Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.
Annulation du permis de conduire d'un employé
Mme Françoise Férat. - Je souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Il est nécessaire que les employeurs soient systématiquement avertis en cas d'annulation du permis de conduire de l'un de leurs employés ayant des obligations de conduite. Si l'employeur peut licencier un salarié au motif que celui-ci a perdu son permis, il n'existe aucune procédure lui permettant d'être automatiquement informé que l'un de ses employés ne possède plus de permis valable. Or il arrive de plus en plus souvent que des salariés ayant perdu leur permis du fait d'infractions répétées au code de la route au volant de leur véhicule personnel le dissimulent à leur employeur et continuent de conduire, parfois pendant plusieurs mois, dans le cadre de leur travail : souvenez-vous du drame survenu en février dernier à Grigny. Comptez-vous mettre fin à cette anomalie juridique ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Vous avez raison de soulever ce problème, sur lequel un accident récent a attiré notre attention. Vous qui connaissez bien le monde de l'entreprise, madame, vous avez sûrement d'autres exemples en tête.
La réglementation actuelle ne permet pas à l'employeur d'avoir accès aux données nominatives concernant le permis de conduire de ses employés : plusieurs articles à valeur législative du code de la route limitent strictement le nombre de personnes à qui ces informations peuvent être divulguées.
Mais l'émoi suscité par le drame survenu en février -un accident de car au cours duquel cinq personnes ont été blessées alors que le chauffeur avait vu son permis invalidé- a conduit le Gouvernement à mettre en place un groupe de travail associant des représentants des ministères des transports, de l'intérieur, de la justice et du travail ainsi que des délégués du secteur professionnel des transports, afin de réfléchir au moyen d'avertir l'employeur en cas de perte du permis de conduire d'un de ses employés. La question est épineuse, car toute nouvelle réglementation devra se concilier avec la nécessaire protection des données individuelles et des libertés publiques.
Nous réfléchissons à la possibilité d'annexer au contrat de travail une déclaration sur l'honneur où le salarié communiquerait les informations relatives à son permis de conduire. En outre, nous envisageons de mettre en place un système d'alerte par lequel l'employeur serait informé lorsqu'un salarié verrait son permis de conduire annulé ou que son nombre de points passerait sous un certain seuil.
Je souhaite que ce groupe de travail, qui n'est pas une façon d'enterrer le problème, rende ses conclusions avant l'été afin que celles-ci puissent être mises en oeuvre au plus vite.
Mme Françoise Férat. - J'ai en effet eu connaissance dans mon entreprise d'une situation inconcevable où, pendant plusieurs mois, le chauffeur d'un camion de gros tonnage dont le permis avait été invalidé a continué à conduire, avec deux ouvriers à bord du véhicule. Je me réjouis de la mise en place de ce groupe de travail. Vous connaissant, monsieur le ministre, je sais qu'il ne servira pas à enterrer la question.
Transports scolaires
M. Jacques Blanc. - Je m'adresse à la fois au secrétaire d'État chargé des transports et à l'ancien ministre de l'agriculture qui fut à l'origine de la loi de développement des territoires ruraux (DTR).
L'article 29 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, la Loti, prévoit, dans un alinéa ajouté par la loi DTR, qu'« en cas de carence de l'offre de transports, notamment suite à une mise en concurrence infructueuse, il peut être fait appel à des particuliers ou des associations inscrits au registre des transports ». Cette disposition a créé des conditions plus favorables aux collectivités locales : il ne s'agissait nullement de remettre en cause le rôle des transporteurs professionnels, mais d'autoriser les départements à remédier à la carence de l'offre, lorsqu'un seul candidat répond à l'appel d'offres et qu'il pratique des prix prohibitifs.
Mais qui juge de la carence de l'offre ou du caractère infructueux de la mise en concurrence ? Cette insécurité juridique pose problème, notamment dans un département rural comme la Lozère. Il est nécessaire de fixer l'interprétation de cet article.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - En tant que président d'un conseil général, je suis aussi particulièrement sensible à cette question.
La notion de carence de l'offre, notamment suite à une mise en concurrence infructueuse, doit être appréciée au regard du droit général des marchés publics et ne peut faire l'objet d'une interprétation propre au secteur des transports scolaires.
Lorsque, dans le cadre d'une mise en concurrence, une seule offre est présentée et qu'elle est appropriée, l'autorité publique peut soit conclure le marché, soit déclarer la procédure sans suite pour un motif d'intérêt général. Elle ne peut pas la déclarer infructueuse puisqu'il y a une offre. En revanche, lorsque les prix proposés sont excessifs et l'offre inacceptable, il y a carence de l'offre et la procédure est déclarée infructueuse.
C'est donc le contenu de l'offre unique, et non son caractère unique, qui détermine la situation de carence et donne le droit à l'autorité organisatrice de recourir aux particuliers ou aux associations, sous le contrôle du juge administratif.
Cette procédure, vous le voyez, est assez souple. Il revient en dernière instance à la commission d'appel d'offres et au président de la collectivité de se prononcer.
M. Jacques Blanc. - Le cas des transports scolaires est tout de même spécifique, puisqu'il est seul concerné par l'alinéa ajouté en 2005 à l'article 29 de la Loti à l'initiative de M. Forissier, alors secrétaire d'État à l'agriculture. Si je comprends bien, c'est en fonction du montant de la proposition que l'autorité publique pourra décider de ne pas attribuer le marché et de déclarer la procédure infructueuse sans risquer une condamnation.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Tout à fait.
Sécurisation des réseaux de distribution d'électricité
M. Michel Teston. - Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la nécessaire sécurisation des réseaux de distribution d'électricité.
Au cours des derniers mois, la France a été touchée par de fortes intempéries : de très fortes chutes de neige dans le Massif central du 15 décembre 2008 à la fin du mois de février 2009, des chutes de neige en région marseillaise début janvier, le passage de la tempête Klaus dans le sud-ouest le 24 janvier et de la tempête Quentin dans le centre et le nord le 10 février.
Ces intempéries ont provoqué d'importants dégâts sur les réseaux de distribution d'électricité, privant des milliers de foyers d'électricité et de chauffage, parfois pendant plusieurs jours, en dépit de la formidable mobilisation du personnel d'ERDF et de ses prestataires qu'il faut une nouvelle fois saluer.
L'importance de ces dégâts s'explique par le faible taux d'enfouissement (37 %) des réseaux de distribution d'électricité en France, combiné à la dégradation de leurs performances relevée dans le rapport annuel 2008 de la Commission de régulation de l'énergie.
Les investissements de rénovation et les prévisions d'enfouissement des réseaux ne sont pas à la hauteur des besoins en matière de sécurisation. Ils ne permettraient pas d'atteindre avant longtemps le taux souhaitable de 50 % alors que l'Allemagne a déjà enterré 75 % de son réseau de transport et de distribution.
Quels enseignements le Gouvernement a-t-il tiré des récents épisodes d'intempéries en ce qui concerne la sécurisation du réseau de distribution d'électricité ? Comment entend-il renforcer les dispositifs de communication, en période de crise, entre d'une part, le concessionnaire et d'autre part, les autorités concédantes et les usagers ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - La fin de l'année 2008 et le début de l'année 2009 ont été marqués par des épisodes climatiques exceptionnels : le 14 décembre 2008, suite à un épisode de neige collante, 100 000 particuliers ont été privés d'électricité dans le Massif central ; le 24 janvier 2009, suite au passage de la tempête Klaus dans le sud-ouest de la France, 1,7 million de particuliers ont été privés d'électricité ; le 10 février, suite au passage de la tempête Quentin sur l'ouest et le nord de la France, 900 000 particuliers ont été privés d'électricité.
RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité, et ERDF, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, ont immédiatement mobilisé plusieurs milliers de personnes, qui, dans des conditions difficiles, ont rétabli en moins de cinq jours l'alimentation électrique de 90 % des usagers qui en étaient privés, conformément aux engagements pris dans le contrat de service public entre l'État et le groupe EDF.
M. Borloo a toutefois demandé aux présidents de RTE et d'ERDF d'établir un retour d'expérience concernant chacun de ces événements et il a décidé de lancer prochainement une mission d'inspection générale qui proposera un plan d'action pour sécuriser durablement les réseaux de distribution d'électricité.
ERDF s'est engagé depuis 2005 à construire plus de 90 % des nouvelles lignes moyenne tension en technique souterraine, objectif que l'entreprise a dépassé chaque année. Il a lancé en 2006 un plan Aléas climatiques qui prévoit l'enfouissement de 30 000 km de réseau moyenne tension en dix ans, accompagné d'un programme d'élagage. Ce plan sera complété en fonction des retours d'expérience et des travaux de la mission d'inspection.
RTE a pris des engagements importants sur la mise en souterrain des lignes nouvelles dans le cadre de son contrat de service public avec l'État ; en 2008, 60 % des lignes à haute tension créées ou renouvelées l'ont été en souterrain. Suite aux tempêtes de 1999, RTE a lancé un programme de sécurisation mécanique de son réseau ; son montant sera porté de 113 à 180 millions l'an.
