SÉANCE

du mardi 9 juin 2009

115e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Bernard Saugey.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Accès commercial en gare de Brive-la-Gaillarde

Mme Bernadette Bourzai.  - Ma question s'adressait à M. le secrétaire d'État chargé des transports mais je remercie M. le secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire d'y répondre. La Corrèze, comme tant d'autres départements, compte de nombreuses gares où les trains ne s'arrêtent plus, voire ne passent plus. On est loin de la notion de service public, de la lutte contre la désertification rurale ou contre la pollution routière...

Nos concitoyens estiment être en droit de prendre le train là où les lignes existent encore. Plusieurs trains de nuit circulant entre Paris et le sud-ouest stationnent en gare de Brive-la-Gaillarde, de 2 minutes à plus d'1 h 44 minutes pour le train n°3755 qui relie Paris à Toulouse. Comment expliquer qu'il soit interdit d'y monter ou d'en descendre ?

A défaut d'ouvrir l'accès commercial à tous les trains stationnant en gare de Brive, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer l'offre ferroviaire sur la ligne Paris-Limoges-Toulouse ? Je regrette l'abandon du projet de ligne pendulaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite Polt, alors que les conventions entre l'État, RFF et les régions étaient signées et les financements prêts. Quid de la ligne grande vitesse entre Poitiers et Limoges ? Comment favoriser le développement économique des territoires et encourager un mode de transport conforme aux exigences du Grenelle de l'environnement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - M. Bussereau vous prie de l'excuser, mais nous travaillons ensemble au sein du grand pôle du Medad.

Pour faire face à la recrudescence d'agressions graves dans les trains de nuit, la SNCF supprime progressivement les arrêts commerciaux dans les gares entre 0 h 30 et 5 h 30. Les trains de nuit s'arrêtent à Brive pour des raisons techniques. La desserte de jour est particulièrement importante, avec huit trains par jour dans chaque sens en semaine et une amplitude horaire très large permettant une arrivée à Paris à 8 h 44 et un dernier départ de Paris à 19 h 49, avec un temps de trajet de quatre heures. La desserte de nuit de Brive ne présente donc qu'un intérêt modéré, d'autant que la demande représente moins d'une dizaine de voyageurs.

En ce qui concerne la ligne Polt, d'importants travaux de régénération ont été réalisés, financés par l'État et RFF à hauteur de 233 millions. Afin de relever la vitesse, cinq passages à niveau ont déjà été supprimés et onze autres le seront dans le cadre du contrat de projets État-Région 2007-2013. Parallèlement, l'offre de service de la SNCF progresse, avec la généralisation du matériel Téoz et la mise en place de nouvelles dessertes.

Mme Bernadette Bourzai.  - Je vous remercie pour votre réponse, qui traduit malheureusement le manque d'imagination de la SNCF. Pourquoi ne pas prévoir un wagon accessible de nuit ? Les Brivistes qui ont besoin d'arriver très tôt à Paris sont aujourd'hui contraints de prendre l'avion, pour un prix exorbitant. Dès les années 60, le « Capitole » mettait déjà Brive à quatre heures de Paris ! Allez-vous faire de l'équipement ferroviaire un réel outil d'aménagement du territoire ou livrer les régions rurales du centre à la désertification ?

Transfert du Setra à Sourdun

M. Michel Billout.  - Interrogé en janvier dernier par Mme Gonthier-Maurin sur let transfert du service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Setra) à Sourdun, M. Bussereau avait répondu que « le site de Sourdun doit permettre au Setra de rester un service d'études d'excellence. » La publication, début avril 2009, de l'étude de faisabilité réalisée par le Meeddat est venue bousculer cette certitude. Elle rappelle en effet que « par ses missions, le Setra s'inscrit complètement dans les défis du Grenelle de l'environnement et dans le pôle scientifique et technique de Marne-la-Vallée » -qu'il devait initialement rejoindre et pour lequel des investissements avaient déjà été engagés par les collectivités territoriales concernées.

Ce changement brutal et arbitraire, annoncé sans concertation des salariés ni des collectivités territoriales, est incohérent tant sur le plan économique qu'environnemental. Le 26 mars dernier, Christian Blanc déclarait au Figaro avoir « décelé, à l'est de Paris, autour de la cité Descartes à Champs-sur-Marne, un potentiel pour créer un pôle spécialisé dans la croissance verte et le développement durable ». Pas le Meeddat, manifestement...

Le « bâtiment paysage », baptisé XXL, qui devait accueillir le Setra dans le pôle de Marne-la-Vallée, se trouvant inutilisé, on y envoie -sans la moindre concertation- l'institut d'urbanisme de Paris 12-Créteil.

Ce petit jeu de chaises musicales n'amuse personne. Le site XXL n'a pas été conçu accueillir un institut universitaire professionnalisé (IUP) ; son adaptation sera coûteuse et les professeurs se plaignent de ce transfert qui n'améliorera en rien leurs conditions de vie et de travail.

Quant au site de Sourdun, l'étude de faisabilité indique que des aménagements importants devront y être apportés, dont le coût sera supporté pour l'essentiel par les collectivités locales. En outre, les agents seront contraints de déménager ; « dès lors se posent les questions d'accès au logement, de recherche d'un nouvel emploi pour le conjoint, etc. ».

Au plan environnemental, les effets de cette relocalisation seront catastrophiques : chaque année, les salariés du Setra effectuent 12 000 déplacements professionnels, participent à 200 réunions et accueillent 4 000 visiteurs pour lesquels il est indispensable de prévoir des lieux d'accueil à Paris, voire à Marne-la-Vallée... Vous connaissez comme moi le coût des locations dans ces villes ! Les salariés devront faire l'aller-retour entre la région parisienne et Sourdun, soit près de 200 kilomètres par réunion. C'est un comble pour un service dépendant du ministère de l'écologie, soucieux de son bilan carbone !

A Sourdun, les retombées économiques du transfert sont très discutables. Moins de 10 % des salariés se déclarent prêts à suivre le Setra, qui a déjà perdu 50 agents depuis l'annonce de la délocalisation et devrait en perdre une autre trentaine avant la fin du mois. L'hémorragie sera bien pire l'année prochaine.

Je citerai, pour finir, le dossier de presse présentant les mesures d'accompagnement territorial des restructurations du ministère de la défense à Sourdun et à Provins, rédigé pour votre visite du 27 août dernier : « Ces délocalisations doivent répondre à un double objectif : territorial d'abord, en concernant en priorité les villes fortement touchées ; d'efficacité ensuite. Il ne s'agit pas de créer de nouvelles charges de structures mais de rechercher, par ces nouvelles opportunités, des formes d'organisation qui soient gagnantes pour tous ». Ces conditions étant loin d'être remplies dans le cas qui nous occupe, comment justifiez-vous ce transfert ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Le transfert du Setra à Sourdun a été décidé par le Premier ministre dans le cadre du plan d'accompagnement des restructurations militaires qui comprend un programme de relocalisations de 5 000 postes de services de l'administration centrale et d'établissements publics situés en région parisienne vers des villes particulièrement touchées. J'ai signé, il y a quelques jours, le contrat de site avec les élus concernés.

Le Setra, organisme central du réseau scientifique et technique, a notamment pour mission d'adapter la société aux enjeux du Grenelle de l'environnement. Il entretient des relations étroites avec les autres services du Meeddat pour lesquels il produit des référentiels techniques. C'est un partenaire privilégié pour les autres organismes scientifiques et techniques, les acteurs économiques et les collectivités locales. Son transfert à Sourdun, à un peu plus d'une heure et demie de Paris, doit lui permettre de rester un service d'excellence.

L'étude de faisabilité à laquelle vous faites référence n'identifie aucun empêchement dirimant. Vous connaissez comme moi le remarquable site de Sourdun, où l'on jouit d'une grande qualité de vie et d'un environnement préservé ; il présente certes des défauts, mais quel site n'en présente pas, même en région parisienne ?

Le choix de Sourdun s'inscrit dans le cadre de la restructuration du pôle scientifique et technique du ministère qui vise à le rapprocher de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la vie économique. Le ministère sera désormais organisé en Ile-de-France autour de trois pôles : un pôle d'administration centrale dans le quartier de la Défense, le Meeddat devenant ainsi le premier ministère installé hors de Paris ; un pôle d'enseignement supérieur et de recherche à Marne-la-Vallée ; un pôle d'ingénierie à Sourdun avec l'implantation du Setra et du laboratoire régional de l'est parisien (LREP) de la direction régionale de l'équipement. Ces deux implantations seront financées par la vente des sites de Bagneux et de Melun.

Tous les moyens seront mis en oeuvre pour que ce transfert se fasse dans les meilleures conditions environnementales et humaines. La politique d'accompagnement des agents, de gestion des compétences et des équipements sera exemplaire.

