut porter à polémique. J'attends donc de vous, madame la ministre, des éclaircissements sur la non-publication de nombreux décrets d'application, alors que le ministre de l'époque, Philippe Bas, avait pris l'engagement de les publier dans les six mois. Concernant celui relatif au fonds de financement, j'ai compris que ne manquait que la signature du Premier ministre. Je n'ose interpréter ce contretemps comme la marque d'un désintérêt du Gouvernement envers la protection de l'enfance. Nous parlons de 150 millions ! Dans le pays des droits de l'Homme, le manque d'enthousiasme des pouvoirs publics à mobiliser une somme sans commune mesure avec les volumes engagés pour la crise bancaire est inacceptable. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique de Legge.  - On ne peut que se féliciter du large consensus qui a présidé à l'adoption de la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l'enfance, tant ici qu'à l'Assemblée nationale, qui a voté sans aucune modification le texte transmis par le Sénat. La nécessité de préserver l'avenir de nos enfants, c'est-à-dire l'avenir de notre société, fait en effet l'unanimité. Ce souci explique la préoccupation exprimée par Mme Campion : ni la loi de finances pour 2008 ni la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 n'ont inscrit le moindre crédit pour abonder le fonds créé par cette loi, qui est donc privé à ce jour de toute ressource d'État.

Je fais confiance au Gouvernement pour accélérer le financement de ce fonds. Comme chaque fois qu'une réforme a trait aux collectivités territoriales, se pose la question de la compensation des charges transférées. La création de ce fonds est justifiée par l'obligation, imposée par la loi à chaque département, de mettre en place une cellule de recueil, d'évaluation et de traitement des informations. Un tel dispositif requiert des moyens supplémentaires. Toutefois, de nombreux départements ont déjà pris l'initiative de rassembler en un même lieu l'historique des dossiers, en vue d'éviter les doublons et d'assurer la pérennité des prises en charges. D'autres n'ont pas attendu la création du fonds pour mettre en place cette cellule. Les deux tiers des départements en sont dotés ; peut-on dès lors parler d'une novation voire d'un transfert de charge ?

Il est vrai que les objectifs assignés à la cellule s'inscrivent dans la mission de protection de l'enfance conférée aux départements en vertu des premières lois de décentralisation, mission doublée d'une protection médico-sociale pour les moins de 16 ans. On peut toutefois parler de novation dans la mesure où l'on formalise et rend obligatoire un outil qui impose à l'éducation nationale, aux associations de protection de l'enfance, aux communes, à la protection judiciaire de la jeunesse, au parquet, aux services de santé, de collaborer avec les départements, consacrant ainsi le rôle pivot de ceux-ci en matière de protection de l'enfance. La création de la cellule de recueil, d'évaluation et de traitement des informations, s'inscrit dans cette logique. Elle permet de disposer d'un ensemble d'informations partagées.

La loi de 2007 vient donc conforter ce rôle central des départements en matière de protection de l'enfance, l'action judiciaire devant n'être que subsidiaire. C'est pourquoi j'estime que la question du financement, si elle reste bien entendu centrale, ne peut constituer la seule réponse à une meilleure prévention. Elle doit s'accompagner d'une meilleure synergie des actions.

L'exemple des visites médicales est éclairant. D'un côté vingt visites médicales obligatoires au titre de la PMI entre 0 et 6 ans, lesquelles ne font l'objet d'aucun contrôle depuis que les CAF ne demandent plus la présentation des justificatifs qui conditionnaient le versement des prestations. De l'autre, l'obligation d'une visite médicale à 6, 9 et 15 ans, introduite par la loi de 2007, s'ajoute à ces vingt examens censés être obligatoires. On comprend que l'ensemble peine à se mettre en place.

Nous avons perdu une occasion de mise en cohérence, en ne confiant pas aux départements une mission générale de protection de l'enfance, allant vers un service unifié de la protection de l'enfance. Si des travailleurs sociaux et de santé doivent être présents en milieu scolaire, ne gagnerait-on pas en efficacité à confier au même service le dépistage et l'accompagnement, de la naissance à l'adolescence ? Il s'agit bien des mêmes enfants et des mêmes familles. Une telle mutualisation des moyens permettrait de mieux dépenser l'argent public. En traitant du secret partagé, la loi du 5 mars 2007 posait des jalons intéressants sur la route d'une mutualisation de plus en plus pertinente face à la diversité des instances concernées.

L'intérêt de l'enfant doit être notre seul objectif. Face à la montée de la violence observée à l'école, aux excès d'internet, au développement de la pédophilie et des mauvais traitements, il est plus que jamais nécessaire de mobiliser tous les acteurs de la protection de l'enfance en vue d'actions cohérentes. C'est pourquoi, dans la réponse que vous nous apporterez, nous serons aussi attentifs aux aspects financiers qu'aux perspectives que vous tracerez pour une meilleure protection de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Cette question n'a rien d'anodin. Quoi de plus consensuel que ce thème qui nous rassemble, nous qui sommes à la fois sénateurs et parents, voire grands-parents ? Nous voudrions nous écrier avec Victor Hugo, notre éminent prédécesseur, « lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris ». Nous voudrions qu'il n'y ait que de bonnes fées pour se pencher sur le berceau d'enfants destinés à être heureux.

Il y a hélas, dans le monde et même tout près de nous, des enfants en danger, maltraités, victimes de violences physiques, sexuelles, mentales. Ils sont plus nombreux qu'on ne croit : 266 000 en France, selon l'Observatoire national de l'enfance en danger, à avoir été pris en charge, placés ou suivis par les services de protection de l'enfance au 31 décembre 2006. C'est l'équivalent d'une ville comme Strasbourg, et le chiffre avait progressé de 4 % en un an !