Les futurs tarifs d'utilisation des réseaux permettront une nette accélération des investissements, qui amélioreront la sécurité de l'alimentation en électricité des usagers. Pour ERDF, M. Borloo a demandé à la Commission de régulation de l'énergie de retenir un programme d'investissements ambitieux dit « Redressement ciblé de la qualité », prévoyant le doublement des dépenses d'investissements entre 2008 et 2012. Pour RTE, le Gouvernement demande à la C3 de modifier sa proposition tarifaire afin de respecter l'échéance 2017 de son programme de sécurisation mécanique.
Enfin, la Présidence de la République a mandaté le secrétariat général de la défense nationale pour qu'il élabore un plan de gestion de crise nationale en cas de rupture de l'alimentation électrique. Un volet « communication » figurera dans ce plan.
M. Michel Teston. - Je vous remercie pour la précision de cette réponse. Les très longues et fortes chutes de neige de cet hiver ont eu des effets catastrophiques dans la partie montagneuse de l'Ardèche.
Il faut aller plus loin que le plan d'action de 2006. Ce n'est pas 30 000 mais 50 000 kilomètres de lignes à moyenne tension, que la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies voudrait qu'on enfouisse en dix ans, sans parler des 70 000 kilomètres de lignes à basse tension. Ces programmes doivent être intégrés au plan de relance.
La même fédération souhaite une meilleure gestion des groupes électrogènes. (M. le ministre approuve) Il faut aussi faire des progrès en matière de communication lors des épisodes d'intempéries.
Conflit de compétences pour le traitement des déchets
M. Alain Vasselle. - Je salue la polyvalence des membres du Gouvernement ! (Sourires)
On constate de plus en plus souvent des désaccords et des tensions entre les collectivités compétentes en matière de traitement des déchets et les conseils généraux au moment de la révision des plans départementaux. L'échelon intercommunal assume le plus souvent l'entière responsabilité de la gestion de la collecte et du traitement des déchets et ne comprend pas la volonté de certains conseils généraux d'exercer ce qui s'apparente de plus en plus à un contrôle d'opportunité.
Une collectivité qui aurait délibéré pour recourir à un mode de valorisation associant tri, méthanisation et incinération avec valorisation énergétique de ses déchets ménagers résiduels, qui aurait choisi un mode juridique pour le montage de son projet, qui aurait retenu le site d'implantation, qui aurait recruté son assistance technique pour constituer le dossier de consultation des entreprises, pourrait voir son projet non retenu par un conseil général chargé du plan départemental en cours de révision, donc non arrêté, alors même que l'ensemble des documents préparatoires à cette révision recensent clairement l'existence du projet de la collectivité concernée !
Si, en outre, le projet en question permet à la collectivité légitimement compétente de dépasser les objectifs réglementaires et ceux définis dans le Grenelle de l'environnement, sur quels fondements constitutionnels et juridiques un conseil général pourrait-il s'appuyer pour exclure le projet de la collectivité du futur plan révisé ?
Une circulaire d'avril 2007 précise « que ce serait une interprétation erronée des textes de voir la planification comme un instrument pour imposer des projets aux collectivités compétentes en matière de collecte ou de traitement des déchets ménagers ». Un plan départemental qui s'opposerait ainsi à un projet intercommunal serait-il légal ? Ce serait une tutelle d'une collectivité sur une autre et ce n'est pas ainsi qu'on atteindra rapidement les objectifs du Grenelle de l'environnement !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Je connais un peu le sujet : président d'une intercommunalité, j'ai demandé au président du conseil général, qui n'est autre que moi-même, un plan de gestion départemental... Mais je vais vous lire la réponse du ministre.
La planification de la gestion des déchets est un sujet d'importance communautaire traité dans la directive-cadre du 19 novembre 2008. Son chapitre V précise le contenu des plans, qui doivent comporter des indications assez précises sur les nouveaux projets. Le renforcement de la planification, dans son rôle de déclinaison territoriale et opérationnelle des politiques nationales en matière de gestion des déchets, constitue aussi un engagement du Grenelle de l'environnement.
Nous vous rejoignons sur le fait que ce renforcement de la planification ne doit pas heurter le principe constitutionnel de libre exercice par les communes de leurs compétences. M. Borloo a demandé à ses services d'engager d'ici l'été les travaux relatifs à cette réforme, à la fois pour répondre aux objectifs du Grenelle et aux dispositions de la directive-cadre. Ces travaux associeront l'ensemble des acteurs concernés et notamment les représentants des différentes collectivités. Le ministre d'État estime en effet que cette question requiert une concertation approfondie, qui prenne le temps de la réflexion.
En ce qui concerne les déchets relevant de la compétence des communes et de leurs groupements, une piste pourrait être celle d'une meilleure formalisation des programmes et projets en amont de l'élaboration ou de la révision d'un plan et de leur intégration dans ces plans. Dans une telle configuration, le rôle du conseil général serait d'agir en coordonnateur des programmes et projets des instances compétentes sur le territoire départemental et avec les territoires voisins et, ce faisant, de mettre en oeuvre une gestion des déchets efficace et respectueuse des objectifs et programmes nationaux et communautaires.
J'ai interrogé mon préfet ; il m'a répondu que, lorsqu'une action de l'État était engagée, ce n'était pas au département d'agir, qu'il appartenait à l'État lui-même de continuer son action. Je suis bien convaincu de la réalité du problème posé par la coordination des compétences. Il faut pouvoir en discuter librement...
M. Alain Vasselle. - J'ai écouté avec intérêt la fin du propos du ministre. J'ai entendu la volonté du Gouvernement de clarifier les choses. Je tiens à ce que le principe constitutionnel de non-tutelle d'une collectivité sur une autre soit respecté.
J'ai bien noté que la situation était différente lorsque l'État avait préalablement engagé le processus. J'attends avec intérêt les suites de la réflexion en cours.
Répertoire national commun de la protection sociale
M. Guy Fischer. - Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le projet de décret relatif au Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ce répertoire regrouperait des données d'état civil et d'affiliation, les montants et la nature des prestations servies, les coordonnées de tous ordres déclarées par les assurés, les familles et les retraités ainsi que leurs revenus ; il offrirait dans le même temps un service de gestion des échanges informatisés aux organismes de protection sociale. Les données seraient conservées pendant cinq ans renouvelables tant que la personne concernée restera assurée.
L'article R. 144-26 précise que le droit d'opposition ne s'appliquerait pas à ce dispositif, tandis que l'article R. 114-28 renvoie à un arrêté la fixation de la très longue liste des risques, droits, prestations et organismes concernés. Selon la direction de la sécurité sociale, auditionnée par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, une soixantaine d'organismes seraient concernés par l'alimentation du répertoire, et bien plus encore y auraient accès. (M. Alain Vasselle le confirme)
Combiné à d'autres dispositifs, le répertoire multiplierait de façon considérable les possibilités de croisement de fichiers, hors de l'assentiment et de la connaissance des assurés. C'est une nouvelle attaque contre les précaires, les chômeurs et les autres personnes en grande difficulté, après ce qui s'est passé au moment du transfert du RMI et l'instauration, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, d'un contrôle systématique du « train de vie » -je cite- des allocataires de minima sociaux.
Je me suis déjà élevé contre une conception qui fait de tous les allocataires de prestations des fraudeurs, et je prédisais que le Gouvernement envisageait d'aller plus loin. Nous y sommes, avec ce super contrôle informatisé qui se met en place, attaque cynique, inacceptable et stigmatisante contre les libertés individuelles. Je demande au Gouvernement de renoncer à son décret.
M. Alain Vasselle. - Caricature !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Je vous prie d'excuser M. Hortefeux. La création du RNCPS est due à l'initiative de M. Morange, député, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ; un décret est en effet en préparation pour mettre en oeuvre cette disposition législative. Le répertoire a un double objectif : améliorer le service aux usagers et offrir aux organismes de protection sociale des outils pour mieux maîtriser les risques d'erreur et de fraude. Je ne doute pas que tout gestionnaire de l'argent public n'y soit sensible -50 milliards d'euros de prestations sont servies chaque année.
M. Alain Vasselle. - Ce n'est pas rien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Contrairement à ce que vous avez dit, le montant des prestations ne figurera pas dans le répertoire, non plus que les revenus des intéressés. Le Gouvernement a travaillé en liaison étroite avec la Cnil sur les finalités du dispositif et ses modalités de mise en oeuvre ; toutes les préconisations de la Cnil seront suivies.
J'ajoute que tout ce qui va dans le sens de l'équité et de la justice ne peut à mon sens qu'être approuvé par tous les groupes de cette assemblée. (M. Alain Vasselle applaudit)
M. Guy Fischer. - Je déplore que le Gouvernement s'entête -vous le confirmez, monsieur le ministre- à utiliser les technologies informatiques au détriment des libertés publiques et du respect de la vie privée. Le répertoire permettra demain de croiser ad libitum les données concernant les populations les plus modestes. Je ne cesserai de dénoncer cette stigmatisation des faibles.