M. Michel Billout.  - Malgré vos efforts, vous ne me convainquez pas. Pourquoi délocaliser à une heure trente de Paris un service d'études qui avait toute sa place à Marne-la-Vallée ? Vous avez dû tirer à la courte paille pour savoir quel service ministériel serait transféré à Sourdun, afin de compenser la décision prise sans concertation de déplacer le deuxième régiment de hussards. A Marne-la-Vallée, vous avez dû trouver une solution pour remplacer le Setra. Le Gouvernement a annoncé 10 millions d'euros d'aides destinées au Provinois, mais la moitié de cette somme servira à la reconstruction de la piscine de Provins. Est-ce vraiment pertinent ? Ce sera en tout cas la piscine la mieux financée de France !

Statut des centres hospitaliers régionaux non universitaires

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il y a en France 32 centres hospitaliers régionaux (CHR) ; tous sont également des centres hospitaliers universitaires (CHU), à l'exception de trois d'entre eux : les CHR de Metz-Thionville, d'Orléans et de la Réunion. Quant aux CHU, ce sont des CHR qui ont passé une convention avec une faculté de médecine.

Il s'en est fallu de peu que la notion de CHR n'apparût pas dans le projet de loi sur l'hôpital ; elle n'y a été inscrite que par un amendement déposé par Mme Printz, MM. Masseret, Sueur et moi-même relatif à la procédure de nomination de leurs directeurs généraux, adopté en commission et maintenu en séance malgré l'opposition initiale de Mme la ministre. Nous avions également déposé un amendement tendant à porter de sept à neuf le nombre des membres du directoire des CHR pour l'aligner sur celui des CHU, mais celui-là fut rejeté.

Ces hésitations nous font craindre un déclassement des CHR dans la catégorie des centres hospitaliers (CH), qui serait incompatible avec leur taille, l'importance de leurs équipes médicales, leur budget et leur rôle de référence dans de nombreuses spécialités. En effet, les CHR se placent par leur volume d'activité devant plusieurs CHU et leur haut niveau de spécialisation contribue à leur rayonnement : le CHR de Metz-Thionville se situe ainsi au vingtième rang national et c'est le seul établissement du grand est à disposer d'un service de grands brûlés adultes. En cancérologie, en hématologie, pour leurs plateaux techniques, les CHR servent de recours et de référence au niveau régional. Ils participent également à la politique interrégionale à l'égal des CHU : le CHR de Metz-Thionville appartient au groupement de coopération sanitaire du grand est, celui d'Orléans à celui du grand ouest. Enfin, ils participent aux activités recherche et d'innovation.

Voilà pourquoi nous demandons l'assurance que les trois CHR non universitaires seront maintenus.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Bachelot, qui a participé ici même pendant plusieurs semaines à l'examen du projet de loi sur l'hôpital.

Elle a eu avec vous un débat qui honore le Parlement.

Mme Bachelot-Narquin ne souhaite pas le déclassement des CHR, dont le statut a été préservé dans le cadre de l'examen du texte relatif à l'hôpital. Ces établissements conserveront leur spécificité régionale, notamment, soyez en assuré, au travers des textes d'application actuellement en préparation. Les élus régionaux siégeront en particulier au sein de leurs conseils de surveillance.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Votre réponse nous convient. Nous avions eu le sentiment, lors de nos débats récents, que les services du ministère, mais non Mme la ministre, je le précise, étaient réticents. Notre inquiétude est levée.

Application de la loi Littoral

M. Josselin de Rohan.  - Lors de l'examen de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, la Haute assemblée a adopté, à l'initiative de M. Gélard, un amendement excluant les rus et étiers des dispositifs de protection du littoral prévus par la loi du 3 janvier 1986. Lors de son déplacement à Rochefort, le 18 juillet 2005, pour le trentième anniversaire de l'Observatoire du littoral, le Président Chirac avait souhaité que fût recherché un juste équilibre entre les impératifs de protection et un aménagement raisonnable.

Aux termes des dispositions votées ici, les rives des rus et étiers en amont d'une limite située à l'embouchure du cours d'eau ne sont plus soumises à l'interdiction de construction sur la bande littorale des 100 mètres, cette limite devant être fixée par un décret en Conseil d'État. Or, malgré deux questions écrites de M. Trillard et de moi-même, cinq courriers adressés en 2007 au ministère de l'écologie et l'assurance que le dossier faisait l'objet d'un examen attentif, ce décret n'est toujours pas paru. Il en résulte une grande insécurité juridique et des affaires douloureuses, comme à Pénestin dans le Morbihan.

Quels éléments s'opposent à la mise en oeuvre des dispositions votées par le législateur ? Quand sera publié un décret attendu depuis quatre ans ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - L'article L. 146-4 du code de l'urbanisme relatif aux rus et étiers est en effet issu d'un amendement sénatorial à la loi du 23 février 2005. Il est apparu nécessaire d'en mesurer les implications juridiques et environnementales afin de préserver l'équilibre entre développement et protection des communes littorales que la loi Littoral a permis d'atteindre.

Du fait de leurs spécificités géographiques, certaines communes atlantiques sont particulièrement concernées. Il est vrai que l'interdiction de construire dans une bande de 100 mètres de part et d'autre d'un cours d'eau de 80 centimètres de large peut sembler disproportionnée. Il reste néanmoins indispensable, conformément à l'esprit du Grenelle de l'environnement, que les secteurs à proximité des rus et étiers restent protégés ; les zones humides sont des milieux sensibles dont la biodiversité est souvent très développée. Les problèmes se posent en outre différemment d'une côte à l'autre, voire d'un ru à l'autre, ce qui impose une réflexion approfondie.

L'amendement voté ici entendait apporter une réponse juste et équitable au préjudice subi par des résidents d'une commune littorale, du fait d'une différence d'interprétation de la loi Littoral entre l'État et la commune, qui avait délivré un permis de construire, et le tribunal qui avait annulé celui-ci alors que des travaux étaient engagés. Ce préjudice a donné lieu à indemnisation. Au-delà de ce cas particulier, il convient d'offrir aux collectivités, opérateurs et particuliers un cadre juridique sécurisé tout en veillant à la protection des milieux sensibles. Les consultations se poursuivent au niveau local pour identifier différents types de rus et régler les situations correspondantes. Le Grenelle de la mer, dont les conclusions seront remises aujourd'hui même, nous rappelle que l'interface terre-mer ne se résume pas au trait de côte mais remonte sur les bassins versants et se poursuit en mer bien au-delà de la bande littorale elle-même.

M. Josselin de Rohan.  - J'ai retenu de votre réponse que nous attendrons encore longtemps le décret... Les décisions des tribunaux administratifs sont diverses, tandis que les associations environnementalistes passent leur temps à déférer devant eux les décisions des maires. L'application de la loi Littoral dépend ainsi d'une construction jurisprudentielle source d'insécurité juridique, comme on l'a vu à Pénestin. Je ne sais ce qu'il sortira du Grenelle de la mer mais je doute qu'il permette d'apporter une réponse aux cas que j'ai soulevés. Je crains que le contentieux ne se développe. Je le déplore.

Réforme de la psychiatrie

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Président de la République, qui s'occupe de tout, a annoncé le 2 décembre dernier une réforme de la psychiatrie, à la suite du meurtre d'un jeune homme par un malade enfui d'un établissement psychiatrique. Outre qu'il est très imprudent de réformer la psychiatrie sous la pression de l'émotion, on sait que le rapport Couty a suscité un large débat, dont de nombreux professionnels contestent le contenu.

Il faut, a dit Mme Bachelot, respecter les libertés individuelles. Raison de plus d'entendre les professionnels qui craignent une instrumentalisation sécuritaire de leur discipline avec les mesures annoncées et, pour certaines, mises en oeuvre par le Président de la République, dont les chambres d'isolement, les unités pour malades difficiles, l'utilisation du bracelet électronique, la réforme de l'hospitalisation d'office et l'obligation de soins. En revanche, rien sur l'embauche des personnels pour soigner correctement les patients... Tout cela s'inscrit dans la logique des nombreuses lois votées depuis 2002 qui stigmatisent les malades mentaux aux côtés des pauvres et des étrangers, assimilent maladie mentale et délinquance et préconisent, en se fondant sur le concept flou de dangerosité, la mise à l'écart, voire l'enfermement à vie avec la rétention de sûreté.