Le législateur est opportunément intervenu, et a adopté la loi du 5 mars 2007 à la suite d'une large concertation avec les associations et les conseils généraux, puisque ce sont les départements qui devront la mettre en oeuvre et financer la prévention et la lutte contre la maltraitance des enfants. Il ne viendrait à l'idée de personne ici de contester cette loi mais comment ne pas dénoncer l'absence des décrets prévus pour son application ? Funeste habitude...

Dans son rapport annuel, la commission des lois souligne que les délais d'application des textes sont bien trop longs. C'est une trahison de l'esprit des lois ! Seuls quatre textes d'application ont été publiés à ce jour : deux ans de retard pour une loi pourtant consensuelle et attendue. L'article 27 de la loi instaurait un fonds national de financement de la protection de l'enfance, doté de 150 millions, pour financer les seules mesures nouvelles introduites par la loi. Or le décret se fait toujours attendre... Le projet a pourtant été soumis au comité des finances locales en février 2008 ; quant aux 30 millions prélevés sur la Cnaf pour abonder ce fonds, ils ont été réaffectés à d'autres lignes budgétaires...

Comment expliquer cette impéritie ? Peut-on admettre que l'État n'honore pas sa parole et se joue de celle du Parlement ? On charge encore la barque des collectivités territoriales, pourtant confrontées à de graves difficultés financières. Comment accepter plus avant la distorsion croissante entre les moyens affectés et les responsabilités nouvelles confiées aux départements ?

Fort de sa tradition humaniste, le groupe du RDSE s'émeut de cette situation parfois dramatique, et s'inquiète de la désinvolture du Gouvernement. Nous attendons une réaction rapide, madame la ministre, pour que la loi réformant la protection de l'enfance soit enfin totalement applicable, car au-delà des textes, il y a des enfants qui souffrent, dans leur être et dans leur chair, qui ne peuvent plus attendre. Je ne voudrais pas conclure en empruntant encore à Victor Hugo : « Cosette peut attendre ; Cosette attendra ». (« Bravo » et applaudissements à gauche)

Mme Samia Ghali.  - L'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement est peu médiatisé mais pourtant essentiel, tant notre crédibilité dépend de l'efficacité des lois que nous votons. La culture de l'évaluation se répand ; il était temps.

La loi de protection de l'enfance a été promulguée il y a plus de deux années. Or, comme l'a rappelé Mme Campion, les espoirs sont déçus : les engagements n'ont pas été tenus, les financements manquent. La loi est pourtant pleine de bonnes intentions. A chaque étape de son élaboration, le texte a fait l'objet d'une large concertation. L'Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance avait été entendu par le ministre de l'époque, Philippe Bas, et la réflexion gouvernementale et parlementaire nourrie par un débat national.

Le texte accorde une large place à la prévention, en direction des parents comme des enfants : entretien au cours du quatrième mois de grossesse pour identifier d'éventuelles difficultés psychosociales ; accompagnement de parents via les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (Reaap) ou les travailleuses d'intervention sociale et familiale ; visite médicale obligatoire dans le cadre scolaire tous les trois ans, de 4 à 16 ans.

Tout cela est excellent, mais on attend encore les textes d'application des articles premier, 24, 25, 27 ou encore 31... C'est une frustration pour les parlementaires, et un grand regret, car ce texte devait contrebalancer la politique sécuritaire exclusivement répressive menée depuis 2002 par Nicolas Sarkozy. La délinquance des mineurs a fait l'objet de moult textes, en 2002, 2003, 2006, 2007, 2008... Au milieu du tout répressif, la loi de protection de l'enfance est une bouée de sauvetage pour les professionnels !

Je suis favorable à la sanction, je sais que la délinquance pourrit la vie de nos concitoyens, que la délinquance juvénile progresse. Mais elle se nourrit de la misère sociale et de la désespérance. Les coupables doivent être sanctionnés, mais c'est être bien borné que de s'en tenir à la seule répression ! La jeunesse française n'est pas plus délinquante qu'auparavant, mais elle est sans espoir, sans avenir et sans rêve. La question sociale est déterminante. Mais, incapables de prendre la situation à bras-le-corps, on la nie. Faisant primer l'inné sur l'acquis, le rapport Benisti et l'étude de l'Inserm préconisaient ainsi de rechercher dès 3 ou 4 ans les signes d'une délinquance future. Aux antipodes de ces a priori idéologiques, la loi sur la protection de l'enfance doit enfin être appliquée. Le plus bel hommage que nous pouvons rendre aux professionnels qui, loin des caméras, luttent contre la délinquance des mineurs, c'est de leur donner les moyens de travailler. Au Gouvernement de prendre les décrets et de tenir ses engagements ! (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet.  - Lors de la seconde lecture du projet de loi réformant la protection de l'enfance, le groupe CRC s'abstenait. Comme nous l'avions dénoncé à l'époque, le texte se révèle en partie inapplicable.

Le projet de loi, qui faisait suite à plusieurs affaires douloureuses -Angers, Drancy, Outreau- avait fait l'objet d'un large consensus. Les signataires de l'Appel des 100, bien que parfois critiques, le soutenaient.

Aujourd'hui, l'espoir a fait place à la déception. Le comité de suivi de la protection de l'enfance ne s'est réuni qu'une seule fois alors que des réunions plus régulières auraient été nécessaires. Les départements sont appelés une nouvelle fois à contribution pour le financement des mesures nouvelles alors qu'ils sont déjà très actifs dans la lutte contre la pauvreté ou en matière de solidarité. Le désengagement de l'État devait initialement représenter 115 millions d'euros. La Cnaf, qui prenait 30 millions à sa charge, a partiellement respecté ses obligations, mais l'absence d'affectation budgétaire crée une certaine opacité.