Ce n'est pas tout, un autre mauvais coup se prépare avec le décret relatif au traitement automatisé des données à caractère personnel accompagnant, à compter du 1er juin, la mise en place du Revenu de solidarité active (RSA), prestation dont le nombre d'allocataires va nécessairement exploser avec la crise. Demain, pour percevoir quelques dizaines d'euros, il faudra tout dire de soi, de ses ressources, de sa famille ! Cette façon de faire est indigne. Alors que grandit la cohorte des travailleurs pauvres, je m'efforcerai de faire entendre la voix des plus faibles, toujours plus stigmatisés alors qu'on laisse prospérer stock options et autres retraites « chapeau ». Aujourd'hui se développe en France la « pauvreté laborieuse ».
Retraités des mines
M. Guy Fischer, en remplacement de M. Jean-Claude Danglot. - Je remplace M. Danglot, qui vient de perdre son père.
Il souhaitait attirer l'attention du Gouvernement sur l'engagement du Président de la République de mettre un terme aux inégalités de traitement qui perdurent entre les retraités des mines selon qu'ils sont partis en retraite avant ou après 1987. L'accord de 2001, que deux syndicats n'ont pas signé, entraîne en effet une discrimination entre les retraités et veuves de mineurs à cause d'un rattrapage différencié selon l'âge de départ à la retraite. La revalorisation des pensions va de 0 % pour ceux partis avant 1987, soit 80 % des pensionnés, à 17 % pour ceux partis en 2001 et 25,5 % pour ceux partis en 2008. Les écarts se creusent année après année. Et les veuves de mineur sont davantage touchées encore, la pension de réversion n'étant que de 54 % du montant de la retraite. La plupart d'entre elles vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour rétablir l'équité et tenir les promesses du Président de la République ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Je vous prie de transmettre à votre collègue mes amicales condoléances.
Dans le régime spécial des mineurs, les pensions sont calculées sur une base forfaitaire ; cette situation a conduit à partir de 1987, année depuis laquelle les pensions sont indexées sur les prix, à un décalage entre les prestations servies par ce régime et celles du régime général. Pour le corriger, un accord a été conclu avec trois organisations syndicales en 2002 pour améliorer les conditions de liquidation des pensions. Ce dispositif a toutefois été insuffisamment expliqué et compris.
Comme le Gouvernement l'a écrit à M. Danglot, la situation des retraités du régime des mines va être réexaminée. Je rappelle d'ailleurs que le régime des mines n'a pas été concerné en 2008 par la réforme des régimes spéciaux de retraite. Une première concertation a eu lieu à l'été 2008, qui a permis d'identifier les positions et propositions de chacun et d'échanger sur les mesures susceptibles d'améliorer le pouvoir d'achat des retraités les plus modestes et les plus âgés. Les discussions continuent ; un groupe de travail s'est réuni pour la première fois le 9 mars dernier et a tenu depuis plusieurs réunions techniques. Le Gouvernement souhaite que la concertation puisse s'achever ce printemps sur un consensus ; je veux au passage souligner l'esprit de responsabilité dont font preuve les organisations syndicales. Toutes les propositions seront sur la table. Le Gouvernement tiendra la Haute assemblée informée et particulièrement M. Danglot.
M. Guy Fischer, en remplacement de M. Jean-Claude Danglot. - Effectivement, les groupes politiques de l'Assemblée nationale, après avoir reçu les organisations syndicales, ont tous reconnu l'injustice et la discrimination dont souffrent les mineurs selon leur date de départ à la retraite. Après leur intervention répétée auprès du Gouvernement, le Président de la République, par lettre, s'est engagé auprès des syndicats à s'investir personnellement dans la résolution de ce problème. Mais la réunion du 16 avril n'a pas débouché sur des propositions concrètes. Bref, le traitement du problème dépasse la seule question technique. Pour débloquer la situation, le Gouvernement doit confirmer sa volonté de faire cesser cette discrimination reconnue par tous.
Crise de l'université
M. Claude Bérit-Débat. - L'université française, alors qu'elle doit appliquer le plan licence et passer à l'autonomie, traverse une grave crise qui s'enlise par la faute du Gouvernement si bien que certaines facultés entrent dans leur quinzième semaine de grève et que la délivrance des diplômes y est compromise. Plutôt que de reconnaître l'inanité de la réforme, le Gouvernement rejette la faute de cette situation sur les enseignants-chercheurs. Or les centaines de millions promis pour accompagner l'autonomie se réduisent, après calcul, à 175 millions répartis de manière très inégale. Résultat, la conférence des présidents d'université dénonce maintenant cette réforme qu'elle soutenait initialement. Comme si cela ne suffisait pas, vous voulez transformer l'université en une entreprise en instaurant pour les enseignants-chercheurs de nouvelles règles d'évaluation et de modulation de service. Mais celles-ci, à lire le décret pris en catimini durant les vacances, constituent un tel embrouillamini que l'on en retient seulement que les présidents d'université, ces nouveaux managers, auront le dernier mot.
Si certains, face à la fronde des enseignants-chercheurs -particulièrement marquée à Paris ou encore à Bordeaux-, menacent les universitaires de sanctions financières, beaucoup expriment leur crainte devant cette situation, véritable bombe à retardement. Quand le Gouvernement reconnaîtra-t-il que cette réforme ne répond pas aux besoins des étudiants et des universitaires ? Comment allez-vous mettre fin à ce trop long conflit qui pénalise étudiants et chercheurs et, pour tout dire, se révèle indigne de l'université française ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Qui est responsable de cette indignité ? La question reste entière...
Permettez-moi d'excuser Valérie Pécresse qui accompagne aujourd'hui le Président de la République à Nancy.
En 2009, l'État a augmenté le budget des universités de 17 % avec 300 millions, dont 67 millions pour le plan licence -730 millions sur 2008-2011- afin d'aider toutes les universités -j'y insiste- à favoriser la réussite de leurs étudiants lors de cette délicate année universitaire, 150 millions destinés à la rénovation des locaux -soit trois fois plus qu'en 2008- auxquels s'ajoutent les crédits de l'État via les contrats de projet État-région alloués à l'opération campus et 16 millions, qui s'ajoutent à 5 millions en 2008, pour accompagner le passage à l'autonomie et rétribuer les personnels engagés dans ce processus. Les budgets des dix-huit universités passées à l'autonomie ont progressé en moyenne de 15,5 %, contre 12,6 % pour les autres. Des moyens sont donc mobilisés pour que les universités relèvent le défi de la réforme. Pour preuve, le passage à l'autonomie à l'université de la Rochelle a été réussi grâce à l'engagement d'excellents professeurs qui sont également d'excellents managers !
M. Claude Bérit-Débat. - Certes, mais grèves et blocages continuent. Renvoyer la responsabilité de cette situation sur les étudiants et les universitaires est cavalier, voire irresponsable. De plus, je le répète, si l'on regarde de près les chiffres, le milliard promis par an à l'université se limite en 2009 à 175 millions pour le fonctionnement des universités, 70 pour le plan licence et 67 pour l'autonomie. Étonnamment, ces crédits sont répartis de manière très inégale : le budget augmente de 27 % à Lyon II contre seulement 0,5 % à Montpellier II. En outre, cette réforme qui veut transformer l'université en une entreprise provoque le mécontentement des chercheurs et des présidents d'université. Considérer l'évaluation comme l'alpha et l'oméga de l'université est excessif. Que propose le Gouvernement pour sortir de cette crise ? La question des examens et de la validité des diplômes, qui suscite de nombreuses craintes, relève bien de la responsabilité du Gouvernement, et non de celle des étudiants !
Conservatoire de la forêt méditerranéenne
M. Pierre-Yves Collombat. - Monsieur le ministre, je vous ai interrogé lors de la discussion budgétaire, comme tous vos prédécesseurs, sur les crédits alloués au Conservatoire de la forêt méditerranéenne, le CFM, sans obtenir de réponse autre que rhétorique.
A sa création en 1987, le CFM disposait d'un budget de 100 millions de francs, alimenté par une taxe nouvelle sur les briquets et une hausse de la fiscalité sur le tabac, ce qui représente aujourd'hui 22,8 millions euros, soit presque trois fois plus que les 8 millions budgétisés cette année. De fait, deux tiers de ces fonds sont utilisés à d'autres fins. Second détournement, l'essentiel des ressources résiduelles devait être consacré au financement, en partenariat avec les collectivités -j'y insiste- de quinze départements du sud de la France, des installations de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) -pistes, pare-feu, coupures agricoles- et au préfinancement du débroussaillement obligatoire, qui est de la responsabilité des maires. Mais, d'après le rapport de la Cour des comptes en 2000, 90 % de ces crédits entre 2003 et 2007 ont financé des missions à la charge de l'État, 10 % seulement des opérations relevant des collectivités territoriales. Or la plupart des communes forestières n'ont pas les moyens de préfinancer le débroussaillement d'office, non plus que d'appliquer les plans de protection des risques incendie qui leur ont été imposés. A Collobrières, commune de quelque 1 700 habitants située au coeur du massif des Maures, le simple entretien des pare-feu et des pistes DFCI coûterait 300 000 euros par an, soit 15,5 % du budget de fonctionnement communal ! Monsieur le ministre, ce détournement massif de deux tiers des ressources attribuées au CFM lors de sa création est-il légal ? S'agissant des crédits résiduels, envisagez-vous de les réorienter vers le financement d'opérations menées en partenariat avec les communes pour leur permettre de faire face à leurs obligations ?