La sectorisation, a indiqué Mme la ministre, ne serait pas mise en cause ; dont acte. Mais, du fait de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, une dissociation entre l'hospitalisation et l'extra-hospitalier au détriment de la continuité des soins est à craindre. Il serait donc sage d'attendre. Les professionnels, fortement mobilisés, demandent un moratoire d'au moins un an avant une autre réforme de la psychiatrie pour organiser des états généraux et un large débat public.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Madame Borvo-Cohen Seat, il n'y a rien de choquant à ce que le Président de la République s'occupe d'un sujet aussi important que celui de la santé des Français. Ensuite, aura lieu un débat, comme cela a été le cas pour la loi Hôpital, à l'Assemblée nationale et au Sénat où chaque parlementaire pourra dialoguer avec le ministre et faire évoluer la loi.

Après avoir excusé l'absence de Mme Bachelot, retenue ce matin, permettez-moi d'observer que le plan Psychiatrie et santé mentale 2005-2008, doté de 476 millions, a eu un impact positif sur l'organisation des soins psychiatriques, notamment avec les schémas régionaux d'organisation des soins de troisième génération. Le développement des prises en charge ambulatoires et à temps partiel a été conforté par l'allocation de plus de 50 millions, ce qui a permis, vous ne l'ignorez pas, la création d'environ 1 500 postes. En outre, a été mise en place une offre graduée de soins en fonction des pathologies, de l'âge et des situations cliniques des patients avec la création, entre autres, d'unités spécifiques pour les adolescents dans la majorité des régions -unités que nous connaissons bien en tant qu'élus locaux.

Parallèlement, la réflexion sur la psychiatrie, dont le rapport Couty a constitué une étape majeure, se poursuit pour mettre au point le cadre de la politique de santé mentale. Concernant la réforme de l'hospitalisation d'office annoncée par le Président de la République en décembre 2008, le ministère de la santé, pour réviser la loi de juin 1990, procédera à une très large concertation avant de proposer un projet de loi auquel vous aurez l'occasion d'apporter votre pierre, madame Borvo, lors de son examen au Sénat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous n'avez pas répondu précisément à ma question... Mme Bachelot, dites-vous, entend mener une large concertation. Mais, pour l'heure, les professionnels ainsi que nous-mêmes sommes dubitatifs, d'autant que le Gouvernement casse les services publics essentiels (M. Hubert Falco, secrétaire d'État, soupire) et applique une logique entrepreneuriale aux politiques publiques, y compris en matière de santé. Bref, se donner du temps pour réformer la psychiatrie et ne pas céder aux pressions du Président de la République est une idée qui mérite d'être entendue.

Lutte contre la piraterie dans l'océan Indien

Mme Maryvonne Blondin.  - Le golfe d'Aden, deuxième axe de transport maritime mondial via le canal de Suez avec 16 000 navires par an, est une route capitale pour le commerce international. Le doublement des actes de piraterie entre 2007 et 2008 y menace tant les navires de pêche -les quatre cinquièmes de la production de thon tropical, je le rappelle, proviennent de l'océan Indien- que ceux du Programme alimentaire mondial et touche durement la France, ainsi que le Bretagne en particulier.

Face à ce phénomène, l'Union a lancé l'opération Atalanta, prévue jusqu'en décembre 2009, dont l'amiral Jones a dressé un bilan positif lors d'une réunion à Bruxelles le 13 mai dernier : l'escorte systématique des navires du PAM, l'encouragement des compagnies maritimes à organiser des navigations groupées mais aussi la capture de 52 pirates ainsi que l'interception de plusieurs navires « mères » qui servaient de base logistique. La navigation sous pavillon européen est donc un atout, contrairement aux affirmations de nombreux armateurs qui font le choix d'immatriculations complaisantes. La coopération entre le Kenya et l'Union européenne a, de plus, permis de poursuivre et d'emprisonner les pirates.

Pour autant, il est à craindre que les effets de cette opération soient ponctuels si l'on ne s'attaque pas aux causes profondes de la piraterie et à la misère, terrain propice au développement mafieux d'une piraterie organisée, aux moyens de plus en plus sophistiqués, avec des bases extraterritoriales qui compliquent leur identification.

Face à cette situation, nous devons trouver une réponse adaptée et rapide. Quelles mesures de long terme prendra la France pour protéger l'ensemble des navires vulnérables ? Le succès de ces opérations, qu'elles soient européennes ou françaises, dépendra du niveau des ressources allouées et de la mobilisation d'unités telles que le GIGN, militaires bien que rattachées au ministère de l'intérieur, spécialement formées à la prise d'otage.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - La réunion du 13 mai à Bruxelles, à laquelle j'ai assisté, a été l'occasion de détailler les résultats positifs de l'opération Atalanta. Elle assure aujourd'hui la sécurité d'environ la moitié du trafic maritime dans le golfe. A l'exception d'un cas, l'ensemble des navires ayant demandé la protection d'Atalanta et respecté ses instructions ainsi que tous les navires du PAM ont transité sans encombre.

Concernant les navires de pêche, la tâche est délicate : il s'agit de surveiller une cinquantaine de thoniers, dont 17 français, éparpillés sur une superficie équivalente à quatre ou cinq fois la France, attaqués par des pirates qui opèrent parfois à plus de 800 km de leurs côtes. D'où l'importance des ressources militaires que vous avez soulignées, madame le sénateur, à juste titre. La force aéronavale Atalanta est constituée de 13 bâtiments, dont 3 français, et de 3 avions de patrouille maritime, dont un français. Dans la zone évoluent également une force navale sous commandement américain de 6 bâtiments ainsi que des navires russes, chinois...

Pour la saison des pêches, le dispositif a été renforcé. Au plan européen, la réponse passe par une combinaison de moyens, dont l'opération Atalanta, élargie pour prendre en compte la zone des Seychelles, associée à un dispositif d'information des pêcheurs.

La France a en outre décidé d'assurer ponctuellement la protection de ses pêcheurs par l'armée, selon des modalités en cours de définition entre les services de défense et les armateurs. Notre pays, avec d'autres partenaires comme l'Espagne, très sensibilisée, consacre des moyens importants à ce problème.

L'opération européenne est un succès et nous sommes favorables à sa prolongation après 2009 mais, ainsi que vous le soulignez, ce n'est pas par ces seuls moyens que nous mettrons fin aux actes de piraterie. C'est pourquoi nous sommes fortement mobilisés pour éviter que la situation en Somalie ne tourne au drame. Car convenons qu'aucune perspective de développement n'y sera possible tant que n'y sera pas assuré un minimum de paix et de sécurité. La lutte contre la piraterie passe donc aussi par le retour à la stabilité.

Mme Maryvonne Blondin.  - Je vous remercie de votre réponse. Si je suis particulièrement sensible, comme bretonne, aux risques qu'encourent les bateaux au départ de nos côtes, je sais aussi, comme membre de la délégation française à l'UEO, les efforts déployés au niveau européen. Je me pose cependant une question sur l'assaut du Tanit. L'intervention de nos troupes de gendarmerie, très entraînées contre les prises d'otages, n'aurait-elle pas été de nature à éviter le drame ?

Actes de décès des déportés non revenus des camps nazis.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - A ce jour, moins de la moitié des 115 500 personnes déportées de France, selon les chiffres du ministère -déportation dite « raciale » et « de répression » confondues- ont fait l'objet d'un acte de décès rédigé selon les dispositions de la loi du 15 mai 1985 et publié au Journal officiel. Ce qui signifie qu'aux yeux des lois et du code civil français, les déportés sans acte de décès sont toujours considérés, plus de soixante ans après leur disparition, comme vivants !

La loi du 15 mai 1985 impose au ministre des anciens combattants d'intervenir soit d'office, soit à la demande d'un ayant cause du défunt, pour que soit apposée la mention « Mort en déportation » sur l'acte de décès des déportés non rentrés des camps nazis. Elle est sans ambiguïté : « Lorsqu'il est établi qu'une personne a fait partie d'un convoi de déportation sans qu'aucune nouvelle ait été reçue d'elle postérieurement à la date du départ de ce convoi, son décès est présumé survenu le cinquième jour suivant cette date, au lieu de destination du convoi ».

Or, dans un courrier envoyé en réponse à la lettre d'une requérante dans le cadre de ce dossier, votre cabinet semble la remettre en cause, précisant que « tous les déportés n'ont pas été exterminés lors de l'arrivée aux camps » et que la règle prévue par l'article 3 de la loi ne peut alors trouver à s'appliquer. C'est pourtant bien pour lever de telles incertitudes que cette règle avait été posée.

Alors que la politique mémorielle de la France souffre de dangereuses hésitations, l'approche qui semble être celle de votre cabinet ne peut que semer l'inquiétude et rendre pessimiste quant au règlement rapide de dossiers qui restent en souffrance plus de soixante ans après les faits.