Le désengagement de l'État est double : sur les départements et sur la protection sociale. La situation est d'autant plus grave que le Fonds national de financement de la protection de la petite enfance n'est toujours pas créé : les départements devront donc assumer une dépense de 150 millions. De nombreux présidents de conseils généraux, y compris sur les bancs de la majorité, s'alarment. Ainsi, madame la ministre, le sénateur Bernard Fournier, vice-président UMP du conseil général de la Loire, vous a signalé le 4 juin dans une question écrite que « cette situation crée de graves difficultés financières pour de nombreux conseils généraux dont les budgets sont déjà très lourdement impactés par l'action sociale ».

En 2007, nous mettions le Gouvernement en garde contre un transfert aux départements motivé par le seul souci économique. Nous ne pouvons que constater aujourd'hui qu'il manque à cette loi la réaffirmation du rôle central de l'État, seul à même de garantir l'égalité de traitement et d'assurer la cohérence du système. Vous avez laissé les départements seuls face à cette nouvelle compétence. Cette conception de la décentralisation joue contre les intérêts des plus faibles par un traitement différencié en fonction de la richesse des départements. Ainsi, le rapport de l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned), rendu public le 10 janvier dernier, montre que seuls 40 départements sur 102 ont mis en place un dispositif de centralisation des informations préoccupantes. Cette situation n'est pas sans lien avec le manque de ressources financières déjà évoqué.

Madame la ministre, je voudrais une nouvelle fois faire miens les propos d'un homme de votre majorité, celui qui a porté ce projet de loi ici-même : Philippe Bas. « Il faut absolument que soit mis en place ce fonds si l'on ne veut pas que des enfants continuent à souffrir en silence. [...] Je suis certain que la protection de l'enfance est une priorité de Mme Nadine Morano, mais je suis inquiet car je constate que l'effort de redressement de la médecine scolaire n'est pas suffisant, que les réseaux d'écoute et d'aide à la parentalité (Reaap) ont vu leur budget diminuer de moitié. [...] On ne peut pas mettre les départements devant le fait accompli en leur disant : occupez-vous-en maintenant ! »

Aux regards de ces critiques et de celles formulées récemment par Claude Roméo (ancien directeur de l'enfance et de la famille) et Jean-Pierre Rosenczveig (président du tribunal pour enfants de Bobigny), je vous invite à agir, et vite. Il serait utile que vous nous précisiez quand ce fonds sera créé, et comment vous entendez l'abonder. En période de crise, la Nation doit porter son effort en direction des populations les plus faibles, d'autant plus que l'explosion du chômage a pour conséquence une importante diminution des cotisations sociales qui alimentent la branche famille, prochainement en déficit.

Il y a urgence à agir. 2009 n'est pas seulement l'année du vingtième anniversaire de l'adoption de la Convention internationale des droits de l'enfant, c'est également une année de crise majeure. Il ne suffit plus de dire que la protection de l'enfance est une priorité. Si vous ne voulez pas qu'explose le nombre d'enfants pris en charge -qui s'élève déjà à 270 000- ni que d'autres ne soient pas aidés faute de cellules de traitement des informations concernant les enfants en danger, le Gouvernement doit abonder directement ce fonds sans attendre le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements à gauche)

M. André Lardeux.  - La lutte pour la protection de l'enfance est un combat perpétuellement recommencé. A cet égard, la loi de 2007, due à l'engagement de Philippe Bas que vous avez repris avec détermination, madame la ministre, constitue une avancée avec des mesures telles que l'évaluation de la situation du mineur et de sa famille, l'examen médical de prévention et de dépistage pour les enfants, l'aménagement du congé maternité, la protection contre les dérives sectaires, etc.

Cependant, rien n'est jamais parfait. Tout d'abord, ce système complexe manque de lisibilité. C'est l'État qui décide, mais ce sont les départements qui mettent en oeuvre et financent en grande partie. Cette question avait été un des principaux points de discussion de la réforme. Fallait-il financer le surcoût ainsi généré pour les départements ? Certains répondaient par l'affirmative, du fait de la création de charges ; pour d'autres la réponse était négative car il n'y avait pas de transfert de compétences. Nous avons abouti au compromis un peu bancal que constitue le Fonds national de financement de la protection de l'enfance, destiné à compenser les charges supportées par les départements, cofinancé par l'État et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Il s'agit pour cette dernière d'une charge indue puisque concernant une politique sociale et non familiale.

Pour l'instant, ce fonds n'a pas de réalité financière. D'ailleurs, fallait-il le créer ? J'émets beaucoup de réserves, non sur ses objectifs politiques mais sur sa faisabilité car le contexte a totalement changé depuis 2007. La situation financière de l'État n'était alors déjà pas fameuse ; elle est aujourd'hui catastrophique. Les perspectives budgétaires de la Cnaf étaient alors optimistes ; le déficit prévisionnel pour cette année interdit d'en rajouter.

Ensuite, tous les départements n'ont pas mis en place la cellule de recueil, d'évaluation et de traitement des informations préoccupantes concernant les enfants en danger. Il serait intéressant de connaître la liste des 32 départements concernés ainsi que les surcoûts liés, pour les autres, à la réalisation de cette évaluation. Enfin, les départements ne pourraient-ils renoncer à la compensation vu la détresse des finances publiques ? (Protestations à gauche) Il serait prudent d'attendre la réforme des collectivités locales et la suppression de la compétence générale des départements, qui redonnera peut-être des marges de manoeuvre.

Le combat pour la protection de l'enfance doit continuer car des évolutions inquiétantes se confirment et des enfants se trouvent dans des situations de plus en plus difficiles. Certains de ceux qui sont confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) sont si brisés que leur cas relève davantage d'une prise en charge médicale. Les confier malgré tout à l'ASE risque de remettre en cause l'efficacité de l'aide apportée aux autres. Les troubles du comportement ou les problèmes de déficience intellectuelle rendent la cohabitation des jeunes difficile et mettent les personnels en difficulté. Comment dégager les moyens pour y faire face ?