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. - Monsieur le sénateur, l'évolution des crédits du Conservatoire depuis 1987, que vous qualifiez de détournement -je vous laisse la responsabilité de ce mot- ne peut relever de la seule responsabilité du ministre actuel de l'agriculture, de nombreux gouvernements s'étant succédé. Je suis heureux de compléter les informations que je vous avais adressées par écrit en mars après votre interpellation du 3 décembre dernier à l'occasion la discussion budgétaire. La dotation réservée en 2009 aux actions de défense des forêts contre les incendies en zone méditerranéenne a été à peu près maintenue, soit 8,9 millions contre 9,1 en 2008. Le Conservatoire, instrument financier créé en 1987 suite aux dramatiques incendies de l'été 1986, complète les crédits que le ministère consacre à la prévention des incendies de forêts dans le cadre des contrats de projets État-Région, de la convention-cadre avec l'ONF ou des conventions annuelles avec les départements dotés d'unités de forestiers-sapeurs. L'expérience accumulée lors des grands incendies de 1986 sert aujourd'hui tant en France qu'à l'étranger.
Je me suis ainsi rendu en Grèce après les incendies dramatiques de 2007.
Depuis la Lolf, la programmation des crédits du Conservatoire est déléguée au préfet de la zone de défense sud, chargé de la coordination des politiques de prévention et de lutte contre l'incendie dans les quinze départements. Ces crédits, désormais inclus dans le budget opérationnel de programme « Forêt, déconcentré régional », ont été maintenus en 2009 au niveau de 2008.
Les priorités de la programmation annuelle du Conservatoire sont fixées après avis du Conseil d'orientation de la forêt méditerranéenne, présidé par le préfet de la zone de défense sud, et qui rassemble l'ensemble des partenaires. Elles doivent toutefois être éligibles à la liste arrêtée par circulaire du 2 juillet 2007 : prévision et connaissance de l'aléa, stratégie, coordination et harmonisation, surveillance, équipements de défense des forêts, traitement des causes, prévention des dommages, information et formation, recherche et expérimentation.
Le Conservatoire participe aux investissements en matière d'équipements de défense des forêts, mais l'entretien incombe aux maîtres d'ouvrage. Il ne finance pas les travaux de prévention mais apporte son expertise ou son concours aux préfets, sachant que le maire est chargé du contrôle des débroussaillements obligatoires. Enfin, les mesures de prévention décidées dans le cadre des plans de prévention des incendies de forêts sont éligibles au Fonds de prévention des risques naturels majeurs géré par le ministère de l'écologie.
La mobilisation du ministère de l'agriculture en faveur de la prévention des incendies de forêt en zone méditerranéenne est entière, aux côtés des collectivités locales, des associations et des sapeurs-pompiers.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je sais que vous n'êtes pas responsable de tout, monsieur le ministre, et je concède qu'il y a des circonstances atténuantes, mais cela ne vaut pas absolution ! J'apprécie que vous soyez venu me répondre personnellement, malgré votre emploi du temps chargé, mais, sur le fond, vous ne me dites rien de nouveau...
Les élus qui participent au conseil d'orientation se plaignent d'y jouer les plantes vertes : le préfet de région fait ce qu'il veut, à savoir détourner les crédits, au mépris des missions confiées à l'Observatoire par Jacques Chirac ! La forêt méditerranéenne exige une action sur le long terme ; il faut aider financièrement les communes à assumer leurs responsabilités.
Aide à la gestion locative sociale
Mme Bernadette Bourzai. - L'aide à la gestion locative sociale des résidences sociales (AGLS), instituée en 2000, participe à la politique de lutte contre les exclusions. Elle finance la présence d'intervenants attachés à une résidence sociale, aptes à répondre aux difficultés que rencontrent les résidents dans leur parcours vers un logement banalisé et vers l'emploi, et à leur fournir accueil, médiation et orientation pour les rapprocher du droit commun.
L'une des fonctions de l'AGLS est de faciliter la mise en oeuvre de la loi sur le droit au logement opposable. Dans le domaine de l'insertion, l'effort doit être global et s'inscrire dans la durée. Dans l'aide aux personnes en grande difficulté, toute rupture est synonyme d'échec et de gâchis.
L'AGLS est une aide d'État, non obligatoire ; la circulaire de 2000 fixe des plafonds mais pas de plancher. Le directeur du foyer du jeune travailleur de Tulle, lui-même sensibilisé par l'Union pour l'habitat des jeunes du Limousin, m'a alertée sur un risque de réduction, voire de suppression de I'AGLS dans certains territoires en 2009, ce qui ruinerait les efforts d'associations et des centres communaux d'action sociale.
Face à la défaillance de l'État, des associations se retournent vers les collectivités territoriales. Fort sollicitées, contraintes d'assumer leurs responsabilités, mobilisées face à la crise, celles-ci sont accusées par la majorité d'augmenter les impôts...
Comment l'État compte-t-il assumer ses responsabilités ? Quelles instructions allez-vous donner aux préfets de région ?
Mme Christine Boutin, ministre du logement. - Avec plus de 70 000 places, les résidences sociales ont prouvé leur efficacité en matière d'insertion et constituent une étape importante dans un parcours vers le logement autonome. Depuis sa mise en oeuvre en 1994, ce dispositif a su s'adapter aux évolutions de la société et répondre à de nouveaux besoins, notamment ceux liés à la mobilité professionnelle. La résidence sociale prend sa place dans la gamme des réponses d'hébergement et de logement.
Le travail accompli par les gestionnaires est à saluer et à encourager. Le secteur s'est fortement professionnalisé, et la qualité des prestations offertes s'est améliorée, même si des efforts restent à faire. L'aide à la gestion locative sociale, mise en place par circulaire du 31 août 2000, assure la bonne intégration des nouveaux résidents, la médiation au sein de la résidence, la liaison avec le comité de résidents et les services sociaux, mais surtout la fluidité vers le logement ordinaire.
A l'heure où l'État se mobilise pour développer l'offre de logement adapté, notamment via le plan de relance, il n'est pas question de supprimer ni même de diminuer le soutien financier à ces structures. Le budget pluriannuel 2009-2011 du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » inscrit l'AGLS pour chacune des trois années considérées ; pour 2009, les crédits sont identiques à ceux de l'exercice 2008, soit 5,716 millions.
Le montant de l'AGLS peut être modulé en fonction des difficultés constatées dans la résidence sociale et des moyens en personnel consacrés à la gestion sociale. L'AGLS n'est pas automatique et est accordée selon la validité du projet social. Son montant comme son principe peuvent donc être revus, si les conditions de mise en oeuvre du projet viennent à changer. Enfin, l'AGLS, comme les mesures d'accompagnement social supplémentaires prévues par le plan de relance, pour 12 millions d'euros, s'ajoutent aux aides existantes des caisses d'allocations familiales ou du Fonds de solidarité pour le logement, et ne s'y substituent pas.
Mme Bernadette Bourzai. - Je vous remercie de ces assurances, en espérant qu'elles se vérifieront sur le terrain. Les associations comme les collectivités locales se sont beaucoup investies dans ce dispositif. J'ai moi-même travaillé pendant deux ans à un projet de résidence sociale pour une commune de 5 000 habitants : il aurait été scandaleux de supprimer cette aide indispensable. Nous serons vigilants.
Heures supplémentaires et APL
Mme Bernadette Dupont. - L'article premier de la loi Tepa du 21 août 2007 exonère d'impôt sur le revenu les salaires versés au titre des heures supplémentaires et complémentaires. Or l'article 2 du décret du 26 juin 2008 intègre ces éléments de rémunération dans les ressources prises en compte pour le calcul de l'aide personnalisée au logement (APL).
Cette situation aboutit au paradoxe que des salariés, qu'on encourage à travailler davantage, voient diminuer l'aide sociale dont ils peuvent bénéficier. Cela pénalise particulièrement ceux qui sont salariés au Smic : leur gain est quasiment nul. Cela risque donc de créer une trappe à inactivité en dissuadant ces salariés à travailler davantage. Entendez-vous assurer aux plus modestes une juste prise en charge sociale sans pénaliser leur activité ? Tout cela est lié au versement du RSA.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - Je vous prie d'excuser Mme Lagarde. Pour accroître le pouvoir d'achat, le Gouvernement, soutenu par sa majorité, a voulu dans la loi Tepa que les heures supplémentaires aient une rémunération majorée de 25 ou 50 %, qu'elles soient exonérées de l'impôt sur le revenu et, ce qui est une première, qu'elles bénéficient d'une réduction des cotisations sociales salariales. La dernière enquête montre que 5,5 millions de Français ont ainsi augmenté leur pouvoir d'achat de 10 % en moyenne. Il est justifié d'en tenir compte dans le calcul de l'APL.