Avez-vous oui ou non l'intention, monsieur le ministre, de veiller au strict respect de la loi du 15 mai 1985 et de rendre justice aux requérants, vous engageant par là en faveur de la reconstruction d'une politique mémorielle enfin digne de ce nom ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Il n'y a, monsieur le sénateur, aucune hésitation mémorielle, bien au contraire. Jamais la France n'a mené, en ce domaine, une politique aussi engagée. Le Président de la République s'y implique personnellement.

Notre souci n'est pas de mettre en cause la loi de 1985 mais de surmonter les difficultés d'interprétation de ce texte, qui ont freiné la régularisation des dossiers, ceci afin de répondre aux attentes des familles et accélérer le rythme de traitement des dossiers. Car si le cas de 56 000 d'entre eux a été réglé, près du double reste en effet en souffrance.

Mme le garde des sceaux, saisie par notre ministère, a diffusé, le 29 octobre, une circulaire à tous les parquets pour que la loi de 1985 soit uniformément appliquée et que la mention « Mort en déportation » puisse figurer sur les actes. Il n'en reste pas moins qu'il est indispensable d'instruire les dossiers, ce qui peut se traduire par un certain nombre d'investigations, comme l'envoi de courriers aux mairies pour rechercher l'existence d'actes déclaratifs de décès, ou d'actes de naissance pour les étrangers d'Europe de l'est. Toutefois, pour la grande majorité d'entre eux, les services peuvent appliquer d'emblée les dispositions de la loi. Deux cas de figure peuvent néanmoins se présenter. Soit l'on n'a eu aucune nouvelle à la suite de la déportation, auquel cas la loi s'applique ; soit le déporté a été vu dans son camp d'arrivée ou dans un autre, et c'est alors au tribunal de grande instance qu'il revient de régulariser le décès.

Le travail de l'administration ne se limite donc pas à appliquer uniformément la règle des cinq jours mais à rechercher l'information dans les documents d'archives, d'où quelques difficultés pour les archives de certains pays.

C'est ainsi que certains dossiers soit ne répondent pas aux conditions définies pour l'application directe de la loi, soit sont incomplets. Soyez cependant assuré que mon administration a conscience du devoir qui est le nôtre d'honorer les victimes par un acte mémoriel.

M. Charles de Courson m'ayant récemment interpellé, à l'Assemblée nationale, au sujet de ses grands-parents, je me suis employé à contrôler les moyens humains et la formation et les méthodes de travail des personnels employés au traitement des dossiers. Vous voyez que je sais aussi balayer devant ma porte pour que nous parvenions, dans les mois qui viennent, au bout de la démarche, afin d'honorer comme nous le devons la mémoire des déportés.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Votre réponse a le mérite du volontarisme et dissipe le malentendu né du courrier de votre cabinet. Il est vrai que la circulaire du garde des sceaux avait pour ambition d'accélérer la régularisation des dossiers, mais les résultats ne sont pas probants. Alors que le Gouvernement s'apprête à accueillir un nouveau garde des sceaux, il serait bon qu'il lui assigne, parmi ses premières tâches, celle de veiller à une application plus zélée de la circulaire de son prédécesseur.

Hébergement des personnes dépendantes dans l'Aude

M. Marcel Rainaud.  - Le dernier recensement nous oblige à prévoir sans tarder les équipements sanitaires dont nos aînés auront besoin, notamment les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Ainsi, parmi les 341 022 habitants de l'Aude, 38 654 ont plus de 75 ans, contre 31 698 en 1999. J'ajoute que 95 620 personnes sont âgées de 40 à 59 ans. Ces données ont permis au conseil général d'élaborer en 2005 les grandes lignes du schéma départemental des établissements et services à l'horizon 2010. La construction d'un certain nombre de maisons de retraite était ainsi programmée jusqu'à fin 2011. En un premier temps, lorsqu'il est apparu que le rythme de la médicalisation des Ehpad par le programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie allait commander la réalisation de notre projet, nous avons informé les promoteurs et les élus d'un décalage de deux ans, qui nous paraissait raisonnable.

Toutefois, le financement assuré par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour 2009, 2010 et 2011, via le programme interdépartemental, impose de ralentir la construction à un point tel qu'il faudra dix ans pour achever le schéma.

Un tel retard entraînera une distorsion considérable entre les besoins médico-sociaux de la population et les lits destinés aux personnes âgées dépendantes, sans même parler de la maladie d'Alzheimer. On ne saurait accepter un tel manquement aux promesses du chef de l'État dans ce domaine. Les avertissements des élus locaux ont été délibérément ignorés, alors même qu'un financement accéléré des Ehpad participerait à la relance de l'économie, tout en étant conforme à l'évolution démographique.

Que compte faire le Gouvernement pour que chaque personne âgée dépendante soit admise dans un établissement cohérent avec sa pathologie et ses moyens, souvent modestes ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Je souhaite rappeler à la Haute assemblée l'ampleur de l'effort consenti par l'État dans l'Aude en faveur des personnes âgées dépendantes. Ainsi, 378 nouvelles places ont été autorisées au cours des trois dernières années en Ehpad, outre 18 places d'hébergement temporaire et 16 places d'accueil de jour. L'assurance maladie a par ailleurs financé 154 places de services de soins infirmiers à domicile. Ces 566 nouvelles places en trois ans -et les 140 emplois soignants pérennes et qualifiés qu'elles nécessitent- coûtent 5,5 millions d'euros à l'assurance maladie.

J'ajoute que toutes les places ont été médicalisées pour satisfaire les besoins des personnes âgées dépendantes, ce qui a permis de créer de nombreux emplois, harmonieusement répartis sur le territoire.

Cette action s'amplifie en 2009, dans l'Aude comme sur l'ensemble du territoire, avec 216 places nouvelles dans votre département.

Reste que si la charge financière incombant au conseil général de l'Aude est indéniable pour la dépendance, elle reste bien plus réduite en matière d'hébergement, puisque le département a exclu de l'aide sociale presque tous les établissements privés. Cette option politique freine l'action des promoteurs qui souhaitaient une habilitation partielle à l'aide sociale et gêne l'accès des personnes concernées à des places aux coûts maîtrisés. En outre, certains établissements peinent à monter en charge.

Je tiens à rappeler que les Ddass et les Drass oeuvrent quotidiennement à une prise en charge de qualité, notamment quant à la présence de personnel soignant. Il a donc été décidé, il y a trois ans, de proposer aux établissements une nouvelle génération de convention, qui augmente les effectifs soignants de quelque 30 %. Mais cette politique de l'État n'est pas toujours accompagnée par les départements, notamment parce qu'ils devraient financer une partie des aides soignantes.

Ces éléments objectifs montrent que, loin de manquer à ses engagements dans le département de l'Aude, l'État conduit une politique dynamique afin de répondre dans la durée aux besoins de nos aînés.

M. Marcel Rainaud.  - Cette réponse, qui n'est pas à la hauteur des enjeux, est celle d'une occasion manquée d'anticiper à long terme les besoins sanitaires de nos ainés.

Je regrette la position du Gouvernement sur cette question, qui devrait susciter l'unanimité.

Modalités des expulsions d'étrangers

M. Richard Yung.  - Ma question porte sur les modalités d'expulsion par voie aérienne des étrangers en situation irrégulière.

Le 18 avril, j'ai été témoin de troubles suscités par une reconduite à la frontière au départ d'un vol Air France à destination de Niamey. Confrontée aux protestations légitimes de la personne expulsée, qui avait été menottée à son siège avant même l'arrivée des passagers et qui était entourée par une demi-douzaine d'agents de la police de l'air et des frontières (PAF), une partie des passagers a manifesté son soutien à l'intéressé et son indignation face aux méthodes utilisées.

Je ne porte pas de jugement sur le fond de l'affaire mais on peut comprendre que des personnes ayant acheté un billet pour un voyage normal répugnent à voyager dans des conditions rappelant ces trains qui partaient vers l'Allemagne, qu'elles aient été choquées par cette situation.

La moitié des passagers se sont lancés, debout, dans des protestations prolongées. Ils discutaient avec les agents de la PAF -qui ne se sont jamais départis de leur courtoisie dans l'exercice de leur difficile métier, ce dont je leur rends hommage. Je souligne également la diplomatie et la patience dont a fait preuve le personnel commercial d'Air France, qui sert souvent d'intermédiaire entre la PAF et les passagers alors que son uniforme l'expose à une certaine confusion avec la police. Ma question ne porte donc nullement sur les relations humaines.

Plus de deux heures après l'heure prévue du décollage, le commandant de bord a demandé que la personne en voie d'expulsion soit débarquée, ce que la PAF a refusé. Face à ce blocage entre deux autorités, le commandant de bord a fini par décider d'annuler le vol. A ce moment seulement, la PAF a revu sa position. Il est vrai que l'expulsé avait été victime d'un malaise...