La nécessité de la prévention s'impose plus que jamais. Il faut réfléchir à l'impact de mesures sociétales, tel le travail du dimanche, sur les familles et les enfants. La famille ne doit pas être dévalorisée ni les enfants privés d'un repère d'autorité. La paternité est la base de la prévention de nombreux troubles sociaux, et aide notamment au respect de l'obligation scolaire. Il faut reparentaliser la société car les comportements à risques sont souvent davantage liés à la situation familiale qu'au contexte socio-économique. Ainsi, les deux tiers des dossiers transmis au représentant du défenseur des enfants en Pays-de-Loire concernent des adolescents dans le cadre de séparations familiales.

Les familles sont les bienfaitrices de la société car, malgré les aléas de la vie, elles s'occupent attentivement de leurs enfants sur le plan financier -la prise en charge des moins de 16 ans au tarif moyen de l'ASE représenterait 360 milliards d'euros- et créent du bonheur ajouté. Elles-mêmes, les enfants comme l'ensemble de la société en bénéficient. (Applaudissements à droite)

M. Yves Daudigny.  - Connaissons-nous une mission plus noble que celle de protéger un enfant ? Est-il un dessein de société plus louable ? Prendre soin de lui, l'écouter mais aussi l'entendre, le guider sans le contraindre, le respecter, lui donner confiance en lui-même, être présent sans être étouffant... Puissions-nous un instant nous extraire de nos représentations habituelles, de nos fonctions, de nos mandats, de nos obédiences pour nous concentrer sur l'essentiel : que représente pour nous la protection d'un enfant ?

C'est que l'enfant est le bien le plus précieux de notre société : nous devons concentrer sur lui toutes nos attentions, pour favoriser son épanouissement physique, psychologique, intellectuel, affectif. Et le législateur se doit de prévoir pour mieux protéger.

La protection de l'enfance dans notre pays donne lieu à un débat public presque permanent et à des critiques incessantes. Négligences graves non révélées, mauvais traitements tardivement décelés, prises en charge inadaptées... Le sujet aiguise les passions et suscite des amalgames. Le thème de la défaillance parentale émerge, on dénonce tout à la fois l'absentéisme scolaire, les violences urbaines, les incivilités, les comportements déviants, les actes délictueux. De victime, l'enfant devient une menace. Le mineur délinquant est rendu responsable de la désagrégation de la société qui l'a enfanté ! La communauté éducative est dès lors mise en cause, elle protégerait mal l'enfant. Le risque zéro n'existant pas, lorsque des drames se produisent, l'opinion publique est prise à témoin, on cherche et l'on trouve forcément des failles dans le dispositif.

On s'entend sur une exigence collective, la protection de l'enfance ; mais quand il s'agit de la réaliser, on devient moins exigeant. La loi du 5 mars 2007 fut largement consensuelle ; ce texte est empreint de détermination et de discernement. Deux ans après, sur fond de crise économique, on s'interroge sur son application, sur la capacité de l'État à tenir ses engagements. Les départements, confortés dans leur rôle à l'égard des familles, déploient des moyens colossaux -5,8 milliards d'euros en 2008- et les inégalités entre départements se réduisent, grâce à une solidarité budgétaire entre eux.

Les engagements doivent être tenus. L'État ne peut plus être juge et partie. Les sommes en jeu, considérables, ont une vocation noble. L'État craindrait un engrenage financier mais il s'agit de dépenses tellement utiles ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le milieu de la protection de l'enfance ne fait pas de surenchère. Son action est responsable, mesurée, empreinte d'une infatigable énergie. L'Appel des 100 a montré la volonté de prendre en compte les nouvelles réalités familiales et sociales. On connaît la propension à placer l'enfant au centre du désir des parents -c'est l'enfant-roi, le faire-valoir des adultes. Le Gouvernement qui n'abonderait pas les fonds à la hauteur nécessaire prendrait une lourde responsabilité : car un enfant n'est pas une charge, il est un espoir, un trésor, d'une richesse insondable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - L'évaluation des politiques publiques et de l'application des lois constitue une part essentielle de notre mandat de parlementaires. Je me réjouis que nous nous penchions sur la mise en oeuvre de la loi de 2007 relative à la protection de l'enfance, quelques jours après la publication par l'ONU du rapport du comité des experts sur les droits de l'enfant. Il évoque notamment l'application par la France de la convention... Ces dernières années, notre pays a fait des efforts considérables pour renforcer son arsenal législatif. La loi du 5 mars 2007 a considérablement amélioré le cadre juridique concernant la maltraitance. L'ampleur du chemin parcouru ne dispense cependant pas de se pencher sur les failles du dispositif ou, plus fréquentes, les lacunes dans l'application par l'administration des nouvelles règles. Il faut entendre ce que disent la Défenseure des enfants, l'Unicef, les ONG... Les décrets d'application ne sont pas tous publiés ; le bilan promis, incluant une évaluation du coût, n'a pas été soumis au Parlement. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que nous serons bientôt informés et que les financements adéquats seront trouvés ?