Je comprends bien votre souci mais l'intégration de ces heures supplémentaires dans le revenu répond à un souci d'équité : pourquoi traiter différemment des salariés qui perçoivent le même revenu ? Ce ne serait ni justifié ni équitable, surtout quand ces heures supplémentaires bénéficient des déductions que j'ai rappelées.
Mme Bernadette Dupont. - Les salariés des entreprises d'insertion font très peu d'heures supplémentaires, une dizaine tout au plus. Faut-il les récompenser en les privant de l'APL ? Je crains, que par un effet pervers, ce dispositif ne les conduise à préférer toucher l'APL plutôt que d'accomplir les heures supplémentaires qui sont gratifiantes sur le plan de la dignité humaine : elles montrent qu'on est capable de travailler. Évitons donc de les priver d'APL.
Magasins de déstockage alimentaire
Mme Catherine Dumas. - Depuis plusieurs semaines, les médias soulignent l'émergence d'un nouveau mode de commerce. Installés, notamment aux abords de Paris, dans des locaux modestes, sans la moindre décoration, situés dans les quartiers les moins prospères, les magasins de déstockage alimentaire se spécialisent dans la vente de produits à peine sortis de leurs cartons d'emballage, dont la date de consommation est sur le point d'expirer et celle d'utilisation optimale dépassée.
Alors que le hard discount propose les mêmes produits tout au long de l'année, ces centres d'approvisionnement d'occasion dépendent des opportunités, des produits en fin de vie qu'ils peuvent racheter à prix cassé aux industriels ou aux réseaux classiques de distribution. Ils vendent ces produits proches de la date limite de consommation, produits que l'on donnait hier aux associations humanitaires pour les distribuer rapidement. C'est pour celles-ci la fin d'un appoint régulier et gratuit.
Ces nouveaux commerçants aux frontières de notre cadre légal, dévalorisent les dates limites de consommation ou d'utilisation optimale : quelle valeur leur accorder si l'on vend des produits qui atteignent leur date limite de consommation et dont la date limite d'utilisation optimale est fréquemment dépassée ? Le législateur avait pourtant entendu informer les consommateurs chez lesquels la confusion existe déjà dans la gestion personnelle de leur réfrigérateur. Enfin, les médias font état de pratiques de « réétiquetage » sauvage destinées à prolonger la durée de vie de produits périmés ou sur le point de l'être.
Quels sont donc les résultats de l'enquête diligentée par le ministère sur ce circuit d'approvisionnement souvent opaque et comment allez-vous réaffirmer l'utilité d'un strict respect des dates limites de vente ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - Votre question est importante et légitime. Une clarification est en effet nécessaire. Les dates limites d'utilisation optimale et de consommation sont prévues à l'article L. 112-9 du code de la consommation, qui transpose les articles 3 et 9 de la directive du 20 mars 2000 sur l'étiquetage. La date limite de consommation est impérative ; la date limite optimale de consommation est indicative. Si la première est dépassée, le produit est impropre à la consommation, tandis qu'une atteinte à la date limite optimale constitue un délit de tromperie.
La direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes a réalisé une première enquête sur onze régions. Les 257 produits contrôlés étaient conformes à la règlementation microbiologique, peut-être parce qu'ils étaient préemballés. Sur 378 établissements visités, 1,8 % seulement ont fait l'objet de suites, soit pour date limite consommation dépassée, soit pour température de stockage non réglementaire, ce qui est conforme à la moyenne. Nous disposerons bientôt des résultats de l'enquête nationale lancée en 2009.
Dans la révision de la directive « Étiquetage », nous sommes attentifs à ce que les informations nécessaires aux consommateurs soient reconnues. Nous restons également vigilants sur les pratiques de remballe des produits et sur le non-respect des dates limites.
Mme Catherine Dumas. - Votre réponse détaillée intéressera les Parisiens. Je veux souligner l'impact de ce nouveau mode de distribution sur les associations humanitaires et témoigner de l'engagement de leurs bénévoles : je l'ai encore constaté lors d'une visite des Halles avec M. Legaret, maire du premier arrondissement.
Assurances vie non réclamées
M. Hervé Maurey. - L'assurance-vie constitue l'un des placements préférés des Français : au 1er janvier, 12 millions d'entre eux en avaient souscrit une pour un encours total de 1 147 milliards, soit deux fois la capitalisation du CAC 40. Cependant, des bénéficiaires ne réclament pas leur prime : on considère que le montant des contrats non réclamés atteint 5 milliards, dus à plusieurs centaines de Français. Cette situation n'est pas tolérable d'un point de vue éthique, et elle n'est pas saine d'un point de vue économique et financier puisqu'il serait plus utile, surtout aujourd'hui, de réinjecter ces sommes dans l'économie que de les laisser dormir sur les comptes des compagnies d'assurances. La loi de 2007, que le Sénat avait votée à l'unanimité, faisait obligation aux compagnies de rechercher si les bénéficiaires des contrats étaient toujours vivants. Elle prévoyait également que le Gouvernement présenterait un rapport au Parlement avant le 1er janvier 2009. Cela n'a pas été fait. Quand l'aurons-nous et pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques informations : la loi de 2007 est-elle efficace ou faut-il aller plus loin ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - Le sujet est d'importance, mais j'observe que le montant des contrats non réclamés fait l'objet de nombreux débats : les estimations se situent dans une fourchette de un à dix milliards.
Les évolutions législatives de ces dernières années ont permis, avec les lois du 15 décembre 2005 et du 17 décembre 2007, qui forment un ensemble cohérent, de réduire le phénomène des contrats non réclamés.
La loi de 2007 a, en particulier, constitué une étape très importante, puisqu'elle permet aux organismes d'assurance de traiter les données relatives aux décès enregistrées au répertoire national d'identification des personnes physiques. Elle est devenue opérationnelle le 29 janvier dernier, avec la publication, après avis de la Cnil rendu en décembre 2008, de son arrêté d'application. Compte tenu du caractère récent de cet arrêté sur l'utilisation d'un outil appelé à jouer un rôle central dans la démarche, la remise du rapport prévu à l'article 4 de la loi a été reportée de quelques mois pour prendre le recul nécessaire à une vérification du bon fonctionnement du dispositif. Mais elle interviendra au terme du premier semestre, soit dans quelques semaines à peine. Ce rapport sera l'occasion de dresser une analyse complète sur l'utilisation des moyens de recherche, le nombre de dossiers qui auront ainsi pu être identifiés, l'état des encours et le problème du reversement au Fonds de réserve des retraites des contrats dont les actions sont prescrites.
M. Hervé Maurey. - Je me réjouis de votre réponse, en précisant toutefois que l'estimation basse de un milliard d'encours, que vous avez citée, est peu vraisemblable : c'est en effet celui qu'avaient fourni les sociétés d'assurance il y a dix ans -et l'on sait que les contrats ont augmenté depuis- et qui ne concernait pas tous les contrats. Le chiffre de 5 milliards semble donc plus près de la réalité.
J'observe en outre que l'accès au fichier de l'Insee ne résoudra pas toutes les questions : il permettra de connaître les décès, mais pas les bénéficiaires du contrat. C'est pourquoi il me semble nécessaire d'aller plus loin et de s'assurer d'un meilleur suivi, par les sociétés d'assurance, des informations fournies par les souscripteurs. Nous attendons le rapport et resterons vigilants.
Situation de l'entreprise Molex
M. Jean-Jacques Mirassou. - Je ne doute pas une seconde que M. Novelli remplacera avantageusement Mme Lagarde... (Sourires)
Je souhaitais attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie sur la situation de l'entreprise Molex de Villemur-sur-Tarn, dans le Lot-et-Garonne, dont il convient avant tout de rappeler qu'elle a enregistré, en 2008, un bénéfice de 1,2 million d'euros. La direction, déjà délocalisée aux États-Unis, a annoncé aux salariés du site la perspective prochaine d'une délocalisation. Trois cents salariés sont concernés, c'est-à-dire trois cents familles, dans un bassin d'emploi déjà sinistré. Il s'agirait « d'anticiper des pertes éventuelles » ! Tel est le seul motif fourni par la direction, qui n'a longtemps pas été en mesure de justifier son choix. Qui plus est, l'entreprise n'a pu fournir la moindre justification au cabinet d'expertise mandaté par le comité d'entreprise pour recueillir les éléments comptables permettant d'apprécier la situation de l'entreprise.