J'en viens à ma question.

Par référence à la marine, on dit toujours que le commandant de bord est le seul maître de son aéronef, mais cela n'est juridiquement vrai qu'à partir du moment où les portes sont fermées et où les moteurs tournent. Jusque-là, l'appareil est réputé faire partie du territoire national et la police peut, à juste titre, faire valoir qu'elle applique une décision de justice.

Il y a donc en réalité un conflit entre l'autorité de la PAF et celle du commandant de bord d'Air France.

A défaut d'avoir trouvé une solution en amont, il faut au moins gérer une situation quelque peu moyenâgeuse, mauvaise pour l'image d'Air France.

Comment le Gouvernement envisage-t-il ce type de difficultés ? Qu'entend-il faire pour éviter que de tels incidents ne se répètent à l'avenir ?

M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Vous avez dit que vous ne vous prononciez pas sur le fond. Vous en avez pourtant la légitimité. Adhérez-vous à la politique européenne en faveur d'une immigration légale, seul vecteur d'intégration ? Approuvez-vous la lutte conduite contre l'immigration clandestine ? Soutenez-vous le développement solidaire en faveur des pays d'origine ? Si vous partagez ces objectifs, vous approuvez les reconduites à la frontière.

J'espère avoir mal compris vos paroles. Dans ce cas, je vous présenterai mes excuses, mais il me semble vous avoir entendu assimiler ces expulsions aux convois des nazis en vue de l'extermination des Juifs et des Tziganes. Vous répondrez sans doute que ce n'est pas du tout ce que vous aviez en tête...

Les personnes hostiles à la reconduite aux frontières estiment habituellement que les opérations groupées, dites « charters », sont indignes.

D'un autre côté, on prétend que cela ne peut pas non plus être une reconduite individuelle ! Je serais donc intéressé d'entendre votre suggestion à ce sujet...

Sur les conflits d'autorité entre le commandant de bord et la police, lors de l'expulsion d'un étranger par voie aérienne, il me faut vous rappeler les textes. Le commandant de bord d'un vol commercial, aux termes des articles L. 422-2 et L. 422-3 du code de l'aviation civile, est responsable de l'exécution de la mission et a autorité sur toutes les personnes embarquées. Il peut différer ou suspendre le départ et, en cours de vol, changer éventuellement de destination s'il l'estime indispensable à la sécurité, sous réserve d'en rendre compte en fournissant les motifs de sa décision. De plus, son autorité sur toutes les personnes embarquées lui donne la faculté de débarquer tout passager susceptible de présenter un danger pour la sécurité, la salubrité ou le bon ordre à l'intérieur de l'aéronef.

Lors d'une reconduite à la frontière d'un étranger en situation irrégulière, le commandant de bord est systématiquement informé par télécopie transmise par sa compagnie, au minimum trois heures avant le décollage, de la présence de personnes reconduites avec ou sans escorte. Sur place, l'accès à l'appareil de la personne reconduite et de son escorte ne se fait qu'après accord verbal du commandant de bord ou du chef de cabine. Dans le cas que vous évoquez, il ne s'agissait pas juridiquement d'une reconduite à la frontière mais du réacheminement d'une personne non admise sur notre territoire national parce qu'elle ne remplissait pas les conditions pour y entrer. Mais quoi qu'il en soit, l'embarquement d'une personne éloignée obéit à l'instruction du 17 juin 2003 relative à l'éloignement par voie aérienne des étrangers en situation irrégulière. Cette instruction tient compte des pouvoirs du commandant de bord et vise à assurer la sécurité du vol et de toutes les personnes présentes. La difficulté peut donc parfois venir des pouvoirs du commandant de bord qui peut mettre en échec une mesure d'éloignement prononcée par une autorité administrative ou judiciaire, ou l'obligation de réacheminement qui incombe au transporteur en application d'une convention internationale. Pour des raisons évidentes de sécurité, c'est l'appréciation du commandant de bord qui s'impose aux escorteurs.

Les incidents demeurent heureusement extrêmement marginaux, d'autant que la grande majorité de ces retours s'effectue sans escorte policière. Et, depuis le début de l'année, il n'y a eu que 24 cas de refus d'embarquement par le commandant de bord. C'est pourquoi nous n'envisageons pas, actuellement, de modifier un dispositif légal qui concilie sécurité aérienne et lutte contre l'immigration irrégulière.

M. Richard Yung.  - Nous sommes respectueux de la loi et, lorsqu'une décision de justice sanctionne une entrée illégale sur le territoire, elle doit être exécutée. On pourrait aussi faire remarquer qu'on laisse un grand nombre d'employeurs profiter de ces migrants illégaux, mais c'est une autre histoire...

Vous venez de m'indiquer que la décision du commandant de bord s'impose aux escorteurs : c'est le bon sens même. Dans le cas que j'ai évoqué, le commandant de bord auquel j'ai personnellement parlé n'était pas favorable à cette expulsion et il avait demandé que la personne réacheminée soit débarquée. La PAF lui a opposé un refus têtu pendant deux heures ! C'est anormal.

Réforme de la formation des enseignants

M. Yves Daudigny.  - Depuis plusieurs mois, la mobilisation au sein des IUFM, comme celui de Laon dans l'Aisne, témoigne de la forte inquiétude des futurs enseignants et de leurs professeurs face au projet de réforme de la formation. Le système peut certes être amélioré, mais il a le mérite d'offrir aux futurs enseignants un cursus fondé sur deux piliers : l'enseignement théorique des savoirs et l'apprentissage du métier d'enseignant grâce à une année au cours de laquelle les stagiaires alternent formation universitaire et formation professionnelle en situation, c'est-à-dire devant les élèves

La réforme prévue est inquiétante pour quatre raisons. D'abord, en supprimant l'année de stage en alternance, l'État fera des économies, mais on détruira un fonctionnement équilibré qui, associant formation théorique et formation professionnelle, dote les futurs enseignants des connaissances théoriques nécessaires et des méthodes pédagogiques pour transmettre ces connaissances. Un grande inquiétude existe pour la première année de prise de fonction qui reposerait sur une alternance de deux tiers de temps en classe et d'un tiers en formation continue alors que la proportion était jusqu'à présent inverse pour les lauréats aux concours de l'enseignement qui passaient une année en IUFM.

La deuxième inquiétude tient au recrutement au niveau mastère 2. Quel contenu pour ces mastères ? Existera-t-il un cadrage national garantissant l'unité des formations sur l'ensemble du territoire ?

La troisième inquiétude n'est pas la moindre. La suppression de l'année de stage rémunérée n'implique pas seulement la disparition d'une année de pratique pourtant nécessaire. Elle sonne le glas d'un système de recrutement démocratique qui offrait aux jeunes de tous milieux la chance d'accéder à la fonction enseignante et, avec elle, à une promotion sociale. Qui pourra dorénavant s'offrir le sacrifice, ou plutôt le luxe, de trois années d'études supplémentaires ?

Quatrième inquiétude, la disparition du maillage territorial que formaient les IUFM dans chaque département. Celui de l'Aisne groupe une soixantaine de formateurs qui assurent la préparation au concours de 180 PE1, la formation professionnelle de 172 PE2 -professeurs des écoles stagiaires-, la formation continue de 235 nouveaux enseignants titulaires et des enseignants en poste dans le département, ce qui représente au total 4 668 journées/stagiaires pour l'année. Nous avons maintenant la perspective d'une disparition totale à Laon du pôle universitaire de formation des maîtres, avec toutes les conséquences sociales, économiques, culturelles et humaines qui en découleront pour la ville et le territoire. Sans parler du conseil général de l'Aisne, propriétaire des bâtiments et qui, depuis 1997, a investi plusieurs centaines de milliers d'euros.

C'est à toutes ces inquiétudes que je demande au Gouvernement de répondre. Il en va de l'avenir de l'école républicaine.

M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Je tiens d'abord à excuser mes collègues Valérie Pécresse et Xavier Darcos qui, empêchés, m'ont prié de répondre en leur nom.

Les IUFM sont des composantes universitaires. Ils font partie de l'université. Mais, rassurez-vous, les compétences et la culture de la formation professionnelle des enseignants qu'ils concentrent -et qui leurs sont particulières- seront pleinement mobilisées dans la réforme. L'université est un lieu de formation professionnelle. Préjuger qu'elle ne le serait pas va à l'encontre de sa vocation -éprouvée en médecine ou en droit par exemple- que renforce encore sa troisième mission inscrite dans la loi de 2007.

Le recrutement des futurs enseignants au terme de cinq années d'études sanctionne un parcours à la fois académique et professionnel. Ce sont les deux volets de la formation qu'il faut renforcer à la fois, celui des connaissances et celui des compétences.