Sénatrice représentant les Français établis à l'étranger et membre de la commission des affaires étrangères, je voudrais évoquer la dimension internationale et la protection des enfants étrangers résidant sur le sol français. J'ai été nommée rapporteur pour le Sénat du projet d'accord franco-roumain relatif aux mineurs roumains isolés ; j'ai ainsi pu constater que, si le nombre de jeunes Roumains sur notre territoire est en forte baisse, le phénomène tend à s'étendre à de nombreuses autres nationalités. Or il est lié à la traite et à l'exploitation : il nous faut donc impérativement protéger ces mineurs, ne pas les refouler systématiquement à la frontière, car ils reviendront quasi inéluctablement. Certains ont fait de beaux parcours en France, nous devrions tenir compte de leur degré d'intégration avant de prendre une décision d'expulsion à leur majorité ! (Mme Alima Boumediene-Thiery renchérit)

Pourriez-vous nous donner quelques indications sur le travail de la commission sur les mineurs isolés mise en place par M. Eric Besson ? Il est indispensable de renforcer la formation des professionnels car le défaut de repérage, les erreurs d'appréciation ou de comportement peuvent avoir des conséquences dramatiques.

L'application de la loi de 2007 par les conseils généraux est inégale. Une harmonisation des pratiques s'impose. L'obtention de données fiables sur l'enfance maltraitée ou fragilisée nous y aidera -je salue les efforts de l'Oned. Une meilleure coordination devient indispensable entre le niveau national, le niveau local -je songe aux DOM-, la Défenseure des droits des enfants -qui effectue un travail remarquable- ainsi que le haut commissariat à la jeunesse et la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Toutefois, la dimension internationale de la protection de l'enfance concerne aussi les plus de 372 000 enfants français ou binationaux vivant à l'étranger. Eux aussi peuvent être victimes de la pauvreté, de la violence ou de l'exploitation. Or la loi de 2007 est muette à leur sujet. Je continue de regretter que mon amendement étendant son champ d'application aux enfants résidant hors de nos frontières nationales ait été alors repoussé. Les Français de l'étranger sont une fois encore victimes d'une décentralisation qui, en confiant davantage de responsabilités aux institutions départementales, les exclut de fait du périmètre d'application des règles.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer ces très nombreux cas de déplacements illicites d'enfants à l'étranger, qui bafouent l'intérêt supérieur de l'enfant en le privant d'un de ses parents. Lundi prochain, des parents se rendront à l'ambassade du Japon pour réclamer la constitution d'une commission bilatérale chargée de régler les cas en souffrance. La commission parlementaire franco-allemande qui avait été créée pour résoudre ce type de cas avec l'Allemagne a hélas été supprimée. Nous aurions dû au contraire l'étendre à d'autres pays. Madame la ministre, je sais que la question dépend du ministère des affaires étrangères et non du vôtre, mais je souhaitais attirer votre attention sur le nécessaire renforcement de la coopération internationale pour mieux défendre les droits de nos petits compatriotes de l'étranger. Nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur la coopération internationale en matière de protection des enfants, pour empêcher les trafics, qui se développent partout, mais aussi pour les protéger de la pauvreté, de l'analphabétisme et de l'insalubrité et contribuer ainsi au développement mondial. En effet, 95 % des enfants qui meurent avant d'avoir atteint 5 ans, ou qui n'ont pas accès à l'enseignement, ou qui sont victimes du travail forcé ou d'abus sexuels vivent dans des pays en voie de développement.

En France même, il faut instituer une forme de « main streaming », afin de systématiser l'évaluation des politiques à l'aune de l'intérêt supérieur de l'enfant. La discussion de cet aspect ne devrait pas rester confinée à quelques séances ponctuelles de travail. Un tel contrôle devrait être permanent et intégré à toute l'action gouvernementale et législative. Dans cette optique, et comme nous l'a demandé avec insistance le comité des droits de l'enfant des Nations Unies, une commission ou délégation parlementaire doit être créée. A titre transitoire, le périmètre de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances pourrait être élargi... Enfin et surtout, nous devons remettre l'enfant au coeur de notre société, au coeur de nos politiques, au coeur de notre coopération internationale, car il porte en lui l'avenir de notre monde. Je plaide pour une vraie politique transversale de l'enfance, qui englobe tous les aspects de sa vie. Une telle politique ne doit pas se concentrer uniquement sur les enfants à problèmes, mais veiller à l'intérêt supérieur de chaque enfant, en particulier des plus vulnérables.

S'attaquer à la crise économique sera vain tant que ne sera pas rétabli un ordre de priorités sain : l'enfant est l'élément fondamental de l'avenir de nos sociétés, même lorsqu'il est pauvre, isolé, étranger ou handicapé ! (Applaudissements à droite et au centre ainsi que sur les bancs socialistes)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les mineurs isolés étrangers arrivent en France, parfois au péril de leur vie, pour fuir les persécutions ou pour d'autres raisons légitimes telles qu'un regroupement familial tant espéré qui leur est refusé.... Déracinés, livrés à eux-mêmes, proies faciles de tous les abus et exploitations, la France a pour impératif catégorique de les protéger.

Hélas, la plupart de ces mineurs n'ont pas accès au mécanisme de droit commun de protection et de représentation juridique. A l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ou dans les Bouches-du-Rhône, ils attendent leur admission sur le territoire français au titre de l'asile ou leur refoulement éventuel. Première injustice, ces mineurs ne bénéficient pas d'un traitement conforme à la convention internationale des droits de l'enfant que la France a signée. Un enfant n'est pas un adulte, il ne peut être traité de la même manière. C'est pourtant le cas lorsque les mineurs de 13 à 18 ans sont maintenus en zone d'attente, perdus au milieu d'adultes, ce qui constitue en soi une mise en danger. Cette situation est inadmissible ! La création de quartiers pour mineurs isolés ne suffira pas, tout doit être mis en oeuvre pour organiser leur protection effective par les services d'aide à l'enfance et le juge pour enfant.