La direction, retranchée derrière le droit américain, est donc la première responsable d'un blocage qui jette des familles entières dans le marasme économique. Au point que la question avait été posée à la ministre des moyens qu'entendait engager l'État pour assurer l'application du droit du travail dans notre pays.
Depuis un an et demi, les choses ont évolué et le problème local qui se posait à l'entreprise Molex est devenu problème national. Dans l'intervalle, les salariés de Molex ont appris qu'en même temps que la direction américaine de Molex envisageait une délocalisation erratique, d'abord en Tchéquie puis en Chine, une chaîne de production alternative fonctionnait déjà aux USA -pour une production de qualité d'ailleurs discutable. La preuve est donc faite que la décision de suppression du site de Villemur était programmée de longue date et que la procédure pour délit d'entrave engagée par les salariés de Villemur se justifie pleinement.
Or, le principal client de Molex, pour la connectique, est Peugeot PSA qui a reçu, dans le cadre du pacte automobile, une somme importante de l'État. L'urgence, compte tenu des quatre mois de sursis avant la fermeture du site, consiste à rétablir les relations préférentielles de Peugeot avec le site, qui feront la preuve de sa viabilité. Le Gouvernement est en droit d'obtenir satisfaction. Est-il disposé, monsieur le ministre, à s'engager en ce sens ?
Laisser les choses suivre leur cours, ce serait mettre en danger l'indépendance de l'industrie automobile française, puisque la connectique est l'une de ses composantes essentielles. En êtes-vous conscient, monsieur le ministre ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - L'annonce de la fermeture du site de Villemur a en effet plongé les salariés de Molex dans un profond désarroi. Si leur inquiétude est légitime, je regrette qu'elle ait été instrumentalisée par certains leaders, au point de conduire à la séquestration de managers de la société : le Gouvernement condamne très fermement de telles actions, qui ne peuvent en aucun cas aboutir au règlement de la situation. Rien ne remplace le dialogue entre organisations syndicales et direction.
Grâce à l'implication des collaborateurs de Luc Chatel et des services de l'État en région dans la résolution d'une crise qui de jour en jour a gagné en intensité, un accord de fin de crise a été trouvé ; reportant au 31 octobre l'arrêt de l'activité, il a permis une reprise satisfaisante et s'accompagne de moyens supplémentaires pour la revalorisation du territoire, en donnant la priorité aux projets internes de réindustrialisation et s'appuyant sur les compétences propres au site.
Sans le dialogue de sourds qui a prévalu plusieurs semaines durant, cet accord aurait pu être conclu plus tôt. Aujourd'hui encore, les actions en justice du comité d'entreprise fragilisent cet accord, qui pourrait être le point de départ d'une relance de la négociation.
Toute entreprise engageant la fermeture d'un site assortie d'un plan de sauvegarde de l'emploi est tenue de fournir des arguments économiques. Les salariés de Molex, estimant que l'information fournie par la direction n'a pas été loyale, ont saisi la justice. Le Premier ministre l'a rappelé : si le délit d'entrave est confirmé par la justice, l'entreprise sera condamnée et nous en tirerons les conséquences. L'échéance fatidique est donc celle du 19 mai, date à laquelle le juge des référés rendra sa décision.
La situation de Molex, dont le principal client est français mais dont la production est délocalisée dans d'autres pays, fait également écho au problème des relations entre les constructeurs automobiles et les sous-traitants. L'État a mis en oeuvre, pour répondre à la grave crise qui secoue le secteur, un pacte automobile ambitieux dont la mise en oeuvre est conditionnée à une amélioration du comportement des constructeurs à l'égard de leurs sous-traitants. L'attitude de PSA fera donc l'objet d'un examen, et si nécessaire d'un rappel à l'occasion du comité que Luc Chatel réunit tous les mois.
Le pacte automobile fixe des règles que producteurs et sous-traitants doivent respecter pour maintenir la filière et la rendre à nouveau performante et pourvoyeuse d'emplois.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Comme vous, nous attendons la date fatidique du 19 mai avec impatience. Nous vous laissons la paternité de votre jugement sur les responsables de dérapages largement dus au mépris de la direction de Molex pour les salariés qui, d'après le dirigeant local, auraient un niveau intellectuel les empêchant de réaliser qu'ils sont manipulés... Pour leur part, l'ensemble des élus de Haute-Garonne ont choisi leur camp.
Vous ne niez pas la nécessité de renforcer les liens entre constructeurs et sous-traitants : il n'est que temps !
Enfin, il est contradictoire que la direction envisage des pertes pour la fin de l'année et, en même temps, demande aux salariés d'avoir une productivité encore plus grande qu'avant la crise... Nous restons extrêmement vigilants pour éviter que, une fois la crise passée, la direction de Molex ne procède, comme au rugby, à un « cadrage-débordement ».
Opérations de renouvellement urbain
M. Michel Boutant. - Je veux appeler l'attention du ministre du budget sur la situation financière des communes engagées dans des opérations de renouvellement urbain et, en particulier, sur la situation d'Angoulême. La population de ces villes diminue car ces opérations entraînent la destruction de logements et la reconstitution de l'offre se fait presque exclusivement dans les communes périphériques. C'est le cas à Angoulême, dont le dernier recensement a révélé la perte de 1 193 habitants.
Cela a pour conséquence de diminuer les dotations de l'État versées en fonction du nombre d'habitants, tandis que la destruction de logements se traduit par des pertes de taxe d'habitation et de taxe sur le foncier bâti et par un moindre rendement de la fiscalité ménage. En même temps, les conventions signées entre les villes et l'Agence nationale de renouvellement urbain (Anru) figent les recettes affectées par l'agence et par les autres cofinanceurs aux opérations de renouvellement urbain, ce qui conduit les communes, maîtres d'ouvrage, à supporter seule l'augmentation systématique des budgets de ces opérations, tout en subissant une diminution des dotations de l'État et des ressources fiscales.
Il est donc indispensable de maintenir le pacte de stabilité au profit des collectivités engagées dans des opérations de renouvellement urbain pour une durée de cinq ans au moins, durée de leur réalisation matérielle et financière. Le ministre peut-il confirmer ce maintien ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - La difficulté que vous soulevez, réelle, doit cependant être replacée dans son contexte. Ces communes peuvent, en effet, pâtir d'un transfert de population, généralement limité, qui réduit leur dotation globale de fonctionnement, mais ce manque à gagner est contrebalancé par plusieurs autres dispositifs correctifs.
Ces communes bénéficient en effet du soutien financier du programme national de rénovation urbaine : l'État consacre, via l'Anru, plus de 12 milliards aux collectivités porteuses de projets. La ville d'Angoulême, concernée par deux projets, sur les quartiers « Ma campagne » et « Basseau Grande Garenne », bénéficie de subventions de l'Anru, qui s'élèvent respectivement à 31 et 20 millions. En outre, la finalité des projets de rénovation urbaine est de redynamiser le tissu économique et social de quartiers urbains, d'y créer davantage d'activité et, donc, de procurer davantage de recettes aux collectivités locales.
Cependant, si à court terme les communes-centres subissent une baisse de leurs dotations forfaitaires, elles peuvent bénéficier de différents dispositifs. Le premier, voté dans la loi de finances pour 2009, permet de lisser sur deux ans l'impact d'une diminution des dotations de l'État pour les communes connaissant une variation de population de plus de 10 % entre 2008 et 2009, quelle que soit l'origine de la diminution de la population.
Le renforcement de la péréquation, au travers d'une dotation de solidarité urbaine (DSU) rénovée, est également un soutien aux communes engagées dans des projets de rénovation urbaine. La DSU est devenue un outil majeur de solidarité grâce à la réforme engagée depuis 2005 et encore accentuée pour 2009 : son montant a quasiment doublé entre 2004 et 2009 et, conformément aux engagements pris dans la loi de programmation pour la cohésion sociale en 2005, elle a été abondée chaque année de 120 millions.
Ensuite, le Gouvernement a lancé en 2009 la première étape d'une réforme de la DSU : l'intégralité de sa hausse, soit 70 millions, a été partagée en 2009 entre les communes les plus défavorisées d'au moins 10 000 habitants. Et Angoulême fait partie des 476 communes les plus démunies qui bénéficient d'une DSU majorée de 2 % en 2009, soit 1,7 million supplémentaire. Cette réforme de la DSU doit se poursuivre, sur la base des travaux du groupe de travail du comité des finances locales.
La nouvelle dotation de développement urbain créée en 2009, de 50 millions, est destinée à soutenir les 100 villes comportant les quartiers les plus défavorisés.
Au total, la loi de finances initiale pour 2009 consacre 120 millions supplémentaires, par rapport à 2008, à la solidarité en faveur des villes les moins favorisées. C'est la somme maximale prévue par le plan de cohésion sociale.
J'espère, monsieur le sénateur, que ces rappels vous auront convaincu du large éventail des mesures déjà mises en oeuvre au profit de nos villes engagées dans des opérations de rénovation urbaine.