Le nouveau modèle de formation est à bâtir. La commission Marois-Filâtre, lancée le 20 mai dernier, qui consulte largement l'ensemble des acteurs de la formation des maîtres, fera, à Xavier Darcos et à Valérie Pécresse, des propositions pour que les universités offrent des mastères pertinents pour une formation à la fois professionnelle et académique de grande qualité.

L'année de stage n'est pas supprimée, elle est reculée d'un an. Xavier Darcos a prévu d'aménager la première année de fonctionnaire stagiaire pour permettre aux professeurs débutants de bénéficier lors de leur entrée dans le métier, à la fois du compagnonnage d'un professeur expérimenté et d'un temps de formation professionnelle complémentaire. Pour que cette entrée dans le métier se fasse de manière progressive, un temps de décharge de service d'un tiers est prévu.

II n'y a pas de lien consubstantiel entre la réforme et la disparition éventuelle d'antennes départementales d'IUFM. Ces antennes seront des relais d'une formation de proximité, notamment dans le cadre des stages qui devront être effectués en mastère. Si les étudiants préparant les concours ne sont pas suffisamment nombreux pour justifier ces antennes, un dialogue devra s'établir entre universités et collectivités locales pour maintenir d'autres types de formation. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, très attachée au maintien d'une carte universitaire équilibrée, sera attentive à la pérennité des centres universitaires de proximité.

M. Yves Daudigny.  - Cela ne répond pas à toutes nos inquiétudes, notamment à celles du conseil général de l'Aisne qui, dans un voeu unanime, a fait part des conséquences économiques et sociales qu'aurait, pour la ville de Laon et pour le département, la disparition de l'IUFM. En 1991, il s'engageait à conserver la propriété des bâtiments pour favoriser l'implantation d'une antenne de l'institut dans l'Aisne. Dès 1992, il dépensait plus de 2 150 000 francs pour le fonctionnement et l'investissement. Entre 1997 et 2002, il a investi 1 137 000 euros pour le réaménagement du bâtiment 2. Dans les trois dernières années, le département a consacré 382 200 euros à l'IUFM. Aujourd'hui, les collectivités territoriales, dont le conseil général, sont de nouveau aux côtés de l'État pour investir près de 2,3 millions dans la construction d'un restaurant universitaire. Quels sera l'avenir de ces équipements ?

Avenir du Livret A

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La crise actuelle et, surtout, les affaires politico-économiques que connaissent les banques provoquent une méfiance croissante à l'égard des établissements financiers.

Malgré la loi de modernisation de l'économie, il est urgent de rassurer les Français quant au devenir de leurs économies.

La plupart des établissements bancaires, nouveaux venus sur le marché du livret A, dénoncent l'énergie des anciens privilégiés à déployer un véritable arsenal défensif. Ces manoeuvres dilatoires sont d'autant plus choquantes que l'objectif poursuivi par le livret A -financer le logement social et la politique de la ville- justifierait qu'on s'affranchisse de ces querelles intestines. Comment allez-vous sanctionner les établissements bancaires qui ne satisferaient pas aux obligations légales en matière de transfert du livret A ?

Les épargnants sont aussi préoccupés par le taux d'intérêt du livret A, qui a été ramené à 1,75 % : comment comptez-vous garantir l'épargne des français ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.  - Je vous prie d'excuser Mme Lagarde.

Le livret A connaît un succès indéniable. Depuis le 1er janvier, 6 millions de nouveaux livrets ont été ouverts et 22 milliards supplémentaires ont été collectés. Nous devons ce succès à la LME et à la liberté nouvelle qu'elle a ouverte. Bercy a élaboré une procédure pour faciliter les transferts de livret A, fondée sur un formulaire-type. Quand un client veut ouvrir un livret A dans une banque, c'est à celle-ci de se charger des formalités de transfert -ce qu'elle ne fait guère. Le Gouvernement est attaché à ce que la procédure fonctionne.

Le 20 mai, Mme Lagarde a rappelé aux banques leurs obligations en la matière, les amendes qu'elles encourent et les sanctions fiscales qui pourraient frapper les clients multi-détenteurs. Une réunion du 6 mai a rappelé la réglementation et restauré un climat de dialogue entre les réseaux. Vous voyez que le Gouvernement est mobilisé sur le sujet.

Quant à la rémunération, elle est fixée selon un mécanisme d'indexation, en particulier sur l'inflation.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Vous ne m'avez pas pleinement rassurée. Certains établissements bancaires se livrent à de véritables manoeuvres d'intimidation pour bloquer les transferts.

Tarifs des syndics de copropriété

M. Christian Cambon.  - Je souhaite appeler une nouvelle fois votre attention sur l'opacité qui entoure la facturation des prestations de syndics de copropriété. La France compte 8 millions de logements en copropriété -dont 40 % appartiennent à des ménages modestes- qui regroupent 21 millions de personnes. Or les charges de copropriété sont de plus en plus lourdes, à cause des pratiques tarifaires des syndics professionnels.

Le Conseil national de la consommation (CNC) s'en est assez inquiété pour émettre une injonction le 27 septembre 2007. Il donnait quinze mois aux syndics pour s'y conformer. Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à contrôler l'application de cet avis et à le transformer en arrêté si les contrôles s'avéraient décevants. Dix-huit mois après l'avis, où en est-on ?

Quatre enquêtes indépendantes, portant sur 4 600 contrats, montrent qu'à peine 50 % des professionnels respectent l'avis. Sept organisations nationales de consommateurs et copropriétaires vous ont fait part de leurs constats et vous demandent de tenir vos engagements. Les organisations professionnelles de syndics n'ont aucune enquête sérieuse à opposer aux copropriétaires et se contentent de faire pression sur Bercy en faisant valoir les problèmes de rentabilité des cabinets. C'est pour le moins déplacé en un temps de baisse du pouvoir d'achat pour les copropriétaires.

Les copropriétés sont gérées, pour plus de 60 % des lots, par de grands groupes progressivement rachetés par des banques. Les quatre enquêtes évoquées montrent que les petits syndics -derrière lesquels les grands voudraient s'abriter- sont plus respectueux de l'avis du CNC que les grands.

Envisagez-vous désormais d'adopter un texte normatif pour mettre fin à ces tarifs jugés abusifs par tous les observateurs ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.  - Ce sujet intéresse la vie quotidienne d'un grand nombre de nos concitoyens. Le baromètre de la DGCCRF a révélé qu'une part significative des difficultés rencontrées par les copropriétés tenait à la répartition entre les charges de gestion courante et les charges exceptionnelles. J'ai donc souhaité que les prestations des syndics soient incluses dans un forfait dont les bases sont définies et formalisées selon les recommandations de la CNC. Cette harmonisation doit permettre aux copropriétaires de comparer les prix, et donc de les faire baisser.

J'avais donné six mois aux professionnels pour s'y conformer. Les premiers résultats de l'enquête menée auprès de 750 syndics montrent que les contrats conclus depuis lors sont globalement conformes. Par la suite, ont été examinés 1 446 syndics et 2 500 nouveaux contrats ; les premiers résultats ont été confirmés. Le renouvellement des contrats se poursuit et j'ai rappelé aux professionnels de l'immobilier mon attachement à ce dossier. S'il apparaît que leurs efforts s'essoufflent, je me réserve de prendre un arrêté. Mais, pour le moment, je constate une réelle amélioration de la situation et je reste confiant dans la volonté des acteurs d'appliquer la mesure.

M. Christian Cambon.  - J'insiste sur l'importance de ce problème, principalement pour les petits copropriétaires en région parisienne, où les charges de copropriété représentent souvent l'équivalent d'un loyer.

Une information gouvernementale, comme vous savez si bien les faire, serait bienvenue pour aider les petites copropriétés à comparer et mettre en concurrence les syndics.

Projet d'établissements publics d'enseignement primaire

M. Yannick Bodin.  - Une proposition de loi déposée par trois députés de la majorité en octobre dernier prévoit la création d'établissements publics d'enseignement primaire (Epep), possibilité offerte aux communes par l'article 86 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

En 2006, un projet de décret a été repoussé par les organisations syndicales et l'Association des maires de France. Longtemps gelé, le projet est ressorti, à l'initiative du ministre de l'éducation nationale, en mai 2008. Les expérimentations, prévues pour 2007, seraient finalement lancées à la rentrée 2009. La proposition de loi devait être examinée par l'Assemblée nationale en janvier, puis en février-mars, puis silence... Une fois n'est pas coutume, l'urgence n'a pas été déclarée ! Certes, le Parlement fixe désormais une partie de son ordre du jour mais quel est l'avis du Gouvernement sur le fond ?