Deuxième injustice, les conditions de leur accompagnement. Est-il concevable que ces mineurs isolés ne bénéficient pas systématiquement d'un représentant légal désigné ? Aujourd'hui, un administrateur ad hoc n'est désigné que dans 70 % des cas selon l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé). Mais les autres ? Comment un enfant, dénué de capacité juridique, peut-il faire appel d'une décision de refus devant la Cour nationale du droit d'asile ? Nous ne pouvons pas attendre fin 2010, date qu'a fixée le ministre de l'immigration, pour mettre fin à ce déni de justice, contraire à la convention internationale des droits de l'enfant qu'a souligné le comité des experts sur les droits de l'enfant dans son rapport du 11 juin dernier. Cette situation est la conséquence de la politique d'immigration mise en oeuvre depuis deux ans, plus soucieuse de chiffres que d'humanité. Les enfants doivent bénéficier d'une protection spécifique, justifiée par leur vulnérabilité et leur isolement.

Enfin, dernière injustice, le recours aux tests osseux. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) Il suffit d'une radiographie des os du mineur comparée aux proportions rapportées dans un manuel datant des années 1930 sur une population blanche et européenne pour décider que l'individu est majeur et lui dénier la protection au titre de l'enfance ! Voilà comment les mineurs sont souvent refoulés et livrés à eux-mêmes avant même d'avoir vu le juge des libertés ! Encore une fois, la politique de contrôle des flux migratoires l'emporte sur la politique de protection de l'enfance et de lutte contre les réseaux clandestins organisant l'arrivée de ces mineurs.

Puisse le groupe de travail sur les mineurs isolés étrangers créé par le ministre de l'immigration, ce dont je me félicite, préconiser le renforcement de la protection de ces enfants conformément aux recommandations de l'Anafé : inscrire dans notre droit le principe du non-refoulement du mineur non accompagné, mettre fin à la pratique douteuse des tests osseux et élaborer un régime juridique spécifique pour les mineurs isolés qui fera prévaloir les principes du code d'action sociale sur celui du code des étrangers ! Les mineurs doivent bénéficier, dans les zones d'attente, de la protection issue de la loi du 5 mars 2007. Madame la ministre, comment expliquer un tel écart entre ce texte et son application ? Comment y remédier ? Ces enfants en danger méritent une prise en charge automatique, suivie d'un accompagnement juridique et social jusqu'à leur majorité. Ainsi, le respect de l'intégrité et de la dignité l'emportera sur la logique de gestion de flux migratoires ! (Applaudissements à gauche ; Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également)

La séance, suspendue à 18 h 40, reprend à 18 h 45.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.  - Pour le vingtième anniversaire de la convention de l'ONU pour les droits de l'enfant, j'ai conduit la délégation française à Genève, devant le comité des droits de l'enfant, pour présenter les troisième et quatrième rapports de la France sur le suivi de cette convention. J'ai présenté notamment la loi du 5 mars 2007.

La présidente coréenne du comité m'a dit qu'elle mettrait la barre très haut, vu la place éminente de notre pays dans le monde, mais les deux rapporteurs m'ont félicitée pour la qualité de ce travail. Contrairement à certains ministres qui repartent immédiatement après leur discours, j'ai répondu aux questions pendant trois heures et demie et je crois pouvoir dire que la présidente a été satisfaite par la précision des propos.

J'ai déjà pris trois décrets d'application de la loi du 5 mars 1007. Ainsi, j'ai signé le décret du 30 juillet 2008 sur la formation que doivent suivre les cadres et responsables de services prenant des décisions relatives à la protection de l'enfance, par délégation du président du conseil général. Le décret du 19 décembre 2008 organise la transmission des informations préoccupantes à l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned), ce qui nous permet de connaître le nombre d'enfants maltraités. Je me suis rendue à l'Oned pour la remise du rapport officiel. Il apparaît que 273 913 mineurs -soit 1,88 % du total- étaient maltraités au 31 décembre 2008. C'est bien trop ! Mais la connaissance de ces chiffres est indispensable pour combattre le fléau de la maltraitance. Ce décret était très attendu par les départements, dont 68 ont déjà créé une cellule départementale de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes. Madame Garriaud-Maylam et monsieur Lardeux, j'ai demandé à mes services de préparer d'ici la fin de l'année un bilan quantitatif et qualitatif de ce dispositif, conformément à l'article 13 de la loi.

Le décret du 30 décembre 2008 organise la nouvelle procédure légale dénommée « mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial » : lorsque les prestations familiales ne servent pas au logement, à l'entretien, à la santé et l'éducation des enfants, le juge peut ordonner leur versement partiel ou total à un « délégué aux prestations familiales ».

Le Journal officiel publiera dans la semaine le décret relatif à la formation initiale et continue, en partie commune, que devront suivre les professionnels travaillant au contact d'enfants, des magistrats aux animateurs sportifs, en passant par les enseignants, les fonctionnaires de police et les professionnels de la santé.

Restera le décret relatif à la médecine scolaire, qui retient l'attention de M. de Legge. Ce texte ajoutera des visites médicales gratuites pour les enfants. Jusqu'en 2007, le suivi médical était limité à la petite enfance, avec 22 examens réalisés entre 0 et 6 ans. Désormais, trois nouveaux examens auront lieu au cours des neuvième, douzième et quinzième années. Il faut cependant rendre ces consultations plus cohérentes, la première question étant de savoir si elles sont utilisées. Avec Mme Bachelot, nous avons demandé à l'Igas un bilan du dispositif. J'espère que les ministères de la santé et l'éducation nationale pourront organiser d'ici la fin de l'année une montée en charge progressive et adaptée.

J'en viens au financement de la protection de l'enfance, qui mobilise 5,8 milliards d'euros des départements, outre les 376 millions d'euros consacrés à la santé scolaire par l'éducation nationale et 5,7 milliards d'euros dépensés par l'assurance maladie au titre des consultations de prévention des femmes enceintes et des enfants de 0 à 6 ans. S'ajoutent 160 millions d'euros affectés par la justice au placement des mineurs en danger. Mesdames Escoffier et Pasquet, vous voyez que l'État est aux côtés des départements.