M. Michel Boutant. - Certains aménagements prévus ont été sortis des conventions et reposent maintenant sur les épaules soit du département, soit de la ville d'Angoulême ; c'est le cas des centre médico-sociaux, par exemple. Même si la DSU augmente, la collectivité maître d'ouvrage est confrontée à des dépenses imprévues, avec des recettes fiscales moins importantes.
Suicide des jeunes
Mme Marie-Thérèse Hermange. - En Europe, la France a un des plus forts taux de suicide, lequel y est la première cause de mortalité des 35-44 ans et la deuxième des 15-24 ans. Sous-estimé, le suicide des adolescents est devenu un grave problème de santé publique, souvent lié à des facteurs psychologiques et sociaux, aux doutes et à l'angoisse inhérents à l'adolescence. Mais il peut être aussi lié aux addictions, souvent révélatrices des souffrances psychiques ressenties par de plus en plus d'adolescents. De nouvelles pratiques -scarifications, alcoolisme allant jusqu'au coma éthylique, poly-addictions, cyberdépendance- expriment un profond mal-être chez près de 900 000 adolescents de 11 à 18 ans.
En outre, il semblerait qu'il y ait des carences dans le suivi post-hospitalier de ces adolescents, en dépit de l'action louable des maisons des adolescents qui doivent être présentes dans tous les départements. L'accompagnement socio-éducatif et le suivi médico-psychologique de ces jeunes sont indispensables pour éviter la récidive. Il est de notre devoir de dire à ces jeunes qu'ils ont leur place dans la société et que si la vie n'est pas facile, elle vaut la peine d'être vécue.
Quelles mesures concrètes prendra Mme la ministre de la santé dans le cadre du plan national d'action face au suicide 2008-2012, pour la prévention des addictions et l'accès aux soins psychiques pour les jeunes ?
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Il n'est pas admissible que le suicide reste en France, après les accidents de la route, la deuxième cause de décès chez les jeunes de 15 à 24 ans. Même s'il est en recul depuis dix ans, la France est l'un des pays européens les plus frappés et l'addiction est un facteur de co-morbidité fréquent lors de la crise suicidaire.
Ce constat amène à s'interroger sur le lien entre comportement suicidaire, comportement addictif et comportement à risques.
Tous révèlent une grande souffrance psychique. Pour faciliter le repérage précoce de la souffrance psychique des enfants et des adolescents, le ministère de la santé, en liaison avec l'École des hautes études en santé publique (EHESP), encourage la formation des médecins de la protection maternelle et infantile, des médecins de santé scolaire et des pédiatres et cherche à associer les acteurs du monde de la santé, de l'éducation et de l'insertion sociale, familiale et professionnelle.
Le plan « Santé des jeunes » que Mme Bachelot-Narquin a présenté en février 2008 s'attaque au problème des addictions et notamment aux phénomènes d'alcoolisation aiguë. Il est fondé sur des actions de prévention et de prise en charge : des contrats cadre de partenariat sont signés par les ministères de la santé, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de l'agriculture et de la justice pour mettre en oeuvre des actions communes d'information, de repérage et de formation. Le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoire » tend à interdire la vente d'alcool aux moins de 18 ans et les open bars. Afin d'améliorer le repérage des cas difficiles et leur prise en charge, Mme la ministre soutient la création de 65 maisons des adolescents qui bénéficieront d'aides financières. Enfin, elle a confié en juillet 2008 à David Le Breton, sociologue à l'université de Strasbourg, la mission de proposer une stratégie de prévention du suicide. Son rapport a été remis récemment, et nos services travaillent actuellement à la mise en oeuvre de ses propositions.
Vous le voyez, le ministère de la santé et des sports accorde l'attention qu'ils méritent à ces douloureux problèmes.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Merci de votre réponse. Nous allons commencer tout à l'heure l'examen du projet de loi sur l'hôpital. En attendant l'ouverture des 65 maisons des adolescents que vous annoncez, il serait opportun que chaque CHU dispose d'un service de prise en charge de l'addiction et du suicide, ce qui est loin d'être le cas pour l'instant. Ces services sont moins valorisés que les services « nobles » comme la chirurgie hépatique ou cardiaque et rapportent moins d'argent à l'hôpital. C'est donc les mentalités qu'il faut changer. Je vous interrogerai dans quelque temps pour savoir si les CHU ont fait des progrès dans cette direction.
Formation des infirmiers et infirmières
M. Marc Laménie. - Les études d'infirmier sont en cours de réorganisation : un nouveau référentiel de formation proposé par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) du ministère de la santé doit entrer en vigueur à la rentrée de 2009. Le diplôme sera ainsi intégré dans la filière « licence master doctorat » (LMD).
On peut s'interroger sur le nombre important d'heures de travail personnel dans le cursus d'enseignement : ce type de formation ne paraît pas le plus approprié et ne correspond pas au profil d'études défini par les directives européennes. Aux stages de terrain de huit semaines, il serait sans doute préférable de substituer des stages plus courts, de l'ordre de cinq semaines, mais démultipliés et effectués dans un plus grand nombre de services. Enfin, les formations aux soins relationnels, aux soins éducatifs et préventifs et aux soins palliatifs ne rapportent que peu d'unités de valeur alors qu'elles correspondent à des préoccupations de plus en plus vives.
A l'heure où le Parlement réfléchit au nouveau paysage médical français et envisage de permettre aux infirmiers d'accomplir certains actes jusqu'alors réservés aux médecins, il importe que la formation initiale de ceux-là soit la meilleure possible. Quelles seront donc les choix définitifs du ministère ?
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Les infirmières et les infirmiers sont au coeur de notre système de santé. La confiance que nos concitoyens leur témoignent, le dévouement et le professionnalisme dont ils font preuve appellent une juste reconnaissance de leurs compétences, et d'abord de leur formation initiale.
Celle-ci doit mieux encore les préparer aux défis de demain : vieillissement de la population et pathologies chroniques. Une très large concertation entre les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur et de la recherche, la conférence des présidents d'université et les représentants de la profession et des étudiants a permis l'élaboration d'un programme d'études fondé, pour la première fois en France, sur un référentiel des compétences. Conformément à l'engagement du Gouvernement d'intégrer la formation des infirmiers au cursus LMD, le diplôme d'État d'infirmier sera reconnu au grade de licence dès 2012 : il s'agit là d'une avancée historique. Les infirmiers pourront ainsi se spécialiser et combler le manque de professionnels situés entre les soignants et les médecins dans notre système de soins.
A cette fin, le niveau de la formation a été amélioré par le renforcement des matières scientifiques et un contenu plus axé sur la clinique. Conformément aux directives européennes la nouvelle maquette, fondée sur la notion de crédit européen, tiendra compte de l'ensemble de la charge de travail des étudiants, y compris le travail à domicile : il ne s'agit donc que de comptabiliser les heures de travail personnel qu'ils effectuent déjà. A la demande des professionnels et des étudiants, les stages cliniques ont été allongés pour renforcer l'indispensable apprentissage auprès des malades. Enfin la durée prévue pour les soins relationnels, éducatifs et préventifs et palliatifs n'a jamais été si élevée.
Ce nouveau programme répond à la demande des professionnels et des étudiants qui pourront ainsi envisager de poursuivre leur cursus en master, voire en doctorat. J'en veux pour preuve le fait qu'il a été très largement approuvé le mois dernier par le haut conseil des professions paramédicales. Enfin, cette nouvelle formation répond aux besoins des usagers en mettant à disposition du système de soins des infirmiers mieux formés, plus autonomes et susceptibles de poursuivre leur formation à l'université tout au long de leur vie.
M. Marc Laménie. - Merci de votre réponse. Elle rassurera les étudiants qui choisissent un métier de plus en plus difficile et qui requiert un grand dévouement ; il est juste que leur formation soit reconnue à sa juste valeur et qu'elle donne lieu à la délivrance d'une véritable licence.
Maisons départementales des personnes handicapées
Mme Maryvonne Blondin. - Je souhaite alerter Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur les grandes difficultés rencontrées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour obtenir de l'État les moyens humains et financiers prévus lors de la signature des conventions qui les ont créées.
L'esprit de la loi de février 2005, qui a redonné espoir à de nombreuses personnes handicapées et à leur famille, est menacé par les graves problèmes de fonctionnement auxquels les MDPH sont aujourd'hui confrontées. Mme la secrétaire d'État a déjà été interpellée plusieurs fois à ce sujet, mais ses réponses n'ont pas suffi à dissiper nos inquiétudes. L'État manque à ses engagements : il a ainsi décidé de ne pas verser sa quote-part financière pour 2008 à la MDPH du Finistère, indiquant qu'il en irait probablement de même pour les années suivantes.
Ce désengagement de l'État nuit au fonctionnement des MDPH, qui se voient régulièrement confier de nouvelles missions : je pense à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, à la prestation de compensation du handicap pour les enfants ou encore au financement du transport. C'est grâce au financement supplémentaire accordé par les conseils généraux et au dévouement de leur personnel et des militants associatifs que les MDPH parviennent aujourd'hui à assurer la continuité et la qualité des services.