Tout cela est très confus, d'autant que la réforme suscite beaucoup d'interrogations et d'inquiétudes. Réaliser des expérimentations est une bonne chose, mais encore faut-il en analyser les résultats et tirer les conclusions qui s'imposent. Malgré l'échec de vos négociations avec les organisations syndicales et la réticence de l'AMF, comptez-vous défendre cette réforme ? Où en est le Gouvernement concernant la création des Epep ? Des expérimentations seront-elles lancées, et quand ? La proposition de loi est-elle toujours d'actualité ? Allez-vous garantir le maillage institutionnel et associatif existant, notamment la présence des délégués départementaux de l'éducation nationale dans les conseils d'école ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.  - Veuillez excuser M. Darcos.

L'organisation de l'école de la République est inchangée depuis 1880, alors que ses missions ont profondément changé. La loi de 2005 sur l'école a ouvert la voie à l'expérimentation des Epep. Contrairement aux collèges et aux lycées, les écoles n'ont pas la personnalité morale ; il s'agit de les doter d'un statut juridique permettant une gestion moderne et efficace. Trois députés ont déposé une proposition de loi visant à généraliser les Epep : les écoles de plus de quinze classes seraient regroupées automatiquement, celles de plus de treize classes sur la base du volontariat. L'objectif est de mieux gérer les effectifs. L'examen de la proposition de loi, prévue au premier semestre 2009, n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour du Parlement mais le Gouvernement est prêt à entamer le débat.

M. Yannick Bodin.  - Merci de ces précisions. Je ne me suis pas exprimé sur le fond, car le débat ne fait que s'ouvrir. Cette réforme ne pourra se faire qu'en écoutant les syndicats d'enseignants, les associations de parents d'élèves et les maires, et en veillant à éviter la bureaucratisation de la fonction de directeur d'école. J'espère qu'elle sera l'occasion de confirmer, sinon de renforcer, le réseau citoyen que constituent les délégués départementaux de l'éducation nationale.

Statut de l'élu local

M. Adrien Gouteyron.  - Lors du débat sur la révision constitutionnelle, j'avais défendu un amendement de M. Puech selon lequel la loi définit « les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales », intégré à l'article 34 de la Constitution. Le garde des Sceaux avait estimé que l'amendement consacrait l'importance du statut de l'élu local.

Les élus locaux sont les nouveaux « hussards noirs de la République », pour reprendre l'expression de Péguy. Dans une société atomisée, nous avons plus que jamais besoin de modérateurs, accessibles et à l'écoute. Les maires sont des médiateurs, des gestionnaires, des aménageurs : une bonne partie du territoire de la Haute-Loire ne serait pas accessible sans eux. Ce sont aussi des bâtisseurs d'avenir, obligés de penser loin. Or ils ont parfois le sentiment que l'État ne s'intéresse à eux que pour leur adresser circulaires et instructions : ils se sentent seuls, délaissés. Ils arborent parfois leur écharpe tricolore, mais restent des obscurs, rarement sous le feu des projecteurs...

Il est temps de reconnaître dans la loi leur importance au sein de la République. Où en est la préparation des textes prévus par la Constitution ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Au nom du Gouvernement, je m'associe à cet hommage rendu aux nouveaux « hussards noirs de la République ».

De nombreuses mesures, consacrées par la révision constitutionnelle, dessinent d'ores et déjà un véritable statut de l'élu local : droit spécifique à la formation, dispositifs d'autorisations d'absence ou de crédit d'heures pour concilier activité professionnelle et mandat, régime d'assurance maladie et d'assurance vieillesse, mesures facilitant la réinsertion professionnelle en fin de mandat.

Quant au problème récurrent de la responsabilité pénale des élus, la loi du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon, fut une avancée majeure.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a confirmé la nature législative de ce statut mais n'implique pas en elle-même le dépôt d'une nouvelle loi. Toutefois, dans le cadre de la future réforme des collectivités territoriales, le Gouvernement soumettra au Parlement des mesures tendant à renforcer le droit à la formation des élus locaux et à étendre l'indemnité de fin de mandat à toutes les communes, sans distinction de taille. Voilà des signes concrets de l'attention que l'État prête aux élus locaux.

M. Adrien Gouteyron.  - Je vous remercie d'avoir rappelé les dispositions existantes, mais si nos concitoyens connaissaient le montant de la retraite des élus, ils seraient surpris par sa modicité ! J'ai cru un temps que rien de nouveau n'allait se passer. Vous annoncez des mesures et je m'en réjouis : il s'agira d'un aspect extrêmement important des réformes à venir.

Fonds de compensation de la TVA

M. Jean Boyer.  - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur. Je reviens avec insistance sur l'accès des collectivités de montagne au versement anticipé du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Il faut saluer la décision du Gouvernement de permettre aux communes qui se sont engagées à augmenter leurs dépenses d'équipement en 2009 par rapport à la moyenne des années comprises entre 2004 et 2007 de bénéficier du remboursement anticipé de la TVA. Cette mesure contribuera à la création de richesses et d'emplois.

Néanmoins, toutes les communes n'ont pas droit à ce ballon d'oxygène. Dans les zones de montagne -vous connaissez bien le Cantal, monsieur le ministre-, les fonds disponibles ont été écrêtés par les frais imprévus occasionnés par la neige et le gel durant cet hiver long et rigoureux, ainsi que par les dépenses relatives à la « viabilité hivernale », c'est-à-dire à la circulation des véhicules. En outre, les crues de novembre 2008 ont fait subir aux voiries des dégâts importants.

Je rappelle que les communautés de communes sont chargées de l'investissement et les communes du fonctionnement. Or les fonds de roulement de ces dernières ont été largement amputés. Un remboursement anticipé de la TVA serait donc bienvenu ; dans certains cas, il est même indispensable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - J'ai signé, il y a quelques semaines, une convention entre l'État et les communes de Brioude et de Fontannes, dans votre département. Je tiens à remercier les élus et les pouvoirs publics pour leur implication dans la mise en oeuvre du remboursement anticipé de la TVA, d'ores et déjà adopté par de nombreuses collectivités. Il s'agit là de la mesure phare du plan de relance. Les collectivités des départements ruraux ou montagneux, comme les nôtres, en ont largement profité, en Haute-Loire comme ailleurs dans le Massif central.

Le Gouvernement a pris en considération les contraintes pesant sur certaines collectivités, notamment les plus petites. Pour calculer l'augmentation de l'investissement, nous nous référons à la moyenne des quatre exercices compris entre 2004 et 2007 afin d'éviter les perturbations dues aux événements exceptionnels ou aux « bosses d'investissement » traditionnelles avant les élections municipales. Nous avons également reporté au 15 mai la date de signature des conventions afin de permettre aux élus de préparer leurs projets d'investissement.

Assouplir plus encore le dispositif n'aurait pas été conforme à la philosophie du plan de relance car l'objectif du versement anticipé du FCTVA est de favoriser les collectivités participant activement au soutien à l'investissement en 2009. Cette mesure connaît un réel succès : pas moins de 19 540 collectivités ont signé une convention avec l'État pour un montant prévisionnel de dépenses d'équipement de 54,5 milliards d'euros, soit une hausse de 54,3 % par rapport à l'investissement moyen entre 2004 et 2007. Près de la moitié des communes, 90 % des départements et la quasi-totalité des régions ont adhéré à ce dispositif qui a également pour intérêt de rendre pérenne le versement anticipé de TVA. Au lieu des 2,5 milliards d'euros prévus, nous y consacrerons entre 4 et 4,5 milliards d'euros en plus des 5,9 milliards versés au titre de l'année 2007. Ces sommes impressionnantes témoignent du succès de la mesure et de la volonté des collectivités locales de jouer le jeu de la relance.

M. Jean Boyer.  - J'ai bien entendu vos arguments mais la morosité est contagieuse et les communes qui n'ont pas signé de convention avec l'État en sont atteintes. Celles des zones de montagne ne demandent aucun privilège mais seulement que l'État prenne en compte les surcoûts occasionnés par la neige et le verglas.

Indemnisation des arboriculteurs touchés par le gel

M. Bernard Piras.  - J'attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche -qui l'est encore pour quelque temps...- sur l'indemnisation des arboriculteurs suite au gel exceptionnel du printemps 2008, notamment dans la Drôme. Parmi les agriculteurs qui avaient déposé une demande d'indemnisation au titre des calamités agricoles, beaucoup ont vu leur dossier rejeté sous prétexte d'un taux de spécialisation ou d'un taux d'endettement trop faible. On pénalise ainsi ceux qui ont cherché à se diversifier ou à limiter leur endettement : c'est inique ! De même, les exploitants couverts par une assurance récolte ont été moins bien indemnisés que ceux qui ont bénéficié de la procédure de calamité agricole.