Par ailleurs, j'ai fortement augmenté les crédits dédiés à la parentalité dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion signée entre l'État et la caisse nationale d'allocations familiales, car la protection de l'enfance suppose aussi l'accompagnement des parents. Ainsi, les crédits dédiés au réseau d'écoute et d'aide à la parentalité (Reaap), à la médiation familiale et aux lieux d'accueil et d'écoute des parents augmenteront entre 2009 et 2012 de 15,5 % par an. Nous y consacrions 30 millions d'euros en 2008, mais 42 millions cette année.

Madame Campion, le Gouvernement partage l'analyse de M. Lardeux, pour qui la création d'un fonds supplémentaire n'ajouterait que de la complexité à l'existant. J'ajoute que le décalage est manifeste entre les 30,2 millions d'euros concernés et les 5,8 milliards que j'ai mentionnés. Au demeurant, un arbitrage gouvernemental est déjà intervenu.

Mme Garriaud-Maylam s'est interrogée sur la protection des enfants français résidant à l'étranger. Depuis la loi de 2007, une sous-direction de la protection des droits des personnes a été créée. Comportant un bureau de la protection des mineurs et de la famille, elle est en contact avec les consulats et ambassades de France pour mettre les enfants hors de danger, si nécessaire en les rapatriant et en les plaçant dans un établissement sur décision d'une autorité judiciaire française. J'ajoute que la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire a conclu un protocole d'accord avec le défenseur des enfants.

La loi de 2007 a clarifié le cadre institutionnel de la protection de l'enfance en améliorant la coordination entre l'État, les départements et les associations.

Le défenseur des enfants est une autorité indépendante créée par la loi du 6 mars 2000 pour promouvoir les droits définis par la loi et par la Convention internationale des droits de l'enfant. Le Gouvernement est très attaché à cette autorité dont l'indépendance et le sérieux sont unanimement appréciés.

Les associations qui travaillent quotidiennement au service de l'enfance en danger ne manquent pas d'interpeller le Gouvernement. Je les reçois régulièrement, dernièrement le 5 mai lorsque j'ai réuni le comité national chargé de suivre l'application de la loi de 2007.

J'en viens à quelques chantiers illustrant l'action du Gouvernement. Tout d'abord, nous avons débattu ici de l'adoption, le 28 avril.

Ensuite, je tiens à rappeler l'action opiniâtre des nombreuses associations qui combattent toutes les formes de violence à l'intérieur du cercle familial. A travers les Reaap et les Points info-familles, le Gouvernement soutient leur action, indispensable à la protection des enfants, en aidant les parents à jouer pleinement leur rôle. Près de 6 000 actions de soutien réalisées cette année ont bénéficié à 600 000 parents. Le Gouvernement leur a réservé 7 millions d'euros en 2009 sur le programme 106 et la Cnaf est à nos côtés. J'ai également obtenu l'ouverture d'une ligne téléphonique nationale et gratuite destinée aux parents dépassés dans leur rôle : c'est une extension du numéro d'appel 119 créé pour aider l'enfance en danger. Certains parents en détresse peuvent parvenir à des extrémités qui les conduisent à éliminer toute la famille ! Je souhaite qu'une grande campagne fasse connaître ce numéro, au même titre que celui du Samu par exemple.

La lutte contre la pédopornographie me tient particulièrement à coeur. Nul ne peut contester l'action constante et vigoureuse du Gouvernement pour la combattre. Notre arsenal législatif poursuit et sanctionne de façon particulièrement sévère les infractions sexuelles commises sur des mineurs. Le proxénétisme et la traite de mineurs sont particulièrement punis. Certaines sanctions ont été récemment durcies, par exemple contre la pornographie qui a recours à des mineurs. Le jeune âge des victimes est toujours une circonstance aggravante. Ce volet répressif est complété par une action préventive conduite dans quatre directions : le perfectionnement des logiciels de contrôle parental, la sensibilisation du grand public à la protection de l'enfant dans le monde numérique, le blocage des sites pédopornographiques et l'action en faveur d'une meilleure coordination européenne.

Enfin, nous ne pouvons prévenir efficacement la délinquance sans les familles. Nous avons donc créé en 2007 les conseils des droits et des devoirs des familles, présidés par le maire, qui connaît bien ses administrés en difficulté. Je viens d'installer le conseil du Raincy.

Ces dispositifs doivent encore être développés, parce que les familles ont tout leur rôle à jouer. Le Conseil des droits et devoirs est une instance de dialogue, où sont reconnues les responsabilités des parents et des familles et affirmées les valeurs républicaines, un lieu où les familles peuvent réapprendre le « vivre ensemble » et où certaines situations de violence peuvent être détectées.

Je travaille enfin, madame Garriaud-Maylam, à un texte relatif à l'autorité parentale et aux droits des tiers, afin que soit mieux prise en compte la situation des 250 enfants qui chaque année sont enlevés. Il faudra par exemple la signature des deux parents pour qu'une pièce d'identité ou un passeport soit délivré à un enfant.

La protection de l'enfance est une priorité pour le Gouvernement, qui est mise en oeuvre partout sur le territoire. Je me félicite que de nombreux départements aient déjà mis en place leur cellule de signalement. La protection de l'enfance doit toujours se renforcer, s'adapter aux évolutions de la société. C'est dans ce but que Mme Alliot-Marie a annoncé la création d'une brigade de protection des familles, outil indispensable pour répondre aux violences intrafamiliales et donc aussi aux maltraitances dont les enfants sont victimes. Prévention de la délinquance et protection de l'enfance sont complémentaires. (Applaudissements à droite)

Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question.  - Je me réjouis de ces échanges sur une question qui ne mérite pas la polémique. Mme la ministre a évoqué quatre décrets sur les onze que nous attendions. J'en prends acte, mais je ne suis rassurée ni par le propos de M. Lardeux qualifiant le Fonds national de financement de « compromis bancal », ni par celui de Mme la ministre jugeant que ce fonds rend la situation plus complexe ; et je doute de la réalité du financement des mesures nouvelles prévues par la loi de 2007. Il semble que le Gouvernement entende ne pas aller plus loin.