Plus inquiétant encore est le fait que l'État ne compense pas le départ des agents qu'il avait mis à disposition des MDPH alors qu'il s'y était engagé. Voilà encore un transfert de charges sans juste compensation financière, qui porte atteinte au principe de l'autonomie et de la libre administration des collectivités locales inscrit dans notre Constitution.
Cette situation n'est ni acceptable, ni supportable. Le 19 mars dernier, les membres de la commission exécutive de la MDPH du Finistère, à l'exception des représentants de l'État, ont voté en faveur d'un recours contre l'État devant le tribunal administratif, afin d'obtenir près de 156 000 euros en compensation du départ des quatre agents de l'État qui ont voulu regagner leur administration d'origine. Ils ont été remplacés par des contractuels payés par le conseil général du Finistère. Celui-ci n'avait guère le choix : quatre sur soixante, c'est énorme ! Sachez qu'en 2008, la commission des droits et de l'autonomie a examiné plus de 35 000 demandes de prestations.
Le conseil général est doté d'un budget global destiné au handicap de près de 90 millions d'euros ; il a financé la dizaine de nouveaux postes créés à la MDPH depuis son ouverture en 2006. De nombreux conseils généraux se sont déjà engagés bien au-delà de leurs obligations. Mais si l'État se refuse à honorer ses promesses, la situation des MDPH continuera à se détériorer, ce qui entraînera l'allongement des délais de réponse et d'instruction des dossiers.
Depuis leur création, les MDPH ont prouvé leur utilité. Nous devons continuer à faire de la compensation du handicap une action prioritaire, pour permettre aux personnes handicapées de trouver leur place dans la société. L'État va-t-il pleinement respecter ses engagements ?
Je m'adresse cette fois à vous personnellement, monsieur le ministre, en tant qu'élue de la Bretagne, pour vous demander si vous avez apprécié l'ambiance bretonne samedi dernier.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Oui, j'ai beaucoup apprécié l'extraordinaire ambiance qu'il y avait au Stade de France.
Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Létard, qui m'a chargé de vous faire part de sa réponse.
Je ne peux pas vous laisser dire que l'État ne s'est pas investi dans la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées, qui sont effectivement un élément clé de la réforme de 2005. Un millier d'agents de l'État sont mis à disposition des MDPH et, depuis leur création, ce sont 245 millions qui ont été consacrés par l'État et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour leur fonctionnement, ce qui en fait les premiers financeurs, à hauteur de 60 % de leur budget. L'État s'était engagé à mettre à disposition des MDPH l'ensemble des moyens, humains et matériels, qui étaient jusque là affectés aux services de l'État qui accomplissaient les mêmes tâches. Cet engagement sera tenu en 2009 : tout sera mis en oeuvre pour que les postes devenus vacants depuis la création des MDPH en 2006 soient pourvus et ceux qui ne le seraient pas seront compensés financièrement. Un premier versement provisionnel sera opéré avant l'été en fonction des besoins constatés ; le solde sera versé en fin d'année en fonction des postes encore vacants à cette date.
C'est bien parce que les MDPH ont des missions plus larges que celles qui étaient auparavant dévolues aux services de l'État que le législateur a prévu une contribution de la CNSA à leur financement. Fixée au départ à 30 millions, elle a été portée l'an passé à 45 millions.
De nouvelles réformes ont été décidées : extension de la prestation de compensation du handicap aux enfants, réforme de l'allocation aux adultes handicapés. Il fallait aux MDPH des moyens supplémentaires pour les mettre en oeuvre, nous les avons prévus : la CNSA a de nouveau augmenté de 15 millions sa dotation. La régularisation est intervenue le 5 mai.
Vous conviendrez qu'on ne peut en rester là : améliorer réellement et durablement le fonctionnement des MDPH suppose désormais de faire évoluer leur statut et celui de leur personnel. Le Gouvernement a engagé une réflexion en ce sens. Cette évolution se fera en concertation avec les différents partenaires concernés, au premier rang desquels les conseils généraux, afin de s'assurer que tout est mis en oeuvre pour permettre aux MDPH de tenir correctement et efficacement leur rôle auprès des personnes handicapées.
Mme Maryvonne Blondin. - Voilà de bonnes nouvelles ! Les sommes vont être versées aux conseils généraux, merci !
L'État doit exercer ses responsabilités et continuer à le faire. Le dispositif va s'étendre ; les conseils généraux ne pourront en assumer seuls la charge.
Tribunaux des affaires de sécurité sociale
M. Jacques Mézard. - Je reviens sur un sujet que M. Teulade avait abordé le 12 mars et je vais tenir compte de la réponse que vous-même lui aviez lue.
Il est question de supprimer les 44 tribunaux des affaires de sécurité sociale (Tass), ceux qui traitent moins de 550 dossiers par an. En Auvergne, cela reviendrait à fermer trois Tass sur les quatre existants ! Seul le Tass de Clermont-Ferrand subsisterait et serait amené à statuer sur l'ensemble des dossiers de la région Auvergne.
Comme l'ont dénoncé de nombreuses associations de défense des victimes, ainsi que des professionnels, avocats et magistrats, la fermeture des Tass serait très préjudiciable aux personnes qui saisissent ces tribunaux -où la procédure est orale et requiert donc la présence des justiciables, qui sont souvent fragiles. La disparition du Tass d'Aurillac conduirait les justiciables à effectuer cinq heures de trajet aller-retour pour se rendre à Clermont-Ferrand ! Le Conseil national des barreaux, le 19 février, s'est prononcé contre cette réforme. Si elle devenait effective, nombre de nos concitoyens -accidentés du travail, invalides, souffrant d'une maladie ou d'un handicap- seraient privés d'accès à une juridiction de proximité qui fonctionne bien. Il est d'ailleurs incohérent de créer des juges de proximité et de supprimer certains tribunaux d'instance !
Le 12 mars, vous avez répondu à M. Teulade que la concertation serait prolongée jusqu'au 3 avril et que les préfets de région « porteraient une attention particulière à la consultation des élus ». Pourtant, les élus n'ont été aucunement consultés, comme me l'a confirmé Mme Escoffier C'est très désagréable ! Les parlementaires ont pourtant un avis sur cette question qui touche des citoyens particulièrement démunis. En l'absence de toute concertation, nous ne savons même pas où en est le dossier !
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux.
Les tribunaux des affaires de sécurité sociale, au nombre de 115, sont chargés de régler les litiges d'application de la législation de la sécurité sociale. Chacun de ces Tass est présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire, assisté de deux assesseurs et d'un secrétariat composé d'agents administratifs. Les Tass constituent à ce titre une juridiction sociale.
Afin d'obtenir une meilleure affectation des moyens de la justice et d'améliorer la qualité du service public rendu aux justiciables, un avant-projet de réforme, élaboré conjointement par les ministères de la justice, du travail et de l'agriculture en octobre 2008, envisage de rassembler, au sein de Tass de taille plus importante, les Tass saisis de moins de 550 requêtes nouvelles en moyenne annuelle ; leur nombre est estimé à 44 au niveau national, dont 3 en Auvergne : Moulins, Aurillac et Le Puy-en-Velay. Cet avant-projet de réforme a été conçu dans un contexte où, grâce à la récente simplification des procédures administratives, la diminution du nombre de requêtes émanant d'institutions publiques va réduire sensiblement la charge de travail des Tass, avec un effet positif sur les délais de jugement.
Néanmoins, je tiens à préciser qu'il ne s'agit que d'un avant-projet.
Afin de vérifier l'adéquation des propositions envisagées au regard des réalités locales, notamment en matière d'accessibilité pour les justiciables, cet avant-projet a fait l'objet d'une large consultation locale en février et mars, menée par les premiers présidents de cours d'appel et les procureurs généraux près les cours d'appel et par les préfets de région. Il a été demandé à ces derniers de porter une attention spécifique à la consultation des parlementaires et des élus locaux et d'examiner en profondeur la question de l'accessibilité pour les justiciables, qui sont souvent des personnes fragilisées. Dans le même esprit, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés a été reçue par les ministères concernés.
En fonction des résultats de la concertation, qui viennent de nous parvenir et qui vont faire l'objet d'une analyse approfondie au cours du mois de mai par les ministères concernés, cet avant-projet pourra être mis en oeuvre totalement, partiellement ou bien faire l'objet d'un réexamen.
Ainsi, vous l'aurez compris, il ne s'agit ni d'un projet définitivement acté, ni d'une réforme visant à remettre en cause l'existence et la spécificité des Tass.
M. Jacques Mézard. - La concertation dont les résultats vont être analysés par les ministères concernés n'a pas eu lieu. Il est facile de s'auto-concerter !
Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour expliquer à vos collègues les difficultés de transport sur les routes du Massif Central.
La séance est suspendue à midi.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 5.