N'oublions pas que les arboriculteurs ont subi ces dernières années des épisodes répétés de gel, de grêle et de tempête ainsi que les ravages du virus de la sharka. Lors de son déplacement dans la Drôme en mars 2008, M. Barnier promettait que la Drôme ne serait pas oubliée. Quelles mesures compte-t-il donc prendre pour venir en aide à ses arboriculteurs ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Le gel survenu en mars et en avril 2008 a gravement touché les arboriculteurs de votre département, comme ceux de toute la vallée du Rhône. Pour leur venir en aide, le Gouvernement a pris deux types de mesures. Il a d'abord décidé, pour faire face à la crise, de mobiliser 5 millions d'euros du Fonds d'allégement des charges (FAC) et 5 autres millions sous forme de prêts de consolidation : 914 000 euros ont été attribués au département de la Drôme au titre du FAC et 554 000 au titre des prêts de consolidation. Ensuite, les pertes subies ont été indemnisées à hauteur de 80 millions d'euros, dont 15 millions pour la Drôme, par le biais du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA).

Les mesures de crise ont pour objet de réduire temporairement les charges financières des exploitations et d'éviter aux plus affectées ou au plus endettées de se retrouver en cessation de paiement : cela explique que nous ayons retenu ces critères d'éligibilité. S'agissant de l'indemnisation, le souhait du Gouvernement est d'encourager le transfert progressif du régime d'indemnisation par le FNGCA vers un régime assurantiel. Afin d'éviter que les agriculteurs ayant consenti cet effort soient moins bien traités que ceux qui sont indemnisés par le FNGCA, M. le ministre de l'agriculture a décidé, à titre exceptionnel et dérogatoire, que le FNGCA pourrait compléter l'indemnisation versée par l'assureur.

Je pense que ces dispositions répondent aux préoccupations légitimes des arboriculteurs de la Drôme.

M. Bernard Piras.  - Je vous savais spécialiste du découpage électoral -je ne dis pas du charcutage, nous verrons bien... Je salue votre éclectisme de ce matin.

Je vous remercie de cette réponse et des dispositifs dérogatoires que vous avez annoncés. Mais alors que les calamités se multiplient, une iniquité demeure au détriment des arboriculteurs qui ont fait des efforts de diversification et de bonne gestion. Il faut revoir les critères d'éligibilité. Je saisirai le successeur de M. Barnier de cette question. Les mauvais élèves ne doivent pas être favorisés au détriment des bons.

Mesures agri-environnementales en Charente-Maritime

M. Michel Doublet.  - La mise en oeuvre des mesures agri- environnementales (MAE) est un enjeu majeur pour les zones humides du marais charentais. C'est le seul outil permettant de préserver les prairies humides et de soutenir l'élevage dans ces espaces sensibles et peu productifs. Le ministère m'a récemment transmis une réponse plutôt satisfaisante sur le traitement des dossiers de la campagne 2008 ; mais la campagne 2009 est particulière pour les marais charentais : alors qu'on compte 275 demandeurs pour une surface dépassant 7 000 hectares, il faut assurer le prolongement de nombreux contrats d'agriculture durable qui arrivent à échéance, notamment de contrats apicoles susceptibles d'être renouvelés pour cinq ans sous forme de MAE-Api mais non classés comme prioritaires. Pour que leur financement soit assuré sans pénaliser les MAE territorialisés, des financements complémentaires sont nécessaires, à hauteur de 150 000 à 200 000 euros pour les MAE-Api et de 1,5 à 2 millions d'euros pour les MAE Natura 2000-marais. Or, les enveloppes annoncées ne permettront de répondre qu'à 60 % des besoins.

Il importe d'éviter tout plafonnement qui remettrait en cause le travail de diagnostic et les négociations ayant permis de définir le contenu des contrats. Les exploitations les plus concernées pour des surfaces en marais risqueraient en outre d'être pénalisées. Envisagez-vous d'affecter au projet MAE Natura 2000-marais une enveloppe spécifique ?

Les agriculteurs du marais demandent depuis de nombreuses années la mise en place d'un dispositif spécifique pour la préservation des prairies naturelles et des élevages dans les zones humides. La journée mondiale des zones humides, le 2 février dernier, a une nouvelle fois mis en avant la nécessité de préserver nos espaces sensibles. La Charente-Maritime est particulièrement concernée avec plus de 100 000 hectares de marais reconnus pour leur biodiversité exceptionnelle. Après plus de quinze ans de politiques agri-environnementales, le temps est venu d'un dispositif durable. Plusieurs expérimentations ont été menées dans le marais poitevin depuis 2002, notamment la création d'une indemnité spéciale « zones humides ». La deuxième campagne du dispositif fondé sur les mesures agri-environnementales, qui engage pour cinq ans les agriculteurs avec un cahier des charges plus contraignant, devrait faire l'objet d'une première évaluation courant 2009. Quelles mesures pérennes pourraient être mises en oeuvre rapidement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Dans le cadre des MAE, la mise en oeuvre de dispositifs territorialisés est un enjeu majeur pour les zones Natura 2000 et les zones importantes pour la préservation de la ressource en eau au sens de la directive-cadre sur l'eau. Compte tenu des objectifs ambitieux du Grenelle de l'environnement et conformément à ses engagements, l'État contribue en 2009 au financement de ces dispositifs pour plus de 60 millions d'euros, contre 28 en 2007. Au niveau régional, ces crédits sont répartis par le préfet de région selon une clé qui tient compte des surfaces des zones Natura 2000 et relevant de la directive-cadre. La région Poitou-Charentes bénéficie ainsi d'une enveloppe de 4,1 millions d'euros, complétée par une dotation de 800 000 euros pour assurer le renouvellement d'une part importante des contrats agri-environnementaux. Cette somme peut aussi être complétée au niveau régional par un cofinancement du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). D'autres financeurs peuvent également intervenir.

Les zones humides peuvent en outre bénéficier d'un accompagnement spécifique par le biais de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ou du bail environnemental. Dans le marais poitevin, un complément expérimental à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels a été mis en place en 2004 et concerne 15 600 hectares pour un montant annuel de 1,3 million d'euros, cofinancé par le programme d'intervention territoriale de l'État « Marais poitevin» et le Feader. Ce dispositif a été reconduit pour la programmation 2007-2013.

M. Michel Doublet.  - Les enjeux sont importants : votre réponse me rassure. Je me rapprocherai du préfet de région pour voir comment ces dispositifs complémentaires peuvent être intégrés au schéma départemental des zones humides.

Service de réanimation de l'hôpital de Manosque

M. Claude Domeizel.  - Le sujet de ma question n'entre pas dans vos attributions, monsieur le ministre, encore que le découpage électoral puisse être assimilé à un travail de chirurgien... (Sourires)

Par un courrier du 22 avril 2009, M. le Premier ministre m'a informé de la mise en place à l'hôpital de Manosque, actuellement en reconstruction, d'un « service de réanimation adapté ». Je m'interroge sur la réalité de ce nouveau concept. Comment se situe-t-il parmi les dispositifs habituels, la réanimation, les soins intensifs et la surveillance continue ? De quels moyens disposera-t-il ? Sera-ce un service de surveillance continu amélioré ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Je vous prie d'excuser Mme Bachelot-Narquin qui assiste à Luxembourg à une réunion des ministres de la santé de l'Union. Je fais office ce matin de chirurgien polyvalent, mais je ne me risquerais pas à suppléer un des praticiens de l'hôpital de Manosque... (Sourires)

Cet hôpital a bénéficié, sur décision de l'ARH, d'une extension de six à huit lits de son service de surveillance continue. Mme la ministre de la santé a souhaité renforcer l'encadrement médical et paramédical d'un service qui sera désormais « de haute technicité » et dont la transformation permettra la prise en charge de patients présentant de plus lourdes pathologies.

Autrement dit, le service de réanimation adaptée, évoqué par le Premier ministre, ne sera autre qu'un service de surveillance continue de haute technicité dont les activités seront mieux financées dans le cadre de la campagne tarifaire de 2009, entrée en vigueur le 1er mars. Enfin, rappelons que l'implantation d'un service de réanimation est prévue par le schéma régional de l'organisation sanitaire à Dignes afin de ne pas disperser les moyens en réanimation, comme le recommande la Société française d'anesthésie et de réanimation.

M. Claude Domeizel.  - Si certains auraient préféré à un service de surveillance continue, fût-il de haute technicité, un service de réanimation à Manosque, je vous remercie de cette réponse qui éclairera les personnels et, surtout, les patients qui, hélas !, auront à fréquenter cet établissement.

La séance est suspendue à midi vingt.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 15 heures.