J'ai noté avec intérêt quelques mesures à venir, par exemple relatives à la parentalité et à l'accompagnement des familles, ou à l'appui aux réseaux d'écoute. Mais les réductions budgétaires des dernières lois de finances et de financement de la sécurité sociale me rendent sceptique, comme elles inquiètent les associations dont Mme la ministre a par ailleurs salué l'action. Nous attendons que ces annonces se concrétisent à l'automne.

Un mot également des exigences vis-à-vis de la France du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, qui sont grandes. Lors de l'audition de mai dernier, le comité a regretté l'absence dans notre pays d'un organisme chargé du suivi de la mise en oeuvre de la Convention internationale des droits de l'enfant, l'absence aussi d'une loi d'orientation et de délégations parlementaires aux droits de l'enfant -je rejoins ici Mme Garriaud-Maylam. Le comité a en outre relevé que l'intérêt supérieur de l'enfant n'était pas pris en compte dans plusieurs de nos dispositifs procéduraux et s'est interrogé sur l'avancement du droit à la parole de l'enfant, sujet sur lequel nous avions nous-mêmes insisté en 2007.

Il reste donc beaucoup à faire, d'autant que nous célébrons cette année le vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant. Nous ne pouvons pas ignorer les attentes des associations, des professionnels de la protection de l'enfance, des départements, ni celles des familles et des enfants. Je renouvelle ainsi mon appel au Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

Prochaine séance, demain, mercredi 24 juin 2009, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 10.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 24 juin 2009

Séance publique

A 14 HEURES 30

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Rapport de M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat (n° 463, 2008-2009).

A 15 HEURES 30 ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR

2. Débat sur l'éducation :

- Les moyens de l'éducation nationale ;

- La réforme des lycées ;

- La décentralisation des enseignements artistiques.

3. Question orale avec débat n° 36 de M. Ivan Renar à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'évaluation du crédit impôt recherche.

M. Ivan Renar attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessaire évaluation du crédit impôt recherche (CIR).

Si le crédit impôt recherche a connu en 2009 une augmentation de 620  millions d'euros, pour un coût global estimé entre 2,7 et 3,1 milliards d'euros, les effets réels de ce dispositif fiscal sur l'effort de recherche et développement des entreprises demeurent inconnus. Depuis l'étude d'impact menée par Technopolis France en 2006, le crédit impôt recherche n'a fait l'objet d'aucune évaluation officielle alors même qu'il a connu de profondes modifications en 2008. Lors des débats portant sur le budget de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires) 2009, de nombreux parlementaires, de toutes sensibilités, se sont émus de cette situation, d'autant que toutes les politiques publiques sont soumises à évaluation. Une étude d'impact du crédit impôt recherche est d'autant plus indispensable que la progression des aides publiques est sans commune mesure avec la progression des dépenses de recherche et développement des entreprises. En outre, selon une enquête, ce dispositif, à l'origine destiné aux PME innovantes, bénéficierait essentiellement aux très grandes entreprises. Alors que le coût du crédit impôt recherche pourrait atteindre 4 milliards d'euros en 2012, il est urgent d'en mesurer les effets incitatifs et, le cas échéant, d'envisager un redéploiement des crédits affectés à ce dispositif. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu'elle entend mettre en oeuvre en ce sens et l'interroge sur l'avenir du financement des universités et des organismes de recherche publics.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de M. le Président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse ;

- un rapport déposé par M. Jean-Claude Etienne, premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les perspectives offertes par les recherches sur la prévention et le traitement de l'obésité (compte rendu de l'audition publique du mercredi 4 mars 2009), établi par M. Jean-Claude Etienne et Mme Brigitte Bout, sénateurs, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

- de Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Odette Terrade, Éliane Assassi, M. Michel Billout, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Robert Hue, Jean-Luc Mélenchon, Jack Ralite, Jean-François Voguet, François Autain, Mme Marie-France Beaufils, M. Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, M. Gérard Le Cam, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Isabelle Pasquet, M. Ivan Renar, Mme Mireille Schurch et M. Bernard Vera une proposition de résolution tendant à la constitution d'une commission d'enquête sur la société Icade et sur les conditions de la cession de son parc locatif ;

- de M. Jean Bizet un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires européennes sur le prix du lait dans les États membres de l'Union européenne ;

- de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (n° 476, 2008-2009) ;

- de M. Philippe Richert un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, François Zocchetto, Michel Houel, Jean-Paul Amoudry, Richard Yung, Marcel-Pierre Cléach, Mme Colette Mélot, MM. Daniel Dubois, Pierre Fauchon, François Pillet, Michel Bécot, Christian Gaudin, Christian Cointat, Alain Houpert, Hugues Portelli, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Chauveau, Roland du Luart, Dominique Braye, Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Michel Thiollière, visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories (n° 215, 2007-2008) ;

- le texte de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, François Zocchetto, Michel Houel, Jean-Paul Amoudry, Richard Yung, Marcel-Pierre Cléach, Mme Colette Mélot, MM. Daniel Dubois, Pierre Fauchon, François Pillet, Michel Bécot, Christian Gaudin, Christian Cointat, Alain Houpert, Hugues Portelli, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Chauveau, Roland du Luart, Dominique Braye, Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Michel Thiollière, visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories (n° 215, 2007-2008) ;

- le texte de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (n° 476, 2008-2009).